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SYMPOSIUM DE LA CEDEAO SUR LE DEVELOPPEMENT THEME : « SORTIR DU SOUS-DEVELOPPEMENT: QUELLES NOUVELLES PISTES POUR L’AFRIQUE DE L’OUEST ---------------------- Sous thème 5 : Capital social (humain, physique) et développement : rôle de la société civile, des réseaux --------------------- DEGRADATION ET CONSOLIDATION DU CAPITAL SOCIAL EN AFRIQUE DE L’OUEST : LA CONTRIBUTION DE LA SOCIETE CIVILE A LA PAIX ET AU DEVELOPPEMENT

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SYMPOSIUM DE LA CEDEAO SUR LE DEVELOPPEMENT THEME :

« SORTIR DU SOUS-DEVELOPPEMENT: QUELLES NOUVELLES PISTES POUR L’AFRIQUE DE L’OUEST ?»

----------------------Sous thème 5 : Capital social (humain, physique) et

développement : rôle de la société civile, des réseaux

---------------------

DEGRADATION ET CONSOLIDATION DU CAPITAL SOCIAL EN AFRIQUE DE L’OUEST : LA CONTRIBUTION DE LA SOCIETE CIVILE A LA PAIX ET AU DEVELOPPEMENT

Par Siaka Coulibaly, juriste, politologue, Ouagadougou, août 2010

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Activiste de la démocratie, des droits de l’homme et de l’environnement,

SIGLES ET ABREVIATIONS

BAD : Banque Africaine de Développement

CdC/CSLP : Cadre de Concertation des OSC pour le suivi du Processus

du Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté

CSB : Comités de Suivi à la Base

CSLP : Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté

CEDEAO : Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest

CCN : Conseil Consultatif National

CENI : Commission Electorale Nationale Indépendante

CROISADE : Comité de Réflexion et d’Orientation Indépendant pour la Sauvegarde

des Acquis Démocratiques

CSCI : Convention de la Société Civile Ivoirienne

CSRD : Conseil suprême pour la restauration de la démocratie

FUSAD : Front Uni pour la Sauvegarde de la Démocratie

JNC : Journées Nationales du Consensus

ONG : Organisation Non Gouvernementale

OSC : Organisation de la Société Civile

PPTE : Pays Pauvres Très Endettés

PTF : Partenaires Techniques et Financiers

UA : Union Africaine

UEMOA : Union Economique et Monétaire de l’Afrique de l’Ouest

Siaka Coulibaly, Symposium CEDEAO sur le développement, Ouagadougou, octobre 2010

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SOMMAIRE

SIGLES ET ABREVIATIONS.......................................................................................................................2

SOMMAIRE……………………………………………………………………………………………………………………………………….. 3

PROBLEMATIQUE...................................................................................................................................4

1. CADRE CONCEPTUEL ET D’ANALYSE DU CAPITAL SOCIAL...............................................................5

1.1. Essai de définition et déterminants du capital social..............................................................6

1.2. Cadre d’analyse du capital social............................................................................................9

2. ACTION ET CONTRE-ACTION DU CAPITAL SOCIAL DANS L’ESPACE CEDEAO.................................10

2.1. La déprédation du capital social...........................................................................................10

2.1.1. L’ethnicité et le clash socio-économique en Côte d’Ivoire............................................11

2.1.2. Tentative de déconstruction de la démocratie au Niger.....................................................11

2.2. Le don quichottisme de la société civile en Afrique de l’ouest.............................................12

2.2.1. La difficile restauration de la démocratie et de la paix.................................................13

2.2.2. Des forces sociales pour une paix hypothétique...........................................................14

2.2.3. Le suivi à la base pour des politiques publiques plus efficaces.....................................15

2.3. Synthèse des rôles de la société civile..................................................................................16

3. RECOMMANDATIONS...................................................................................................................18

CONCLUSION GENERALE......................................................................................................................18

Bibliographie........................................................................................................................................19

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PROBLEMATIQUE

L’évocation de la notion de capital social dans une réflexion sur le développement dans une initiative institutionnelle dans un contexte africain est une nouveauté qu’il convient de remarquer. Sous la poussée de plusieurs décennies de coopération au développement avec les pays développés, les praticiens et les animateurs des appareils de production des politiques publiques ainsi les concepteurs des projets africains en sont arrivés à occulter toute référence à la réflexion et l’analyse sur le contexte humain dans lequel se déroulent ces projets, programmes et politiques. Les raisonnements philosophique et anthropologique ont été relégués à des études marginales rares et peu accessibles au public. La sociologie, quant à elle, s’en est trouvée réduite à la production de statistiques globales et à l’interprétation primaire des faits et phénomènes sociaux, s’éloignant ainsi de son objet premier qui fut de fournir une connaissance rationnelle (mesurable) mais profonde des caractéristiques réelles de la société afin de mieux la servir. L’économie a et est toujours le principal terrain de frustration à la réflexion sur le développement en Afrique. Emmurée dans un cadre de méthodes et surtout des thématiques imposées, la réflexion économiste africaine a eu bien du mal à proposer des solutions efficaces pour le développement du continent alors qu’elle est présentée comme sa science par excellence. Au total, le processus de développement en Afrique est orphelin d’une réflexion endogène compréhensible qui l’alimente et lui donne les élans indispensables. En conséquence, malgré l’existence de nombreux travaux et expériences, des théories du développement cohérentes, holistiques et endogènes manquent encore dans la région. La CEDEAO ayant orienté ses efforts et ressources dans la définition d’un cadre légal sous régional incitatif pour l’intégration régionale et la maîtrise de la conflictualité, n’avait pas fourni jusque-là un cadre pour la véritable réflexion sur le développement.

