Degrelle Hitler Pour 1000 Ans

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Hitler Pour 1000 Ans

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  • Lon DegrelleHITLER POUR MILLE ANS

    La Table Ronde, 1969

    Chapitre premierLe musellement des vaincus

    [7] A nous, rescaps en 1945 du front de lEst, dchirs par les blessures, accabls par les deuils, rongspar les peines, quels droits nous reste-t-il encore ? Nous sommes des morts. Des morts avec des jambes,des bras, un souffle, mais des morts. Prononcer un mot en public, ou crire dix lignes lorsquon a combattu, arme au poing, contre les Soviets,et, surtout, lorsquon a t un chef dit fasciste , est considr sur-le-champ, du ct dmocratique ,comme une sorte de provocation. A un bandit de droit commun, il est possible de sexpliquer. Il a tu son pre ? Sa mre ? Des banquiers ?Des voisins ? Il a rcidiv ? Vingt journaux internationaux ouvriront leur colonnes ses Mmoires,publieront sous des titres ronflants le rcit de ses crimes, agrment de mille dtails hauts en couleur, quilsagisse de Cheisman ou de dix de ses mules. Les descriptions cliniques dun vulgaire assassin vaudront les tirages et les millions dun best-seller sonanalyste pointilleux, lAmricain Truman Capote. Dautres tueurs publics comme les Bonnie et Clyde [8] connatront la gloire des cinmas et dicterontmme la mode dans les drugstores les plus hupps. Quant aux condamns politique, a dpend. Cest la couleur de leur parti qui commandera leurjustification ou leur excration. Un Campesino, paysan rustaud devenu chef de bande du Frente Popular, et que les scrupulesntouffaient gure lorsquil sagissait de faucher les rangs des Nationaux, a pu, en Espagne mme, et des centaines de milliers dexemplaires, dans le journal au tirage le plus lev de Madrid, expliquer,largement et librement, ce quavait t son aventure sanglante dEspagnol de Gauche . Mais voil, lui tait de Gauche. Alors, lui avait le droit, comme tous les gens de Gauche ont tous les droits. Quels queussent t les crimes, voire les exterminations massives auxquels les rgimes marxistes sesoient livrs, nul ne leur fera grise mine, la Droite conservatrice parce quelle se pique dtre, assezimbcilement, ouverte au dialogue, la Gauche parce quelle couvre toujours ses hommes de main. Un agitateur rvolutionnaire la Rgis Debray pourra compter sur toutes les audiences quil voudra ; centjournaux bourgeois reprendront avec clat ses propos. Le Pape et le gnral de Gaulle se prcipiterontpour le protger, lun sous sa tiare, lautre sous son kpi. Comment, ce propos, ne pas tracer un parallle avec Robert Brasillach, le plus grand crivain de Francede [9] la Deuxime Guerre mondiale ? Passionn de son pays, qui il avait vraiment vou son uvre et savie, il fut, lui, impitoyablement fusill Paris, le 6 fvrier 1945, sans quun kpi quelconque ne sagitt, sice nest pour donner le signal du tir du peloton dexcution De mme, lanarchiste juif, n en Allemagne, nomm Cohn-Bendit, mollement recherch et, bienentendu, jamais retrouv par la police de Paris alors quil avait t tout prs denvoyer la France en lair, apu, tant quil la voulu et comme il la voulu, publier ses lucubrations, aussi incendiaires que mdiocres,chez les diteurs capitalistes, empochant, en ricanant, les chques que ceux-ci lui tendaient pour couvrirses droits dauteur !

  • Les Soviets ont perch leur dictature sur seize millions et demi dassassins : voquer encore le martyrede ceux-ci serait considr comme nettement incongru. Khrouchtchev, bateleur vulgaire pour march aux porcs, pois chiche sur le nez, suintant, vtu comme unsac de chiffonnier, a parcouru, triomphant, sa mmre au bras, les Etats-Unis dAmrique, escort par desministres, des milliardaires, des danseuses de french-cancan et la fine fleur du clan Kennedy, se payantmme, pour finir, un numro de savates sur tables et de chaussettes humides en pleine session de lO.N.U. Kossyguine a offert sa tte de pomme de terre mal cuite aux hommages fleuris de Franais toujoursbouleverss lvocation dAuschwitz, mais qui ont oubli les milliers dofficiers polonais, leurs allisde 1940, que lU.R.S.S. assassina mthodiquement Katyn. Staline lui-mme, le pire tueur du sicle, le tyran implacable, intgral, faisant massacrer, dans ses fureurs[10] dmentes, son peuple, ses collaborateurs, ses chefs militaires, sa famille, reut un mirobolant sabredor du roi le plus conservateur du monde, le roi dAngleterre, qui ne comprit mme pas ce que le choixdun tel cadeau un tel criminel avait de macabre et de cocasse ! Mais que nous, les survivants fascistes de la Seconde Guerre mondiale, poussions limpertinencejusqu desserrer les dents un seul instant, aussitt mille dmocrates se mettent glapir avec frnsie,pouvantant nos amis eux-mmes, qui suppliants, nous crient : attention ! attention ! Attention quoi ? La cause des Soviets tait-elle vnrable un tel point ? Tout au long dun quart de sicle, les spectateursmondiaux ont eu dclatantes occasions de se rendre compte de sa malfaisance. La tragdie de la Hongrie,crase sous les chars sovitiques, en 1956, en expiation du crime quelle avait commis de reprendre got la libert ; la Tchcoslovaquie terrasse, musele par des centaines de milliers denvahisseurscommunistes, en 1968, parce quelle avait eu lingnuit de bouloir se dgager un peu du carcan queMoscou lui avait enserr autour du cou, comme un forat chinois ; le long soupir des peuples opprimspar lU.R.S.S., du golfe de Finlande jusquaux rivages de la mer Noire, dmontrent [sic] clairement quellehorreur et connu lEurope entire si Staline et pu et sans lhrosme des soldats du front de lEst, illet pu sabattre ds 1943 jusquaux quais de Cherbourg et jusquau rocher de Gibraltar. [11] De lenfer de Stalingrad (novembre 1942) lenfer de Berlin (avril 1945), neuf cent joursscoulrent, neuf cent jours dpouvante, de lutte chaque fois plus dsespre, dans des souffranceshorribles, au prix de la vie de plusieurs milliers de jeunes garons qui se firent dlibrment craser,broyer, pour essayer de contenir, malgr tout, les armes rouges dvalant de la Volga vers louest delEurope. En 1940, entre lirruption des Allemands la frontire franaise prs de Sedan et larrive de ceux-ci lamer du Nord, il se passa tout juste une semaine. Si les combattants europens du front de lEst, parmilesquels se trouvaient un demi-million de volontaires de vingt-huit pays non allemands, avaient dtalavec la mme vlocit, sils navaient pas oppos, pied pied, au long de trois annes de combats atroces,une rsistance inhumaine et surhumaine limmense mare sovitique, lEurope et t perdue,submerge sans rmission ds la fin de 1943, ou au dbut de 1944, bien avant que le gnral Eisenhoweret conquis son premier pommier de Normandie. Un quart de sicle est l qui ltablit. Tous les pays europens que les Soviets ont conquis, lEsthonie[sic], la Lithuanie [sic], la Lettonie, la Pologne, lAllemagne orientale, la Tchcoslovaquie, la Hongrie, laRoumanie, la Bulgarie sont rests, depuis lors, implacablement, sous leur domination. Au moindre cart, Budapest ou Prague, cest le knout moderne, cest--dire les chars russesfauchant bout portant les rcalcitrants. [12] Ds juillet 1945, les Occidentaux, qui avaient mis si imprudemment sur Staline, commencrent dchanter.

  • - Nous avons tu le mauvais cochon, murmura Churchill au prsident Truman, Potsdam, tandis quilsortaient tous deux dune entrevue avec Staline, le vrai vainqueur de la Deuxime Guerre mondiale. Regrets tardifs et pitoyables Celui qui leur avait paru prcdemment le bon cochon , install par eux sur deux continents, grognaitde satisfaction, la queue Vladivostok, le groin fumant deux cent kilomtres du territoire franais. Le groin est toujours l, depuis un quart de sicle, plus menaant que jamais, tel point que nul ne serisque, lheure actuelle, laffronter, sinon coups de courbettes. Au lendemain de lcrasement de Prague, lt de 1968, les Johnson, les de Gaulle, les Kiesinger sentinrent des protestations platoniques, des regrets craintifs et rservs. Entre-temps, sous la panse dudit cochon, la moiti de lEurope touffe. a ne suffit-il donc pas ? Est-il juste, est-il dcent que ceux qui virent clair temps, ceux qui jetrent, de 1941 1945, leurjeunesse, les doux liens de leur foyer, leurs forces, leurs intrts en travers du chemin sanglant des armessovitiques, continuent tre traits comme des parias jusqu leur mort et au-del mme de leurmort ? Des parias qui on cloue les lvres ds quils essayent de dire : tout de mme . [13] Tout de mme Nous avions des vies heureuses, des maisons o il faisait bon vivre, des enfants quenous chrissions, des biens qui donnaient de laisance notre existence Tout de mme Nous tions jeunes, nous avions des corps vibrants, des corps aims, nous humions lairneuf, le printemps, les fleurs, la vie, avec une avidit triomphante Tout de mme Nous tions habits par une vocation, tendus vers un idal Tout de mmeIl nous a fallu jeter nos vingt ans, nos trente ans et tous nos rves vers dhorriblessouffrances, dincessantes angoisses, sentir nos corps dvors par les froids, nos chairs dchires par lesblessures, nos os rompus dans des corps corps hallucinants. Nous avons vu hoqueter nos camarades agonisants dans des boues gluantes ou dans les neiges violettes deleur sang. Nous sommes sortis vivants, tant bien que mal, de ces tueries, hagards dpouvante, de peine et detourments. Un quart de sicle aprs, alors que nos parents les plus chers sont morts dans des cachots ou ont tassassins, et que nous-mmes sommes arrivs, dans nos exils lointains, au bout du rouleau du courage,les Dmocraties , hargneuses, bilieuses, continuent nous poursuivre dune haine inextinguible. Jadis, Breda, comme on peut le voir encore dans linoubliable tableau de Velasquez, au muse du Prado Madrid, le vainqueur offrait ses bras, sa commisration et son affection au vaincu. Geste humain ! Etrevaincu, [14] quelle souffrance dj, en soi ! Avoir vu seffondrer ses plans et ses efforts, rester l, les brasballants devant un avenir disparu jamais, dont on devra pourtant regarder le cadre vide, en face de soi,jusquau dernier souffle ! Quel chtiment, si lon avait t coupable ! Quelle douleur injuste, si lon navait rv que de triomphes purs !

  • Alors, on comprend quen des temps moins froces, le vainqueur savanait, fraternel, vers le vaincu,accueillait limmense peine secrte de celui qui, sil avait sauv sa vie, venait de perdre tout ce quidonnait celle-ci un sens et une valeur Que signifie encore la vie pour un peintre qui on a crev les yeux ? Pour un sculpteur qui on a arrachles bras ? Que signifie-t-elle pour lhomme politique rompu par le destin, et qui avait port en lui, avec foi, un idalbrlant, qui avait possd la volont et la force de le transposer dans les faits et dans la vie mme de sonpeuple ? Plus jamais il ne se ralisera, plus jamais il ne crera Pour lui, lessentiel sest arrt. Cet essentiel , dans la grande tragdie de la Deuxime Guerre mondiale, que fut-il pour nous ? Comment les fascismes - qui ont t lessentiel de nos vies sont-ils ns ? Comment se sont-ilsdploys ? Comment ont-ils sombr ? Et, surtout, aprs un quart de sicle : de toute cette affaire norme, quel bilan peut-on dresser ?

