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De la théorie à la pratique Les monographies s’inscrivent dans le cadre des visées stratégiques de la Politique d’aménagement linguistique; entre autres, la construction identitaire. Février 2012 Questions principales Quels sont les éléments à mettre en place pour valoriser la langue de façon à conscientiser le personnel scolaire à son rôle de passeur culturel et à son rôle dans la construction identitaire des élèves, tout en tenant compte du rapport de ces derniers à la langue? Comment sensibiliser les parents à leur rôle d’accompagnateurs de la construction identitaire de leurs enfants? Comment les outiller dans leurs relations avec ces derniers et trouver des moyens innovateurs de joindre les parents? Quels sont les signes indicateurs de la construction identitaire? Selon la recherche Aujourd’hui, le français et l’anglais, et parfois d’autres langues, coexistent plus souvent que par le passé dans les foyers ontariens, puisque les francophones, peu nombreux dans certaines régions, fondent leur famille avec des partenaires dont la langue maternelle n’est pas le français. La prédominance de l’anglais dans l’environnement rend par ailleurs diffcile l’adoption d’un mode de vie essentiellement francophone. Les francophones parlent moins souvent le français et plus souvent l’anglais à la maison (ministère de l’Éducation de l’Ontario, 2004 : 9). Puisque la langue est l’outil primaire de construction de toute identité, qu’elle soit linguistique ou non, l’environnement linguistique des élèves francophones est un terrain fertile pour l’émergence d’identités multiples ou hybrides. Bourdieu (1982) et Boudreau et al. (2008) font part de leurs pensées quant à l’insécurité linguistique (évaluation négative de ses capacités langagières au regard d’une norme quelconque), prouvant que celle-ci a des retombées sur la performance scolaire de l’élève, quelle que soit l’année d’études. RESPONSABLES de la recherche Phyllis Dalley (Ph. D.), professeure et chercheure à l’Université d’Ottawa, est pédagogue et sociolinguiste. À titre de sociolinguiste, elle s’intéresse au rôle de la langue (des langues) comme outil de différenciation et de subversion dans les processus d’inclusion et d’exclusion par l’école. À titre de pédagogue, elle travaille activement à la traduction de la théorie sociolinguistique et critique à une pratique pédagogique inclusive. Serge Demers (Ph. D.), collaborateur, est professeur associé à l’École des sciences de l’éducation de l’Université Laurentienne à Sudbury. Il a été directeur de l’École de 2005 à 2008, ainsi que membre fondateur du Conseil ontarien de recherche en éducation. Ses domaines de recherche incluent l’analyse statistique ainsi que l’enseignement des mathématiques et des sciences à l’élémentaire et au secondaire. Monographie n o 16 Recherche en construction identitaire et en communication orale (CI-CO) DE LA THéORIE… De l’automne 2006 à l’été 2009, une recherche en construction identitaire et en communication orale (CI-CO) a été menée en Ontario français sous forme de recherche-action, à raison d’un projet de recherche-action par conseil scolaire de langue française. Cette recherche vise à : 1. mettre en place des stratégies qui favorisent le développement de la communication orale des élèves tout en permettant leur construction identitaire francophone; 2. concevoir des moyens innovateurs faisant croître la participation des parents, des membres de la communauté et des partenaires; 3. cerner les indicateurs de l’identité francophone. Cadre conceptuel de la recherche Le personnel enseignant peut avoir une incidence sur la construction identitaire et la communication orale de ses élèves. La défnition de l’identité francophone est en mouvance, notamment en raison de la diversifcation linguistique et culturelle de la communauté francophone. La notion même de « construction identitaire », issue des théories sociales constructivistes, rappelle l’importance des interactions sociales pour la formation de l’identité. C’est en raison de la diversité et de la continuité de ces interactions que l’on considère que l’identité est un projet inachevé ou en mouvance. Pour intégrer un nouveau groupe social, l’individu doit apprendre à utiliser les pratiques culturelles et linguistiques du groupe. En effet, ce sont ces pratiques qui permettent à l’individu de se reconnaître et d’être reconnu comme membre du groupe. Afn d’intégrer différents groupes sociaux francophones ou de profter de leurs produits culturels (p. ex., télé, musique, théâtre, radio, articles scientifques, littérature), les élèves des écoles de langue française doivent maîtriser un large éventail de pratiques linguistiques (p. ex., français local, régional, de la cour d’école, standard). C’est en raison des liens établis entre la sécurité linguistique et la performance scolaire ainsi qu’entre les compétences linguistiques et le sentiment d’appartenance sociétal que plusieurs chercheurs proposent d’adopter une pédagogie de la variation (linguistique) en situation minoritaire. Le cadre conceptuel ayant guidé la démarche de l’équipe de recherche réunit la construction identitaire, les cultures francophones et les variétés du français dans une conception d’interdépendance. Ce cadre permet de rendre compte de la complexité tant de la construction identitaire francophone que des usages du français dans les situations de communication orale. Méthodologie Les 12 conseils scolaires de langue française de l’Ontario ont accepté de mener un projet de recherche-action CI-CO fnancée par le Ministère sur trois ans, de 2006 à 2009. Trois types d’équipes ont contribué à la réalisation des objectifs de la recherche. Une équipe Ministère-université, une équipe universitaire (chercheure principale et quatre à cinq assistantes et assistants) et les 12 conseils scolaires, chacun formant une équipe de recherche-action composée d’un chargé de projet, de la direction d’école et soit d’une partie ou de l’ensemble du personnel enseignant de l’école ou des écoles, désigné par l’appellation enseignantes-chercheures ou enseignants-chercheurs (deux à huit enseignantes et enseignants) ont participé au projet. Une assistante ou un assistant à la recherche et une chargée ou un chargé de projet ont accompagné le personnel enseignant-chercheur qui était appelé à fonctionner en communauté d’apprentissage professionnelle (CAP), à l’aide d’objectifs simples, mesurables, axés sur les résultats, réalistes et temporels (SMART). La Direction des politiques et programmes d’éducation de langue française a pour objectif de fournir aux enseignantes et aux enseignants les résultats de la recherche actuelle sur l’enseignement et l’apprentissage. Les opinions et les conclusions exprimées dans ces monographies sont, toutefois, celles des auteurs; elles ne refètent pas nécessairement les politiques, les opinions et l’orientation du ministère de l’Éducation de l’Ontario.

