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Auguste Daubrée (1890), “La génération des minéraux métalliques dans la pratique des mineurs du Moyen Âge, d’après le Bergbüchlein,” Journal des Savants, 379–92 and 441–52.

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  • LA GNRATION DES MINRAUX MTALLIQUES. 379

    LA G~VEJMy/O~ DES MINRAUX MTALLIQUES DANS LA PRATIQUE

    DES MINEURS DU MOr~V GE, D'APRS LE BERGBCHLEIN.

    PREMIER ARTICLE.

    Ce n'est pas seulement dans le domaine des phnomnes de la vie quese sont produites de bizarres fantaisies de l'imagination. Quelque inertes

    qu'ils soient, les corps bruts en offrent dans leur histoire des exemplesparticulirement surprenants. Les vertus extraordinaires qui, pendanttant de sicles, ont t attribues certaines pierres tmoignent d'unemanire frappante de cette tendance au merveilleux. Cette mme ten-dance se manifeste encore, sous un autre aspect, par la manire dont ona tent d'expliquer la formation des principaux minraux dans le seinde la terre.

    On sait que l'astrologie, ds une antiquit recule, a compris dansson ressort tout ce qui se passe la surface de la terre. Mais elle nes'est pas limite au monde extrieur. L'action du soleil et des plantestait suppose intervenir jusqu'aux profondeurs sombres et inaccessiblesdu globe et devait y prsider la formation des minraux, particulire-ment celle des minraux mtalliques. Bien qu'enfantes par la purefantaisie, ces assertions furent soumises des raisonnements et coordon-nes en systme.

    Ce qui paratra encore plus surprenant, c'est que toute cette fantas-

    magorie ne soit pas reste dans ia sphre de la spculation ou de super-stitions traditionnelles. Elle parvint acqurir assez de force et decrdit pour se faire adopter par les mineurs eux-mmes. Tout positifsqu'ils taient, ces praticiens croyaient devoir y recourir, comme un

    guide infaillibte et indispensable, pour les oprations qui leur servaient exploiter les filons mtalliques.

    Une conviction si ferme ne semblerait pas croyable aujourd'hui, sinous n'en tMuvions des preuves formelles dans un petit livre publids l'origine de l'imprimerie et devenu d'une extrme raret. Dans cet

    ouvrage, la doctrine se trouve dogmatiquement expose, sous la forme

    d'un dialogue entre un savant connaisseur de mines et un apprenti mi-

    neur, et, pour mieux prciser son enseignement qu'il qualifie d'mi-

    nemment utile, l'auteur a illustr le texte de cet opuscule de figures re-

    prsentant les effluves indicateurs des filons mtatiiques.Il est intressant, non seulement pour l'histoire de l'art des mines,

  • 380 JOURNAL DES SAVANTS. JUIN 1890.

    mais aussi au point de vue de la psychologie, de connatre la singulire

    croyance dont les gtes minraux ont t longtemps l'objet, mme dans

    le domaine de la pratique. Tei est l'objet de cet article.

    Qualits occultes attribues a certaines pierres.

    Rien peut-tre ne tmoigne plus hautement de la crdulit humaine

    et de sa tendance au merveilleux que ces vertus diverses, la plupartbienfaisantes, qui taient attribues certaines pierres, surtout aux

    pierres prcieuses. Les qualits physiques de ces dernires, ainsi queleur raret, les ont fait pendant bien longtemps regarder comme poss-dant des influences surnaturelles. Cependant l'exprience de chaque jouraurait d, semble-t-il, obliger bientt reconnatre combien de telles

    croyances taient errones.Il n'est gure de trait ancien relatif aux pierres qui, ct d'indica-

    tions vagues sur leurs caractres extrieurs, telles qu'on pouvait les don-

    ner alors, ne figure une numration des vertus occultes de beaucoupd'entre elles. Les livres de mdecine, de pharmacie et d'alchimie tmoi-

    gnent aussi de ces superstitions singulires. Tel est, entre autres, l'un des

    pomes d'Orphe relatif aux pierresL'ambre ou succin tait connu ds une antiquit trs recule, ainsi

    qu'il rsulte de nombreux textes et de la dcouverte de cette substance

    sous forme de bijoux Le pouvoir remarquable qu'elle possde d'attirer elle les corps lgers tait bien de nature entretenir dans les espritsHde d'une sorte d'action vitale ou mme, selon certains philosophes,d'une me rsidant dans les minraux.

