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La phonologie: etude de la fonction et de I'organisation des sons arrondies. des voyelles posterieures, etc. Toutes ces classes ont au moins In trait en commun. Lorsque les allophones d'un phoneme ne sont pas en variation iibre, leur distribution est reglernentee: les uns apparaissent dans un con- texte phonetique donne et les autres dans un environnement phonetique different. On dit alors de ces allophones, qui s'excluent mutuellement en termes de contextes d' occurrence, qu'ils sont en distribution com ple- mentaire . Les segments [t] et [d] apparaissent dans les autres contextes que ceux ou apparaissent [1'] et [d Z ] ; ils ne se trouvent jamais devant les voyelles [i] et [y]. Les segments lt'l et [d Z ] sont done en distribution cornplementaire avec les segments [t] et [d]. Ce sont deux allophones des phonemes It! et Id/ respectivement, tel que schematise ci-dessous (18) It I I dl phonemes .>>: [t] [t'] [d] [d Z ] allophones Pour resumer, on peut dire que: I) Un phoneme permet une distinction sernantique. 2) Des allophones d'un meme phoneme sont phonetiquement semblables. 3) II n' y a pas de paires minimales pour les allophones d 'un merne phoneme. 4) La distribution des allophones d 'un merne phoneme est previsible lorsqu'il s'agit de variantes conditionnees (p. ex. [1'] et [d Z )) . 5) La distribution des allophones d'un merne phoneme n'est pas previsible lorsqu'il s'agit de variantes libres (p. ex. [r] et [R)). Lorsqu'on analy se un corpus d'une langue qui nous est etrangere, il est toujours plus facile d'identifier l'allophone qui a une distribution restreinte. En regie generale, cet allophone est un segment moins frequent, d Z plus rare. Par exemple, les affriquees [t', ] sont plus rares dan s les langues du monde que [t, d] (consonnes moins marquees). A partir de ce constat, on peut avancer qu'un segment dont la distribution est restreinte a de bonnes chances d'etre un allophone. 3.3 Les traits phonologiques Lorsque I'on parle, par exemple, du phoneme lui, il s' agit en fait d'une simplification pour faire reference a cette entite abstraite qui sous-tend tous les allophones possibles. Le phoneme lui est en realite une matrice de 69

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La phonologie: etude de la fonction et de I'organisation des sons

arrondies. des voyelle s posterieures, etc. Toutes ces classes ont au moins In trait en commun.

Lorsque les allophones d'un phoneme ne sont pas en variation iibre, leur distribution est reglernentee: les uns apparaissent dans un con­texte phonetique donne et les autres dans un environnement phonetique different. On dit alors de ces allophones, qui s'excluent mutuellement en termes de contextes d' occurrence, qu' ils sont en distribution comple­mentaire. Les segments [t] et [d] apparaissent dans les autres contextes que ceux ou apparaissent [1'] et [dZ

] ; ils ne se trouvent jamais devant les voyelles [i] et [y]. Les segments lt'l et [dZ

] sont done en distribution cornplementaire avec les segments [t] et [d]. Ce sont deux allophones des phonemes It! et Id/ respectivement, tel que schematise ci-dessous

(18) It I I dl phonemes

~ .>>: [t] [t'] [d] [dZ

] allophones

Pour resumer, on peut dire que:

I) Un phoneme permet une distinction sernantique.

2) Des allophones d'un meme phoneme sont phonetiquement semblables.

3) II n' y a pas de paires minimales pour les allophones d 'un merne phoneme.

4) La distribution des allophones d 'un merne phoneme est previsible lorsqu'il s'agit de variantes conditionnees (p. ex. [1'] et [dZ

)) .

5) La distribution des allophones d'un merne phoneme n'est pas previsible lorsqu'il s'agit de variantes libres (p. ex. [r] et [R)).

Lorsqu'on analy se un corpus d'une langue qui nous est etrangere, il est toujours plus facile d 'identifier l'allophone qui a une distribution restreinte. En regie generale, cet allophone est un segment moins frequent,

dZplus rare. Par exemple, les affriquees [t', ] sont plus rares dans les langues du monde que [t, d] (consonnes moins marquees). A partir de ce constat, on peut avancer qu'un segment dont la distribution est restreinte a de bonnes chances d ' etre un allophone.

3.3 Les traits phonologiques

Lorsque I'on parle, par exemple, du phoneme lui, il s' agit en fait d'une simplification pour faire reference a cette entite abstraite qui sous-tend tous les allophones possibles. Le phoneme lui est en realite une matrice de

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Phonologie et morphologie du francais

certains ctraits, regroupant les traits qui participent a l'Identite et a la realisation d u a de plus segment. Les paires minimales nous ont, en effet, permis d' identifier des informatiunites encore plus petites qui composent les segments et qui permettent de tique d'UI les distinguer les uns des autres : ce sont les traits distinctifs. On retiendra systeme cles definitions suivantes. Ie cerveai

• Trait: unite phonetique minimale qui ne peut etre realisee de facon USindependante. Un trait est generalement contenu dans la matrice qui

qui reflet definit un segment donne. ne peuve

• Trait distinctif: trait qui permet d'etablir des paires minimales. traits) . C(

• Matrice segmentale: ensemble de traits qui composent un segment (20) [bai donne . [arr

C'est I'organisation des traits a I'interieur d'une matrice qui determine la [d~

[daforme de realisation d'un segment donne. La representation de la matrice [ga:complete d'un segment est comme ci-dessous:

