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DOCUMENTS DE TRAVAIL 232 Aurélien DASRÉ et Véronique HERTRICH Comment aborder les pratiques religieuses en Afrique Subsaharienne ? Les enseignements d’une enquête longitudinale en milieu rural malien Juillet 2017

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DOCUMENTSDE TRAVAIL232

Aurélien DASRÉ et Véronique HERTRICH

Comment aborder les pratiques religieuses en Afrique Subsaharienne ?

Les enseignements d’une enquête longitudinale

en milieu rural malien

Juil

let

2017

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CommentaborderlespratiquesreligieusesenAfriqueSubsaharienne?

Lesenseignementsd’uneenquêtelongitudinaleenmilieururalmalien

AddressingreligiouspracticesinSub-SaharanAfricaInsightsfromalongitudinalstudyinruralMali

AurélienDASRÉ1etVéroniqueHERTRICH2

Projet Slam – Suivi longitudinal au Mali

ProjetANR-DyPE–Dynamiquesdelaparentalitéetdel’enfanceenmilieururalafricain–(ANR-12-BSH1-0005-01)

1 UniversitéParisNanterre/Cresppa-GTM/Ined 2 Institutnationald’étudesdémographique,INED,Paris,France

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LesauteurstiennentàremercierAliceDegorce,katrinlangewiesche,CécileLeguypourleurs conseils et relectures qui ont grandement contribué à l’élaboration de cetterecherche.

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La religion figure classiquement parmi les variables explicatives des comportementsdémographiques. Selon leuremprise communautaireet lesvaleursqu’ellesdéfendent,notamment enmatière familiale, de genre et d’autonomie individuelle, on s’attend eneffet que les religions orientent différemment les comportements des individus(CaldwellandCaldwell1987,Lesthaeghe1989,McQuillan2004).Danslesrecensementset les enquêtes démographiques, la religion est généralement enregistrée parmi lescaractéristiques individuelles et comme une variable d’état. On considère ainsiimplicitementque l’appartenancereligieuseestunique,définitiveetsansambiguïté.Sicette hypothèse peut être acceptable dans certaines populations, comme enOccident,ellel’estbienmoinsdansd’autres,oùlapluralitéetlamixitéreligieusessontcourantes.Ainsi,enAfriqueSubsaharienne,ladiffusiondesreligionsuniversalistes(christianisme,islam) au sein de populations initialement tournées vers des cultes traditionnels s’esttraduite par des pratiques originales, avecmobilité religieuse et formes de religiositéhybrides(Chrétien1993,Mary2010).Pourlesanthropologuesetlessociologues,cettedynamiquedespratiquesestunedimensionessentielleducontexteetduvécureligieuxenAfrique.Maiselleestignoréedanslesenquêtesquantitativesetlesstatistiquessurlesujetfontlargementdéfaut.Ilyapourtantunenjeuàavoirunenregistrementpertinentde l’appartenance religieuse si l’on veut être àmême d’analyser son influence sur lescomportementsindividuels.Laseulepriseencomptedelareligiondumomentsembleeneffetréductriceet insuffisante.Réductricecar ladéclarationà l’enquêtenetraduirasansdoutequ’unepartiedesréférentsreligieuxde l’individu,probablement laversionnormative, officielle. Insuffisante car l’influence de la religion sur les indicateursdémographiques (mortalité des enfants, âge aumariage…) ne pourra être évaluée demanière rigoureuse si la religion à l’enquête diffère de celle qu’avait l’enquêté aumomentdel’événementétudié.

Danscetarticle,nousdiscutons,àpartird’uneétudedecas,lapertinenceetlafaisabilitéd’uneapprochestatistiquedespratiquesreligieuses,prenantencompteleurcomplexitéet leur variabilité au cours de la vie des individus. Dans quelle mesure, la mobilitéreligieusedesindividuspeut-elleêtreappréhendéeparunquestionnaired’enquête?Laquestion est-elle facile à aborder ou, au contraire, sujette à des problèmes dedéclaration? La prise en compte des itinéraires religieux enrichit-elle réellementl’analyse?Quellessontlesdistorsionsintroduitesenselimitantàlareligiondéclaréeàl’enquête?Pourexaminercesquestions,nousutilisonslesdonnéeslongitudinalescollectéesdepuis25ans au sud-estduMali (Projet Slam-Suivi longitudinal auMalide l’Ined), dansunepopulation où religions traditionnelle, catholique et protestante coexistent. Grâce à lacollecte de biographies religieuses, nous disposons d’un corpus de données uniquepermettantdeconfronterlesrésultatsd’uneapprochetransversaleclassique,baséesurla religion déclarée à l’enquête, à ceux d’une approche longitudinale, prenant enconsidérationl’ensembledel’itinérairereligieuxdel’individu.L’articlecomprendtroisparties.Desdonnéesdecadragesontd’abordproposéessurlapluralitéreligieuseenAfriquesubsaharienneetdanslapopulationétudiée.Ladeuxième

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partie porte sur l’enregistrement de la religion dans les enquêtes démographiques etprésente le dispositif de collecte adopté au Mali. La troisième partie, consacrée àl’analysedelapluralitéetdelamobilitéreligieuse,discutelafaisabilitéetlesapportsdel’enregistrement biographique en comparaison de la démarche classique, limitée à lareligiondumoment.Enfin,enconclusion,nousrevenonssurlesenseignementsdecetterechercheempiriqueetlesquestionsqu’elleintroduitpar-delàleterrainétudié.

I. Pluralitéreligieuse.Élémentsdecadragehistoriqueetanthropologique

Si l’on s’en tient aux religions majoritaires, l’Afrique apparaît aujourd’hui comme uncontinent où dominent les religions universalistes: l’islam dans la moitié nord, lechristianisme dans lamoitié sud (carte 1). Cette cartographiemasque cependant uneréalité plus complexe, caractérisée par la pluralité des religions en présence et par lapersistance d’un socle solide de religions traditionnelles (Barbier and Dorier-Apprill1996,Fancello2010,PewForumonReligionandPublicLife2010).

Carte1:Religionmajoritaire

1. ReligionstraditionnellesetreligionsuniversalistesenAfriquesubsaharienne

1.1. Lesocledesreligionstraditionnelles.

LesreligionsuniversalistessesontdiffuséesenAfriquesubsahariennedansuncontextemarquéparunegranderichesseetunegrandediversitédepratiquescultuelles.Partieintégrante de leur culture, de leur identité, et de leur organisation sociale, lespopulationsontdéveloppé,chacuneàleurmanière,unensembledereprésentationsetdecroyancestraitantdel’ordredumonde,ainsiquedescultesetdespratiquesrituelles

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destinées à s’allier les forces occultes et à veiller à l’équilibre dumonde. On parle de«religions traditionnelles» pour désigner ces corpus organisés de croyances et depratiques. Les termes d’«animisme» ou de «fétichisme», bien qu’ils restent utilisésdans la pratique courante (y compris dans les rapports statistiques), s’avèrent peupertinents: associées aux théories évolutionnistes, leur étymologie et leur utilisationpassée renvoient à une conception naïve et irrationnelle du monde, qui s’avère sansfondement(Awolalu1976,BonteandIzard2002,PanoffandPerrin1973).

Lesreligionstraditionnellesprésententunegrandediversitéentregroupesethniquesetune variabilité au cours du temps. Cependant elles présentent des convergences, entermesde conceptions et depratiques, qui les distinguentdes religionsuniversalistes(Chitando2008,PewForumonReligionandPublicLife2010):- Conceptionsetrapportsaudivin.Inscriteaufondementdesreligionsuniversalistes,l’existence d’un Dieu suprême créateur du monde est également reconnue par lesreligions traditionnelles. Cependant il y est entouré d’autres figures et puissancessurnaturelles, qui agissent comme intermédiaires pour s’adresser à Dieu ou quidisposentdepouvoirspropres(Awolalu1976,Mbiti1970,PewForumonReligionandPublic Life 2010). On n’y trouve pas référence d’un prophète, figure mythique ouhéroïque, telle que Jésus, Bouddha ou Mahomet, qui aurait instruit les hommes. Lapossibilité d’un accès direct, intime, de l’homme à Dieu existe dans les religionsmonothéistes(parlaprière,laméditation…)maispasdanslesreligionstraditionnelles.L’accès aux puissances supérieures requiert des connaissances et des compétencesparticulières,entermesderituelsetd’interprétation,quienfontundomaineréservéàquelquesinitiés.- Spécificité et complexité des systèmes religieux. À la différence des religions dulivre,lesreligionstraditionnelless’appuientsurlacultureetlatransmissionorales.Elless’inscriventdanslacultureet l’organisationsocio-politiquedespopulationsqui lesontélaborées.Ellesontdoncparessenceunancragelocal(onnes’adressepasauxmêmespuissancesd’unecommunautéàl’autre);leprosélytismeetl’expansionnefigurentpasau projet des religions traditionnelles. Cependant elles ne se définissent pas enoppositionouenconcurrenceaveclesreligionsdespopulationsvoisinesetlesempruntsdepratiquesoudecultesparticulierssontfréquents.Lescadresreligieuxcorrespondentbien souvent à une combinaison de cultes relevant de plusieurs niveaux d’exercice:ethnie, communautés locales, lignage (culte des ancêtres), cultes domestiques voireindividuels(autelsparticuliers).Àmoinsqu’ilnedétienne,dufaitdesonâgeetdesonstatut familial ou social, des responsabilités particulières dans la conduite des cultes,l’individun’agénéralementqu’uneperceptionpartielledusystèmereligieuxdanslequelil évolue. À l’exception de certaines étapes rituelles (initiations, cérémoniesparticulières) les religions traditionnelles sontpeuexigeantes en termesd’implicationpersonnelle.Lapratiquereligieuses’inscritdansunedémarchecommunautaire,elleestmiseenœuvreparquelques-unspourlebénéficedugroupe(Langewiesche2003,Mary2010).