    Il en tait de mme de la pierre d'aimant, dont la force attractiven'avait pas non plus chapp l'attention des anciens.

    Nos aeux du moyen ge adoptaient ces lgendes bizarres, qui leur

    avaient vraisemblablement t transmises par l'intermdiaire des Arabes.

    Un des crits qui ont le plus contribu les rpandre en Occident estle pome que Marbode, voque de Rennes, crivit sur cette matire aucommencement du xn*' sicle

    Jusqu' une poque assez rapproche de nous, l'attribution aux

    pierres de vertus secrtes et mystrieuses a continu trouver crdit.Il serait trop long et sans grand intrt de les reproduire. Je me bor-nerai deux exemples remontant seulement au xvu" sicle.

    !')ne~ T~ ~.W~.Par exemple dans les foni)les de

    M. Schliemann.

    De oem'narMm ~i~MnMae ore

  • LA GNRATION DES MINRAUX MTALLIQUES. 381

    JO

    tMf'r.!MER!EKAT!07!At.E.

    Voici ce qu'crivait en i6M~ Boce de Boot, mdecin de l'empe-reur Rodolphe 11 "Un gentilhomme de ma connaissance, en portantau bras une pierre nphrtique, jette une si grande quantit de sable,

    que, craignant qu'une si grande ruption ne lui nuise, il la pose quel-

    quefois et ne jette plus de sable; mais, lorsque la douleur le presse, il

    la reprend derechef et instantanment il est dlivr.

    Quant l'meraude, dit Robert de Berquen en i 66g elle conserve

    la chastet et dcouvre l'adultre, ne pouvant du tout soum'Ir l'impu-dicit, autrement qu'elle se rompt de soi-mme en pices, ainsi que le

    fait entendre Agricola. Elle rend les personnes agrables, loquenteset discrtes.

    Bien des gens admettaient qu' l'instar de l'aimant, qui sent le fer

    et l'attire ou va lui, les pierres taient susceptibles de sentiments.

    D'autres faisaient intervenir une action surhumaine. Personne n'attri-

    buera ces facults la pierre elle-mme, ajoute Boce de Boot~, mais

    aux esprits auxquels Dieu a commis et permis d'exercer ces facults.

    Peut-tre la substance de ces pierres prcieuses, cause de leur beaut,

    de leur splendeur, de leur dignit, est-elle propre pour tre le sige et

    le rceptacle des esprits bons, tout aussi bien que le rceptacle des

    mauvais sont les lieux puants, horribles et solitaires.

    Aujourd'hui les prjugs sur les vertus des pierres ne sont pas tout

    fait efacs; ils persistent encore dans certains pays de l'Europe, par

    exemple relativement l'opale.La supposition que la divinit pouvait rsider dans une pierre se rat-

    tache une vnration qui remonte une haute antiquit. C'est une

    forme de culte primitivement trs rpandue, particulirement en Asie.

    Parmi les pierres vnres, celles qu'on avait vues tomber du ciel, les

    mtorites, paraissent avoir occup une place part. Telle tait la masse

    recueillie Pessinonte, en Phrygie, qui devint l'objet d'un culte sous

    le nom de Cyble ou de Mre des dieux et qui fut transporte, en 20~

    avant notre re, Rome. au temple de la Victoire, avec la plus grande

    pompe, suivie d'un cortge brillant de dames romaines. Telle tait

    aussi la pierre d'mse, en Syrie, qu'on y adorait comme l'image du

    dieu du soleil et que l'empereur lagabale fit galement transfrer

    Rome. Trane sur un char magnifique, elle fut amene dans un templelev en son honneur sur le mont Palatin, qui fut consacr ds lors au

    culte du Soleil.

    Ze /M~!t ~'o

  • 382 JOURNAL DES SAVANTS. JUIN 1890.

    Au revers de diverses monnaies d'lagabale est reprsente une

    pierre de forme conique et porte par un quadrige. Cette figure est,sans aucun doute, la reproduction de la pierre d'origine cleste la-

    quelle lagabale avait rendu de si grands honneurs en sa qualit de

    grand prtre du Soleil. La vnration dont on entourait les masses

    dont l'origine extra-terrestre avait t reconnue est atteste par le revers

    de bien d'autres mdailles antiques et l'effigie de divers empereursLa pierre noire de la mosque de la Mecque nous montre encore au-

    jourd'hui l'exemple d'un culte semblable.

