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a p p r o c h e

d e

L ' ΠU V R E

c o m p l è t e

Marie GRÉSILLON conseil lère p é d a g o g i q u e

de Chinua Achebe

Etude

L e s c l a s s i q u e s a f r i c a i n s

184, avenue de Verdun 92130 Issy les Moulineaux

N° 832

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DANS LA MÊME COLLECTION

Maïmouna d'Abdoulaye Sadjï

Une si longue lettre de Mariama Bâ Le monde s'effondre de Chinua Achebe

© Editions Saint-Paul, 1986 I.S.B.N. 2 .85049.337.6

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INTRODUCTION

À LA MÉTHODE

U n é t a t d e f a i t

Rares sont les professeurs qui ne se lamentent pas devant le peu de goût de leurs élèves pour la lecture, leur maigre culture générale, la médiocrité de leur expression. Dans le second cycle, le problème devient plus aigu: si un candidat au baccalauréat n'est pas capable de lire intégralement une œuvre, il faut recon- naître que c'est inquiétant! Le malheur est que l'on pose sou- vent trop tard ce problème et que l'on fait traverser le premier cycle aux élèves sans les initier véritablement à la lecture: on se contente des fameux « morceaux choisis ». La peur du livre entier, long, sans images, va se perpétuer alors de l'école pri- maire jusqu'aux portes de l'université...

Q u e l l e s o l u t i o n ?

Et si nous étions un peu responsables de leur incapacité à lire ? N'avons-nous pas omis, quand il en était encore temps, de provoquer leur curiosité, de les familiariser avec les longs textes, de leur faire découvrir un véritable plaisir de lire ? Naturellement, il y a toujours la solution des « cent pages à résumer pour mer- credi prochain, sinon vous aurez zéro » ou encore du contrôle écrit sur les noms des personnages, le lieu de l'action, etc. Infail- libles épées de Damoclès qui doivent décourager les pares- seux... Ces solutions sont négatives et, dans le meilleur des cas, les élèves connaissent cette œuvre, mais ne souhaitent pas en connaître d'autres !

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On oublie t rop souven t que, sauf cas pathologique, l'élève n ' e s t pas pa resseux : il lui m a n q u e une motivation. D'où vient que l'on peut cap te r l ' intérêt de c l a s ses entières, si vraiment la p a r e s s e es t un fléau impossible à en raye r? Provoquer ce t inté- rêt, c ' e s t s ' a s s u r e r un e n s e i g n e m e n t pas s ionnan t et d 'un bon niveau; c 'est , en m ê m e t emps , e n t h o u s i a s m e r les élèves par la consc ience qu'ils ont, en d o n n a n t le meilleur d ' eux -mêmes , d 'ê t re tou t à fait intelligents. Une fois que l'on a susci té la curio- sité d 'un individu ou du g roupe classe, on peut exiger beaucoup.

L'expérience prouve que la meilleure explication de texte res te partielle: il y m a n q u e la réinsertion dans le contexte. Il faut donc saisir ce m o m e n t précieux de la rencontre ent re le lecteur e t un héros de roman pour aller plus loin. Une bibliothèque cons t i tuée de prêts ou dons (d 'anciens collègues, d 'élèves, de librairies, d 'édi teurs , de bibliothécaires des cen t res culturels) et c o m p o r t a n t des ouvrages de niveaux variés, afin d ' encourage r ceux qui lisent à peine, ouvrira la por te à la curiosité de la c lasse : si l'on a rencont ré Ma ïmouna d a n s des textes, on voudra lire Ma ïmouna ; si on a vu se d isputer Birama et Sibiri à propos du mar iage de leur sœur , on voudra lire Sous l'orage, etc. Il faut pré- voir, d a n s la bibl iothèque de classe, au moins cinq exemplaires de chacun d e s livres qu 'on s e p ropose d 'é tudier en classe.