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- Souplesse et évolution. Contrairement à une idée répandue, les «religionstraditionnelles» sont loin d’être figées dans leurs codes et dans leurs pratiques. Lacombinaison de divers cultes, la transmission orale, l’absence de prosélytisme,l’implication limitéedes individusdans lesactivitésreligieusessontautantde facteursqui vont davantage dans le sens d’une curiosité et d’une ouverture vers d’autrespratiques, que dans celui d’une crispation identitaire (Mary 2010). De fait, comme ledémontreChrétien(1993),cesreligionsn’ontcesséd’évoluer,avant,pendant,etaprèsles phases successives de colonisation et d’expansion de l’islam et du christianisme.Cetteplasticitéestcentralepourcomprendre l’essordesreligionsuniversalistessur lecontinent,lapersistancedescadresreligieuxtraditionnels,etlespratiqueshybridesquis’ysontdéveloppées(Mary2010,PewForumonReligionandPublicLife2010).

1.2. Diffusiondel’islametduchristianisme

IslametchristianismesontprésentsdelonguedateenAfriquesubsaharienne,auprèsdepopulationsoudegroupessociauxparticuliers,maisc’estprincipalementaucoursdesdernierssièclesqu’ilssediffusentenpopulationgénérale.Ainsi l’islam reste une religion d’élites jusqu’au 16e siècle. Introduit dès le 11e siècleavec l’essor des grands empiresmédiévaux d’Afrique occidentale et l’influence arabo-berbère (Cuoq 1984), l’islam fournit alors un cadre d’organisation de la société enaccord avec les règles dictéespar les érudits. Lapratique reste souple, les souverainsn’hésitant pas à mélanger des textes de lois basés sur le Coran avec des pratiquesreligieuses plus proches des cultes traditionnels. La diffusion à grande échelle de lareligion musulmane se réalise principalement du 17e au 19e siècle, profitant dudéveloppement de nouvelles routes commerciales, puis de replis identitaires face aupouvoir colonial (Dubresson etal. 2003). La nouvelle religion s’accommode bien descroyances traditionnelles et n’exige pas d’exclusivité de la part de ses nouveauxadeptes;onlaqualified’«islamnoir»(Monteil,1964)oude“folkIslam”(Parshall2006)pour la distinguer de l’application stricte du Coran. Le développement dans certainspaysd’unislamplusstrictestunphénomènerécent,remontantàlasecondemoitiédu20esiècle(DorierApprill2006).

L’essorduchristianisme enAfrique subsaharienne se réaliseprincipalement3àpartirdu19esiècle,conjointementàlacolonisationoccidentale(Dubressonetal.2003).Aveclacréationdelasociétédesmissionnairesd’Afrique(«pèresblancs»)en1869,l’Églisecatholique s’engage dans un programme d’évangélisation à large échelle. La politiques’appuiesuruneprésenceimportanteetdécentraliséesurleterrain,l’intégrationlocale,avec apprentissage de la langue, et une articulation de la démarche pastorale et desœuvrescaritatives(deBenoist1987,Diarra2007a,2009).Créationsdemissionsetdeparoisses, formation de catéchistes, développement d’écoles et de centres de santéformentunmaillagedeproximitéaveclespopulationsetcontribuentàl’implantationde

3L’implantation catholique est cependant bien plus ancienne dans certaines populations, remontantparfoisauxpremierssièclesduchristianisme.L’ÉthiopieetleSoudanfigurentainsiparmilespayslesplusanciennementchristianisésaumonde.

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l’Églisecatholiquesurunelargepartducontinent,dugolfedeGuinéeàlazoneaustrale(carte1).Lesprotestantss’installentplustardivement,aucourantdu20esiècle,maisleprosélytisme et l’autonomie des missions leur permettent de gagner en influence.Conjointement aux églises d’origine occidentale, l’offre religieuse locale augmente ets’atomise. Des églises indépendantes associant cultures traditionnelle et chrétiennevoientlejourdèsledébutdu20esiècle(DeLuze1991),avecundéveloppementengagédepuislesindépendancesquis’accélèrependantlesannées1990(Dozon1995).

D’après les statistiques disponibles, Islam et christianisme ont aujourd’hui largementremplacé les religions traditionnelles. Quel que soit le pays, la religion majoritaireappartient à l’unde cesdeuxensembles (carte1) et les religions traditionnellesn’ontplus qu’un poids statistique marginal. Elles sont déclarées par environ 10% de lapopulationenAfriqueaujourd’hui,contreprèsde60%alorsqu’ellesétaientenpositionlargementmajoritaire audébutdu20e siècle, concernant laquasi-totalité (94%)de lapopulationd’AfriquecentraleetlestroisquartsenAfriquedel’Ouest(JohnsonetGrim2013).Cereculdesreligionstraditionnellesn’estpaspropreà l’Afriqueetseretrouvesurlesautrescontinents.

L’essordesreligionsuniversalistes4s’inscritdanslesdynamiquesdelamondialisation.En effet pour Horton (1971, 1975) la spécificité locale des religions traditionnellesatteintseslimitesavecledéveloppementdeséchangesetlaconfrontationavecd’autressystèmesde représentations.Ces limitesportentà la fois sur le systèmede croyances(insuffisant pour englober et expliquer les informations nouvelles) et sur lesdynamiques d’échanges et d’intégration (les postures identitaires freinent lesrapprochementsetlaconstructiond’uneculturecommune).Lesreligionsuniversalistesyrépondentavecuncadrereligieuxglobalisant,permettantdepenserlemondecommeun ensemble cohérent, et fournissant les bases éthiques et culturelles d’unecommunauté d’intérêt. Leur expansion ne signifie pas une rupture avec les anciennescroyancesmais plutôt une adaptation rendue nécessaire par l’ouverture de la sociététraditionnelle aumondeextérieur. Les conditionshistoriqueset géopolitiques sontunautre déterminant de l’essor des religions universalistes (Mbembe 1988). Lesmissionnaires catholiques ont ainsi bénéficié du contexte de la colonisation, nonseulement en termes d’installation sécurisée, mais aussi en s’affirmant comme desacteursdujeusocio-politique(deBenoist1987).

Dansdifférentespopulations, laconversionaétéunestratégiepourserapprocherdesnouvellesinstancesdirigeantesetsepositionnerducôtédela«modernité»,tandisquedansd’autreselleaétéunmoyendese fairedesalliés«légitimes» (lespèresblancs)faceauxexigencesetauxabusdesautoritéscoloniales(deBenoist1987,Diarra2007a,2009).Laconversionaégalementpuêtreutiliséecommeunmoyenpoursedémarquerdesstructuressocio-politiquestraditionnellestoutenbénéficiantd’unappuiextérieur;4Nousdonnonsiciquelquesélémentssur lesdynamiquesdeconversionreligieuse,sansentrerdans lesdébatsquisesontdéveloppésparmi lesanthropologuesdès lesannées1970,alimentésnotammentparRobinHortonetHumphreyFisher.Pourunpointsurlaquestion,voirAndréMary(1998).

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ainsiles«cadetssociaux»(descendantsd’esclaves,hommesdecaste…)ontsouventétéparmi les premiers convertis (deBenoist 1987, Diarra 2007a, 2009, Mbembe 1988).Enfin,à l’échelle individuelleoucollective, laconversionpeutêtreunedémarchepouraccéderàdesressourcesrelationnellesetmatérielles,parexempleenmatièredesoinsoud’éducation(Hawkins1997,Ifeka-Moller1974).

2. Unemixitéavérée

Les mouvements de conversion vers l’islam ou les religions chrétiennes necorrespondentpasàdesphénomènessimples,unidimensionnelsetdéfinitifs (Degorce2011,Langewiesche2003).Si ces religionssepartagentaujourd’hui le continent, c’estautitredereligionsofficiellesetmajoritaires.Laréalitéestpluscomplexe,marquéeparunemixitéderéférentsreligieuxdansl’environnementtoutcommedanslapratiquedesindividus.

Laplupartdespaysafricainsconnaissentunesituationdepluralitéreligieuse(BarbierandDorier-Apprill1996).Lecritèreethniqueestunpremierfacteurd’hétérogénéité.Onen a une illustration à la figure 1, qui reprend les résultats des enquêtesdémographiquesetdesanté(EDS/DHS)pour5paysd’Afriquede l’Ouestaffichantdesindicateursnationaux très contrastés: laGuinée et leMali avecunenettemajoritédemusulmans,leGhanaavecunemajoritédechrétiensetleBéninetlaCôted’Ivoireavecdesprofilsintermédiaires.Danstouslescas,onconstateunediversitéselonlesgroupesethniques,parfoistrèsmarquéecommeauGhana,oùles8groupesethniquescouvrentune large gamme de combinaisons, parfois moins dispersée comme au Mali, où 2seulement des 9 groupes ethniques compte moins de 75% de musulmans. Mais lamosaïque ethnique ne suffit pas à rendre compte de la diversité. La coexistence dedifférentesreligieusesestégalementdemisedanslaplupartdesethnies.D’unepartoncompte à peine un tiers des groupes ethniques affichant une religion en position dequasi-monopole(90%aumoinsdelapopulation,soitlespointssituésauxextrêmesdeladiagonale),soit14caspourl’islamet2caspourlesreligionschrétiennesparmiles50groupes ethniques distingués par les EDSdans les 5 pays.D’autre part la plupart despoints ne s’alignent pas sur la diagonale, prouvant que la catégorisation binaire«musulman/chrétiens5»nesuffitpasàengloberlesreligionsenprésence,lesreligionstraditionnelles comptant également, même si leur poids est plus faible parmi lesreligionsofficiellesdéclarées.L’environnementdesindividusn’estdoncpasmarquéparune segmentation religieuse: la plupart d’entre eux vivent dans des contextes oùplusieursculturesreligieusessecôtoientetinteragissent.

5Bienquelacatégorie«chrétiens»aitétéconstruiteenprenantencomptetoutesleséglisesserattachantdeprèsoudeloinauchristianisme

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Figure1.Ethniesselonlareprésentation(%)delareligionchrétienneetcelledelareligionmusulmaneparmilesfemmes(15-49ans)dans5paysd’Afriquedel’Ouest,selonladernièreDHS.

Chaqueethnieestreprésentéeparunpointaulabeldupays.Bénin-2006(Bn),BurkinaFaso-2010(BF),Côted’ivoire-2005(CI),Ghana-2008(Gha),Guinée-2005(Gui)etMali-2006(Ml).Lelabelenbleudonnelavaleurnationale. Les labels en gras noir, au Burkina Faso et au Mali, correspondent au groupe bobo auquel serattachelapopulationétudiéedanscetarticle.