    Circonstances dans ~oae~ pierres sont supposes avoir mri

    et ac~KM leur tat actuel.

    Les anciens avaient bien remarqu que certaines pierres continuent

    se former journellement. Telles sont notamment les stalactites des ca-

    vernes qui avaient fort attir leur attention. La pierre calcaire avec

    laquelle Rome est construite, le travertin, continue se dposer avec

    lenteur, mesure que l'eau de la rivire perd l'acide carbonique qu'elletenait en dissolution. L'auteur du Digeste pouvait avoir en vue ce der-

    nier phnomne, lorsque (livre III, titre V, loi t8), parmi les disposi-tions relatives la proprit, il prvoyait le cas de carrires telles quela pierre s'y rgnre.

    Mais ces dpts contemporains des continents, gnralement res-

    treints leur piderme, constituent des cas exceptionnels et sont en g-nral peu tendus; l'ensemble des roches remonte des poques bien

    antrieures l'histoire. Leur formation et celle des minraux qui leur

    sont associs ont plus d'une fois excit la curiosit des naturalistes et

    des penseurs, sans qu'elle ait obtenu une rponse rationnelle. Avant quel'observation ft connatre la constitution de l'corce terrestre et sur-

    tout avant que la chimie et clair la nature des minraux, on devait

    se borner, en ce qui concerne l'origine des pierres, des conjectures

    parfois aussi extravagantes que celles qui prcdent. Rien n'en pouvaitprserver les esprits les plus judicieux eux-mmes.

    Sans remonter bien haut dans le passe, c'est, par exemple, ce quenous montre -.Bernard Palissy~, qui, avec un jugement si juste, avait

    Comme l'a montr rcemment

    M. Brezina, AfoMf.

  • LA GNRATION DES MINRAUX MTALLIQUES. 383

    5o.

    pntr des faits fondamentaux de l'histoire du globe mconnus jusqu'lui Dieu ne cra pas toutes ces choses pour les laisser oisives. Lesastres et les plantes ne sont pas oisifs; la mer se pourmne d'un ctet d'autre. la terre semblablement n'est jamais oisive. Ce qui seconsomme naturellement en elle, elle le renouvelle et le reforme de-

    rechef si ce n'est en une sorte, elle le refait en une autre. Tout,ainsi que l'extrieur de la terre, se travaille pour enfanter quelquechose; pareillement le dedans et matrice de la terre se travaille aussi produire. Un sicle plus tard on continuait penser que la nature

    n'est jamais oisive, qu'elle produit sans cesse et perfectionne ce qu'elleproduit~.

    Quant aux procds qui prsident ces transformations, ils ne

    peuvent avoir, on le suppose bien, t indiqus que d'une manire trserrone ou dans des termes fort vagues. Les explications se rattachenten gnral celles qu'on trouve chez les Arabes, et en particulier auxin" sicle, dans le livre de Teifaschi~.

    La terre et l'eau amene a l'tat d'exhalaisons ~HmctMcs ou vapo-rcH~, ou l'tat d'exhalaisons sches, forment, les premires, les sub-

    stances fusibles et les mtaux, tandis que les secondes produisent les

    pierres, conformment l'ide d'Aristote. La chaleur et le froid, la s-

    cheresse et l'humidit interviennent: On a aussi suppos que la chaleur

    solaire intervient et que la production des pierres prcieuses exige l'eau

    et le feu. La croyance qu'on avait dans la transmutation des lments

    aidait beaucoup toutes ces hypothses Le rubis en particulier,prend naissance peu peu dans la minire; premirement il est btanc,'et, en mrissant, il contracte graduellement sa rougeur; d'o vient qu'ils'en trouve d'aucuns qui sont tout fait blancs, d'autres moiti blancset moiti rouges. Comme l'enfant se nourrit du sang dans le ventrede sa mre, ainsi le rubis se forme et se nourrit.

