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85 DE L’ENSEIGNEMENT DE LA GEOMETRIE Rudolf BKOUCHE Irem de Lille à Nicolas Rouche in memoriam REPERES - IREM. N° 76 - juillet 2009 cours cohérent, la réduction de l’enseigne- ment au seul discours de la science conduit à ce que nous avons appelé l’ illusion lan- gagière dont l’un des exemples emblématiques reste celui de la réforme dite des mathé- matiques modernes, mais la réduction de l’enseignement à la seule résolution des problèmes conduit au développement d’un activisme pédagogique qui réduit l’ensei- gnement à un ensemble d’activités disparates comme l’a montré la contre-réforme qui a suc- cédé à la réforme des mathématiques modernes et qui reste présente comme le mon- trent les programmes actuels 2 . Au volon- tarisme de la réforme des années soixante- Introduction Toute science a deux objectifs, celui de la construction de l’intelligibilité du monde et celui de la résolution des problèmes. Loin de s’oppo- ser, ces deux objectifs sont complémentaires, c’est pour résoudre les problèmes que l’on rencontre que l’on est conduit à construire l’intel- ligibilité du monde, et c’est la construction de cette intelligibilité qui permet en retour de résoudre ces problèmes 1 . Cette complémentarité doit apparaître dans l’enseignement d’une science et négli- ger l’un de ces objectifs revient à mutiler cet enseignement. Si la construction de l’intel- ligibilité se traduit pas l’élaboration d’un dis-

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DE L’ENSEIGNEMENT DE LA GEOMETRIE

Rudolf BKOUCHEIrem de Lille

à Nicolas Rouchein memoriam

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cours cohérent, la réduction de l’enseigne-ment au seul discours de la science conduità ce que nous avons appelé l’illusion lan-gagière dont l’un des exemples emblématiquesreste celui de la réforme dite des mathé-matiques modernes, mais la réduction del’enseignement à la seule résolution desproblèmes conduit au développement d’unactivisme pédagogique qui réduit l’ensei-gnement à un ensemble d’activités disparatescomme l’a montré la contre-réforme qui a suc-cédé à la réforme des mathématiquesmodernes et qui reste présente comme le mon-trent les programmes actuels 2. Au volon-tarisme de la réforme des années soixante-

Introduction

Toute science a deux objectifs, celui de laconstruction de l’intelligibilité du monde et celuide la résolution des problèmes. Loin de s’oppo-ser, ces deux objectifs sont complémentaires,c’est pour résoudre les problèmes que l’onrencontre que l’on est conduit à construire l’intel-ligibilité du monde, et c’est la construction decette intelligibilité qui permet en retour derésoudre ces problèmes 1.

Cette complémentarité doit apparaîtredans l’enseignement d’une science et négli-ger l’un de ces objectifs revient à mutiler cetenseignement. Si la construction de l’intel-ligibilité se traduit pas l’élaboration d’un dis-

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dix s’appuyant sur la notion de structure,on a opposé des activités à tout va, cet acti-visme pédagogique étant renforcé par unusage irraisonné de l’informatique, celle-cise réduisant à un simple gadget. Cet acti-visme pédagogique s’est développé au détri-ment de toute structuration du savoir, occul-tant ainsi le caractère hypothético-déductifdes mathématiques et s’appuyant sur uneinterprétation quelque peu simpliste de ceque l’on peut appeler le caractère expérimentaldes mathématiques 3.

La géométrie élémentaire est née dedeux grandes problématiques, d’une partla problématique de l’égalité, d’autre part laproblématique de la forme. Ces probléma-tiques fondatrices ont été oubliées avec la réfor-me des mathématiques modernes. Si l’oublide ces problématiques avait une certainecohérence lors de la réforme dans la mesu-re où celle-ci mettait en avant l’aspect struc-tural des mathématiques 4, la contre-réfor-me, au nom d’une modernité mal comprise,n’a pas osé revenir à ces problématiques, seréfugiant dans l’étude de quelques situa-tions dites concrètes, lesquelles, selon lavulgate constructiviste, devraient permettreaux élèves de reconstruire le savoir géomé-trique. Comme nous l’avons déjà dit, la fas-cination devant l’informatique ne pouvait querenforcer cette tendance.

C’est pourquoi nous proposons de revenirà ces deux problématiques mises en placedans les Eléments d’Euclide en y ajoutant lestrois principes mis en avant lors de la réfor-me de 1902, savoir, la fusion consistant à neplus séparer géométrie plane et géométriedans l’espace, l’introduction explicite du mou-vement et le caractère expérimental de lagéométrie 5.

Mais à côté de cet aspect de la géométrieélémentaire qui la relie aux sciences phy-siques, il faut ajouter le rôle que joue la géo-métrie comme clé d’entrée dans la sciencecontemporaine via ce que l’on peut appeler lagéométrisation, celle-ci apparaissant à la foiscomme un langage universel6 et comme un déve-loppement de métaphores conduisant à ceque Jean Dieudonné a appelé des transfertsd’intuition 7.

Critique des programmes actuels

Nous avons rappelé dans l’introduction com-ment la contre-réforme qui a suivi la réformedes mathématiques modernes a, au nom d’unprétendu retour au concret, conduit à viderl’enseignement scientifique de tout caractè-re théorique. Le refus de tout caractère théo-rique a contribué non seulement à occulter lecaractère hypothético-déductif de la géomé-trie mais à réduire ce que l’on peut appelerle caractère expérimental de la géométrie àquelques manipulations dont on espéraitqu’elles amèneraient les élèves à redécouvrirla géométrie conformément au slogan deve-nu classique « on observe, on conjecture, ondémontre ». Cela a conduit à la fois à unappauvrissement de l’enseignement et à desexigences inutiles.

Nous nous contenterons de donnerdeux exemples de cette inconsistance desprogrammes, le premier relevant d’un excèsd’exigence sous prétexte de modernité,l’autre au contraire conduisant l’ensei-gnement de la géométrie à la limite dufaux. Mais qu’importe le faux si les élèvesne s’en aperçoivent pas !!!