Quand les é lèves en arrivent à é change r les romans s a n s vouloir en avertir le r e sponsab le de la bibliothèque, on peut pen- se r qu'ils son t mûrs pour é tudier en c lasse une œuvre complète . Ceux don t l ' intérêt n ' e s t pas encore éveillé se ron t provoqués d a n s leur curiosité au cours de l 'é tude en c lasse : lorsqu'un cer- tain n o m b r e d ' é lèves par lent d e s héros du livre c o m m e d 'amis ou de gens connus , peu de leurs c a m a r a d e s é c h a p p e n t à la curiosité de mieux les connaître, eux aussi.

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U n e m é t h o d e d e t r a v a i l

Nous p r o p o s o n s ici une d é m a r c h e a s s e z approfondie pour éviter à l ' ense ignan t le travail qui doit impé ra t i vemen t p récéde r l 'é tude en classe. Il ne peu t ê t re ques t ion en effet d e prendre une grille de lecture type, de la d o n n e r aux é lèves et de les lais- ser « se débrouiller » - c ' es t -à -d i re s 'embrouil ler . Un titre d ' é t u d e ne suffit pas à un élève pour faire une b o n n e r eche rche : d o n n e r à é tudier « les p e r s o n n a g e s » ne p r é sen t e d ' in térê t que si l'on précise l'axe du travail (par exemple , d a n s Maïmouna, la p sycho- logie des p e r s o n n a g e s e s t in té ressante , t and i s que, d a n s la Grève des Battu, c ' e s t la couche sociale qu'ils représentent ) . L'étude de la s t ruc ture de l ' e space peu t être éclairante pour une œuvre et ne p r é s e n t e r aucun intérêt d a n s une autre. Il fau t avoir repéré tout cela avan t de lancer les é lèves d a n s le travail de recherche. Sinon, celle-ci m a n q u e r a de per t inence et la m o n o t o - nie s ' installera d 'une é t u d e à l 'autre.

En revanche, nous cons idé rons c o m m e très impor tan t de faire le choix d ' u n e é t u d e de l 'œuvre « d e l'intérieur ». Il e s t bien évident que lorsqu 'une œ u v r e peu t être éclairée par le con tex te historique, géographique , social, qu 'on conna î t la vie d e son auteur, il n'y a rien à y perdre.

Cependan t , c o m p t e tenu d e s difficultés f r é q u e n t e s sur le plan de la documen ta t i on , nous p e n s o n s qu'il ne ser t à rien de déverse r tous ce s r e n s e i g n e m e n t s sur nos é lèves avan t l ' é tude: l 'œuvre existe, elle e s t riche d ' in format ions de t ous ordres, elle es t régie par une cer ta ine composi t ion , cela suffit pour qu 'on y f a s s e d e s r eche rches : elle s e livre. Les éc la i rages extér ieurs viendront à point n o m m é pour conf i rmer ou éven tue l l emen t rec- tifier.

C 'es t donc à une lecture t rès fine, mais t rès r igoureuse, que l'on s ' a t t achera . On apprendra aux é lèves à recueillir t ous les r e n s e i g n e m e n t s que d o n n e le tex te ( temps, lieu, psychologie...) et on les habi tuera à être sens ib le s à leurs propres réactions, afin qu'ils s a c h e n t les exploiter.

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L e s é t a p e s d u t r a v a i l

annonce r qu 'on va étudier telle œuvre. D e m a n d e r qui e s t in téressé (environ huit é lèves; faire en sor te qu 'à la fin de l 'année, chacun ait fait une étude). Respec t e r les goûts. Accep te r le travail individuel et le travail à deux.

Réunir alors le groupe d e s « chercheurs ». Dire quelles vont être les pis tes de travail (donner les g r a n d e s lignes de chaque fiche de recherche). A nouveau, laisser les choix s 'organiser , les affinités jouer leur rôle.

