De l'Induction Chez Aristote

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    De rinductionchez AristoteC'est une tentation laquelle succombe bien vite le philo-sophe, en qute d'une thorie plus profonde et plus satis-faisante que celles.de ses prdcesseurs, de ramener son pointde vue et de juger d'aprs ses exigences de pense, des ques-tions envisages avant lui en un sens parfois tout 'autre. S'il arri-ve, par exemple, de consulter Aristote sur les difficiles pro-blmes que pose l'induction, on ira, convaincu par avance d'yrecueillir certaines indications, sans doute plus ou moins pr-cises, sur un procd de la Science et de la. Science exprimen-tale, sur les mthodes qui le caractrisent, sur le principe quile lgitime. Procd scientifique, l'induction serait-elle autre cho-se? Et isa valeur ne dpendrait-elle pas de la manire dont onobserve les cas individuels, du principe qui en dgage leslois?A suivre cependant une mthode un peu diffrente, plus sou-cieuse de ralit historique |et moins presse de conclure, l'onse persuade que l'induction aristotlicienne est un procd g-nral, dont le champ d'application dborde celui de la Science,puisqu'il s'tend la Dialectique, la Rhtorique et la M-taphysique, et que ce n'est pas l o il en est parl le plusexplicitement, qu'il convient de chercher un point de compa-raison entre les mthodes modernes et celle que prconisaitAiistote en vue de constituer les Sciences naturelles.

    I

    Si le terme inayonyri ne se rencontre pas avant Aristote (1) ets*il en donne, le premier, la dfinition devenue classique : >9 noTw >ta9' ezcc7Tov km r x

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    40 HEVUE DES SCIENCES PHILOSOPHIQUES ET THOLOGIQUESSocrate la dcouverte du raisonnement inductif (1). Celui-ci et, son exemple, Platon, en ont fait l'un et l'autre un tisagiefrquent; Aristote le reut donc de leurs mains tel qu'ils le prati-qurent. Et le tmoignage rendu Socrate nous assure del'identit initiale de leur point de vue, d'autant mieux que l'exem-ple apport par le Stagirite, lorsqu'il dfinit l'induction, est l'undes plus familiers aux entretiens des Mmorables (2). J'aurai,de nouveau, utiliser cette constatation trs simple. Pour l'instant,je n'en veux retenir qu'une seule consquence, ayant trait auxfins les plus gnrales de l'induction.

    Les recherches dialogues de Socrate et de Platon tenaient deleur forme spciale un double caractre. D*uno part, elles visaient un rsultat scientifique, c'est--dire tout fait prcis et nces-saire; d'autre part, elles s'efforaient de produire une convictionimmdiate dans l'esprit de l'interlocuteur. Il parat mme quechez Socrate, cette dernire proccupation tait dominante. Ilvoulait agi] sur ses concitoyens et les persuader. Ce serait uneuvre difficile de faire le dpart, dans les exemples qui nousrestent de sa manire de raisonner, entre les observations quifondent sa conviction personnelle, a.vant toute discussion, etcelles dont il se sert suivant les besoins de l'esprit dont il veutse rendre matre. De mme, Platon use avec toute sa libertet sa fantaisie d'artiste des ressources dialectiques, jamais pui-ses pour rinvention d'un Grec. Disputes logiques, discus-sions srieuses et travail scientifique, vont de pair et se prtentmutuellement secours. Ici et l, listes d'exemples peu prssemblables, d'o l'on infre une conclusion, utile au discours ou^suivant les cas, dfinitive. Il n'est que juste, en somme, dereconnatre que si l'induction socratique eut le mrite de con-tribuer l'laboration des premiers concepts de la science mo-rale, ds le dbut elle ne fut pas restreinte cet usage, maisreut de son fondateur une direction plus large, moins rigoureuse,adapte aux exigences courantes de la discusision dialectique (B).Que ce mode de discussion se retrouve plus d'une fois dansles uvres d'Aristote, la plupart du temps comme prliminaire

    l'tude vraiment scientifique, c'est plus que certain. Mais le1. Met. M 4. 1078 b 27.2. Top. A 12. 105 a 14... oov el '

