De la molécule à l'odeur

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l’actualité chimique - août-septembre 2005 - n° 289 Recherche et développement 29 De la molécule à l’odeur Les bases moléculaires des premières étapes de l’olfaction Uwe J. Meierhenrich, Jérôme Golebiowski, Xavier Fernandez et Daniel Cabrol-Bass Résumé Le prix Nobel 2004 de physiologie ou de médecine est venu récompenser les travaux de deux chercheurs américains, Richard Axel et Linda Buck, pour leur découverte en 1991 de la famille de gènes des récepteurs olfactifs et des premiers niveaux de traitement de l’information par le système olfactif. Nous utilisons le coup de projecteur ainsi donné aux recherches sur l’olfaction pour faire le point sur les avancées récentes qui débouchent sur une meilleure compréhension des aspects moléculaires de la chimioréception. Les disciplines mobilisées vont de la chimie aux sciences cognitives et sociales, en passant par la biologie moléculaire, la physiologie et la neurophysiologie. Partant de la molécule, nous rappelons dans une première partie ce qu’ont été les approches classiques de type relation structure moléculaire/odeur. Ensuite, afin de mieux cerner la chimioréception liée au sens de l’odorat, nous décrivons la physiologie du système olfactif et les interactions entre les molécules odorantes et leurs récepteurs protéiniques, en insistant sur l’aspect combinatoire de ces interactions et le codage de l’odeur qui en résulte. Dans une dernière partie, nous discutons des conséquences pour la communauté des chimistes des connaissances récemment acquises sur l’olfaction, en envisageant quelques-unes de leurs applications potentielles. Ce domaine de recherche fondamentale, nécessairement interdisciplinaire, se révèle potentiellement porteur de nombreuses applications pratiques dans lesquelles les chimistes de spécialités variées ont un rôle important à jouer. Mots-clés Odeur, olfaction, arômes, parfums, chimie bio-organique. Abstract From a molecule towards an odour: the molecular basis of the first olfactory steps The 2004 Nobel Prize in medicine or physiology awarded the 1991 discovery of the American scientists Richard Axel and Linda Buck on the olfactory receptor gene family and the first levels of data processing by the olfactory system. We take the opportunity of this highlight given to researches devoted to the study of olfaction to get a progress report, originating a better knowledge of the molecular aspects of chemoreception, from chemistry to cognitive sciences, through molecular biology, physiology and neurophysiology. Starting with the description of odorant molecules, we recall the first classical approaches, such as odour/structure relationships. In order to tackle the chemoreception of the sense of smell, we will then describe the olfactory system’s physiology and the interaction between odorants and receptors, focusing more particularly on the resulting combinatorial aspects of the coding scheme. Finally, we discuss the consequences on the chemists’ community of the knowledge recently acquired about olfaction, predicting some potential applications. Such a multi-disciplinary and fundamental field of research could potentially originate numerous applications, where chemists of all specialities will have to play a crucial role. Keywords Odour, olfaction, flavour, fragrance, scent, bio-organic chemistry. L’olfaction, un sens longtemps méconnu L’étude scientifique des sens chimiques que sont l’odo- rat et le goût a été longtemps négligée par rapport à celle de la vue et de l’ouïe. On peut trouver diverses explications à ce retard. L’Homme communique d’abord par la parole et par le signe. L’odorat a souvent été considéré comme un sens mineur, ramenant l’Homme à son animalité. Les déficients auditifs ou visuels souffrent d’un handicap reconnu par la société et pris en charge médicalement ; il n’en est pas de même des altérations de l’odorat ou du goût. Ceci se traduit même au niveau du vocabulaire, puisque tout le monde sait ce qu’est la surdité et la cécité, mais peu de gens sauront vous dire ce que signifient anosmie* et agueusie*. La deuxième raison relève de l’anatomie. Les organes récepteurs de la vue et de l’ouïe sont beaucoup plus facile- ment identifiables et accessibles à l’investigation anatomi- que que ne le sont la muqueuse olfactive et les papilles gus- tatives. On en est même encore à discuter de l’existence et du caractère fonctionnel chez l’Homme d’une deuxième voie de réception olfactive par l’organe voméronasal*. La troisième raison, et peut-être la plus importante, tient à la nature chimique des stimuli. La lumière et le son, en tant que phénomènes vibratoires, se laissent facilement décrire et caractériser par des grandeurs physiques simples (fréquence, intensité et polarisation). Il n’en est pas de même d’un effluve odorant qui peut être constitué d’un grand nombre de substances chimiques à des concentrations parfois extrêmement faibles. Même en se limitant à des composés purs, une molécule ne se laisse pas caractériser aussi simplement par quelques paramètres. Heureusement, les pratiques précèdent toujours les savoirs formalisés. Depuis l’Antiquité, les parfumeurs,

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Recherche et développement

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De la molécule à l’odeurLes bases moléculaires des premières étapes de l’olfactionUwe J. Meierhenrich, Jérôme Golebiowski, Xavier Fernandezet Daniel Cabrol-Bass

Résumé Le prix Nobel 2004 de physiologie ou de médecine est venu récompenser les travaux de deux chercheursaméricains, Richard Axel et Linda Buck, pour leur découverte en 1991 de la famille de gènes des récepteursolfactifs et des premiers niveaux de traitement de l’information par le système olfactif. Nous utilisons le coupde projecteur ainsi donné aux recherches sur l’olfaction pour faire le point sur les avancées récentes quidébouchent sur une meilleure compréhension des aspects moléculaires de la chimioréception. Lesdisciplines mobilisées vont de la chimie aux sciences cognitives et sociales, en passant par la biologiemoléculaire, la physiologie et la neurophysiologie. Partant de la molécule, nous rappelons dans une premièrepartie ce qu’ont été les approches classiques de type relation structure moléculaire/odeur. Ensuite, afin demieux cerner la chimioréception liée au sens de l’odorat, nous décrivons la physiologie du système olfactifet les interactions entre les molécules odorantes et leurs récepteurs protéiniques, en insistant sur l’aspectcombinatoire de ces interactions et le codage de l’odeur qui en résulte. Dans une dernière partie, nousdiscutons des conséquences pour la communauté des chimistes des connaissances récemment acquisessur l’olfaction, en envisageant quelques-unes de leurs applications potentielles. Ce domaine de recherchefondamentale, nécessairement interdisciplinaire, se révèle potentiellement porteur de nombreusesapplications pratiques dans lesquelles les chimistes de spécialités variées ont un rôle important à jouer.

Mots-clés Odeur, olfaction, arômes, parfums, chimie bio-organique.

Abstract From a molecule towards an odour: the molecular basis of the first olfactory stepsThe 2004 Nobel Prize in medicine or physiology awarded the 1991 discovery of the American scientistsRichard Axel and Linda Buck on the olfactory receptor gene family and the first levels of data processing bythe olfactory system. We take the opportunity of this highlight given to researches devoted to the study ofolfaction to get a progress report, originating a better knowledge of the molecular aspects of chemoreception,from chemistry to cognitive sciences, through molecular biology, physiology and neurophysiology. Startingwith the description of odorant molecules, we recall the first classical approaches, such as odour/structurerelationships. In order to tackle the chemoreception of the sense of smell, we will then describe the olfactorysystem’s physiology and the interaction between odorants and receptors, focusing more particularly on theresulting combinatorial aspects of the coding scheme. Finally, we discuss the consequences on thechemists’ community of the knowledge recently acquired about olfaction, predicting some potentialapplications. Such a multi-disciplinary and fundamental field of research could potentially originate numerousapplications, where chemists of all specialities will have to play a crucial role.

Keywords Odour, olfaction, flavour, fragrance, scent, bio-organic chemistry.

L’olfaction,un sens longtemps méconnu

L’étude scientifique des sens chimiques que sont l’odo-rat et le goût a été longtemps négligée par rapport à celle dela vue et de l’ouïe. On peut trouver diverses explications à ceretard. L’Homme communique d’abord par la parole et par lesigne. L’odorat a souvent été considéré comme un sensmineur, ramenant l’Homme à son animalité. Les déficientsauditifs ou visuels souffrent d’un handicap reconnu par lasociété et pris en charge médicalement ; il n’en est pas demême des altérations de l’odorat ou du goût. Ceci se traduitmême au niveau du vocabulaire, puisque tout le monde saitce qu’est la surdité et la cécité, mais peu de gens saurontvous dire ce que signifient anosmie* et agueusie*.