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De la théorie à la pratique Les monographies s’inscrivent dans le cadre des visées stratégiques de la Politique d’aménagement linguistique; entre autres, la construction identitaire.

Février 2012

Questions principales

Quels sont les éléments à mettre en place pour valoriser la

langue de façon à conscientiser le personnel scolaire à son rôle

de passeur culturel et à son rôle dans la construction identitaire

des élèves, tout en tenant compte du rapport de ces derniers

à la langue?

Comment sensibiliser les parents à leur rôle d’accompagnateurs de la

construction identitaire de leurs enfants? Comment les outiller dans

leurs relations avec ces derniers et trouver des moyens innovateurs de

joindre les parents?

Quels sont les signes indicateurs de la construction identitaire?

Selon la recherche Aujourd’hui, le français et l’anglais, et parfois

d’autres langues, coexistent plus souvent que par le passé dans les foyers ontariens, puisque les francophones, peu nombreux dans certaines régions, fondent leur famille avec des partenaires dont la langue maternelle n’est pas le français. La prédominance de l’anglais dans l’environnement rend par ailleurs difficile l’adoption d’un mode de vie essentiellement francophone. Les francophones parlent moins souvent le français et plus souvent l’anglais à la maison (ministère de l’Éducation de l’Ontario, 2004 : 9).

Puisque la langue est l’outil primaire de construction de toute identité, qu’elle soit linguistique ou non, l’environnement linguistique des élèves francophones est un terrain fertile pour l’émergence d’identités multiples ou hybrides.

Bourdieu (1982) et Boudreau et al. (2008) font part de leurs pensées quant à l’insécurité linguistique (évaluation négative de ses capacités langagières au regard d’une norme quelconque), prouvant que celle-ci a des retombées sur la performance scolaire de l’élève, quelle que soit l’année d’études.

Responsables de la recherche

phyllis Dalley (Ph. D.), professeure et chercheure à l’Université d’Ottawa, est pédagogue et sociolinguiste. À titre de sociolinguiste, elle s’intéresse au rôle de la langue (des langues) comme outil de différenciation et de subversion dans les processus d’inclusion et d’exclusion par l’école. À titre de pédagogue, elle travaille activement à la traduction de la théorie sociolinguistique et critique à une pratique pédagogique inclusive.

serge Demers (Ph. D.), collaborateur, est professeur associé à l’École des sciences de l’éducation de l’Université Laurentienne à Sudbury. Il a été directeur de l’École de 2005 à 2008, ainsi que membre fondateur du Conseil ontarien de recherche en éducation. Ses domaines de recherche incluent l’analyse statistique ainsi que l’enseignement des mathématiques et des sciences à l’élémentaire et au secondaire.