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    DE l'induction CHEZ ARISTOTE 41Philosophe possde une conscience trs nette de la distinctiondes deux mthodes, et, de mme qu'il a difi la thorie de laScience et de la Dmonstration, il a consacr la Dialectiquece trait des Topiques, le mieux compos, peut-tre, et le plusachev de tous ceux qui nous viennent de lui. Or, malgr cela,l'induction telle qu'il l'entend, continue d'tre commune auxdeux disciplines et, de plus, la Rhtorique, sous la formedrive de l'exemple. Il importe de l'tablir a,vec prcision etde noter quelle physionomie spciale revt ce procd, identiqueen son fond, par suite de ses applications diverses.

    Il est ncessaire de dterminer, est-il dit a,u premier livredes Topiques (1), en combien d'espces se divisent les raisonne-ments dialectiques. Or, Vune d'elles est Vinduction. Et c'estprcisment cette occasion le fait est significatif quel'induction est dfinie et explique au moyen d'un exempleemprunt Socrate. Le texte est assez clair pour qu'il soitinutile d'y insister. Au besoin, il serait facile de se convaincreen continuant un peu la lecture, que cette espce du raisonne-ment dialectique, la plus persuasive et la plus accessible (2),est efficacement recommande par le Philosophe.

    Paralllement l'induction dialectique se trouve, dans l'artoratoire, l'exemple (3). Aristote, pour en expliquer la nature,renvoie simplement aux Topiques. La coupe du raisonnementest la mme que pour l'induction. Comme celle-ci s'oppose ausyllogisme dialectique, l'exemple s'oppose l'enthymme.

    Il est plus dlicat de se rendre compte de l'emploi scientifi-que de l'induction, de son rle dans la Science telle que la conoitAristote. Le texte qui, ma connaissance, l'exprime le mieux,au moins dans ce qu'il a de plus essentiel, se lit dans Ythique Nicomaque (4): Tout enseignement, comme nous le disonsdans les analytiques, procde de connaissances antrieures; telen effel: utilise l'induction, tel autre le syllogisme. L'induction

    1. Top. A 12. 105 a 10.. XPV Si-eXcrdac ircra tQv Xyuv eri tCjv LaXeKTLKUiu .EcTi 5 To fxv irayo^yr)

    .

    2. Top. A 12. 105 a 16.3. JRht. A 2. 1356 a 36 SS. ... Kaddirep Kal v ros iaXeKTiKOs rb fiv iraytoy/i aTL

    TO de crvWoyLCTfxbs to de (paiv/xevos avWoyicr/Jios. Kal vTavda /moicos ex^i-' '

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    42 REVUE DES SCIENCES PHILOSOPHIQUES ET THOLOGIQUESest principe [de renseignement], et [enseignement] de Funiversel,le syllogisme, au contraire, part de ce qui est universel. Il y adonc des principes d'o procde le syllogisme, dont il n'y a passyllogisme : [d'eux il y a] donc induction. Ainsi, dans la Scien-ce, l'induction doit suppler l'impuissance de la dmonstrationsyllogistique et nous faire connatre les principes mmes surlesquels celle-ci repose. C'est un point trs ferme dans la doctrined'Aristote que la dmonstration ne peut ni tre circulaire ni re-monter l'infini, mais doit trouver un terme fixe o elle s'ori-gine. A l'induction, il appartient de nous y mener. Son rle estdonc foridamental. Mais les cLoycLi dont il est ici question, ce sont la fois les principes proprement dits et les notions premires,'communo toutes les sciences ou propres chacune d'elles.Les uns et les autres sont autonomes et non pas simples an-neaux d'une chane syllogistique. C'est pourquoi l'on rencontresi souvent dans les uvres du Stagirite la mention que telou tel concept, dont il vient de faire l'analyse, s'impose nous parrinduction. Dans la Mtaphysique, en particulier, la rflexionest frquente (1). La pratique scientifique d'Aristote est, ce pointde vue, encore plus instructive que sa thorie, peine formule.Il est aussi trs digne de remarque que dans les sciences physi-ques secondaires, o cependant l'observation et l'exprience ontune part si prpondrante, l'importance de l'induction est moin-dre, si l'on considre le but auquel elle prtend. On ne peut com-parer, en fait de valeur scientifique, l'invention des principesde la Philosophie premire et les quelques rsultats d'une tude,pourtant consciencieuse, du Ciel ou des Animaux.

