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LIEUX DITS : NOMMER, DÉ-NOMMER, RE-NOMMER Martin de La Soudière P.U.F. | Ethnologie française 2004/1 - Vol. 34 pages 67 à 77 ISSN 0046-2616 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2004-1-page-67.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- de La Soudière Martin , « Lieux dits : nommer, dé-nommer, re-nommer » , Ethnologie française, 2004/1 Vol. 34, p. 67-77. DOI : 10.3917/ethn.041.0067 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour P.U.F.. © P.U.F.. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - Figueras Miquel - 190.123.166.189 - 22/09/2011 04h09. © P.U.F. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - Figueras Miquel - 190.123.166.189 - 22/09/2011 04h09. © P.U.F.

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  • LIEUX DITS : NOMMER, D-NOMMER, RE-NOMMER

    Martin de La Soudire

    P.U.F. | Ethnologie franaise

    2004/1 - Vol. 34pages 67 77

    ISSN 0046-2616

    Article disponible en ligne l'adresse:--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    http://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2004-1-page-67.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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    de La Soudire Martin , Lieux dits : nommer, d-nommer, re-nommer , Ethnologie franaise, 2004/1 Vol. 34, p. 67-77. DOI : 10.3917/ethn.041.0067--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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    Lieux dits :nommer, d-nommer, re-nommer

    Martin de La SoudireCETSAH (CNRS/EHESS)

    RSUM

    Le nom des micro-rgions et des pays, consquence du dcoupage actuel de lespace rural, est aussi le support privilgi deleur identification. Il reprsente un enjeu pour leur dveloppement. Il doit et peut aussi faire rver. Diffrents jeux denominations et re-nominations sont ici examins dans leur profusion, voire leur confusion. On peut les mettre en parallleavec limportance grandissante que les individus accordent laffichage de leur nom propre.Mots-clefs : Toponymie. Amnagement rural. Patronymie. Territoire.

    Martin de La SoudireCETSAH (Centre dtudes transdiciplinaires : sociologie, anthropologie, histoire) CNRS/EHESS22, rue dAthnes75009 [email protected]

    Ma seule souffrance est que je nai pas encore nomm.Vincent La Soudire [2003]

    Comme le suggrent les recensions actuelles de lexi-ques spcialiss (des onomatopes, de limprimerie ;parlers de mtier ; argots des jeunes, etc.), lattentionaux mots nest-elle pas dans lair du temps ? Mosaquede noms propres, lespace rural franais nchappe pas la rgle, comme le montrent les crations et les rin-ventions toponymiques qui se multiplient chaque jourdavantage. Sans en faire pour autant la condition sinequa non de lidentit et de la vitalit des territoires, maissimplement la constatant, je me demanderai comment, sa manire, la nomination 1 contribue leur dveloppe-ment culturel et conomique.

    Entre la micro-toponymie et la dnomination des vas-tes ensembles spatiaux, sera ici examine la toponymie chelle moyenne, que je propose dappeler gonymie 2 (oupourquoi pas msonymie ?) 3 : celle des petites rgions 4(ce qui, parfois, ne mempchera pas de droger ce partipris pour les besoins de la dmonstration). Il sagira deprendre comme objet la mise en mots des territoires, pourcomprendre, travers ce prisme singulier, apparemmentanecdotique, certains des enjeux et des significations desdcoupages contemporains de lespace rural. Do ceparcours que je propose deffectuer dans le maquis desplus petites units territoriales, que lon peut dfinircomme des lieux-dits largis [Schweitz, 2001 : 16] ouencore bassins de vie en Basse-Bretagne, les bro , et

    dont les Pays en cours dinstitutionnalisation consti-tuent une figure exemplaire (cf. infra).

    Simpose dabord, dentre, une brve gnalogie dufoisonnement de ces familles de noms propres.

    Recyclages...

    Il en est de ces petites rgions (dsormais ici dsignespar commodit sous le simple terme rgion ) commedes prnoms : obissant des modes, certaines disparais-sent purement et simplement. Ne parlons pas des trsvieux pagi gallo-romains [Carte des noms de terroir, 1996 ;Zink, 2000], dont le nom a parfois perdur jusquauXVIIIe sicle, comme en Touraine, le Thlot et le Vron[Schweitz, 2001] ; ou dans la rgion parisienne, la Galle-vesse, le Servais [Gallois, 1909].Mais onpeut reprer, dansles livres de gographie de lentre-deux-guerres, desmicro-rgions dont le nom, alors vivant, est aujourdhuitomb en dsutude : la Frau (ou Braunhie) rgion deGramatdans leLot ; leQueyrandans leLot-et-Garonne,etc. Des traces de ces gonymes subsistent nammoins, maisseulementcommesuffixes accols aunomdespetitesvillesou bourgs ruraux (ainsi la Valdaine, dans la Drme ditemaintenant provenale par opposition celle des col-lines , dans Portes-en-Valdaine ) ; ou encore sur de

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    1. Carte des noms de terroirs et pays de France (IGN et ditionsEphlide, 1996, DR).

    vieilles enseignes demi effaces ( Boucherie duNbouzan , Montrjeau, en Haute-Garonne).