    Chapitre IIQuand lEurope tait fasciste

    [15] A un jeune garon des temps actuels, lEurope dite fasciste apparat comme un monde lointain,dj confus. Ce monde sest effondr. Donc, il na pas pu se dfendre. Ceux qui lont jet au sol restaient seuls sur le terrain, en 1945. Ils ont, depuis lors, interprt les faits etles intentions, comme il leur convenait. Un quart de sicle aprs la dbcle de lEurope fasciste en Russie, sil existe quelques ouvrages demicorrects sur Mussolini, il nexiste pas encore un seul livre objectif sur Hitler. Des centaines douvrages lui ont t consacrs, tous bcls, ou inspirs par une aversion viscrale. Mais le monde attend toujours luvre quilibre qui tablira le bilan de la vie du principal personnagepolitique de la premire moiti du XIXe sicle. Le cas dHitler nest pas un cas isol. LHistoire si lon peut dire ! sest crit depuis 1945 sens unique. Dans la moiti de lunivers, domine par lU.R.S.S. et par la Chine rouge, il nest mme pas pensable quela [16] parole soit donne un crivain qui ne serait pas un conformiste ou un adulateur. Dans lEurope occidentale, si le fanatisme est plus nuanc, il nen est que plus hypocrite. Jamais un grandjournal franais, ou anglais, ou amricain ne publierait un travail qui mettrait en relief ce quil put y avoirdintressant, voire de sainement crateur, dans le Fascisme ou dans le National-Socialisme. La seule ide dune telle publication paratrait aberrante. On crierait aussitt au sacrilge.

  • Un secteur a t tout spcialement lobjet de soins passionns : on a publi, dans un gigantesque tapage,cent reportages, souvent exagrs, parfois grossirement mensongers, sur les camps de concentration etsur les fours crmatoires, seuls lments que lon veuille bien considrer dans limmense cration que fut,pendant dix ans, le rgime hitlrien. Jusqu la fin du monde, on continuera dvoquer la mort des Juifs dans les camps dHitler sous le nezpouvant de millions de lecteurs, peu frus dadditions exactes et de rigueur historique. L aussi, on attend un ouvrage srieux sur ce qui sest rellement pass, avec des chiffres vrifismthodiquement et recoups ; un ouvrage impartial, non un ouvrage de propagande ; non pas des chosessoi-disant vues et qui nont pas t vues ; non pas surtout des confessions cribles derreurs et de non-sens, dictes par des tortionnaires officiels comme une commission du Snat amricain a d lereconnatre des accuss [17] allemands jouant leur tte et prts signer nimporte quoi pour chapperau gibet. Ce fatras incohrent, historiquement inadmissible, a fait de leffet, sans aucun doute, sur le vaste populosentimental. Mais il est la caricature dun problme angoissant, et malheureusement vieux comme le sontles hommes. Ltude reste encore crire et dailleurs, nul diteur ne la publierait ! qui exposerait les faits exactsselon des mthodes scientifiques, les replacerait dans leur contexte politique, les insrerait honntement,dans un ensemble de rapprochements historiques, hlas tous indiscutables : la traite des Ngres, mene aucours des XVIIe et XVIIIe sicles par la France et lAngleterre, au prix de trois millions de victimesafricaines succombant au cours de rafles et de transferts atroces : lextermination, par cupidit, des Peaux-Rouges traqus mort sur les terres des Etats-Unis daujourdhui ; les camps de concentration dAfriquedu Sud o les Boers envahis furent parqus comme des bestiaux par les Anglais, sous lil complaisantde Mr. Churchill ; les excutions effroyables des Cipayes aux Indes, par les mmes serviteurs de SaGracieuse Majest ; le massacre par les Turcs de plus dun million dArmniens ; la liquidation de plus deseize millions de non-communistes en U.R.S.S. ; la carbonisation par les Allis, en 1945, de centaines demilliers de femmes et denfants dans les deux plus gigantesques fours crmatoires de lHistoire : Dresdeet Hiroshima : la srie de massacres de populations civiles qui na fait que se poursuivre et saccrotredepuis 1945 : au Congo, au Vietnam, en Indonsie, au Biafra. [18] On attendra encore longtemps, croyez-moi, avant quune telle tude, objective et de porte universelle,fasse le point sur ces problmes et les soupse sans parti pris. Mme sur des sujets beaucoup moins brlants toute explication historique reste encore, cette heure, peu prs impossible, si lon a eu le malheur de tomber, politiquement, du mauvais ct. Il est dplaisant de parler de soi-mme. Mais enfin, de tous les chefs dits fascistes qui ont pris part laDeuxime Guerre mondiale, je suis le seul survivant. Mussolini a t assassin, et ensuite pendu. Hitlersest tir une balle dans la tte puis a t brl. Mussert, le leader hollandais et Quisling, le leadernorvgien, ont t fusills. Pierre Laval, aprs avoir subi une courte parodie de justice, sest empoisonndans sa gele franaise. Sauv grand-peine de la mort, il fut abattu dix minutes plus tard, demiparalys. Le gnral Vlassov, le chef des Russes anti-sovitiques, livr Staline par le gnralEisenhower, a t accroch un gibet sur une place moscovite. Mme en exil, les derniers rescaps ont t sauvagement poursuivis : le chef de lEtat croate, AntonPavlevitch a t farci de balles en Argentine ; moi-mme, traqu partout, nai chapp quau millimtre diverses tentatives de liquidation par assassinat ou par rapt. Nanmoins, je nai pas encore t limin lheure actuelle. Je vis. Jexiste. Cest--dire que je pourraisencore apporter un tmoignage susceptible de prsenter [19] historiquement un certain intrt. Jai connuHitler de tout prs, je sais quel tre humain, vraiment, il tait, ce quil pensait, ce quil voulait, ce quilprparait, quelles taient ses passions, ses mouvements dhumeur, ses prfrences, ses fantaisies. Jaiconnu, de la mme manire, Mussolini, si diffrent dans son imptuosit latine, ses sarcasmes, seseffusions, ses faiblesses, ses lans, mais, lui aussi, extraordinairement intressant.

  • Si des historiens objectifs existaient encore, je pourrais dont tre, devant leurs fichiers, un tmoins assezvalable. Qui, parmi les survivants de 1945, a connu Hitler ou Mussolini plus directement que moi ? Quipourrait, avec plus de prcision que moi, expliquer quels types dhommes ils taient, hommes tout court,hommes tout cru ? Il nempche que je nai, exactement, que le droit de me taire. Mme dans mon propre pays. Que je publie vingt-cinq ans aprs les faits ! en Belgique, un ouvrage sur ce que fut mon actionpublique, est tout simplement impensable. Or, jai t avant la guerre le chef de lOpposition dans ce pays, le chef du Mouvement rexiste,mouvement lgal, sen tenant aux normes du suffrage universel, entranant des masses politiquesconsidrables et des centaines de milliers dlecteurs. Jai command, durant les quatre annes de la Deuxime Guerre mondiale, les volontaires belges du frontde lEst, quinze fois plus nombreux que ne le [20] furent leurs compatriotes combattant du ct desAnglais. Lhrosme de mes soldats est indiscut. Des milliers dentre eux ont donn leur vie, pourlEurope, certes, mais dabord et avant tout, pour obtenir le salut de leur pays et prparer sa rsurrection. Pourtant, aucune possibilit nexiste pour nous dexpliquer aux gens de notre peuple ce que furent lactionpolitique de REX avant 1941 et son action militaire daprs 1941. Une loi minterdit formellement depublier une ligne l-dessus en Belgique. Elle prohibe la vente, la diffusion, le transport de tout texte que jepourrais crire sur ces sujets ! Dmocratie ? Dialogue ? Depuis un quart de sicle, les Belges nentendentquun son de cloche- quant lautre cloche la mienne ! lEtat belge braque sur elle tous ses canons. Ailleurs, ce nest pas mieux. En France, mon livre La campagne de Russie, peine paru, a t interdit. Il en fut de mme, rcemment encore, de mon ouvrage Les Ames qui brlent. Ce livre est purementspirituel. Nanmoins il a t officiellement mis hors de circuit en France, et cela vingt ans aprs que mavie politique eut t broye ! Ce ne sont donc mme pas les ides des excommunis qui sont lindex, mais cest leur nom, sur lequelsabat, inlassablement, linquisition dmocratique. En Allemagne, mmes procds. Lditeur de mon livre Die verlorene Legion fut, ds la parution du volume, lobjet de telles menaces,quil fit lui-mme dtruire, quelques jours aprs le lancement, [21] les milliers dexemplaires qui allaienttre distribus dans les librairies. Le record fut battu par la Suisse, o, non seulement la police confisqua des milliers dexemplaires de monlivre La Cohue de 1940 deux jours aprs sa parution, mais o elle se prcipita limprimerie, y fit fondresous ses yeux les plombs de la composition, afin que toute rimpression de louvrage devntmatriellement impossible. Or, lditeur tait suisse ! Limprimerie tait suisse ! Et si quelques personnages sestimaient malmensdans le texte, il leur tait facile dexiger de mon diteur ou de moi-mme des comptes en justice. Ce quoi nul, bien entendu, ne se risqua ! Mmes difficults loral qu lcrit. Jai mis au dfi les Autorits belges responsables de me laissermexpliquer devant le peuple de mon pays au Palais des Sports de Bruxelles ou daccepter rien de plus ! que je me prsente comme candidat aux lections du Parlement. Le peuple souverain et tranch.Pouvait-on tre plus dmocrate ? Le ministre de la Justice rpondit lui-mme que je serais reconduit illicopresto la frontire si je dbarquais Bruxelles ! Pour tre absolument sr que je ne rapparatrai pas, on