    Si l'on se rappelle, ici encore, la nature de l'induction socrati-que, il paratra naturel de voir son rle scientifique compris avanttout par Aristote, comme une recherche des principes les plusuniversels.A vrai dire, la mthode de Socrate n'tait pas exclusive denotions infrieures, plus proches des sens. Plus d'une fois, Platons'en servit pour prciser la nature de ralits tout fait com-munes. El je n'ai nullement l'intention d'affirmer que cet usageft rpudi par Aristote. Bien au contraire. Mais, tandis quela simple induction suffit l'intelligence pour s'lever aux prin-cipes et aux ides simples (2), son efficacit ne s'tend [pas

    1. Met. e 6. 1048 a 36; I 3. 1054 b 33, 4. 1055 a 6, b 17, 8 1058 a 9; K 7.1064 a 9, 11 1067 b 14. Fhys. E 1. 224 b 30.2. Elle lui suffit aussi dans certains cas exceptionnels, relevant des sciences

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    DE l'induction CHEZ ARISTOTE 43jusqu' lui permettre, par elle seule, de former les ides com-plexes, qui sont les dfinitions par genre. t diffrence, auxquel-les toute science physique doit parvenir. Les notions premiressont indfinissables (1) et l'induction les dgage des singuliers.Les dfinitions proprement dites relvent d'une autre mthode,car l'induction seule ne peut les atteindre, comme il ressort trsclairement de la longue discussion du IP Livre des DerniersAnalytiques. Celui qui induit ne dmontre pas, en effet, cequ'est telle chose, mais qu'elle existe ou n'existe ])as (2). L'induction pratique par la Science a pour fin essentielle l'abs-traction de l'universel, principe de la dmonstration, pour finsecondaire de constater entre les singuliers telle ou telle res-semblance, et de prparer par l (mais seulement de prparer) lamatire d'une dfinition. Je ne crois pas que l'on puisse, avecles seuls textes d'Aristote, lui demander plus.

    Il

    Les trois formes d'induction, distingues par Aristote, ont cecide commun que, au sens le plus gnral des termes, elles pro-cdent pai' observation des singuliers semblables entre eux, poury trouver l'universel. Mais n'est-il pas possible de prciser da-vantage leur mthode?On le demande, d'ordinaire, au texte connu des Premiers Ana-lytiques : B 23. 68 b 8 ss.Le trait auquel ce texte appartient est, on le sait, consacr

    l'analyse du raisonnement syllogistique, considr au seul pointde vue de sa forme, c'est--dire abstraction faite, non seulementde toute matire, de tout objet rel, mais encore du cxractredmonstratif ou dialectique qu'il peut revtir. La premire phrasedu passage en question l'exprime avec toute la clart dsira-ble (3) : Que non seulement les syllogismes dialectiques etinfrieures, lorsque les donnes sensibles sont, assez simples pour rvler im-mdiatement la cause ou la dfinition cherche. Cf. Dern. An. A 31, 88 a 5.Mais, d'ordinaire, la science doit rsoudre des problmes, o la dterminationde l'universel requiert une mthode plus complique.

    1. Met. e 6. 1048 a 36.2. Dern An. B 7. 92 a 35. OVe yp js irodeLKv^ ^ fjLo\oyoviJ.uoju ehai ijXof

    iroirjaei Vt pdyKT) Kclvcov 'vrwv erepov ti epai, irei^is yp tovto, ovd' ws eTryuiv8i tQ)v Kad^ eKaara rfKcov ptcov, 6ti irv ovtojs tlo fiTjdv XXws * o yp ri en SelKvvaiv^W Tt r)

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    44 REVUE DES SCIENCES PHILOSOPHIQUES ET THEOLOGIQUESdmonstratifs s'engendrent au moyen des figures susdites , etc..Et, dans ce texte lui-mme, l'on a dessein de montrer commenttoutes les autres espces de raisonnement peuvent se ramener,toujours au point de vue de la forme, ces mmes figures. Que non seulement les syllogismes dialectiques et dmons-tratifs s'engendrent au moyen des figures susdites, mais encoreles [syllogismes] oratoires et d'une manire gnrale tout moyende persuasion, quel qu'il soit, et suivant n'importe quelle m-thode, il faut maintenant l'exposer. Parmi ces mthodes, trou-ve place videmment l'induction : ornavra yk^ tkjtzvoiizv -/] ^ikGvXkoyKJiiox) Yj , nxyaiyri, (1).