    Demeurent connus et usits mais seulement trslocalement, presque confidentiellement, entre ceux quiy habitent depuis plusieurs gnrations des nomscomme le pays Toy (Hautes-Pyrnes) ; le Limargue(Lot) ; le Passais, le Himois et lHoulme, dans lOrne ;le pays Pagan, en Nord Finistre.

    Trs nombreux sont les noms connus, mais des seulsspcialistes de lespace rural. Noms strictement scien-tifiques , parfois construits par les gographes souve-nons-nous de nos cours de gographie de la France ,o les habitants ne peuvent videmment pas se recon-natre : la Plaine picarde , les Pays de la moyenneGaronne , le Couloir rhodanien , le Sillon alpin ,le Massif central , etc.

    De plus en plus frquents le recyclage et la relancede noms de rgions qui, il y a encore cinq ou dix ans,semblaient promis un oubli dfinitif. Ainsi en est-il duSaosnois (autour de Mamers, dans la Sarthe), qui cher-che se dmarquer administrativement et culturellementde la rgion toute voisine dAlenon, en particulier parla relance de la race bovine presque teinte dite duSaosnois . On peut aussi citer, dans le Lot-et-Garonne,le Bruilhois et le Duracois qui ont tout rcemmentrepris du service travers la promotion de leurs vigno-bles, dont les ceps relvent la tte, pourrait-on dire. Pour faire terroir, certaines communauts de commu-nes rutilisent des noms de rgions quasiment tombsen dsutude : ainsi celle qui, en Haute-Garonne, sinti-tule : Nbouzan-Rivire-Verdun 5.

    Mais seffectuent paralllement des reconnaissancesnationales de rgions qui ont su rcemment acqurirune vritable notorit. LAubrac, tudi par ethnolo-gues et agronomes et dsormais bien connu et active-ment promu. LArmagnac (HERGES, 1992), dont JulienGracq [1992 : 41-42] crit que limage que fait lever (sonnom)... nest pas une image gographique et historique unifie,dense et puissante, comme celle qui lve des noms de Flandre,de Bretagne ou dAlsace, mais seulement, distill aux confinsde la gastronomie et dun chef-duvre de la littrature popu-laire (Les trois mousquetaires), un parfum, un bouquet plu-tt quune essence fondamentale . Ou encore le Larzac, qui

    2. Lavergne, dans le Lot (photo Martine Bergues, 2003).

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    3. Type de panneau tout rcemment install en Haute-Lozre(photo de lauteur, 2003).

    nest plus seulement un territoire (mais)... une identit ido-logique, puisque son rfrent correspond, moins des objets lisau plateau qu son histoire quil exporte ... Plus que la dfensedun territoire, il semble li la dfense dune conception dela vie [Bonniol et Hostingue, 2001 : 105] ; cf. lecompte-rendu de cette recherche que propose FranoisePetit dans ce numro).

    Ces noms rsonnent maintenant pour la plupartdentre nous comme ceux dautres hauts lieux plusanciennement reconnus (Lubron, Pays bigouden, etc.).Ces notorits rcemment acquises renvoient, chacune, des constructions sociales spcifiques, mais sont sou-vent le fruit dheureuses conjonctions entre un produitlocal, un type de paysage et une histoire prestigieuse :couteau, fromage, eau-de-vie, haut plateau volcaniqueou calcaire, luttes sociales, etc.

    ... et baptmes

    Entrons maintenant dans une seconde et vaste famillede noms propres, ne relevant plus de recyclages, mais proprement parler de baptmes, travers un processus

    de nologie. Ces toute rcentes gnrations onomas-tiques 6, en effet, ne renvoient pas danciens territoires,mais relvent dune territorialisation de lespace rural dela mme faon que sopre un distinguo entre rgions et rgionalisation . Deux cas de figure se prsententalors.

    Dune part, des appellations dorigine touristique ouassociative. Ce cas de figure est trs frquent. Ainsi enDordogne, invent et baptis de la sorte en rfrenceau vignoble de Bergerac, le Prigord pourpre , qui sesurajoute aux entits gographiques identifies de lon-gue date (Prigord noir et blanc) ; ou le Triangle sacrdu Champagne [Brochot, 1997 : 18]. une chelleplus fine, tout voyage un peu attentif vous fait dcouvrirde trs petites zones gographiques qui sauto-dsignentdu terme gnrique de pays de plus en plus galvaud.Le lyrisme des arguments publicitaires utiliss par cesterritoires qui ne recouvrent quun ou deux cantons vise compenser leur absence de notorit. Qui connat le pays de Coise ... et sa douceur de vivre , taill dansle dpartement du Rhne au dbut des annes quatre-vingt-dix ? ou encore le pays vouglaisien , autour deVouill dans la Vienne (entre Loudun et Poitiers) ? LaVouglaisie : terra incognita , titre sa brochure de prsen-tation, qui poursuit : Partez la dcouverte de la Vou-glaisie ... 1. La Vouglaisie est une vritable le naturelle avecses forts ... 2. La Vouglaisie est un terroir o la gastronomieptille de diversit ... 3. La Vouglaisie est une montagne gravir avec ses falaises descalade ... Notre seul souci : voustonner, vous surprendre. 4. La Vouglaisie est un archipelpatrimonial ... 5. La Vouglaisie est un pays festif ... 9. LaVouglaisie est infinie... ( Osez Vouill et son pays , 2001).