(19) MATRICES SEGMENTALES

u

-cons. +voc. --haut +rond -bas -nasal

m

+cons . -voc. --labial +occlus -voise -nasal

[I£~

En analy: /g/) ont d entre deu car ils SOl

raissent e alors que voyelle s. ou velaire

Les matrices segmentales sont completement specifiees pour les phonetiqt

traits qui les composent; les valeurs (+) et (-) qui specifient les traits indiquent si Ie segment a la propriete phonetique designee par Ie trait ou Dar

non . La valeur (+) indique que Ie segment a la propriete designee, la en une se

valeur (-) indique qu'il ne I'a pas. Ainsi, la consonne [m] est specifiee (+) transform

pour Ie trait nasal (c'est une consonne nasale) alors que la voyelle [u] est [V], lor sq

specifiee (-) pour le me-me trait (c'est une voyelle orale) . On notera alors la seule p __ t.. l_ ~ :-:-.~ jque la con sonne [m] est I+nasale] et que la voyelle Iu] est I-nasale].

3.3.1 De Ia necessite des traits

L'hypothese voulant que les segments contiennent des unites plus petites appelees traits est une des innovations majeures de la linguistique

_: - .: . :z:: moderne. Le recours aux traits s'est impose comme une necessite pour

- - - - > ~ -: ~ quatre raisons. Les traits setvent a: 1) discriminer Jes sons distinctifs dans

traits afir une langue; 2) regrouper Ies segments en classes naturelles lors de la description des phenomenes; 3) exclure les sons impossibles, cest-a-dire les combinaisons interdites de traits ; et 4) rendre compte du fait que

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La phono! ogie : etude de !a fonction et de !'organisation des sons

certains changements sont possibles, alors que d'autres ne Ie sont pas. II y .ation du

a de plus une raison cognitive pour justifier les traits : ils constituent les ifier des

informations recues par le cerveau et qui menent a la realisation phone­ett ent de

tique d'un son par la commande de I'appareil phonatoire. En somme, Ie retiendra

systeme de traits est comme Ie reseau de commandes physiologiques que Ie cerveau envoie aux differents organes articulatoires.

de facon Les traits permettent egalement la formulation de generalisations

trice qui qui refletent la connaissance linguistique du locuteur, generalisations qui ne peuvent pas etre exprimees avec une approche phonernique (sans traits) . Considerons les donnees de l'espagnol ci-dessous.

segment (20) [baqko] banque [dejier] devoir [ambos] (les) deux [a13er] avoir [dar] donner [naoa] rien-rmine la [dando] don [ablaoo] parle

a matrice [ganar] gagner [bavatela] bagatelle [Ieqgwa] langue [nevar] mer

En analysant ces donnees, on observe que les occlusives sonores (fbi, Id/, IgI) ont des variantes fricatives (/13/, 1(5/, Iy/) qui apparaissent uniquement entre deux voyelles. La distinction entre les deux sons est allophonique, car ils sont en distribution complernentaire: les variantes occlusives appa­raissent en position initiale de morpheme ou apre s une autre consonne, alors que les variantes spirantisees (fricatives) apparaissent entre deux voyelles. On remarque que le lieu d'articulation bilabial (b/13 ), dental (d/15) ou velaire (g/y) de la consonne ne joue aucun role; seul l'environnement

pour les phonetique est determinant. les traits

e trait ou Dans une approche sans la notion de trait, il est difficile d' exprimer,

signee, la en une seule generalisation, le fait que toutes les occlusives 1bI, Id/ et Ig/ se

cifiee (+) tran sforment systernatiquement en fricatives correspondantes, [13], [15] et

lie [u] est [y], lorsqu' elles sont entre deux voyelles. Avec I' approche phonernique,

tera alors la seule possibilite est de donner la liste des consonnes qui subissent Ie

e). phenornene:

(2 1) [b] devient [13] entre deux voyelles [d] devient [15] entre deux voyelles

us petites [g] devient [y] entre deux voyelles iguistique

Cette facon de proceder est peu efficace, car elle ne revele pas la similarite osite pour du processus qui affecte les troi s consonnes. En somme, iI faut utiliser les ctifs dans traits afin de raffiner les generalisations et les rendre plus precises. ors de la

est-a-dire fait que

71

i

I

Phonologie et morphologie du francais L

En utilisant les traits, on peut exprimer Ie processus de spirantisation De I de I' espagnol de facon unifiee. Au lieu des trois regles en (21), on peut par Ie tn

formuler la regie unique ci-dessous: [+continu] pas de cor

(22) [ consonne ] de la spec occlusive ~ [+continu] / V _

sonore specificati affriquee s Cette regie se lit comme suit: une consonne occlusive sonore devient retarde] : continue apres une voyelle. Elle est beaucoup plus econornique que les occlusivestrois formulations de l'approche phonernique et elle peut exprimer Ie fait

que les trois consonnes sont soumises au me me processus de spirantisation Les dans Ie merne environnement. consonnes

facon arbi 3.3.2 Les traits deflnissant les segments traits qui c

II existe deux grandes categories de segments: les consonnes et les mode dat voyelles. On reconnait une con sonne a deux proprietes. D'abord, c'est un dans une segment non syllabique, contrairement a la voyelle qui constitue Ie noyau, unes aux , Ie centre de la syllabe. Ensuite, c'est un segment dont I'articulation (24) a . I implique un degre variable de constriction. II y a trois degres de constric­tion pour les consonnes (occlusives, fricatives, semi-voyelles) et une seule pour les voyelles. Les semi-voyelles sont comme des consonnes du point de vue syllabique, mais elles sont comme des voyelles dans leur mode d'articulation (degre de constriction plus lache que celle des fricatives). C'est une des raisons pour laquelle on les appelle serni-voyelles. b .