  • improvisa une loi spciale, baptise Lex Degreliana, qui prolongeait de dix ans les dlais de maprescription, arrive son terme ! Alors, comment les foules pourraient-elles soupeser les faits, lesintentions, se faire une opinion ? Et comment, face un tel imbroglio, un jeune pourrait-il [22] dcelerle vrai du faux, dautant plus que lEurope davant 1940 ntait pas un monobloc ? Chaque pays, aucontraire, prsentait des caractristiques trs particulires. Et chaque fascisme avait ses orientationspropres. Le fascisme italien, par exemple, tait trs distinct du national-socialisme allemand. Socialement, lespositions allemandes taient plus audacieuses. Par contre, le fascisme italien ntait pas antijuif dans sonessence. Il tait de tendance plutt chrtienne. Et plus conservateur aussi. Hitler avait liquid les derniersvestiges de lEmpire des Hohenzollern tandis que Mussolini, mme sil y rechignait, continuait suivre leplumeau, dun demi-mtre de hauteur, qui agitait sa vaste ramure au-dessus de la petite bobine dente duroi Victor-Emmanuel. La fascisme et pu, tout aussi bien, tre contre Hitler quavec Hitler. Mussolini tait, avant tout,nationaliste. Aprs le meurtre du chancelier autrichien Dolfuss, en 1934, il avait align plusieurs divisions la frontire du Reich. Au fond de lui-mme, il naimait pas Hitler. Il sen mfiait. - Faites attention ! Attention surtout Ribbentrop ! me rpta-t-il vingt fois. LAxe Rome-Berlin fut forg, avant tout, par les maladresses et les provocations dune grande presse desplus douteuse et de politiciens dchus et ambitieux, tel Paul-Boncour, pitre bouriff de Paris, don Juandnerv et fltri des quais de Genve, tel Anthony Eden, long balai vernis de Londres, tel, surtout,Churchill. Jai connu celui[23]-ci aux Communes cette poque. Il y tait trs discut et discrdit. Amerquand il avait lestomac sec (ctait assez rare dailleurs), les dents tordues entre ses bajoues debouledogue trop engraiss, on lui prtait peine attention. Seule une guerre pouvait encore lui offrir uneultime chance daccder au pouvoir. Il saccrocha avec acharnement cette chance-l. Mussolini, jusqu son assassinat, en 1vril 1945, resta, au fond de lui-mme, anti-allemand et anti-Hitler,malgr tous les tmoignages dattachement que celui-ci lui prodigua. Lil noir, brillant comme une billede jais, le crne aussi lisse que le marbre des fonts baptismaux, les reins cambrs dun chef de fanfare, iltait n pour donner en spectacle sa supriorit. A vrai dire, Mussolini rageait de voir Hitler disposer dunmeilleur instrument humain le peuple allemand, disciplin, ne demandant pas trop dexplications) quecelui qui tait sa porte (le peuple italien, charmant, se complaisant dans la critique, volage aussi,alouette vibrante quemporte le vent). De cette mauvais humeur, ressortait sourdement un trangecomplexe dinfriorit, quaggravrent de plus en plus les victoires dHitler qui, jusqu la fin de 1943,gagna toujours, malgr les risques inous quil prenait. Mussolini, par contre, chef dEtat exceptionnel,navait pas plus la vocation dun meneur de guerre quun garde champtre romagnol. Bref, en tant quhommes, Hitler et Mussolini taient diffrents. Le peuple allemand et le peuple italien taient diffrents. En tant que doctrines, le fascisme et le national-socialisme taient diffrents. [24] Il ne manquait pas de points de rencontres sur le terrain idologique, de mme que dans laction,mais des oppositions existaient aussi, que lAxe Rome-Berlin attnua, ses dbuts, mais que la dfaite,frappant lItalie dans son sang et son orgueil, amplifia, renfora. Si les deux principaux mouvements fascistes dEurope, ceux-l mmes qui staient hisss au pouvoir Rome et Berlin, et qui barraient le continent de Stettin Palerme, paraissaient dj si distincts lun delautre, qutait-ce lorsquon considrait les autres fascismes surgis en Europe, que ce ft en Hollandeou au Portugal, en Roumanie, en Norvge ou ailleurs ! Le fascisme roumain tait dessence presque mystique. Son chef, Codreanu, arrivait cheval, vtu deblanc, aux grandes assembles des foules roumaines. Son apparition semblait presque surnaturelle. C'est tel point quon lappelait lArchange. Llite militante de ses membres portait le nom de Garde de Fer. Le

  • mot tait dur comme taient dures les circonstances de combat et les mthodes daction. Les plumes desailes de lArchange taient saupoudres de dynamite. Par contre, le fascisme du Portugal tait dpassionnalis, comme ltait son mentor, le professeurSalazar, un crbral, qui ne buvait pas, qui ne fumait pas, qui vivait dans une cellule monacale, tait vtucomme un clergyman, fixait les points de sa doctrine et les [25] tapes de son action aussi froidement quesil et comment les Pandectes. En Norvge, ctait encore autre chose. Quisling tait gai comme un croque-mort. Je le revois encore, lafigure boursoufle, lil morne, tnbreux, lorsque, Premier ministre, il me reut son palais dOslo, aubout dune cour dhonneur o un roi, dun bronze devenu vert comme un chou cueilli trop tt, portait,haut et fier, un front cribl de djections doiseaux. Quisling, malgr son allure compasse de chefcomptable mcontent de sa caisse, tait aussi militaire que Salazar ltait peu. Il sappuyait sur des milicesdont les bottes taient nettement plus brillantes que la doctrine. Mme lAngleterre avait des fascistes , ceux dOswald Mosley. A loppos des fascistes proltariens du Troisime Reich, les fascistes anglais taient, dans leurmajorit, des fascistes aristocratiques. Leurs meetings rassemblaient des milliers de membres de la Gentry, venus voir ce que pouvaient bien treces phnomnes lointains et fabuleux quon appelait les ouvriers (il y en avait tout de mme un certainnombre chez Mosley). Les auditoires taient bariols des couleurs vives et voyantes de jeunes lgantes, moules de tout prsdans de fines robes de soie ; le contenant et le contenu vibraient de charme. Trs excitant et trsapptissant, ce fascisme ! surtout dans un pays o les longues perches [26] maigres du monde fminintiennent si souvent de la plantation de houblon ! Mosley mavait invit djeuner dans un thtre dsaffect, perch sur la Tamise, o il recevait ses htesderrire un table de bois blanc. Ctait austre et trs capucin au premier abord. Mais des valet parfaitsapparaissaient vite, et la vaisselle dans laquelle ils vous servaient tait en or ! A ct de lHitler proltarien, du Mussolini thtral, du Salazar professoral, Mosley tait le paladin dunfascisme assez fantaisiste qui, si extraordinaire que cela paraisse, tait conforme aux murs britanniques.LAnglais le plus rigide tient faire talage de spcialits trs personnelles, quelles soient politiques, ouvestimentaires. Mosley en apportait une de plus, comme Byron ou Brummel en avaient apport dautresjadis, et comme les Beatles en fourniraient dautres beaucoup plus tard. Churchill lui-mme tiendrait sedistinguer sa faon, recevant dimportants visiteurs compltement nu, dans la majest boudine dun roiBacchus anglicis, drap dans la seule fume de ses havanes. Le fils de Roosevelt, envoy Londres enmission pendant la guerre, crut mourir de suffocation lorsquil vit savancer vers lui un Churchilladamique, la panse souffle, lardeux comme un cabaretier obse qui achve de se laver larrire-train dansun baquet de zinc, le samedi soir. A lextrme oppos, le Mosley davant 1940, le fasciste impeccable, coiff dun melon gris au lieu duncasque dacier, arm dun parapluie de soie au lieu dune matraque, ne sortait donc pas spcialement de laligne de lexcentricit britannique. [27] Mais tout de mme, le fait que les Anglais, solennels comme des portiers de ministres etconservateurs comme des moteurs de Rolls Royce, se soient laiss griser, eux aussi, par les fluides desfascismes europens davant 1940, dit jusqu quel point le phnomne correspondait en Europe un tatdesprit gnral. Pour la premire fois depuis la Rvolution franaise, malgr la diversit des nationalismes, des idesbrlantes et un idal brlant provoquaient des ractions assez identiques.

  • Une mme foi jaillissait, en mme temps, dun bout lautre du vieux continent, que ce ft Budapest, Bucarest, Amsterdam, Oslo, Athnes, Lisbonne, Varsovie, Londres, Madrid, Bruxelles, ou Paris. A Paris, non seulement les pousses fascistes possdaient leurs caractristiques propres, mais, en outre,elles se dcomposaient en des subdivisions multiples : de tendance dogmatique, avec Charles Maurras,vieillard barbichu, courageux, intgre, sourd comme un dbiteur, pre intellectuel de tous les fascismeseuropens mais limitant le sien, jalousement, au pr carr franais ; de tendance militaire, avec les ancienscombattants de 1914-1918, mouvants, sonnaillants, sans ides ; de tendance classes moyennes , avecles Croix de Feu du colonel de La Rocque, qui adorait multiplier avec les civils les grandes manuvres etles inspections de caserne ; de tendance proltaire avec le Parti Populaire Franais de Jacques Doriot,ancien coco lunettes, jouant volontiers, dans sa propagande, de ses grosses godasses, de ses bre[28]-telles, du tablier de cuisine de sa femme, pour faire peuple, un peuple qui lui resta rtif, dans sonensemble, aprs un dbut assez russi ; de tendance activiste et sentant la poudre, avec la CagouledEugne Deloncle et de Joseph Darnand, des durs, des fonceurs, qui dynamitaient avec ravissement, enplein Paris, les centrales engourdies des super-capitalistes, pour les sortir avec clat de leurassoupissement dor. Deloncle, polytechnicien gnial, serait abattu par les Allemands de 1943 et JosephDarnand, par les Franais de 1945 malgr quil et t lun des hros les plus impavides des deux guerresmondiales. Cette surabondance de mouvements parisiens fascistes , thoriquement parallles et pratiquementrivaux, divisait et dsorganisait les lites franaises. Elle aboutirait, le soir du 6 fvrier 1934, aux meutessanglantes de la place de la Concorde Paris, sans que le pouvoir, tomb dans le talus de la panique, ftrepris en mains par un seul des vainqueurs de la Droite . Leur grand homme de cette nuit-l sappelait Jean Chiappe, prfet de police de Paris, rvoqu trois joursplus tt par le gouvernement de Gauche. Ctait un Corse volubile, rougeoyant, portant une rosette de laLgion dhonneur du format dune tomate, tout petit malgr des semelles superposes et qui faisaientcroire, lorsquil nous parlait, qu il tait perch sur un tabouret. Tout en se portant comme un cerisierprintanier, il se ttait les ctes, se soignait ; rhumatisant disait-il, il ntait mme pas sorti le 6 fvrier avecles manifestants. Il venait de prendre un bain chaud et se prparait se coucher, en pyjama dj. Malgrles objurgations de plus en plus insistants, puis affoles, de ses fidles, il refusa [29] de se rhabiller, alorsquil naurait eu qu traverser la rue pour sasseoir dans le fauteuil vide de lElyse ! En 1958, le gnral de Gaulle, en face su mme fauteuil, ne se ferait pas autant prier ! Entre ces multiples partis fascistes francais, le dnominateur commun avant 1940 tait faible. En Espagne, le gnral Primo de Rivera avait, avant bien dautres, t un fasciste sa manire, fasciste monarchiste, un peu comme Mussolini. Cette concession au trne contribua beaucoup saperte. Trop de courtisans de palais, spcialistes des crocs-en-jambe, lisses comme des anguilles, creuxcomme des tuyaux, le guettaient. Trop peu de proltaires lpaulaient, proltaires au cur simple, auxbras forts, qui eussent peu, tout aussi bien, suivre un Primo de Rivera attel la rforme sociale de sonpays, que saligner derrires les pistoleros et les incendiaires du Frente Popular. Les comploteurs de courenlisrent cette exprience dans la glu des prjugs dune aristocratie salonnarde, vaniteuse etpolitiquement strilise depuis plusieurs sicles. Jos-Antonio, fils du gnral dboulonn et mort Paris quelques jours plus tard, tait un orateur inspir.Il avait compris, lui, malgr son hrdit de senorito, que lessentiel du combat politique de son poquersidait dans le fait social. Son programme, son thique, son fluide personnel eussent pu lui rallier desmillions dEspagnols qui rvaient dun renouveau de leur pays, non seulement dans la grandeur et danslordre mais aussi, et surtout, dans la justice sociale. Malheureusement [30] pour lui, le Frente Popularavait min partout le terrain, gar les masses, hiss entre les Espagnols les barrages de la haine, du feu etdu sang. Jos-Antonio et pu tre le jeune Mussolini de lEspagne de 1936. Ce grand garon splendide vitson rve fauch lanne mme par un peloton dexcution Alicante. Ses ides marqurent longtemps sonpays. Elles animrent des centaines de milliers de combattants et de militants. Elles rebondiraient mme,