Dans un tel contexte, initier un processus pour la définition de références rationnelles pour encadrer le développement est très louable. Faire intégrer le capital social dans la réflexion sur le développement en Afrique de l’ouest est un acte encore plus louable à plusieurs égards. En effet, évoquer le capital social au moment de rechercher des solutions inédites au développement revient à mettre le doigt sur le domaine clé par lequel tout processus de développement s’initialise et s’achève, à savoir l’humain. De manière pratique, le lien avec le capital social permet un déploiement des acteurs non étatiques dans le processus de développement. La présente réflexion s’articule autour des questionnements tels : de quelle manière comprendre le capital social et son lien avec le développement ? Quelles dimensions du capital social peuvent offrir des passerelles opératives avec le développement ? Quels acteurs interviennent dans le lien capital social-développement en Afrique de l’ouest et quels sont les impacts de ces interactions ? Quelles pistes de solutions peuvent-elles être envisagées pour rendre la trajectoire du développement rationnelle et

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endogène. Du point de vue de la société civile, contribuer à la réflexion sur les solutions innovantes du développement en Afrique de l’ouest revient, du point de vue de la méthode, à adopter une posture théorique, réaliste, critique et prospective.

En application d’une telle posture, la présente contribution va tendre à (1) suggérer un cadre d’analyse du capital social qui convienne au contexte ouest africain (2) revenir rapidement sur les liens entre ce concept et le développement et, (3) analyser par des évocations de cas l’état du capital social en Afrique de l’ouest et les rôles de principaux acteurs qui influencent cette dimension avant d’avancer des recommandations sur des pistes de solutions.

1. CADRE CONCEPTUEL ET D’ANALYSE DU CAPITAL SOCIAL

Tenter de définir le capital social dans le cadre d’une réflexion sur le développement en Afrique de l’ouest se confronte à une difficulté de taille. Les meilleurs exemples qui ont été documentés se sont déroulés dans des contextes culturellement très différents du milieu africain. Il s’agit de l’Australie1 et du Canada2 qui ont érigé le capital social ainsi que les recherches que ce concept impose au rang de programme gouvernemental et académique. Selon ces travaux, la systématisation du capital social comporte de nombreux bénéfices directs et indirects et doit intégrer les politiques publiques. La promotion du capital social permet d’atteindre les résultats suivants :

Aider les populations à risque d’exclusion sociale : Presque par définition, les individus et les groupes exclus sont coupés des liens sociaux qui leur permettraient de participer pleinement à la vie sociale, économique et politique de leur collectivité. La disponibilité de certains types de réseaux (ou l’absence de tels réseaux) peut avoir une incidence importante sur les résultats des politiques qui favorisent l’intégration socioéconomique de personnes à risque d’exclusion sociale, notamment les nouveaux arrivants, les chômeurs chroniques, les mères seules, les jeunes en difficulté et certaines communautés autochtones.

Aider à traverser les grandes transitions de la vie : Les transitions de la vie (p. ex. insertion sur le marché du travail, divorce, retraite, perte d’autonomie) constituent des moments d’incertitude et d’instabilité qui, bien que ce soit là des situations courantes pour la plupart des gens, sont vécues avec plus ou moins de succès, selon le cas. Ce sont des périodes où les personnes ont souvent besoin de se tourner vers leurs réseaux sociaux existants pour obtenir un soutien et de l’aide ou d’établir de nouveaux contacts sociaux pour obtenir les types d’aide requis.

1 Les principaux travaux dans ce pays ont été conduit par le Australian Institute of Family Studies, 300 Queen Street, Melbourne 3000 Australia, Phone (03) 9214 7888; Fax (03) 9214 7839, websitet www.aifs.org.au 2 En 2003, le gouvernement canadien a lancé le Projet de recherche sur les politiques qui est un projet interministériel destiné à évaluer la pertinence et l’utilité potentielles du capital social comme instrument de politique publique. Le site web du projet est : www. www.prp-pri.gc.ca

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Promouvoir les initiatives de développement des collectivités : cela met l’accent sur la recherche de façons plus efficaces qui permettent aux citoyens, aux organismes de prestation de services, aux institutions et aux organisations d’interagir et de créer des liens dans le but de produire des changements durables touchant les conditions de vie et le mieux-être des membres de la collectivité. Ainsi, on peut se concentrer sur une approche plus coordonnée de la prestation de services, de la prise de décisions et de la résolution de problèmes fondée sur la reconnaissance du rôle des réseaux formels et informels3.

Ainsi, « La prise en compte du rôle du capital social (et des interactions entre les relations sociales et les politiques) selon une méthode plus systématique dans la conception, la mise en œuvre et l’évaluation des programmes peut éventuellement faire une différence importante dans la réalisation des objectifs en matière de politiques ».

Si dans des pays développés le capital social a été identifié comme un ingrédient majeur des politiques publiques et leur rôle dans la promotion du bien-être collectif établi, les pays africains dont les sociétés font une plus grande place aux rapports humains se doivent de se pencher sur le capital social en vue de sa meilleure caractérisation et utilisation dans les programmes de développement.

Il est à noter cependant que les enjeux liés à la prise en compte du capital social dans les politiques publiques ne sont pas tout à fait similaires pour les pays développés et pour ceux en développement. Si dans le monde développé, l’accent est mis sur l’égalité des chances d’accès aux biens publics et à la redistribution des bénéfices de la croissance, en revanche, dans les pays ouest africain, l’emphase doit encore être mise sur la promotion de la socialité pour instaurer un climat propice à la paix, la stabilité politique, les droits humains et la démocratie. En Afrique, les objectifs de la recherche du capital social tendent à créer un cadre structurant favorable dans lequel le processus de développement pourrait prendre place. D’autre part, les caractéristiques psychologiques et mentales des sociétés africaines, qui ont une influence directe sur le capital social, induisent un état du capital social totalement différent de celui qui prévaut dans les pays occidentaux.

