ddata.over-blog.comddata.over-blog.com/xxxyyy/1/22/65/75/WORD/Memo_elements... · Web viewLa scène...

7
Mémo Mémo : Les éléments du lieu théâtral à partir du schéma de l’Opéra Garnier. : Les éléments du lieu théâtral à partir du schéma de l’Opéra Garnier. Christian Biet et Christophe Triau Christian Biet et Christophe Triau « La coupe transversale de l’Opéra Garnier permet de fixer quelques éléments relatifs au vocabulaire scénographique et l’on se concentrera, pour ce faire, sur le cadre de scène . Mais avant cela, on remarquera que la scène n’occupe qu’une petite partie du bâtiment. En effet, un lieu prestigieux comme l’opéra, dès le 18 ème siècle, est d’avant tout un lieu d’apparat et de rencontre. Pour décrire cette image, on imaginera, tout d’abord, que l’extrême droite figure la façade du bâtiment, précédée d’un imposant escalier extérieur qui donne directement sur la place de l’Opéra, aménagée pour l’occasion et située dans le prolongement d’une longue avenue (l’avenue de l’Opéra) et au croisement de deux des Grands Boulevards. Autant dire que le lieu est parfaitement choisi et correspond à un projet urbanistique qui fait de cette salle un « grand monument », en même temps que le centre d’un quartier. Vu de loin, prestigieux, luxueux, l’Opéra Garnier marque la ville, investit un quartier neuf qui, sous le second Empire, se crée afin de lier le centre de la capitale aux quartiers jusqu’ici retirés ou périphériques et à une petite ville, que Paris absorbe, Montmartre. La taille de ce bâtiment est imposante : 172 m de long, 101 m de large, 79 m de haut. Juste derrière la façade (1), superbe, parsemée de statues (de Carpeaux notamment), travaillée dans le goût du temps et complétée par une loggia à colonnes corinthiennes, on a donc le grand foyer (2) de 54 m de long, 13 m de large et 18 m de haut, et les galeries destinées à recevoir le public lors des entractes et des réceptions. Mémo - 1 / 7

Transcript of ddata.over-blog.comddata.over-blog.com/xxxyyy/1/22/65/75/WORD/Memo_elements... · Web viewLa scène...

MémoMémo  : Les éléments du lieu théâtral à partir du schéma de l’Opéra Garnier. : Les éléments du lieu théâtral à partir du schéma de l’Opéra Garnier.

Christian Biet et Christophe TriauChristian Biet et Christophe Triau   « La coupe transversale de l’Opéra Garnier permet de fixer quelques éléments relatifs au vocabulaire scénographique et l’on se concentrera, pour ce faire, sur le cadre de scène. Mais avant cela, on remarquera que la scène n’occupe qu’une petite partie du bâtiment. En effet, un lieu prestigieux comme l’opéra, dès le 18ème siècle, est d’avant tout un lieu d’apparat et de rencontre.Pour décrire cette image, on imaginera, tout d’abord, que l’ex-trême droite figure la façade du bâtiment, précédée d’un impo-sant escalier extérieur qui donne directement sur la place de l’Opéra, aménagée pour l’occasion et située dans le prolonge-ment d’une longue avenue (l’avenue de l’Opéra) et au croise-ment de deux des Grands Boulevards. Autant dire que le lieu est parfaitement choisi et correspond à un projet urbanistique qui fait de cette salle un « grand monument », en même temps que le centre d’un quartier. Vu de loin, prestigieux, luxueux, l’Opéra Garnier marque la ville, investit un quartier neuf qui, sous le se-cond Empire, se crée afin de lier le centre de la capitale aux quartiers jusqu’ici retirés ou périphériques et à une petite ville, que Paris absorbe, Montmartre. La taille de ce bâtiment est im-posante : 172 m de long, 101 m de large, 79 m de haut.Juste derrière la façade (1), superbe, parsemée de statues (de Carpeaux notamment), travaillée dans le goût du temps et com-plétée par une loggia à colonnes corinthiennes, on a donc le grand foyer (2) de 54 m de long, 13 m de large et 18 m de haut, et les galeries destinées à recevoir le public lors des entractes et des réceptions.