  • revivifies par les hros de la Division Azul, jusquaux neiges ensanglantes du front russe, apportant leurpart la cration de la nouvelle Europe dalors. On le voit, lEspagne de 1939 ntait pas lAllemagne de 1939. Pas plus que le colonel de La Rocque, Paris, raide comme un mtronome et lesprit terne comme unecoule de macadam, ntait le sosie du docteur Goebbels, vif comme un flash de reporter ; par plus quunOswald Mosley, le fasciste raffin de Londres, ntait lalter ego de lpais docteur Ley de Berlin, violetcomme un baril de vin nouveau. Pourtant un mme dynamisme travaillait partout leurs foules, une mme foi les soulevait, et mme unsoubassement idologique asse semblable se notait chez eux tous. Ils avaient en commun les mmesractions vis--vis des vieux partis, sclross, corrompus dans des compromissions sordides, dpourvusdimagination, nayant apport, nulle part, de solutions sociales qui fussent vastes et vraimentrvolutionnaires, alors que le peuple, accabl dheures de travail, pay misrablement (six pese[31]-taspar jour sous le Frente Popular !) sans protection suffisante contre les accidents de travail, les maladies,la vieillesse, attendait avec impatience et angoisse dtre enfin trait avec humanit, non seulementmatriellement mais moralement. Je me souviendrai toujours du dialogue que jentendis, lpoque, dans une fosse de charbonnage o taitdescendu le roi des Belges : - Que dsirez-vous ? demanda le souverain, assez guind, plein des meilleures intentions, un vieuxmineur, noir de suie. - Sire, rpondit celui-ci, tout de go, ce que nous voulons, cest quon nous respecte ! Ce respect du peuple et cette volont de justice sociale salliaient, dans lidal fasciste , la volont derestaurer lordre dans lEtat et la continuit dans le service de la nation. Besoin de slever spirituellement aussi. A travers tout le continent, la jeunesse rejetait la mdiocrit despoliticiens professionnels, pense-petit redondants, sans formation, sans culture, lectoralement appuyssur des cabarets et sur des semi-notables, affubls de femmes pouses trop tt, mal foutues, dpassespar les vnements et qui fauchaient la moindre ide ou la moindre audace du mari grands coups descateurs. Cette jeunesse voulait vivre pour quelque chose de grand, de pur. Le fascisme tait jailli partout, en Europe, spontanment, avec des formes trs diverses, de ce besoinvital, [32], total et gnral, de rnovation : rnovation de lEtat, fort, autoritaire, ayant le temps pour lui,et la possibilit de sentourer de comptences, chappant aux alas de lanarchie politique ; rnovation dela socit, dgage du conservatisme asphyxiant de bourgeois gants et col dur, sans horizons, violets devictuailles trop riches et de bourgogne trop pais, ferms intellectuellement, sentimentalement et surtoutfinancirement, toute ide de rformes ; rnovation sociale, ou plus exactement, rvolution sociale,liquidant le paternalisme, si cher aux nantis, qui jouaient bon compte, avec des trmolos calculs, auxgrands curs et prfraient la reconnaissance des droits de la justice, la rpartition condescendante descharits limites et trs appuyes ; rvolution sociale remettant le capital sa place dinstrument matriel,le peuple, substance vivante, redevenant la base essentielle, llment primordial de la vie de la Patrie ;rnovation morale enfin en rapprenant une nation, la jeunesse avant tout, slever et se donner. Il nest pas un pays dEurope qui, entre 1930 et 1940, ait chapp cet appel. Celui-ci prsentait des nuances distinctes, des orientations distinctes, mais il possdait, politiquement,socialement, des bases assez semblables, ce qui explique que rapidement se tissa une tonnantesolidarit : le Franais fasciste allait, inquiet dabord mais assez vite enthousiasm, assister aux dfilsdes Chemises brunes Nuremberg ; les Portugais chantaient le Giovinezza des Balilas, comme leSvillan chantait le Lili Marleen des Allemands du Nord.

  • [33] Dans mon pays, le phnomne surgirait comme ailleurs avec ses caractristiques propres, quecoifferaient au court de peu dannes les lments unificateurs surgis de la Deuxime Guerre mondialedans les divers pays europens. Jtais, ces temps-l, un tout jeune garon. Au dos dune photo, javaiscrit (jtais dj modeste) : Voici plus ou moins vrais, les traits de mon visage Le papier ne dit pas le feu brlant et fier Qui me brle aujourdhui, qui me brlait hier Et qui demain clatera comme un orage. Lorage, je le portais en moi. Mais qui dautre le savait ? A ltranger, personne ne me connaissait. Javaisle feu sacr, mais ne disposais daucun appui qui puisse brusquement assurer une grande russite.Pourtant, une seule anne me suffirait pour rassembler des centaines de milliers de disciples, pour mettreen pices la tranquillit somnolente des vieux partis et pour envoyer au Parlement belge, en un seul coup,trente et un de mes jeunes camarades. Le nom de REX, en quelques semaines, au printemps de 1936,serait rvl au monde entier. Jarrivais au bord mme du pouvoir vingt-neuf ans, lge onormalement les garons prennent un apritif une terrassent et lissent les doigts dune jolie fille auxyeux mus. Temps prodigieux o nos pres navaient plus qu nous suivre o, partout, des jeunes, auxyeux de loups, aux dents de loups, se dressaient, bondissaient, gagnaient, se prparaient changer lemonde !

    Chapitre IIIVers le pouvoir vingt-cinq ans

    [35] jai vu, trente-huit ans, clater en mille dbris ma vie de chef politique et se briser ma vie militaire(gnral, commandant un Corps dArme). Comment, voil vingt-cinq ans, pouvait-on forcer si jeune travers la vie dun Etat, arriver au seuil dupouvoir si vite et si tt ? La russite, cest lvidence, dpend des poques. Il en est certaines qui suintent lennui et qui touffenttoute vocation. Il en est dautres, o ce qui est exceptionnel surgit, saccrot, se dploie. Bonaparte, ncinquante ans plus tt, et sans doute termin sa carrire comme commandant de place bedonnant dansune ville de province. Hitler, sans la Premire Guerre mondiale, et sans doute vgt, comme semi-bourgeois aigri, Munich ou Lintz. Et Mussolini et pu rester instituteur en Romagne tout sa vie, oupasser celle-ci la prison de Mamertine, comploteur impnitent, aux sicles ensommeills des Etatspontificaux. Les courants spirituels et passionnels, ainsi que les exemples qui animaient lEurope vers les[36] annes 1930, ont ouvert des horizons exceptionnels aux vocations et aux ambitions. Tout fermentait. Tout clatait : la Turquie dAtaturk colosse impressionnant de sant, festoyant la nuit comme unsoudard, exerant, le jour, une autorit omnipotente, le seul dictateur qui ait eu la chance de mourir temps, cest--dire dans son lit aussi bien que lItalie dont venait de semparer Mussolini, Csarmotoris. Dun pays anarchiste et lass, le Duce avait, en quelques annes, refait un pays ordonn. Sijtais italien, je serais fasciste, stait cri un jour Winston Churchill. Il me rpta lui-mme cette affirmation, un soir, table, Londres, au restaurant des Communes. Et pourtant, lItalie lirritait, elle qui avait os passer du rle modeste que lui assignaient les Puissants, celui de pays imprial, rserv, jusqualors, en exclusivit, la boulimie et lorgueil britanniques. Plus que nimporte quoi, lexemple de Mussolini avait fascin lEurope et le monde. On le photographiait le torse nu, fauchant les bls dans les marais Pontins asschs. Ses avionsfranchissaient, en escadres impeccables, lAtlantique. Une Anglaise tait accourue Rome, non pour luicrier un amour hystrique, comme beaucoup dautres, mais pour dcharger sur lui, fort peu aimablement,une balle qui lui avait ras une aile du nez. Ses jeunes Balillas dfilaient partout en chantant. Ses ouvriers

  • inauguraient dimpressionnantes installations sociales, les plus vivantes du continent, en cette poque-l.Les trains italiens ne sarrtaient plus en pleine campagne, comme en 1920, pour obliger descendre lecur qui avait eu le front dy prendre place ! Lordre rgnait. Et la vie. Tout progres[37]-sait. Sans parispour criailler. Et sans grabuges sociaux. LItalie industrielle naissait, de lENI la Fiat, o Agnelli crait, sur ordre du Duce, une voiture populairebien avant quil ne partt avec les volontaires italiens au front russe, en 1941, o il lutta nos ct dans lebassin du Donetz. Cette Italie industrielle qui fit sa troue mondiale aprs que Mussolini fut mort, c'est on loublie tropsouvent Mussolini qui la cra. Son grand Empire africain allait stendre, en quelques annes, de Tripoli Addis-Abba, sans queMussolini se laisst intimider par les protestations internationales de pays hypocrites qui staient repusdabord et ne supportaient pas lide que les pays pauvres eussent linsolence de spanouir ou, tout dumoins, de manger leur faim sans devoir laisser migrer misrablement, chaque anne, cent mille oudeux cent mille estomacs creux vers les bas-fonds de Brooklyn ou vers les fivres des pampas sud-amricaines. Dans chaque pays, des milliers dEuropens regardaient Mussolini, tudiaient le fascisme, en admiraientlordre, le panache, llan, les importantes ralisations politiques et sociales.

    - On devrait en faire autant ! rptaient-ils, en hochant la tte. Dinnombrables mcontents et,surtout, toute une jeunesse assoiffe didal et daction, aspiraient ce que quelquun les soulevt, leur tour, comme Mussolini lavait fait sans sa partie.

    Mme en Allemagne, lexemple italien ne manqua pas daider la victoire dHitler. Certes, Hitler se ftsuffi [38] lui-mme. Il possdait un sens prodigieux des foules et de laction, un courage clatant. Ilrisquait sa peau chaque jour. Il cognait. Il lanait des ides-force lmentaires. Il enflammait des massesde plus en plus vhmentes. Il tait rus et, en mme temps, un organisateur extraordinaire. Le predHitler tait mort trs tt, un matin, frapp dapoplexie, tombant la tte en avant dans la sciure de boisdun caf. Sa mre stait teinte, tuberculeuse, peu dannes aprs. A seize ans il tait orphelin. Plusjamais personne ne laiderait. Il devrait faire sa perce tout seul. Il ntait mme pas citoyen allemand. Ilallait pourtant, en douze ans, devenir le chef du plus important parti du Reich, puis son chancelier. En 1933, i tait le matre, il stait hiss au pouvoir, dmocratiquement, soulignons-le, approuv par lamajorit absolue des citoyens allemands et par un Parlement lu selon des normes dmocratiques, odmocrates-chrtiens et socialistes approuveraient, par un vote positif, la confiance son gouvernementnaissant. Des plbiscites, de plus en plus impressionnants, raffirmeraient ce soutien populaire. Et ces plbiscitestaient sincres. On a prtendu le contraire, par la suite. Cest matriellement faux. Dans la Sarre,province allemande jusqualors occupe par les Allis, qui y taient installs depuis lautomne de 1918, leplbiscite fut organis et surveill par des dlgus trangers, appuys sur des troupes trangres. Hitlerne fut mme pas autoris faire acte de prsence dans cette rgion pendant la campagne lectorale.Pourtant il obtint en Sarre exactement le mme vote triomphal (plus de quatre-vingts pour cent des voix)que dans le reste de lAllemagne. Des propor[39]-tions identiques se retrouvrent Dantzig et Memel,villes allemandes, elles aussi sous contrle tranger. Le vrai est le vrai : limmense majorit des allemands, ou bien staient rangs derrire Hitler ds avant savictoire, ou bien, dans un enthousiasme sans cesse croissant, avaient ralli ses troupes, comme le firentdes millions dex-socialistes et dex-communistes, convaincus des bienfaits de son dynamisme. Il avaitremis de millions de chmeurs au travail. Il avait inject une force nouvelle tous les secteurs de la vieconomique. Il avait rtabli partout lordre social et politique, un ordre mle, mais aussi un ordre heureux.La fiert dtre allemand rayonnait dans tout le Reich. Le patriotisme avait cess dtre une tare, il sedployait comme un tendard glorieux.