On caracterisera ainsi les consonnes par Ie trait [+consonantique] et les voyelles par Ie trait [-consonantique]. II est egalernent possible d'attribuer Ie trait [+syllabique] aux segments pouvant occuper Ie noyau de la syllabe (les voyelles) et la specification [-syllabique] aux segments qui ne Ie peuvent pas (les consonnes) . Les semi-voyelles sont definies par les traits [-consonantique, -syllabique]. Une telle definition a l'avantage (25) OPf'(

de permettre Ie classement des serni-voyelles de deux facons: avec les haul voyelles (segments [-consonantique]) et avec les consonnes (segments ante [-syllabique]). Cette double classification est necessaire en francais pour arro

rendre compte du comportement ambigu des semi-voyelles. En effet, Bien que ( comme nous l'avons deja rnentionne (ella section 2.3.1), les semi­ latoire ou voyelles se comportent parfois comme des voyelles et parfois comme des surtout. e consonnes, notamment en rapport a la realisation du determinant masculin phonolog Ie. Les exemples ci-dessous illustrent ce comportement ambigu.

Sur (23) a. I'oiseau [Iwazo] , l'oie [lwa] , I'huissier [lqisje] plus haul.

leur mod-b. Ie ouistiti [lowistiti], Ie huitierne [laqitjern], Ie yaourt [Ioyauat]

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La phonologie: etude de la fonction et de l'organisation des sons

Itisation on peut

de vient que les

-r Ie fait ntisation

s et les cest un e noyau , iculation co nstric­me seule du point ur mode ic atives).

iantique] possible

le no yau seg ments inies par '~l\'an tage

avec les seg ments ;a is pour En effet , les semi­.mrne des masculin

yaust]

De la meme facon, on peut distinguer les occlusives des fricatives par le trait [continu] ; les premieres sont [-continu] et les secondes [+continu] . Si un segment est [-consonantique] , c'est-a-dire ne contient pas de constriction franche, il est necessairement [+continu] . La pre sence de la specification [-consonantique] implique necessairement celle de la specification [+continu]. Pour distinguer entre les occlusives et les affriquees parmi les consonnes [-continu], on utilise Ie trait [rel achement retarde]: les affriquees sont [+relachement retarde], alors que les occlusives sont [-relachement retarde] ,

Les traits phonologiques sont utilises pour etablir un classement des consonnes et des voyelles. En effet, les segments ne sont pas classes de facon arbitraire; ils sont organises de maniere arefleter des sous-classes de traits qui composent les segments. Ainsi, tous les segments ayant un merne mode darticulation (occlusives, fricatives, nasales, etc .) seront regroupes dans une meme sou s-classe, Les differentes sous-classes s' opposent les unes aux autres. Voici quelques-unes de ces oppositions :

(24) a. OpPOSmONS RELATIVES AU MODE D' ARTICULATION DES CONSONNES :

obstruantes (occlusives, fricatives, affriquees) resonnantes (liquides, nasale s) orales (en opposition a nasales) sonores (en opposition a sourdes)

b . OpPOSmONS RELATIVES AU LIEU D' ARTICULATION DES CONSONNES:

labiales (bilabiales et labiodentales) dentales (interdentales, dentales et alveolaires) alveopalatales et palatales velaires uvulaires

(25) OpPOsmONS POUR LES VOYELLES:

hautes (en opposition amoyennes et basses) anterieures (en opposition acentrales et posterieures) arrondies (en opposition aecartees)

Bien que ces divi sions soient essentiellement de nature phonetique (articu­latoire ou acoustique), elles permettent une description des segments et, surtout, elle s sont I' expression de generalisations observees au niveau phonologique .

Sur la base de ces oppositions et des traits que nous avons degages plus haut, on peut representer Ie classement des consonnes en rapport a leur mode d'articulation sou s forme de tableau:

73

Phonologie et morphologie du francais

(26) TRAITSDE MODEDESSOUS-CLASSES DECONSONNES

Occlu­sive

Affri­quee

Frica­tive

Nasale Liquide Semi­voyelle

[consonantique] + + + + + -[syllabique] - - - + + -[continu] - - + - + +

[nasal] - - - + - -[reI. retarde] - + - - - -

On remarquera que les specifications de la premiere ligne du tableau ne constituent pas des traits. II s'agit plutot de termes qui permettent de refe­rer aun ensemble de traits specifies. Par exemple, le terme fricative est une facon de referer a la classe de tous les segments qui sont a la fois [+consonantique] , [-syllabique], [+continu], [-nasal] et [-reI. retarde] , On notera egalement que, pour obtenir une specification complete des con­sonnes pour leur mode d'articulation, il faut inclure un trait de voisement. En effet, les occlusives, les affriquees et les fricatives peuvent etre sonores ([+voise]) ou sourdes ([-voisej), Pour leur part, les nasales, les liquides et les semi-voyelles sont necessairement [+voise] .

Outre les traits de mode d'articulation que nou s venons de presenter, il faut egalement specifier les segments avec des traits de lieu d'articulation. On di stingue ainsi les consonnes qui sont articulees a l'avant de la region palato-alveolaire ([+anterieur]) et celles qui sont articulees a l'arriere de cette region (I-anterieurj) . Ce trait permet de caracteriser les consonnes bilabiales, labiodentales, dentales et alveolaires comme [+anterieur], et les consonnes alveopalatales, palatales, velaires, pharyngales et uvulaires comme [-anterieur] . Pour contraster entre elles les consonnes [-anterieur], on distingue egalernent les consonnes qui sont articulees dans la partie la plus arriere de l'appareil phonatoire ([+posterieur]) de celles qui, tout en etant [-anterieur], sont articules plus en avant ([-posterieurj) . Ce trait permet de caracteriser les consonnes alveopalatales et palatales comme [-posterieur], et les consonnes velaires, pharyngales et uvulaires comme [+posterieur] . Finalement, en definissant une position neutre pour la langue, on peut egalement distinguer les consonnes articulees avec la lame de la langue plus elevee par rapport a cette position neutre ([+coronal]) de celles oil la langue est moins elevee ([-coronal]). Les seules consonnes [+coronal] sont les dentales et les alveolaires; toutes les autres consonnes sont [-coronal] .