Après ces choix, reprendre chaque élève ou groupe de deux é lèves et donne r d e s indications plus précises (elles son t s igna- lées d a n s ce livre par un encadré) . Donner que lques exemples e m p r u n t é s à l 'œuvre - e t indiqués d a n s ce t te m é t h o d e - de ce qu 'on at tend.

réunir le groupe. Voir avec cha- cun où en e s t sa recherche. Accep t e r les brouillons, le désordre, les f au t e s d 'o r thographe . Puis réorienter, corriger, remet t re sur la voie, aider, compléter , suggé re r (par exemple, en re t rouvant des p a s s a g e s s ignalés d a n s ce t te étude). Parfois, il faut repartir à zéro: un élève, m ê m e bon, chargé de « la religion dans le Man- dat », vous aura fait un bel essa i documenta i re , avec s ta t i s t iques à l 'appui, sur la religion en Afrique; il faudra le remet t re sur les rails: c ' e s t de l 'œuvre qu'il s 'agi t e t de rien d 'autre. Ce m o m e n t du travail s e m b l e oppor tun pour repérer les quali tés propres à chacun (esprit d ' ana lyse ou, au contraire, esprit de synthèse) , les lui faire connaî t re e t l 'aider à les rendre opérat ionnelles.

le plan doit être net. On affine, on exige plus au niveau de la langue, de l 'or thographe, e tc . .

le travail e s t rendu, corrigé et noté - avec encoura- g e m e n t s et coefficient avantageux, c o m p t e tenu de la quant i té de travail ef fectué par rapport à un s imple devoir.

Il sera i t e r ronné d e croire qu 'en d o n n a n t ainsi un plan détaillé aux é lèves et en les encadrant , on fait le travail à leur place. Le leur es t impor tant :

- d ' une part, ils ont à faire une vérification exigeante et de nature scientif ique;

- d 'au t re part, ils doivent é laborer pe r sonne l l ement un plan détaillé, logique, é m a n a n t d ' une recherche approfondie ;

- enfin, ils ont à donne r les résul ta ts de ce t te recherche s o u s une fo rme d û m e n t rédigée.

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La prat ique de ces trois efforts con jugués p répa re à une solide t echn ique de la compos i t ion littéraire. De plus, elle doit rendre a u t o n o m e . Un élève qui aura travaillé p e n d a n t deux ou trois a n n é e s en su ivant les principes que n o u s p r o p o s o n s pourra ensui te utiliser, seul e t à bon escient , une grille de lecture à carac tè re plus général , ou m ê m e abo rde r l 'œuvre s a n s s c h é m a de travail: on p e u t pense r que son é t u d e se ra per t inente .

On al ternera les exposé s faits à partir d e s r eche rches écri tes et l 'explication des textes .

• Les son t faits par les « chercheurs » concernés . Ils p r é sen t en t l 'auteur ou le su je t du livre, s i tuen t un pa s sage , déve loppen t une ques t ion de vocabula i re ou de langue, repren- nent en syn thè se un t h è m e é v o q u é à partir d 'un texte...

• L 'approche d e s e s t faite par le professeur . Les ouvrages d e la collection p r o p o s e n t d e s p i s tes de travail variées. La raison n 'en e s t pas le seul désir d 'a ider le p ro fes seu r en allé- g e a n t sa préparat ion, mais bien de m o n t r e r q u '

Là encore, une « grille » de travail s e m b l e préjudicia- ble à l ' intérêt de l ' é tude: à c h a q u e texte co r r e spond une idée ou une a t m o s p h è r e particulière. Il s ' ag i t donc de t rouver l'axe de recherche approprié.

L e s r é s u l t a t s

• La curiosité don t nous avons parlé, su sc i t é e par le va-e t - vient ent re l 'extrait de l 'œuvre et l 'œuvre complè te , fait que, dans l 'année, on peu t être sûr de faire lire - à fond - cinq romans . Le naît alors : il n ' e s t pas rare que les élèves d e m a n d e n t à lire d ' au t r e s ouv rages du m ê m e au t eu r ou d ' au t r e s œ u v r e s t ra i tant d e s m ê m e s p rob lèmes .

• Le(s) livre(s) étudié(s) de ce t te man iè re const i tue(nt) une solide ass i se à leur les é lèves ne t a rderon t pas à en découvrir l ' impor tance c o m m e « maté r iau » d e réflexion pour les disser ta t ions .