    Mais dautre part, ce processus de nologie prendaujourdhui une ampleur sans prcdent avec la gnra-lisation dune nouvelle politique dite de Pays impul-se par la DATAR (Dlgation lamnagement duterritoire et laction rgionale). Poursuivant la cration,ds 1975, des contrats de pays (il y en eut 321), elle estmise en uvre depuis la loi du 25 juin 1999, conjointe-ment et en synergie avec les prfectures et les collectivitsterritoriales (conseils gnraux, communes et groupe-ments de communes). La conception et lmergence deces Pays territoires qui, travers ce vocable mme,connaissent une faon de monter en grade donnentactuellement lieu dinnombrables et longues concerta-tions, contestations, redfinitions, redcoupages [Territoi-res prescrits / Territoires vcus, 2000]. Frachement nomms,au nombre denviron 400 en 2003, ils constituent tantpour les habitants que pour les lus un enjeu importantdans le cadre de lactuelle philosophie de lamnagementde lespace rural reposant sur linitiative locale : cest eneffet principalement travers ces nouveaux chelonsterritoriaux que sera distribue la manne de ltat et desRgions de programme.

    Mais tout se complique encore avec la cration (ant-rieure, et toujours en cours, comme celle des Pays )des 35 Parcs naturels rgionaux , aux objectifs voisins,

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    dont les noms ornent firement lentre des communesqui y sont incluses.

    Mention doit enfin tre faite, toujours dans cetteseconde grande famille de noms, des Territoires Lea-der (140 aujourdhui), dfinis depuis 1991 au titre desinitiatives communautaires financirement encouragespar lUnion europenne. Enfin, pour tourdir encoreun peu plus le lecteur, certains cantons (rarement, il estvrai), mais surtout des communauts de communes ,se dotent, eux aussi, dun nom souvent bricol partir de celui dune ville, dune ancienne appellationrgionale et/ou dun nologisme.

    Un argot territorial

    Cette gonymie renvoie quatre sources : vernaculaire ;savante ; demi-savante, pour reprendre lexpression deSchweitz [2001], lorsque ethnologues ou gographeslgitimrent scientifiquement lusage local dun nom dergion [Chambordon, 1998 ou Zink, 2000 ; et avanteux Gallois, 1909] ; touristico-commerciale ; politico-administrative.

    De ce fait, lespace rural est en train de devenir unvritable palimpseste, ces kyrielles de noms propres for-mant comme un argot territorial o touriste, voyageuraverti et mme chercheur ont beaucoup de mal sereprer. Les habitants daires gographiques soumises plusieurs baptmes sont les premiers le dplorer,comme le montrent de nombreux travaux, ainsi quemes propres observations dans lOrne, le Massif centralet le Sud-Ouest. Quel habitant de la rgion de Pithi-viers, par exemple, pourra se reconnatre dans le Paysde Beauce-Gtinais-en-Pithiverais ? [Libration, 1997].Fragmentation de plus en plus fine en sous-units ousuperpositions toponymiques savrent courantes,comme suffisent le montrer ces deux exemples.

    Le Beaujolais dabord, qui scrit avec un S, parce quily en a douze 7, comme le vante une affiche promotion-nelle, et dont une zone, dans le Beaujolais Btard (sic),sest rige en pays des Pierres Dores , allusion la belle pierre de calcaire jaune dont sont construitesles maisons 8.

    Ensuite le Perche. Historiquement subdivis en Haut Perche (autour de Mortagne), Perche Gouet (Nogent-le-Rotrou) et Faux Perche (Vendme), il secompartimente tout autrement dans lusage local quidistingue dpartement oblige les Perche ornais, sar-thois et dEure-et-Loir. Mais ces deux gnrationsdappellation tendent aujourdhui disparatre au profitdu tout rcent Parc naturel rgional du Perche (1998).Certaines communes font de la rsistance, comme laFert-Bernard (Sarthe) dont les habitants rclamentlappellation Pays fertois [Le Perche, 1997].

    Mais lethnologue ou le gographe nest-il pas lui-mme, sa manire, partie prenante de ce processus ?