    De telles ides taient de nature stimuler vivement les efforts des

    alchimistes pour arriver la pierre philosophale; c'est ce qui est lo-

    quemment exprim dans les lignes suivantes~ Ce que la nature a fait

    dans le commencement, disaient-ils, nous pouvons le faire galement,en remontant au procd qu'elle a suivi. Ce qu'elle fait peut-tre encore

    l'aide des sicles, dans ses solitudes souterraines, nous pouvons le lui

    De Rosnel, Ze Mercure M

  • 384 JOURNAL DES SAVANTS. JUIN 1890.1

    faire achever en un seul instant, en l'aidant et en la mettant dans des

    circonstances meilleures. Comme nous faisons le pain, de mme nous

    pourrons faire les mtaux. Sans nous, la moisson ne mrirait pas dans

    les champs; le bl ne s'chapperait pas en farine sous nos meules, n

    la farine en pain, par le brassage et la cuisson. Concertons-nous donc

    avec la nature pour l'uvre minrale, aussi bien que pour l'uvre agri-cole, et les trsors s'ouvriront devant nous.

    Parmi les influences minemment actives auxquelles tait attribue

    la gnration des minraux et des mtaux, celle des astres, pendant tant

    de sicles objet de crdulit, mrite une attention spciale.Toutes les civilisations, une certaine poque de leur existence, ont

    pass par la phase de l'astrologie, c'est--dire par des croyances l'inter-

    vention des astres dans tout ce qui se passe la surface du globe et en

    particulier dans les actions des hommes. Cette croyance se prsentepartout, en Egypte, en Chalde, en Grce, Rome, chez les Arabes

    et, aprs eux, chez les Europens de la Renaissance. L'astrologie paratmme encore exercer actuellement un pouvoir en divers pays, l'Inde,la Perse, le Thibet, la Chine et le Japon.

    Doctrine de la gnration des mtaux, sous l'influence des astres,

    admise par les mineurs praticiens, d'aprs le .B~GBpMrtE/~v.

    Ayant autrefois trouv Strasbourg un exemplaire de ce petit livre

    imprim en i5o5 Augsbourg et n'en ayant jamais vu d'autres, jem'adressai un savant vers dans tout ce qui concerne l'art du mineur

    et, en mme temps, d'une obligeance sans bornes, mon ami vonDechen, avec prire de me renseigner ce sujet. M. von Dechen neconnaissait aucunement cet ouvrage; les personnes comptentes qu'ilconsulta ne le connaissaient pas davantage. Un avis insr par lui dansun journal allemand trs rpandu parmi les ingnieurs des mines, pourdemander des renseignements, resta sans rponse. Cependant M. Schaar-schmidt, professeur l'universit de Bonn, lui apprit qu'il avait vu celivre cit dans d'anciens ouvrages. Ayant enfin rencontr le JBcry&Hc~:K,mais d'une dition moins ancienne que celui dont il s'agit, M. vonDechen le trouva assez digne d'intrt pour en faire l'objet d'une publi-cation portant le titre Das lteste ~H~c/M B~wer~Kc~. C'est eneffet la plus ancienne publication en langue allemande sur ce sujet.

    Georges Agricola, dans l'avant-propos de son clbre ouvrage De r

  • LA GNRATION DES MINRAUX MTALLIQUES. 385

    metallica (1), nous fait connatre l'auteur du Z~r~ucA~n, qui tait rest

    anonyme et qu'il dsigne sous le nom de Calbus PW~r~tM; le nom alle-

    mand peut avoir t Calb ou Calbe. Calbus n'tait pas mineur lui-mme,mais mdecin distingu, non M"!oMM medicus, comme dit Agricola. Vivant Freyberg parmi les plus habiles mineurs de la Saxe (Bcr~mcH~r, Ge-

    schworene, etc.), il s'en assimila le savoir, et il le reproduisit, ainsi queles opinions des sages c'est--dire des savants ou alchimistes. L'auteur

    parat lui-mme avoir t un copropritaire ou actionnaire de mine, en juger par la manire prcise dont il dfinit la division des actions ou

    parts de mine (Kuxe).Le Bergbchlein a aussi le mrite d'avoir servi de prcurseur cet

    ouvrage classique d'Agricola le fondateur de la science des mines et de

    la mtallurgie pratique, qu'on a appel le Pline de la Saxe. Non plus queCalbus, Agricola n'exerait l'tat de mineur comme son devancier, iltait mdecin, et rsidait Joachimsthal, l'une des principales villes mi-nires de la Saxe, pays exceptionnellement renomm ds cette poquepour l'industrie des mines. Comme Calbe Freyberg, il eut l'occasion

    d'acqurir des connaissances techniques approfondies, surtout avecl'aide de son ami Bermann, auquel il a rendu hommage dans sa pre-mire publication Aprs avoir fait ses tudes Wittenberg et en Italie,il avait acquis une rudition extrmement tendue, en juger par lamanire dont il cite les auteurs latins, grecs et autres. Les alchimistesarabes lui taient aussi bien connus.

