Delphine Simonis

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Poème numéro 1 d’Eté A l’improviste, c’est venu: De l’indicible, je vais tâcher d’en dire, Au moins quelques mots en dentelles, Des poussières d’étoiles pareilles A l’une de celle qui borda nos pas ce soir Sous l’étang et le parc silencieux, A l’abri du ciel bleu nuit, la marche éternelle De ce début d’un bien que j’accueille sans rêve Simplement là, telle que tu me permets d’être Nous cherchant, sans rien exiger déjà. Tous les chemins sont encore ouverts. Rien n’a encore été barré. Rien ne me retient encore, De m’acheminer vers ce bel aurore, De m’enfoncer vers ce qui sera mon sort. Tu es arrivé sans que j’aie pu te prévenir. D’un coup, je nous ai vu nous découvrir, Face à face, un peu timides. J’ai rougis sous mon visage placide. Tu n’as pas vu cela, je crois, la première fois. Je tremblais sans bouger. Je ne voulais point être guide. Sous mon timbre maîtrisé, Ma parole allait se dérobant à ma portée, Encore plus qu’à l’habitude, Elle te racontait déjà Ce que je n’étais pas sûre de vouloir te dire. J’étais là et j’étais absente. J’étais au profond de moi à déjà te rencontrer. J’écoutais la résonnance en moi, de ta voix, Si tranquille, si enjouée par moment, Et caverneuse encore de la vie qu’elle délivre Qui a coulé en elle.

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Poème numéro 1 d’Eté

A l’improviste, c’est venu:De l’indicible, je vais tâcher d’en dire, Au moins quelques mots en dentelles, Des poussières d’étoiles pareillesA l’une de celle qui borda nos pas ce soirSous l’étang et le parc silencieux,A l’abri du ciel bleu nuit, la marche éternelle De ce début d’un bien que j’accueille sans rêveSimplement là, telle que tu me permets d’être

Nous cherchant, sans rien exiger déjà.Tous les chemins sont encore ouverts.Rien n’a encore été barré.Rien ne me retient encore,De m’acheminer vers ce bel aurore,De m’enfoncer vers ce qui sera mon sort.

Tu es arrivé sans que j’aie pu te prévenir.D’un coup, je nous ai vu nous découvrir,Face à face, un peu timides.J’ai rougis sous mon visage placide.Tu n’as pas vu cela, je crois, la première fois.Je tremblais sans bouger.Je ne voulais point être guide.

Sous mon timbre maîtrisé, Ma parole allait se dérobant à ma portée, Encore plus qu’à l’habitude, Elle te racontait déjà Ce que je n’étais pas sûre de vouloir te dire.J’étais là et j’étais absente.J’étais au profond de moi à déjà te rencontrer.J’écoutais la résonnance en moi, de ta voix,Si tranquille, si enjouée par moment,Et caverneuse encore de la vie qu’elle délivreQui a coulé en elle.

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Poème numéro 8 d’Hiver

Les ailes me brulent.Sur la neige glacée, Mes envolées se gèlent.

Mes patins ne glissent plus.La surface est rayée, Où mon élan brisé,Se meurt sans pardessus.

Oh, mon amour décousuHeurté tant de jours et de nuits.Mon ange recommandé,Masqué, tu m’apparais en songe.

Tu prenais mes ombres. Dans les creux de tes hanches.Les chauffant de ta patience, De ta passion d’aimant.

Je devenais sable, Pour l’eau de tes jardins,Malléable et docilePour qui m’aime.

Je t’aimaiComme un feu de folie.Ton nom, ton visage Me courraient dans les veines.

Pas un instant, Sans ce ravage rouge sangQui m’ôta à mes chaînes Et me donna à toi.

Tant de fois répétésOnt été nos écarts et nos retrouvailles,Rivière de larmes de joie et de peine,Sous la barque de nos rêves.

Tu fisCe vertige libreQui m’assiégeaDe haut en bas.

Ténébreux et pénétrant,Tu visais haut.

Généreux amour, Grand maîtreTrônant sur mes détours.

Avec aplomb,Tu embrassas d’un coupToutes nos incohérences De ta bouche goulue.

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Poème numéro 11 Léger printemps

Un léger brin d’airVole libre parmi les azalées.Encore étourdis de vert,Les buissons sont en bourgeons.

A quand leur pleine floraison ?L’impatience m’a gagnée.Sur les pierres posées à terreMes pieds enjambent les gués.