    Dune part, la question des bonnes dnominationsrenvoyait souvent, jusque dans les annes cinquante, des mouvances scientifiques, la dfense de corps pro-fessionnels [Robic, 1982] qui attisaient et conduisaient une sophistication trs pousse dans la recherche de vraies singularits micro-rgionales. Ainsi, LucienGallois brocardait-il ce quil appelait les prtendus noms de pays. Dautre part, sil contrle mal son terrain,essentialisant alors un territoire, le chercheur cde unetentation identique. La monographie nest-elle pas unefaon de sincorporer au lieu, tout en le marquant de sa propretrace ?... un dsir de faire corps avec un corps ? [Larrre,1991 : 34].

    Go-potique

    Nous y voici justement, au dsir de territoire et dunom qui le porte et le bonifie. Dautres rvent la seulenonciation de contres lointaines : Terre de feu,Islande, Tibet, etc. Moi comme eux, bien sr. Mais ilma t donn de tomber dans une fascination, que jailongtemps crue toute personnelle, pour les noms desplus petites rgions que je dcouvrais dans un cours degographie rgionale dispens en universit par un micro-gographe . Adolescent dj, la lecture des car-tes dtat-major me captivait. Je peux dailleurs toujoursconsacrer de longs moments reprer et peler menta-lement le nom des moindres lieux-dits et des quar-tiers des finages communaux. Plus lchelle des rgionssur lesquelles insistait le professeur tait grande, plusignore et droutante leur dnomination, plus je jubi-lais, pris par le vertige de ces litanies dentits micro-rgionales qui me semblaient quasi inpuisables, un peu la manire des nomenclatures botaniques, des micro-climats ou encore des nuanciers de couleurs : Sgala,dclin au pluriel par le professeur, en quercynois,rouergat, albigeois ; Sidobre et Espinouze ; Trives,Champsaur et Mathsine ; Vosges... mais saosnoises ;Chtaigneraie... mais cantalienne ; Viadne et Xaintrie.Le guide des pays de France [1999] en indique un nombreimpressionnant : le Quint (dans la Drme), le Kercorb(dans le Gers), etc., verser dans la catgorie des nomsde rgions oublis. Je ne peux mempcher de consignermes nouvelles dcouvertes, scrupuleusement, dans mon Cahier de lieux . Comme si je lhabitais dj, chacunde ces noms propres me laissait et me laisse toujours deviner, de ces contres, la couleur spcifique du ciel,le grain de leurs terroirs, leurs chemins, leurs maisonset hameaux, les toucher presque ; la manire deprnoms ou plutt de surnoms, mieux, de petitsnoms dindividualits territoriales, condensant en eux,inscable, llmentaire de lespace rural.

    une autre chelle, nombre dauteurs tmoignentdune fascination du mme ordre. Julien Gracq, partirdes noms de rues de Nantes, qui, aprs en avoir list

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    prs dune vingtaine, poursuit : Cest la toponymie,ordonne comme une litanie, ce sont les enchanements sonoresauxquels procde partir delle la mmoire, qui dessinent sansdoute le plus expressivement sur notre cran intrieur lide quenous nous faisons, loin delle, dune ville [Gracq, 1985 :204]. Marcel Proust, propos des villes, qui, en rcitant plusieurs reprises une srie dentre elles, crit : Cesnoms [de villes : Balbec, Coutances, Lamballe, Pont-Aven,etc.], combien ils prirent quelque chose de plus individuelencore, dtre dsigns par des noms qui ntaient que poureux, des noms comme en ont les personnes [Proust, 1954 :458]. Pour lui, ctait galement la simplification inti-mement lie la seule vocation du toponyme de cesvilles relles o pourtant il ne stait jamais rendu , enfermes dans le refuge des noms , qui leur confraittoute leur attractivit. Leurs noms, il y avait accumuldu rve , ils aimantaient (ses) dsirs [460].

    Le pouvoir des mots de lespace sur notre imaginaireest donc ent sur toute la gamme, urbaine et rurale, destoponymes. Si inventer un monde, cest dabord le nommer,inventer des noms [Jourde, 1991 : 199] 9, certains le colo-rent toutefois mieux que dautres, comme lcrit subti-lement lauteur de Dsir dAubrac : Je prfre dire que jaimarch dans le Rouergue quen Aveyron [Mialon, 2001].

    Carte du Tendre : se faire un nom

    Demandant tre reconnues comme Pays oucomme Territoire Leader , les collectivits locales ont un capital dimage exploiter : leur nom [Falcoz, 2001 :5]. Dans cette optique, comme on vient de le voir, il ya ces rgions porteuses de paysages-histoire [Gracq,1992 : 93], dont lcho quelles provoquent en nous bien sr diffremment selon quon y vit, quon en rvede loin ou quon ne fasse quy passer se situe du ctde lhritage, de la filiation. Mais, paralllement, moinslests dhistoire, beaucoup de nouveaux noms de terri-toire font plus volontiers appel dautres registres denos reprsentations sociologiquement plus partags , des cantons plus contemporains de notre sensibilitaux lieux en gnral.