Par ailleurs, l’adhésion aux religions universalistes ne signifie pas pour autant unabandondes croyancestraditionnelles. Bien souvent leur assimilationpasse par uneadaptation aux cadres de pensées existants (Fisher 1973). Les mouvementssyncrétiquesquiassocientdesélémentsdescultestraditionnelsauxtextesdelaBibleoudu Coran («folk islam») (Johnson et Grim 2013) en sont une illustration. Plusgénéralement lesreligionsanciennesetnouvellesnesontpasnécessairementpenséessurlemodedel’exclusivitéet,enfonctiondesasituation,unindividupourraseréféreràl’une et/ou à l’autre. Ainsi on constate que la foi dans les pratiques cultuellestraditionnelles (sacrifices, cultes des ancêtres…) est bien plus répandue que ne lesuggèrent les statistiques sur la religion déclarée (tableau 1). Même dans des

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populationsdontlagrandemajoritéserevendiqued’unereligiondulivre,l’adhésionauxcroyancesanciennesconcerneparfoisunepartie importantede lapopulation.AinsiauMali et au Sénégal, où 90% des habitants se déclarent musulmans, tout comme auCamerounetenAfriquedusud,chrétiensàplusde80%,prèsdelamoitiédesindividusreconnaissentcroireaupouvoirdespratiquestraditionnelles(tableau1).

Tableau1.Affiliationreligieuseetcroyancestraditionnellesdans19pays

d’Afriquesubsaharienne(classésselonl’importancedescroyancestraditionnelles)

Pays

Affiliationreligieuse(%delapopulationadulte)

Croitaupouvoirprotecteurdessacrificesauxespritsetaux

ancêtres(%delapopulationadulte)Chrétienne Musulmane Traditionelle

Tanzanie 60 36 2 62Sénégal 10 89 1 55Mali 8 90 1 52Cameroun 80 16 1 48AfriqueduSud 87 2 4 46GuinéeBissau 62 38 0 39Tchad 40 54 3 38Botswana 87 2 1 28Ghana 83 11 4 28RCongo 80 12 3 25Liberia 69 19 12 24Ouganda 86 13 0 18Mozambique 63 23 1 16Djibouti 2 97 0 16Kenya 88 11 0 11Zambie 98 2 0 9Nigeria 46 52 1 8Ethiopie 69 30 0 8Rwanda 93 5 0 3Source: Enquêtes nationales représentatives auprès de la population adulte (18 ans et plus), 2008-2009,N=1000à1500enquêtésparpays.PewForumonReligion&PublicLife(2010,p.20etp.34)

Enfin lamixitéreligieuses’inscritaussidans lespratiquesreligieusesque l’individuvaexpérimenter au cours de sa vie. Les travaux anthropologiques attestent là encored’une grande malléabilité et d’une flexibilité des pratiques. Les conversions sontréversiblesetadaptables(Langewiesche2003),selonlescirconstancesetlesquestionsà résoudre, les individus pourront s’adresser à des structures religieuses différentes,s’engageant le cas échéant dans une nouvelle conversion (Dubresson et al. 2003).Éclectisme et pragmatisme contribuent à orienter les individus dans un contextecaractérisé par la pluralisation de l’offre religieuse. Aux «appartenances héritées»

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succèdentdes«logiquesd’expérimentation,deconversionetdereconversion,debutinageetdemobilitéreligieuse,voiredecumuldesappartenances.»(LasseuretMayrague2011).

3. LescadresreligieuxchezlesBwaduMali

Les principaux éléments de la pluralité des pratiques religieuses mentionnés pourl’Afrique subsaharienne se retrouvent à l’échellede lapopulationdu sud-estMali quenousétudions.CettepopulationappartientaugroupeethniquedesBwa,présentauMalietauBurkinaFaso,quelesstatistiquesnationalesregroupentavecd’autresethniesdansla catégorie«Bobo».LesdonnéesdesEDS (Figure1)attestentde lamixité religieuseobservéedanscespopulationsdanslesdeuxpays,avec40à50%dechrétiens,20à30%de musulmans et 20 à 30% de religion traditionnelle. La présence importante deschrétiens et le poids faible desmusulmans sont des traits plusmarqués encore dansl’ethniedesBwa,quilesrattachentdavantageauxconfigurationsobservéesauBurkina(etdanslespayscôtiers)qu’auMalioùl’islamestmajoritaire.Danslesvillagesétudiés,religions chrétiennes (31% de catholiques, 16% de protestants en 2009) ettraditionnelle (52%) ont un poids sensiblement identique, l’islam étant quasimentabsent(1%).

Religiontraditionnelle:uncorpuscomplexequistructureetencadrelesindividus

LespratiquesreligieusestraditionnellessontdeslieuxdestructurationprivilégiésdelasociétédesBwa(Capron1957,1962,Diarra2009,Rasilly1965).L’identitédesindividuset des unités collectives (lignages, groupes socio-professionnels) ainsi que leur placedanslacommunautésontexpriméesdanslespratiquesreligieuses.

Ainsi l’appartenance ethnique est attachée à un culte spécifique, celui du Do, figureintermédiaireentreDieuet leshommes.Cette intégration se fait endeux temps,deuxrituels. Le premier, réalisé dans la petite enfance, relève d’un baptême: l’enfant estconfiéauDoetreçoitunnomsecret;ilestalorsmembredelacommunautéetpourra,àson décès, être enterré rituellement dans la maison et rejoindre les ancêtres. Cettecérémonieestuneintégrationpassive,l’enfantn’yestpasnécessairementprésent.Ellepeutêtreréaliséeparunaînédelafamillesansquelesparentsdel’enfantet,plustard,l’intéressélui-mêmenelesache.Ladeuxièmeétape,vers12-15ans,estuneinitiationoùl’intéressé tient une place active, et s’engage dans le respect du secret qui entoure leculte. Ilestalorsreconnucommeunepersonneinforméeetresponsable. Ilpourradèslors assister aux cérémonies religieuses publiques, notamment les fêtes annuelles desmasques. Cependant ce n’est que bien plus tard, lorsqu’il atteindra le rang d’aîné dulignage qu’il aura un rôle actif à jouer dans les cultes traditionnels. Dès qu’il a été«baptisé» l’individu appartient à la communauté et bénéficie de la protection duDo,sansavoiràmanifesteractivementsonadhésion.

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ConjointementauDo, le systèmereligieuxdesBwacomprenddifférentsautresautels,au niveau du village (forge, grand puits,…), du lignage (ancêtres, autels particuliers),voire de l’individu («fétiches»). Les cultes communautaires mettent en scène lesrelations socio-politiques, par exemple en différenciant les rôles des groupes socio-professionnels,enréservantlesresponsabilitéscultuellesauxlignageslesplusanciensdu village, ou encore en organisant les itinéraires cérémoniels selon l’ancienneté deslignages(Hertrich1996).Auseindeslignages, lespratiquesreligieusesréaffirmentlesstructures d’autorité fondées sur le sexe et l’âge; en effet seuls les aînés ont lesconnaissancesetlamaîtrisedestechniquessacrificiellespermettantd’entrerencontactavec les puissances invisibles et de déclencher leur intervention dans le monde deshommes.Ellesexercentaussiunpouvoirmoraletcoercitiffortsurlesindividus:d’unepartlatransgressiond’interditestsanctionnéeparl’absencedepluieetdonclamiseenpéril de la communauté; d’autre part les lignages disposent bien souvent d’autelsparticuliers condamnant les comportements déviants (adultère, inceste,… étantsanctionné par la mort). Pour le commun des mortels, le système religieux est unensemblecomplexeetopaque,qui inspire lapeuret lasoumissionauxrèglesédictéesparlesAnciens(Capron1957,Diarra2007a).

Résistanceàl’islametaccueilduchristianisme

Lepeud’influencede l’islam, toutcomme ladiffusionduchristianismeparmi lesBwa,sont à rapporter à des facteurs historiques et culturels. «Société du village» (Capron1973,1988)réputéepoursonespritd’indépendance, lasociétédesBwas’estmontréeréfractaireauxapprochesd’unpouvoircentralisateur.Larésistanceàl’islamenestuneexpressionparmid’autres,commel’insurrectionde1916aumomentdelacolonisation,ou encore la prise de distance jusqu’aux années 1990 par rapport aux structures etpolitiquesnationales(Diarra2007a,2007b,2009).Danslesreprésentationscollectives,lafiguredumusulmanresteconnotéenégativement,associéetoutàlafoisàcellesdesenvahisseurs du 19e siècle, des recruteurs d’esclaves, des collaborateurs del’administration coloniale puis des représentants de l’administration malienne,imposant leurs exigences dont celle de l’impôt. Réciproquement, c’est bien souventl’imagedupaysan analphabète, buveur de bière demil etmangeur de chien, qui seraévoquéeenparlantdesBwaenville.Dans les villages étudiés, l’adhésionà l’islamestrareetassociéeàunedémarcheparticulière,notamment l’insertionprofessionnelleetsocialeàl’occasiond’unemigrationenmilieumusulman.

Ladiffusionduchristianismeestarticuléeàlarésistanceopposéeàl’islametaupouvoircolonial.Avecuneimplantationdanslarégiondatantde1922pourlescatholiquesetde1936pourlesprotestants,lemissionnairechrétiens’estimposécommeunpersonnagealternatifàceluiducolonisateur.Ilestcet«autreblanc»présentenbrousse,témoindesbrutalitésetdesexactionsdesauxiliairesindigènes,n’hésitantpasàprendreladéfensedesvillageoisauprèsdel’administrateur.Enserapprochantdesreligieux,lesBwas’ensontfaitdesalliésetdesprotecteurs(deBenoist1987,Diarra2007a,2007b,2009).Lemessagedesmissionnaires(honorantlespauvresetlespersécutés),leurcomportement

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(apprentissage de la langue, vie sur place) et le développement d’œuvres caritatives(soins médicaux, dons de nourriture en période de crise, alphabétisation…) ontégalementcontribuéàcetteinstallation.Enfinlechristianismeapus’implantercariln’apas été perçu comme une véritable menace pour les institutions religieusestraditionnelles. D’une part les premières conversions ont souvent été celles de cadetssociaux(anciensesclaves,jeunesgens...),doncdeportéemineure,d’autrepartlescultestraditionnels ne souffraient pas d’une remise en question dès lors que les aînés deslignagescontinuaientàs’enoccuper,enfin,pourlesintéressés, lesdifférentesreligionsn’étaientnullementincompatiblesentermesdecroyancesetdepratiques.Mêmesidesconflitsontpuexistericioulà,globalementlesreligionschrétiennessesontimplantéessansheurtsdanslarégion(deBenoist1987,Diarra2009).