74

con!

(27

[an

[pc

[co

Le 1

cati: Dan cha,

sUPI chaj moe mer des son! alor

vus des pho trai sont lang

ala util i red. la p dan ! cati­

La phonologie: etude de la fonction et de I'organisation des sons

La combinaison de ces troi s traits produit une repartition des

Semi­ consonnes comme dans Ie tableau ci-dessous: Yoyelle

(27) TRAITS DE LIEU DES SODS-CLASSES DECONSONNES

+

Bilabiale Labio­dentale

Dentale Alveo­palatale

Velaire Uvulaire

[anterieur] + + + - - -[posterieur] - - - - + +

[coronal] - - + - - -:ableau ne i t de refe­-icative est ta la fois tarde]. O n : de s con­voisernent. re sonores liquides et

.enons de aits de lieu rticulees a ~ 5 qu i sont permet de alveolaires

~ 5 . velaires, entre elle s ~5 qui sont phonatoire .icules plus consonnes

e5 velaires, def inissant tinguer les rapport a

oins e levee ales et les

Le tableau montre que les bilabiales et les labiodentales ont des specifi­cations identiques; il en est de meme pour les velaires et les uvulaires. Dans une lang ue qui comporterait toute une serie de co nsonnes dans chac un de ce s lieu x d'art icu lat ion, il serait necessaire d'uti liser des trai ts supplementaires po ur les diting uer (traits que nou s verrons au prochain chapitre, dans Ie modele SPE). Ce n 'est pas le cas en francais: les traits de mode d'articulation suffi sent a distinguer les consonnes qui ont les memes specifications pour les traits de lieu . Les consonnes bilabiales sont de s occ1usives ([p] et [b]) ou des nasales ([m]), alors que les labiodentales sont de s fricatives ([f] et [v]) . Le s velaires sont de s occlusives ([k] et [g]) , alors que la seule uvulaire ([R]) est une liqu ide .

Le s traits phonetiques des consonnes et des voyelles que nous avon s vus au chapitre 2 foumissent les indications necessaires a la prononciation de s segments. Ces traits phonetiques sont 11 la base de plusieurs des trait s phonologiques. Toutefois, les traits phonologiques se dernarquent des traits phonetiques de trois facon s. Premlerement, les deux types de trait s sont utili ses po ur representer deux inventaires segmentaux di stincts de la langue, definis de la facon suivante :

• Inventaire phonetique: ensemble exhaustif des segments phonetiques d' une langue .

• Inventaire phonologique: ensemble exhaustif des segments pho nolo­giques d' une langue .

Deuxiemement, les traits phonetiques ne so nt pas tous necessalres a la description des fa its phonolog iques ; certains d'entre eux ne sont pas utilises en phonologie parce qu' ils sont inutiles, redondants . Un trai t r edondant est un tr ait dont la p r esence ou l'absence peut etre deduite de la pre sence d'un autre tra it. Par exemple, le trait [-bas] est dit redondant dans la matrice de la voyelle [u] (ef (20) plus haut) parce que la specifi­cation [+haut] implique necessairernent la specification [-bas]: la position

75

l

L Phonologie et morphologie du francais

de la langue ne peut etre a la fois haute et basse pour la realisation d ' un merne segment. On suppose en effet qu ' il ne peut y avoir deu x specifica ­ [sy tions contradictoires dan s une merne matrice seg me ntale .

[co Troisiemement, les traits phonologiques ont un caractere binaire. [co

Les traits ont chacun deu x specifications: une valeur positive (notee +), [an qu i indique la presence de la propriete design ee par Ie trait a l' interieur de [po la matrice , et une valeur negat ive (notee -) qu i indique I' ab sen ce de cette

propriete, Par exemple, la consonne [m] (el (20) plu s haut ) a la spec ifi­ [an cation [+nasale] parce qu' elle a ce tte propriete, contraireme nt a la voyelle [na [u] qui ne l' a pas et qui es t done spec ifiee [-nasale] . A cause de ce carac­

[eo tere binai re des trait s et de la red ondance de certai ns traits, les mat rices

[ \'0phonolo giques (rnerne co rnpleteme nt spec ifiees) peu vent etre legerernent differentes des matrices ph onetiques.

Le u 3.3.3 Traits phonologiques des consonnes sont distin

retarde] nc Les trait s phonologiques que nous venons de voir contribuent, lorsqu 'ils sont pas dsont regroupes a l' inter ieur d 'une matrice , adefinir de facon di stinctiv e qui definit tout segment du francais, Pour representer l' inventaire phonolog iqu e de

la langue, on peut combiner toutes ces matri ces sous forme d 'un tableau . 3.3. Le table au ci-dessous regroupe toutes les co nso nnes du francai s, Comme d:

avec leurs traits phonologiques. les voye ll (28) TRAITS PHONOLOGIQUES DES CONSONNES DU FRAN<;:AIS dans ce e

P t k b d 9 f s f v z 3

[syll abique] - - - - - - - - - - - -

[con son ant. ] + + + + + + + + + + + +

[coronal] - + - - + - - + - - + -[anterieur] + + - + + - + + - + + -[po sterieur] - - + - - + - - - - - -[arrondi] - - - - - - - - - - - -

[nasal] - - - - - - - - - - - -[continu] - - - - - - + + + + + +

directe (e l

Le 1

leurs trai

(29) TR.j

[syllab.]