Situés au premier étage, éclairés de fenêtres qui donnent sur la place, décorés de peintures murales, les galeries et le grand foyer sont les endroits où le public peut se voir, s’admirer, jouer un spectacle social pour lequel il vient là. L’entrée principale se fai-sant sous le foyer, on accède au foyer, d’un côté, et à la salle, de l’autre, par le grand escalier (3), au-dessus duquel un énorme dégagement ornementé permet d’ouvrir un espace de grand vo-lume. La salle est un troisième espace (4), surmonté d’un grand lustre de cristal (on notera la cheminée pour l’évacuation des fumées avant l’électricité) et couvert d’un plafond peint (par Chagall, maintenant). En rouge et or, avec cinq étages de lo ges , une série de fauteuils d’orchestre et de fauteuils de corbeille (en tout 2 156 places), la salle doit symboliser le luxe qui, conventionnellement, marque le spectacle lyrique et la danse dans un lieu de prestige. Entre la scène et la salle, la fosse d’orches tre (5), en contrebas (avec un praticable surélevé pour le chef d’orchestre que le pu-blic voit de dos), permet à la musique, tournée vers le public, de se répandre et d’inonder la salle. Enfin, derrière la cage de scène et communiquant avec elle, le foyer de la danse (6) avait pour objet de réunir les danseurs, les choeurs, et souvent ceux qui sou-haitaient les voir, pendant que les chanteurs étaient en scène.

Une scène traditionnelle À l’Opéra Garnier, la cage de scène (7) est de 26 m de large, 52 m de profondeur et 60 m de haut. La « scène », telle qu’on a l’habitude de l’entendre et à partir de laquelle la plupart des théâtres des XIXe et XXe siècles

Mémo - 1 / 4

sont construits, se distingue de la salle et désigne l’aire de jeu et les services de proximité. L’espace de la scène comporte plusieurs parties : l’avant-scène (ou proscenium) (8), le plateau proprement dit (9), l’arrière-scène (10), les dégage ments scéniques et les coulisses (11). À partir du point de vue du spectateur, on définit le côté droit en parlant de « côté cour » et le côté gauche en disant « côté jardin » -, l’appellation vient de la salle des machines des Tuileries, entre cour et jardin ; en Angleterre, on dit prompt side pour la cour (du côté du souffleur) et opposite prompt side pour le jardin -, le fond devient « le lointain » et l’avancée « la face ».

La « cage de scène » (ou « bloc de scène »), sur ses trois côtés, est alors délimitée à la face par un « cadre de scène », au lointain par le mur de scène (12) (précédé de décors, de toiles de fond ou du cy clorama ) et latéralement par les murs de scène (13) (qu’on peut masquer par des décors sur châssis, des pandrillons - tissus verticaux masquant les dégagements latéraux -, des toiles).

Le cintre : Le cintre (14) - qui n’était auparavant que les combles et la charpente du bâtiment - est devenu, au 19 ème siècle, un espace essentiel pour la machinerie (15), avec une hauteur au moins égale à celle de la hauteur du cadre de scène. Il est compo-sé des corri dors ou passerelles (16) - de charge (en haut), de ser-vice (au milieu) et de commande (à hauteur du manteau d’Arle-quin) -, du pont-volant (au-dessus de la scène), du pont-lumière et de la herse (17) (derrière le manteau d’Arlequin), sur lesquels sont une partie des lumières, des rideaux de scène et de fer (18), et du gril (19) - structure en fer au-dessus de la cage de scène sur laquelle les décors, les lumières, les machines, les ponts et autres accessoires sont placés.

Le cadre de scène : Le cadre de scène définit la zone clé de la représentation qui est la séparation, le contact ou le rac-cordement de la salle et de la scène. Né des nécessités, au 16ème

siècle italien et au 17ème siècle, de masquer la machinerie et d’ac-centuer l’effet de perspective, l’encadrement de la scène a pu donner lieu à diverses solutions : de l’arc de triomphe aux colon-nes majestueuses en passant par une intrication des loges d’avant-scène dans l’espace du cadre. Durant la seconde moitié du 17ème siècle, le cadre de scène devient une coupure figurant le quatrième mur théorisé par Diderot. Rideau systématique, rideau de fer ensuite (pour préserver l’ensemble du bâtiment des incen-dies), manteau d’Arlequin avec frise, draperie transversale ou de-mi-rideau brechtien plus ou moins diaphane, tout est fait pour in-sister sur la différence essentielle entre la fiction et les specta-teurs.