Après la réforme des mathématiquesmodernes que l’on peut considérer comme

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une caricature de Hilbert, la contre-réformepeut se définir, en ce qui concerne la géomé-trie, comme une caricature du Programmed’Erlangen de Felix Klein. On sait 8, depuis leProgramme d’Erlangen, que la géométrie estl’étude de l’action d’un groupe de transformationsopérant sur un ensemble et des propriétés inva-riantes par cette action. Il fallait donc construi-re l’enseignement de la géométrie autour dela notion de transformation, donc trouver destransformations convenables pour élaborerun programme d’enseignement, de là vient laprogression inventée pas les programmesChevènement de 1986 : symétrie axiale en sixiè-me, symétrie centrale en cinquième, ensuiteles translations et les rotations 9. Cette pro-gression présente deux inconvénients, d’abordles transformations ainsi définies ne trans-forment pas les objets sur lesquels elles opè-rent 10, ensuite elles sont, en ce qui concerneles translations et les rotations, le résultat d’unmouvement, ce qui exige de distinguer mou-vement et transformation, distinction qui neva pas de soi et que l’on ne saurait exigerd’un élève de collège. Ainsi, au nom de lamodernité et du concret réunis, on introduitune notion difficile, et ce, pour éviter les clas-siques cas d’égalité des triangles renvoyésdans les poubelles de l’histoire de la géomé-trie. Il est vrai que les cas d’égalité, sous lenom de cas d’isométrie, ont été réintroduitsen seconde, c’est-à-dire bien tard, alors qu’uneprogression cohérente eût été de parler decas d’égalité des triangles au collège et d’abor-der la question des relations entre mouvementet transformations au lycée devant des élèvesqui ont acquis une première pratique géo-métrique.

Il faut signaler ici une incongruité des pro-grammes, l’usage de l’expression «figures iso-métriques» plutôt que de parler de «figureségales», ce que l’on peut considérer comme un

résidu de la réforme des mathématiquesmodernes 11. Nous reviendrons plus loin surcette incongruité.

Le second exemple qui constitue une lacu-ne dans l’enseignement vient de l’absence del’énoncé du postulat des parallèles. Comment,dans ces conditions, peut-on démontrer quela somme des angles d’un triangle vaut deuxdroits, comment peut-on démontrer les pro-priétés des angles inscrits et comment peut-on démonter que les deux définitions du paral-lélogramme :

1— un parallélogramme est un quadrilatèredont les côtés opposés sont parallèles

2— un parallélogramme est un quadrilatèredont les diagonales se coupent en leur milieusont équivalentes.

C’est encore le postulat des parallèles quipermet de montrer la propriété suivante (com-position des parallélogrammes) :

« Si ABCD est un parallélogramme et siCDEF est un parallélogramme, alors ABFEest un parallélogramme »

propriété qui est à la base de la notion de trans-lation et du calcul vectoriel.

On sait aussi que c’est le postulat desparallèles qui permet de montrer le théorè-me de la droite des milieux et par conséquentle théorème de Thalès, tout au moins pour lesrapports rationnels. En l’absence d’une théo-rie des nombres réels, on peut admettre, aucollège et au lycée, que le théorème de Tha-lès, démontré pour les rapports rationnels, estencore vrai pour les rapports irrationnels,mais ce qui importe, dans l’enseignement dela géométrie élémentaire, c’est le lien avec lepostulat des parallèles.

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Il faudrait, pour être complet, parler dela similitude, du calcul des aires et de la géo-métrie analytique. Passer sous silence le pos-tulat des parallèles revient ainsi à fausser l’ensei-gnement de la géométrie élémentaire.

Quelques principes pour l’enseigne-ment de la géométrie élémentaire

Après ces nécessaires critiques, nous pro-posons d’énoncer quelques principes d’ensei-gnement de la géométrie qui préciseront lesdeux grands problématiques dont nous avonsparlées.

Le premier principe s’appuie sur le carac-tère physique de la géométrie élémentaire 12.On peut considérer la géométrie élémentai-re comme l’étude des corps solides du pointde vue de la grandeur et de la forme. Sonpremier objectif est donc de préciser les notionsde grandeur et de forme et c’est le rôle des deuxgrandes problématiques rappelées ci-dessus.

Le second principe est le caractère hypo-thético-déductif de la géométrie, c’est-à-direla possibilité de montrer, par le seul raison-nement, les vérités géométriques à partir decertaines d’entre elles considérées commeévidentes que l’on appelle les axiomes. Nousrenvoyons à ce qu’écrit Legendre au début deses Eléments de Géométrie :

« Axiome est une propriété évidente parelle-même.

Théorème est une vérité qui devient évidenteau moyen d’un raisonnement appelé démons-tration. » 13

Cette définition de l’axiomatique suppo-se d’abord l’existence d’objets géométriques,ces objets étant définis à partir des corpssolides, ensuite l’énoncé de vérités premières

que l’on appréhende par leur caractère d’évi-dence. Dans ce cadre, la démonstration a unetriple fonction. D’abord elle permet la décou-verte de nouvelles vérités par le seul usage d’undiscours convenablement réglé que constitueune démonstration.

Ensuite le discours démonstratif permetde comprendre pourquoi une propriété estvraie, ce que l’on peut exprimer de façon ima-gée sous la forme suivante : la démonstrationça sert à comprendre. Ce dernier point fait appa-raître un caractère essentiel des vérités ainsiobtenues, leur nécessité : non seulement ladémonstration assure que les propriétésdémontrées sont vraies, mais elle montrequ’elles ne peuvent pas ne pas être vraies. Enfinces deux aspects, connaissance discursive etnécessité, conduisent à la question de l’uni-versalité : la démonstration faite sur unesituation particulière, la figure sur laquelleon travaille, reste vraie pour une autre figu-re dès que l’on peut tenir le même discours,c’est cette universalité liée au discours quiconduit à la notion d’idéalité mathématique.Dire que l’on raisonne, non sur la figure des-sinée mais sur la figure idéale qu’elle repré-sente, n’a aucun sens pour l’apprenti géo-mètre ; c’est le raisonnement discursif quiconduit à penser l’objet idéal et à redéfinir lafigure dessinée comme représentant cet objetidéal14. C’est donc le raisonnement qui conduità l’abstraction sans laquelle il n’est pas de scien-ce. Si on ne met pas l’accent sur la fonctionde la démonstration, cette dernière apparaîtcomme un exercice de style propre aux mathé-maticiens et l’on comprend que les élèves s’enméfient et la refusent.

Nous n’aborderons pas ici le point de vueformaliste développé par Hilbert et ses suc-cesseurs ; les méthodes formalistes sont uneréponse à ce que l’on a appelé la crise des fon-

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dements et ne prennent sens que pour qui aacquis une pratique mathématique et quipeut ainsi comprendre les raisons qui ontconduit à ces méthodes. Si les méthodes for-malistes participent de la modernité mathé-matique, même si cette modernité ne se réduitpas aux seules méthodes formalistes, cesméthodes ne sauraient s’inscrire dans un pre-mier enseignement des mathématiques. Nousrappelons le début du «mode d’emploi» quiaccompagnait les premières éditions des Elé-ments de Mathématiques de Bourbaki :

« Le traité prend les mathématiques à leurdébut… Néanmoins, le traité est destinéplus particulièrement à des lecteurs possé-dant au moins une bonne connaissance desmatières enseignées dans la première ou lesdeux premières années de l’Université. »

phrase trop souvent oubliée par les pro-moteurs de la réforme des mathéma-tiques modernes.