En combinant les différents éléments disponibles, type de société, contexte socio-politique et historique, l’on est en droit de revendiquer que le capital social dans les politiques de développement en Afrique de l’ouest se présente de manière distincte de ce qu’il représente dans d’autres contextes. Les déterminants qui pourraient permettre de saisir le capital social dans un cadre de politique publique régionale devraient alors être tirés du milieu qui sert de fond sociologique à cette politique. Ainsi, le capital social comme ingrédient de la recherche de solutions innovantes au développement dans le cadre de la CEDEAO et proposé par la société civile est sui generis et dynamique. Il part

3 Gouvernement du Canada - Projet de Recherche sur les Politiques, Le capital social : un instrument de politique publique, Rapport de projet, Septembre 2005, p.3

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d’un essai de définition et propose des déterminants objectifs avant de proposer un cadre d’analyse qui permette son étude. De plus, sur la base de présentation de cas, le rôle des acteurs dans la consolidation du capital social ou sa décomposition est discuté.

1.1. Essai de définition et déterminants du capital social

Dans le contexte de l’Afrique de l’ouest en proie à une conflictualité persistante qui empêche l’instauration de processus de démocratie et de développement économique durables, l’activation du capital social devrait viser l’établissement d’un climat propice à la paix, la stabilité politique et la participation citoyenne. Dans une Afrique où, du fait de l’analphabétisme, les structures mentales restent peu sophistiquées, et où la pauvreté détruit les valeurs intrinsèques, le recours systématique au capital social dans les politiques de développement doit viser l’instauration du climat social conductible qui permet de déployer ces politiques. Un tel recours conduit aussi inévitablement à la théorie des capabilités d’Amartya Sen4 dont l’œuvre fut une contribution majeure, par l’approche et les résultats, aux théories et programmes de réduction de la pauvreté depuis les années 1990. En recentrant la réflexion économiste sur l’homme en tant que déterminé par un contexte social et historique, Sen Amartya permet de faire prendre en compte les dimensions culturelles et sociales, donc du capital social, dans la conception des programmes de développement.

Au plan sociétal, l’Afrique tout entière se caractérise par le non achèvement autonome des groupes sociaux précoloniaux en société moderne d’une part et par l’échec de la transplantation de la modernité occidentale faite de rationalisme, à travers l’Etat d’autre part. L’homme africain reste encore largement marqué par la tradition. C’est pourquoi le développement humain en Afrique doit nécessairement prendre en compte ces dimensions humaines intrinsèques. Si les liens entre le capital social et les préoccupations macro-économiques peuvent être discutées, en revanche, le capital social à des interrelations immédiates avec les dimensions méso et micro-économiques. Il est une variable incontournable de la gouvernance locale et le siège des stratégies de survie que les communautés développent en l’absence ou l’insuffisance des interventions de l’Etat. D’autre part, il est indéniable qu’en Afrique, le capital social, par l’entremise des réseaux sociaux, assure un volume important de redistribution de la richesse produites et contribue grandement à réduire les inégalités sociales, notamment entre la ville et la campagne. Ce sont les réseaux sociaux, formels ou non, qui déterminent la qualité physique et morale de la vie des individus en Afrique. En effet, ils permettent de faire face aux principaux défis de la vie : scolarité, emploi, mariage, chômage, voisinage, sécurité, crises alimentaires, etc.

4 Economiste d’origine indienne, Sen Amartya a été Prix Nobel d’économie en 1998. Ses travaux sur la pauvreté et son approche ont permis de consolider l’anthropologie économique. Les stratégies de renforcement des capacités des groupes vulnérables mises en œuvre dans toutes les zones en développement sont des adaptations de ses travaux. Il est aussi très engagé dans la société civile et est président d’honneur de Oxfam.

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L’impact des réseaux sociaux est plus grand en milieu rural. Les formations sociales vivant au Burkina Faso, ont presque toutes érigées des mécanismes internes pour encadrer et permettre l’entraide sans laquelle la vie serait impossible dans ces villages du fait de l’archaïsme des méthodes culturales et des techniques de production. On rencontre plusieurs types de réseaux sociaux qui permettent de contourner les obstacles du milieu rural.

les regroupements ou ententes traditionnels de producteurs sont des initiatives de solidarité permettant aux producteurs de dépasser certaines contraintes. Les travaux agricoles dont la charge de travail excède celle d’une unité familiale ou individuelle font partie de ces contraintes. Ces travaux en groupes sont plus prisés par les agriculteurs et ont pour objet les champs principaux de labours. En effet, chaque unité de production détient un champ principal où elle produit la principale culture de subsistance (mil, maïs, sorgho), autour duquel se trouve plusieurs petits champs où se font les cultures annexes (riz, arachides, voandzou, sésame, ignames, patates, cultures maraîchères, etc.). Si les champs secondaires peuvent être mis en valeur par les unités familiales de production, le champ principal a, lui, très souvent besoin d’une plus grande capacité de travail, d’où le besoin et le recours de faire venir en aide d’autres producteurs. Ces ententes sont appelées selon les langues, sènè ton (dioula), sosoaga (mooré), yaollé, tinsia (toussian). Pour une meilleure connaissance de ces organisations tradi-culturelles, voir l’étude anthropo-économique plus spécifique d’Armelle Faure5.

Les groupements traditionnels améliorés . Dans certains terroirs, sous l’impulsion des organismes de soutien au milieu rural (services étatiques, ONG, coopération internationale) certaines structures endogènes de développement local ont émergé et réussi à atteindre un niveau institutionnel enviable par les organes publics en se développant en association ou réseaux de production/commercialisation. On peut retenir dans cette catégorie le réseau des groupements Naam présents dans les provinces du Yatenga, du Houet et de la Comoé), l’association Vive le paysan (Saponé), Pag la yiiri dans le Plateau Central et Tin-tua (Fada Ngourma)6.

En définitive, l’étendue des appartenances d’un individu aux réseaux sociaux (sa connexion au capital social) et sa liberté à en tirer profit (capabilité), déterminent son développement personnel.

C’est ce capital social qui a permis, par exemple, aux populations togolaises et ivoiriennes, entre 2000 et 2009 lors des suspensions de l’aide internationale, de surmonter le stress de la réduction drastique des prestations publiques de première nécessité.