Le rideau : Le rideau cache, puis dévoile, l’espace de fiction longtemps construit par la perspective. Dès le 16ème siècle italien, dès le début du 17ème siècle en France, le rideau d’avant-scène est là pour révéler le décor aux spectateurs et insister sur la stupeur que l’illusion souhaite lui donner ; durant les représentations, il n’apparaît pas et les changements de décor, lorsqu’ils existent, se font à vue. Le rideau qu’on « appuie » (lève) ou qu’on « charge » (baisse), qui ferme la scène au début, à la fin du spectacle, mais aussi à l’entracte, à la fin de chaque acte, et parfois pour marquer le changement de lieu et de temps dans le cours de la fiction, date plutôt du 19ème siècle. Il est en principe en toile dure, peint à la manière d’un vrai rideau rouge et or, et peut être complété d’un lambrequin dans sa partie supérieure qui, lui, reste fixe (sorte de manteau d’Arlequin, donc).

De nos jours, c’est plutôt un véritable rideau drapé (40 pour cent d’étoffe supplémentaire par rapport à l’ouverture de scène ou à la largeur du cadre), en velours noir, bleu nuit ou rouge (au 17ème

siècle il était bleu), et lourd pour insister sur la séparation du réel et de l’imaginaire, estomper les sons et absorber la lumière. Les techniciens ont même inventé une « bavette » (la bande d’étoffe inférieure généralement flottante) qui se couche sur la scène lors-qu’on « assoit » le rideau (« appuie » le rideau) pour masquer tout interstice visible par le public. On peut ouvrir le rideau « à l’allemande » en l’« appuyant » ver-ticalement, « à la grecque » en l’ouvrant par le milieu pour le faire glisser directement sur les côtés grâce à une « patience » si-tuée dans le cintre, « à l’italienne » en ouvrant sur le milieu mais en le relevant en diagonale pour donner un effet de drapé en ac-cent circonflexe, ce qui le laisse très présent en haut du cadre, ou encore « à la française » en combinant simultanément les ma-nières italienne et allemande. Enfin, un espace restreint est ménagé entre le rideau et la scène, de façon à ne pas coller les décors à la rampe (21), ce qui est techniquement nécessaire, à permettre un éclairage transversal à partir des côtés, et à donner aux comédiens la possibilité d’utili-ser ces espaces pour leurs entrées et leurs sorties. Cet espace in-termédiaire est souvent limité à l’arrière par un second cadre (cadre mobile, draperie mobile ou manteau d’Arlequin), ce qui permet de reconcentrer le regard du spectateur.Cependant, on notera que la mise en scène contemporaine se passe souvent du rideau, voire du rideau de fer, et laisse ouvert le lieu scénique à la perception du spectateur, cela dès son entrée dans la salle. On évite de la sorte l’effet de quatrième mur en précisant que la pièce ne construira pas un espace dramatique illusionniste, mais sera, avant tout, une performance se donnant comme telle.[…]Enfin, on pourra utiliser le rideau autrement, cette fois comme décor, en sachant qu’il garde toujours sa signification référen-tielle d’origine (nous sommes au théâtre, donc il y a un rideau qui montre, cache et sépare).

Le manteau d’Arlequin Le manteau d’Arlequin (20), appelé ainsi parce que le personnage faisait ses entrées par la coulisse située entre le rideau de scène et la draperie mobile, est constitué de deux montants verticaux et d’une frise horizontale, généralement en draperies peintes.

La scène Dans le cas de cette scène traditionnelle à l’ita-lienne, la hauteur de la cage de scène permet donc l’installation, en fond de scène ou dans l’espace de la scène entre le prosce-nium et le mur du fond, de décors (la vision est en principe ca-drée et limitée en haut par le manteau d’Arlequin et sur les côtés par les pandrillons ou d’autres décors à cour et à jardin dans le théâtre traditionnel, mais, en réalité, les spectateurs du devant voient les découvertes du dessus, peuvent observer le gril, et les spectateurs qui sont sur les côtés voient d’autres découvertes sur les coulisses, etc.).Le plateau est l’espace scénique où évoluent les acteurs et où s’implante le dispositif scénique pour le jeu. Il est situé entre les coulisses (11) (sur les côtés), l’arrière-scène (10) (derrière les dé-cors ou le cyclo), et devant le mur de fond (12) et la rampe (21) (série de lumières séparant la scène de la salle ou la fosse d’or-chestre). Son avancée à la face s’appelle l’« avant-scène », et au-devant de l’avant-scène au centre se situait le « trou du souffleur », masqué, du point de vue de la salle, par une structure courbe. De la face au lointain, le plateau est divisé en plusieurs plans