Un temps de printemps,Clair et clément,Et sa joie chassant l’hiverSont entrés par les battants de la fenêtre.

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Poème numéro 12

Entre les pierres s’est égaré l’hiver.Le manteau de son froid Touche de verre mes doigts Qui se gèlent loin de toi.

Que de mois sans émoiOnt pillés nos réserves Pour la saison prochaine.J’ai la haine des conserves.

Dans un foyer déserté de frivolité Habité par tes silences besogneuxUn lent déclin fit main basseEt tua mes chimères.

Le livre est la main Pour le puits de la connaissance.Le chemin de ses lignesTrace face aux indifférences.

Tes pleurs résonnent Comme des cris de détresse. La masse de leur perte Altère l’évidence de ma foi.

Tes peines d’angoissesPèsent sur le sommeil clair.Tremble la peur des hommesEt le trouble de leur liesse.

Depuis hier, L’arbre de nos échanges est couvertD’une fine opercule de blancheur immaculéeQui me laisse émerveillée.

Au milieu de la clairièreDe nos denses contradictionsJe rêve,Danse, elfe libre et fièreDe ta pleine possession.

Nous ne contrôlons plus rienMais l’amour nous siedDans les brûlures du CielOù fondent les frimas.

L’orchidée de nos sexes déchireLes silences lourds de nos blessures.Contre les parois et fêluresNaissent les pommes du désir.

Je fis promesses de me laisser à toi.Tu m’épousailles avec témérité.C’est ardeur que de s’aimer,Labeur d’une aube certaine.

Tu vois le printempsDerrière les fagots de misère.Par la fenêtre,J’entends le rire des enfants.

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Poème numéro 12 (suite)

De retour et d’allerMon cœur s’est dissout dans une inconséquence.Décoiffé d’insouciance,Il tousse à découvert.

Le voyage erre de gare en gare.D’un wagon de chemin de ferA l’autre,Je suis en transfert.

Dans le jourAssorti à le nuit bleutée,Qui peut sentir l’étrange tourmentDe la valse de l’expérience ?

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Poème numéro 20

L’or des baisersLuit dans les pupilles claires.Bercés par les chevaux du rêve, Les galops tissent la voie lactée.

Devant mes yeux dansent,L’homme et la femme enlacés.Le don de leur amour Glisse sans aspérité.

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Poème numéro 22

Surprise au lever du soleil !Avril s’est ouvertAu bas d’un sentier où je me fis aller.Les jacinthes tapissent en rivièreLa forêt d’un bleu phosphorescent.Adultes, petits et grands enfants, Par bouquet viennent religieusementAdmirer le miracle parmi les pierres.Au ras du sol et de la terre, Des parcelles d’un jour joyeux éclairent,Sous l’arbre de nos rêves, la profondeur du ciel.

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Poème numéro 26

Au bord de mes doutes,Béante danse ma question.Entre l’un et l’autre abord,Mon cœur balance.Le temps me déboute.Quand le choix est-il bon ?Ô maître qui m’échappe,Tisse l’heure à mon errance.

Le vent s’agite dehors.Son cours en cahot se poursuitEt brutalement à terre,Lance les rêves d’illusions.

Un pays sombre et gris, Jamais connu, Amor, coûteA ma vie plus légèreL’enfant de notre union.

Un trait manque à ma route.Seul le présent offre sa chape De rayons épars et solitaires, Entre les gouttes et le plomb.

L’histoire se tisse dans le noir. Un jour, venant à la lumière,Pâques fleurit. Un soir, tout autre, broda la fête à la résurrection.

Le sillon d’or des apôtresLuisait dans la nuit de prière.Jamais la tête n’aurait pu croire Le retour de tels avatars.

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Poème numéro 34 Bris et brisures

Au bout du désespoir, Mon âme s’est penchée.Liquéfiée, morte et blêmeElle ne fit pas belle à voir,

Elle qui dit « je t’aime ».Je voudrais m’élancer.

Elle s’est vidée de toutes ses eaux,Laissant ça et là, main et os. Tous en pièces et morceaux.La déchirure lui ôta la peau.

Dans le noir, la colonne s’est brisée,Laissant à terre l’ancienne détresse.« Vlan », la faux tranche ce qui, passé,Superflu, révolu, tombe en pièce.

La pensée en tournant se perd. Le corps tremble solitaire.L’absence n’a pas d’égalCreusant le ravage infernal.