    Remarquons-le aussitt, cette entre en matire ne permetpas do douter que le problme n'appartienne exclusivement lalogique formelle, et qu'il ne soit fait abstraction, en principe,de toute forme spciale de l'induction.

    Cependant, si nous suivons le texte relatif la mthode in-ductive, nous apercevons deux paragraphes bien distincts, dont lesecond {Q^ b 38 69 a 20) examine, pour lui-mme, le mca-nisme spcial de l'induction oratoire.Le premier serait-il donc rserv aux deux autres espces :l'induction scientifique et l'induction dialectique? L'attentionveille sur ce point, comment ne pas se rappeler que, soit auVIII' Livre des Topiques (1. 156 b 10), soit surtout au traitde 11 Rhtorique (A. 1356 b 3; B. 1393 a 27), Aristote rapproche etcompare rinduction dialectique et l'exemple? Ici, n'en serait-ilpas de mme? Le premier paragraphe n'aurait-il pas trait la seule induction dialectique? Ce n'est en vrit qu'une pr-somption. Mais une autre la fortifie, qui est prise de la phrased'introduction dj cite :}.Xzai opyjroptxotxatTrylGo //ncouvTriart.Cette TzGTii signifie, avant tout, l'induction, comme il est vi-sible par la phrase suivante (2). Une fois encore, c'est le pa-ralllisme avec l'argument rhtorique. Mais, de plus, le terme'Kiiric possde, dans la langue d'Aristote, une valeur spciale,qui en restreint l'usage aux preuves capables seulement depersuasion, et ne permet pas d'y voir signifie une mthodevraiment dmonstrative (3). Il ne s'applique normalement qu'auxraisonnements oratoires et dialectiqnies. Enfin, la preuve dcisivequ'il ne s'agit pas ici de l'induction scientifique, est que, si nous

    1. Frem, An. B 68 b 13.2. Airavra yp TricrTevofiev -^ 5t avWoyLcrfxov r) ^ eTraycjyrjs.3. Voir la preuve de cette assertion dans SA. 2 1. 1 H. p. 383- (1).

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    DE l'induction CHEZ ARISTOTE 45en avons bien compris la nature, elle ne peut se rduire ausyllogisme, tant donn qu'elle est faite pour suppler l'im-puissance o est ce mode de raisonner, de se donner lui-mme ses principes. La science a besoin de l'induction pourconnatre les notions simples et les premires propositions quipermettent la dmonstration. Comment cette induction pourrait-elle prendre la forme d'un syllogisme? Le seul principe que luiassignera Aristote est le -^oc ; la seule mthode, une mthodepisycholoigique (Dern. An. B 19. 99 b 20).

    Ainsi, ce texte des Analytiques, si souvent discut, si sou-vent comment, o est expliqu le mcanisme du syllogisme in-ductif, ne parat viser que l'induction dialectique. Celle-ci ne de-vant pas tre dmonstrative, il importe peu qu'elle n'ait pas demoyen terme, au sens strict, et que, pour conclure avec rigueur,elle ait besoin de l'numration complte. Dans la discussiondialectique, o il n'est pas requis d'argumenter en forme, oles adversaires font usage de raisons probables, o ils ne doi-vent pas dmontrer par la cause, qu'ils se contentent d'une baseinductive laquelle l'objectant n'ait rien opposer (1). L'ons'explique alors que le Philosophe n'ait pas pouss plus loincette tude.Nous trouvons donc ici expose, la mthode logique de l'in-duction dialectique et de l'induction oratoire. A la fin des Der-niers Analytiques est rserv de voir discute, la mthode del'induction scientifique qui est et ne peut tre que psychologi-que.