Danslesvillagesétudiés,laprésencesurplacedecatéchistesdatedesannées1940pourlescatholiquesetdesannées1950pourlesprotestants.

II. L’enregistrement de la religion dans les recensements et enquêtesdémographiques

Reconnuesdelonguedateparlesanthropologuescommeunedimensionessentielledela pratique religieuse en Afrique, la pluralité et la mobilité religieuse sontparadoxalementtotalementabsentesdestravauxstatistiquesetdémographiques.

1. Lestandard:lareligiondumoment

La religion est souvent enregistrée dans les recensements et les enquêtes, maisexclusivement sous la forme d’une variable d’état. Les recommandations des Nationsunies(2009)concernant lesrecensementssontpeudirectivessur l’enregistrementdela religion, laissant toute latitudeauxpaysdedéciderde lapertinenced’unequestionsurlareligionetdesmodalitésàdistinguer.Defaitontrouveunetrèsgrandevariétédesituations6,certainspaysnecollectantpasl’information(parexempleleNigeriaen2006et le Zimbabwe en 2002), les autres y consacrant un nombre inégal demodalités. AuMali, la religion est enregistrée pour la première fois en 2009, en 5 modalités(Musulmans,Chrétiens,Animistes,Sansreligion,Autre).D’autrespayscomptentjusqu’à8 ou 9 catégories, mais avec des distinctions très variables. Ainsi les religionschrétiennesfontl’objetde5catégoriesauRwanda(2002);auSénégal(2002)cesontlesmusulmansquisontdistinguésen5modalités tandisqu’aucunemodalitén’estprévuepour la religion traditionnelle ni pour les «sans religion». La religion «hindoue» estrecenséeenKenyadepuis2009,etlebouddhismel’estégalementenZambie(2010).

6UngrandnombredequestionnairesderecensementspeuventêtreconsultéssurlesitedesNationsuniesconsacréauxrecensementsnationaux(http://unstats.un.org/unsd/demographic/sources/census/censusquest.htm)ousurlesited’IPUMSinternational(https://international.ipums.org/international/enum_materials.shtml).

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Dans lesenquêtesEDS/DHS7, l’enregistrementde la religion, comme cellede l’ethnie,est prévu dans le questionnaire individuel, mais laissé à la discrétion du pays, qu’ils’agissede lapertinencedeposer laquestionoudesmodalités àdistinguer. Selon lespays,ontrouveunclassementdebaseautourde4à6modalités,oubienunedistinctionplusfinede8à10modalités,notammentdans lespays,commeceuxde lacôteouest-africaine, où l’offre évangéliste est importante. Les dernières EDS du Bénin (2006 et2011), par exemple, comprennent un double enregistrement de la religion, en 10modalités,surlesquestionnairesménageetindividu.

Enfin les enquêtes MICS8de l’Unicef enregistrent la religion du chef de ménageseulement, en laissant, là encore, aux équipes nationales le soin de décider descatégoriesàdistinguer.

Lareligionestdoncenregistréeunefoispourtouteparindividu,voireparménage(pourlesMICS),suggérantuneunivocitéetunestabilitédesréférencesreligieuses.

2. Desexpériencesdecollecteparticulières

Il est probable que certaines enquêtes à petite échelle aient adopté des protocolesoriginaux pour un enregistrement plus détaillé et moins univoque de la pratiquereligieuse.Onentrouvecependantpeudementiondanslespublicationsinternationalesdedémographie.

L’expérience de collecte développée au Malawi fait figure d’exception. Elle combinel’enregistrement de différentes variables sur l’importance de la pratique religieuse(fréquence de pratique et implication dans la vie religieuse communautaire) et unquestionnaireàdestinationdeschefsreligieuxlocaux.Leprojetestcentrésurl’influencede la religion dans la prise en charge et la prévention du VIH/sida (Adams andTrinitapoli 2009). Les résultats montrent qu’une approche trop étroite de la religionconduit à des erreurs d’appréciation sur les relations religion et VIH/sida. Ainsil’appartenance religieuse en tant que telle n’est pas directement corrélée avec lesindicateursliésauVIH/sida,maisl’intensitédelapratiquereligieuseetlesdiscoursdesleaderslocauxontuneffetdéterminantsurlescomportementsdeprévention.Surcettemême base de données, un résultat similaire a été mis en évidence concernant lasocialisationreligieuseetson influencesur lescomportementscontraceptifs(YeatmanandTrinatopoli2008).

Dansunautreregistre,le«Pewforumonreligionandpubliclife»apilotéuneenquêtedans19paysd’Afriquesubsaharienneen2010,auprèsd’échantillonsreprésentatifsdelapopulationadulte (18ansetplus)dupays. Lequestionnaire comprendnotamment

7Les questionnaires peuvent être consultés dans les rapports des enquêtes, sur le site du programmeEDS/DHS(http://dhsprogram.com/)8LaquestionfiguredanslequestionnaireménageàpartirdelagénérationMICS-3.Cflesitedel’UnicefetlespagesdédiéesauxenquêtesMICS(http://www.childinfo.org/mics.html)

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unequestionsurlescroyancestraditionnellesquiattestedupluralismereligieuxauseind’unepartieimportantedespopulations(PewForumonReligionandPublicLife2010).

Néanmoins, la mobilité religieuse est absente de ces démarches de collecte. Nousn’avons trouvéaucunexempled’enquêtequantitativeenAfriqueoù laquestionauraitétéabordée,etquipourraitservirdepointdecomparaisonavec lesdonnéesdenotreprojet.

3. Delareligiondumomentàlabiographiereligieuse. StratégiederechercheduprojetSlam

LeprojetSlam-SuivilongitudinalauMaliaétémisenplaceàlafindesannées1980poursuivreleschangementsdémographiquesetfamiliauxenmilieururalsoudano-sahélien.Ilportesurdesvillagesbwadusud-estduMali,unepopulationd’agriculteurs,ayantunmode de production familial centré sur les cultures vivrières. Le contextedémographique se caractérise par une fécondité élevée (8 enfants par femme) et unecroissance naturelle forte (de l’ordre de 3% par an), partiellement compensée parl’émigration (au sein de la sous-région). La scolarisation, marginale jusqu’alors, s’estdéveloppéeavecl’avènementdeladémocratieetladécentralisationdesannées1990ettoucheenvironlamoitiédesenfantsàlafindesannées2000.

Ledispositifde collecte comprenddifférentesenquêtes,d’abord réalisées sur lemoderétrospectiflorsdupassageinitial(1987-89),puisactualiséestousles5ans,ledernierpassagedatantde2009-2010.Laquestiondelareligionaététraitéedanslecadred’uneenquêtebiographique,réaliséeexhaustivementsur2villages(1750habitantsen2009).Compte tenu du contexte de pluralité religieuse documentée par les anthropologues(Capron 1962, 1973, Diarra 2007a, 2009), il nous a semblé important d’une partd’évaluerquantitativementlamobilitéreligieuse,d’autrepartdepouvoirsituerchaqueévénementbiographiquepar rapport à la religioneffectivede l’individuà cemoment,enfind’envisagerdesdegrésd’adhésionvariableauxreligionsenprésence.

Le choix méthodologique retenu consiste en l’enregistrement complet de l’itinérairereligieuxdel’individu,depuissanaissancejusqu’à l’enquête,enprenantencomptelesséquences religieuses d’aumoins 3mois.Dans cette population, lamobilité religieuses’exprimeprincipalemententre lareligiontraditionnelle(religion«pardéfaut»)et lesreligions catholique et protestante. Conformément à la description qu’en font lesintéressés, la religion est abordée en termes de fréquentation des cultes. En languelocale,ondirad’unindividuqu’il«suit»lescatholiques(«lesgensdesPères(blancs)»),les protestants, ou «la tradition». Faute d’un vocabulaire plus précis, nous parleronsd’appartenanceoud’affiliationreligieuses,toutengardantàl’espritquecetermen’estpasicisynonymedeconversiondéfinitiveoud’adhésionexclusive.

Deux questions ont été ajoutées sur l’intensité du changement religieux. L’une, sur ladistanceaveclareligiontraditionnelle,demandeauchrétiendenaissances’ilaétéinitié.

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L’autre enregistre auprès des chrétiens l’existence d’un acte de foi: «confirmation»pourlesprotestantsoubien,pourlescatholiques,progressiondanslesétapesmarquantl’engagement (baptême de naissance, médaille, chapelet, communion,croix/confirmation).L’encadré1fournitlemodule«religion»duquestionnaire.

Encadré1.Module«religion»del’enquêtebiographique.ProjetSlam.

ITINÉRAIRE RELIGIEUX Pour tous Religion actuelle : « Actuellement, tu suis quelle religion : la tradition, les catholiques, les protestants, les musulmans ? » :............ Engagement chrétien : Si protestant-e : « Est-ce que tu as fait le baptême ? » : ........................................................................................... Si catholique : « Est-ce que tu as fait quelque chose chez les catholiques : la médaille, le chapelet, … ? » .......... (ordre des engagements chez les catholiques : baptême à la naissance, médaille, chapelet, communion, croix, promesse-confirmation-baptême d’adulte) cf. document annexe. Religion à la naissance. « Quand tu es né-e, tes parents suivaient quelle religion ? » .................................................................................... Initiation pour les chrétiens de naissance : « Est-ce que tu es entré-e dans la tradition ? » ......................................................................................................... Itinéraire : « J'aimerais que tu me dises toutes les fois où tu as changé de religion : toutes les fois où tu as suivi les catholiques, les protestants, les musulmans même si ça n’a pas duré, toutes les fois où tu es retourné à la tradition. Tu m'as dit que tu suivais les ... à ta naissance, la première fois que tu as cessé de suivre les ..., tu as suivi qui ? » (on considère les adoptions pour 3 mois au moins) On précise pour chaque adoption chez les chrétiens, si elle a donné lieu à un engagement.