    Certes, en effet, certaines rgions rutilisent (cf.supra), voire revendiquent le nom de vieux pays go-graphiques reconnus depuis longtemps (Combrailles, enBasse-Auvergne ; Bourianne dans le Lot, etc.), ou asso-cient le nom dune grande rgion ou dun dpartementavec celui dune plus petite zone (Argonne champe-noise, Charente limousine). Mais en mme temps quece type de ractivation du patrimoine rgional, lonassiste des inventions toponymiques (cf. supra). Nombredassociations, offices du tourisme ou collectivits loca-les utilisent des qualificatifs mlioratifs, superlatifs,cdant la tentation de procder ce quon peut appelerun marketing territorial . On constate alors lemploidune dbauche doronymes 10 : Haute-Gironde, Haute-

    4. Dsormais, depuis 2002, les cartes Michelin indiquent le nomdes petites rgions composant les dpartements. Qui connatlAlbret ou lAstarac ?! (document de lauteur).

    Corrze, etc. Les rfrences un type de paysage ou dezone gographique savrent frquentes, qui voquentdes landes ocanes , des falaises, des sources, des fleuveset des volcans. Trs prsents aussi les emblmes de typehistorique ou artistique : ainsi en est-il de Brocliande(Montfort-sur-Mun), dAlbigeois et Bastides, ou cas

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    5. Le site Internet du conseil gnral de lAude (www.cg11.fr)prsente ainsi le Guide du Pays Cathare.

    de figure presque caricatural du Pays Cathare (Aude) 11.Mention enfin doit tre faite de la notion de centralit :Cur de Bretagne (autour de Plormel), de Flandre(Hazebrouck), etc.

    Mais toutes les rgions ne possdent pas de fort deBrocliande ni de bastides comme produit dappel .Dans ce cas, elles se rabattent, si lon peut dire, sur desproductions ou des savoir-faire locaux, touristiquementpeu attractifs, quoique encore trs vivants, tel le dpar-tement de la Haute-Marne [Brochot et alii, 2001 : 208],dont le conseil gnral a tout rcemment mis lhon-neur la tradition du travail de losier en crant, autourde Fayl-Billot, sa propre signaltique : Pays deau etdosier [Brochot, 2001 : 208].

    Mais qui sont destines ces nominations ? Quelpublic visent-elles ? travers le point de vue des res-ponsables associatifs de la rgion de Langres, nous estpropose une rponse qui semble pouvoir tre gnra-lise : Lappartenance une image, un pays, doit trelambition dun territoire, disent-ils. Quelle image veut-ondonner ? qui se vendre lextrieur pour renforcer notrepropre sentiment dappartenance lintrieur ? Une image fortedoit connatre un minimum dappropriation lintrieur duterritoire, mais sa finalit premire est quand mme pour lext-rieur [Brochot, ibid. : 215-216]. Lassaut de slogans etde logos que font les dpartements ne nous dit pas autrechose : Lozre, terre dexception , LArdche, terre den-durance , LIndre, lharmonie de la pense (sic).

    Eutopie : changer de nom,du stigmate lemblme

    Se faire un nom, certes. Mais on peut aussi vouloiren changer. Les nombreux changements de dnomina-tion de communes, dpartements ou Rgions de

    programme traduisent la susceptibilit de leurs habitantsdans ce domaine, et dmontrent a contrario lenjeu detoute attribution de nom propre. Ainsi la Charente inf-rieure est devenue maritime en 1941 ; en 1955, cefut le tour de la Seine infrieure de socaniser ; puis,en 1970, les Basses-Alpes prirent de la hauteur. Le casde la ville de Limoges est exemplaire, sa municipalittant alle jusqu compter, pour sen plaindre, lesoccurrences du verbe limoger dans la presse : plus de1 000 fois en 1991 (Libration, 1992). Chaque anne,rvle le mme quotidien [1995], une quinzaine decommunes russissent changer leur toponyme : ainsiAngoisse, Cercueil, Chiers, La Pisse, Les Crottes. Exem-plaires aussi les cas de Chlons-sur-Marne (devenueChlons-en-Champagne le 26 dcembre 1997), ou deCordes (Tarn), qui a russi lexploit de sexhausser en Cordes-sur-Ciel !

    Ce quon pourrait appeler cette eutopisation (euph-misation dun toponyme) sacclre sous nos yeux, laRgion administrative Centre (Orlans) ayant parexemple, la fin des annes quatre-vingt-dix, t tentedadjoindre son nom : Cur de France , Val deFrance , ou Val de Loire .

    Fonctions (et drives)des nominations territoriales

    Quest-ce que nommer ou re-nommer des territoi-res ? Pour y rpondre, il nous faut largir la rflexion la toponymie en gnral.