    III

    L'on nous objectera, peut-tre, que l'exemple d'induction donnpar Aristote en ce passage des Analytiques, est scientifique, aumoins par sa matire, puisqu'il y est question de prouver queles animaux sans fiel vivent longtemps. Et, ajoutera-t-on, dequel droit restreindre l'induction scientifique l'tablissementdes principes, alors que des propositions particulires de ce genre*6ont bien, pour Aristote, objet de science et, par ailleurs, ne peu-vent tre tablies que par l'induction?A la premire difficult, il est ais de rpondre que la dia-lectique abstrait de toute matire spciale et peut traiter de *n'importe quel problme, mme scientifique. De telle sorte que

    1. Top. A 14. 105 b 10.

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    46 REVUE DES SCIEKCES PHILOSOPHIQUES ET THEOLOGIQUESsi l'exemple n'est videmment pas en faveur de l'interprtationpropose, il n'y fait pas non plus obstacle (1).A la seconde, j'opposerai deux remarques qui achveront, jel'espre du moins, de faire la lumire, et indiqueront o il fautcheicl]e,r, dans les uvres d'Ans tote, un lment de comparai-son avec les thories inductives modernes.En premie/r lieu, il est impossible de mettre en doute qu'il y

    ait jamais eu, dans l'intention d'Aristote, une exception quelcon-que la thorie de la Science expose aux Derniers Analytiques.Ce serait une illusion de croire qu'il ait pu donner le nom deScience une discipline satisfaite du probable ou mme de faitset de rapports dment constats. Toute science doit pntrer lescauses et en montrer la ncessit (2). Il n'y a pas pour le Phi-losophe de Sciences exprimentales, ni de lois, au sens mo-derne.

    Or, il est non moins certain, car il le dit plusieurs fois avec unegal'O prcision, que, pour lui, l'induction ne peut rpondre qu' laquestion el lanv ou, ce qui revient au mme, la question 6'rt.Ni elle ne rvle ressence, ni, par suite, elle ne dcouvre la cause,puisque la recherche du oiozi, nous y reviendrons l'instant,s'identifie avec celle du ri a-iv.

    N'est-ce pas encore ce qui est exprim clairement par cettediffrence entre le syllogisme vritable et le syllogisme inductif,que ce dernier a sa raison d'tre lorsqu'il n'y a pas de moyenteime : "Eort ^' rotoOro; GvAloyiGixbg (kE, Traycoy/^;) zrjq Trpcory); /.aly.uaov rcpoTLaeCfii cov uv yo azi y^dov, di rov adov (juXkoyia-ao^, wj d ixYi (jTi, di lncf,y(^y'?iq (Prem. An. B 23. 68 h 30)? Lemoyen terme ne doit-il pas en effet donner la cause ?

    Sans doute, Aristote admet d'autres dmonstrations moins par-faites qui, elles non plus, ne dpassent pas le fait : soit (|ue lemoyen exprime l'effet, soit que, signifiant une cause, celle-ci nesoit pas immdiate et propre, mais lointaine et accidentelle. Maison ne saurait assimiler leur cas celui de l'induction o, mmeau point de vue logique, le terme qui devrait tre moyen, n'estpas cause de la conclusion; et, le pourrait-on, l'induction res-terait, comme elles, une mthode de science insuffisante.En second lieu, et c'est videmment capital, nous savons,de manire positive, par quel moyen Aristote entend que l'on

    1. SA. 2 T. 1 H. p. 436.2. Rserve faite des conditions imposes par l'objet spcial de chacimedes sciences particulires.

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    DE l'induction CHEZ ARISTOTE 47rsolve leis ' questions poses par la Science, et que l'on ta-blisse des propositions scientifiques.L'on n'a pas assez remarqu, semble-t-il, la porte tout fait

    gnrale du chapitre des Derniers Analytiques (1), o le Philoso-phe dtermine quel nombre de questions scientifiques peut trerellement pos, et son indpendance, immdiate au moins, detoute recherche concernant la mthode. Quelle que soit celle-ci, l'esprit humain ne peut ^'interroger sur les choses que desquatre manires numres. Ce serait une mprise de restrein-dre le passage l'importance qu'il peut avoir par rapport lanotion mme de la Science ou celle de la dmonstration. Ilindique nettement sa fin tout procd scientifique, et celui-laura le plus de prix, qui permettra de rsoudre la question fon-damentale.