La deuxième raison relève de l’anatomie. Les organesrécepteurs de la vue et de l’ouïe sont beaucoup plus facile-

ment identifiables et accessibles à l’investigation anatomi-que que ne le sont la muqueuse olfactive et les papilles gus-tatives. On en est même encore à discuter de l’existenceet du caractère fonctionnel chez l’Homme d’une deuxièmevoie de réception olfactive par l’organe voméronasal*.

La troisième raison, et peut-être la plus importante, tientà la nature chimique des stimuli. La lumière et le son, en tantque phénomènes vibratoires, se laissent facilement décrireet caractériser par des grandeurs physiques simples(fréquence, intensité et polarisation). Il n’en est pas de mêmed’un effluve odorant qui peut être constitué d’un grandnombre de substances chimiques à des concentrationsparfois extrêmement faibles. Même en se limitant à descomposés purs, une molécule ne se laisse pas caractériseraussi simplement par quelques paramètres.

Heureusement, les pratiques précèdent toujours lessavoirs formalisés. Depuis l’Antiquité, les parfumeurs,

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Glossaire

Adénylate cyclase : protéine membranaire localisée dans lademi-membrane interne de la membrane plasmique qui produitl’adénine monophosphate cyclique (AMPc*) à partir de l’adéninetriphosphate (ATP).

Agoniste : substance qui se fixe sur les mêmes récepteurscellulaires qu’une substance de référence et qui produit, au moinsen partie, les mêmes effets.

Agueusie : diminution marquée ou perte totale du sens gustatif.AMPc : l’adénine monophosphate cyclique joue le rôle de

second messager dans la transmission aboutissant à l’ouverturedes canaux ioniques à calcium.

Amygdale : petite structure localisée dans les profondeurs dechaque lobe temporal du cerveau dont la fonction essentielle estd’attribuer une signification émotionnelle aux stimuli sensoriels quilui parviennent du monde extérieur (définition adaptée du GrandDictionnaire Terminologique de l’Office québécois de la languefrançaise).

Anosmie : diminution ou perte complète de l’odorat.Anosmie spécifique ou partielle : inaptitude à percevoir une

odeur déterminée, alors que d’autres odeurs sont normalementperçues. La plus répandue concerne l’odeur musquée ; elle affecteenviron 10 % de la population.

Axone : prolongement cytoplasmique unique du neurone quiassure la conduction de l’influx nerveux à partir du corps cellulaire.

Cacosmie : perception d’une odeur désagréable, réelle ouimaginaire, d’origine infectieuse, neurologique ou hallucinatoire.

Chimiotaxie : réaction de locomotion orientée et obligatoired’organismes mobiles, déclenchée et entretenue par unesubstance chimique diffusant dans le milieu, et s’effectuant soitdans sa direction (chimiotaxie positive), soit dans la directionopposée (chimiotaxie négative) (définition adaptée du GrandDictionnaire Terminologique de l’Office québécois de la languefrançaise).

Dendrite : prolongement cytoplasmique court et ramifié duneurone qui assure la réception des influx nerveux. Dans lesneurones olfactifs, la dendrite se compose d’une touffe de cilsqui sont porteurs des récepteurs olfactifs.

Électroencéphalographie (EEG) : elle mesure l’activitéélectrique générée par les neurones grâce à des électrodes colléesà la surface du cuir chevelu. Elle détecte donc l’activité neuronaleglobale et continue du cerveau.

Épithélium olfactif : tissu non vascularisé constitué d’unecouche de cellules collées les unes aux autres, sans espace niliquide interstitiels, qui recouvre et protège une surface d’environ2,5 cm2 de la partie supérieure de la cavité nasale. Outre lesneurones olfactifs qui portent les récepteurs, l’épithélium olfactifcomporte des cellules de soutien qui maintiennent les neurones etles cellules basales qui, par maturation, vont renouveler lesneurones olfactifs. L’épithélium comporte également des glandesqui sécrètent le mucus olfactif.

Ethmoïde (os) : lame osseuse fine criblée de petits trousséparant les fosses nasales et les bulbes olfactifs qui sont desstructures latéralisées spécialisées du cerveau.

Imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) :elle s’appuie (tout comme la TEP) sur les modifications locales ettransitoires du débit sanguin induit par les fonctions cognitives. Orl’hémoglobine, cette protéine possédant un atome de fer quitransporte l’oxygène, a des propriétés magnétiques différentesselon qu’elle transporte de l’oxygène ou qu’elle en a étédébarrassée par la consommation des neurones les plus actifs.C’est la concentration de désoxy-hémoglobine (l’hémoglobinedébarrassée de son oxygène) que l’IMRf va détecter. En effet,cette molécule a la propriété d’être paramagnétique : sa présenceengendre dans son voisinage une faible perturbation du champmagnétique. Sans entrer dans les détails, mentionnons quel’augmentation du débit sanguin cérébral dans une région plusactive du cerveau est toujours supérieure à la demande d’oxygèneaccrue de cette région. Par conséquent, c’est la baisse du taux dedésoxy-hémoglobine (diluée dans un plus grand volume de sang

oxygéné) que l’IRMf va faire correspondre à une augmentation del’activité de cette région. En soustrayant par la suite l’intensité desdifférentes régions de cette image d’une autre qui a étépréalablement enregistrée avant la tâche à accomplir, on observeune différence dans certaines zones qui « s’allument » aux régionsles plus irriguées et donc les plus actives au niveau de l’activiténeuronale (définition adaptée en copyleft de http://www.lecerveau.mcgill.ca/).

Limbique (système) : on regroupe souvent un ensemble destructures du cerveau sous l’appellation de « système limbique ».Ce système est impliqué dans l’olfaction, les émotions, lesapprentissages et la mémoire (définition adaptée du GrandDictionnaire Terminologique de l’Office québécois de la languefrançaise).

Lipophile : se dit d’une substance présentant une affinité avecdes phases ou molécules non polaires.

Magnétoencéphalographie (MEG) : comme l’EEG, elleenregistre les oscillations neuronales du cerveau, mais elle le faitpar l’entremise des faibles champs magnétiques émis par cetteactivité, plutôt que par leur champ électrique (définition adaptée duGrand Dictionnaire Terminologique de l’Office québécois de lalangue française).

Musc : matière très odorante qui est la sécrétion du Chevrotinporte-musc et dont l’élément odorant le plus important est laMuscone. Le musc était employé en parfumerie non seulementpour son odeur, mais aussi en tant que fixateur. L’espèce étantprotégée, le musc naturel a été remplacé par d’autres substancesnaturelles ou de synthèse. Par extension, toute substance ayantune odeur analogue.

Odotope ou olfactophore : modèle décrivant la dispositionspatiale relative d’éléments moléculaires qui déterminent l’odeurd’une classe de molécules (pas représenté sur la figure 2).

Organe voméronasal (ou organe de Jacobson) : organesecondaire de la réception olfactive des phéromones, bien identifiéchez certaines espèces (reptiles, insectes). Chez l’Homme, ilsemblerait exister sous forme vestigiale et son caractère fonctionnelest controversé.

Protéine G : protéine intramembranaire constituée de trois sous-unités dénommées α, β et γ. Lorsque le récepteur olfactiftransmembranaire est activé par l’odorant, il provoque la libérationde la sous-unité α de la protéine G qui va à son tour activerl’adénylate cyclase*.

Reconnaissance de formes : méthodes d’analyse d’un ensem-ble de données (e.g. une image) afin d’y retrouver des « formes »,i.e. des configurations prédéterminées, comme des phonèmes(reconnaissance de la parole) ou des lettres (reconnaissance decaractères). Dans le contexte, il s’agirait de reconnaître des formesd’activation des glomérules qui correspondraient à des odeurs.

Réseaux de neurones artificiels (ou réseaux neuromiméti-ques) : structure de traitement informatique qui s’inspire du modede fonctionnement des neurones biologiques. Une de leurs carac-téristiques est de pouvoir élaborer des modèles non linéaires parauto-apprentissage sur un ensemble d’exemples.

Tomographie par émission de positon (TEP) : elle s’appuie(tout comme l’IRMf) sur les modifications locales et transitoires dudébit sanguin induit par les fonctions cognitives. Quand un groupede neurones devient plus actif, une vasodilatation locale descapillaires sanguins cérébraux se produit pour amener davantagede sang, et donc d’oxygène, vers ces régions plus actives. Lorsd’une TEP, on injecte au patient une solution contenant un élémentradioactif qui peut être l’eau elle-même ou du glucose radioactifpar exemple. Davantage de radioactivité sera donc émise par leszones cérébrales les plus actives (définition adaptée du GrandDictionnaire Terminologique de l’Office québécois de la languefrançaise).