[con son .

[anteri eu

[post. ]

[arrondi '

[h aut]

[bas]

[ten du ]

[nasal ]

76

3

La phonologie: etude de la fonction et de l' organisation des sons

In d'un eci fica­

binaire, otee +), rieur de de ce tte specifi­voyelle

e carac­matrices erernent

m n J1 1 R j W q

[syllabique] + + + + + - - -[consonant. ] + + + + + - - -[coronal] - + - + - - - -[anterieur] + + - + - - - -[posterieur] - - - - + - + -

[arrondi] - - - - - - + + [nasal] + + + - - - - -[continu] - - - + + + + + [voise] + + + + + + + +

Le tabl eau en (28) montre que les traits d' ant eriorie, de nasalite, etc. sont dist incti fs pour Ie sys teme consonantique . II n ' inclut pas Ie trait [reI. retarde] necessaire pour definir les affri quees parce que ces co nsonnes neirsqu' Ils sont pas des phonemes en francai s. Par contre, il inclut Ie trait [arrondi],stinctive qu i definit la semi-voyelle [q] en opposition a la semi-voyelle [j] . ique de

ableau. 3.3.4 Traits phonologiques des voyelles

fr ancais, Comme dan s Ie cas de s consonnes, les traits ph on ologiques qui spec ifient les voyelles sont bases essentiellement sur des traits phonetiques, Mai s dans ce cas-c i, la correspondance entre les deux types de trait s es t plu s directe (co mparez Ie tabl eau en (29) avec Ie tabl eau de la section 2.5) .

Le tabl eau ci-dessous regroupe toutes les voyelles du francais, avec leurs traits phonologiques.

+ (2 9) TRAITS PHONOLOGIQUES DES VOYELLES DU FRANl;:AIS

+

i e E a y (/J ce ~ u 0 o a e a ce 5

[syll ab.] + + + + + + + + + + + + + + + + [conson .] - - - - - - - - - - - - - - - -[anterieur] + + + + + + + - - - - - + + + -[po st .] - - - - - - - - + + + + - - - + [arrondi] - - - - + + + + + + + + - - + + [haut] + - - - + - - - + - - - - - - -[bas] - - - + - - - - - - - + - + - -[tendu] + + - - + + - - + + - - - - - -[na sal] - - - - - - - - - - - - + + + +

77

I

Phonologie et morphologie du francais

d'applic.Aprem iere vue, deu x traits du tableau semblent redondant s: Ie trait francais

[poster ieur] et Ie trait [tendu]. En effet, a une exce ption pres, toutes les voyelles qui ont une valeur positive pour Ie trait [anterieur] ont une valeur Dil negative pour Ie trait [posterieur] , et vice-ve rsa . C ' est pre cisement cette hau tes re exception qui ju stifie la presence des deux traits : Ie E caduc, voyelle de surfa: centrale qui est spec ifiee [-anterieur, -po sterieur]. Quant au tra it [tendu] , il sous-jace est lie aux deux traits [haut ] et [bas]: toutes les voyelles [+haut] sont aussi miner la [+tendu] , alors que toutes les voyell es [+bas] sont aussi [-tendu] . Ma is il mai s ils I permet de distinguer deux series de voyelle s parmi les voye lles moyennes: du conte: les voyelles tendu es ([+tendu]) et les voye lles rel achees ([-tendu]). la quanti

caracteri: Pour etre tout a fait complet, Ie table au en (29) devrait egalernent

passage ( contenir trois dipht ongue s: [wa], [we] et [qi] . En effet, qu and on tient compte de la structure en syllabe, on est force de conclure qu ' il exi ste de s 3.4 Le! diphtongues en francais, Nous laisserons cette question de cote pour Ie Nou s av. moment; nou s y reviendrons au chap itre 5, lor sque nou s tra iteron s de la phonetiq repart ition syllabique des mots qui contiennent une semi-voye lle . mettent

de surfa3.3.5 Traits actifs dans les systemes phonologiques phoneme

En plu s de permettre une org ani sation systematique des segments, les traits fournissent deux outils d 'analyse tres importants. Premierement, ils • Regf permettent de regrouper les segments d'une langue en classes naturelles, decri

soit pour mod ifier d'autres sons, soit pour subir des change ments dan s un Une reg contexte donne. Deuxiemement, ils perm ettent devaluer les patrons cornm e r phonologiques d 'une langue en rapport a la not ion de plausibilite ph on e­ Le pass, tiqu e. II est, par exemple, peu probable qu ' une co nsonne sonore soit derivatio devoisee lorsque precedee d'une consonne nasale ou d 'une voyelle parc e

• Deriqu' il n'y a rien dan s la matrice des consonnes nasales ou des voye lles qui soit susce ptible de provoquer une perte du trait de vois ement. Le principe sent ,

de plausibilite phonetique permet d 'etabllr une relation entre un En processus et Ie contexte phonologique dans lequel il se produit. phones.

et que Id Revenons sur l' assibil ation en francai s quebecois. Nou s avons vu a la section 3.2.4 que les consonnes It! et Idl deviennent [tS

] et [dZ] devant [i] les OCclL

et [y] . Ces deux voye lles partagent les trait s [+anterieur] et [+haut] , en [+haut.

opposition a toutes les autres voyelles. On formulera don e une regie D'aborc naturelhdecrivant Ie changement de It! et Id/ devant les voye lles [+haut, +anter ieur].