5 Faure Armelle, Perception de l’approche gestion des terroirs par les populations rurales au Burkina Faso, rapport final d’étude, UGO-PNGT, Caisse Centrale de Coopération Economique, Ouagadougou, avril 1992, pp 17-216 Coulibaly Siaka, Le terroir contre la pauvreté, Analyse de l’expérience de politique publique du Programme National de Gestion des Terroirs (PNGT2)/Banque Mondiale, Ouagadougou, 2005, p. 82

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De ce point de vue alors, le capital social comme composant des politiques de développement pourrait être « l’ensemble des interactions positives permettant à tout individu de tirer profit des opportunités disponibles de son cadre de vie en vue de ses satisfactions essentielles ».

La mise en œuvre d’une telle définition implique de mettre en avant les valeurs de tolérance, de confiance, de solidarité, d’interactivité personnelle et de participation, qui prennent ainsi une importance primordiale dans cette construction. Un cadre d’analyse spécifique d’étude du capital social pourrait se construire en utilisant les dimensions du capital social évoquées.

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1.2. Cadre d’analyse du capital social

Dimension du capital

social (Valeurs)

Variable Utilité Niveau d’opération Mesure Impact

Normes sociales

Tolérance Sociabilité de l’individu Qualité de la vie en

commun Fluidité de l’emploi

- Projets et programmes (niveau local)

- Plaintes individuelles- Interventions des services sociaux,

judiciaires et de police

- Population active de qualité

- Meilleure efficacité des politiques publiquesConfiance Efficacité économique

Performance de la délibération publique

- Politiques nationales - Nombre de contrats- Nombre de litiges interpersonnels- Nombre de participants aux cadres de

dialogue

Solidarité Assistance sociale Efficacité du lien social

- Politiques nationales - Réponses aux vulnérabilités individuelles

- Dynamisme (nb et activité) des réseaux sociaux

Interactions Diversité et intensité

Riche spectre social Mobilités Production

- Politiques nationales- Projets et programmes

(niveau local)

- Diagramme des affinités - Efficacité des systèmes de production

Participation

Citoyenneté

- Adhésion aux valeurs collectives

- Délibérations publiques- Dialogues sur les

politiques

- Politiques nationales- Politiques sous

régionales

- Etat-civil- Liste électorale

- Démocratie épanouie- Etat de droit- Cadre légal et

institutionnel performant

Responsivité

- Politiquement actif- Action politique non

partisane- Veille sur les institutions

- Politiques nationales - Inscription sur la liste électorale- Taux de participation aux élections- Confiance dans les institutions (indice

de perception)- Nombre et activité des cadres de

dialogue sur les politiquesAction sociale

- Réponses à la vulnérabilité économique

- Projets et programmes (niveau local)

- Politiques nationales- Politiques sous

régionales

- Nombre de projets et programmes- Statistiques socio-économiques

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Le cadre d’analyse propose des éléments pouvant servir à une recherche plus approfondie et à évaluer la prise en compte du capital social dans les politiques publiques de développement dans les pays de la CEDEAO. Ce capital social est ce qui permet, malgré les multiples atteintes dont les communautés ouest africaines sont l’objet, de maintenir la vie et même une certaine évolution du bien-être. En considérant le capital social plus comme découlant du fonds sociologique propre des sociétés africaines fait de coutume et de morale que du droit positif moderne, il peut être identifié des acteurs et des agissements qui d’une part tendent à décomposer le capital social et d’autre part le consolident.

2. ACTION ET CONTRE-ACTION DU CAPITAL SOCIAL DANS L’ESPACE

CEDEAO

En début 2008, le Président de la Commission de la CEDEAO, Dr Mohammed Ibn Chambas, présentait un état de la sous-région où transparaissait une note de satisfaction devant le relatif rétablissement de la stabilité politique et de la paix dans la sous-région. En effet, la fin, par des élections, des crises libérienne (élection présidentielle et législative du 11 octobre 2005) et sierra léonaise en novembre 2007, la signature d’accords politiques en Côte d’Ivoire et au Togo la même année, une crise politique évitée au Nigéria après l’élection présidentielle de mai 2007, permettait de penser qu’une nouvelle ère de stabilité et de paix venait de s’ouvrir en Afrique de l’ouest. A peine ce sentiment d’optimisme esquissé que les vieux démons de la discorde et de la violence reprirent pied sur le sol ouest africain. La Guinée Bissau, la Guinée, la Côte d’Ivoire et le Niger ont été, en 2008 et 2009, le théâtre de crises socio-politiques qui ont largement entamé le capital social dans ces pays. Qui est l’auteur de ces atteintes à l’ordre socio-politique et quelles sont les réponses directes ou indirectes apportées à ces atteintes ? Quelques cas de pays peuvent permettre de répondre à ces interrogations. Les cas de la Côte d’Ivoire, du Niger et du Burkina Faso font voir que l’acteur politique est le principal responsable de la dégradation du capital social tandis que la société civile tente désespérément de le reconstruire.

2.1. La déprédation du capital social

L’observation des événements politiques dans les pays ouest africains depuis 2000 à 2010 montre que les acteurs politiques ont joué un rôle de premier plan dans la dégradation du climat socio-politique. Cette idée n’est pas du tout nouvelle, loin s’en faut. Plusieurs travaux et auteurs ont tendu à décrire un jeu politique dévoyé en Afrique comme explication du sous-développement. Déjà, en 1978, Jean-François Médard a étudié les dérives de l’Etat en Afrique en en dénonçant ses nombreux travers. Il a fait du neo-patrimonialisme7 la pierre de touche de son analyse et il y voit un principe explicatif de « l’Etat sous-développé)8. En termes plus vigoureux et sans complaisance, Achille Mbembé 7 Utilisation à des fins personnelles des positions de pouvoir par une élite ou appropriation privée de 1’Etat, comme avec Bokassa (République centrafricaine) ou Macias Nguema (Guinée Equatoriale)8 J.F.Médard, L’Etat sous-développé au Cameroun, Année africaine 1977, Pédone, Paris, 1978, p.35-88

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parle d’ « avortement du capitalisme et improduction », et « du gouvernement comme mode de gestion de la violence ». De fait, l’incrimination des dirigeants politiques africains dans l’échec du développement est un trait récurrent des études et analyses depuis les années 1970 au moins.