    Publi il y a plus de quatre sicles, le .Bcro&HcMc!H est crit dansl'ancienne langue allemande (hoch Deutsch). Il est souvent difficile

    comprendre certains passages en sont rellement obscurs, ainsi qu'Agri-cola le reconnaissait dj (liber admodum confusus). D'ailleurs les fautes

    d'impression y abondent.Grce la trs obligeante collaboration du docteur Gurlt, ingnieur

    des mines Coblentz, j'en possde une traduction aussi littrale quepossible. Je vais la donner peu prs ci-dessous, aprs y avoir fait di-

    verses retouches, mais en conservant toutefois bien des phrases peucomprhensibles ou fort incorrectes. Malgr ces dfectuosits, on ac-

    cueillera, je l'espre, avec bienveillance, l'expos d'une doctrine int-

    ressante, qui n'a pas encore t publie en langue franaise et qui est

    expose avec une conviction et une navet surprenantes; un rsumou quelques extraits seraient insuffisants pour l'apprcier.

    De re 7ncf

  • 386 JOURNAL DES SAVANTS. JUIN 1890.

    Un petit livre bien ordonn et utile comment il fautchercher et trouver des

    mines de divers me~aH~, avec leurs figures, d'aprs la situation des monta-

    on~;joHmfn< expos, .~M des termes de mines,de ~ra~ service pour

    les mineurs praticiens.

    DANIEL, LE CONNAISSEUR DES MINES (~C7- F

  • LA GNRATION DES MINRAUX MTALLIQUES. 387

    c'est--dire de la proprit d'une mine. Et la mine est ensuite commodment divise

    en 16, 33, 64 et 128 parts de mine (Schicht); et aussi en 1/2, i/~ et t/8depart.Quand cette division se fait par un nombre qu'on appelle partiter, partie (diviseur

    exact), elle est toujours divise en portions entires. Ainsi peux-tu apprendre de quellenature est une part d'une mine. Mais une chose ne te doit pas fcher c'est quece petit livre est fait en des termes et expressions peu ornes. Il contiendra nanmoins

    quelque chose d'utile, que tu dois plus estimer quela douceur des mots. La journe

    est demi passe, et, pour ne pas faire un poste prolong, apprends brivement les

    choses qui vont suivre.

    Pour la connaissance de l'arrive et de forigine des minerais mtalliques, il faut

    savoir que ce petit livre sur la gnration minrale se divise en dix chapitres

    LE PREMIER CHAPITRE.

    De rortq':Ke des m!;

  • 388 JOURNAL DES SAVANTS. JUIN 1890.

    comme d'une matire du premier degr, de vapeur ou de l'exhalaison en partie,comme d'une matire du second degr, qui l'une et l'autre s'appellent ici mercure.De plus, dans l'union du mercure et du soufre au minerai, le soufre se comportecomme la semence masculine et le mercure comme la semence fminine dans la

    conception et naissance d'un enfant. Le soufre est ainsi particulirement propre la gnration des minerais ou mtaux.

    LE DEUXIME CHAPITRE.

    De ~< capacit gnrale des montagnes.

    Quoique les influences du ciel et la proprit des matires concernent la gn-ration de chaque minral ou mtal, cependant elles ne sutnsent pas pour que lanaissance des minerais puisse se faire commodment. Mais il faut une qualit propred'un vase naturel comme les filons, dans lequel le minerai soit engendr. Il y a desfilons redresses, inclins, tranants, croisants ou comme ils sont appels suivant

    l'usage de chaque pays. Il faut aussi des voies ou approches commodes, parlesquelles le pouvoir mtallique ou minral peut avoir accs au vase naturel,comme les crins' que ces crins soient obliques, en travers, inclins, croisants.

    ~

  • LA GNRATION DES MINRAUX MTALLIQUES. 389

    5i1

    tt)PttM)EKtEKATtOXALE.

    duction du minerai d'or, quand elle a devant elle, vers midi, une partie peu incl i-

    ne. Et cela est la meilleure position de toutes les montagnes qu'il faut exploiter.Pour l'exploitation de cela suit la figure.