  • Prtendre le contraire, affirmer quHitler ntait pas suivi par son peuple, est dformer grossirementltat desprit dalors et nier lvidence des faits. A lextrme oppos, et exactement la mme poque, lEspagne du Frente Popular tonnaitlobservateur tranger par ses violences absurdes et par sa strilit. Bien avant de perdre la guerremilitairement, le Frente Popular avait, en Espagne, perdu la guerre socialement. Le peuple ne vit pas decoups de fusils tirs sur des bourgeois plus ou moins borns ou sur des curs rondouillards, ni sur de [sic]squelettes de carmlites quon dterre pour les exposer la rue dAlcala. Le Frente Popular avait t incapable et ctait cela, pourtant, qui importait de crer en Espagne neft-ce quune bauche de rforme sociale. On ne le [40] rptera jamais assez au jeunes ouvriersespagnols : leurs pres, de 1931 1936, ne connurent rien dautre, sous leurs chefs rouges parmi lesptarades des assassinats et les incendies de couvents que des salaires scandaleusement misrables,linstabilit de lemploi, linscurit face la maladie, laccident, la vieillesse. Le Frente Popular et d ctait loccasion ou jamais de prouver que les politiciens de Gauchedfendaient le peuple ! donner lEspagne ouvrire des salaires qui lui eussent permis de vivre, desassurances sociales qui eussent garanti matriellement son existence, menace par lgosme capitaliste,par les grves et par les crises, qui eussent assur la famille du travailleur la scurit en cas daccidentou de dcs de ce dernier. Socialement, le Frente Popular fut un zro sanglant. En 1936, sa faillite sociale et politique face auxralisations sociales, puissantes, toujours accrues, du fascisme et de lhitlrisme, sautait aux yeux de tousles spectateurs objectifs. Elle ne pouvait que mettre davantage en relief les bienfaits des formules dordre, politique et social, lamalfaisance des formules dmagogiques, communistes ou socialistes, que ce ft dans un Moscou cras et sans cesse purg par Staline, ou dans lanarchie de Madrid o le Frente Popular achevait, avec unelchet de lapins, denlever en pleine nuit et de faire assassiner la mitrailleuse, par ses policiers, le chefde lopposition, le dput Calvo Sotelo. Dans cette atmosphre, la crise ne pouvait que se prcipiter au sein de chaque pays dEurope. Elle maida,cest certain, planter en un tournemain ma bannire sur les remparts de la vieille citadelle politique,dcr-[41]pite dans mon pays comme elle ltait alors dans tous les pays du continent. Bien sr, moi aussi, jtais n pour ce combat. Loccasion, les circonstances aident. Elles dgagent le terrain mais elles ne suffisent pas. Il faut possderle flair politique, le sens de laction, sauter sur les occasions, inventer, renouveler sa propre tactique encours de route, navoir jamais peur de rien et, surtout, tre embras par un idal que rien narrte. Jamais, au cours de toute mon action publique, je nai dout, une seconde, de mon succs final. Qui,devant moi, et mis la moindre rserve ce propos, met stupfi. Ai-je dispos, au moins, de collaborations extraordinaires, ou de moyens imposants ? En aucune faon. Absolument pas. je nai t pouss par aucune personnalit, mme de second ordre. Jaiatteint mon grand triomphe lectoral de 1936 en ayant pch des candidats nimporte o, sans secoursfinancier daucun dirigeant ni daucun groupe conomique. Jtais n au fond des Ardennes belges, dans une petite bourgade de moins de trois mille habitants. Nousvivions enserrs, mes parents, bons bourgeois provinciaux, et se sept frre [sic] et surs, au creux de nosmontagnes. La vie de famille. La rivire. Les forts. Les champs. A quinze ans, jtais entr, Namur, au collge des jsuites. Ds alors jcrivais. Et mme, je parlaisparfois en public. Mais combien dautres crivent ou parlent ! A vingt ans, tudiant en droit et en sciences

  • politiques luniversit de Louvain, javais publi quelques bouquins. [42] Je sortais un journalhebdomadaire. Mes papiers se lisaient. Mais, enfin, tout cela tait encore peu prs normal. Puis le dmarrage sacclra. Je repris une maison ddition de lAction catholique, qui sappelait REX (Christus-REX), do naquitlhebdomadaire REX qui allait, en deux ans, atteindre des tirages vritablement fabuleux pour la Belgiquedalors : 240 000 exemplaires vendus, chaque numro. Javais d me dbrouiller. Lancer travers un pays un grand mouvement politique apparat tous commeune entreprise qui rclame de nombreux millions. Je ne possdais pas dargent, ctait bien simple. Jai dbut en publiant brle-pourpoint des brochures, colles chaque vnement un peu sensationnel. Jen rdigeais le texte en une nuit. Je les lanais tapageusement, comme une marque de savon ou desardines, coups dimposants placards, pays, dans la grande presse. Javais, trs rapidement, mont unequipe de quatorze propagandistes motoriss (motos gratuites, compenses en publicit dans mespremires publications). Ils couraient par tout le pays, collaient mes brochures aux dirigeants destablissements scolaires qui aimaient empocher des commissions considrables en confiant la diffusion demes papiers leur marmaille. Les conducteurs de mes bolides rugissants taient pays, eux aussi,uniquement daprs leur chiffre de vente. Mes brochures atteignirent vote des tirages trs levs : jamaismoins de [43] 100 000 exemplaires ; e mme, une fois, 700 000 exemplaires. Donc, a tournait rond. Lorsque mon hebdomadaire REX parut, je disposais dj, en plus de mes agents motoriss, de groupesnombreux de propagandistes acharns. Ils se baptisrent eux-mmes Rexistes. Ils entreprirent la grandeconqute du public, posts partout aux entres des glises et des cinmas. Chaque centre de propagandede REX vivait de ses ristournes et supportait, grce elles, tous ses frais. Bientt notre presse fut unesource de revenus considrables, couvrant tous les dbours de notre action. On peut dire que le dveloppement foudroyant de REX se fit ainsi, grce une presse crite de faondynamique et vendue de faon dynamique, paye par les lecteurs qui financrent eux-mmes,compltement, la grande perce du rexisme. Notre combat mobligea brusquement crer un quotidien, le Pays rel. Je disposais de dix mille francs.Pas un centime de plus. De quoi payer le tiers de ldition du premier jour. Il fallut trimer. Jcrivais moi-mme lessentiel du journal, dans des conditions impossibles. Ma copie reprsentait lquivalent dunvolume de trois cent pages tous les quinze jours. Mais le quotidien fit sa perce, atteignit aprs notre victoire, un tirage sensationnel : en octobre 1936, plusde 200 000 exemplaires de moyenne quotidienne, vrifie par un constat dhuissier, chaque nuit. Mais la conqute politique dun pays doit pouvoir sappuyer sur la parole autant que sur lcrit. Onnavait [44] jamais vu un mouvement politique, en Belgique, ou ailleurs, runir des auditeurs sans quil encott trs cher aux organisateurs. Or, dcaisser de telles sommes ou mme des sommes beaucoupmoindres, mtait matriellement impossible. Il me fallait donc atteindre les auditeurs comme javaisatteint les lecteurs, sans nulle dpense. Je cherchai le public qui ne me coterait rien. Dans les meetings marxistes, la contradiction tait offerte sur les affiches, bien que nul ne se prsenttjamais cette gin, chacun tenant ses os et leur intgrit. Je my amenai, ponctuel. Chaque soir, jtaisl. - Cest le Lon ! murmurait la foule. Chaque rapidement, un public considrable me connut. Et lesbagarres dchanes pour me mettre bout maidrent puissamment, rpercutes par la presse. Mes os, part une fracture du crne en 1934, taient rests remarquablement intacts. Entre-temps, nospropagandistes, en flamms par leur idal, moustills par cette action directe et par ces risques, taient

  • devenus des milliers : les garons les plus ardents, les filles les plus belles et les mieux bties. Le Rex-Appeal, dirait le roi Lopold. Je pus alors monter mes propres meetings. Meetings qui, ds le premier jour, furent payants. a ne staitjamais vu, mais je tins bon. Jusquau dernier soir des campagnes lectorales, lauditeur belge aligna,chaque soir, cinq francs, au moins, pour mentendre. Lexplication avait t nette : une salle cote tant ; lapublicit, tant ; le chauffage, tant ; lclairage, tant ; total : tant ; chacun paie sa part ; cest clair et cestpropre. Je donnai ainsi, en trois ans, plusieurs milliers de meetings, plusieurs chaque soir, de deux heures chaquefois, ou davantage, toujours contradictoires. Un jour, je [45] parlai quatorze fois, de sept heures du matinjusqu trois heures du matin de la nuit suivante. Je choisissais les salles les plus grandes, telles que le Sport-Paleis Anvers (35 000 places) et le Palaisdes Sports de Bruxelles (25 000 places). Plus de 100 000 F dentres chaque fois ! Jy donnai mme sixgrands meetings, six jours de suite, que jappelai les Six Jours, puisque je battais ce record dans la plusgrande enceinte cycliste de Belgique : 800 000 F dentres ! Je louais des usines dsaffectes. Je montai,en plein air, Lombeck, aux portes de Bruxelles, un meeting o accoururent plus de 60 000 auditeurs ;325 000 F dentres ! Cet argent mimportait peu. Jamais, comme chef de REX, je nai touch un centime de traitement.Largent de vaut que comme moyen daction. Mais nous possdions ainsi, partout, sans bourse dlier, unsecond et formidable moyen daction. Limagination fit le reste. Nos propagandistes peignaient les ponts, les arbres, les routes. Ilsbadigeonnrent mme des troupeaux entiers de vaches qui arborrent, sur leurs flancs, le long de lignes dechemin de fer, les trois normes lettres rouges de REX, mettant de bonne humeur les usagers des trains,enchants par limprvu du spectacle. En un an, sans appui de quiconque, force dacharnement, desacrifices et de foi, nous avions, quelques milliers de jeunes garons et de jeunes filles, rvolutionntoute la Belgique. Dans leurs pronostics lectoraux, les vieux politiciens ne nous accordaient pas un lu :nous en emes trente et un, dun seul coup ! Certains taient vraiment des gamins. Celui qui culbuta leministre de la Justice, Renaix, avait tout juste sa majorit lectorale, ces jours-l ! La preuve avait t[46] faite quavec de la volont et surtout lorsquun idal puissant vous jette en avant, tout peut senfonceret tout peut se gagner. La victoire est ceux qui veulent et ceux qui croient. Je dis cela pour encourager des jeunes, ardents, qui douteraient de leur russite. Mais, en ralit, qui doutede russir ne peut pas russir. Celui qui doit forcer le Destin porte en lui des forces inconnues que dessavants perspicaces et tenaces dcouvriront certainement un jour, mais qui nont rien voir avec lamachinerie, physique et psychique, de ltre normal. - Si jtais un homme comme les autres, je serais maintenant en train de boire un pot de bire au Caf ducommerce, mavait rpondu Hitler, un jour o je lui racontais, sur on ton goguenard, que le gnie estnormalement anormal. Mussolini ntait pas, lui non plus, un tre normal . Napolon ne lavait pas tavant lui. Lorsque les forces anormales qui le soutenaient labandonnrent, sa vie publique sabattit ausol, comme un aigle dont on et fauch les deux ailes, tout dun coup. Mussolini, durant la dernire anne de sa vie, - ctait visible et ctait tragique flottait comme unradeau dboussol, sur une mer qui labsorberait nimporte quand. Lorsque la vague mortelle fut l, illaccueillit sans raction. Sa vie tait finie depuis que les forces inconnues qui lavaient fait Mussoliniavaient cess dtre son sang secret. Le sang secret. Cest cela. Les autres ont un sang commun, analys,catalogu. Ils deviennent, lorsquils russissent, dhonntes gnraux la Gamelin, con[47]-naissanttoutes les ficelles dtat-major et les tirant avec correction, ou des hommes politiques faux col, laPoincar, mticuleux, appliqus et ordonns comme des receveurs de contribution. Ils ne cassent rien.Lhumanit normale dbouche, son stade suprieure, sur des forts en thme, que le thme soit lEtat, oulArme, ou la construction impeccable dun gratte-ciel, dune autoroute ou dun ordinateur. En dessousde ces esprits normaux qui se sont distingus, pat limmense troupeau des tres normaux qui ne se sont