Deux exemples précis et récents permettent de conforter ces théories.

2.1.1. L’ethnicité et le clash socio-économique en Côte d’Ivoire

En Côte d’Ivoire, le décès du Président Félix Houphouët Boigny le 7 décembre 1993 a ouvert un cycle d’instabilité politique, essentiellement dû à la fébrilité des dirigeants politiques de l’époque. De 1994 à 2005, des mesures et des discours pour le moins maladroits et politiquement dangereux ont attisé les divisions entre les forces politiques et entre les groupes sociaux du pays. L’exclusion politique, administrative et sociale a entretenu un climat d’intolérance, de violence et d’asociabilité sur toute l’étendue du territoire ivoirien. Le conflit armé qui a débuté le 19 septembre 2002 n’a pu prendre fin en 2007, que par la renonciation effective des acteurs politique à certains arguments et positions. Le conflit a provoqué des pertes en vies humaines, des dégradations d’infrastructures, une désorganisation de la production en général et vivrière en particulier ainsi que l’augmentation de la pauvreté. La Côte d’Ivoire, pays jadis riche, prospère et considéré comme l’eldorado de la sous-région ouest africaine a été admis à l’initiative PPTE en 2006, dénotant d’un recul économique remarquable. Au plan du capital social, la population ivoirienne se retrouve divisée en de très nombreuses fractions identitaires inclassables dont les membres pratiquent la méfiance, l’intolérance et l’exclusion à l’encontre les uns des autres. Cette rupture du capital social empêche la division quasi naturelle des tâches de production entre les différentes catégories sociales du pays de faire ses effets. Le climat de confiance et la foi en un avenir commun partagé par les ivoiriens avant 1990 et qui avait permis le « miracle économique ivoirien » dans le passé a été violemment rompu par l’action d’acteurs publics au premier rang desquels les politiciens. Cette responsabilité des acteurs politiques est unanimement reconnue aussi bien par les populations que par les acteurs et observateurs extérieurs. A tel point qu’un historien a pu dire que « La renaissance de la Côte-d’Ivoire passera obligatoirement par un renouvellement profond d’une classe politique faible que la corruption et la pratique ethniste rendent politiquement responsable du chaos actuel et de la naissance de la rébellion armée9 ».

2.1.2. Tentative de déconstruction de la démocratie au Niger

Au Niger, l’année 2009 a vu se dérouler des événements qui ont porté atteinte au capital social historique de ce pays. Le 6 mai 2009, l’ex-Président de la République du Niger, monsieur Mamadou Tandja a déclaré devant les médias son intention d’organiser un referendum en vue de modifier la constitution du pays datant de 1999. Le principal objectif de cette modification était de prolonger le mandat du président Tandja de trois années supplémentaires alors 9 Coulibaly Tiemoko, Lente décomposition en Côte-d’Ivoire, Le Monde Diplomatique, novembre 2002, http://www.monde-diplomatique.fr/2002/11/COULIBALY/17147

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que son dernier mandat, en cours, se terminait en décembre 2009 et qu’une élection présidentielle était prévue à cette date. Devant l’opposition de l’Assemblée Nationale, de la Cour Constitutionnelle, de la société civile et de la communauté internationale à son projet de prolongation illégale du mandat présidentiel, Mamadou Tanja et ses affidés ont entrepris de disloquer le bloc juridique et institutionnel de la démocratie du Niger. Le parlement (26 mai 2009) et la cour constitutionnelle furent dissous, la composition de la CENI modifiée pour y faire siéger ses supporters. L’opposition politique, les syndicats et la société civile formèrent un vaste front pour résister à l’instauration d’un régime autoritariste et anti démocratique au Niger. De nombreuses arrestations eurent lieu parmi les opposants au tazartché et la situation sociale se dégrada très rapidement du fait de la suspension de l’aide internationale qui, pour un pays comme le Niger, reste vitale. Les prix des denrées de première nécessité s’envolèrent alors que les revenus s’étaient effrités du fait de la crise socio-politique. Après un bras de fer de plusieurs mois entre les défenseurs de la démocratie et ses prédateurs, le régime de Mamadou Tanja finit par s’écrouler le 18 février 2010 renversé par un coup d’Etat militaire qui amena au pouvoir le Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (CSRD). Ainsi, les partisans du tazartché de Tanja ont conduit le Niger à une rupture de l’ordre constitutionnel que beaucoup de démocrates enviaient à ce pays, mais surtout à des secousses du tissu social en y vivifiant les clivages ethniques qui jusque-là étaient restés marginaux dans le débat et la vie politique. Ajoutés à ces errements politiques, la rébellion touarègue interminable, les difficiles conditions climatiques et le déficit alimentaire chronique et la suspension de l’aide internationale ont sérieusement entamé le capital social et de production du Niger qui occupa le dernier rang en 2009 sur l’Indice du développement humain.

Ces atteintes au capital social, à la stabilité et à la paix se rencontrent dans plusieurs pays de la sous-région tout en prenant des formes diverses. Ils sont le plus souvent principalement le fait de l’acteur politique qui s’aide, pour cela, de plusieurs autres acteurs locaux et extérieurs.

Face aux actions de déconstruction du capital social dans l’espace ouest africain, d’autres acteurs tentent de reconstruire le bien commun propre aux peuples de cet espace.