Monographie no 16

Recherche en construction identitaire et en communication orale (CI-CO)

De la théORIe… De l’automne 2006 à l’été 2009, une recherche en construction identitaire et en communication orale (CI-CO) a été menée en Ontario français sous forme de recherche-action, à raison d’un projet de recherche-action par conseil scolaire de langue française.

Cette recherche vise à : 1. mettre en place des stratégies qui favorisent le développement de la communication orale des

élèves tout en permettant leur construction identitaire francophone; 2. concevoir des moyens innovateurs faisant croître la participation des parents, des membres de la

communauté et des partenaires; 3. cerner les indicateurs de l’identité francophone.

Cadre conceptuel de la recherche

Le personnel enseignant peut avoir une incidence sur la construction identitaire et la communication orale de ses élèves.

La définition de l’identité francophone est en mouvance, notamment en raison de la diversification linguistique et culturelle de la communauté francophone.

La notion même de « construction identitaire », issue des théories sociales constructivistes, rappelle l’importance des interactions sociales pour la formation de l’identité. C’est en raison de la diversité et de la continuité de ces interactions que l’on considère que l’identité est un projet inachevé ou en mouvance.

Pour intégrer un nouveau groupe social, l’individu doit apprendre à utiliser les pratiques culturelles et linguistiques du groupe. En effet, ce sont ces pratiques qui permettent à l’individu de se reconnaître et d’être reconnu comme membre du groupe.

Afin d’intégrer différents groupes sociaux francophones ou de profiter de leurs produits culturels (p. ex., télé, musique, théâtre, radio, articles scientifiques, littérature), les élèves des écoles de langue française doivent maîtriser un large éventail de pratiques linguistiques (p. ex., français local, régional, de la cour d’école, standard).

C’est en raison des liens établis entre la sécurité linguistique et la performance scolaire ainsi qu’entre les compétences linguistiques et le sentiment d’appartenance sociétal que plusieurs chercheurs proposent d’adopter une pédagogie de la variation (linguistique) en situation minoritaire.

Le cadre conceptuel ayant guidé la démarche de l’équipe de recherche réunit la construction identitaire, les cultures francophones et les variétés du français dans une conception d’interdépendance. Ce cadre permet de rendre compte de la complexité tant de la construction identitaire francophone que des usages du français dans les situations de communication orale.

Méthodologie

Les 12 conseils scolaires de langue française de l’Ontario ont accepté de mener un projet de recherche-action CI-CO financée par le Ministère sur trois ans, de 2006 à 2009.

Trois types d’équipes ont contribué à la réalisation des objectifs de la recherche.

Une équipe Ministère-université, une équipe universitaire (chercheure principale et quatre à cinq assistantes et assistants) et les 12 conseils scolaires, chacun formant une équipe de recherche-action composée d’un chargé de projet, de la direction d’école et soit d’une partie ou de l’ensemble du personnel enseignant de l’école ou des écoles, désigné par l’appellation enseignantes-chercheures ou enseignants-chercheurs (deux à huit enseignantes et enseignants) ont participé au projet.

Une assistante ou un assistant à la recherche et une chargée ou un chargé de projet ont accompagné le personnel enseignant-chercheur qui était appelé à fonctionner en communauté d’apprentissage professionnelle (CAP), à l’aide d’objectifs simples, mesurables, axés sur les résultats, réalistes et temporels (SMART).

La Direction des politiques et programmes d’éducation de langue française a pour objectif de fournir aux enseignantes et aux enseignants les résultats de la recherche actuelle sur l’enseignement et l’apprentissage. Les opinions et les conclusions exprimées dans ces monographies sont, toutefois, celles des auteurs; elles ne reflètent pas nécessairement les politiques, les opinions et l’orientation du ministère de l’Éducation de l’Ontario.

Projets Douze projets de recherche-action ont été mis en œuvre dans les conseils scolaires de langue française de l’Ontario.