Le rôle d’un enseignement scientifique n’estpas de raconter la modernité scientifique,c’est-à-dire «la science qui se fait», il consis-te, en s’appuyant sur «la science déjà faite»,de donner aux élèves les moyens de com-prendre la modernité scientifique 15.

La problématique de l’égalité

« Geometry is a physical science » écrit Clif-ford dans son ouvrage, the common sense ofthe exact sciences 16.

En disant que la géométrie est une scien-ce physique, on rappelle que la géométrie apour objet l’étude des corps et particulièrementde ceux qui ne changent pas de grandeur etde forme lorsqu’ils se meuvent, c’est-à-dire lescorps solides.

L’un des premiers problèmes que pose lagéométrie est alors celui de préciser la notionde «même forme et même grandeur» en expli-citant des règles permettant d’affirmer que deuxcorps ont même forme et même grandeur.C’est l’objet du principe de l’égalité par super-position tel que l’énonce Euclide dans sesEléments, principe que nous énoncerons sousla forme suivante :

« Deux objets que l’on peut superposer sontégaux. »

L’opération de superposition suppose lemouvement ; on voit ainsi le rôle du mouve-ment dans la mise en place de la géométrie17.Cependant l’énoncé même du principe del’égalité par superposition marque les limitesd’application de ce principe. En effet, si l’onpeut montrer l’égalité de deux figures planesen les superposant (par exemple deux tri-angles ou deux quadrilatères), il est impossiblede montrer l’égalité de deux cubes en bois enles superposant.

On voit ainsi apparaître la nécessitéd’énoncer des critères pour que deux corps soientsuperposables, c’est-à-dire des conditions quiassureront que deux objets sont superpo-sables sans qu’il soit besoin de réaliser maté-riellement l’opération. On peut voir dansl’explicitation de telles conditions le début dela géométrie rationnelle. Parmi ces critères,les classiques cas d’égalité des triangles. C’esten cela qu’ils ont leur place au début de l’ensei-gnement de la géométrie élémentaire.

Les cas d’égalité ont un double rôle. D’unepart, en éliminant tout recours au mouve-ment, ils permettent la mise en place d’un dis-cours débarrassé de tout empirisme. D’autrepart, ils montrent que si la superposition dedeux triangles impliquent six égalités, égali-

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té des côtés et égalité des angles, il suffit detrois d’entre elles convenablement choisiespour assurer les trois autres égalités et lasuperposition.

Les critiques des promoteurs de la réfor-me des mathématiques modernes à l’encontrede la géométrie élémentaire portaient sur lemanque de rigueur des démonstrations des casd’égalité des triangles, en particulier l’appelau mouvement. C’était oublier que, si l’usagede la superposition intervient effectivementdans la démonstration de la proposition 4 dulivre I des Eléments d’Euclide (le premier casd’égalité des triangles), c’est justement pourpermettre de se passer ensuite de tout usagede la superposition. Par contre on peut repro-cher à cette démonstration d’utiliser implici-tement une réciproque du principe de super-position en ce qui concerne l’égalité dessegments et des angles.

C’est pour éviter ces difficultés que Hil-bert a énoncé les axiomes de congruence quiremplacent le recours au mouvement 18.

Hilbert définit d’abord la relation decongruence entre segments ce qui le conduità énoncer l’axiome :

IV.1- Si l’on désigne par A, B, deux pointsd’une droite a, et par A’ un point de cette mêmedroite ou bien d’une autre droite a’, l’onpourra toujours, sur la droite a’, d’un côtédonné du point A’, trouver UN POINT ETUN SEUL B’ tel que le segment AB soitcongruent au segment A’B’, ce que l’on écrit :

AB ∠ A’B’

Tout segment est congruent à lui-même.Le segment AB est toujours congruent au seg-ment BA.

L’axiome IV.2 exprime que la relation decongruence est une relation d’équivalence.Hilbert défini de même la relation de congruen-ce entre les angles.

IV.6- Dans deux triangles ABC et A’B’C’, siles congruences

AB ∠ A’B’ AC ∠ A’C’ – BAC ∠ – B’A’C’

sont vérifiées, les congruences

– ABC ∠ – A’B’C’ et – ACB ∠ – A’C’B’

le seront également.

On peut alors démontrer le premier casd’égalité des triangles.

Si on veut conserver la caractère phy-sique de la géométrie élémentaire, on peut intro-duire les déplacements que l’on peut considérercomme les effets du mouvement. Nous nousappuyons pour cela sur la distinction expli-citée par Bricard :

« On appelle déplacement toute opérationqui fait passer un corps d’une position àune autre. Un déplacement résulte tou-jours, dans la pratique, d’un mouvementau cours duquel le corps occupe une sériecontinue de positions, depuis la position ini-tiale à la position finale… Un déplace-ment donné peut être réalisé par une infi-nité de mouvements différents entre eux, soitpar leurs définitions géométriques, soitpar leurs lois du temps. » 19

Cette distinction ne va pas de soi etce peut être l’un des objectifs du collègeque d’amener les élèves à prendre conscien-ce de cette distinction. On peut alorsénoncer les axiomes des déplacements 20.On définit d’abord le déplacement d’une

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demi-droite sur une demi-droite de lafaçon suivante.

A tout couple de demi-droites (Ox,O’x’) onassocie une application appelée déplacementde la première demi-droite sur la seconde quienvoie le point O sur le point O’ et la demi-droite Ox dans la demi-droite O’x’. En parti-culier, au couple (Ox,Ox) on associe l’applicationidentique.

On peut alors énoncer les axiomes défi-nissant la composition et l’inverse, ainsi quedes axiomes permettant de définir les dépla-cements d’une droite sur une autre.

Après avoir défini les déplacements de demi-droites, on définit les applications de dra-peaux.

Un drapeau (Ox,Ω) est la donnée d’unedemi-droite Ox et d’un demi-plan Ω bordé parla droite (Ox). A tout couple de drapeaux((Ox,Ω), (O’x’,Ω’)) on associe une applica-tion appelée déplacement qui induit le dépla-cement de Ox sur O’x’ et qui envoie le demi-plan Ω dans le demi-plan Ω’. En particulierau couple ((Ox,Ω), (Ox,Ω)) on associe l’appli-cation identique.