Pui sque [tS] et [dZ

] sont Ie resultat d 'une regie , il n 'est pas utile de les duell erne montrerincorporer dan s I' inventaire phonern ique du franca is quebecois. Les sons

[e] et [dZ] font seulement part ie de I'invent aire phonetique. On dit alors produ it \

que les traits [+haut] et [+anterieur], traits qui determinent Ie contexte

78

La phonologie: etude de la fonction et de I'organisation des sons

d'application de la regie, sont des traits actifs de la phonologie du le trait francais quebecois ,

.ite s les valeur Dire que Ie segment [t] se realise [tS

] devant les voyelles anterieures

nt cette hautes revient adire que Nest la forme de base et que [e] est une forme

voyelle de surface (un allophone) . Mais comment sait-on que [t] est la forme

ndu] , il sous-jacente et [tS] , la forme de surface? Les criteres utilises pour deter­

nt aussi miner la forme de base d'un phoneme ou d'un morpheme peuvent varier,

~lais il mais ils prennent generalement en compte les facteurs suivants: I) la taille

vermes: du contexte de distribution (celle de [t] est plus large que celle de [tS]) ; 2)

la quantite dinforrnation (evaluee en nombre de traits) utilisee pour caracteriser Ie contexte; 3) Ie nombre de regles requises pour operer Ie

alement pa ssage de la forme sous-jacente a la forme de surface. on tient .iste de s 3.4 Les regles phonologiques pour Ie Nous avons identifie deux niveaux de representation: phonologique et

15 de la phonetique. Les regles phonologiques sont les mecanismes qui per­mettent de passer de la forme de base (niveau phonologique) a la forme de surface (niveau phonetique). La distribution de s allophones d' un phoneme est done regie par une regie:

ents. les nent, ils • Regie phonologique: expression formelle d'une generalisation qui

iturelles, decrit les changements sy stematiques et previsibles des sons.

dans un Une regie est done une generalisation exprimee de facon forrnelle , patrons comme nous Ie verrons au prochain chapitre avec Ie formalisme a la SPE.

; phone­ Le passage entre les deux niveaux de representation est appele une lore soi t derivation : lie parce

• Derivation: passage d'une representation phonologique aune repre­elles qui sentation phonetique par I'application d'une ou plusieurs regles. principe

ntre un En utilisant les regles, on evite d' avoir a dresser des listes d' allo­phones. Plutot que de dire, par exemple, que It! a les allophones [t] et [e] et que Id/ a les allophones [d] et [dz

). on formule une regie stipulant queon s vu a les occlusives [+coronal] deviennent [+reI. retarde] devant les voyellesevant [i]

t aut] , en [+haut, +anterieur] . II y a plusieurs avantages a utiliser les regles,

ne regie D'abord, la caracterisation du contexte sous la forme d'une c1asse naturelle (ici , les voyelles anterieures hautes) evite d ' avoir a citer indivi­rterieur] . duellement les voyelles ciblees par la regie. Ensuite, la regie permet dele de les montrer que l'occurrence du phenomene n'est pas arbitraire: il seLes sons produit uniquement dans un contexte qui constitue une classe naturelle . dit alors

contexte

79

i

.

Phonologie et morphologie du francais

Entin, en plus d'exprimer des generalisations phonologiques, les 3.: regles representent la connaissance du locuteur et sa capacite a predire la II exi ste forme de realisation de nouveaux mots de sa langue. Par exemple, tout

possibili locuteur natif du francais quebecois connait, sans necessairernent pouvoir

etablir It I' exprimer explicitement, la regie de sp irantisation de It! et Id/. II sait que determh les deux consonnes sont spirantisees dans les formes en (30a,), mais pas phonotadan s les formes en (30b).

utilisee I (30 ) a . tire [tSiR] dire [dZiR] tu [t'y] du [dZy] est, com

attestee Ib. tare [taa] dort [don] tout [tu] dans [da]

these . P: Cette connaissance lui permet de predire la forme des deux consonnes dans les dans des mots qu 'il n'a jamais entendus. Ain si, il pourra identifier que, de deten parmi les logatomes en (31), c ' est-a-dire des formes inventees, qu i en fr anc n'existent pas dans la langue, les seules realisations po ssibles en francai s par le 10 quebecois sont celles en (3Ia). merne f

(31) a . metibrer [met'ibae] dutrave [d'ytaa:v] rejettera conclure

b. tatelle *[t'at'elle] doudaine *[dZu dZe n ] [lsk] en

Cela signifie que la facon de prononcer les mots d 'une langue n 'est 0,pa s arbitraire, mais qu'elle peut etre predite par les regles qui representent

les sequ la connaissance du locuteur. Cette connaissance peut etre revelee par la [s], alor capacite des locuteurs a predire la forme de realisation d 'un logatome. comme

3.5 Quelques outils d'analyse phonologique sont inti contrainLorsqu'il aborde une langue pour laquelle il existe peu ou pas de [sl] etdonnees, le phonologue doit commencer par une transcription . Ensuite, il s ' appliq doit analyser les donnees transcrites de maniere a reveler la nature du [s-scons systerne phonologique qui sous-tend la transcription phonetique. Puisque mots en certains aspects de la transcription seront previsibles et que d 'autres ne le

seront pa s, c' est a la phonologie de faire la difference entre eux. (32) a.