2.2. Le don quichottisme10 de la société civile en Afrique de l’ouest

Cela relèverait d’un manichéisme étroit que de voir un acteur politique exclusivement malfaisant et une société civile au comportement angélique en Afrique de l’ouest. Le politique est tenu pour responsable de l’état des lieux parce qu’il dirige, organise, planifie, décide et met en œuvre. La société civile, quant à elle, est aussi porteuse de plusieurs tares qui l’empêchent de jouer pleinement le rôle qui est attendu d’elle. Clientélisme, captation de fonds, actes

10 Se dit d’une action idéaliste pour changer une situation avec des moyens dérisoires. L’expression se réfère au personnage crée par l’écrivain espagnol Miguel de Cervantès, l’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche dans un roman publié à Madrid en deux parties, en 1605 et 1615. Ce personnage est à l'origine de l'archétype du Don Quichotte, rêveur idéaliste et irraisonné, justicier autoproclamé

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crapuleux, défaut de légitimité, etc. peuvent se retrouver dans les pratiques qui ont cours au sein de la société civile africaine. Néanmoins, dans l’ensemble, la société civile poursuit des objectifs positifs. Participant de l’idéal démocratique, elle est l’action citoyenne pour des Etats bien gérés et le bien-être collectif. Ensuite son modus operandi la contraint à adopter des valeurs positives qui relèvent et concourent à la formation et à la consolidation du capital social. On peut retrouver en Afrique de l’ouest des exemples de contribution de la société civile à la consolidation du capital social dans des contextes difficiles.

2.2.1. La difficile restauration de la démocratie et de la paix

Au Niger, l’entreprise d’instauration d’un pouvoir autoritaire11 par l’ancien président Mamadou Tanja s’est confrontée à une opposition très forte conduite par des partis politiques, des syndicats, des OSC/ONG, des mouvements sociaux divers. Par des actions vigoureuses, le mouvement populaire opposé au tazartché à réussi à défendre les principes démocratiques et les acquis du peuple nigérien en la matière. Après la prise du pouvoir par le CSRD, la société civile s’est retrouvée au premier plan de la restauration de la démocratie, en particulier par la nomination d’un de ses membres les plus actifs à la présidence du Conseil Consultatif National. Cet organisme de type consultatif qui est composé de cent trente un (131) membres issus de toutes les couches socio-professionnelles, de la société civile, des structures de jeunesse, des organisations de femmes, a été installé le 7 avril 2010 par le Président du Conseil Suprême pour la Restauration de la Démocratie, Chef de l’Etat nigérien, avec pour mission principale de proposer un chronogramme de la transition politique. Le CCN a également pour mission de faire le diagnostic de la situation sociopolitique du pays et de suggérer des pistes de solution au gouvernement.

En particulier, le CCN doit proposer les textes fondateurs du nouveau cadre légal et institutionnel démocratique voulu au Niger. Ces instruments permettront au Niger de présenter à la communauté internationale une feuille de route débouchant sur l'organisation à court terme d'élections locales, législatives et présidentielle en vue d'un retour à un régime constitutionnel.

Le CCN est présidé par Mr Amadou Marou, personnalité de la société civile nigérienne et ouest africaine, précédemment président du CROISADE et du FUSAD. Sa nomination à cette éminente position permet de mettre à l’actif de la société civile ouest africaine un succès supplémentaire dans les processus de restauration de la paix et de la stabilité politique en Afrique de l’ouest. Sous sa conduite, le CCN a déposé auprès du chef de l’Etat, courant mai 2010 les avant-projets de textes juridiques attendus, à savoir un avant-projet de constitution, un avant-projet de code électoral, un avant-projet de charte des partis politiques, un avant-projet de statut de l'opposition et un avant-projet de charte d'accès à l'information publique. Ces instruments, une fois adoptés, permettrons l’amorce d’un processus électoral et un retour à l’ordre constitutionnel qui s’annonce harmonieux. Le CCN a organisé l’inclusion des différentes catégories socio-

11 La constitution soumise à référendum et votée le 4 août 2009 était remarquable par sa concentration de tous les pouvoirs institutionnels dans les mains du seul chef de l’Etat. Par cette constitution, rien n’empêchait Mamadou Tanja de se proclamer roi par la suite.

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culturelles, des forces politiques et des mouvements sociaux du pays dans sa composition d’une part et a fonctionné de manière participative dans ses débats et dans l’adoption des décisions. Sans qu’on ne puisse crier à la victoire tout de suite, l’on peut cependant constater que la société civile a pu défendre des valeurs sociétales positives et œuvré à la restauration d’un climat social de paix pouvant permettre au développement de se dérouler.

2.2.2. Des forces sociales pour une paix hypothétique

En Côte d’Ivoire, dès l’amorce du conflit armé, des initiatives multiples ont vu le jour tentant d’arrêter les hostilités et de restaurer la paix. Dans cette myriades d’actions portées par des ivoiriens et des bonnes volontés extérieures, les Journées Nationales du Consensus organisées par une vaste coalition de forces sociales ivoiriennes méritent qu’on s’y arrête. Regroupées autour de la Convention de la Société Civile Ivoirienne (CSCI), plus de trois cent (300) organisations ont participé aux JNC qui se sont tenues du 22 au 29 mai 2009 à Abidjan. En tant que mouvement citoyen, les JNC se voulaient un engagement contributif à la sortie définitive de crise en amenant les forces sociales à s’investir dans un domaine qui n’est celui exclusif des acteurs politiques. Identifier les conditions d’un nouveau contrat social est, en soi, une ambition noble et un axe pertinent dans un contexte où précisément la concorde sociale est profondément disjointe.

L’objectif principal des Journées de Consensus National était de formaliser les aspirations majeures des populations et de l’ensemble des acteurs politiques, économiques et sociaux permettant ainsi de poser les bases solides d’un contrat social devant aboutir à la renaissance de la Côte d’Ivoire.

Les objectifs spécifiques sont :

- identifier les modalités pratiques de sortie rapide, pacifique et définitive de crise par un large consensus impliquant l’ensemble des forces vives de la nation ;

- adopter, par consensus, le document cadre d’un nouveau contrat social: principes et valeurs de base à promouvoir, réformes institutionnelles, relance de l’économie, bonne gouvernance et contrôle citoyen; droits de l’homme et démocratie participative ;

- obtenir l’adhésion de toutes les forces vives de la nation aux résolutions issues des Journées Nationales de Consensus avant les élections générales et formaliser cela juridiquement;

- obtenir l’engagement de tous les acteurs sociaux (confessions religieuses, chefferie coutumière, partis politiques, secteur privé, centrales syndicales, ONG…) à soutenir ces résolutions afin d’en faire une loi-cadre.