Après le froid, le glacis du cachot,Long et triste pays sans mot.Puisse enfin l’envie d’unionRecevoir le don d’un pardon.

Tel un épi de blé jaillit Une gerbe verte de la nuit.Inattendu et inédit, Un espoir pointe tout petit.

L’ivresse de la tendresse,L’enlacement de mes bras tendusIl m’attend. Acquiesce Venus en sa grâce s’offrant nue.

Des bris d’étoile dans un ciel nuitTracent l’horizon à l’infini.

Mais le temps va si longFranchir son pont.Point n’imagine tantEn cet instant, et pourtant…

Nul ne sait déjà, où, quand, pourquoi,Mais elle y croit avec foi.Les allumettes d’un vertigineux bonheurCrépitent d’une fraîche ardeur.

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Poème numéro 41 Trouble horizon

Tourments infimes troublant mes veines,Emotions, semblables tourbillons de poussières,Par wagon, vous entrez dans l’antre des pensées.

Sans vous souciez de rien, vous faites apparition,Semez la confusion dans ce qui n’était qu’une ombre,Le champ délabré de mon attente sereine,La pauvreté de mes constructions de défense.

Levez un pied et tout sera écroulé, telle une offenseLà où je n’espérais rien de plus que le glas de rompre.Je n’ai en offrande que du pain et du vin. Est-ce assez,Une saine contribution pour guérir de toute peine ?

Demain, je peux apporter encore et encore.Sans compter, la foi du charbonnier, mes enfants de lumière,L’or de l’espérance qui se sème pendant l’enfance,L’engagement vif à sauter par-dessus les morts.

Ce soir, mon âme n’est point d’eau limpide ni claire,Pas plus vaillante ni moins noire qu’un vieux cheval épuisé.Elle s’inquiète de ce qui fit sa disparition et sa souffrance.Jaillira-t-elle encore si aucune avance n’est professée ?

La lie a été bue jusqu’à s’en épuiser.A l’entour d’un retour, le poète requiert une pacification.D’un geste fou et insensé, il jette son appel et s’élanceAvec au cœur, une gerbe fleurie et un amour en bandoulière.

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Poème numéro 43 Mots du soir

Tranquille, apaise toi.Comme l’eau se délieDénoue-toi.Repose ton coeur en moi.

Furie, ce n’est pas toi.Ouvre-toi à la vie.Ta colère me fait peineTu veux de moi ?

Brindille comme tempêteTelle qu’un vol t’emmène, Oublie l’infâme de tes lois.Arrondis le bois des arrêtes.

Brasier, encore une fois,Ne souffle point l’incendie.Amadoue le feu dans la SeineFais flirter les mots à l’envie.

Ta langue teinte de bon aloi. A l’usage, retire s’en la magie. Laisse-moi te faire ravie. Libère la chape des émois.

Cela glissera sur les rives. Le fil échappera par endroit.Cependant, près du roi et sa reine, Mon aise est tout aubaine.

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Poème numéro 50

En roulage en air libre, La bicyclette passe de-ci de-là,Des trottoirs hauts et bas. Elle enjambe fossés et tracas,Les nids de poule à même la terreDes pièges à fesses, des nids à rats.

Au passage, la roue vibre. Le cadre même ploie.Quel tremblement de ventTel l’amant sur la princesse!Elle avance sans cessePar-delà la détresse.

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Poème numéro 51

Des verres pleins d’enivrementTintent dans le matinNu sur un ciel blanc. Les aléas, qui aime leur dard ? Quand la balance cherche en l’air,Un équilibre toujours précaire.

Au midi du jour en paresseDanse dense, presqu’en transe,Elle quête l’innocence,A desserrer les dentsEn jouant d’un air léger, A peindre l’allégorie.

La présence tendre s’emploieA chanter les lendemainsSans connaître sa voix.Elle emprunte les tournants,Mue par un rire sur le tardDerrière la coquetterie.

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Poème numéro 52

Femmes indésirables,Feu du cœur toujours en ravage,Des cailloux vous ouvrent la boucheOù les mots vous accouchent,

Brûlées vives dans l’acideQui ronge les espoirsQuand vient l’heure du soirL’eau des promesses placides.

Femmes par trop désirables,Aux nerfs dans un cercle en otage,Les épousailles vous touchentDans le cirque des nuages.