Rang Religion Année de l’adoption

Durée Engagement chrétien

1 Naissance

Unequestionsurlafréquencedelaparticipationauxofficesreligieux,testéelorsdelaconceptiondel’enquête,s’estavéréepeupertinentedansuncontexteoùlaparticipationauxofficesmanifeste,dansunpremiertempsaumoins,l’adhésionreligieuse.Ainsiunenouvelleséquencereligieuseestidentifiéedèslorsquelerépondantdéclare«êtrealléchezlescatholiquesoulesprotestants»sansqu’aucunautrecritèredevalidationnesoitexigé.Un individuquinesedéclareni chrétiennimusulmanest rattachéà la religiontraditionnelle. Lamodalité «sans religion» n’a pas été envisagée, tout individu initié

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ayant lebénéficede laprotectiondescultes traditionnelsmêmes’iln’yoccupepasdeplaceactive.

Lapassationdecemodulesurlareligions’estfaitesanssouci.Laquestionquiauraitpuposerproblèmeestcellesurl’initiation,c’estpourquoielleaétéposéesousuneformegénérale, sans distinguer la première de la deuxième étape, cette dernière étantentourée de secret. Il n’y a pas de culpabilité ni de gêne à parler de changement dereligion:allerchezlescatholiques,abandonnerparlasuite,prendrelareligiondesonconjoint… sont des démarches banales dont l’enregistrement ne s’est pas avéréproblématique.Laprincipaledifficultéportesurladatation,unproblèmegénéral,traitépar approximation avec les autres événements biographiques. Même s’il estvraisemblablequedesséquencesreligieusesaientétéomises, lenombre importantdechangements enregistrés atteste de la faisabilité de la démarche: pour les 3181individus (tous âges) enquêtés au titre de résidents à l’un aumoins de nos passages,nousavonsenregistré4839séquencesreligieuses.

III. Religionetitinérairereligieux.Regardsetmesurescroiséssurdespratiquesplurielles.

Dansquellemesure l’approchede lapratiquereligieuse tiréedumodulebiographiquediffère-t-elled’uneinformationclassiquesurlareligiondumoment?L’hypothèsed’unemobilité religieuse importante soutenuepar lesanthropologuesest-elle confirméeparlesdonnéesquantitatives?Qu’apportesapriseencomptedansl’analysedesstructuresetdespratiquesreligieuses?

1. Lesreligionsenprésence

D’après les données du moment, la population se partage presque également entrechrétiens (48%) et adeptes de la religion traditionnelle (52%) (tableau 2). Lescatholiquesontunpoidsdoubledesprotestants(31%contre16%).Lesindicateurssontprochespour lesdeuxsexes, les femmessedéclarantunpeuplussouventchrétiennes(enparticuliercatholiques)queleshommes(51%contre44%).

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Tableau2.Religiondumoment(audernierpassagedel’enquêteouàlasortied’observation)etreligionàlanaissanceselonlesexeetl’âge.

Âge*Religionàl'enquête(sexesréunis)

%chrétiensàl'enquête

%chrétiensàlanaissance Nb.

ObsTrad. Cath. Prot. Musu. Ens. Fe Ho Ens. Fe Ho Ens.0-4 54 30 16 0 100 51 41 46 51 41 46 4455-9 53 29 17 1 100 48 44 46 45 45 45 44210-14 49 33 18 0 100 56 45 51 48 44 46 41015-19 48 34 18 1 100 57 44 52 39 40 39 49620-24 41 41 17 0 100 63 54 59 41 51 46 36525-29 47 33 19 1 100 57 48 52 29 43 37 21930-34 51 33 16 1 100 51 45 48 41 43 42 13535-39 52 29 19 0 100 42 54 48 33 46 39 8940-49 58 27 14 1 100 40 42 41 23 27 25 17850-59 63 24 12 1 100 41 28 35 17 22 19 14760-74 63 27 10 1 100 35 38 37 8 9 9 16375+ 82 16 1 1 100 18 16 17 0 0 0 92Ens. 52 31 16 1 100 51 44 48 38 39 38 3181

Femmes 49 34 17 0 100 Hommes 56 29 15 1 100 *Âgeatteintl’annéedelasortied’observation.Champ:Individusenquêtésautitrederésidentàl’unaumoinsdespassagesdel’enquête(1987-2010).Source:Enquêtebiographique.ProjetSlam.Mali.Ined.

Lamixitéreligieuseexisteàtouslesâges(tableau2).Laproportiondechrétiensoscilleautourde50%parmilesgénérationsâgéesdemoinsde40ans(avecunmaximumdel’ordre de 60% parmi les 20-24 ans). Aux âges plus élevés, la religion traditionnelledevientplusfréquente,touchant60à65%desenquêtésentre40et75ans,etplusde80%àpartirde75ans.Leprofilparâgeestproche,àdesniveauxvariables,pour leshommes et les femmes, pour les catholiques et les protestants. Pour la plupart desanalysesàvenir,noustraiteronsdoncglobalementlesdeuxsexesetnousregrouperonslesdeuxconfessionschrétiennes.

Ceprofilparâgeestcohérentavecl’implantationrelativementrécenteduchristianismedanslesvillagesétudiés.Ons’attendeneffetquel’influencechrétiennesoitd’autantplusimportante qu’elle a pu s’exercer sur un temps long, sinon depuis la naissance desintéressés.Acontrario,ilestlogiquequelesgénérationsanciennes,socialiséesdansuncontexteexclusifde religion traditionnelle, etpour lesquelles l’offre religieusenes’estdiversifiée que plus tardivement, se revendiquent davantage de la religiontraditionnelle.Lastructurede lapopulationselon lareligionà lanaissancenedémentpas cette grille de lecture (tableau 2). La montée spectaculaire de la proportiond’individusnéschrétiens–de0%danslesgénérationsanciennes,à40%chezles35-39ans – rend compte de la diffusion du christianisme dans la région, tandis que sastabilisation parmi les générations ultérieures suggère que la phase d’expansion a

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atteint ses limites. Peut-on alors considérer que la structure actuelle de la populationselonlareligionàl’enquêtecorrespondàunesortedestabilisation,avecunepartitionentroissous-populations(lescatholiquesavecuntiersdelapopulation,lesprotestantsunpeumoinsd’unquartetlesadeptesdelareligiontraditionnelleunpeumoinsdelamoitié),amenéesàsereproduireprincipalementparuneacquisitionàlanaissance?

Lacomparaisonentrelesindicateursdereligionàlanaissanceetàl’enquête(tableau2)introduitunepremièrenuanceàcettelecture:passél’âgede10ans,lesgroupesd’âgesaffichent un écart de l’ordre de 10 points entre les proportions de chrétiens à lanaissance et à l’enquête, qui témoigne de l’existence d’une mobilité religieuse mêmedanslesgénérationsquisontnéesaprèsl’implantationdesreligionschrétiennes.

2. Unepratiquequivarieavecl’âgeetlagénération

Lesuivilongitudinal,aufildesâges,del’appartenancereligieusedesindividus(figure2)confirmel’existenced’unedynamiquedespratiquesreligieuses,quirésisteàunelectureexclusivementhistorique.Certes,l’expansionduchristianismeestclairementmiseenévidenceparledécalagedescourbesentregénérations.Pluslesgénérationssontjeunes,pluslaproportiondechrétiensestélevéedèslanaissance.Ennombrenégligeablechezles plus âgés, les individus nés de parents chrétiens représentent un cinquième desgénérations1940-59,30%parmilesgénérations1960-74,et45%àpartirde1975.Maiscesindicateursnesemaintiennentpasaumêmeniveauaufildesâges.

Figure2.Proportiondechrétiensselonl’âgeetlegroupedegénérations.(Source:Enquêtebiographique.ProjetSlam.Mali.Ined.)

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Un mouvement d’adhésion secondaire se manifeste très nettement de la fin del’enfance au début de l’âge adulte (figure 2). Quelles que soient les générations, laproportiondechrétiensconnaîtuneaugmentationspectaculaireentre10et20ans(etjusqu’à 30 ans pour les générations antérieures à 1940). Il s’agit d’un phénomène demassequiconcentreà luiseul lesconversionsdesgénérationsnéesavant1940tandisqu’ildoublelesadhésionsauseindesgénérationsnéesentre1940et1975,etrehausseencoreleniveaud’adhésion,élevédèslanaissance,desgénérationslesplusjeunes.Letaux d’adhésion au christianisme atteint son maximum au terme de cette hausse, audébut de l’âge adulte. Aucun autre mouvement significatif de conversions n’estperceptibleàl’échelledesindicateursagrégés:desadhésionsauchristianismeexistentàdesâgesultérieurs (cfplus loin)maisaumieuxellescompensent lesabandonssansconduire à une augmentation des taux. Les retournements de tendance sont undernier phénomène qui ressort des indicateurs longitudinaux, et prouve que lesadhésionsnesontpasàassimileràdesconversionsdéfinitives.Onl’observenettementchezlesgénérationsnéesaprès1960,avecunpointd’inflexionautourde20ans,suivid’une baisse régulière qui annule le gain d’adhésions des années adolescentes. Ceretournementn’estpas,oupeu,perceptible,chez lesgénérationsplusanciennes. Ilestpossible que le phénomène soit sous-estimé par nos données, si, conformément auxbiais classiques, nos enquêtés ont omis des événements anciens «qui n’ont pascompté»,en l’occurrencedeséquencesreligieusesdecourtedurée.Cependant iln’estpas exclu que ces anciennes générations, pionnières dans le rapprochement avec lesreligions catholique et protestante, aient aussi expérimenté desmodalités d’adhésiondifférentes,plussélectivesetplusdurables,decellesqueleurscadettesontpudéployerdansuncontexteoùlafréquentationdescommunautéschrétienness’étaitbanalisée.

À l’échelle individuelle, la pratique religieuse, on le voit, ne saurait se résumer à uneadhésion univoque et définitive, acquise à la naissance ou choisie ultérieurement. Àl’échelleagrégée,onsetromperaitdemêmeenanalysantlaprévalencedesreligionsenprésence,exclusivemententermesdediffusionoudedifférenciationprogressives.Selonnos données (figure 2), la pratique d’une religion va être influencée par son degréd’implantationaumomentconsidéré(ancienneté,diffusion…)maisaussi,etplusencore,par le cycle de vie individuel. Ainsi le différentiel entre la proportion d’individuschrétiensà lanaissanceetà20ansauseind’unemêmegénérationestplusimportantquel’écartexistant,àâgeégal,entregénérationssuccessives(figure2).