Projet 1 – Nouvelle pédagogie en actualisation linguistique en français – ALF (cycle préparatoire) Conseil scolaire catholique de district des Grandes Rivières

Plusieurs activités ont été organisées dans les classes d’ALF. Entre autres, les sacs de littératie contenant des productions d’élèves et des fiches d’accompagnement pour guider les parents ont servi de pont entre les milieux familial et scolaire (au retour des sacs à l’école, l’enseignante a moussé des discussions du contenu des sacs et des activités menées en famille) et ont permis une nette amélioration et un usage plus enthousiaste du français chez plusieurs élèves. Le chant, soit à l’entrée ou à l’heure du goûter, a favorisé la transition plus naturelle de l’anglais au français; les centres d’apprentissage ont servi à consolider plusieurs apprentissages; la stratégie d’interaction structurée pour l’enseignement du couplet question-réponse : « X, qu’est-ce que tu manges? » « Je mange un ou une… » a permis de développer l’autonomie des élèves et d’améliorer leur prononciation et leur débit.

Projet 2 – La pédagogie culturelle (3e, 5e et 6e) Conseil scolaire catholique Franco-Nord

Les réunions hebdomadaires de la CAP dans le salon du personnel ont permis à l’équipe d’enseignants-chercheurs d’intéresser des collègues à ce projet, puis de les accueillir dans l’équipe.

Les réunions fréquentes des conseils de coopération ont permis aux élèves de réfléchir à leur usage de la langue française, de cerner les obstacles à son utilisation et de proposer des stratégies d’aide que les enseignantes/enseignants ont mis en place au quotidien pour augmenter l’usage de la langue (p. ex., rappel visuel ou auditif, enseignement du vocabulaire, temps en classe consacré à la conversation libre en équipes de deux); résultat : amélioration de la fluidité de la langue.

Les médias de communication en français (musique, télévision, radio) ont été explorés en classe et avec les parents à la maison et les élèves ont été invités à évaluer leur usage de ces médias et à se fixer un défi hebdomadaire pour augmenter leur usage. Des rencontres individuelles avec l’enseignant-chercheur et des rencontres éclair ont permis aux élèves de discuter d’obstacles et de trouver des solutions. Étant donné que plusieurs familles ont changé de cablôdiffuseur pour celui qui offrait le plus grand nombre de chaînes en français, les élèves regardent et écoutent régulièrement les émissions télévisuelles et radiophoniques en français; cela démontre l’importance de réinvestir en salle de classe le travail qu’ont fait les élèves avec leurs parents.

Projet 3 – Agrandir l’espace francophone (4e à 6e) Conseil scolaire catholique du Nouvel-Ontario

Des fêtes franco mensuelles ont été organisées à tour de rôle par les élèves de chaque classe; les élèves ont été invités à noter, dans leur portfolio identitaire, des réflexions sur leur expérience de la fête ou à ajouter photos, messages, coupures ou autres dans leur album personnalisé.

Dans une des classes, chaque semaine, une ou un élève a pu vêtir une mascotte et l’apporter à domicile; elle ou il a dû consigner ses activités dans un journal de bord, puis faire part de ses écrits à ses camarades de classe, à son retour le lundi matin. À la suite des discussions en classe, les présentations des élèves se sont faites plus longues et plus complexes, cela augmentant la fluidité. Ce « projet de famille » a contribué à l’engagement des parents, voire des grands-parents.

Projet 4 – Le cyberquartier (4e à 6e) Conseil scolaire Viamonde

Des classes ont élaboré un questionnaire à l’intention des parents sur le thème de la langue; les élèves ont discuté en équipes de leur identité et de leurs choix linguistiques.

Des classes de différentes écoles ont été jumelées; en équipes, les élèves ont travaillé à l’élaboration d’un projet commun à l’aide de diverses technologies de l’information et de la communication; à la fin de l’année scolaire, les classes se sont réunies et chaque équipe a présenté le fruit de son travail (p. ex., expériences scientifiques, histoire des Premières Nations). Ayant créé des liens avec les élèves du secondaire, les élèves de 6e année qui ont participé au projet régional choisissent plus fréquemment de fréquenter l’école secondaire de langue française.

Projet 5 – Langue et activités ludiques et authentiques (1re, 2e, 6e) Conseil scolaire de district catholique Centre-Sud

Une activité à grand déploiement de fin d’année « Je grandis en français comme toi » a été planifiée à rebours à l’aide d’activités d’enseignement explicite de la communication orale (p. ex., stratégie « Apprécie ») pour permettre aux élèves de développer leur habileté à s’exprimer clairement; des activités collectives mensuelles au gymnase avec d’autres classes du même cycle pour permettre l’interaction informelle; un spectacle du printemps pour découvrir des chansons en langue française.