On peut alors énoncer les axiomes défi-nissant la composition et l’inverse, ainsi queles axiomes permettant de définir les dépla-cements d’un plan sur un plan.

Les axiomes des déplacements étant énon-cés, on définit l’égalité des segments et desangles : Deux segments AB et A’B’ sont égauxsi le déplacement qui envoie la demi-droite AB)sur la demi-droite A’B’) envoie le point B surle point B’. Deux angles xOy et x’O’y’ sontégaux si le déplacement qui envoie le drapeau(Ox,Ω) où Ω est le demi-plan bordé par la

droite (Ox) et contenant la demi-droite Oysur le drapeau (O’x’,Ω’) où Ω’ est le demi-planbordé par la droite (O’x’) et contenant la demi-droite O’y’ envoie la demi-droite Oy sur lademi-droite O’y’.

Les axiomes des déplacements impli-quent les propriétés de l’égalité.

On peut alors développer la géométrieélémentaire et aboutir aux groupes d’isomé-tries du plan et de l’espace. On peut aussi étu-dier les figures régulières, figues invariantespar certains sous-groupes d’isométries : poly-gones réguliers, polyèdres réguliers, pavages,cristaux.

Une question de terminologie

Nous voulons revenir ici sur une ques-tion de terminologie, le terme «cas d’égali-té» nous paraissant plus pertinent que leterme «cas d’isométrie». Le terme «isomé-trie» suppose défini la mesure des lon-gueurs, or, non seulement les cas d’égalitédes triangles sont indépendants de toutenotion de mesure, mais, si on se place d’unpoint de vue métrologique, c’est la super-position qui permet de définir l’égalité dessegments et des angles et par conséquentla mesure des longueurs et des angles.

Le terme «égalité» a disparu de l’ensei-gnement de la géométrie élémentaire avecla réforme des mathématiques modernes,celle-ci s’appuyant sur le point de vue ensem-bliste. Du point de vue ensembliste, l’égalitén’est autre que l’identité. Cette notion ensem-bliste d’égalité est-elle pertinente en géomé-trie élémentaire ? Rappelons que le point devue ensembliste, loin d’être élémentaire, neprend sens qu’après une certaine pratiquedes mathématiques et que, enseigné trop tôt,

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il peut constituer un obstacle à l’enseignementdes mathématiques et particulièrement àl’enseignement de la géométrie 21.

On pourrait, il est vrai, remplacer leterme «égalité» de la géométrie élémentairepar un terme plus adéquat, soit celui de«superposabilité» soit celui de «congruence».Mais il ne semble pas utile de changer une ter-minologie classique lorsque son usage n’impliquepas de difficultés spécifiques. La polysémie duterme «égalité», comme toute polysémie,n’empêche pas de comprendre ce terme dansun contexte bien défini. On peut par contreremarquer qu’un texte qui se veut monosémiqueest souvent plus difficile à lire comme le mon-trent par exemple les Eléments de Mathé-matiques de Bourbaki.

La problématique de la forme

On peut dire que deux figures sont sem-blables si elles ont même forme ; on renvoieainsi à la notion intuitive de forme et la ques-tion se pose de préciser la notion de «mêmeforme». C’est l’objet de la théorie des figuressemblables que l’on trouve au livre VI desEléments d’Euclide.

« Les figures semblables sont celles qui ontles angles égaux chacun à chacun, et dontles côtés autour des angles égaux sont pro-portionnels. » 22

Cette définition met en jeu des rela-tions entre longueurs (la proportionna-lité) et des égalités d’angles. Ici encorese pose la question de critères de simi-litude : dans le cas des triangles, ce sontles classiques cas de similitude. On peutalors montrer que, deux triangles ABC etA’B’C’ étant donnés, les assertions sui-vantes sont équivalentes :

a) Les côtés AB, BC, CA sont proportionnelsaux côtés A’B’, B’C’, C’A’.

b) Les angles BAC, ACB, CBA sont res-pectivement égaux aux angles B’A’C’, A’C’B’,C’B’A’.

On voit ici apparaître une équivalenceentre des relations de proportionnalité et deségalités d’angles, c’est un point fondamentalde la théorie de la similitude.

Notons que la définition de la simili-tude donnée ci-dessus est purement rela-tionnelle et ne fait pas appel à la notionde transformation. On peut mettre celaen parallèle avec la notion d’égalité ; sicette dernière fait appel au mouvementvia la superposition, elle n’utilise pas lanotion de transformation et les cas d’éga-lité font ressortir cet aspect relationnel.

Une fois définie la similitude, la ques-tion se pose de la construction effective de tri-angles semblables non égaux, constructionassurée pas une transformation simple, l’homo-thétie. Celle-ci joue ainsi un rôle essentieldans la théorie des figures semblables.

La mise en place de l’homothétie s’appuiesur le théorème des lignes proportionnelles (lethéorème de Thalès23) et ce théorème s’appuiesur le postulat des parallèles.

On peut ensuite définir les similitudescomme transformations en remarquant queles assertions suivantes sont équivalentes :

a) la transformation f conserve l’ali-gnement et le rapport de segments.

b) la transformation f conserve l’ali-gnement et les angles.

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On peut alors définir une similitudecomme une transformation qui satisfait les pro-priétés a et b et étudier les groupe des simi-litudes.

Transformations et invariants

Avec le Programme d’Erlangen, FelixKlein a systématisé les relations entre géométrie,théorie des groupes et théorie des invariants.

La relation entre transformations etinvariants est ancienne et on peut en trou-ver l’une des premières formulations dansle Brouillon Project d’une atteinte aux évé-nemens des rencontres du cône avec un plande Desargues 24. Notons que la notion d’inva-riant devenue aujourd’hui une notion fon-damentale n’est devenue explicite quelorsque l’on a mis en évidence des inva-riants non triviaux.

Dire que le mouvement conserve les lon-gueurs est une banalité qui ne prend sa plei-ne signification que dans un contexte pluslarge ; plus intéressant est de remarquer quela transformation de similitude conserve lesrapports de longueurs et les angles. Mais lanotion d’invariant prend son importance dansles transformations qui transforment, c’est-à-dire qui modifient la forme.Parmi les transformations qui transforment,la perspective a joué un rôle important commele montrent les travaux de Desargues et deses disciples. C’est en remarquant que laperspective peut échanger familles de droitesparallèles et familles de droites concourantesque Desargues a défini un point à l’infinicomme le point commun à une famille dedroites parallèles et considéré un tel point commeun point ordinaire. Mais plus intéressant estle fait qu’une projection transforme six pointsen involution en six points en involution 25.