  • pas distingus. Lhumanit, cest eux : quelques milliards dtres humains au cerveau moyen, au curmoyen, au train-train moyen. Et voil quun jour, brusquement, le ciel dun pays est travers par le grand clair foudroyant de ltre quinest pas comme les autres, dont on ne sait pas encore au juste ce quil a dexceptionnel. Cet clair-latteint, dans limmense foule, des forces de la mme origine que la sienne, mais atrophies et qui,recevant le choc metteur, se raniment, rpondent, correspondent, petite chelle, sentant, nanmoins,leur vie transforme. Ils sont anims, soulevs par des fluides qui navaient jamais atteint leur vie normalet dont ils navaient jamais souponn quils transperceraient leur existence. Lhomme de gnie est ce formidable poste metteur et rcepteur, quil sappelle Alexandre ou GengisKhan, Mahomet ou Luther, Victor Hugo ou Adolf Hitler. Les gnies, entraneurs de peuples, les gnies,enchanteurs de couleurs, de volumes ou de mots, sont projets, des [48] degrs plus ou moins intenses,vers des destins inluctables. Certains fous sont aussi, sans doute, des gnies, des gnies qui ont drap,dans le potentiel mystrieux desquels un engrenage a d tre fauss, ou mal embot au dpart. En fait, decette nature des gnies, les savants, les mdecins, les psychologues ne savent encore peu prs rien. Maisun gnie ne se fabrique pas, il nest pas le rsultat dun norme travail, il relve dun tat physique etpsychique jusqu prsent ignor, dun cas spcial qui doit se produire une fois sur cent mille, ou sur unmillion, ou sur cent millions. Do lahurissement du public. Et le ct grotesque des jugements portspar ltre banal sur ltre extraordinaire qui le dpasse en tout. Quand jentends des primaires mettreavec assurance des jugements olympiens sur Hitler, ou tout aussi bien sur Van Gogh ou sur Beethoven, ousur Baudelaire, jai parfois envie de pouffer de rire. - Quy comprennent-ils ? Lessentiel leur chappe, parce quils ne possdent pas activement cette force-mystre qui est lessentieldu gnie, soit du gnie total, au survoltage maximum, soit du gnie limit parce que son pouvoirdexpansion est moins charg, moins dense, moins riche, ou quil est orient vers un secteur limit. Le gnie, bon ou mauvais, est, quon le veuille ou non, la levure de la lourde et monotone pte humaine.Celle-ci retomberait sur elle-mme sans ce stimulant. Cette levure est indispensable. Et la Nature ne ladispense que trs chichement. Encore faut-il que les circonstances soient l, qui permettent cesmolcules de vie suprieure de fconder la nature uniforme, mille fois plus considrable, matriellement,mais qui, laisse elle seule, est vaine, [49] vgte, ne reprsente rien. Sans le gnie qui, de temps entemps, le transperce, le monde serait un monde de commis. Seul le gnie fait que lunivers sort parfois desa mdiocrit et le dpasse. Lclair teint, il retombe dans la grisaille dont, seul, un clair nouveau le ferapeut-tre un jour resurgir. Cest pour cela que lpoque des fascismes, o jaillirent des gnies authentiques, fut captivante. Parmi descirconstances exceptionnelles surgissaient des transformateurs de peuple au rayonnement exceptionnel. Lemonde allait, cause deux, connatre un des plus extraordinaire virage de son histoire. - Tout a mal tourn ? Quen savons-nous ? A la chute de Napolon, tout, aussi, avait, croyait-ton, mal tourn. Et pourtant, Napolon a marqulhumanit pour toujours. Sans Hitler, serions-nous mme simplement au seuil de lexploitation delatome ? Une seule fuse existerait-elle ? Or, le changement radical de notre poque part delles. La dcharge de gnie quHitler, sil a et cest tout un ensemble analyser provoqu des catastrophes, acertainement aussi apport une transformation radicale lorientation de lhumanit. Lunivers nouveau,jailli du drame hitlrien, a, en quelques annes, provoqu un changement irrversible des conditions devie, du comportement des individus et de la socit, de la science et de lconomie, des mthodes et destechniques de pro[50]-duction, changements plus considrables que tous ceux quavaient apport les cinqderniers sicles.

  • Hitler na peut-tre t que la cartouche de dynamite qui a dclench lexplosion gante de notre temps etprovoqu le bouleversement du monde contemporain. Mais le bouleversement a eu lieu. Sans Hitler, nousserions rests, peut-tre encore pendant des centaines dannes, les mmes petits bourgeois rassis quenous tions au premier quart du sicle. Ds 1935, la mise feu du satellite Hitler tait invitable. Le gnie, a ne sarrte pas. pendant le compte rebours, chaque pays allait participer, sa manire, et souvent inconsciemment, ce bouleversementfantastique, certains se comportant comme des ples ngatifs la France et lEmpire britannique, parexemple dautres constituant les ples positifs, chacun deux accouplant des pices de la machineriedo jaillirait le monde futur. Mais, en 1936, quel devin et imagin que le monde vieillot o il vivait allait connatre une si totalemutation ? Hitler, grondant des forces inconnues qui taient sa vritable vie, se rendait-il mmeexactement compte du destin qui lattendaient, et qui nous attendait tous ? Moi, comme les autres, je ne voyais encore que mon peuple extraire des marais politiques, sauver,moralement autant que matriellement. En 1936, le pays, la patrie taient encore, partout, lalpha etlomga de chaque citoyen. Un Premier ministre franais comme Pierre Laval navait jamais pass un jourde sa vie en Belgique, [51] deux cent kilomtres de Paris ! Mussolini navait jamais vu la mer du Nord.Salazar ignorait la couleur de la mer Baltique. Je mtais rendu, oui, en Asie, en Afrique, en Amrique latine. Javais vcu au Canada et aux Etats-Unis.Mais je nen parlais gure, car cela paraissait assez peu srieux, relevant presque de la bougeotte. En fait, lesprit international, et mme lesprit europen nexistaient pas. Lunique organisme mondial, laSocit des Nations, Genve, tait une vieille dame bavarde, inutile, dont les gens de bon ton parlaientavec condescendance. Elle avait rassembl, pendant prs de vingt ans, les principaux hommes dEtateuropens. Un Briand y avait vaguement entrevu lEurope. Et encore, sa conception en tait-elle trsfloue. Mais son cas tait peu prs unique. LEurope, sans le phnomne Hitler, en ft rest l, sans doutelongtemps encore, chaque pays sagitant dans le pr de son territoire particulier. En moins de trois ans, le vieux continent allait subir une mutation totale. Il aurait peine eu le temps defermer les yeux que le champignon Hitler se serait dploy, grandiose, effrayant, par-dessus lEurope.Lparpillement envahirait chaque coin du ciel, jusquau ras des plus lointains des ocans.

    Chapitre IVLEurope clate

    - [53] Si vous aviez pris temps le pouvoir en Belgique, eussiez-vous pu empcher la Deuxime Guerremondiale ? A premire vue, la question parat tout fait saugrenue car la Belgique est un mouchoir de poche jet aunord-ouest du continent. Ses 30 000 km2 reprsentent peu de choses. Et les intrts en jeu, tant du ctgermano-italien que du ct franco-anglais, taient gigantesques. Alors ? Eh bien, cet alors nest pas aussi problmatique quil puisse paratre au premier abord. Entre les deuxblocs dEurope occidentale qui allaient sempoigner bras-le-corps, le seul pays capable de constituer unebarrire, ou un lieu de rencontre des grands rivaux, tait, tout de mme, la Belgique. Install la tte de lEtat, disposant du seul moyen de propagande internationale qutait, lpoque, laradio, il et t possible, accroch au micro chaque jour, de contrecarrer, dans la France du FrontPopulaire, les violentes campagnes bellicistes qui cherchaient dresser dfinitivement Paris contre leTroisime Reich. Les bellicistes franais ntaient quune minorit. Une toute petite minorit. On le vit lors des accords deMunich [54] en septembre 1938, la suite desquels le signataire franais, le ministre Daladier, honnte