    Or, la dmonstration, si elle aous donne par voie dductive etncessaire la cause de telle attribution, pour tre elle-mme ta-blie, suppose connu le moyen terme. Connatre le moyen termeest donc la cl de la Science. Lorsque nous cherchons, ditAristote, ro on (c'est--dire l'existence d'une attribution quel-conque) ou bien ro si gtlv rAw; (c'est--dire 'l'existence absolued'une chose), nous cherchons si le moyen de cela mme existeou n'existe pas. Et, connaissant ou. bien ro 6ti , ou bien aziv...lorsque de nouveau nous cherchons ro ot ri ou bien ro zl ecn,alors nous cherchons ce qu'est le moyen... Il arrive donc danstoutes les recherches, de chercher si le moyen existe ou ce^qu'est le moyen (2). Est-il possible d'exprimer plus catgori-quement que la mthode qui tend constituer la Science, apour fin de trouver l'existence et, en dfinitive, la nature (3) d'unecause? Et, par suite, peut-on jmieux signifier que la (piestionmme du pourquoi se ramne ^ une question d'essence, qliela mthode fondamentale de la recherche scientifique est cellequi permet de former les dfinitions? Aussi, ce mme endroit,Aristote commence-t-il tudier quelle peut tre cette mthode,et il y consacre de longs chapitres.Comme si, d'ailleurs, son intention n'tait pas assez claire,

    1. B 2. 89 b 36.2. Dern. Anal., B. 2. 89 b 36 ss. ZT/roO/xer 5, rav /nu ^rirfieu r OTL Tj To el

    arip TrXws, p* ^cttl jxffov avrov t) ovk 'dTLV ' orav yvvres rj to otl t) el ^cttlu..., TrdXiu r8i ri ^rjTQfiev ^ ro ri cTi, rare ^rjTodfxeu tL to fxaou ... 'Lvix^aivei pa v iraaL's Tas ^v^V'crai ^rjTev ^ et ^crri p,crov rj tL

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    48 REVUE DES SCIENCES PHILOSOPHIQUES ET THEOLOGIQUESil revient, aprs les avoir termins, ce qu'il appelle lui-mmeles problmes de la Science, et montre comment une recher-che de la dfinition les doit rsoudre en faisant connatre lesdivisions naturelles des genres, leur ordre logique, lequel r-pond leur hirarchie relle (1). La srie rgulire supposetablie, il est facile de voir le lien analytique, jusque-l incon-nu, qui unit deux caractres. Si je sais la dfinition de l'ani-mal, je oompirendrai pourquoi tel attribut qui en fait partie serencontre dans le cheval et dans l'homme. Par l seulementj'arriverai passer d'une attribution quelconque un jugementscientifique.

    Or, tel est bien le rsultat que s'efforcent aussi d'atteindre lesmthodes inductives modernes, malgr la transposition exigepar la conception qu'elles supposent de la science et de laloi.

    Il est donc inexact de dire qu'Aristote a mconnu l'existen-ce de cette fonction dcisive de la science et la ncessit d'unemthode qui lui soit adapte. L'invention du moyen terme, larecherche du ltl s'impose pour transformer un jugement pro-blmatique en conclusion scientifique. Elle-mme ne peut abou-tir que par l'usage des mthodes qui permettent d'tablir une d-finition. C'est en tudiant ces mthodes que l'on peut esprer sefaire une ide prcise de la manire dont Aristote a rsolu lesdifficults que soulve l'induction scientifique, telle que nousla concevons aujourd'hui.

    M.-D. ROLAND-GOSSELIN, 0. P.Kain.1. Dern. Anal. B 14. 98 a 1 SS. ITpos rb exeti' r wpojSXriiu.ara K\yLP e ras

    Te varo/xs Kai rs diaipaei^, k. r. X.