Voie rétronasale : les composés volatils des aliments mis enbouche atteignent la muqueuse olfactive en passant par l’arrièrebouche. C’est la voie rétronasale par opposition à la voie directe(ou orthonasale) de l’air inhalé par les narines.

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comme les cuisiniers, ont développé leur art sans attendrel’avènement de la chimie moderne, de la physiologie, de laneurophysiologie, de la biologie moléculaire, de la psycholo-gie et autres sciences cognitives et sociales, toutes sciencesqui concourent aujourd’hui à l’étude des sens chimiques.Cependant, sur le plan technique, ce sont bien les découver-tes et innovations dans les méthodes d’extraction, d’analyseet de caractérisation, ainsi que les progrès de la chimie desynthèse, qui ont été les facteurs décisifs des évolutionsconsidérables ayant permis au secteur des arômes et desparfums de devenir une industrie mondiale représentantplusieurs milliards de dollars de chiffre d’affaires(1).

Depuis un peu plus d’une quinzaine d’années, l’étude del’olfaction a connu un regain d’intérêt considérable. La publi-cation en 1991 par Buck et Axel de la famille de gènes quicodent pour les récepteurs olfactifs [1] a ouvert la voie à denombreux travaux abordant l’olfaction par des approchestrès diversifiées. Le prix Nobel 2004 de physiologie ou méde-cine est venu récompenser l’ensemble de leurs contributionset a donné pour le grand public un coup de projecteur sur lesavancées qu’elles ont permis [2]. Ce regain d’intérêt pour cesdeux sens réjouit les médecins qui ont toujours accordé àl’exploration du goût et de l’odorat une valeur sémiologiquecapitale pour orienter le diagnostic des atteintes neurologi-ques. C’est par exemple le cas de l’anosmie* brutale provo-quée par la fracture de la lame criblée (os situé à la base ducrâne) ou de l’anosmie progressive pouvant signaler le déve-loppement d’un cancer du rhinopharynx ou les premiers sta-des de la maladie d’Alzheimer. Des kits de substances odo-rantes sont d’ailleurs disponibles pour ledépistage de cette maladie. On peut aussisignaler que les cacosmies* et hallucina-tions peuvent être les signes d’une épilep-sie partielle méconnue.

Ces découvertes bouleversent lesidées quelque peu simplistes que l’on pou-vait avoir sur le mode d’action des molécu-les odorantes. Pourtant, les chimistes tra-vaillant dans le secteur des arômes etparfums ont toujours cherché à relierl’odeur des composés qu’ils isolaient ousynthétisaient à leur structure moléculaire,sans pouvoir s’appuyer sur une connais-sance précise des récepteurs et des inte-ractions mises en jeu.

Dans cet article, nous présenteronsrapidement les théories qui ont été déve-loppées à cet effet. Puis nous décrirons lesdifférentes étapes de la perception desodeurs en nous focalisant sur l’aspectmoléculaire de la chimioréception, avantd’en analyser les conséquences pour lechimiste aromaticien ou parfumeur.

Les relations structure/odeur : succès et échecs

Pour qu’une substance possède despropriétés odorantes, il faut qu’elle ait unpoids moléculaire modéré, une polarité fai-ble, une certaine solubilité dans l’eau, unepression de vapeur et un caractère lipo-phile* élevés. En revanche, il n’est pasnécessaire qu’elle possède de groupesfonctionnels particuliers ou qu’elle soit

réactive chimiquement [3]. Néanmoins, la présence de cer-tains groupes fonctionnels confère aux molécules qui les por-tent une odeur spécifique. Le cas du groupe S-H est bienconnu à cet égard : les thiols ont une odeur facilement recon-naissable. En fait, presque toutes les substances volatilessont odorantes et il est remarquable de constater que l’onn’ait pas reporté deux molécules différentes ayant des odeursstrictement identiques. Le paradigme selon lequel toutes lespropriétés d’une substance chimique seraient in fine déter-minées par leur structure moléculaire a conduit tout naturel-lement à de nombreuses études qualitatives et semi-quanti-tatives pour tenter d’établir des relations entre structures etodeurs, en suivant des approches semblables à celles quiavaient fait leurs preuves dans l’étude des relations structure/activité largement explorées pour leurs applications en chimiemédicinale.

L’étude qualitative des relations structure/odeur montreque, dans de nombreuses séries, les molécules de structuresimilaire ont des odeurs voisines, bien que distinguables.Cependant, cette observation n’est pas générale et onconnaît de nombreux cas pour lesquels de petites modifica-tions structurales peuvent entraîner des perceptions olfacti-ves totalement différentes. Inversement, des structures trèsdifférentes peuvent présenter des odeurs similaires (c’est lecas en particulier de certains macrocycles et des composésnitrés à odeur de musc*). Les tableaux I, II et III donnentquelques exemples de ces situations.

Par ailleurs, le fait qu’un grand nombre de couplesd’énantiomères aient des odeurs différentes montre

Tableau I - Exemples de composés présentant des structures proches et des odeurs voisines(d’après [37]).

Nom Structure Seuil de perception*µg/kg dans l’eau

Odeur

2-acétyl-1-pyrroline 0,1

grillé, eau, pop-corn

2-propionyl-1-pyrroline 0,1

grillé,pop-corn

2-acétyl-thiazoline 1,3 pop-corn

2-acétyl-thiazole 10céréales, pop-corn

2-acétyl-tétrahydropyridine 1,6

grillé,pain cuit, pop-corn

2-acétyl-pyridine 19grillé,

pain cuit

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l’importance de la structure tridimensionnelle des odorants.Mais cette différenciation stéréochimique n’est pas généraleet la plupart des stéréoisomères sont décrits comme ayantdes odeurs proches, tandis que d’autres ne se distinguentque par leur seuil de perception. Il faut signaler à ce proposla grande difficulté expérimentale que l’on rencontre pourcaractériser sans ambiguïté l’odeur de deux énantiomères,malgré les progrès récents dans les méthodes de séparationénantiosélective [4]. Le tableau IV rassemble quelquesexemples d’énantiomères ayant des odeurs différentes.Pour une liste plus complète, voir [5] ou consulter lesite http://www.leffingwell.com/chirality/chirality.htm

La complexité du problème posé par l’associationentre structure de l’odorant et perception olfactive apparaîtdonc de manière éclatante au travers de ces quelquesexemples.

Au cours des trente dernières années, de nombreusesthéories ont été avancées au sujet du mode d’interactionentre les molécules odorantes et les neurones olfactifs. Citonssans développer : la théorie vibrationnelle originellementavancée par Dyson [6] et reprise par Wright [7], celle de la dif-fusion des molécules odorantes au travers de la membrane[8] ; d’autres auteurs invoquent un effet de polarisation [9] ou

piézo-électrique [10], ou bien encore la complexa-tion avec les caroténoïdes présents dans l’épithé-lium [11] et l’analogie chromatographique [12].Récemment, la théorie vibrationnelle primitive deDyson et Wright a été revisitée par Turin sous le nomde théorie vibrationnelle à effet tunnel [13]. Cette der-nière, très controversée, conduit à un modèle pré-dictif de l’odeur dont les performances demandentencore à être validées sur un plus grand nombred’exemples appartenant à des catégories de molé-cules et d’odeurs plus diversifiées. Mais ce sontindiscutablement les modèles stériques, dérivés desidées avancées par Montcrieff dès 1949 [14], puisreprises et développées plus tard par Amoore [15],qui ont été les plus fructueux dans la recherche derelations entre structures et odeurs. Se basant sur lafréquence et la similitude des descripteurs employéspar les chimistes pour caractériser les odeurs dessubstances chimiques pures, Amoore classe lesodeurs en sept odeurs primaires : éthérée, camph-rée, menthée, florale, putride et piquante, auxquellesil associe la forme générale des molécules ayantcette odeur [16]. La découverte des anosmies spé-cifiques* pouvait laissait penser que cette anomalieétait liée à la déficience d’expression des récepteurscaractérisés par leur complémentarité avec lesformes moléculaires correspondantes. On pourraitdonc associer les odeurs primaires aux anosmiesspécifiques. Au fil des années, on a mis en évidencede plus en plus d’anosmies spécifiques, leur nombrepassant de 7 à environ 90 vers la fin des années 80.Ce nombre élevé faisait perdre beaucoup d’intérêt àla théorie des odeurs primaires. Il n’en reste pasmoins que l’idée selon laquelle l’odeur d’une molé-cule est liée, de manière plus ou moins complexe, àsa structure spatiale, est à la base des très nombreu-ses études des relations structure/odeur réaliséesces vingt-cinq dernières années [17].