Aujourd’hui, on dirait plutôt qu’une projectionconserve le birapport (le rapport anharmoniquede Chasles)26 ; ainsi le birapport défini commerapport de rapports de longueurs, et parconséquent défini en termes métriques, est ceque l’on appelle un invariant projectif.

Il faut voir dans cette découverte desinvariants métriques projectifs 27 un pointessentiel de l’histoire de la géométrie projec-tive. C’est la découverte d’invariants là oùon ne les attendait pas qui a permis de don-ner toute sa richesse à la notion. Plus tard lesgéomètres chercheront une définition purementprojective de ces invariants métriques projectifs,mais ce n’est pas ici le lieu de développer cestravaux 28. Disons seulement que l’étude desinvariants projectifs conduit à une premièreapproche de la géométrie projective. C’estdans ce cadre que l’on peut aborder le Pro-gramme d’Erlangen de Klein déjà cité et pré-ciser le lien entre la géométrie élémentaire(métrique) et la géométrie projective, une foismontré que les isométries et les similitudessont des transformations projectives parti-culières, ce qui permet un nouveau regard surla notion d’invariant 29. Enfin, pour être com-plet, il faudrait parler des coniques définiescomme projection de cercles, ceux-ci appa-raissant alors comme des coniques particulières.

Autre transformation qui change la forme,l’inversion. Ici encore on peut mettre en évi-dence des invariants simples, d’abord le cercle,ce qui demande de considérer la droite commeun cercle particulier, ensuite l’angle de deuxcourbes. Une fois l’inversion définie, on peutdéfinir le groupe des transformations circu-laires sur le plan augmenté d’un point ou surla sphère, plan et sphère étant reliés par laprojection stéréographique ce qui conduit à lagéométrie anallagmatique que l’on peut relierà l’étude des nombres complexes.

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Nous terminerons ce paragraphe pardeux remarques.

Il n’est pas besoin de faire une théorie géné-rale des groupes pour introduire la notion degroupe de transformations. On démontre alorsles propriétés dont on a besoin in situ, quit-te à mettre l’accent sur les analogies de rai-sonnement qui permettent de dégager lanotion générale de groupe lorsque cela seranécessaire.

Toute classification se définit dans uncontexte. La géométrie projective conduit à dis-tinguer les droites et les coniques, un cercleapparaissant comme une conique particuliè-re. Par contre la géométrie anallagmatiqueconduit à placer droites et cercles dans unemême famille. La raison de cette distinctionest liée au groupe structural de la géométrie.Une question analogue se pose avec l’intro-duction des points à l’infini. En géométrieprojective on ajoute un point à l’infini à la droi-te, une droite à l’infini au plan, alors qu’en géo-métrie anallagmatique on ajoute un point àl’infini au plan. On peut comprendre ici l’apportdu point de vue structural.

Linéarisation de la géométrie

La géométrie élémentaire peut-être défi-nie, sur le plan structural, comme un chapitrede l’algèbre linéaire, et de façon précise commel’étude d’un espace affine euclidien de dimen-sion 3 sur le corps des réels. La géométrie élé-mentaire fait l’objet du paragraphe 10 duchapitre IX du Livre II des Eléments de Mathé-matiques de Bourbaki et on retrouve lesgrands résultats de la géométrie élémentai-re dans les exercices qui suivent ce para-graphe30. On retrouve encore cette conceptiondans l’ouvrage de Jean Dieudonné, Algèbrelinéaire et géométrie élémentaire ou dans le beau

livre de Michèle Audin, Géométrie, à l’usagedes étudiants préparant les concours d’ensei-gnement.

La question se pose alors de la relation entrecette conception structurale et la traditiongéométrique issue des Eléments d’Euclide.Cette question est loin d’être facile comme onpeut le voir lorsque l’on demande à des étu-diants préparant les concours d’enseigne-ment de comparer ces deux sommes de lagéométrie publiées aux deux bouts du XXèmesiècle, les Leçons de Géométrie Elémentaire deHadamard et l’ouvrage de Marcel Berger inti-tulé Géométrie. On y retrouve les mêmestermes et les mêmes théorèmes, mais les défi-nitions des termes et les démonstrations desthéorèmes sont différentes même si on yretrouve les mêmes figures. La question estmoins de définir quelle est la «bonne» géométrieà enseigner que de comprendre le rapportentre ces deux ouvrages, en quoi ils se res-semblent et en quoi ils diffèrent.

Dans la préface de l’ouvrage Algèbrelinéaire et géométrie élémentaire cité ci-des-sus, Dieudonné explique que l’algèbre linéai-re est devenue la «voie royale» pour étudier lagéométrie élémentaire, mais la question estmoins celle d’une voie royale qui s’est mise enplace à la fin du XIXème siècle que celle decomprendre en quoi l’algèbre linaire consti-tue une voie royale, autrement dit de savoirtransformer un problème de géométrie en unproblème d’algèbre linéaire et, une fois ceproblème résolu, revenir à la géométrie.

Il nous faut pour cela revenir sur les deuxgrands moments de cette linéarisation que sontla géométrie analytique d’abord et le calcul vec-toriel ensuite 31. La géométrie dite analytiquepeut être définie comme une mise en calculde la géométrie élémentaire, c’est ainsi qu’elle

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apparaît dans les textes fondateurs de Des-cartes et de Fermat. Si pour ces derniers, cecalcul porte sur les longueurs32, le développementdes méthodes analytiques sera marqué par lanumérisation des coordonnées et conduira àune opposition entre les méthodes analy-tiques et les méthodes dites synthétiques 33.On peut lire cette opposition dans un articlede Fano-Carrus publié dans l’Encyclopédiedes Sciences Mathématiques 34 :

« Nous pouvons tout d’abord concevoir la géo-métrie comme une science autonome, néede considérations d’espace. Elle se sert denotions fondamentales (point, ligne droite,etc.) et s’appuie sur une série de propositionsou postulats tirés de notre perception maissoumis ensuite à une abstraction qui a aussipour effet de leur donner une forme plusprécise. Partant de là, on arrive par déduc-tion à des résultats abstraits, applicables aumonde physique … »

alors que la géométrie analytique est définiecomme une reformulation de notions numé-riques permettant d’établir « une théorie del’espace analytique qui s’identifie avec la géo-métrie, sans que l’on soit obligé de faire appelà l’examen des figures ou à des notions et opé-rations géométriques ».