Les JCN ont aussi connu la participation de délégués venus de vingt-trois (23) pays africains ayant des expériences diverses en matière de conflits armés, de

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crises politiques ou de réussite démocratique. Ces experts ont apporté leurs contributions et partagé leurs expériences qui ont servi à alimenter la réflexion des ivoiriens eux-mêmes.

Les travaux des JCN ont, à travers des ateliers, planchés sur plusieurs sous-thèmes concourant à l’objectif général, tels :

- Diagnostic des crises ivoiriennes, défis à relever et atouts- conditions préalables du contrat social : appropriation du processus de

paix par tous en vue d’une sortie rapide, pacifique et définitive de crise- Stabilité politique et gouvernance en Côte d’Ivoire- Réalisation d’un deuxième « miracle économique ivoirien » par la

croissance intensive en vue du développement durable- Réforme de l’école ivoirienne- Lutte contre la pauvreté et accroissement du bien-être de la population- Politique active de l’emploi et lutte contre le chômage- Equité du genre- Culture ivoirienne face à la mondialisation- Intégration sous régionale et coopération internationale.

Cette manifestation a connu le soutien des institutions internationales qui apportent leur appui technique et financier à la résolution du conflit ivoirien. L’Union Européenne et les Nations Unies en particulier ont placé beaucoup d’espoir dans ces JNC et l’ouverture officielle en a été faite par le Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies en Côte d’Ivoire. Plusieurs autres institutions (UA, CEDEAO, UEMOA, BAD, etc.) ont, au cours des travaux, apporté leur soutien à cette action.

Cette rencontre qui se voulait cathartique, a formulé plusieurs recommandations dont les principales sont :

- Entreprendre des consultations avec les forces vives de la nation : secteur privé, confessions religieuses, chefferie traditionnelle, centrales syndicales, institutions nationales et partis politiques

- Créer un cadre permanent de concertation sur les grands problèmes de la nation entre l’Etat, la classe politique, la société civile et le secteur privé.

Ce type d’action peut paraître inopérant à première vue. Son impact réel se situe cependant dans le domaine où l’accent devrait être mis, préalablement aux discussions politiques sur le pouvoir. Elles ont également un impact psychologique important. En amenant les acteurs du conflit à adhérer à des conventions portant sur des valeurs, il se crée une espèce d’obligation morale qui exerce une force dissuasive car chaque acteur voudrait ne pas être enregistré dans l'histoire comme celui ayant rompu la paix et recommencé les hostilités. La tenue même de ces journées constitue un jalon important dans la reconstitution du capital social.

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2.2.3. Le suivi à la base pour des politiques publiques plus efficaces

Le Burkina Faso est un pays aux conditions naturelles assez difficiles et où les revenus des ménages sont généralement bas. Dans un tel contexte, les biens et services de base fournis par les services publics ainsi que les ressources qui servent à les acquérir prennent une importance particulière. Les ressources propres étant limitées, l’aide internationale, estimée à 31% du budget de l’Etat en 2008, devient vitale, et sa rigoureuse utilisation un enjeu d’Etat. Le pays a accédé à l’initiative PPTE en 2000 à un moment où une crise socio-politique débuté en 1998 continuait à miner le climat social. Le principe de l’initiative PPTE étant la réallocation par l’Etat de la dette extérieure annulée à des projets sociaux (éducation, santé), un besoin de suivi de la gestion de ces fonds est apparu. Comment s’assurer que le montant de dette annulée par les créanciers institutionnels servira effectivement à soulager les difficultés des populations ? Cette préoccupation des partenaires techniques et financiers était également partagée par la société civile, d’autant que l’une des conditionnalités des stratégies de réduction de la pauvreté suggérées par la Banque Mondiale porte sur l’appropriation de la stratégie par les populations du pays bénéficiaire.

En 2004, un groupe d’OSC/ONG s’est engagé dans le suivi de la gestion des fonds PPTE. Après un voyage d’étude à Tamalé au Ghana, et une analyse stratégique, le groupe, qui a pris le nom de Cadre de Concertation des OSC pour le suivi du Processus du Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté (CdC/CSLP), a adopté l’approche du « suivi à la base » pour faire le monitoring de l’utilisation des fonds PPTE en programmes sociaux. Des Comités de Suivi à la Base (CSB) ont été installés dans des communes rurales (villages) et sur la base d’un questionnaire, collectent des informations sur les réalisations d’infrastructures et la gestion des services étatiques. Les informations ainsi réunies servent à élaborer un rapport national de suivi citoyen de la lutte contre la pauvreté qui permet de tenir des conférences de presse et surtout de faire le plaidoyer auprès du gouvernement sur tel ou tel problématique. Un tel engagement a conduit le CdC/CSLP à intégrer le dispositif national de suivi du CSLP mis en place par le gouvernement et qui annuellement (Revue Annuelle) réunit celui-ci, la société civile, le secteur privé et les PTF pour apprécier le rapport annuel de mise en œuvre de la stratégie de réduction de la pauvreté qui est présenté par le gouvernement et apprécié par les autres acteurs.

L’engagement de la société civile à impliquer les populations à la base dans le suivi des projets dont elles sont bénéficiaires participe de la promotion de leurs droits sociaux, économiques et culturels. Ce faisant, ces populations exercent des droits reconnus par la constitution burkinabè du 2 juin 1991 (article 12) et le Code Général des Collectivités Territoriales de 2004 (article 11 et 12). Ces dispositions juridiques consacrent l’approche participative dans le développement local qui crée un climat social propice aux projets et programmes de développement. Au niveau local, une nouvelle disposition des rapports entre l’administration et les populations est créée par ces cadres qui assurent l’interaction des différents partenaires autours d’enjeux communs. Au total, l’implication de la société civile et des populations dans les politiques publiques renforce le capital social et accroit l’efficacité de ces politiques.