• La collaboration entre les élèves, les e x p o s é s qu'ils pré- s e n t e n t en classe, feront

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• L'intelligence du texte es t éveillée grâce à une m é t h o d e éprouvée : les é lèves app rennen t à repérer tous les « signaux lin- gu i s t iques» qui d o n n e n t sa saveur à la lecture. Ils son t munis d ' Conscients de la variété des m é t h o d e s d 'approche , ils n ' env isagen t plus l 'é tude de texte c o m m e une corvée que pe r sonne ne veut leur épargner.

• La se trouve enri- chie : il s ' ag i t bien d ' u n e m é t h o d e directive dans laquelle le cadre es t n e t t e m e n t tracé. Mais l'élève r e s sen t la p r é sence du profes- s eu r c o m m e un s t imulant plus qu 'un carcan. Et toute la c lasse éprouve la volonté de l ' ense ignant de faire donner les meilleurs résul ta ts possibles, d 'é lever le niveau de s e s élèves. Une confiance s 'établit , bien loin de la démagogie .

• La prat ique de ce t te méthode , fondée sur d e s recherches et e n s e i g n e m e n t s universitaires récents , doit aider les j eunes p ro fesseurs à t rouver un en évi tant le langage éso té r ique des sémioticiens, et les au t res à se recycler s a n s heurt, à faire une

• Le besoin s e fera peut -ê t re sent ir de de la s é m a n t i q u e textuel le: J akobson , Greimas, Brémond,

Ducrot, Bar thes ou Coque t pourront répondre à ce besoin. Mais la lecture d e s théor ic iens res te chose ardue. Nous conseil lons de travailler en priorité des ouvrages plus p ragmat iques et de vul- garisation, tels que :

- Savoir lire et Faire lire de Viala et Schmitt , Didier.

- Didactique de l'expression, collection Belloc, Delagrave.

- De la ph rase au texte ( 4 et 3 ) de Combet tes , Fesson et T o m a s s o n e , Delagrave.

- Théorie de l'explication littéraire pa r l 'exemple et Pratique de l'explication littéraire pa r l 'exemple de J. Lecomte et P. The- veau, Roudil.

- Le français au lycée de A. et J. Pagès, Nathan.

Ce son t de précieux outils de travail. Ils habi tuent ensei- g n a n t s e t en se ignés à d é p a s s e r la notion de g rammai re de la ph rase pour d é b o u c h e r sur une « grammaire du texte », c ' es t -à - dire un travail rigoureux sur l 'organisation du texte et l 'écriture m e n a n t à la compréhens ion des œuvres .

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TROISIÈME PARTIE

SYNTHÈSE

I - BILAN PARTIEL DES D É C O U V E R T E S

1 - L ' o p p o s i t i o n d e d e u x s y s t è m e s d e v a l e u r

La lecture de ce livre nous a amenés à L'étude thématique et l'étude des textes ont sou-

ligné cette confrontation.

Nous pouvons trouver, en manière de synthèse, une série d'oppositions entre deux visions du monde: ce qui est bon dans le monde africain traditionnel est mauvais au regard du Blanc.

Les choix de celui-ci sont donc une abomination (170) pour l'homme de la tradition:

- c 'est le cas à propos des jumeaux et des intouchables : tués ou rejetés de tout temps, les voilà accueillis par le missionnaire qui déclare que tous sont frères devant Dieu (189);

- le culte animiste est considéré comme païen par les chrétiens, tandis que la nouvelle religion est un mensonge pour les animis- tes (191) ;

- en élevant les faibles, les petits, le Blanc abaisse les puissants; il les emprisonne, les torture, sans se soucier de leur rang : c 'est le renversement de la hiérarchie.

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Ce qui est ordre pour les uns est désordre pour les autres et réciproquement. Autrement dit, la division manichéenne du monde: bien/mal est renversée. Le vieil Uchendu dit d'ailleurs: Ce qui est bon chez un peuple est une abomination chez les autres (170). Il n'est désormais plus possible d'opposer:

paix/violence sacré/païen justice/injustice puissance/faiblesse hospitalité/non hospitalité acte purificateur/crime e t c . . C'est véritablement un «effondrement du m o n d e » et des

valeurs sur lesquelles semblait reposer toute l'organisation. Il s'agit bien là d'un affrontement entre deux cultures dont on ne décrit ici que la naissance et qui trouve ses prolongements dans le monde moderne.