Rappelons que la géométrie analytique aété critiquée, par Leibniz d’abord qui prônaitun calcul géométrique 35, puis par les géo-

mètres projectifs au XIXe siècle. Nous pour-rions citer cette phrase de Poinsot qui étudie«géométriquement» des questions de mouve-ment déjà étudiées analytiquement par Euleret D’Alembert et qui écrit au début de sonarticle :

« Nous voilà donc conduits par le seul rai-sonnement à une idée claire que les géo-

mètres n’ont pu tirer des formules de l’ana-lyse. C’est un nouvel exemple qui montrel’avantage de cette méthode simple et natu-relle de considérer les choses en elles-mêmes,et sans les perdre de vue dans le cours duraisonnement. »

C’est cependant la numérisation de lagéométrie qui a permis de mettre en éviden-ce le lien avec les systèmes d’équations linéairesvia deux types de problèmes, d’une part la déter-mination des intersections de droites et de plans,d’autre part la détermination de l’équation d’unecourbe satisfaisant à des conditions données. Le calcul vectoriel qui s’est développé au XIXesiècle apparaît, par contre, comme la mise enplace du calcul géométrique espéré par Leib-niz. Dans son ouvrage sur l’histoire du calculvectoriel 36, Crowe énonce trois grandes idéesqui ont conduit au calcul vectoriel, le paral-lélogramme des forces, le calcul géométriquede Leibniz et la représentation géométriquedes nombres complexes. Si les deux dernièresidées participent de la mise en place d’un cal-cul portant directement sur les objets géo-métriques (c’est ainsi que l’on peut com-prendre la représentation géométrique desnombres complexes, moins comme une repré-sentation géométrique d’objets numériques quecomme un calcul portant sur les objets géo-métriques eux-mêmes37), la première renvoieà la signification physique, plus précisémentmécanique, du calcul vectoriel. Les vecteurssont alors une façon de représenter des gran-deurs mécaniques (les forces et les vitesses),un vecteur permettant de «mesurer» les gran-deurs correspondantes de la même façon queles nombres permettent de mesurer les gran-deurs scalaires (les longueurs, les temps…).

On distingue ainsi les grandeurs sca-laires, une telle grandeur étant déterminée,une fois choisie l’unité de mesure, par le

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nombre qui la mesure et les grandeurs orien-tées qui, pour être déterminées, exigent desinformations supplémentaires. On voit ainsise dessiner une problématique des grandeursorientées qui s’inscrit autant dans la géomé-trie que dans la mécanique et qui se proposela mise en place d’un calcul sur ces gran-deurs, le calcul vectoriel. Le calcul vectoriel,en tant qu’il est un calcul sur les grandeursorientées, se situe ainsi au carrefour de la géo-métrie et de la mécanique et c’est un point quidoit apparaître dans l’enseignement. Il s’agitmoins d’appliquer le calcul vectoriel à la méca-nique et plus généralement à la physique quede montrer comment s’établissent des liens entrediverses disciplines.

On peut alors noter la différence entre lecalcul vectoriel qui s’inscrit dans un calcul por-tant sur des objets géométriques ou méca-niques spécifiques et l’algèbre linéaire, laquel-le participe d’un calcul sur les signes,indépendamment de toute signification deces signes. En ce sens le calcul vectoriel ne seréduit pas à l’algèbre linéaire même si, sur leplan formel, il peut n’apparaître que commeune partie d’icelle. On peut noter que le termeespace vectoriel né de la rencontre du calculvectoriel et du calcul linéaire est moins la ré-duction du calcul vectoriel à l’algèbre linéairequ’une heureuse métaphore ouvrant vers denouvelles manières de penser les situationslinéaires, d’autant plus heureuse qu’elle apermis un regard géométrique sur d’autresdomaines tels par exemple l’analyse mathéma-tique 38 ou le calcul des probabilités.

Il reste à dire comment le calcul linéaireet le calcul vectoriel se sont rencontrés ; nousnous contenterons, dans le cadre de cet article,de citer deux ouvrages, Calcolo Geometrico deGiuseppe Peano et Space, Time, Matter de Her-mann Weyl, dans lequel on peut lire d’une part

une définition générale des espaces vecto-riels, appelés «espaces linéaires» par Peano,et d’autre part comment la géométrie seconstruit dans ce contexte.

Modernité de la géométrie élémentaire

Dans l’un de ses ouvrages le philosopheLeszek Kolakowski écrivait :

« Il est plus aisé de suivre dans l’histoire lessauts accomplis dans les sciences empi-riques et dans les humanités que de répondreà la toute simple question : comment se fait-il que Galilée et Newton ont laissé sur le car-reau d’un massacre épistémologique la phy-sique aristotélicienne alors que lesdémonstrations d’Euclide, elles, gardenttoute leur validité ? » 39

Cette question est loin d’être anecdotique etce fut l’un des arguments des promoteurs dela réforme des mathématiques modernes quede s’appuyer sur le caractère obsolète de laphysique aristotélicienne pour affirmer lecaractère obsolète de la géométrie d’Euclide.Pour aborder cette question nous revien-drons sur les objectifs de l’enseignement dela géométrie.

Nous avons dit ailleurs que le rôle del’enseignement scientifique est moinsd’enseigner la modernité que d’en donnerles clés 40. Cette volonté de modernité futl’une des causes de l’échec de la réforme desmathématiques modernes. La modernitéscientifique est loin d’être transparenteet sa compréhension s’appuie sur la scien-ce antérieure. On est loin de l’opposition«science qui se fait vs science déjà faite» quia marqué l’idéologie des promoteurs de laréforme des mathématiques modernes, aucontraire, c’est en s’appuyant sur ce que l’on

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sait que l’on peut appréhender des savoirsnouveaux.

Mais il faut aussi rappeler que l’ensei-gnement scientifique doit permettre à celui quile reçoit de construire son propre rapport aumonde et celui-ci ne relève pas de la seule moder-nité 41, ainsi la géométrie élémentaire dans lamesure où elle définit le rapport aux objets del’espace est toujours actuelle à la fois dans soncontenu et dans ses méthodes, même si au longde l’histoire contenus et méthodes se sonttransformés. On pourrait ajouter que c’estvia les deux problématiques originelles que l’onpeut comprendre ces transformations.