    Fondamentalement, nommer, cest dsigner , iden-tifier , par un acte de domestication et dappropriationde lespace [Bouvier, 1997]. Domestiquer, cest--direpouvoir se reconnatre dans un lieu partag, mais aussi(autre acception du terme) : classer, mettre en ordre[Martinelli, 1982], voire mettre au pas : Qui dnommedomine [Nommer les nouveaux territoires urbains, 2001 :64] 12. Par cette emprise sur lespace, mdiateur entre ungroupe social et le territoire quil occupe, le nom tend confrer lun comme lautre consistance et surcrotdidentit. Quil soit toponyme ou patronyme, le nompropre... est, par nature, individualisant (je souligne)[Lvi-Strauss, 1962 : 289] (En ce sens, propos despatronymes, cf. : [Lapierre, 1995]). Le nom que possdeen propre, unique, un lieu, atteste dune origine, garantitune qualit, comme dans le cas des produits du PaysCathare , allant du pain du mme nom l accueilconfiance , tous estampills de cette marque de qualitterritoriale . Les produits dits de terroir en sont quant eux une confirmation plus exemplaire encore [Del-fosse, 1997].

    Nos gonymes fonctionnent donc comme deslabels. Le cas de certaines banlieues en apporte a contra-rio la dmonstration. Ainsi en est-il par exemple dela ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines aux

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    dnominations plurielles et gnriques [Leimdorfer,2001]. Seul un nom propre de ville permet une identifica-tion ; il est support didentit , conclut lauteur 13.

    Les quartiers sont aux rues et la ville, ce que lespetites rgions sont aux terroirs et aux grandes rgions.Do lintrt, ici, des trs nombreux exemples propossdans Nommer les nouveaux territoires urbains [2001]. DuBrsil lAfrique, en passant par Gnes, y est bien mon-tr comment les habitants des priphries des grandesvilles ne se reconnaissent pas dans les zonages etdnominations urbano-technocratiques quon leurimpose et qui se substituent aux noms vernaculaires etfamiliers de leurs quartiers ou de leurs communes. Mili-ter pour les noms attachs son territoire se retrouveaussi par exemple en Nouvelle-Caldonie. L, revendi-quant le maintien des toponymes qui leur sont chers,les Kanaks cherchent tablir un cadastre coutumier qui tiendrait compte des rivires, sommets, cols, etc.,supports dvnements rels ou mythiques [Monnerie,2002 : 615-618] 14.

    Seconde fonction de la nomination dun territoire :se considrer et chercher se rendre diffrent, se distin-guer du voisin, sen dmarquer par une auto-dsignation.Cest l un acte qui concerne autant lidentit de lautreque celle de celui qui se nomme. voque plus haut,lexpression Cur de le traduit explicitement. Danscette lutte de classement [Bourdieu, 1980], les petitesrgions contigus celles qui parviennent acqurirune notorit sen trouvent dvalorises ; comme vas-salises. Si chaque territoire prtend se poser en hautlieu , ceux qui, objectivement, prsentent moins dequalits ne peuvent quen ptir [Brochot, 1997 : 18 ; LaSoudire, 2001 et 2002].

    Autre interrogation (qui mriterait quon sy attarde) :nest-ce pas parce que, entre les territoires, les diffrencesen termes de mode et de niveau de vie sestompent etse rduisent de plus en plus, que chacun revendique desspcificits dun autre ordre (culturelles, historiques oupaysagres) parfois trs tnues, voire discutables ?

    De ce processus de distinction et de dmarcation,peuvent dcouler les drives que lon sait vers lexclu-sion, ou vers des revendications autonomistes. Terreauet levier dun nouvel esprit de clocher (campanilisme, enItalie ; parrochialism en Grande-Bretagne), renaissantsous des habits neufs, lattachement excessif, la crispa-tion des rgions sur leur nom risque, non plus de res-sortir seulement une territorialisation (cf. supra), mais un territorialisme (de mme quil existait en 1789 un provincialisme [Ozouf, 1989] et aujourdhui desrgionalismes). Idologie du local, poujadisme territo-rial [Brun, 2002 : 124] que lon se doit de dbusquer,dnoncer et combattre [Di Mo, 1998 : 247-263 ; Eth-nologie franaise, 2003/3 ; La Soudire, 2001]. Tenir son nom, cest aussi en tre la proie , crit Nicole Lapierre[1995 : 367], qui parle ce propos des cueils dure-nom .

    Cela nous suggre une troisime caractristique de la

    6. Dpliant touristique du Pays vouglaisien, dans le dpartementde la Vienne (document de lauteur, 2002).

    nomination des rgions : la surestimation de lefficacitde leur nom propre, avec, comme corollaire, le risquede leur ftichisation. Sen cherchant un et cdant leuto-pisation, associations et collectivits locales semblent tropsouvent faire lhypothse que la nomination fait ou suffit faire territoire. Suffirait-il de nommer pour

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    7. Dpliant touristique du Pays de Coise, dans le dpartementdu Rhne (document de lauteur, 2002).

    construire de lidentit , comme laffirme et sembleen tre convaincu un responsable doffice de tourismeinterview ? Apportant un dmenti cette stratgie decommunication, certains nouveaux noms de rgions oude Pays nont dailleurs pas pris : la Margeride, parexemple. Malgr la cration dun comuse qui porteson nom, les Margeridiens continuent se dnom-mer Lozriens , tant entre eux qu lextrieur, et nese disent pas davantage Gvaudanais malgr ce queleur Bte pourrait leur apporter, commodment,immdiatement, en termes de notorit.