La planification à rebours de l’activité à grand déploiement aux activités en salle de classe a permis de mieux profiter des effets positifs des activités à grand déploiement, soit un usage accru de la langue française et une plus forte identification à une communauté francophone. Ayant remarqué une amélioration dans la production linguistique et la motivation à parler français des élèves, le personnel enseignant a adapté sa pédagogie pour inclure une composante orale à toute activité pédagogique.

Projet 6 – Partenariat école-communauté (7e, 8e) Conseil scolaire de district catholique des Aurores boréales

Plusieurs activités de partenariat école-communauté ont été organisées. Entre autres, les élèves ont invité les organismes communautaires à se rendre en salle de classe pour présenter leurs services (au préalable, les élèves se sont préparés à les accueillir et à leur poser des questions suscitant la discussion). Un camp de leadership, organisé et animé par les élèves, leur a permis de rencontrer des élèves francophones d’autres écoles et de faire preuve d’une plus grande

fierté identitaire et d’une confiance en leurs habiletés linguistiques; des représentantes et représentants d’organismes communautaires francophones ainsi que les parents et les grands-parents des élèves ont été invités à un déjeuner communautaire organisé par les élèves de 8e année.

Projet 7 – Les MP3 (3e à 5e) Conseil scolaire de district des écoles catholiques du Sud-Ouest

Le projet visait l’intégration de technologies (lecteur MP3 et caméra vidéo) à l’enseignement et à l’apprentissage de la communication orale. Les enregistrements MP3 étaient composés essentiellement de chansons, de blagues et de contes racontés par les élèves. Lors d’un premier rassemblement, les élèves ont montré leur connaissance de la musique en langue française en participant au jeu La fureur; lors du second, elles et ils ont raconté des blagues et des contes, appris ou inventés,faisant ainsi preuve de techniques d’expression orale acquises. À cette fin, des groupes de deux élèves racontant des blagues puisées d’Internet ont été enregistrées sur vidéo et les vidéos ont été diffusées aux annonces de la télé scolaire du matin. Le personnel enseignant a remarqué une grande amélioration du vocabulaire, de la prononciation et de la confiance des élèves, ainsi qu’un effort soutenu pour communiquer en français. Les activités telles que les entrevues menées avec les membres du personnel enseignant, avec des intervenants à l’école, avec des parents et des invités de la communauté

francophone, les vire-langues filmés, le camping de lecture et le salon de magie ont motivé les élèves, leur ont permis de connaître des membres de la communauté francophone.

Projet 8 – Cercles de lecture (1re, 3e, 6e) Conseil des écoles catholiques du Centre-Est

Comme ces cercles de lecture ont été organisés et que des signets ont été remis aux élèves pour faciliter les discussions, les cercles de lecture se sont transformés au cours du projet – on a laissé tomber les signets pour permettre des discussions plus libres en 3e année; les signets ont été révisés pour permettre aux élèves de tisser des liens entre leur vie et l’histoire ou le conte lu; les élèves de 6e année ont transformé cette activité en « cercles de l’amitié », s’exprimant avec plus d’enthousiasme sur des thèmes proposés (p. ex., valeurs, amour) qui les touchent actuellement ou qui pourraient les toucher dans un avenir rapproché. Toutes ces modifications ont rendu les discussions plus dynamiques.

De la théorie à la pratique Cette monographie est affichée dans le site Web du ministère de l’Éducation de l’Ontario au lien suivant : www.edu.gov. on.ca/fre/teachers/studentsuccess/results.html.

De la théorie à la pratique

Projet 9 – Télé scolaire (4e, 8e à 12e) Conseil scolaire public du Nord-Est de l’Ontario

Des émissions télévisuelles, produites par les élèves, ont été diffusées simultanément dans toutes les classes; les élèves ont discuté du thème abordé en groupe-classe ou en équipes. Au cours de l’année, chaque classe a produit deux émissions à l’intention de l’ensemble de la population scolaire.