Tout commence par la constitution d 'un corpus, c 'est-a-dire d 'un b. ensemble de donnees, souvent recueillies aupres d'un locuteur natif, et qui

c . constitue un echantillon representatif de la langue. Apres avoir precede a

dune transcription phonetique rigoureuse du corpus, iI faut regrouper les sons phonetiquernent sembiabies atin d'etudier leur distribution. Pour ce S'il Y a faire, le moyen le plus sur est d'utiliser les paires minimales. Cette necessa

demarche vise it determiner Ie statut phonemique de sons. Plu s precise­ comrne:

ment, il faut identifier les phonemes de la langue et leurs allophones, et il "sptena faut distinguer, parmi les allophones, les variantes libres des variantes o conditionnees . contrai

80

I

La phonologie: etude de la fonction et de I'organisation des sons

igiques, les a predire la .emple, tout lent pouvoir I . II sait que .J. mais pas

l'y ]

[da]

( consonnes ent ifier que, ventees, qui

en francais

I]

langue n' est representent

tyelee par la logatome.

ou pas de in. Ensuite, il la nature du que . Puisque r autres ne Ie ·ux.

t-a-dire d'un r natif', et qui a ir precede a -egr ouper les rtion. Pour ce imales. Cette Plus precise­

ophones, et il de s variantes

3.5.1 Contraintes sur la distribution des segments

II existe des restrictions sur la distribution de certains segments ou sur les possibilites de combinaison de certains segments avec dautres. Pour etablir Ie systeme phonologique d'une langue, iI est done necessaire de determiner ees eontraintes distributionnelles, aussi appellees eontraintes phonotaetiques ou eontraintes sequentlelles. Une technique souvent utili see pour reveler ces contraintes est Ie test du logatome. Un logatome est, comme nous l'avons vu avec les exemples en (31), une forme non attestee dans la langue, que Ie linguiste construit pour verifier une hypo­these. Par exemple, pour identifier les sequences possibles de consonnes dans les mots du francais , Ie linguiste peut demander aun locuteur natif de determiner si des logatomes lui semblent des mots possibles, plausibles en francais, Une forme comme [plask] serait reconnue comme plausible par Ie locuteur, alors qu'une forme comme *[palsk] ne Ie serait pas. De la merne facon, Ie locuteur accepterait une forme comme [prak], mais rejetterait une forme comme *[rpak]. Le linguiste pourrait alors en conclure que des contraintes distributionnelles interdisent une sequence [Isk] en fin de mot et une sequence [rp] en debut de mot.

On decouvre ainsi que Ie francais a des contraintes tres precises sur les sequences de consonnes en debut de mot. Si la premiere consonne est [s], alors la consonne suivante ne peut etre qu'une obstruante sourde, comme en (32a); les suites [s+consonne sonore] comme celles en (32b) sont interdites. Toutefois, dans les mots empruntes a d'autres langues, la contrainte est moins forte que dans les mots natifs: on trouve des suites [sl] et [sn], comme en (32c) . II faut noter que cette contrainte ne sapplique pas aux suites de consonnes a l'rnterieur du mot; des suites [s+consonne sonore] sont possibles dans cette position, comme dans les mots en (32d).

(32) a. special, sphere, studio, scorpion

b. *sb . . ., *sd .. ., *sg .. ., *sm.. ., *sr. ..

c. slave, slalom, snob

d . bisbille, transborder, transmettre

S'il y a une troisierne consonne dans la suite en initiale de mot, il sagit necessairernent d'une liquide ([r] ou [I]). On trouve ainsi des mots commes strie, splendide ou sclerose, mais pas de mots comme *stnie, *sptendide ou "scderose.

On peut regrouper toute ces observations en formulant une eontrainte sequentielle generate, une eontrainte de type « Si..., alors ... »:

81

J

]

I

Phonologie et morphologie du francais

(33) Si: # # C C C • AI

~ ~ ~ miAlors: s

• AI{H {;} co

(Cette contrainte se lit comme suit: si une suite de trois consonnes se trouve

plusieien debut de mot (position signalee par ##), la premiere consonne de la

phon(]suite est [s], la seconde est [p], ltl . [k] ou [f], et la troisieme est [1] ou [r] .

([ t]. [Toute autre sequence de trois consonnes est interdite.

3.63.5.2 Alternances phonologiques et morpho-phonologiques

La phNous avons vu que les segments [t] et [t5

] sont des variantes conditionnees sons d

du phoneme Itl en francais quebecois , On dit de ces deux segments qu 'ils renee

sont en altemance. Cette alternance est dite phonologique en raison du de leu fait qu'elle est observee it l'Interieur des unites morphologiques logie

minimales, les morphemes (voir Ie chapitre 8.1 .2 pour une definition de sur let

ce terme) . Lorsque deux ou plusieurs morphemes se combinent pour distrib

former un mot complexe, il peut y avoir des changements dans la forme generc

de certains phonemes du mot resultant. Cette variation, determinee par conna

Ie contexte de realisation des morphemes, est appelee alternance phone

morpho-phonologique. La variation morpho-phonologique ne se trouve divers

jamais a I'interieur d'un mot simple, sans structure morphologique; elle est toujours declenchee par I'ajout d'un affixe .

d'uneL'alternance entre [k] et [s] dans les mots du francais formes au

tiquemoyen du suffixe -ite est un cas d' alternance morpho-phonologique.

proce:Comme on peut Ie voir en (34a), suite a I' affixation de -ite, Ie /k/ final de

repres electrique est realise [s]. Cette altemance est d'ailleurs signalee par I'or­

tion cthographe (Ie qu est remplace par un c). On pourrait penser qu'il s'agit la

phoned'une alternance strictement phonologique: /k/ devient [s] devant [i] . On

de prrs'attendrait alors ace qu'un mot comme equite subisse Ie merne change­

type s ment, puisque la consonne /k/ y apparait dans Ie me me environnement

phonrphonetique (devant [i]). Or ce n'est pas Ie cas, comme Ie montre (34b) .