    Le nom propre : enjeu contemporain ?

    Ne serions-nous pas, alors, fond faire lhypothsedune analogie entre lenjeu territorial des gonymes pourles collectivits rurales, et limportance accorde pardautres groupes ou catgories sociales leur proprednomination ? En tmoignent leur manire, aussibien : habitants de maisons ou de villas quils ont faitconstruire [Chat, 2003] ; agents du RER conduisantleur convoi estampill Mona , etc ; tablissements

    scolaires, maintenant tous dots du nom dun hommeclbre ; prposs au numro de renseignements tl-phoniques (le 12), rpondant lusager : Ici Nathalie !Votre demande concerne quelle ville ? Plus dmonstratifencore, le phnomne, trs gnralis chez les adoles-cents, dexhibition du nom ou du logo des vtementsquils achtent : Nike, Chevignon, Reebok, etc. Pources marques commerciales, vendre de lidentit , cest vendre de la diffrence , lexprimer, la renforcer [Guil-lebaud, 1999 : 200]. De mme que dans ce dernier cas,lappartenance une classe dge saffiche la foiscomme signe de reconnaissance entre soi et souci deparatre, de mme, par le biais de son nom, se dit liden-tification dun groupe social son territoire.

    Plus gnralement dans la socit, depuis le dbut desannes quatre-vingt-dix, du droit au nom, nous assistonsau passage lobligation du nom. Obligation corrlative,semble-t-il, dune autre, en forme dintimation implicitefaite aux individus dtre performants , pour repren-dre le mot du sociologue Alain Ehrenberg [1981], cest--dire de tendre vers lexcellence, en conduisant leur vieen vrais professionnels de leurs propres comptences,tout en se grant soi-mme de faon autonome. Laquestion de lidentit et de lindividualisation se retrouvedonc autant dans les relations des groupes sociaux leurslieux de vie et aux noms qui les portent, que dans lerapport des individus eux-mmes. Tout comme cesderniers, les responsables des plus petites units territo-riales sont dsormais somms de se dfinir, de safficher.Schmatiquement, ils le font de deux faons : soit en sebaptisant ou en se laissant baptiser par stratgie ; soitdans un rel souci de rassurance identitaire, lorsque legroupe qui sinvente son propre nom sy reconnat, ledfend loccasion.

    Pistes, questions, vasions

    Ce parcours dans lunivers des mots de lespace ruralse voulait libre ; trop, peut-tre. travers ce braconnage,jai cherch jeter des passerelles et proposer des ana-logies entre toponymes et patronymes ; entre le rural etlurbain. Autant dinterrogations qui se sont leves, che-min faisant, partir du cas des petites rgions, et qui enappellent dautres. Quadviendra-t-il par exemple de cenouveau patrimoine onomastique ? Ces nominations don-neront-elles durablement un sens nouveau lapparte-nance territoriale ? Enfin, ce que dautres chercheursont appel, en ce domaine, notre fureur dnominatrice surprend souvent et droute collgues et touristes tran-gers : est-elle partage par les autres pays europens ?Tiendrait-on l une exception franaise 15 ?

    Achevons notre voyage en Hexagone. Que noussoyons dailleurs ou dici, du dehors ou du dedans, sinous paraissons si gourmands et friands ou si noustenons tellement au nom, ancien ou nouveau, de nos

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    territoires, ne serait-ce pas par peur de se perdre deperdre lautre, aussi, si lon fait rfrence lamorce desdialogues sur nos portables : Tu es o, l ? Plusquhier, ne cherchons-nous pas aujourdhui savoir, entout temps, en tout lieu, o nous sommes (do vientaussi ce que nous mangeons) 16 ? et peut-tre, par l, quinous sommes, un peu la manire de Fernando Pessoa,ce pote portugais qui, tentant par l de calmer son intranquillit , stait invent des identits multiples ?

    Question contemporaine, avoir ici dcel les enjeuxde la nomination, intimement lie la re-qualificationdes territoires. Mais la rcurrence historique de cetteproccupation montre que, plus gnralement, lespacea toujours t et demeurera problmatique. De mmeque la patrimonialisation, cette qute dancrage spatial que

    rvle cette soif de toponymes ne constitue pas seule-ment comme on le rpte trop paresseusement uneraction la mondialisation. En mme temps quecontingente et lie la phase actuelle du devenir delespace rural (cf. larticle dAndr Micoud) tout ensignes, emblmes, en mots et en images , elle savreuniverselle, anthropologique. Jaimerais [crit GeorgesPerec, matre s territoires], quil existe des lieux stables,immobiles, intangibles, intouchs et presque intouchables,immuables, enracins ; des lieux qui seraient des rfrences, despoints de dpart, des sources... De tels lieux nexistent pas, etcest parce quils nexistent pas que lespace devient question,cesse dtre une vidence, cesse dtre appropri. Lespace estun doute : il me faut sans cesse le marquer, le dsigner [Perec,1974 : 122].