2 - Un r e g a r d pé jora t i f

La fin du livre montre un aspect très important de cette ren- contre de deux systèmes de valeur. En effet, quand deux mondes constatent leurs différences, ils peuvent s'affronter. Ils peuvent aussi

Le paragraphe final ne montre pas autre chose que le projet d'un anthropologue. Mais, du même coup, il le caricature, puisque le commissaire de district prend un recul méprisant devant la mort d'Okonkwo, simple Qui plus est, il porte un

sur les peuples observés au lieu de se contenter de les décrire, comme on peut le voir par trois mots significatifs du titre qu'il pro- jette de donner à son ouvrage, la Pacification des tribus primitives du Bas-Niger (254): - pacification : ce terme sous-entend que, sans la présence du

Blanc, elles ne sont pas capables de vivre autrement qu'en état de guerre;

- tribus: ≠ peuples; - primitives: = sauvages.

1 Rappe lons le titre angla is : Things fall apar t .

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Il - TRAVAIL ÉCRIT

A la fin de l'étude, on peut donner à faire un non pas pour contrôler la lecture des élèves, mais pour leur prou- ver qu'avec des matériaux, il est aisé de construire sa pensée.

Ainsi, en faisant des coupes à travers le roman et en évitant de reprendre les thèmes étudiés à fond, on pourra proposer d'étu- dier, par exemple: - l'image du père dans le roman (comparaison éventuelle avec la

réalité locale) ;

- l'image de la mère (ou de la femme); - les relations entre parents et enfants; - l'évolution de la société traditionnelle au début de la colonisa-

tion, e t c . .

III - P R O L O N G E M E N T S :

ÉTUDES C O M P A R A T I V E S

Des rapprochements avec d'autres œuvres (sous forme de lec- tures suivies ou de commentaires de textes) sont intéressants à faire, soit en classe, soit à l'occasion d'un devoir.

Nous suggérons les centres d'intérêt suivants:

1 - La p e i n t u r e d e la t r ad i t i on

• Une lecture complète du Fils du Fétiche de David Ananou (Nouvelles éditions latines) est très instructive et amène des rap- prochements ou des oppositions d'un grand intérêt avec Le monde s'effondre. On s'attardera sur:

- le malheur d'un polygame dont les co-épouses sont jalouses: pp. 12-14: Contrairement à ce qu'il avait toujours pensé... qui me font tant de mal?

- la croyance en la réincarnation, exposée pp. 46-48: La doc- trine... sans cause apparente;

- le statut social particulier d'un « fils de fétiche », pp. 85-87 : Je vous demande bien pardon... qui plane sur notre toit;

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- le mariage, en plusieurs p a s s a g e s : pp. 1 0 4 - 1 0 5 : Dans la région de Séva.. . conception de la f emme; chapitre X, intitulé Demande en mariage, fiançailles; chapitre XI, intitulé Le mariage, dans lequel es t part icul ièrement in té ressant le premier paragraphe conce rnan t les cou tumes , après quoi es t reprise la narration;

- la na i s sance des jumeaux perçue c o m m e un privilège: pp. 1 6 5 - 1 6 6 : Afiafi venait donc. . . leur ent rée en ce m o n d e ;

- le veuvage des co -épouses (y compris les f e m m e s répudiées) : pp. 1 8 8 - 1 9 0 : Alors commença . . . huit mois plus tard;

- les nombreux rites chez le fé t icheur: chapitre II: offrandes et prières pour obtenir la fécondi té ; visite au fét icheur pour guérir Dansou d 'un acc ident (chute d ' un arbre), pp. 54 -56 : Sodji s ' e n fut chercher le féticheur... garda la chambre plus de quatre mois; c o m m e n t on utilise les fé t iches pour déjouer un complot , pp. 1 56-1 57 : Ce soir-là (donc)... encourra la colère des dieux.

(On regret tera le point de vue t rès marqué de l 'auteur de ce roman.)