3. Pratiquereligieuseetâgesdelavie

L’évolutionparâgedelaprobabilitédechangerdereligionaucoursdescinqprochainesannées (figure 3) confirme l’existence d’un profil particulier de pratique religieuseassociéeàl’âge.

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Figure3.Probabilité(%)àl’âgexdechangerdereligiondansles5prochainesannées.

1) Probabilitépourunindividusuivantlareligiontraditionnelleàl’âgexdepasseràlareligionchrétienne(catholiqueouprotestante)entrexetx+5.

2) Probabilité pour un chrétien (catholique ou protestant) d’âge x de passer à la religiontraditionnelleentrexetx+5.

(Donnéesdelatable,Générationsnéesavant1985,Sexesréunis,Moyennesmobilessur5points.

Pour les individus qui ne sont pas nés chrétiens, l’adhésion au christianisme estclairementuneaffairedejeunesse,etcelapourtouteslesgénérations(tableau3).Unjeune, âgé de 10 à 19 ans, relevant de la religion traditionnelle, a une probabilité del’ordrede17%derejoindre lescatholiquesou lesprotestantsdans lescinqans.Cetteprobabilitéchuteautourde2à3%après25anssansreprisesignificativeultérieure.Lerapprochement du christianisme qui se joue pendant l’adolescence est à mettre enrapportavecl’organisationetl’encadrementsocialdecettepériodedelavie.

Chez lesBwa, la jeunesseest considéréecommeunepériodeparticulièrede lavie,untemps d’exception, faste et préservé, où l’on a acquis lamaturité d’un adulte tout enétantencoreépargnéparlesresponsabilités.L’entréedanslajeunesseestassociéeàunnouveau style de vie, dominé par les relations entre pairs. Les adolescents quittentgénéralement la case de leurs parents pour dormir entre amis, entre jeunes pour lesgarçons,ousouslaresponsabilitéd’unevieillefemmepourlesfilles.Ilsretrouventleurfamille pour les repas et les travaux,mais organisent leur vie sociale entre eux. Cettepériodecorrespondaussi à l’expériencedemigrationsde travail etdoncà l’ouverturevers de nouveaux horizons (Hertrich et Lesclingand 2012). Le temps de jeunesse est

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marqué par de nombreuses activités collectives, de travail et de divertissement, aveccomme dénominateur commun la valorisation de la sociabilité et de l’insouciance.Pendant la saison agricole, des associations de travail s’organisent entre jeunes parquartierouparaffinitéspourcollecterlesmoyensd’unefêteultérieureouhonorerlesprestationsmatrimonialespourlesfiançaillesdel’undesleurs.Pendantlasaisonsèche,lescauseriesdusoirchez lesunset lesautres, lespartiesdedanseorganiséespar lesfilles,et,autrefois,lespartiesdeluttesdesjeuneshommess’ajoutentauxmanifestationsfestives villageoises, pour démultiplier les espaces de rencontre et de valorisationcollective et individuelle. L’adolescence est une période de jeu, de “vacance” avant lemariageetlesresponsabilitésassociéesàl’âgeadulte.Cetteorganisationtrèslibredelajeunesse fait cependant partie intégrante de l’encadrement social des jeunesgénérations:elleestuneparenthèsequi,endistrayantlesjeunes,leséloignentaussides«affaires sérieuses» contrôlées par les responsables familiaux, notamment leurmariage. Les adhésions au christianisme entrent tout-à-fait dans ce cadre. Pour lesjeunes, ellesdéfinissentunespacede sociabilitéetdedistraction supplémentaires.Eneffet,lescommunautéscatholiquesetprotestantesproposentdesactivitéscollectivesàl’échelleduvillage(associationsd’entraides,chorales,champcollectif,organisationdescultes hebdomadaires et de grandes cérémonies…) ou au-delà (stages de catéchisme,d’alphabétisation, rencontres théâtrales, événements religieux…). Elles prolongent etélargissentencesensle«menu»desactivitésdelajeunessetoutenoffrantuncertaindésenclavementet l’insertiondansdesréseauxrelationnelsplus larges.«Quandonestjeune, aller chez les catholiques c’est comme un jour de fête» dit l’une de nosinformatrices. De l’autre côté, pour les aînés familiaux, l’insertion des jeunes dans lescommunautés chrétiennes s’inscrit dans le cadre des expériences et libertésadolescentes,elleestcomprisecommeunedémarchesansenjeuetsansconséquence.

De fait, rejoindre les chrétiens pendant l’adolescence ne signifie pas forcément uneaffiliationdéfinitivenimêmedurable. En écho à lamontéedes adhésions chrétiennespendant l’adolescence, on constate ainsi, avec un décalage de quelques années, unemontéedestransitionsdelareligionchrétienneverslareligiontraditionnelle(Figure3).Laprobabilitéd’abandonnerlareligionchrétiennedanslescinqprochainesannéesestdel’ordrede10%pourunchrétienâgéde13à20ans.Lerisquediminueensuitemaissans atteindre des niveaux aussi bas que ceux des adhésions au christianisme. Ainsiaprèsl’âgede25anslaprobabilitépourunchrétienderejoindrelatraditionestprèsdedeuxfoisplusélevéequelaprobabilitédetransitiondelareligiontraditionnelleverslechristianisme.End’autrestermes,lapratiqueduchristianismeaprès25ansestrognéedesdeuxcôtés,parlararetédesadhésionsetparladéperditiondueauxabandons.Àcetégard, la remontée des retours à la tradition après 50 ans (figure 3) n’a rien defallacieuse:iln’estpasrarequ’unchrétiendelonguedateretourneàlatraditionquandil atteint l’âge de prendre les responsabilités lignagères, dont celle des cultestraditionnels.

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4. Despratiquesréversibles

Le devenir des séquences religieuses selon la durée écoulée depuis l’adhésion fournituneautreillustrationdel’instabilitéreligieuse.Lafigure4représenteainsilestablesdesurviedesadhésions religieusespardurée, selon la religionet le faitqu’il s’agitd’uneaffiliationdenaissanceoud’uneadoptionàpartirdel’âgede10ans.Qu’ils’agissedelareligion traditionnelle, catholique ou protestante, les probabilités de sortie atteignentdes niveaux très élevés, dépassant 50% au bout de 25 ans pour les religions denaissance comme pour les adoptions ultérieures (résultats non présentés). Mais lesprofilssontdifférentspourlesrelationstraditionnellesetchrétiennes,etlesadhésionsprimaires(àlanaissance)ousecondaires.

Figure4.Proportion(%)d’adhésionsreligieusessubsistantesselonladuréeécouléedepuisl’adhésion.Adhésionprimaire(àlanaissance)ousecondaire

(àpartirde10ans).

(Donnéesdelatable,moyennesmobilessur3points).

Pour les individus nés dans des familles de religion traditionnelle, adopter une autrereligionestuncomportementcourant.Àl’âgede25ans,toutesgénérationsconfondues,seuls4individussur10nesontrestésquedanslatradition(figure4a).Lesadhésionsauchristianisme qui se réalisent alors ne sont pas plus durables: un cinquième seterminentavant3ans,untiersavant5ans,lamoitiéavant10ansetlabarredes60%est dépassée au bout de 15 ans, pour les catholiques comme pour les protestants(figure4b).

Pourunchrétiendenaissance,laprobabilitéderenonceràsareligionestplusfaiblequecelle que l’on enregistre pour la religion traditionnelle ou pour les adhésionssecondairesauchristianisme.Elleestcependantloind’êtrenégligeable,etconcerneplusd’unquartd’entreeuxavantl’âgede25ans(figure4a).L’indicateurestdumêmeordre

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pourlesadhésionssecondairesàlareligiontraditionnelle(figure4b),associéesàlafind’uneséquencedepratiquechrétienne,denaissanceoud’adoptionplustardive.

Lesindicateursconvergentpourattesternonseulementdelapluralitémaisaussideladynamique des pratiques religieuses. Les comportements observés n’ont rien demarginal:ilsconcernentlamajoritédelapopulation.

5. Desexpériencesplurielles

Finalementlaplupartdesindividussontamenésaucourantdeleurvieàserapprocherdedifférentesreligions.Auseindesgénérationsnéesavant1985(âgéesdeplusde25ans lors du dernier passage de l’enquête), 75%des individus ont connu aumoins unépisodedereligionchrétienne(15%enontconnuplusieurs)et80%ontconnuaumoinsuneséquencedanslareligiontraditionnelle(30%enontconnuplusieurs)(tableau3).Ceschiffressontàconsidérercommedesminima:d’unepartl’expériencereligieusedesgénérations considérées va se poursuivre avec l’avancée en âge, d’autre part il estvraisemblable que l’enregistrement biographique rétrospectif comprenne desomissions.

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Tableau3.Mobilitéreligieuse.Indicateurspargroupedegénérations.

IndicateursGénérations

Sexe(Générationsnéesavant

1985) NbObs.

<1940 1940-1959

1960-1974

1975-1984 Masc. Féminin ens.

Probabilité(%)àl'âgexdechangerdereligionavantl'âgex+5Pour100individussuivantlareligiontraditionnelleàl'âgex(transitionverslareligionchrétienne)10-19ans 11 16 21 17 15 18 17 90020-29ans 7 8 5 3 8 5 6 63530ansetplus 3 3 1 - 3 2 2 468

Pour100individussuivantlareligionchrétienneàl'âgex(transitionverslareligiontraditionnelle)10-19ans - 10 10 8 8 11 10 49620-29ans 9 7 8 8 9 7 8 57030ansetplus 8 4 4 - 6 4 5 336

Audiencedesdifférentesreligions(*)Religionpratiquéeaumoinsunefoisaucoursdesavie.Pour100individusd'ungroupedegénérations.Traditionnelle 99 88 78 67 77 82 80 1202Catholique 48 56 53 53 55 51 53 1202Protestante 18 26 36 33 26 35 30 1202

Chrétienne(Ens.) 62 73 80 78 75 76 75 1202Pratiqued'uneseulereligionaucoursdesavie.Pour100individusd'ungroupedegénérations.Traditionnelle 37 25 19 21 23 23 23 1202Catholique 1 9 17 23 19 11 15 1202Protestante 0 1 3 6 3 4 3 1202

Chrétienne(Ens.) 1 11 22 32 23 17 20 1202Stable(Ens.) 37 36 40 51 46 38 42 1202Instable(Ens.) 63 64 60 49 54 62 58 1202Ensemble 100 100 100 100 100 100 100 1202

Pratiqued'uneseulereligionaucoursdesavie.Pour100individusd'unereligion(àl'enquête)etd'ungroupedegénérationsTraditionnelle 49 43 35 46 41 44 43 662Catholique 3 31 59 62 62 38 49 362Protestante 0 13 22 38 28 22 25 166

Chrétienne(Ens.) 2 26 46 54 53 32 42 528Ensemble 37 36 40 51 46 38 42 1202

Mobilitéreligieuseetréversibilitédesadhésions(*)Nombredeséquencesreligieuses.Pour100individusd'ungroupedegénérations.