Étant donné que seul le français était accepté à la télé scolaire, les élèves ont déployé un effort soutenu pour diversifier leur vocabulaire et prendre la parole en français, se sont exprimés plus aisément en public, ont acquis une confiance personnelle, ont semblé plus motivés à fréquenter l’école et ont choisi des activités culturelles de langue française, alors qu’auparavant elles et ils n’avaient pas manifesté un tel intérêt. La télé scolaire est devenue un outil pédagogique qui a contribué à motiver les élèves, à appuyer leur identité à titre de membres de la francophonie et de l’école, et à assimiler les contenus d’apprentissage dans le curriculum de l’Ontario.

Projet 10 – Radio scolaire (9e à 12e) Conseil scolaire de district catholique de l’Est ontarien

Les élèves ont rédigé, répété et enregistré des minutes radiophoniques se rapportant à la matière à l’étude : dans la classe de sciences, l’apprentissage systématique du lexique scientifique a permis d’employer plus fréquemment le lexique enseigné et de faciliter ainsi la compréhension des textes scientifiques; dans la classe d’anglais, une pratique novatrice, soit l’étude d’une pièce de théâtre en langue anglaise, suivie d’une sortie scolaire pour assister à la production en langue française de cette pièce, a créé un espace où ont été mis à profit les éléments du répertoire linguistique des élèves, tactique pédagogique permettant l’étayage des apprentissages d’une langue à l’autre, et a fait du bilinguisme des élèves une composante légitime de leur identité francophone; dans la classe de français du vendredi (malgré la réticence du début), l’improvisation a permis d’améliorer la fluidité du parler ainsi que le vocabulaire actif, et est devenue à la fin du semestre, grâce à l’intérêt des élèves, une activité quotidienne; dans la classe de musique, la critique d’un album de musique contemporaine ou la description d’une carrière dans l’industrie de la musique ont été enregistrés ou filmés, puis présentés à l’ensemble de l’école en tant que minutes musicales; dans un projet interdisciplinaire français/musique, la création d’une émission radio et le fait de n’avoir qu’à produire un seul travail ont libéré du temps pour l’enregistrement des émissions et ont permis un accompagnement pédagogique moins lourd. L’enregistrement de minutes radiophoniques a permis aux élèves de mieux maîtriser la langue française et de se sentir plus à l’aise, notamment dans les discussions des matières scolaires.

Projet 11 – Radio scolaire et activités authentiques (maternelle, 3e, 4e, 6e) Conseil des écoles publiques de l’Est de l’Ontario

Une activité coopérative à grand déploiement de fin d’année « La visite à la cabane à sucre » a été planifiée à rebours et la chasse au trésor a permis aux parents de s’investir. À la suite de cette activité, les élèves plus âgés ont compris qu’elles et ils étaient des modèles pour les plus jeunes et ont fait plus d’efforts pour parler en français dans la cour d’école. En plus de favoriser la cohérence du programme d’une classe, cette pratique a contribué à la mise en place d’une communauté francophone et solidaire dans l’école.

Des activités variées ont été organisées pour l’ensemble de l’école ou pour les différentes classes. Des émissions radio animées par les élèves à l’heure du dîner ont permis de promouvoir la musique en langue française; des activités organisées par des organismes et des entreprises francophones ont connu tellement de succès que les membres de la communauté ont demandé que ces activités soient répétées annuellement; les jeux de mots et les techniques du débat ont été présentés; le conseil de coopération a été utilisé pour encourager le dialogue spontané des élèves.

Projet 12 – Radio scolaire et boîte à musique (7e à 12e, classes d’élèves en difficulté) Conseil scolaire public du Grand-Nord de l’Ontario

Plusieurs démarches ont été entreprises pour l’intégration d’activités en animation culturelle au curriculum. Entre autres, une boîte à musique installée dans la cafétéria (juke-box) a permis aux élèves et au personnel enseignant de mieux apprécier la musique en langue française et d’en parler favorablement, francisant ainsi le milieu de l’école; un palmarès de chansons préférées en langue française, dressé dans un cours d’éducation physique, a suscité l’intérêt pour cette musique et a permis de constater le grand nombre de styles de musique en langue française; à la radio scolaire, l’horaire hebdomadaire a permis des présentations d’une ou d’un artiste; l’exploitation des jeux pour enrichir le vocabulaire, l’expression libre pour les élèves, l’enseignement explicite du vocabulaire lié aux sports ainsi que les discussions informelles en salle de classe ont motivé les élèves, même les plus gênés, à s’exprimer en français.