Sous les verrous du temps,Tels des essaims de mouches,Les affaires d’entant vousLivrèrent poing et sang

Femmes indéfinissables,Vastes terres en partage, Les grands hêtres se couchentSur vos ombre d’enfant.

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Poème numéro 62 L’exilé, mon frère

Il se prend pour RimbaudN’a que peau sur les os.Le feu le brûle souventDes pieds à la tête

Jusqu’à voir LuciferSur la face de sa mère.Vers elle, violemmentSon sang retourne ses nerfs.

Depuis tout jeune enfantIl se tenait pour Roi.Dans sa verve solitairePeu à peu, se terra.

Il paie son exil d’une paroleQui à son corps le prend.D’invisibles pactes, il signaA de fiels protocoles, se livra.

Pour un je t’aimeAvec ses poèmes, il met le Monde à bas,Ses Lois qu’il ne suit pas.

Mais sa grande traverséeEst un dure combat, plus proche de la guerreque d’aucun ne le figure.

Qui se souvient de son air ?Petit garçon effronté et fier Comme il guettait les fêtesPour s’empresser à plaire.

Qui sait où il ira, Incertain et sans âgeLa folie sous le brasLes idées en tapage ?

Nul repos pour ce regard amer.Et pourtant, c’est mon frèreD’exilé sur la terre,A son cœur défendant.

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Poème numéro 65

Côté jardin, Les oiseaux chantent.Côté rue, L’incertitude hante.

Dans un jour ordinaire,Un ventre nu restait assoupi,Tapi derrière une pierre, Dans sa rondeur enfouit.

Pressée dans un amas d’habitSa nudité ne venait à la vie.Mais, un matin sous la charpenteLe réveil avala l’attente.

Alors l’aurore apparutLa femme lui plut.Elle le voulait ingénu.Il la trouva charmante.

Elle mit un pied dans l’herbeEt son cœur se tut.Les brins caressaientSes blancs seins, son teint ému.

Et soudain, sans dire,Levant sa virilité en forceIl la fit tressaillir,Du feutre sous l’écorce.

La voix de terre courutJusqu’à sa poitrine battante.Ses cheveux sentaient l’humus,Les fleurs fraîches et l’amarante.

Un léger bruissement se fitAu creux du vallon isolé.Les arbres centenaires riants Etendaient leurs sarments.

A pas feutrés, il t’étendit. Le long du jour, il la conquit.Midi jouait à leurs piedsComme leur vieil ami.

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Poème numéro 67 Les nuits pleines

Plutôt que l’ennuiEt la vie éphémère,En unique prièreLa révolte nous attend.

Nous, bons amantsDes nuits pleines, Gorgés d’ivresse claireEt de chairs de poèmes.

Suis-je déjà ivreDe baisers ? Insatiable,Parmi les livres, Quand git l’impalpable.

Des notes par-ci, Le jazz, son écriture Là, Le Brésil à en faire Tourner la tête,

Valsent sans mesure, Pour mon cœur grenatEt ma poitrine blêmeEmplie de ses contraires.

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Poème numéro 69

Un jour sans nuitUne nuit endormieUn veilleur veillait.

Au matin, la lune l’avait vu.Engourdi sur sa veille,Il s’était assoupi.

Durant son siège, Les rêves étaient venusJeter leurs sortilèges.

Une sorcière sans pareilleTassée dans sa cahutteTournait dans son chaudron.

De la mer, le vent s’était levé.Le sable commença à crierEn l’air, les cormorans dansaient.

Le sommeil du dormeur Ne s’était point troubléA l’assaut des goélands rieurs.

Dans les vagues chahutent,Sautent les blancs moutonsDans un vaste ballet.

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Poème numéro 70

Le silence avait mangé les motsLes mots s’étaient tus.

Alors, après des tempêtes,Des eaux et des naufrages.

Tu m’avais prises le jour venuLe long de la lagune rose.

Je regardais le ciel des TropiquesLa jungle résonnait de mille possibles

Dans mes orteils logeaient Nos innombrables lendemains.

Les mots avaient manqué.Le silence était descendu.

Bas sur les champs de terre,Ton corps avait touché ma paix.

Tu avais avancé ta mainLà où il fait chaud et moite.

Lourde sur les bans de sable,Ma tête s’était mise à la prose.

Alors, la nuit nous reprit,Mère de nos appétits insatiables.

Dans la jetée des variablesNous étions couchés à mi-dire.

Nos visages se faisaient faceEt nous apprenions à parler.