• Un extrait de Ségou de Maryse Condé (Laffont) montre les pratiques occultes du sorcier: pp. 46-47 : Koumaré prit place... trois jours e t trois nuits.

• Des p a s s a g e s de la Palabre stérile de Guy Menga (Clé) peu- vent complé ter fort h e u r e u s e m e n t ce t t e é tude de la tradition:

- t ou t part iculièrement, un p a s s a g e sur le poison d ' ép reuve : pp. 8 -10 : Depuis deux jours e t deux nuits. . . J ' a i parlé;

- un mariage dans les règles: pp. 2 6 - 2 7 : Quand il at teignit . . . le mar iage du p o u s s e u r ;

- récit d 'un divorce conforme à la cou tume : pp. 88-98 .

• Enfin, dans Batouala de René Maran (Albin-Michel), on t rouve :

- des descr ip t ions de f ê t e s traditionnelles, et particulièrement celle organisée à l 'occasion de la circoncision et de l 'excision: p. 28 : L ' époque des « G a ' n z a s » . . . en ce t t e c i rconstance, et pp. 1 0 6 - 1 0 9 : Un c o u t e a u à la main. . . le dernier h o m m e ;

- l 'appel du t am- tam : pp. 4 1 - 4 3 : Batouala s e dirigea... la fête des « «Ga'nzas» ;

- des remarques brèves sur la coutume (parfois sous forme de pro- verbes) ne s ' a c c o m p a g n a n t d ' a u c u n e remise en cause : pp. 21, 29, 63, 72, 74, 105, 118, 119, 125, 132, 182.

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2 - Le h e u r t d e d e u x c iv i l i sa t ions

• Hésitation devant le choix à faire, dans l'Aventure ambiguë de Cheikh Hamidou Kane (10/18): pp. 19-20: - Monsieur le direc- teur d'école, disait le maître... Comme s'il s 'adressait à lui-même; pp. 44-45: - Si je leur dis d'aller à l'école nouvelle... vos foyers s'éteindront; pp. 94-97 : Pourquoi veulent-ils... replongé dans ses pensées.

• Dans le même ouvrage, position de la Grande Royale: aller de l'avant: pp. 47-48: Donnez-moi votre foi... ouvrir la marche; pp. 55-58, discours de la Grande Royale à la population: - Gens du Diallobé... conclut la Grande Royale.

(Comparer avec Le monde s'effondre, pp. 218-219: Mais au début, ils n 'y envoyèrent... pour les diriger.)

• La nouvelle foi exerce un fort attrait sur les jeunes gens, qu'il s'agisse de la foi chrétienne (Nwoye) ou de l'islam. Voir Ségou, pp. 27-29: A quinze ans, Tiékoro, fils aîné... s'inscrire à l'univer- sité de Sankoré.

• Rapprocher les récits de conversions à la foi chrétienne de ceux à la foi musulmane. Voir Ségou pp. 38-39: Siga n'ignorait pas... de palmier rônier;

• Au cheminement intérieur de Nwoye qui découvre dans la foi chrétienne un exutoire à sa sensibilité en même temps qu'une joie profonde, opposer le doute métaphysique auquel aboutit Samba Diallo (après des études à Paris, il est vrai) dans l'Aventure ambi- guë, deuxième partie, IX.

• Prendre dans Ségou un exemple de fanatisme religieux (d'autant plus intéressant que la religion conquérante est ici l'islam) : pp. 459-460: Sous la supervision des Peuls... se disputaient dans son cœur.

• Perte des valeurs traditionnelles. Voir l'Aventure ambiguë pp. 33-34: il sentait que le pays des Diallobé... la forte liqueur de ses traditions; p. 38: - Je vénère mon père... bafouées et faillies.

• Logique implacable du système: du canon à l'école. Voir l'Aventure ambiguë pp. 59-61 : Le pays des Diallobé n'était pas le seul... action de grâce.