Plus récemment a été introduit le conceptd’odotope ou olfactophore* [18]. Un olfactophoredécrit la disposition spatiale relative des groupessusceptibles d’interagir avec les récepteurs olfac-

tifs. Ces groupes ne sont pas définis de manière stricte, maisau contraire en termes généraux de type d’interaction (don-neur ou accepteur de liaison hydrogène, site hydrophobe,région polarisable, zone stériquement interdite, etc.). Cesmodèles sont construits sans nécessiter la connaissancepréalable du récepteur, en comparant les structures deséries de molécules ayant des odeurs semblables. Il fautdonc construire un olfactophore pour chaque odeur ouclasse d’odeurs. L’hypothèse sous-jacente est donc bienqu’à une odeur ou classe d’odeurs correspond un récepteurdont les particularités du site d’interaction peuvent êtredéduites de l’examen des caractéristiques structurales com-munes des molécules qui possèdent cette odeur. C’est ainsiqu’ont été développés des modèles simplifiés faisant inter-venir des liaisons hydrogène et des forces de dispersion [19].Les olfactophores se sont révélés des outils utiles pour laconception assistée par ordinateur de nouveaux odorants[18] ayant des odeurs particulières (comme par exemple lesodeurs de muscs*, d’amande amère, de santal, d’ambregris). Le premier composé dont la structure a été conçue surces bases semble être la Koavone® (E)-3,4,5,6,6-pentamé-thylhept-3-en-2-one, qui a une odeur semblable à la8-méthyl-β-ionone (citée par Ohloff [3]) (figure 1).

Tableau II - Exemples de composés possédant des structures proches et des propriétésolfactives différentes (d’après [38]).

noix de coco menthée herbacée épicée

aromatisant puissantbouillon cube

doux fortement fruitée, framboise

faible, acide

Tableau III - Exemples de composés à odeur de musc ayant des structures très différentes.

(R)-muscone Brassylate d’éthyle α-androsténol Civetone

Ambrettolide Vulcanolide Hydrindacene Fixolide® (Givaudan Roure)

Musc xylol Moskène Musc cétone Musc Ambrette

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Cependant, il subsiste de nombreuses exceptions etdésaccords et de multiples questions restent sans réponsessatisfaisantes [3, 20]. Certaines classes d’odeur n’ont paspermis d’établir de relations fiables. L’examen de la littéra-ture est à cet égard décevant car il est bien connu que l’onne publie pas facilement les étudesqui n’ont pas abouti à des résultatsjugés positivement. Il s’avère encoreaujourd’hui impossible de prédirel’odeur d’une molécule à partir de sastructure chimique avec un degré defiabilité satisfaisant.

Ceci n’est pas pour surprendre.En effet, l’établissement des relationsstructure/odeur est par nature pluscomplexe que celui des relationsstructure/activité. Un aspect impor-tant du problème tient au fait que la« réponse » n’est pas une propriétéphysique ou une activité biologiquemesurable, mais une perception quine peut être que décrite qualitative-ment par le sujet humain. La questionpourrait également être abordée dedeux autres points de vue : d’unepart, les effets physiologiques induitspar les odorants et, d’autre part, lesaspects cognitifs et linguistiques liésà la dénomination des odeurs. Lespremiers sont susceptibles d’êtreobservés et mesurés en situationexpérimentale par de nombreusestechniques, les seconds relèvent dessciences humaines. Si l’on se limite ànotre propos, on doit mentionner lapauvreté bien connue de notre voca-bulaire quand il s’agit de décrire lesodeurs [21]. Malgré les efforts destandardisation pour aboutir à unedescription plus objective de celles-ci[22], les réponses ne se laissent pasfacilement classer en catégories sta-bles parfaitement différenciées. Ils’avère que l’espace olfactif est unespace multidimensionnel complexedans lequel les catégories ne s’orga-nisent pas de manière hiérarchique[23]. Il est dès lors compréhensibleque l’on ne parvienne à établir desrelations structure/odeur efficacesque pour les classes d’odeurs lesmieux définies faisant l’objet d’unlarge consensus.

Bien que ce ne soit pas toujoursformellement affirmé, l’établissementdes relations structure/odeur reposesur le pari méthodologique qu’ilserait possible d’élaborer un modèlefaisant correspondre une descriptionde la structure de l’odorant (et/ou deses caractéristiques moléculaires) àune catégorisation de la perceptionolfactive, en faisant l’économie de laconnaissance de l’ensemble desniveaux d’organisation du système

olfactif. Or, du transport des molécules odorantes versl’épithélium olfactif*, où se trouvent localisés les neuronesspécialisés porteurs des récepteurs olfactifs, jusqu’à laperception de l’odeur et ses conséquences affectives,cognitives et comportementales, les niveaux d’interaction et

Tableau IV - Exemples d’énantiomères ayant des odeurs différentes (d’après [39]).

(4S)-(+)-carvoneherbacée, graines de carvi

(4R)-(-)-carvonementhe verte

(S)-(-)-2-méthyl butan-1-olfrais, éthéré

(R)-(+)-2-méthyl butan-1-olfermenté, gras

Acide (S)-(+)-2-méthyl butanoïquedoux, fruité

Acide (R)-(-)-2-méthyl butanoïquefromage, transpiration

(S)-(-)-limonènecitron, térébenthine

(R)-(+)-limonèneorange

(S)-(-)-(E)-α-iononeboisée, bois de cèdre

(R)-(+)-(E)-α-iononefruitée, framboise

(S)-(+)-(méthylthio)hexanolépicée

(R)-(-)-(méthylthio)hexanolfruitée, exotique

(S)-(-)-1-p-menthène-8-thiolsoufrée, extrêmement nauséabond

(R)-(+)-1-p-menthène-8-thiolpamplemousse, plaisante, fraîche

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d’intégration sont incroyablement complexes. Nosconnaissances sur chacun de ces niveaux ontconsidérablement progressé depuis les années 80, mais ilreste encore un long chemin à parcourir pour s’approcherd’une compréhension globale du sens de l’odorat quipermettrait d’expliquer la perception olfactive à partir despropriétés moléculaires des odorants. Cependant, on estaujourd’hui en mesure d’entrouvrir le couvercle de la boîtenoire.

Le système olfactif

Les sens chimiques que sont l’odorat et le goûtpermettent aux êtres vivants d’identifier et de réagir auxsubstances présentes dans leur environnement. Cetteaptitude existe, sous des formes plus ou moins différenciéeset évoluées, depuis les êtres unicellulaires jusqu’auxmammifères supérieurs [24]. Le sens de l’odorat estindiscutablement le plus sensible et le plus subtil. L’Hommen’est pas, et de loin, l’espèce ayant les meilleuresperformances en la matière ; néanmoins, le nez humain serévèle être un détecteur des molécules odorantes plussensible que la plupart des capteurs physico-chimiquesconnus. Cette sensibilité olfactive est mise à profit enchromatographie gazeuse en dérivant une partie du fluxgazeux vers un port de flairage (GC/olfactométrie). Bien quel’olfaction ne soit pas un sens vital pour notre espèce, ellecontribue sur le plan hédonique à l’appréciation desfragrances, des aliments et des boissons. La saveur desaliments est en effet sous la dépendance de la perceptionolfactive, par le biais des molécules odorantes libérées dansle palais et véhiculées vers la muqueuse olfactive par la voierétronasale*. Le nombre d’odeurs différentes que l’on peutdistinguer est sujet à discussions, mais peut atteindre plusde 10 000 pour un professionnel entraîné, et ceci à desconcentrations qui peuvent être extrêmement faibles (voirencadré 1).