Cela nous conduit à définir les trois objec-tifs de l’enseignement de la géométrie élé-mentaire, d’abord l’étude des corps solidesdu point de vue de la grandeur et de la forme,étude qui constitue le socle de la connais-sance géométrique, ensuite l’étude des rela-tions de la géométrie élémentaire avec d’autresdomaines de la connaissance, ainsi l’astro-nomie, la géodésie ou la mécanique, enfin lagéométrisation, c’est-à-dire l’intervention dela géométrie comme langage universel etcomme métaphore, dans divers domaines dela connaissance, soit à l’intérieur des mathé-matiques comme l’usage de la notion d’espa-ce en analyse ou en calcul des probabilités, soitdans les divers domaines de la physique.

Il faut alors remarquer que la géométri-sation ne peut être comprise et ainsi fournirde nouvelles formes d’intuition que si onconnaît la géométrie élémentaire. Sans cetteconnaissance, on ne peut appréhender ce queDieudonné appelle la «domination universel-le de la géométrie» que comme un simple jeude langage. Lorsque Bourbaki écrit, dans lechapitre sur l’histoire de la géométrie élé-mentaire :

« Dépassée en tant que science autonome etvivante, la géométrie classique s’est ainsi trans-figurée en un langage universel de la mathé-matique contemporaine, d’une souplesse etd’une commodité incomparables. » 42

il oublie de dire qu’il y a plus qu’un langageau sens que ce langage est créateur d’intui-tion et que c’est cela qui fait sa richesse. Nouspourrions citer comme exemple l’article deRiemann «Sur les hypothèses qui servent defondement à la géométrie» que l’on peut lirecomme un élargissement de l’intuition spatiale,ou encore la vision géométrique des espacesde fonctions de l’analyse fonctionnelle moder-ne. Mais ce n’est pas ici le lieu de développerla géométrisation, encore que certains aspectsde cette géométrisation puissent être étudiésdès le collège.

Quelques remarques didactiques

L’objectif de ce texte n’est pas d’écrire unprogramme d’enseignement de la géométriepour l’enseignement secondaire mais d’expli-citer quelques éléments pour élaborer un telprogramme. Un tel programme doit reprendreles trois objectifs définis ci-dessus.

Comme nous l’avons dit, le premier objec-tif reste toujours actuel et ne saurait être éli-miné de l’enseignement.

Le second objectif prolonge le premier. Lesrelations de la géométrie élémentaire avecla mécanique, la géodésie ou l’astronomie nese réduisent pas à l’application de la géomé-trie à ces domaines mais sont au cœur de lagéométrie. Cela implique que ces relations, loind’être renvoyées à un interdisciplinaire quelquepeu magique, apparaissent dans le cours degéométrie lui-même. Rappelons que nombre

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de traités d’enseignement de la géométrieélémentaire contiennent des chapitres sur latopographie et la géodésie, ainsi les Leçons deGéométrie Elémentaire de Jacques Hada-mard. Nous avons déjà dit que le calcul vec-toriel relève de la géométrie et de la mécaniqueet cela doit apparaître à la fois dans le coursde mathématiques et dans le cours de physique.Il faut alors parler de grandeurs orientées, enparticulier des forces, ce qui permet ensuitede relier l’étude des barycentres aux pro-blèmes d’équilibre.

De même qu’il n’est pas besoin de faire unexposé général de théorie des groupes pour étu-dier quelques groupes de transformationsgéométriques, il n’est pas besoin de s’appuyersur un cours d’algèbre linéaire pour mettre enavant les aspects linéaires de la géométrie ana-lytique ou du calcul vectoriel.

Reste la question de la géométrisation.

Il n’est pas question dans le cadre de cetarticle de développer la question de la géo-métrisation dans sa généralité. Nous nousbornerons à rappeler quelques questions clas-siques que l’on peut aborder dans l’ensei-gnement secondaire.

Nous avons déjà rappelé que l’inventionde la géométrie analytique s’inscrivait à la foisdans l’algébrisation de la géométrie et dansla géométrisation de la théorie des équations.C’est, à un niveau relativement élémentaire,une première approche de l’unité des mathé-matiques.

Second lieu d’intervention de la géomé-trisation, la représentation graphique desfonctions, représentation qui permet uneapproche globale de la fonction. Ici il fautpréciser que la géométrisation, loin de se

réduire à interpréter une courbe comme la repré-sentation d’une fonction, demande d’explici-ter comment une fonction peut être repré-sentée par une courbe, ce qui suppose que lesélèves aient construit «à la main» des repré-sentations graphiques de fonction 43. Si ondéfinit une fonction comme une règle de cal-cul qui associe à toute valeur de la variabledépendante la valeur de la variable dépendante,la représentation graphique permet uneapproche globale de la fonction étudiée, laquestion est alors de comprendre le lien entrela définition calculatoire de la fonction et lacourbe qui la représente ; cela exige deuxdémarches complémentaires, lire les pro-priétés de la fonction sur le dessin de la cour-be représentative, construire la courbe repré-sentative à partir de la fonction.

Nous n’avons repris ici que des exemplesclassiques. On peut citer quelques autresexemples plus sophistiqués qui mettent envaleur la charge intuitive de la géométrisa-tion. Nous nous contenterons de citer le cal-cul des probabilités.

Si on introduit la notion de variable aléa-toire sur un espace de probabilité, on peut défi-nir sur l’ensemble des variables aléatoiresune structure d’espace vectoriel, la notion devaleur moyenne comme forme linéaire et lesnotions d’écart quadratique moyen et de cova-riance 44, on peut alors considérer la cova-riance comme produit scalaire et relier lanotion d’indépendance et l’orthogonalité.

Conclusion

Les remarques ci-dessus montre l’impor-tance d’un regard scientifique sur les disciplinesque l’on enseigne. Mais cela exige de se débar-rasser de l’idéologie de la centralité de l’élève,

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que cette centralité s’exprime à travers ceque l’on peut appeler les idéologies savantesou les idéologies moralisantes 45. Nous nereviendrons pas sur les idéologies morali-santes qui ont contribué, en mettant l’ins-truction au second rang, à remettre en causel’idéal de démocratisation de l’enseignement.Par contre nous reviendrons sur les idéologiessavantes qui, via les théories de l’apprentis-sage et la didactique, ont contribué à substi-tuer aux obstacles épistémologiques auxquelsse heurte tout apprentissage ce que l’on peutappeler des obstacles didactiques qui ren-voient moins aux difficultés rencontrées parles élèves confrontés aux savoirs qu’ils étudientqu’aux difficultés rencontrées par ceux qui espè-

rent construire une théorie scientifique del’apprentissage. On retrouve ici un problèmeessentiel des sciences de l’homme, celui de l’objec-tivation du phénomène humain. Si ce n’est pasici le lieu de discuter de l’épistémologie dessciences de l’homme, rappelons que, en sub-stituant à la question des obstacles liés auxcontenus de savoir enseignés, les questionsposées par les théories de l’apprentissage oupar la didactique, on prend le risque de pas-ser à côté des difficultés rencontrées par lesélèves pour fabriquer des artefacts qui peu-vent s’opposer à l’apprentissage. En attendantun article ultérieur sur le sujet, nous ren-voyons à un article ancien sur la transposi-tion didactique 46.