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3 - La c r i t i q u e d u c o l o n i s a t e u r

• Dans Batouala :

- une peinture du colon es t faite par pet i tes t ouches (et non en longs p a s s a g e s à extraire pour explications ou commenta i res) : pp. 46, 60, 96, 117, 120, 171, 184, 187 ;

- lire en entier le chapitre V, et en particulier pp. 90 -94 : lutte déri- soire puis abdication devant le Blanc: Zalémans, frandjés... son t p o u r t a n t tou te not re vie;

- toute la préface, au reste, est une violente diatribe contre la colo- nisation (mais il s ' ag i t là d 'un t ex te documenta i re et non lit- téraire).

• Dans le Fils d ' A g a t h a Moudio de Francis Bebey (Clé), satire te in tée d ' h u m o u r :

- « d e s den t s en or» (court passage) , pp. 10-11 : Ils é ta ient trois Blancs. . . Quel h o m m e bizarre . . . ;

- un aspec t du « progrès », pp. 147 -149 : La saison des pluies était venue. . . de ce qu'ils a v a n c e n t ;

- le j ugemen t hâtif de l 'adminis t ra teur des colonies (un seul para- graphe) : p. 1 5 3 : Le lendemain, les gendarmes . . . fait vivre les h o n n ê t e s gens .

• Dans Ségou, ironie, révolte e t admiration : le Blanc dans son propre pays (à Londres), pp. 3 9 8 - 4 0 0 : A par t cela, Eucaristus. . . o rganisen t la p e n s é e : les livres!

• Dans l 'Aventure ambiguë : pp. 1 0 1 - 1 0 5 : - Déjà au tour de moi.. . se d ressa e t vit qu'il pleurai t ; pp. 161 -163 : - C ' e s t moi qui suis r e c o n n a i s s a n t à votre père. . . plus rien ne m e touche.

• Dans la Palabre stéri le:

- les rapports de travail avec le colon (portugais) : pp. 72 -73 : - Hé! pousseur . . . part i t d 'un trait (ou jusqu 'à la fin du chapitre);

- en contrepoint , l ' image d 'un Blanc sensible et serviable: pp. 79-81 : Il avai t vu quelqu 'un se pencher . . . je ne p e n s e p a s qu'il y en ait beaucoup .

• Dans Ville cruelle d'Eza Boto, alias Mongo Beti (Présence afri- caine) : portrait du Blanc, mauvais patron : pp. 100-102 : J u g e donc toi-même. . . n o u s débiner.

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• Dans Sans tam-tam d'Henri Lopès (Clé), un portrait plus posi- tif du colon : image du Blanc idolâtré : pp. 18 -19 : Le pa t ron de m o n père. . . p a s assez , je crois, pour s 'enrichir .

• Dans Batouala, compara i son de la vision du travail chez le Blanc et chez l 'Africain: pp. 19-21 : Le jour vint... de son bogbo.

• On a perdu la liberté de rire, de parler sa propre langue. Voir la Plaie de Malick Fall (Albin-Michel) : pp. 17 -18 : Ces oreilles rou- ges . . . ô -homme-des -Blancs !

• L'« impérialisme » de la langue f rançaise e s t d é n o n c é avec plus de vigueur encore dans Pe rpé tue de Mongo Beti (Buchet- Chastel) : pp. 131 -132 : Quand son imagination... trois visages d 'un m ê m e malheur.

• On ass is te à la d é g é n é r e s c e n c e de la cheffer ie d a n s Afrika b a ' a de Rémy Medou Mvomo (Clé): pp. 2 3 - 2 5 : La c a s e du père Ngo 'o s e trouvait . . . l ' i ndépendance avai t avor té .

4 - Le c o n f l i t d e s g é n é r a t i o n s

• Dans le Fils du fé t iche:

- bref p a s s a g e sur le refus de l 'école par le jeune Dansou : p. 59 : Depuis un certain t emps . . . lunet tes , parfum, e t c . ;

- rejet de la tradition dans s e s pra t iques inhumaines : pp. 1 0 - 1 3 : Mon cher neveu . . . la t o m b e tou te fraîche de m o n père.

5 - C o m p a r a i s o n a v e c

Nous voudrions faire une ment ion spéciale de l 'Etrange Des- tin de Wangrin d ' A m a d o u Hampa té Bâ (10/18) qui traite de pres- que t ous les t h è m e s é v o q u é s ici, mais sur un mode différent.