La perception olfactive trouve son origine dans l’interac-tion entre les composés chimiques volatils transportés parl’air inhalé, par voie directe ou rétronasale, et les neuronesolfactifs (NO) situés dans l’épithélium du même nom quioccupe chez l’Homme une surface d’environ 2,5 cm2 dans lapartie supérieure de la cavité nasale (voir figure 2). L’extré-mité dendritique* de chaque NO porte une touffe de 20 à30 cils ayant entre 50 et 200 microns de longueur quibaignent dans le mucus recouvrant l’épithélium. Le mucuscontient de nombreuses protéines et assure diversesfonctions : défense immunitaire, détoxification, concentra-tion et élimination des molécules odorantes et lavage perma-

nent de la muqueuse. L’existence de récepteurs spécifiquesportés par les cils des neurones olfactifs avait été postuléedepuis longtemps, mais leur nature protéinique exacten’avait pas été établie avant les travaux d’Axel et Buck. A leurautre extrémité, les NO prolongent leurs axones* qui seregroupent en faisceaux de 10 à 100 axones. Ces faisceauxtraversent la lame osseuse criblée de petits trous de l’osethmoïde*, situé à la base du crâne, pour converger dans lepremier niveau de connexions synaptiques avec d’autresneurones relais appelés cellules mitrales. Les amas deconnexions synaptiques constituent les glomérules qui sontlocalisées dans les deux bulbes olfactifs. Le taux de conver-gence est très élevé puisque chaque glomérule reçoit lesterminaisons des axones de plusieurs milliers de neuronesolfactifs. Les axones des cellules mitrales forment les filetsnerveux qui vont assurer les connexions avec le cortex olfac-tif. Les études de l’activité du cerveau par diverses méthodescomplémentaires : électroencéphalographie* (EEG), magné-toencéphalographie* (MEG), tomographie par émission depositon* (TEP), imagerie de résonance magnétique nucléairefonctionnelle* (IRMf), montrent que de nombreuses autreszones du cerveau sont activées lors des stimuli olfactifs. Enparticulier, c’est le cas du thalamus, de l’amygdale* ratta-chée au système limbique* concerné par les émotions, et ducortex orbito-frontal. L’information olfactive n’est doncjamais pure mais se trouve associée à son contexte sensorielglobal et émotionnel.

Le chimiste est avant tout concerné par les toutespremières étapes au cours desquelles les moléculesodorantes vont rencontrer les récepteurs olfactifs pourdéclencher la cascade d’évènements moléculaires quiproduiront l’influx nerveux transmis aux glomérules.

Koavone® 8-méthyl-β-ionone

Figure 1 - La Koavone®, premier exemple de molécule conçue ens’appuyant sur la modélisation moléculaire, a une odeur semblable àcelle de la 8-méthyl-β-ionone.

Encadré 1

L’extrême puissanced’une molécule odorante (d’après [40])

L’odeur de certaines moléculespeut être perçue à des concentra-tions extrêmement faibles. Parexemple, la pyrrolidino[1,2-e]-4H-2,4-diméthyl-1,3,5-dithiazine (voirfigure) dont les deux énantiomèrespeuvent être détectés par l’Hommeà une concentration de 10-18 g/Ld’eau, ce qui correspond à environ4 µg dans une piscine olympique !

Figure 2 - Anatomie du système olfactif.a- air inspiré par voie directe ou orthonasale ; b- air inspiré par voie rétronasale ;c- bulbe olfactif ; d- os ethmoïde ; e- neurone olfactif ; f- cellule basale ;g- cellule de soutien ; h- mucus ; i- glomérule ; j- cellule mitrale ; k- vers le cortexolfactif.

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Les récepteurs olfactifset le codage neuronal de l’odeur

En 1991, L. Buck et R. Axel publient une étude fonda-mentale qui ouvre la voie à la compréhension des basesmoléculaires de la perception des odeurs [1]. Afin d’identifierla présence de récepteurs dans les neurones olfactifs del’épithélium, ils ont émis l’hypothèse que ces récepteursappartenaient à la grande famille des protéines de typeGPCR (« G protein-coupled receptor ») (voir encadré 2). Cesprotéines sont connues pour permettre la communicationchimique entre l’extérieur et l’intérieur de la cellule. Ellesreçoivent le « signal chimique » à l’extérieur de la cellule et letransfèrent à l’intérieur en activant la protéine G* associée.Celle-ci initie alors la production d’un ou plusieurs messa-gers chimiques secondaires, notamment l’AMP cyclique*,dont l’action déclenche l’ouverture des canaux ioniques dela cellule. Le flux d’ions qui en résulte entraîne une modifica-tion de l’état de polarisation de la membrane. Lorsque cettedépolarisation est suffisante, elle provoque la transmissionde l’influx nerveux par l’intermédiaire de l’axone vers les glo-mérules qui constituent, comme nous l’avons vu (figure 2), lepremier niveau d’intégration du signal olfactif. L’encadré 3décrit d’une manière simplifiée ce processus de transductionau niveau transmembranaire.

Les molécules odorantes ont généralement un caractèrehydrophobe assez marqué et leur transport vers lesrécepteurs olfactifs doit avoir lieu au travers du mucusolfactif qui recouvre l’épithélium et dans lequel les odorantssont très peu solubles. On admet aujourd’hui qu’avantd’entrer en interaction avec les récepteurs olfactifstransmembranaires, les molécules odorantes sont associéesà un autre type de protéines, dites « odorant bindingproteins » (OBP) [25] ou « odorant transport proteins »(OTP)(2) [26]. Ces protéines, présentes dans le mucus quirecouvre l’épithélium olfactif*, font partie de la famille plusgénérale des protéines de transport que l’on retrouve

notamment dans de nombreux fluides physiologiques. Ellescontribuent au transport des molécules odorantes à traversle mucus, depuis le flux d’air inhalé par voie directe ourétronasale vers les cils des neurones olfactifs sur lesquelsse trouvent localisés les récepteurs olfactifs. La structured’un complexe entre une OTP (ici une OTP du porc) et unemolécule odorante (dihydro myrcénol) est représentée sur lafigure 3. Au-delà de ce rôle de solubilisation des odorants etde leur transport, les OTP pourraient jouer un rôle dansl’interaction proprement dite entre l’odorant et le récepteur[27], par exemple comme filtre, afin d’éviter une saturationdes récepteurs, ou encore en menant les odorants vers lesrécepteurs pour lesquels leur affinité est la plus grande.

De par leur nature transmembranaire, les récepteursolfactifs sont difficiles à identifier lors de l’analyse de tissusbiologiques. En conséquence, Axel et Buck ont utilisé uneapproche détournée qui repose sur l’identification desséquences d’ADN susceptibles de produire ce type deprotéines dans l’épithélium olfactif. La séquence typique desGPCR étant connue, l’ADN codant pour ce type de protéinespeut en être déduit et ainsi décelé lors de l’analyse.L’existence d’une grande famille de gènes exprimant cettenouvelle famille de protéines appartenant à la classe desGPCR a donc été identifiée, révélant de facto la présence de

Encadré 2

Schéma simplifiéd’une protéine transmembranaire

Les GPCR sont des protéines insérées dans la membranecellulaire, d’où leur nom de protéines transmembranaires. Lamembrane, représentée en bleu, est constituée d’une doublecouche de molécules à longues chaînes hydrophobes et têteshydrophiles. Les GPCR ont une structure formée de sept hélices αreliées entre elles par six boucles, dont trois sont situées àl’extérieur et trois autres à l’intérieur de la cellule. L’extrémité Nterminale se trouve à l’extérieur de la cellule. Elles sont associéesà une protéine intracellulaire dite protéine G*.

Encadré 3

Description simplifiée du processusde transduction au niveau transmembranaire

Les molécules odorantes (o), présentes dans l’air, sont captéespar les protéines de transport (OT), puis conduites à travers lemucus vers le récepteur olfactif transmembranaire (OR). Cerécepteur active alors une protéine G* intracellulaire (G) qui libèresa sous-unité activée (Ga). Celle-ci va initier la production demessagers chimiques, notamment l’adénosine monophosphatecyclique (AMPc*) à partir de l’adénosine triphosphate (ATP), vial’activation de l’adénylate cyclase* (AC et sa forme activée ACa).La cascade d’événements se poursuit par la modification de l’étatde polarisation de la membrane, effectuée par échange d’ions Cl-,Na+ et Ca2+.

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ces protéines dans l’épithélium olfactif. Les basesmoléculaires des phénomènes de l’olfaction se trouvaientainsi posées, ouvrant la voie à d’autres études plus précisessur la localisation, la structure et l’affinité des récepteursolfactifs vis-à-vis de différents ligands.