Mémo - 2 / 4

(sortes de bandes) délimités par les rues (22) (là où sont les trappes amovibles donnant accès aux dessous de scène) et les costières (23) (entre lesquelles glissent les châssis des décors).Les châssis suspendus (24) peuvent ainsi être maintenus par le bas (les costières), par le cintre, ou encore être fixés par bé-quillage ou équerrage. On peut parler, à propos des châssis cen-traux, de toiles, ou de toiles peintes, accrochées à des perches. C’est même là la technique scénographique la plus simple une toile peinte qui tombe du cintre et figure un lieu. Ces toiles sont donc attachées à des perches tenues par des guindes qui, à l’aide de poulies, vont se caler sur les murs à cour et à jardin. Ce dis-positif permet aux toiles de monter ou de descendre à la condi-tion que le gril soit suffisamment haut placé (c’est la raison es-sentielle pour laquelle la cage de scène bénéficie d’un dégage-ment vertical largement supérieur à la salle). Lorsque le gril n’est pas assez haut, on peut faire coulisser les toiles sur les côtés ou les replier (art plus difficile). Les machinistes, qui sont sur ces côtés, doivent veiller, comme des marins, à la bonne marche de la manoeuvre et, lorsque le décor change à vue, en rythme, en si-lence et rapidement.

On notera que l’espacement des châssis qui sont sur les côtés donne aux comédiens la possibilité de sortir de scène […] en passant par l’intervalle (la rue) qui les sépare. C’est donc sur ces châssis de côté que sont peints les décors qui, le cas échéant, fi-gurent, lorsqu’ils sont successifs, une perspective complète qui donne sur la toile de fond centrale. Dans d’autres cas, les châssis sont des toiles peintes de manière plus ou moins uniforme, qui peuvent changer en fonction de l’intensité et de la coloration lu-mineuse qu’on leur donne (on peut alors parler de pandrillons). En outre, on peut faire glisser sur ces costières des pans (généra-lement de bois) ouvragés qui représentent pour le public une structure donnant sur un hors-scène (par exemple, une maison avec portes et fenêtres). On observera encore que ce lieu scé-nique doit être constitué d’éléments amovibles (d’où l’intérêt des costières sur lesquelles glissent les châssis par exemple) pour procéder (durant les entractes, durant le spectacle en faisant le noir, ou à vue) à des changements de décor pour qu’un autre es-pace scénique apparaisse. De même, ce plateau devra comporter des ouvertures suffisam-ment larges (sur les côtés mais aussi en haut) pour que des ma-chines puissent être disposées, ou circuler (auparavant tirées par des cordages, ou poussées par des machinistes cachés, ou main-tenant téléguidées de la régie). Enfin, on l’a vu, on peut aussi concevoir, dans ce lieu scénique, des décors pleins, parfois troués d’ouvertures (des portes par exemple) permettant les en-trées et les sorties. On n’en conclura pas pour autant qu’on fer-mera ainsi l’espace scénique, dans la mesure où ces décors pleins, s’ils figurent souvent un mur (celui d’une maison) ou un obstacle infranchissable, peuvent tout aussi bien, si le metteur en scène le souhaite, représenter une ouverture sur un monde exté-rieur (un ciel, un jardin, l’océan ou tout élément abstrait ouvert). Et, tout aussi bien, le metteur en scène pourra totalement déga-ger le plateau en n’utilisant ni châssis, ni toile de fond, ni cyclo, ce qui aura pour impact de montrer avec ostentation que la pièce est dans un théâtre et sur une scène. En faisant apparaître le mur du fond, les murs des côtés et leur machinerie (poulies, guindes, prises électriques, etc.), on dévoile alors la matérialité du théâtre, procédé auquel recourt souvent la mise en scène contemporaine pour chasser l’effet d’illusion.