Je nous cherchais dans ces brios,forêts de nos seuls langages.

Loin des cases étroites, La voûte dévoilait la musique

L’infini tremblait de toi à moi,Secouant nos refuges paisibles.

Il courut le champ des sirènes Tandis que s’embrasait l’espace

Un dauphin vint en ligne de mire.Au petit matin, mise à nu,

La herse de ma bouche creusaitEncore, ton inconnu sans relâche.

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Poème numéro 73 Tranchés

Ca va couler là où on ne s’y attend point.Entre le blanc - le rouge, ça prend le sang. Enturbanné d’acier, éternel a semblé ce matin.

Tout le jour, j’ai marché arme au poing.Contre moi-même intensément,La fougue du changement m’étreint.

J’aimerais clouer à terre l’incertain, Mes grandes espérances d’antan,Lucifer et ses airs de sacristain.

J’attendis comme on guette les trainsAu bras de mon loup solitaire, Trépignant ne sachant le chemin.

Dans la ville de verre et d’étain,Je ne cherchais plus la lumièreQuand j’entrevis la main du Destin

De vastes cieux et le pur étherMontraient de tendres lendemains.Une pluie d’étoile irradiait en l’air.

Nul effort ne m’eut mené si loin.Soudain, il devint si léger d’êtreL’âme riait à son aise – j’étais bien.

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Poème numéro 81

Hier, j’étais dans le gouffre de la colèreLe ton de ma voix ne désemplissait pas de ses airesAvec raison, pourtantJe ne voulais me laisser faire

Les assauts délétères jetés sans ordreNe sortent pas les morts des cimetièresLes grands yeux menaçants Ne font pas se hâter le passant

Les marchés de dupe, quelle misèreVendre son âme pour réchauffer l’hiverPar derrière penser le contraire,Ne me rendent pas plus légère

Se faire respecter quelle affaireFace aux manants, je ne monnaye plus rienMalgré jamais gagnée, la route en vaut la peineD’incroyables trouvailles au détour des pas incertains

Combien de guerre et de combats ai-je déserté,Faute de moyen de confronter Mon prétendu adversaire ou mon alterMon simple moi gêné de lui-même que n’être ?

Tel l’effeuillage d’un trèfle au tendre vertMon opinion sort des sentiers ordinairesPour se frotter à l’inconnu, Son dur et tendre cœur devra paraître

Et sa figure renaître.Couches, pelures et autres masquesL’un après l’autre tombent à terreA mesure que mes armes s’enterrent

Oh belle amie que j’ai vuDans le sillage d’une ombreSur le miroir de l’estaminet Je t’ai reconnue, ma fidèle incernable

Douce compagnie que de goûterA celle que tu es devenueSans orgueil ni tiare, Vaquant à tes affaires

Tu m’en vois obligéeDe veiller sur tes joursTendrement, avec des calemboursEt des esprits de fées

Oserais-je ainsi affirmer ? N’est-ce point plutôt chimère Ou démesure recommencée,Que d’allumer la paix D’un calumet en bois teintéPour celle qui peut aimer son sombre ?

Page 22: Delphine Simonis

Poème numéro 83

Rien ne bouge En apparence.Presqu’immobile semble la peau de la vie.MaisJe sens

Dans le silence et sous le vent, Mes os crissent différemment.

Un changement lent, si lent qu’à peine visible,Si profond qu’à peine diciblePalpite dans le calme du recul.Dans l’ardeur de l’action,A la surface de jours, Discrètement,Mille plis ondulent,Mille nuances brillent.

Mes bras veulent s’offrir, se tendre EtreindreComme les ramures d’un chêne Déployer un doux ombrage Une piste d’atterrissage Aux oiseaux innombrablesCaresser tendrement la profondeur du cielAvec leur feuillage frémissant.

Ma voix se cherche. Mon regard s’ouvre, Se heurte, puis, se fermeEt revient se poser.Mes oreilles guettent le dedans le dehorsMon corps s’abandonne à ce présentEncore et encore.

La vie en un seul tenantSe tient à ma porteAvec fermetéDoucementSouplementPleine de résolutionsJe me démène Entre pesanteur ou légèreté.

Le soir me surprend à vif encore, Dans un sanglotSurvenu soudainement.J’aimerais encore et encoreTe dire mes délires,Danser ma lourdeur, Chanter l’hiver,Rire ivre de rire,Les jours de tempêteLes nuits étoiléesLaisse aller.