Les séquences d’acides aminés des protéines consti-tuant les récepteurs olfactifs ont été déterminées indirecte-ment à partir de la connaissance de la séquence d’ADN. Demanière classique, la structure tridimensionnelle des protéi-nes est établie et vérifiée par des techniques comme la cris-tallographie aux rayons X, la microscopie électronique ou laspectroscopie de résonance magnétique nucléaire (RMN).Cependant, ces techniques sont plus particulièrement appli-cables pour des protéines hydrosolubles. Dans le cas desprotéines transmembranaires de type GPCR, qui ne gardentleur intégrité structurale que dans des conditions physico-chimiques bien particulières, ces techniques ne sont plusadéquates. De nouvelles techniques comme la cryomicros-copie bidimensionnelle doivent être mises en œuvre pourélucider les structures des récepteurs olfactifs. En l’étatactuel des choses, très peu d’informations expérimentalessur la structure tridimensionnelle des protéines GPCR sontdisponibles. A ce jour, seule la structure de la rhodopsine aété déterminée par des méthodes cristallographiques direc-tes, si bien que les structures tridimensionnelles des récep-teurs olfactifs sont construites théoriquement par analogieavec celle-ci [28]. La structure moléculaire d’un récepteurolfactif est représentée figure 4.

L’analyse génétique a révélé que les protéines consti-tuant les récepteurs olfactifs sont principalement expriméesau sein des neurones olfactifs(3) et qu’elles comportent desparties hautement variables, notamment au niveau d’unevingtaine d’acides aminés dans les hélices 3, 4 et 5, considé-rées comme formant la poche d’interaction avec la moléculeodorante. Depuis, de nombreux travaux se sont attachés àles dénombrer, les classer et à mettre en évidence leurcaractère fonctionnel [29]. L’analyse du génome humain apermis à Buck et à ses collaborateurs de montrer que lafamille des gènes qui codent pour ces récepteurs olfactifsétait constituée de 339 gènes fonctionnels et de 297pseudo-gènes. En outre, la comparaison de leur séquencea conduit à leur classification en 172 sous-familles. Par la

suite, il a été établi qu’un neurone olfactif donné n’exprimequ’un seul type de récepteur, que chaque type de récepteura des affinités plus ou moins fortes pour plusieurs odorantset que, corrélativement, une molécule odorante peut activerplusieurs récepteurs [30]. En conséquence, différents odo-rants activent plus ou moins intensément des ensemblesdistincts de récepteurs olfactifs qui peuvent néanmoins serecouvrir partiellement. Ces résultats éclairent d’un jour nou-veau la question du type d’interactions se produisant entreles molécules odorantes et leurs récepteurs. Celles-ci nesont pas très spécifiques et le modèle qui en résulte est fortéloigné du paradigme un peu simpliste « clef-serrure » sou-vent évoqué dans les modèles d’interactions biologiques. Enfait, il ne s’agit pas ici de reconnaître une molécule particu-lière, ce qui serait inefficace compte tenu de la grande variétédes structures chimiques des odorants. La reconnaissancese fait par un processus faisant intervenir des affinités relati-ves avec de multiples récepteurs, de telle sorte que l’infor-mation qui en résulte est de nature combinatoire. D’autrepart, des travaux récents ont établi que tous les neurones quiportent le même récepteur olfactif projettent leur axone* versun seul (ou peut être deux) glomérule, et ce quelle que soitleur localisation dans l’épithélium. Enfin, il a été montré queles glomérules suivent une organisation topologique stableau sein du bulbe olfactif. La reconnaissance des odeurss’apparente donc à la reconnaissance de formes* et on esten droit de parler d’image olfactive projetée au sein dubulbe olfactif. Le nombre élevé de types de récepteursolfactifs, le caractère combinatoire de l’information et cetaspect « reconnaissance de formes » permet de comprendreque l’on soit capable de distinguer l’odeur d’un nombreincroyablement élevé de molécules différentes (voirencadré 4). Si l’on admet qu’une molécule odorante donnéepeut activer seulement trois récepteurs différents (en faitelle interagit avec un nombre bien plus élevé), le nombrethéorique de molécules que l’Homme serait susceptible dediscriminer serait de l’ordre de 40 millions !(4). Un nombre dumême ordre de grandeur que celui de toutes les moléculesconnues à ce jour.

Des travaux récents se sont attachés à évaluer les répon-ses d’un récepteur donné face à une gamme relativement

Figure 3 - Deux vues du complexe OTP/dihydro myrcénol (2,6-diméthyl oct-7-én-2-ol).La structure a été obtenue par une simulation de dynamique moléculaire ducomplexe OTP/dihydro myrcénol dans l’eau, dont le point initial est la structureexpérimentale, obtenue par diffraction de rayons X (référence dans la base dedonnées Protein Data Bank : 1E00). L’odorant se situe au sein de la structureprotéinique dite en tonneau, formée par huit feuillets β (en bleu).

Figure 4 - Structure tridimensionnelle d’un complexe entre unrécepteur olfactif du rat et une molécule d’isobutyl-méthoxypyrazine.La structure du récepteur a été reconstruite à partir de sa séquence d’acidesaminés et par homologie avec la rhodopsine. L’odorant a été placé dans lacavité présumée du récepteur : entre les hélices 3, 4 et 5. Les sept hélicesdu récepteur sont représentées en rouge ; elles sont reliées entre elles parsix boucles représentées en vert.

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large d’agonistes* (odorants) [31]. Il devient dès lors poten-tiellement possible de déterminer quels sont les récepteursolfactifs susceptibles d’être activés par une moléculeodorante particulière. Toutefois, ce type d’expérience étantextrêmement lourd à mettre en œuvre, il est difficile d’envi-sager sa généralisation et la liste des récepteurs activésdéterminée ainsi ne saurait être exhaustive.

Quelles conséquencespour les chimistes du domaine ?

Les progrès réalisés par les chimistes, biochimistes, bio-logistes, neurophysiologistes, psychologues et médecinsdans la compréhension du fonctionnement du systèmeolfactif, mis en lumière par le comité Nobel en récompensantles travaux fondamentaux d’Axel et Buck, vont-ils avoir desconséquences sur le travail des chimistes spécialistes desarômes et parfums ? La réponse est duale. En effet, ces tra-vaux ont révélé la complexité et le caractère hautement sys-témique des différents niveaux d’intégration de l’informationolfactive. Aucune des disciplines concernées ne peut préten-dre en appréhender sa globalité, mais chacune peut appor-ter sa contribution dans des approches qui se doivent d’êtretransdisciplinaires.

Malgré cette complexité, la connaissance plus précise dela nature des interactions entre odorants et récepteurspourrait fournir des informations précieuses afin d’évaluer lesaffinités relatives d’une molécule vis-à-vis d’un ensemblede récepteurs ou d’un récepteur vis-à-vis d’une collection demolécules. Cette approche pourrait être complémentaire desétudes expérimentales dont la difficulté a été précédemmentsoulignée. Les méthodes de modélisation moléculaire sontsusceptibles de fournir de telles informations, à la conditionque la structure des récepteurs soit connue et que le sited’interaction entre la molécule et la protéine soit clairementlocalisé et conservé dans l’ensemble des récepteursolfactifs. Ceci pose le problème de l’élucidation structuralede tels édifices moléculaires, dans lequel le chimiste a un

rôle crucial à jouer. De même, on peut attendre de lamodélisation qu’elle donne des précisions sur les modes decapture et de libération des odorants par les OTP, ainsi quesur les complexes protéines de transport/récepteursrécemment mis en évidence expérimentalement. Des étudesde ce type sont en cours dans notre laboratoire.

Une meilleure compréhension au niveau moléculaire deces premières étapes de l’olfaction permet d’envisager desavancées décisives dans l’élaboration de relations structure/odeur plus fiables. Contrairement aux premières approchesdans lesquelles l’ensemble du système olfactif était traitécomme une boîte noire, la voie à suivre devrait s’inspirer desconnaissances récemment acquises sur la façon dont lesystème traite l’information. Pour ce faire, on peut envisagerd’élaborer une première série de modèles afin d’estimersemi quantitativement les réponses des divers types derécepteurs vis-à-vis d’une molécule donnée. Ces réponsesétant non linéaires, les méthodes classiques de régressiondevront être délaissées au profit d’approches capables deprendre en compte cette non-linéarité. Les réseauxneuromimétiques* artificiels à couches sont bien adaptéspour cela [32]. Des approches utilisant ce type de réseauxont déjà montré leur efficacité dans des études de relationsstructure/odeur appliquées à des séries spécifiques [33].Le deuxième niveau de traitement devrait mettre en œuvredes méthodes de reconnaissance de formes appliquées auxréponses fournies par les réseaux à couches. Ici encore,la technologie des réseaux neuromimétiques artificiels àcouches semble prometteuse, elle est d’ailleurs courammentemployée dans les nez électroniques pour traiter lessignaux délivrés par les capteurs physico-chimiques peuspécifiques, mais d’autres approches telles que la logiquefloue ou les réseaux de Hopfield [34] mériteraient d’êtreexplorées.