Résultats�

Conditions gagnantes instaurées par le personnel enseignant permettant aux élèves de construire une identité

francophone à l’école et dans la communauté

Conditions favorisant l’engagement du personnel enseignant à l’égard du projet

de construction identitaire

A. Participer aux activités avec ses élèves pour augmenter leur motivation (p. ex., participer à la réalisation du travail des élèves en session d’apprentissage coopératif).

B. Rendre public le travail et les connaissances des élèves afin de les valoriser davantage (p. ex., radiodiffusion des présentations des élèves).

C. Connaître son environnement francophone pour le faire connaître aux élèves (p. ex., utiliser ses connaissances de l’histoire de la musique franco­ontarienne pour la remettre dans son contexte sociohistorique et donner ainsi vie à des référents culturels).

D. Prendre le temps, dans le cadre d’une pédagogie relationnelle, d’écouter ce que les élèves disent et de prendre part à la discussion sans les corriger sur le moment.

E. Favoriser la pédagogie relationnelle qui demande que l’accueil soit un processus de tous les instants, comme l’inclusion. Accepter l’élève comme elle ou il se présente.

F. Privilégier le dialogue démocratique avec les élèves au quotidien. G. Utiliser des outils de construction identitaire : le rituel, la musique

accompagnée de technologie pour soutenir l’apprentissage des matières scolaires, le conseil de coopération « transformé » pour contribuer à l’instauration d’un climat sécurisant et propice à la discussion authentique en français; c’est le lieu privilégié du dialogue.

H. Planifier des activités à grand déploiement à rebours accentue le sentiment d’appartenance à l’école et favorise la construction de son identité en tant que membre valorisé de la communauté scolaire et, par le fait même, des conséquences positives sur le rendement scolaire.

A. Adoption par la direction d’école d’une approche participative et d’un rôle de motivateur, d’accompagnateur et de partenaire du personnel enseignant.

B. Possession par la direction d’école d’un bassin de connaissances nécessaires au leadership pédagogique (théorie, pratiques pédagogiques, ressources).

C. Exercice par chaque palier du système scolaire (Ministère, conseil scolaire, école) de son rôle dans la création des conditions nécessaires à la réussite du projet.

D. Formation et soutien du personnel enseignant qui est convaincu de son pouvoir d’influence sur l’identité et la pratique linguistique des élèves; qui prend des risques en assumant son rôle dans la CI-CO des élèves; qui comprend les objectifs du projet visant le changement; qui développe une relation favorable avec les collègues en CAP; qui prend le temps de réfléchir en CAP; qui prend conscience de son identité francophone et qui accepte la variété identitaire afin d’assumer son rôle dans la CI des élèves.

Monographie no 16

…à la PRatIQue�Recommandations�Éléments à mettre en place pour valoriser la langue de façon à conscientiser le personnel scolaire à son rôle de passeur culturel et à son rôle dans la construction identitaire (CI) des élèves, tout en tenant compte du rapport de ces derniers à la langue française

Selon la pédagogie • Focaliser sur le message des élèves, contribuant ainsi à inspirer un sentiment d’aisance en communication orale. • Se rappeler que le sentiment d’aisance est un préalable de la prise de risque nécessaire à l’amélioration de la compétence en communication orale. • Créer un temps de prise de parole par les élèves, un élément important tant pour une pédagogie de l’oral que pour la prise en compte de la CI. • Créer une bonne relation enseignant-élève sera porteuse de motivation à parler français et à devenir ou à demeurer francophone. • Se souvenir que les caractéristiques d’une relation enseignant-élève positive sont l’accueil de tous les instants, la reconnaissance de l’élève, l’écoute

et l’authenticité. • Valoriser la diversité linguistique, culturelle et identitaire francophone pour renforcer le sentiment d’appartenance de tous les élèves. • Rendre ses leçons et ses cours dynamiques à l’aide d’outils de CI, considérant que les élèves veulent apprendre en français dans un contexte

stimulant. • Se garder à l’affût des référents culturels de langue française représentatifs et contemporains, puisqu’ils sont nécessaires à l’accompagnement des

élèves dans leur CI. • Intégrer les rituels linguistiques, les technologies de la communication, la musique ainsi que le dialogue qui sont tous des outils prometteurs pour la CI.

Selon l’engagement du personnel Pour le personnel enseignant :

Contribuer à la définition des projets qu’il met en œuvre. Prendre conscience (p. ex., par l’intermédiaire d’une formation) de son pouvoir d’influencer le développement langagier et la CI des élèves. Être conscient de son identité francophone en assumant son rôle dans la CI des élèves. Discuter et réfléchir avec ses collègues au sein d’une CAP au moment de la mise en œuvre d’un projet de CI.