Le cyclorama ou « cyclo » C’est une toile de fond de scène - qui masque le mur au lointain -, un écran de plan courbe

et de grandes dimensions sans couture, unie, de teinte neutre ou claire, opaque ou translucide, destinée à recevoir la lumière et les projections. Sa forme de demi-cyclindre vertical peut varier jusqu’à compo-ser un fond aplani, mais, par extension de sens, le cyclo désigne maintenant tout fond tendu d’effet neutre (ou d’effet de ciel par exemple). Il donne l’atmosphère, une idée du temps qui passe (matin, midi, soir) ou du temps qu’il fait (orage, clarté, etc.), ou encore de la symbolique proposée pour la scène (rouge et vio-lence, blancheur aveuglante...). Il peut être tendu entre deux perches ou équipé au gril, s’enrouler autour de deux tambours (comme les anciens panoramas défilants) ou enfin fixé sur un cadre rigide. On remarquera que le cyclo, fort commode pour installer, on l’a vu, une atmosphère, et très utilisé dans la mise en scène contem-poraine, est aussi une présence plastique, en particulier chez Bob Wilson qui reprend systématiquement cet artifice pour le rendre, finalement, central en tant que constituant essentiel des jeux de modulations et, pour ainsi dire, de sculpture de la lumière qui sont aux fondements de son travail, pour qu’il colore l’oeil du spectateur et qu’une « bulle » sensible l’unisse à l’oeuvre scé-nique, dans un même effet.

Les dessous Il peut y avoir jusqu’à huit étages de dessous (ici il y en a cinq) (25), mais le plus souvent les théâtres sont pourvus de trois étages. Des poteaux tiennent le plancher du pla-teau, lui-même divisé en rues (qui peuvent donner lieu à des trappes permettant de faire sortir des objets, des décors ou des acteurs), en fausses rues entre les costières (pour le déplacement des châssis) et en costières qui permettent de faire glisser latéra-lement les décors (un chariot est parfois placé sur le plancher du premier dessous pour un maniement plus commode et relié à une poulie). Si les dessous sont invisibles au public, certaines mises en scène peuvent (lorsque l’appareillage technique du théâtre le permet) laisser deviner aux spectateurs l’existence, sous le plateau, d’une profondeur souterraine insoupçonnée et donc mystérieuse, par exemple en faisant entrer un acteur des dessous (au moyen d’un élévateur), comme le faisait (pour ne citer que ce seul exemple) Strehler avec le mage Alcandre au début de sa mise en scène de L’Illusion comique à l’Odéon (1984) ; les dessous ne sont alors pas montrés, mais leur existence est suggérée et laissée à l’imagi-nation du spectateur, ouvrant un autre hors-scène, enfers (ceux dans lesquels peut s’enfoncer, damné, Dom Juan), antres inquié-tants ou souterrains intrigants...

[…] De plus en plus depuis l’invention de l’électricité (aussi bien pour les machines que pour la lumière), les systèmes se perfec-tionnent, donnent lieu à une précision extrême dans l’intention, et qu’enfin le recours à l’informatique et à la programmation des effets combinés (son, lumière, changements à vue, etc.) induit des possibilités impressionnantes de spectacle.On comprendra encore que, dans ce lieu où tout est technique-ment fait pour créer un effet d’illusion idéale, il est tout à fait possible de renoncer à ce principe en dénonçant, en quelque sorte, la machinerie et en l’exposant. […] D’autre part, même lorsqu’elle suit complaisamment les règles techniques de l’illusion, les effets de la mise en scène tra-ditionnelle sur le spectateur n’aboutissent pas forcément à la pro-duction d’un espace dramatique illusionniste, ni à la création d’un lieu différent qui passerait pour réel. Car ce que voit aussi le spectateur, c’est peut-être parfois un autre monde, mais c’est sur-tout la mise en scène, autrement dit les efforts techniques, la per-

Mémo - 3 / 4

fection et la débauche des outils qui sont là pour qu’il soit trans-porté dans un ailleurs, et qu’il apprécie en conséquence. Si bien qu’il en vient naturellement - en observant la manière dont les châssis glissent et dont ils sont peints, en appréciant la beauté et la virtuosité des machines et en étant saisi par la cohérence de l’ensemble - à juger, parfois avec plaisir et admiration, de l’inté-rêt de l’entreprise qui consiste à viser à la représentation d’un univers idéal à travers la mise en place objective et infiniment vi-sible d’une technique scénographique appropriée. »

[Christian Biet / Christophe Triau : 2006, Qu’est-ce que le théâtre ? folio/essai]

Navelet : L’escalier de l’Opéra 1880Jean-Louis-Charles Garnier 1825-1898

Maquette : édifice ; la salle

Sur le site http://www.archithea.org , vous trouverez également : lTP : Les mots pour dire la représentation ; Le théâtre San Carlo de Naples vocabulaire du théâtre à l’italienne ExoTheA ;   PWT - Cage de scène, cadre de scène et plateau

Mémo - 4 / 4