La voie est donc largement ouverte à un renouveau desrecherches de relations structure/odeur, mais l’ampleur desétudes à entreprendre dépasse les capacités d’un seul labo-ratoire universitaire. Un programme de collaboration à une

Encadré 4

Représentation schématique du caractère « reconnaissance d’images »et combinatoire de la perception des odeurs

Les assertions suivantes font actuellement l’objet d’un consensus :- Chaque neurone olfactif NO n’exprime qu’un seul type derécepteur RO.

- Une molécule M peut activer plus ou moins fortement plusieursNO portant des RO différents.

- Les axones des NO portant le même RO convergent vers unmême glomérule.

- Les glomérules ont une organisation spatiale dans le bulbeolfactif stable.

Les figures ci-dessous représentent d’une manière schémati-que le caractère « reconnaissance d’image » et combinatoire dela perception des odeurs.

A : réponse d’un NO à une molécule M représentée par unecouleur plus ou moins rouge.

B : activation des glomérules par une molécule M1. L’ensembledes glomérules plus ou moins activés forme une « image » quiest interprétée comme l’odeur de M1.

C : activation des glomérules par une autre molécule M2conduisant à une image olfactive différente.

D : activation simultanée des glomérules par M1 et M2. Selon lecas, on peut reconnaître les deux odeurs, ou une odeur différentede celle des deux molécules.

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échelle internationale s’impose pour relever ce défi. Quantaux entreprises, elles ont des impératifs économiques etréglementaires qui limitent leurs objectifs de recherche à deséchéances plus courtes, et ce d’autant plus qu’il reste desdifficultés considérables à surmonter. Par exemple, il a éténoté que la perception d’un odorant peut être fortementmodifiée en fonction de sa concentration. C’est le cas duthioterpinéol qui est décrit comme ayant une odeur de fruittropical à faible concentration, une odeur de raisin à concen-tration plus élevée, alors qu’il devient même nauséabond àforte concentration. La combinatoire associée aux interac-tions des odorants avec les récepteurs olfactifs et l’imagebulbaire qui en résulte sont donc variables avec la concen-tration de l’odorant. Ces modifications de la perceptionolfactive ne peuvent pas encore être prises en compte.Les problèmes posés ne sont donc pas seulement d’ordrechimique, mais concernent aussi la neurophysiologie.

Dans ce contexte, il sera intéressant de poursuivre lesinvestigations associant la stimulation spécifique des récep-teurs périphériques avec l’imagerie médicale fonctionnelle(telle que la tomodensitométrie à émetteurs de positons)pour une exploration fine des aires cérébrales impliquéesdans le goût et l’odorat. On ne saurait également négliger leschamps cognitifs et sémantiques de la description olfactive,champs qui sont encore très insuffisamment explorés. Pourle point sur les travaux dans ces domaines, voir l’ouvragerécemment publié sous la direction de Rouby [35].

La perspective de disposer de relations structure/odeurplus fiables devrait permettre aux chimistes d’avancer plusrapidement dans la découverte de nouvelles molécules odo-rantes. Ceci est une nécessité pour l’industrie qui doit faireface à des contraintes réglementaires de plus en plus stricteset chercher des substituts aux molécules dont l’usage setrouve restreint. C’est par exemple le cas du citral ou del’isoeugénol dont l’usage a été réglementé par la Commu-nauté européenne, bien qu’ils soient l’un et l’autre présentsdans les extraits naturels et utilisés traditionnellement dansde nombreuses compositions. La palette des moléculesdont disposent les parfumeurs ne comporte pas moins de4 000 substances dont la moitié environ sont synthétiques.Néanmoins, la recherche de nouvelles fragrances et desubstituts plus économiques à des matières très coûteusesou dont l’approvisionnement est aléatoire ou en voie de res-triction reste un des moteurs de la concurrence entre les fir-mes. Mais dans ce domaine, le facteur temps est décisif etles industriels ne peuvent pas attendre ; ils ont donc recoursà d’autres approches plus traditionnelles pour découvrir denouvelles molécules odorantes.

Cependant, le domaine des fragrances et des arômes nese réduit pas à la recherche de nouvelles molécules. Il nesuffit pas qu’une substance possède une odeur, fut-elleoriginale, pour qu’elle présente un intérêt pour l’industrie ;elle doit aussi :- pouvoir être formulée harmonieusement avec d’autresmolécules odorantes ;- être suffisamment stable ;- pouvoir être synthétisée dans des conditions économique-ment acceptables ;- être brevetable, en particulier pour sa synthèse ou sesutilisations ;- ne pas être toxique, irritante, allergisante, etc.

L’examen de ces différents points montre que, même sila découverte de nouvelles molécules odorantes dignesd’intérêt sera certainement simplifiée par la compréhensiondes phénomènes d’olfaction, elle reste complexe et

nécessite encore pour de nombreuses années l’apport de lachimie, et cela sous deux angles différents.

Le premier est d’ordre purement chimique. Il s’agit del’ensemble des problèmes à résoudre en synthèse organi-que, en chimie et physico-chimie des solutions et en formu-lation. En effet, la découverte de la structure d’un composéodorant potentiellement intéressant n’est que le début d’unprocessus complexe impliquant de nombreux domaines dela chimie avant de pouvoir l’utiliser dans une composition.

La synthèse organique est une première étape ; il estnécessaire de développer une synthèse efficace et à moin-dre coût pour conduire au composé cible. Dans certains cas,il est difficile, voire impossible, de synthétiser ce composé àun coût acceptable. Le chimiste peut alors proposer unestructure proche mais plus facile d’accès et sensée possé-der des propriétés voisines. Citons le cas du jasmonate deméthyle identifié dans l’absolue de jasmin dès 1957. Pen-dant très longtemps, ce composé dont la synthèse est ren-due difficile par la présence d’une double liaison portée parla chaîne alkényle substituant la cyclopentanone n’était pasdisponible dans le commerce. Cependant, les parfumeursavaient accès à son homologue insaturé, l’hédione, quipossède des caractéristiques olfactives proches (figure 5).

La stabilité d’un composé parfumant ou aromatisant estun paramètre très important à prendre en compte. Il estsouvent nécessaire de réaliser de petites modificationsstructurales sur un composé ayant une odeur ou un arômeintéressant mais peu stable, pour conduire à un composéplus stable possédant des propriétés organoleptiquesproches. Ainsi, les aldéhydes aliphatiques comme len-octanal ou n-décanal possèdent des propriétés olfactivesparticulièrement intéressantes avec des notes « peaud’orange ». Ils sont employés en solution alcoolique dansplusieurs parfums de luxe comme N°5 de Chanel.Cependant, leur utilisation pour parfumer des produitsd’usage quotidien (savons, détergents…) est limitée par lemanque de stabilité de la fonction aldéhyde. La chimie aapporté plusieurs solutions à ce problème. La plus utiliséeconsiste à remplacer la fonction aldéhyde par ungroupement plus stable (nitrile, acétyle, oxime) tout enconservant les mêmes propriétés olfactives.

Enfin, dans leurs applications pratiques, les odorantssont rarement utilisés purs mais en mélange dont lacomposition peut être très complexe. Or, les odeurs ne sontpas de simples propriétés additives. Certains composés ontun effet d’exaltation, d’autres d’inhibition, et certainsmélanges peuvent avoir des odeurs totalement différentesde celles de leurs constituants. La formulation ou l’art duparfumeur et de l’aromaticien prend une part capitale dansle succès de la valorisation d’une molécule odorante.

Jasmonate de méthyle Hédione

Figure 5 - L’hédione, molécule de synthèse, substitut du jasmonatede méthyle.

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Le deuxième angle à prendre en considération est relatifaux contraintes réglementaires déjà évoquées, qui sont deplus en plus prégnantes pour la profession. Les moléculesaromatisantes et parfumantes sont classées en trois grandescatégories qui ne sont pas soumises aux mêmescontraintes :- les molécules naturelles, issues du règne végétal ou animalet obtenues soit par extraction, soit par des procédésenzymatiques ou de fermentation ;- les molécules dites « identiques au naturel », obtenues parsynthèse, mais déjà identifiées dans des produits naturels ;- les molécules de synthèse ou artificielles, obtenues parsynthèse et jamais identifiées dans des produits naturels.