  • pochard cultiv, qui sattendait tre toil de tomates et dufs peu frais en dbarquant larodrome duBourget, fut acclam par le peuple parisien, avec une frnsie qui le laissa bgayant et pantois. On le vit encore lors de la guerre de Pologne. Le Franais, malgr les grands coups de pinard de rigueur,partit aux armes en renclant. Il combattit mal en 1940, non seulement parce que la stratgie jHitlersurclassa ses tats-majors, empots et en retard dun sicle, mais parce quil ne comprenait rien aux butsde cette guerre, et que le moral ny tait pas. Eclair chaque jour, ds 1936, le peuple franais et, peut-tre, compris le problme de la runificationdun Reich morcel peu intelligemment aprs 1918. Il est vif desprit. Politiquement, il saisit leraisonnable. Il et pu se rendre compte que le mieux serait de proposer lui-mme, temps, un rglementtotal, sur des bases justes, du problme des frontires allemandes et notamment de Dantzig, ville sparearbitrairement du Reich, qui votait 99% pour Hitler, et qui, au nom de la dmocratie , on interdisaitde rejoindre la patrie de son histoire, de sa race, de sa langue, et de son choix. Alors, quoi rimait le droit des peuples disposer deux-mmes ? Dautre part, Dantzig tait le goulot par lequel passait la vie maritime de la nouvelle Pologne. Il tait impensable, videmment, quun grand pays [55] comme lAllemagne restt jamais coup endeux, que ses habitants continuassent ne pouvoir se rejoindre que dans des wagons plombs, travers unterritoire tranger. La Pologne, pour sa part, avait le droit de respirer, de pousser sa trache artre jusqu la Baltique. Nanmoins, cet imbroglio du Corridor polonais ntait pas un remde. La solution dun plbiscite amical, polono-allemand, tait relativement simple, qui et garanti chacundes deux pays, quil ft vainqueur ou quil ft vaincu dans la comptition lectorale, un accs libre aumoyen dune autoroute unifiant les deux parties du Reich, si les Allemands perdaient, joignant la Pologne la mer Baltique, si les Allemands gagnaient. La recherche dune solution pareille, ou assez semblable, ou mme diffrente mais satisfaisant les partiesen cause, tait certainement plus facile mettre en forme que les plans de cohabitation imposs en 1919 des peuples trs diffrents, rivaux parfois, ennemis souvent : des millions de Tchques, de Slovaques, deRuthnes, de Hongrois, sur lancien glacis bohmien ; des millions de Polonais, dUkrainiens, de Juifset dAllemands, au sein dune Pologne hybride, sans majorit nationale. Ou une Yougoslavie deCroates, de Serbes et de Bulgares qui se hassaient et qui rvaient plus de se dpecer que de sembrasser. Mais, voil, il ne fallait pas, pour envisager une solution valable au cas du couloir de Dantzig, attendrequon ft arriv au 30 aot 1939, alors que dj les moteurs de quelques milliers de chars ronflaient toutle long de la Prusse orientale, de la Pomranie et de la Silsie ! La France a donn, de son habilet diplomatique, des [56] preuves clatantes, avant 1914, en liquidant lesinimitis anglo-franaises, en nouant lalliance franco-russe ; elle les renouvela sous de Gaulle en sedgageant de la politique des blocs. La mme habilet et pu, tout aussi bien, en 1936, aider prparerune liquidation pacifique du casse-tte allemand. Et puis lHitler de 1936 ntait pas lHitler rugissant de 1939. Je lai rencontr longuement lpoque, carlintrt de mon pays, terre dentre-deux, tait de nouer des relations intelligentes et prcises avec lesmeneurs du jeu europen. Cest ainsi que je vis discrtement tous les principaux hommes dEtatdEurope, quils fussent franais, comme Tardieu et Laval, ou italiens comme Mussolini et Ciano, ouallemands comme Hitler, Ribbentrop et Goebbels, ou espagnols comme Franco et Serrano Suner, ouanglais comme Churchill et Samuel Hoare. En aot 1936, javais donc du longuement Hitler. La rencontre avait t excellente.

  • Il tait calme et fort. Moi, javais vingt-neuf ans, et toutes les audaces. - Jamais je nai vu de tels dons chez un garon de cet ge , avait dit et rpt Hitler Ribbentrop et Otto Abetz aprs notre entrevue. Je cite ce jugement, non pour me planter dans larrire-train des plumesde paon, mais pour que lon voie que les atomes crochus avaient fonctionn, que la conversation que je luiavais tenue, pendant plusieurs heures, Ribbentrop prsent, lavait intress. Or, que lui avais-je propos ? Ni plus ni moins quune [57] rencontre Lopold III-Hitler, Eupen-Malmdy, autre terre spare de lAllemagne par le trait de Versailles, au profit de la Belgique cette fois,aprs un plbiscite truqu : ceux qui ntaient pas daccord avaient t obligs de faire connatre leuropposition par crit, en apposant leur signature sur un registre public, rpertoire redoutable de suspectsfuturs ! Dans ces conditions, qui et sign ? Toutes les cloches de Belgique avaient eu beau sonner pour fter ce soi-disant rattachement ! A longuechance, de tels procds taient indfendables. Il fallait, mon avis, prvenir les rclamations etenterrer la hache de guerre l-mme o existait une possibilit de la brandir. Hitler avait t immdiatement daccord sur ma formule : un plbiscite dont la campagne prparatoire selimiterait une assemble des populations locales en face de deux chefs dEtat qui viendraient ensemblesur les lieux, expliqueraient publiquement leur point de vie, en toute courtoisie ; une seconde assemble,identique, se tiendrait aprs le plbiscite pour que, quel quen ft le rsultat, les deux chefs dEtat yscellassent la rconciliation de leurs deux peuples. Si Hitler se ralliait une solution si pacifique qui plus aussi dailleurs Lopold III quand jallai lui enfaire part il et pu, plus forte raison, accepter, en 1936, un dbat concernant lensemble des frontiresautrichiennes, tchques, danoises, etc. et, notamment, un arrangement lamiable avec une Pologne,rconcilie de puis 1933 avec le Reich et amie, dautre part, dune France qui et t, en cette occasion,lagent rv dun rglement dfinitif. Peu avant, le marchal Ptain et le marchal Goering [58] staient rencontrs, en Pologne prcisment.Rien de sens ntait donc impossible. Il ntait pas dhommes dEtat qui navait dplor, ds 1920, linintelligence des dcisions prises, lasuite de la Premire Guerre mondiale, au sujet de Dantzig, du Corridor et de la Silsie. Les dcisions imposes alors avaient t injustes, bases sur des dictats et sur des plbiscites fausss. Etudie posment, une solution sage et d tre prsente bien avant mme quil ft question delAnschluss et des Sudtes, dautant plus que lambiance, en Pologne comme en Allemagne, tait lacollaboration, tel point que lorsque le prsident Hacha, rpudi par les slovaques, eut confi, le 15 mars1939, Hitler, le sort de la Bohme, la Pologne du colonel Beck participa militairement linvestissement, semparant de la ville et de la rgion de Teschen. Cette Pologne-l, bien conseille, seft difficilement refuse un dbat srieux avec son alli de ce printemps mme. Sans lintervention provocatrice des Anglais la fin davril 1939, promettant la lune au colonel Beck,homme tar physiquement et financirement, cet accord et t ngociable. Des appels lesprit de comprhension des Franais eussent pu tre dcisifs. Hitler avait renoncpubliquement et pour toujours lAlsace-Lorraine. Il ne dsirait en aucune faon croiser le fer avec uneFrance inassimilable, cest--dire sans intrt pour un conqurant. La France, de son ct, navait rien gagner une [59] telle bagarre. Autant les terres fcondes de lEstpouvaient tenter Hitler et on et mme d lorienter et lencourager dans ce sens, dbarrassant lOuest,pour cent ans, du danger allemand autant une guerre, strile lavance, avec la France, avait cessdveiller en lui le moindre dsir.

  • Un chef de gouvernement belge, fils, petit-fils et arrire-petit-fils de Franais, expliquant aux Franaislimportance vitale de leur rle de conciliateurs, comme je leusse fait sans relche, plant devant lesmicros de la Radiodiffusion, et pu frapper en France les esprits. En tous cas, jeusse tent limpossible. Je men voudrai jusqu la mort de ne pas avoir conquis le pouvoir temps, mme sil ne met offertquune chance minime de sauver la paix. Je leusse utilise au maximum. La passion dy parvenir metdict les mots quil fallait. Le peuple franais est sensible aux orchestrations de la parole. Et il tait mrpour le langage que je lui eusse tenu. Le plus tonnant est que, si je nai pas pu prendre temps, dans des mains fortes, un pouvoir que jeneusse plus jamais lch, on peut men croire, la proie mchappa cause dHitler, prcisment. Ce sontses interventions brusques en Autriche, chez les Sudtes, chez les Tchques, puis le dbut de la bagarrepolonaise qui effrayrent le public belge et mirent mal mon ascension finale. Ce qui nempche quonma dpeint mille fois, lpoque, comme tant linstrument dHitler, le jouet dHitler. Je nai jamais tle jouet de personne, pas plus dHitler [60] que dun autre, pas mme au cours de la guerre quand jeluttais ct des armes allemandes du front de lEst. Les archives les plus secrtes du Troisime Reichltablissent. Ni en 1936, ni plus tard, ni jamais, je nai reu dHitler un pfennig, ni une consigne. Jamais,dailleurs, il na essay de minfluencer en rien. Au contraire, par la suite, lorsque les incertitudes politiques de la guerre mangoissaient, je lui en ai dit des vertes et des pas mres . Son principal traducteur, le docteur Schmidt, qui assistait commeinterprte nos entrevues, a racont lui-mme, dans la presse, aprs la guerre, comment je parlais auFhrer avec une vigueur et une crudit que nul autre nosa jamais employer avec un tel interlocuteur. Il encaissait trs bien, avec une bonne humeur cocasse. - Lon, me disait-il pendant la guerre, lorsque jexigeais tout pour mon pays et refusais tout en son nom,finalement ce nest pas vous qui collaborez avec moi, cest moi qui collabore avec vous ! Et ctait assez vrai. Notre pays, parce que trop petit, risquait, dans une Europe mal dfinie, de perdre sa personnalit.Toujours jai exig que le caractre propre de notre peuple soit respect en tout : son unit, ses coutumes,sa foi, ses deux langues, son hymne national, ses drapeaux. Je nai jamais tolr, tout au long de lacampagne de Russie, quun Allemand, si sympathique ft-il, exert un commandement parmi mes units,ou simplement nous parlt en allemand. Nous devions dabord nous affirmer. Aprs, on verrait. Mme chez Hitler, je ne menais mes conversations quen franais (quHitler ignorait), ce qui me donnait,[61] entre nous, le temps de bien rflchir pendant quon traduisait la rpartie, dj comprise. Hitlerntait pas entirement dupe. - Fuchs ! (renard), me disait-il un jour en riant, aprs avoir dcel dans mon il un regard malicieux.Mais il ne se formalisait pas de mes subterfuges et me laissait soupeser laise chacun de mes propos. En 1936, toutefois, on nen tait pas l. Hitler tait encore pour nous un Allemand lointain. Lre desgrandes oprations de regroupement germanique ntait pas encore entame. La roccupation de la rivegauche du Rhin, logique, et qui et d tre concde aux Allemands longtemps auparavant, navait pasfait spcialement de malheurs. Elle avait t rapidement passe au compte des profits et pertes. Au moment de la victoire de REX (mai 1936), le baromtre de lEurope tait plutt au beau temps. Aucours de notre campagne lectorale, le nom dHitler navait pas t voqu une seule fois par uncontradicteur. On sen tait tenu, dans tous les partis belges au combat, des problmes de politiqueintrieure. Notre programme dalors les textes jaunis par les ans existent toujours parle longuement etdurement du balayage des vieux partis politiques, de la rforme de lEtat (autorit, responsabilit, dure),