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    La philosophie religieusede Kant

    LA condamnation de la thologie et de l'apologtique des^ modernistes ^ attir l'attention du monde catholique sa-vant sur la philosophie dont ils s'taient inspirs. Il ne seradom?. pas oiseux de reprendre cette philosophie sa source etde l'tudier dans son initiateur, dans Kant. Ce sera l'objet dela prsente tude. Mais comme il n'est pas possible d'exposerun fragment d'une synthse complte, sans le situer dans cettesynthse, il nous faudra d'abord jeter un coup d*il d'ensemble surla philosophie kantienne prise dans ses grandes lignes. De ldeux chapitres :

    I) Aperu sommaire de la philosophie kantienne.II) Thorie kantienne de la foi religieuse.

    I

    APERU SOMMAIREDE LA PHILOSOPHIE KANTIENNE.Ce premier chapitre, nous l'orienterons surtout vers l'expli-cation de la doctrine du primat de la raison pratique.Nous le diviserons en quatre paragraphes intituls respecti-

    vement :1 Thorie kantienne de la vrit.2o Paralllisme entre la philosophie spculative et la philo-

    sophie pratique de Kant.30 Primat de la raison pratique.40 Vice radical du kantisme.

    I. - Thorie Kantienne de la vrit.Le kantisme est moins pernicieux par les erreurs qu'il in-

    troduit dans les esprits que par la dformation gnrale qu'il4'' Anne. Revue des Sciences. N i. 4

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    50 REVUE DES SCIENCES PHILOSOPHIQUES ET THOLOGIQUESleur fait subir. C'est presque encdre moins un systme fauxqu'un dissolvant intellectuel; c'est l'eau rgale de l'intelligence.Kajat commence par dformer l'intelligence, tellement, qu'ellen'est plus susceptible que de certaines vrits, de certaines er-reurs, et surtout de constants compromis entre la vrit et l'er-reur. El comment oeia?

    Parc( que c'est la notion mme de vrit logique que Kantattnue et extnue, en la privant de ce qui fait son essence etde ce qui la fait le lest de l'intelligence; c'est--dire il la 'd-pouille de sa valeur reprsentative de l'ordre objectif et rel.

    Sans doute, comme nous, thomistes dogmatistes, Kant par-lera de vrit, de ce^rtitude, d'vidence, de valeur objective etmme de conformit de la connaissance avec son objet. Mmece sera par cette dernire formule qu'il dfinira bien des foisla vrit; au point de laisser croire quelque lecteur press ousuperficiel qu'il adhre de tous points la thorie thomiste surr adaequatio rei et intellectus (1). Mais prenons garde de nousmprendre. Rien de plus droutant que la terminologie kan-tienne : ct de bien des vocables nouveaux nous trouvonstous les termes de la philosophie traditionnelle, de la peren-nis philosophia . Cependant au fond nous trouvons ici, en phi-losophie, une opration semblable celle qui ne se rencontreproprement qu'en musique : une transposition. Du kantisme quise joue dans le ton subjectiviste, au thomisme qui se joue dansle ton dogmatiste, les mmes mets ne sont point synonymes maisanalogues.Le plus important des vocables qui nous sont communs Kant et nous, c'est celui de vrit (et partant celui jde

    valeur objective ). Mais la chose signifie par ces mots est1. Voir Kant. Krit'ik der reiner Vernunft, 2e dition, pp. 82, 115, 236, 296,

    670, 816, etc., etc.Quant savoir comment Kant accorde cette formule avec celle qui estpour lui la dfinition prpondrante du vrai (a savoir, pour le dire ds main-tenant : la conformit du jugement synthtique avec les lois de la raison quien rglent l'laboration) nous nous permettons de renvoyer notre ouvragesur l'Objet de la Mtaphysique selon Kant et selon Arisiote, chap. III.Remarque Quand nous citons la Critique de la Raison pure, nousnous en rapportons, sauf mention contraire, la seconde dition, celle de1787. Notre pagination est aussi celle qui tait propre cette dition. Ellese trouve gnralement reporte au bas des pages ou en marge des rim-pression? actuelles, celles, par exemple, de Reclam, de l'Acadmie deBerlin, de Vorlnder, etc. Comme l'dition majiuelle de Reclam en faitautant des ditions les plus connues, celles de Rozenkranz, de Hartenstein