Pour la direction d’école :

Appuyer le personnel enseignant est essentiel pour obtenir son engagement dans la mise en œuvre d’un projet. S’assurer que les besoins de l’école sont pris en compte dans la planification de projets de changement pédagogique. Savoir intégrer les projets proposés par les instances supérieures du système scolaire au projet conçu par son équipe-école. Respecter les étapes franchies par le personnel enseignant dans son parcours professionnel à l’égard des projets proposés.

Pour les autres paliers du système scolaire : Assurer une cohérence

entre les directives du Ministère et celles du conseil scolaire.

Pour tous :

Vivre une pédagogie relationnelle dans toutes les écoles de langue française de l’Ontario, étant donné que la construction identitaire est un processus relationnel. Prendre en compte que le renouvellement de l’identité professionnelle est primordial pour obtenir un changement pédagogique durable.

Selon l’identité • Respecter l’identité linguistique et culturelle des élèves qui est fort complexe. Pour certains, elle chevauche la frontière entre anglophone et francophone

(franglophone); pour d’autres, elle est ambiguë ou provisoire. • Réaliser que la reconnaissance du groupe social auquel veut appartenir l’élève est nécessaire à la construction d’une identité correspondante. • Être conscient que plusieurs élèves ont fait part d’une distinction inattendue entre l’identité francophone – qu’elles et ils définissent par la première

langue apprise et par le patrimoine – et l’identité franco-ontarienne – qui, d’après elles et eux, s’acquiert et dénote une fierté à parler français.

Comment sensibiliser les parents à leur rôle d’accompagnateurs de la construction identitaire de leurs enfants et les outiller dans leurs relations avec ces derniers, et comment trouver des moyens innovateurs de joindre les parents

Tisser un lien entre les activités en classe et le foyer assure la participation des parents, bénéficiant ainsi de la valorisation que confère leur contribution. Il importe de faire un retour en classe des connaissances/expériences menées auprès des parents pour en faire profiter les autres élèves de la classe (p. ex., journal d’une mascotte, discussions sur différents médias, ressources dans un sac de littératie). Le lien avec les parents a des retombées très favorables sur la communication orale des élèves (p. ex., augmentation de l’usage de la langue française et enthousiasme à l’idée de l’utiliser et de participer en classe). Les parents deviennent alors plus sensibles à leur rôle d’accompagnateurs dans la construction identitaire de leurs enfants.

Signes indicateurs de la construction identitaire

Alors qu’il est impossible d’évaluer l’état de la construction identitaire de l’élève, la recherche en construction identitaire et en communication orale (CI-CO) tend à indiquer que l’élève sera davantage porté à s’identifier à la francophonie si elle ou il : • a un sentiment d’aisance à parler français; • a un rapport positif à la langue française; • peut s’identifier à une communauté francophone. En somme, il semble qu’une approche pédagogique sensible au développement de la construction identitaire mène au développement d’un

sentiment de compétence en communication orale et de fierté de son identité francophone, le dialogue dans une perspective relationnelle s’avérant une approche efficace pour le développement de ce sentiment.

Références Boudreau, Annette, et Lise Dubois avec la collaboration de Véronica d’Entremont (2008). Cashman, Holly R. (2008). “Accomplishing marginalization in bilingual interaction: Relational

« Représentations, sécurité/insécurité linguistique et éducation en milieu minoritaire », work as a resource for the intersubjective construction of identity”. Multilingua, Vol 27, No 1/2, dans Francophonie, minorités et pédagogie (Sylvie Roy et Phyllis Dalley, dir.), Ottawa, Les p. 129-150. Presses de l’Université d’Ottawa, p. 145-175. Ministère de l’Éducation de l’Ontario (2004). L’aménagement linguistique – Une politique au service

Bourdieu, Pierre (1982). Ce que parler veut dire – L’économie des échanges linguistiques, Paris, des écoles et de la communauté de langue française de l’Ontario, Toronto. Consultation sur le site Éditions Fayard. Web du Ministère au www.edu.gov.on.ca.

Une série de monographies produite par la Direction des politiques et programmes d’éducation en langue française en collaboration avec le Centre franco-ontarien de ressources pédagogiques.

© CFORP, 2012 ISBN 978-2-89581-918-9