1 37 36 40 51 46 38 42 5042 17 25 22 28 19 28 24 2853 33 25 30 15 25 25 25 2974+ 12 14 9 6 10 9 10 116

Ensemble 100 100 100 100 100 100 100 1202Aumoins2séquencesdanslamêmereligion.Pour100individusd'ungroupedegénérations.Traditionnelle 45 36 32 16 31 29 30 1202Catholique ouprotestante 11 18 14 12 12 15 14 1202

Retouràlareligiontraditionnelle.Pour100individusdevenuschrétiensaprèslanaissance 70 63 61 46 67 55 60 564

Aumoins1séquencecatholiqueet1séquenceprotestante.Pour100individusd'ungroupedegénérations 4 9 8 8 6 10 8 1202

*Exclusiondesindividussortisd'observationavantl'âgede20ans.

(Enquêtebiographique,actualisation2009-10,projetSlam,Mali,INED)

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Loin de renvoyer à des milieux distincts, nos données démontrent ainsi que lesdifférentes religions coexistent dans l’environnement et la vie des individus. Ellesdémententàlafoisl’idéed’unesegmentationdesespacescommunautairesreligieuxetcelle d’une continuité de la pratique individuelle. Alors que les données du momentsuggéraientunpartagesensiblementégaldelapopulationentrechrétiensetadeptesdela religion traditionnelle, les données biographiques attestent d’unemobilité et d’uneexpérience cumulative des expériences religieuses. Parmi les chrétiens aumoment del’enquête,60%ontdéclarédesséquencesantérieuresdereligiontraditionnelle(tableau3).Parmiceuxquiontdéclarésuivrelareligiontraditionnelle,prèsde60%ontconnuaupréalableunépisodeaumoinschezleschrétiens.Sil’onprendencompte,lenombredeséquencesreligieusesdéclaréesparlesindividusdepuisleurnaissancejusqu’àlasortied’observation (tableau 3), on constate non seulement que les situations de stabilitéreligieusesontminoritaires,maisaussique les itinérairesàchangementsmultiplesnesontpasrares:parmilesgénérationsnéesavant1985,35%desindividusontconnuaumoins trois séquences religieuses. La mobilité religieuse ne se résume donc pas aupassage d’une religion héritée à la naissance à une religion élective; l’orientationreligieusepeutfairel’objetderévisionstoutaulongdelavieetn’estfinalementjamaisconsidéréecommeunepositiondéfinitive.

Lapluralitédel’expériencereligieuseindividuelleestappréhendéedansnotreenquêtesurlemodediachronique,parlasuccessiondesséquencesreligieusedanslabiographiedesindividus.Mêmesinosdonnéesnepermettentpasdelacapter,cettepluralitéexisteaussisurlemodedelaporositéentrereligions:êtrechrétiennesignifiepasquel’onarejeté les croyances ou les rites de la religion traditionnelle, ni que l’on est prêt à sesoumettre à l’ensemble des directives de l’église; suivre la religion traditionnelle nesignifiepasdavantagequel’onrejettelesstructureschrétiennes.Ainsionpeutconstaterque le degré d’engagement dans le christianisme, signifié par la progression dansdifférentesétapes,restetrèsvariable.Parmilescatholiquesdenaissance,âgésde20ansaumoins,seulement53%avaientfinalisétouteslesétapeset19%n’enavaientréaliséaucune. Ces taux atteignent 29% et 42% pour les adhésions secondaires. Parmi lesprotestants, l’absenced’engagementconcerne60%desindividus(20ansetplus),qu’ils’agissed’affiliationprimaireousecondaire.

Lapluralité et lamobilité religieusemisesenévidencepar l’observation longitudinalepeuventsurprendreencomparaisond’uneconceptionclassiquequiconsidèrel’attachereligieuse comme unique et définitive. Elles sont cependant cohérentes avec lesobservationsdesanthropologuessurl’investissementetl’utilisationdescadresreligieuxen Afrique subsaharienne, notamment occidentale. La liberté pratique prise avec lesinstitutions religieuses ne signifie pas que la religion est abordée de manièresuperficielleetcomptepeu.Elletémoigneplusprobablementdel’importancequiluiestaccordée,toutcommedesenjeuxetdespotentialitésquil’entourent.Danscecontexte,se rapprocher d’une communauté religieuse ou s’éloigner d’une autre, traduit nonseulement des croyances mais aussi des choix et des arbitrages, c’est-à-dire une

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rationalité etun senspratique faceaux structuresexistantes.Onconçoit alorsque lescomportementsouchoixdeviedesindividusgagneraientàêtreétudiésenfonctiondela religion revendiquée par l’intéressé à ce moment, ou en fonction de son parcoursantérieur.Enrevanche,lapriseenconsidérationdelareligionexercéeàl’enquête,c’est-à-direbiensouventàunedatedéconnectéedel’événementtraité,sembleplusdifficileàjustifierdansdescontextesoùlasegmentationreligieusen’estpasdemise.

IV. Discussion

Le traitementde la religionpourrait sansdouteêtre cité commeun casd’école sur lasegmentationentredisciplines.D’uncôtélesanthropologuesetsociologuesontmontréde longue date que pluralité etmobilité étaient au cœur de la pratique religieuse enAfrique subsaharienne, sans toutefois évaluer et documenter statistiquement cesphénomènes.De l’autrecôté, lesdémographes ignorentcettecomplexitédespratiquesetanalysentlareligioncommeunevariabled’état,uneaffiliationacquiseunefoispourtoutesàlanaissance.Lesstatistiquesnemanquentpourtantpas:laplupartdesrecensementsetdesenquêtescomportent une question sur la religion, et la variable figure dans les tableauxstatistiques de base. De fait la religion s’impose ainsi comme une variable quasi-incontournable,unecomposantequ’onnepeutignorer,neserait-cequeparlesnormesetvaleursqu’elleprivilégie.Introduitecommeunevariableexplicativedanslesmodèlesstatistiques, elle est souvent traitée comme un proxy de «l’appartenance culturelle»,unesortede«boîtenoire»parlaquelletransitentdifférentesformesdesocialisationetdecontrôlescommunautairesquivontorienterlescomportementsindividuels.Ces approches statistiques conduisent à des conclusionsmitigées sur l’influence de lareligion sur les indicateurs démographiques (mortalité des enfants, fécondité,contraception etc). D’une part, la signification des corrélationsmises en évidence estbien souvent relativisée, en constatant que la variabilité entre pays pour une mêmereligion est parfois plus importante que la différencemoyenne entre religions (sur lafécondité, voir par exemple Heaton 2011), ou après contrôle des variables socio-économiques (sur la mortalité infantile ou le recours aux soins néonataux, voir parexempleAddai2000,Akoto1990,BocoandBignami2008,Gyimah2007).Lesauteurss’accordent sur l’importance du contexte, notamment historique et socio-économique,danslequels’estdéveloppéeets’exerceunereligionpourcomprendresoninfluencesurles comportements individuels et les structurations collectives (Agadjanian 2001,Goldscheider 1971, McQuillan 2004). La revendication identitaire, l’intégration dugroupe religieux au seinde la population générale, ou encore le charismedes leadersreligieux et leur influence auprès des décideurs locaux sont, par exemple, desparamètres qui peuvent moduler les orientations générales affichées par l’institutionreligieuseetjouersurlesadhésionsindividuelles.Sanssous-estimer l’importanceducontexte, laquestionde lapertinencedesvariablesretenuespourdéfinir l’appartenance religieusedoit également êtreposée.AuMalawi,des questions sur l’intensité de la pratique et des croyances religieuses, ont mis en

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évidence l’influence de la religion sur les pratiques associées au vih/sida (fidélité desconjointsnotamment)alorsquecelle-cin’étaitpasperceptibleparlavariableclassiquesurlareligionàl’enquête(TrinitapolietWeinreb2012).Lapertinencedesindicateurssurlafréquentationdescultesoulesentimentreligieuxaégalementétémisenévidencedans l’étude de la contraception au Mozambique (Agadjanian 2001, 2013) et de laféconditéauNigeria(Avong2001).L’approcheadoptéedansnotreprojetauMali, avec le recueildes itinéraires religieux,encourage pareillement à reconsidérer les données mobilisées pour définir l’attachereligieusedesindividus.Cettedémarchebiographiquedontl’applicationàlareligionest,ànotreconnaissance,uniqueenAfrique,confirme l’existenced’unemobilitéreligieuseimportantemaisaussilafaisabilitéd’unetellecollectedanslecontexted’unepopulationruraleouest-africaine.La comparaison des indicateurs classiques sur la religion du moment avec desindicateurs issus de l’itinéraire religieux des individus met en évidence le caractèrepartiel et les limites des analyses basées sur la religion du moment. Elle fait aussiémerger la potentialité d’une gamme élargie d’indicateurs sur la religion et donc durecours à des indicateurs construits et sélectionnés en fonction de la question derecherche.Nousproposonsd’endiscuteràpartirdedeuxapplicationsempiriques:l’unesur la prévalence des religions dans la population étudiée, l’autre sur la définition del’appartenancereligieuseaumomentdel’événementétudié.Quelleest laprévalenced’unereligion? Quand lamobilité religieuse est importante, laprévalenced’unereligionpeutêtrefortvariableselonlecritèreretenupourendéfinirlepérimètre. Le tableau 4 en fournit une illustration pour les générations 1940-1959,suffisammentavancéesenâgepouravoir eu le tempsd’exercerplusieurs religions, etsuffisamment jeunes pour avoir connu un contexte de pluralité religieuse dès leurenfance.Laproportiond’individussedéclarantchrétiensaumomentdel’enquêteestde40%auseindecettecohorte,maiselleestdeuxfoisplusfaiblesionprendencomptelesindividus nés chrétiens et chute à 10% si on ne retient comme chrétiens que lesindividus qui l’ont toujours été. À l’opposé, le christianisme semblemajoritaire si onconsidèrecommechrétienslestroisquartsdesindividusquil’ontétéàunmomentdeleur vie. Le même exercice peut être appliqué à la religion traditionnelle, avec uneprévalencequipassede25%à90%selonlecritèreretenu.Conséquencedelapluralitéetdelamobilitéreligieuse,l’analysedelastructurereligieusedelapopulationestainsifortcontrastéeselonlecritèreretenu,avecunedominantechrétienne,traditionnelle,oumixte selon le cas. La définition retenue a ainsi des conséquences extrêmes sur laconfigurationreligieuseobservée.