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NOTES

1 Nous n’aborderons pas la question de savoir si lemonde est intelligible ou non. La question est moinscelle du monde que celle du rapport de l’homme aumonde ; autant dire que l’intelligibilité du mondeest essentiellement une affaire humaine, la possi-bilité de résoudre des problèmes en s’appuyant surdes constructions théoriques pouvant être considéréecomme un critère de validité de ces constructions.

2 Rudolf Bkouche, «L’enseignement scientifiqueentre l’illusion langagière et l’activisme pédago-gique».

3 Rudolf Bkouche, «Du caractère expérimentaldes mathématiques (à propos des laboratoires demathématiques)».

4 Nous avons dit ailleurs en quoi cette volonté decohérence mettant en avant une progression pure-ment logique au détriment de toute progression péda-gogique constituait une erreur. Cf. Rudolf Bkouche,«La place de la géométrie dans l’enseignement desmathématiques en France, de la réforme de 1902à la réforme des mathématiques modernes».

5 ibid.

6 Nicolas Bourbaki, Histoire des Mathématiques,p. 174.

7 Jean Dieudonné, The universal domination ofgeometry.

8 Cette expression devenue classique renvoie à laquestion : qui est «on» ?

9 Les derniers programmes ont supprimé trans-lations et rotations, mais n’ont pas pour autantrésolu la question.

10 Dire que la longueur est un invariant est unetautologie et n’apprend rien.

11 Dans le cadre de la théorie des ensembles, deuxobjets sont égaux s’ils sont identiques.

12 Rudolf Bkouche, «La géométrie élémentaire,une science physique ?».

13 Adrien-Marie Legendre, Eléments de Géomé-trie, p. 4.

14 On peut considérer que c’est le caractère detoute science que de construire, à partir d’unensemble de situations particulières des objetsidéaux dont les situations particulières deviennentdes représentants.

15 L’opposition «science qui se fait» vs «science déjàfaite» est un lieu commun du discours des réformateursdes années soixante du siècle dernier.

16 William K. Clifford, the commun sense of the exactsciences, p. 43.

17 Sur le rôle du mouvement en géométrie nous ren-voyons à l’ouvrage de Houël cité dans la bibliogra-phie.

18 David Hilbert, «Les principes fondamentaux dela géométrie» (traduit par A. Laugel), AnnalesENS, 3e série, tome 17 (1900), p. 103-129.

19 Raoul Bricard, Cinématique et mécanismes,p. 1.

20 Cela sera précisé dans un ouvrage à paraître écriten collaboration avec Boris Allard.

21 Une figure n’est pas un ensemble de points, elleest constituée de points, de lignes et de surfaces.Rappelons qu’au début du XXe siècle, on distinguaitune droite et l’ensemble de ses points.

22 Les Œuvres d ’Eucl ide , o . c . L ivre VI ,déf init ion 1.

23 La dénomination «théorème de Thalès» estrécente (les années quatre-vingts du XIXe siècle).

24 Girard Desargues, «Brouillon project d’uneatteinte aux événemens des rencontres du côneavec un plan» (1639) in René Taton, L’Oeuvremathématique de G. Desargues, PUF, Paris 1959,rééditions : Vrin, Paris 1981, Vrin-Institut Inter-disciplinaire d’Etudes Epistémologiques, Paris-Lyon 1988.

25 Sur la notion d’involution, nous renvoyons aumémoire cité de Desargues.

26 Sur la notion de birapport nous renvoyons à l’Aper-çu historique de Chasles, p. 302.

27 Jean-Victor Poncelet, Traité des Propriétés Pro-jectives des Figures, volume 1, p. 5-12.

28 Nous renvoyons ici aux travaux de Von Staudtet aux articles de Fano-Carrus et de Schœnflies-Tres-se dans l’Encyclopédie des Sciences Mathématiques.

29 On peut noter ici que le Programme d’Erlangenintroduit un point de vue structural en géométrie,point de vue indépendant du point de vue formaliste.

30 Nicolas Bourbaki, Formes sesquilinéaires etformes quadratiques.

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REPERES - IREM. N° 76 - juillet 2009

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DE L’ENSEIGNEMENT DE LA GEOMETRIE

31 Il peut être utile de rappeler le rôle du postulatdes parallèles dans la mise en place de la géomé-trie analytique et du calcul vectoriel.

32 L’algébrisation de la géométrie proposée parDescartes et Fermat est un calcul sur les gran-deurs.

33 On peut considérer le terme «synthétique»comme une façon de s’opposer au terme «analytique».

34 Fano-Carrus, «Exposé parallèle du développe-ment de la géométrie synthétique et de la géomé-trie analytique pendant le XIXe siècle».

35 G.W. Leibniz, La caractéristique géométrique.

36 Michael J. CROWE, A History of Vector Analy-sis

37 C’est la recherche d’un tel calcul pour l’espacequi a conduit Hamilton à inventer les quaternions.

38 Il nous faut rappeler ici le rôle qu’a joué l’ana-lyse dans la genèse de l’algèbre linéaire ; cf. JeanDieudonné, History of functionnal analysis.

39 Leszek Kolakowski, Horreur métaphysique, p. 13.

40 Rudolf Bkouche, «Quelques remarques à proposde l’enseignement de la géométrie».

41 Lorsque nous parlons de modernité, nous pre-nons ce terme dans son sens chronologique, débar-rassant l’usage de ce terme de ses oripeaux idéo-logiques.

42 Nicolas Bourbaki, Eléments d’histoire des mathé-matiques, p. 174.

43 Le point de vue ensembliste n’est pas nécessai-re pour définir la représentation graphique d’unefonction. On peut, au contraire, considérer quec’est la représentation graphique qui permet decomprendre le point de vue ensembliste, celui-ci étantappréhendé via la géométrisation.

44 Point n’est besoin d’un cours d’algèbre linéairepréalable pour définir ces notions.

45 Rudolf Bkouche, «L’enseignement scientifiqueentre l’illusion langagière et l’activisme pédago-gique».

46 Rudolf Bkouche, «De la transposition didac-tique».