    Notes

    Je tiens remercier Jean-Claude Bontron,fin connaisseur des territoires ruraux, pour sesconseils autant amicaux quaviss.

    1. Nomination et dnomination ont un sens voisin : le premier dsigne pluttlacte de donner un nom ou dattribuer unefonction ou une distinction quelquun ; lesecond se rapporte plutt qui, ou ce qui adj t nomm.

    2. Que lon pourrait tout aussi bien appe-ler rgionymie , comme le propose un go-graphe [Debardieux, 1993].

    3. Suggestion de Pierre Alphandry.

    4. Depuis les recensements de lINSEE, puisdu ministre de lAgriculture de 1946, 450 ou473 rgions baptises petites rgions agricoles ont t dnombres. En 1966, les dlimitationsayant t affines, leur nombre est pass 709.Mais, selon dautres estimations (revue Go, parexemple), on distingue 420 pays majeurs et1 800 micro-pays . Par ailleurs, rappelons que, la diffrence de pays , le mot rgion estdun emploi qui ne remonte pas en de du

    XVIIIe sicle. Dans la premire moiti duXXe sicle, ce terme a donn lieu parfois travers des querelles de spcialistes unepalette de dnominations : petites rgions naturelles , gographiques , agricoles ,etc. Cf., entre autres : [Chambordon, 1998 ;Zink, 2000 ou Schweitz, 2001], et dans cemme numro, larticle de Nicole Girard.

    5. Communaut de communes englo-be dans le pays de Comminges , ce qui nefacilite pas la lisibilit de cette zonegographique.

    6. Onomastique : science des noms propres.

    7. Ce qui fait cho ce quon appelle enBourgogne du terme imag de climats , dsi-gnant les trs nombreux terroirs viticoles dontla production dpend troitement des condi-tions mtorologiques micro-locales.

    8. Communiqu par Franoise Dubost.

    9. Sur ce thme, lire : [Calvino, 1974],ou : [Lapouge, 1990].

    10. Oronyme : toponyme dsignant unehauteur, un sommet.

    11. Communication de Jean-ClaudeBontron.

    12. Signalons, dans ce sens, qutymolo-giquement, rgion fait rfrence au pouvoirsexerant sur un territoire, et que le terri-toire , cest le jus terrendi, le droit de terrifier [Di Mo, 1998 : 47].

    13. Voir aussi : Ethnologie franaise, 2003/1, La mmoire des villes nouvelles .

    14. Mme phnomne en Bretagne, o,tout rcemment, Loffice de la langue bre-tonne vient dditer une carte routire en bre-ton.

    15. La France a pris de lavance en cedomaine. Mais, depuis la fin des annes qua-tre-vingt-dix, des pays dEurope de lEstcomme la Hongrie, ou, en Espagne, la Galiceet la Catalogne, margent un processus simi-laire (communication de Marie-Vic Ozouf-Marignier. Cf. aussi son sminaire lEHESS : Le territoire : reprsentations gographiqueset pratiques politiques .)

    16. Cf. la fameuse traabilit , quinexprime pas autre chose : la mme attention,chez le consommateur, la mme obsession dulieu ou de la rgion, qui sexprime propos delorigine gographique de lanimal propos parle boucher.

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  • Dossier : Bembo f205735\pu174342\ Fichier : eth1-04 Date : 18/5/2007 Heure : 12 : 51 Page : 77

    ABSTRACTNaming, denominating, renaming localitiesThe names of micro-regions and countries resulting from the present-day division of the rural space are privileged identification

    marks that are very important for their development. They must make dream, too. Various examples of nominations and renominationsare examined in their profusion or even confusion. They can be compared with the growing importance that people attach to theirown name.

    Keywords : Toponymy. Rural Planning. Patronymy. Territory.

    ZUSAMMENFASSUNGDas Nennen, Benennen, Umbenennen von rternDie Namen von Mikrogegenden und Lndern, die durch die gegenwrtige Aufteilung des lndlichen Raums geschaffen wurden,

    sind bevorzugte Identifikationstrger, die sehr bedeutend fr die rterentwicklung sind. Sie mssen auch trumen machen. Ver-schiedene Beispiele von Benennungen und Umbenennungen werden untersucht in ihrer verschwenderischen Flle und sogarKonfusion. Sie knnen mit der wachsenden Bedeutung verglichen werden, die die Leuten ihrem eigenen Namen beimessen.

    Stichwrter : Ortsnamenkunde. Lndliche Planung. Familiennamenkunde. Territorium.

    Lieux dits : nommer, d-nommer, re-nommer 77

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