La colonisation, la cou tume , si elles son t vues t rès à fond, le son t dans une optique bien particulière: il s ' ag i t de montrer com- men t un individu intelligent e t rusé a su profiter de l 'une et de l 'autre, les opposer le cas échéan t , pour en tirer le plus grand avan- t age . La f inesse et l 'humour qui ca rac té r i sen t l 'écriture de c e t t e œuvre en font - e t c ' e s t là son originalité - une peinture objec- tive de l 'époque coloniale si peu compla isan te que le lecteur, blanc c o m m e noir, ne peut en tirer aucune supériori té raciale: il se s e n t plutôt du cô té de ceux qui c o m p r e n n e n t toujours t rop tard. Sorte d ' « e n v e r s du décor» , ce t t e œ u v r e méri te donc une lecture intégrale.

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Nous signalons c i -dessous quelques thèmes .

• Présence non négligeable de fét ichisme, marabou tage et c royances obscu ran t i s t e s :

- la na i s sance : pp. 16 -18 : La femme en travail... loin du pays na ta l ;

- le mythe de Gongolomo-Sooké: pp. 2 1 - 2 2 : A ce t t e époque. . . une calamité que lconque ;

- la vie d 'une société sec rè te : pp. 4 1 - 4 3 : Le quartier Wenndou.. . capable de répondre à son appel ;

- le griot louangeur: pp. 79-80: ici, chez Wangrin, moi Kountena... non une copie ou une imitation;

- les a s s u r a n c e s prises auprès d 'un marabout avant d 'af f ronter un procès : pp. 1 0 3 - 1 0 4 : Tierno Siddi ajouta. . . les m e m b r e s de ta famille;

- les différents p ré sages de la ruine de Wangrin: pp. 2 1 9 - 2 2 0 : Au m o m e n t où Wangrin... le c o m m a n d a n t Gordane; pp. 3 7 2 - 3 7 6 : Un jour, un vieux géomanc ien . . . trois mois plus tard; pp. 3 8 7 - 3 9 0 : A son départ , Wangrin... qu'il n ' en étai t part i ; pp. 3 9 9 - 4 0 1 : Un jour , M Ter reau . . c o m m e un f o u ; pp. 4 0 2 - 4 0 6 : Wangrin et Zambila... tu suis ; pp. 4 0 6 - 4 0 7 : Wan- grin prit son fusil... d a n s la brousse .

• Satire de la colonisat ion:

- l 'école des o t ages : pp. 1 9 -20 : L 'année m ê m e où il fut admis. . . té légraphis tes , infirmiers, e t c . ;

- les Blancs autour de 1 9 0 0 et la langue f rançaise : pp. 2 7 - 2 9 : Dans le coin réservé. . . moni teur de l ' ense ignement de-Dia- g a r a m b a ;

- le portrait de « Madame Commandan t » : pp. 6 3 - 6 4 : le comman- dant , t ou rmen té par la solitude.. . fonctionnaire français;

- l ' image de marque du colon donne tou te son orientation au pro- cè s qui oppose Wangrin au comte de Villermoz : pp. 1 0 5 - 1 1 3 : A Dakar.. . j usqu ' à la fin du chapi t re ;

- f ace au Blanc, Wangrin fait preuve d 'une é tonnan te faculté d ' adap ta t ion : pp. 129-131 : Wangrin s ' é t a i t informé... direction du pe r sonne l ;

- la colonisation exploite les uns, profite aux autres: pp. 2 7 1 - 2 7 2 : Une occas ion de gagner . . . de la m a s s e paysanne .

• On oppose ra donc, cela va sans dire:

- à une vision nostalgique et r e spec tueuse de la tradition (Le m o n d e s ' e f fondre et la plupart des au t res œ u v r e s proposées) , la vision égoïs te e t profi teuse qu ' en donne Wangrin;

- à une image sans faille du Blanc tout-puissant , celle d 'un homme c o m m e les au t res , rempli de fa iblesses et qu 'on peut dominer par la ruse (en lui laissant croire l 'inverse).

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