Cette troisième catégorie de composés odorants estsoumise aux contraintes les plus restrictives. Ceci a deuxgrandes conséquences. La première est la place de plus enplus importante prise par la chimie analytique pour identifierde nouveaux composés dans les extraits naturels. En effet,la mise en évidence d’un composé, même à l’état de trace,dans une matrice naturelle, le fait passer dans l’une des deuxautres catégories et sa mise sur le marché en tant que molé-cule parfumante ou aromatisante en est facilitée. L’étude desproduits naturels a suivi, et continuera de suivre les progrèsde l’instrumentation analytique, en particulier ceux de lachromatographie en phase gazeuse et de ses nombreuxdétecteurs, dans la quête de l’identification de nouveauxcomposés. La deuxième conséquence est le développementdes biotechnologies qui permettent l’obtention d’arômesnaturels par des microorganismes, bactéries, enzymes. Eneffet, les réactions de bioconversions sur des produits natu-rels conduisent à des composés qui gardent le label naturel.Parmi les composés d’intérêts produits industriellement parbiotransformation, l’exemple de la vanilline est édifiant. Onen produit environ 12 000 t/an, dont moins de 1 % provientdes gousses de vanille à un prix se situant entre 1 200 et4 000 $/kg. La majeure partie de la vanilline consommée estobtenue par synthèse, généralement à partir de gaïacol oude lignine. Son prix de revient est alors inférieur à 15 $/kg,mais le produit est classé comme « identique au naturel », cequi en limite l’utilisation, en particulier dans les arômes ali-mentaires. La bioconversion à partir de stylbènes phénoli-ques, d’eugénol, d’acide férullique ou de lignine permetd’obtenir de la vanilline labellisée « naturelle » à un prix pluscompétitif (500-700 $/kg) que celui de la vanilline issue desgousses de vanille.

Conclusions

Les résultats obtenus en recherche fondamentale aucours des vingt dernières années permettent une meilleurecompréhension de l’olfaction depuis la chimioréceptionpériphérique des odorants jusqu’à leur perception et leursincidences cognitives et comportementales. Les avancéesdans les différentes disciplines concernées sont inégales.

En ce qui concerne la chimie, elles ouvrent la voie à unrenouveau dans l’établissement de relations structure/odeurplus fiables, ce qui devrait donner une base plus rationnelleà la recherche de nouvelles molécules ayant des propriétésorganoleptiques particulières. Mais à court terme, les retom-bées pratiques dans le monde industriel des arômes et par-fums semblent encore limitées. Pourtant, on peut imaginerdes applications innovantes, peut-être moins d’ailleurs dansla découverte de nouveaux odorants que dans la recherchede modificateurs (exaltateurs ou inhibiteurs) à spectre plus oumoins large de la perception olfactive et gustative. A première

vue, ces approches peuvent paraître d’un intérêt secondairelorsqu’on envisage leur application chez l’Homme. Néan-moins, nous pouvons espérer un nouvel éclairage sur les rap-ports intriqués entre les aires olfactives, la mémoire et les acti-vités cognitives associées. Rappelons que l’odorat et le goûtsont impliqués dans le comportement de l’individu vis-à-visde la nourriture dans le sens des renforcements négatifs(écœurement, sensation de rassasiement) ou positifs (appé-tit). Dans ce contexte, ces travaux semblent être d’uneextrême importance dans le domaine nutritionnel, et toutparticulièrement pour combattre l’obésité et l’anorexie.

Par ailleurs, ces avancées sont cruciales pour lesanimaux et en particulier les insectes pour lesquels lesodeurs jouent un rôle très important et encore mal connudans le comportement (reproduction, alimentation,reconnaissance, etc.). L’usage de composés odorants, nontoxiques, perçus par les animaux à des doses infimespourrait offrir une alternative à celui des pesticides dans lalutte contre les insectes ravageurs ou propagateurs demaladies. La connaissance des gènes codant pour lesrécepteurs olfactifs ouvre la voie à cette stratégie, laquellea déjà fait l’objet de dépôts de brevets. Par ailleurs, laprésence de ce type de récepteurs en dehors de l’épithéliumolfactif ne restera certainement pas sans applications. Parexemple, leur rôle dans le guidage des spermatozoïdes versl’ovule pourrait être perturbé par des molécules odorantesouvrant de nouvelles perspectives en matière decontraception locale.

La découverte des récepteurs olfactifs montre, s’il enétait encore besoin, à quel point la séparation entrerecherche fondamentale et appliquée est artificielle. La quêtene fut pas aisée, Linda Buck en rapporte l’histoire dans unarticle postérieur à l’attribution du prix Nobel [36]. Elle ensouligne les difficultés et la nécessité, pour mener desrecherches aussi fondamentales, d’être soutenu pendantplusieurs années sans être soumis à la pression de devoirabsolument publier à court terme.

Remerciements

Nous remercions Stéphane Le-Saint, ingénieur au Centrede Modélisation et d’Imagerie Moléculaire de l’UNSA, pourla réalisation des illustrations.

Notes et références

Les mots suivis d’un astérisque* sont définis dans leglossaire.(1) 16,3 milliards de dollars en 2003 (source : http://www.leffingwell.com/

top_10.htm, consulté le 13/12/2004).(2) Les protéines de transport sont généralement appelées « odorant binding

protein », (OBP). Nous préférons la dénomination OTP, pour « odoranttransport protein », dans la mesure où la notion de transport nous sembleplus appropriée au rôle effectivement joué par cette protéine. Par ailleurs,la notion de liaison (« binding ») est ici dévoyée car l’une des propriétésde ce type de protéines est justement de ne pas être sélective, mais plutôtde générer des interactions assez faibles avec le ligand.

(3) Dans un premier temps, on a cru que les récepteurs olfactifs n’étaientexprimés que dans les neurones olfactifs. On a découvert depuis desrécepteurs du même type (mais peut-on encore les qualifier d’olfactifs ?)dans divers organes (le foie notamment) et dans les cellulesspermatiques où ils pourraient jouer un rôle chimiotaxique* pour guiderles spermatozoïdes vers l’ovule.

(4) Pouvoir les reconnaître et les nommer est une toute autre question, quirepose en grande partie sur l’apprentissage. Pour le commun desmortels, et même pour la majorité des chimistes, cet apprentissage estinexistant. Quant aux spécialistes de la parfumerie entraînés, ils peuventreconnaître quelques milliers de composés d’après leur odeur. Et encorene s’agit-il que de composés définis purs. Le problème devient autrementplus complexe si l’on s’intéresse à une composition qui peut comporterquelques dizaines de constituants, ou à une matrice naturelle dont leseffluves peuvent en contenir plusieurs centaines.

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Article soumis le 12/01/2005, accepté le 24/03/2005.

Uwe J. Meierhenrich1 est chargé de recherche au CNRS(rattaché à l’UMR 6001). Spécialiste des méthodes deséparation énantiosélectives, il travaille à l’analyse et lacaractérisation des molécules odorantes et aromatisantesau sein du laboratoire « Arômes, Synthèses et Interactions »(ASI)*.

Jérôme Golebiowski2 est maître de conférences dans cemême laboratoire* où il étudie par modélisation moléculaireles interactions entre les protéines de transport (OTP) et lesmolécules odorantes.

Xavier Fernandez3 y est maître de conférences* et travaillesur l’identification et la caractérisation des substancesorganoleptiques dans les matrices naturelles.

Daniel Cabrol-Bass4 (auteur correspondant) est profes-seur à l’Université de Nice-Sophia Antipolis où il dirigel’ASI*. Il s’intéresse à la perception et la caractérisationdes odeurs.

* Laboratoire « Arômes, Synthèses et Interactions », Universitéde Nice-Sophia Antipolis, Faculté des Sciences, Parc Valrose,06108 Nice Cedex 2.

1 Tél. : 04 92 07 61 77.Courriel : [email protected]

2 Tél. : 04 92 07 61 03.Courriel : [email protected]

3 Tél. : 04 92 07 64 69.Courriel : [email protected]

4 Tél. : 04 92 07 61 20.Courriel : [email protected]

De gauche à droite : Daniel Cabrol-Bass,Xavier Fernandez, Uwe J. Meierhenrich etJérôme Golebiowski.