portar (34) a. /k/ ~ [s] : electriqu-ite /elektsik-ite/ ~ electricite [elektnis-ite]

b. /k/ ~ [k] : equite [ekite] nivea

La difference entre les deux types de mots est que I'un a une structure sous-j

morphologique interne alors que l' autre n' en a pas. L' alternance entre une [I

[k] et [s] est done une alternance morpho-phonologique, declenchee par contei

la presence d'un morpheme particulier. On definit les deux types d'alter­ phone

nances de la facon suivante: l'info

82

I

La phonologie: etude de la fonction et de \' organisation des sons

• Alternance phonologique: altemance observee a l'mterieur d'un meme morpheme.

• Alternance morpho-phonologique: altemance declenchee par Ie contact entre deux morphemes.

Comme nous Ie verrons dans la deuxierne partie de ce manuel, ouve

plusieurs affixes du francais declenchent des alternances morpho­le la

phonologiques. Le prefixe in-, par exemple, a quatre realisations possibles [r ] .

([e ], [in], [ill ou [iR» .

3.6 En resume

La phonologie etudie la nature distinctive des sons d'une langue. Les mees

sons distinctifs, les phonemes, sont ceux qui peuvent induire une diffe­uil s

rence de sens . Par contraste, les sons redondants, previsibles en fonction n du

de leur environnement, sont appeles allophones . L'objectif de la phono­ques

logie est de formuler des generalisations sur I' organisation des sons et n de

sur leur fonctionnement, en tenant compte des notions de contraste, de pour

distribution complernentaire et de ressemblance phonetique. Ce sont ces orme

generalisations (rendues explicites par Ie linguiste) qui constituent la ~ par

connaissance phonologique inconsciente du locuteur (inventaire deslance

phonemes, relation entre phonemes et allophones, regles responsables de s -ouve diverses realisations des phonemes, etc. ).

elle Les traits phonologiques permettent ala fois de regrouper les sons

d'une langue en classes naturelles, de determiner leur contenu phone­es au

tique et d'analyser de s faits de la langue en etablissant un lien entre Ieique .

processus observe et son contexte d'application. Tout segment est.al de

represente par une matrice de traits phonologiques qui decrit I' articula­I' or ­

tion des segments. Les traits phonologiques sont bases sur les trait s git la

phonetiques; ils definissent, eux aussi, les segments selon deux ensembles ]. On

de proprietes, Ie mode d 'articulation et le lieu d'articulation . Les deux ange ­

types de traits se distiguent toutefois de plusieurs facons. Les traits .ment

phonologiques sont notamment des traits binaires, c'est-a-dire des traits ) I .

portant deux specifications (+ et -) . s-ite] Deux niveaux de representation sont necessaires en phonologie. Le

niveau phonologique est un niveau abstrait qui represente les formes

icture sous-jacentes. La forme phonologique (sous-jacente) d'un morpheme est

entre une representation debarrassee de toute information previsible; elle peut

e par contenir de l'information non realisee en forme de surface. La forme

alte r- phonologique d'un morpheme represente en quelque sorte I'ensemble de l'information pertinente dont Ie locuteur dispose pour identifier ce

83

'

'

I

Phonologie et morphologie du francai s La p

morpheme. Le niveau phonetique est un niveau concret qui represente 5. En tena les formes de surface. Les regles phonologiques constituent Ie mecanisme donnez permettant de passer d'un niveau aI'autre. les regl.

a . ron,3.7 Exercices

b. graJ 1. Regroupez les segments suivants en classes naturelies et specifiez Ie c . grQ:

ou les traits qui caracterisent chaque classe. d . ~ e . Q@)a . I, r, n, m.ji f. heub. f, z, R, S, f, v

c . b, k, d, p, t, g 3.8 Pour fa d. i, y, u

Les pairese . ce. y, i,1Il determiner If . U,::l , ~,0,1Il souligner qu

2. Donnez la liste de tous les segments qui correspondent a chacune d'identifier

des definitions suivantes. africaine de [ba:ga] "chic

a. [-syllabique, -consonantique] semblent for

b. [+coronal, +voise] qui oppose

c . [-syllabique, +arrondi] comparer les

d . [-coronal, -continu] pluriel de [b

e . [+syllabique, -consonantique, +posterieur] et [-se] com

f. [+syllabique, -consonantique, --arrondi, +nasal] revanche, Ie cette foi s, I3. Identifiez les paires minimales dans les listes de mots ci-dessous et L' allongernedites pourquoi les mots en (e) ne forment pas des paires minimales. suffixe com!

a . loin, foin, soin, coin, oint, point voyelle. Le

b . classe, glace, place, passe, tasse, trace, grasse parce que, d

c. graisse, grosse, glace, grasse, grise, glisse d'autre pan

d. gro s, eau , rot , beau, peau, seau, taux, dos, haut, fleau entre la voy

e. sein, sain, seing, saint, ceint mener a de s pas un trait ( 4. Donnez quatre exemples de paires minimales qui montrent que les sur la phono traits suivants sont distinctifs en francais: de la phona l

a. na sal (pour les consonnes) batir un rn: b. arrondi (pour les voyelles) locuteur, d' ( c. anterieur (pour les voyeiles) d. continu (pour les consonnes) Nous

e . coronal (pour les consonnes) phonetique. contexte ph notion sou'

84