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Tableau4.Prévalence(%)delareligiontraditionnelleetduchristianismeauseindesgénérations1940-59selondifférentesdéfinitionsdel’affiliation

religieuse.(Enquêtebiographique,actualisation2009-10,projetSlam)

DéfinitionProportion(%)d’individusayantlareligion

Chrétienne(catholiqueouprotestante)

Traditionnelle

Seulereligionpratiquéedepuislanaissance

11 25

Religionàlanaissance 18 82

Religionàl’âgede20ans 40 60

Religionàl’enquête(ouàlasortied’observation)

40 60

Apratiquécettereligionaucoursdesavie(quellequesoit

ladurée)

72 88

Quelleadéquationentrel’événementétudiéetlareligionpriseencompte? L’influencedela relation est classiquement étudiée en comparant les probabilités de connaître unévénementselonlareligion.Quandlesévénementsétudiéssontdesévénementspassésenregistrés sur le mode rétrospectif et que la religion prise en compte est celle àl’enquête, le risque est celui d’une désynchronisation entre la situation vécue lors del’événement et celle enregistrée à l’enquête. Dans quellemesure ce décalage pèse-t-ilstatistiquement? Quelle est la part des événements rapportés à tort à la religionobservée à l’enquête alors que l’intéressé en suivait une autre au moment de saréalisation? Nous avons calculé cet indicateur de discordance sur deux typesd’événements:lesnaissancesdesfemmesenquêtées(tousrangsconfondusoupremièrenaissanceseule),etlapremièreuniondesfemmesetdeshommes(tableau5).Letauxdediscordancesleplusfaibleestobservépourlesnaissances,tousrangsconfondus:ilestglobalementde12%,etoscilleentre15et20%pourlesenfantsnésavant1995demèrechrétienne.Letauxd’erreursestplusélevépourlesautresévénements,qu’ils’agissedelapremièrenaissanceoudupremiermariage.Cesévénementssesituentendébutdevieadulte, une période où la mobilité religieuse est particulièrement importante, ce quiexpliqueledécalageplusélevéentrelareligionàl’événementetàl’enquête,àplusforteraison quand la durée écoulée entre l’un est l’autre est élevée. Globalement, toutesgénérationsettoutesreligionsconfondues,uncinquièmeàuntiersdesévénementssontclassés dans une catégorie erronée (tableau 5). Les discordances atteignent desfréquencesparticulièrementélevéespour lesévénementsvécusquandl’intéresséétaitchrétien: lamoitié des premiersmariages conclus entre 1975 et 1995 par de jeunesfemmes chrétiennes et plus de 40% des premiers mariages masculins conclus sur lapériode1960-1984pardesjeuneshommeschrétiens,sontclassésàtortaveclesunionsdereligiontraditionnelle,sionsefieàlareligiondel’intéresséaumomentdel’enquête.

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Mêmes’ilestplusfaible,letauxd’erreurestloind’êtrenégligeablepourlesévénementsréalisésdansuncontextedereligiontraditionnelle;c’estlecasd’unquartdespremiersmariages féminins. Ces évaluations rapides suffisent à suggérer le potentiel d’erreursque peut générer l’assimilation de la religion à l’enquête à une affiliation unique etstable. Comment peut-on en effet espérer mesurer l’influence d’une religion sur uncomportement individuel, par exemple du christianisme sur l’âge au mariage desfemmes,siunepartimportantedesévénementsquis’yrattachent,iciplusd’untiers,nesontpasprisenconsidérationmaisclassésàtortdanslacatégorieadverse?Onconçoitdans ces conditions que les analyses puissent être brouillées et que les différentielssoientdifficilesàidentifiers’ilsnesontpascomplètementgommés…

Tableau5.Religionaumomentdel’événementetreligionàl’enquête.Proportion(%)decasdiscordants,selonlareligionaumomentde

l’événementetladatedel’événement.

IndicateursAnnéedel'événement

<1960 1960-1974

1975-1984

1985-1994 1995+ Ens.

Naissances vivantes (tous rangs) selon la religion de la mère.Proportion(%)dediscordancesselonlareligiondelamèreàlanaissancedel'enfantChrétienne 20 14 18 15 13 15Traditionnelle 7 14 14 8 4 9Ensemble 9 14 16 12 9 12 Nb

d'observations.422 576 632 788 1139 3557

Naissance du premier enfant selon la religion de la mère.Proportion(%)dediscordancesselonlareligiondelamèreàlanaissancedel'enfantChrétienne 30 26 32 36 20 26Traditionnelle 12 21 23 15 10 16Ensemble 16 23 28 27 18 22Nb

d'observations.94 97 110 117 227 645

Premier mariage.Proportion(%)dediscordancesselonlareligionaumomentdumariage.MariagesdesfemmesChrétienne - 30 58 47 23 36Traditionnelle 21 28 29 24 22 24Ensemble 28 29 44 40 24 31Nb

d'observations.111 96 123 124 294 748

MariagesdeshommesChrétienne - 41 42 27 18 31Traditionnelle 11 21 9 5 8 10Ensemble 29 29 28 18 14 21Nb

d'observations.69 78 85 102 206 540

(Enquêtebiographique,actualisation2009-10,projetSlam)

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Des indicateurs à géométrie variable? Si nos données montrent que la religion dumomentn’estpasun indicateursuffisantpourétudier lespratiquesreligieuseset leurrelationsurlescomportementsdémographiques,ellesnepermettentpasnonplusdeseprononcer définitivement en faveur d’un indicateur alternatif. La religion exercée aumomentde l’événementsembleunesolutionpluscohérenteetplussatisfaisante.Maisest-elle suffisante? La prise en compte de la mobilité religieuse et des différentsréférents religieux auxquels l’individu a été exposé justifierait certainementl’élaboration d’indicateurs supplémentaires, et construits en adéquation avec lesquestions abordées et les hypothèses de recherche. Par exemple si l’influence duchristianismesurlescomportementsindividuelsestabordéesousl’angled’uneremiseen question dumonopole des normes traditionnelles, alors un indicateur prenant encomptel’expériencepasséedanslechristianisme,mêmeinterrompue,semblejustifié.Silagrilledelectureaccordeuneplaceprépondéranteauréseaucommunautairemobilisépar l’appartenance religieuse, alors la religion exercée au moment de l’événement,éventuellementconsolidéeparuneinformationsurledegréd’engagement,semblepluspertinente.Uneapprocheparlesbiographiesreligieusesaprécisémentpourintérêtdese prêter à la construction d’indicateurs à géométrie variable, prenant en compte lareligionàl’événementconsidéréetsaplacedansunitinérairepluslarge.Limitesetenseignements.LarecherchemenéeauMaliprésenteleslimitesclassiquesdesobservations à petite échelle: celle de la représentativité des résultats et de laréplicabilité de la démarche. Les indicateurs de mobilité enregistrés ne sontcertainement pas extrapolables en tant que tels, mais les données qualitatives desanthropologuesetquelques indicateursquantitatifs (cf tableau1etpartie I) laissentàpenserquelapluralitéetlamobilitéreligieusesontdesphénomènesàlargeéchellequijustifieraientainsiuneattentionparticulière.Lesorientationsàenvisagerentermesdecollecte se posent en des termes différents selon l’enquête. Le recueil de biographiesreligieusesdansdesSitesdesuividémographiques(SSD)oud’autresenquêtesàpetiteéchelle permettrait de juger de la pertinence, sur d’autres terrains, de la démarcheentrepriseauMali,à la foisen termede faisabilitéetderésultats.Dans lesopérationsplus larges, comme lesEDS, il estprobablement illusoired’espérerajouterunmodulecomplet sur la religion, cependant quelques questions ciblées suffiraient à avoir uneapprochemoinsréductricedelapratiquereligieuse.Unequestionsurlefaitd’avoirdéjàsuivid’autresreligionsquelareligionactuelle(etlecaséchéantlesquelles)permettraitainsi la construction d’indicateurs plus nuancés sur la mobilité et l’appartenancereligieuse. Une question sur la religion suivie à unmoment particulier de sa vie, parexemplel’enfancesionveutapprocherlesconditionsdesocialisation,ouaumomentdel’adolescence, qui définit un axe de recherche particulièrement développé endémographieetprésenteaussi,chezlesBwa,desniveauxélevésdemobilitéreligieuse.Enfinunequestionsurl’attachementauxcroyancestraditionnellesauraitdusensdansle contexte contemporain où la religion traditionnelle est demoins en déclaréemaisresteapparemmentunsocle importantdespratiquesetreprésentations.Enfin,malgréles limites des données existantes, certains pourraient être utilisées pour tester desindicateurssurlapluralitéreligieuse.Ainsi,danslesopérationsquicollectentlareligion

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pour toute la population sur le questionnaire ménage, comme les recensements oucertainesEDS,onpourraitconstruireàdifférenteséchellesméso(ménage,quartierouvillage) des indicateurs sur la mixité des religions en présence et sur la religionmajoritaire,cequipermettrait,lecaséchéant,d’approcherlapluralitéreligieuselocale,l’environnementreligieuxd’unindividuetsapositionentermesd’affiliationàlareligionmajoritaireouminoritaire.LapriseencomptedesaffiliationsreligieusesenAfriqueetdeleurinfluencesurlaviedesindividusnécessiteàl’évidenceunregaind’imaginationentermesproblématiqueetméthodologique, auquel les sources existantes comme les démarches particulièrespeuventapporterunecontribution.

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