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2.3. Synthèse des rôles de la société civile

Dans le dispositif du développement et des politiques publiques, la société civile tient ou peu tenir les rôles suivants :

Accompagnement du développement. Les OSC/ONG réalisent des projets et des programmes qui sont complémentaires ou alternatifs de l’action de l’Etat là où celui-ci est insuffisant. Fournitures de biens et services aux groupes vulnérables, renforcement des capacités d’auto promotion

Proposition de politique. Certaines politiques publiques proviennent des revendications citoyennes et ont un impact notable au plan social

Plaidoyer politique. La société civile, par ses propres perspectives, influence les décisions portant élaboration des politiques publiques et met en évidence certains aspects de correction

Contrôle (suivi) citoyen de l’action publique. La société civile assure le suivi indépendant et formule des propositions

Défense et promotion des droits humains. La société civile assure l’assistance juridique et judiciaire des groupes vulnérables et la défense de leurs intérêts aux niveaux appropriés

Diplomatie non gouvernementale. Dans les arènes internationales, les membres de la société civile font la promotion de certaines valeurs.

En conclusion de cette section sur les rapports des différents acteurs au capital social, il ressort que c’est le rapport même de cette notion à la paix et au développement qui mérite d’être mieux étudié et systématisé dans les politiques publiques. Le capital social gagnerait à être modélisé ainsi qu’évalué son poids dans les performances des politiques publiques. De telle sorte que la préservation de la paix, de la concorde sociale et de la démocratie n’apparaissent plus comme des options politiques laissées au choix des seuls dirigeants politiques. Dès lors que la dégradation du capital social entraîne une régression du niveau de bien-être collectif, son lien avec l’action des acteurs publics devrait être rendu plus structurel, plus intangible. Les gouvernements doivent s’engager à promouvoir le capital social, en particulier la confiance réciproque, ou du moins à ne pas le détériorer, car celui-ci permet, entre autres, de pallier l’insuffisance des prestations de l’Etat. C’est de cette manière que les pays développés ont mis en place un patrimoine national (sécurité sociale, filets sociaux, etc.) que les gouvernements successifs ne font qu’améliorer ou tout au moins protéger.

L’exercice qui a voulu situer les responsabilités des acteurs vis-à-vis du capital social ne cherchait pas à partager des points. Il éclaire une nouvelle vision qui voudrait que certains domaines de politiques soient confiés aux acteurs qui pourraient mieux les réaliser. Les gouvernements ouest africains pourraient se

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passer des départements de l’action sociale et des droits humains dont les tâches seraient assurées par des organismes indépendants, composés de tous les acteurs du développement et dont les organes seront élus. Ainsi, la préservation et l’accroissement du capital social échapperaient progressivement aux avatars du jeu politique et d’ailleurs le renouvellerait continuellement.

Dans cette optique, le rôle et l’influence de la pensée du philosophe politique Kung-Fut-Se12 sur les mentalités et les comportements sociaux de toute l’Asie orientale, et particulièrement en Chine, conduisant à un état des relations sociales harmonieux, doit être valorisé. Ce capital social à grande échelle est certainement un ingrédient indéniable de l’éveil économique de cette partie de la planète.

3. RECOMMANDATIONS

En vue de rendre cohérents les développements effectués ici, quelques recommandations méritent d’être proposées. Ces recommandations s’adressent aux dirigeants politiques des Etats et de la société civile de l’espace CEDEAO et les actions qui en découlent peuvent être subsidiairement mises en œuvre.

La mise en œuvre d’études visant à mieux cerner le capital social dans les pays membres de la CEDEAO

L’intégration systématique du capital social dans les politiques publiques

La création d’institutions ou d’organismes spécifiquement chargées du capital social

Le renforcement de la dimension régionale des politiques de développement

L’établissement d’un bloc constitutionnel démocratique et de paix dans les pays membres sauvegardé y compris par la force armée

L’élaboration d’une matrice d’élaboration, de planification et d’évaluation des politiques commune à tous les pays de la sous-région.

CONCLUSION GENERALE

Comme a tenté de le démontrer l’argumentation à l’aide des exemples évoqués plus haut, (1) le capital social est une donnée incontournable du développement et devrait, pour cela, (2) intégrer le cadre d’analyse, de planification et d’évaluation des politiques publiques des pays ouest africains et ceux mis en œuvre par la CEDEAO. L’influence positive du capital social sur le développement tient à ce qu’il instaure un contexte social et humain apaisé dans

12 Connu sous le nom de Confucius, il vécut en Chine de 551 à 479 avant Jésus Christ

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lequel les politiques et programmes publics se déploient mieux. D’autre part, le capital social procure l’espace pour les stratégies alternatives de survie et de promotion des individus dans les phases délicates de leur vie. Il palie les insuffisances des efforts des gouvernements visant à améliorer le quotidien des populations. Le capital social dans le contexte ouest africain se distingue de ses acceptions définies pour d’autres sociétés et tend plutôt à instaurer un climat social plus favorable au développement humain. Ce domaine est laissé pour compte dans les politiques courantes dans la sous-région. Il est aussi mis à mal par certains acteurs tandis que certains autres tentent de la consolider. Il apparaît pourtant indispensable de la promouvoir car ses vertus sont encore mal connues.

Dans le même temps, le capital social ne comporte pas que des aspects idylliques. Son principal handicap réside dans l’audace de sa réalisation dans un espace où la détermination des choix politiques n’est pas endogène. Le questionnement pragmatiste est celui-ci : cela sert-il d’identifier le capital social commune une pilule miracle du développement alors que dans le même temps, sa faisabilité est fortement hypothéquée par des acteurs dont la souveraineté est limitée ? Derrière le sujet du capital social, n’est-ce pas celui du développement politique des Etats ouest africains et des institutions d’intégration qui est la véritable interrogation ?

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