  • du socialisme difier, de la haute finance mater. Mais il ny est mme pas question dune bauche deprogramme international. Pendant de longs mois encore aprs notre victoire de 1936, notre position se limita prner une politiquede [61] neutralit qui dgagerait notre pays de toute alliance dangereuse de Gaulle a-t-il agi autrement,plus tard, face aux deux blocs de laprs-guerre ? et maintiendrait notre patrie lcart des querellesqui commenaient gronder entre les dmocraties dancien style (France, Angleterre) et les dmocratiesdordre nouveau (Allemagne, Italie). Sous notre impulsion, cette politique de neutralit devint rapidement et officiellement celle de la Belgique. Dans tout cela, rien donc qui marquait une orientation internationale du rexisme dans un sens prohitlrien.Certaines grandes rformes du national-socialisme et du fascisme nous intressaient vivement. Mais nousles examinions en observateurs, sans plus. A dire le vrai, mes affinits taient franaises. Ma famille tait de l-bas. Ma femme tait de l-bas etavait conserv sa nationalit. Mes enfants pourraient opter un jour pour le pays de leur choix. Ils ont,depuis lors, tous opt pour la France. De 1936 1941, je me suis rendu une seule fois Berlin mais centfois Paris ! Aussi, pas question de main de lAllemagne, dargent de lAllemagne, de mots dordre de lAllemagne !Nous tions neutres. Ni avec lAllemagne, ni avec la France : la neutralit la plus rigoureuse, face unebagarre o notre pays navait rien gagner et o, pris entre les deux battants agits avec violence, il nepouvait que recevoir de mauvais coups, des uns comme des autres. Toutefois, au printemps de 1936, une telle empoignade [63] ntait pas encore inscrite nettement lordredu jour europen. Nous connmes quelques semaines de rpit. Puis, au cours de lt, lavalanchedgringola. Dabord, en France. Le Front Populaire lemporta lectoralement. Le pouvoir passa au chef de lacoalition des gauches. Lon Blum, ennemi par ses convictions marxistes et par judasme, de tout ce quitait hitlrien. Sa hargne et laveuglement que donne la hargne taient tels quil avait prdit lchecdHitler juste avant que celui-ci arrivt au pouvoir ! Une srie de ministres de son quipe, hommes et femmes, taient juifs galement. On ne peut pas dire queleur passion de la France tait exagre : lun deux, Mphisto lunettes, nomm Jean Zay, avait mme,prcdemment, trait le drapeau franais de torche-cul . Mais leur passion antihitlrienne tait, elle,forcene, sans limites. La tension monta aussitt. Les campagnes de haine et de provocation antihitlriennes, sous de telles inspirations, spandirent vite etefficacement. Appuy fond par la propagande isralite, le Front Populaire se rua contre quiconque, ltranger aussibien quen France, tait de droite. Il me fit dcrire, dans sa presse, uniquement parce que jtaisneutraliste, comme un suppt dHitler. Il fit donner fond contre moi les agents secrets du DeuximeBureau franais, extrmement nombreux et actifs en Belgique, o ils dversaient abondamment, dans lapresse et les milieux mon[64]-dains, dplums et avides dargent de poche, les millions de la corruption. Un mois plus tard, deuxime dcharge lectrique : lEspagne nationale se dressait contre le FrentePopular, frre chri du Front Populaire franais. LEspagne et la Belgique, ntant pas voisins, navaient et ne pouvaient avoir, en rien, dintrts opposs.Le soulvement tait juste, sain, ncessaire, comme lpiscopat espagnol puis le Vatican allaient leproclamer lanne mme. La guerre civile est le dernier recours, mais les fureurs du Frente Popularavaient accul lEspagne nationale ce dernier recours. La Phalange, dinspiration catholique, tait trs prs du rexisme, politiquement et spirituellement. Moi-mme avais t nomm, en 1934, par Jos Antonio Primo de Rivera, n I de la Phalange de lextrieur.

  • Larme espagnole, qui stait souleve, dfendait les mmes idaux patriotiques et moraux que ceux duRexisme. Et puis, quand mme ! Si le Front populaire franais, si les Soviets, si toute lInternationale marxisteprenaient parti pour des incendiaires et des trangleurs, sils les soutenaient frntiquement, sils lescomblaient davions franais et de chars russes, sils leur envoyaient des milliers de recrues desillumins la Malraux, des bouchers sanglants la Marty, ou des fonds-de-tiroirs de prisons pourquoinous, patriotes et chrtiens, naurions-nous pas pu prouver des sympathies pour des patriotes et deschrtiens, traqus et perscuts au long de [65] cinq annes de terreur et rduits se dresser en armes poursurvivre ? Nempche, un premier foyer de guerre europenne stait allum. Nul pompier napparaissait qui et puarroser le brasier naissant. Au contraire, lincendie slargissait. Allemands et Italiens, communistesrusses et Franais rouges passaient des changes de mots aux changes dexplosifs, prtendaient se servirdu champ de bataille espagnol pour rgler au couteau leur contentieux. Internationalement, 1936 se terminait mal. Les nerfs taient fleur de peau : 1937 allait marquer, enEurope, le virage fatal. A partir dalors, Hitler, qui navait gure se proccuper des plans lectoraux du rexisme, allaitrgulirement nous ficher dedans chaque fois que nous eussions d renforcer notre action en gagnant denouveaux votes et, grce eux, nous hisser pacifiquement au pouvoir. Ctait, chez moi, une position bien arrte : pas daccs au pouvoir par la violence. Jamais, en temps depaix, je nai port sur moi une arme quelconque. On pouvait me voir Bruxelles, o que ce fut, sansprotection daucun ordre. Jallais la messe, au restaurant ou au cinma avec ma femme : ctait monunique rempart, tout de grce et de gentillesse. Je faisais des kilomtres dans les bois avec mes enfants. Jai toujours prouv une horreur physique pourtout ce qui tait janissaires ou gardes de corps. Jai toujours cru mon toile. Il ne marrivera jamais rien.Et, de [66] toute faon, un pistolet dans une poche de pantalon sortirait trop tard et nempcherait pas lacasse. Le peuple a horreur de ces protections qui ont des airs de suspicion. Il faut se fier lui, franchement. Jeme rendais tout seul, en tramway, aux pires meetings rouges. Les incidents ne manqurent point. Ils furentsouvent cocasses. Mais ma mthode tait la bonne. Le cur du peuple est droit. Cest ses sentimentsdhospitalit et damabilit quil faut faire appel, et non une intimidation blessante. De mme que je voulais gagner les masses par le cur, sans recourir jamais un talage de forces, demme tout mon tre sopposait un recours la force arme pour me hisser au pouvoir dans mon pays. Cette force arme, je lai eu ma disposition ; en octobre 1936, le chef le plus fameux et le plus populairede larme belge, le gnral Chardonne, mit, par crit, toutes ses troupes ma disposition, moffrit de lesamener en trains spciaux Bruxelles. Le terrain et t nettoy en une heure par la division dlitequtaient les Chasseurs ardennais. Le roi son secrtaire lexpliqua lcrivain Pierre Daye, dputrexiste et ordonn quon ne ripostt point. Je remerciai le gnral, mais me refusai une telle opration. Sans aucun doute, si javais pu deviner comment les vnements internationaux allaient me prendre decourt, jeusse accept. Il y aurait eu trs peu de rsistance chez les nantis. Une fois ma dcision prise,jeusse, de toute [67] faon, bris tout obstacle sans exagrer les mnagements : le salut de mon pays et lapaix de lEurope eussent eu plus de prix mes yeux que les criailleries de quelques dirigeants marxistes,promptement boucls. Mais jtais, tout au fond de moi-mme, sr de russir sans recourir une solutionde force. La solution de mon got, ctait la conviction, ladhsion et le don consentis librement, danslenthousiasme.

  • A vingt-neuf ans, des foules immenses staient donnes ma cause. Quelques mois plus tard, les chefsnationalistes flamands staient rallis ma conception de la Belgique fdrale. Leurs dputs etsnateurs, presque aussi nombreux que les miens, avaient fait bloc avec le rexisme. Pourquoi cetteprogression pacifique ne serait-elle pas mene sans violence jusqu la victoire dfinitive ? Encore unelection, deux lections, quelques campagnes populaires puissantes, et jarriverais au pouvoir sans uncoup de fusil, mappuyant sur ladhsion et laffection de la majorit absolue de mes compatriotes ! Jai bien failli y parvenir. Si je ny suis point parvenu, cest avant tout, et, par-dessus tout, je le rpte, cause dHitler, pass delre du redressement intrieur du Reich, lre des revendications internationales, rabattant dans tous nospays les lecteurs affols vers les parapluies des anciens rgimes conservateurs. Au dbut de lanne1937, la bagarre stait redoutablement aggrave en Europe, attise de plus en plus violemment par lesbravades incessantes du Front Populaire franais. Hitler rpondait ses ennemis [68] en jetant vers euxles imprcations les plus bruyantes, les sarcasmes les plus cruels, les menaces les plus directes. En six mois, lEurope se trouva coupe en deux camps. Non quelle sy ft range : on nous y rangea.Nous qui navions aucun lien , daucun ordre que ce soit, pas plus politique que financier, avec leTroisime Reich, on nous jeta, comme un ballot sur un quai de gare, dans le clan allemand o, pourtant,nous ne voulions atterrir aucun prix. Jentends toujours, la sortie dun meeting de gauche, pendant lhiver 1936-1937, lapostrophe : ABerlin ! Ctait de la calomnie intgrale. Nempche, je me retournai, inquiet, vers mes amis prsents. Mauvais, ce cri-l. Le lendemain, toute la presse marxiste le rptait. Dsormais, nous serions catalogus,malgr nos protestations incessantes, comme les hommes de Berlin ! Mais la catastrophe suprme fut quHitler, furieux des campagnes menes partout contre lui, avaitcommenc perdre patience, faire la grosse voix, foncer ! Et, chaque fois, son rush, que ce ft vers le Danube autrichien, ou vers les montagnes des Sudtes, ou versles jolis ponts baroques de Prague, tomba, toujours, comme automatiquement, en plein milieu descampagnes lectorales de REX qui eussent peu entraner dfinitivement le public belge derrire nous. Le Belge et cest comprhensible avait conserv de linvasion de 1914, qui avait t aussi injuste quecruelle, un souvenir horrifi. Chaque irruption militaire [69] de la Nouvelle Allemagne dans un paysvoisin, mme si cette entre avait t pacifique, mme si elle avait t accepte, voire accueillie danslenthousiasme comme en Autriche, mettait llectorat belge en transes. A Berlin ! A Berlin ! nous lanaient en chur, srs de leffet du slogan, les propagandistes dextrme-gauche ! Nous jeter lchement cette calomnie la face, ctait, en toute impunit, affoler le corpslectoral, aussi bien wallon que flamand. A Berlin ! alors que ledit Berlin, par ses violencesinternationales, jetait invariablement la panique, au moment dcisif, parmi le public que nous nousacharnions conqurir. Lorsque je provoquai le Premier ministre belge, M. Van Zeeland, en 1937, une vritable lection-plbiscite Bruxelles, le hurlement A Berlin ! dferla durant toute la campagne. Elle se cltura par unformidable coup de crosse que massena larchevque de Malines, plus antihitlrien encore que LonBlum et que tous les comits juifs runis. Le cardinal Van Roey tait un colosse, paysan flamand taill la hache de silex, taiseux , but,rpandant, sous ses atours, dpaisses odeurs tenaces. Certains de ses fidles qui ne ladmiraient qudemi lavaient baptis Le Rhinocros. Timide, la Ligue de Protection des Animaux, navait pas protest. Son palais archipiscopal, dun ennui accablant, tait hant de bossus, de bigles, de boiteux, valetaillelugubre et silencieuse racole au plus bas prix. Face lescalier dhonneur en bois cir, caquetait unevolaille disparate.

  • [70] Mes poules, murmurait lugubrement larchevque, visiblement sans penser mal. Ce sont les seuls prsentations auxquelles il se livrait. Lair ternellement renfrogn, il faisait preuve, en tout dun fanatisme lmentaire, intgral, comme silet domin tribunaux de lInquisition et bchers du XVIe sicle. Jamais il nava