    Pour l'c)aircissement de ce qui prcde sur les rgions du monde et des cha-

    pitres suivants, il faut noter que toute la terre se divise en 24 parts,selon le cercle

    dit ortjzon~ qui divise le ciel dans la partie suprieure et la partie infrieure, [ ou

    le ciel touche la terre en apparence. 11 est premirement partag en quatre divi-

    sions par deux lignes qui, avec des angles ou coins gaux, passentl'une sur l'autre

    en se croisant; ces divisions sont dites orient ou matin, midi, occident ou soir, et

    minuit. Ensuite chaque portion se divise encore en six parts. Sur l'orient it iaut

    mettre 6, alors ~,8, a, 10, Il sur les autres divisions avant le midi, et alors ia

    sur le midi et i, a, 3, 5 sur les autres divisions aprs le midi, alors 6 sur le

    soir et y. 8, Q, 10, n sur les autres divisions aprs le midi, enlin 12 sur minuit

    et i, 2.3, 5 sur les autres divisions aprs minuit. Ainsi le temps est divis sur

    chaque demi-horloge Pour le mieux comprendre suit cette figure.

    (Ici est place une figure de ia boussole, qui ressemble beaucoup la boussole modernedu mineur.)

    LE TROISIME CHAPITRE.

    De la direction et & !'a~eHrem

  • 390 JOURNAL DES SAVANTS. JUIN 1890.

    vers le soir, et le filon se dirige au contraire ds le soir au matin, dont la roche ason inclinaison vers le matin, comme il est reprsent dans cette figure. Cela se

    rgle selon la pente de la montagne.La direction de quelques filons va aussi de midi minuit, et de quelques

    autres, au contraire, de minuit midi, selon l'inclinaison de la roche, comme ilest justement indiqu plus haut; mais cela se rgle encore suivant la pente de la

    montagne.

    (Ici est place une figure que nous n'avons pas reproduite.)

    La direction des filons va quelquefois aussi du milieu entre matin et midi aumilieu entre soir et minuit, et quelquefois au contraire du milieu entre soir et mi-nuit celui entre matin et midi.

    ~MtntttenMdtt.

    (Dans cette figure, deux filons sont reprsents par yyj la brume de la montagne par u;les efStorescences qui manent des filons par MM.)

    La direction des filons s'tend quelquefois aussi du milieu entre midi et soir aumilieu entre matin et minuit, et au contraire quelquefois du milieu. entre matin etminuit au milieu entre midi et soir. Cela s'apprend d'pres la pente de la mon-tagne, comme prcdemment.

    (Ici est place une figure que nous n'avons pas reproduite.)

    Aussi la direction de quelques nions est-elle entre les quatre rgions du mondeet leurs milieux, et, pour chaque rgion, en deux espces de direction. II y a aussides filons ayant une direction rgulire et droite, suivant vingt-quatre directionscomme il se peut facilement comprendre de ce qui a t dit sur la division dumonde. Il y a aussi quelques filons dont la direction n'est pas droite ou rgulire.mais courbe selon un demi-cercle, ou verticale par des accidents. Il en est qui sedirigent d'abord du matin vers le midi, puis du midi vers le soir ou autres rgions

    ") Scion les \in~t-([uatrc heures de ia boussole alternance.

  • LA GNRATION DES MINRAUX MTALLIQUES. 391

    51.

    du monde. Comme ces filons sont ingaux en leur direction, ils sont aussi ingauxparleurs minerais, comme suit dans les autres chapitres.

    Il reste parler du toit et du mur des filons.

    Chaque filon a aussi son toit et mur. Le toit du filon est la couvertureau-dessus

    de lui. laquelle il touche avec son dos. Le mur est la roche sur laquelleil repose.

    Mais il y a quelques filons qui ont une position si verticale qu'on n'en peut pasbien reconnatre le toit o mur.

    Cela dit sur le toit et le mur, voyons l'ameurement des filons.

    Chaque filon a deux espces d'afileurement. L'une est l'ameurement versle jour

    selon toute la longueur du filon. On l'appelle ameurement du filon entier. L'autre

    est l'ailleurement travers la direction ou contre la direction du filon selon sa roche

    encaissante; cela s'appelle l'ameurement de la roche.e

    Aprs cette dfinition obscure de la seconde espce d'affleurement,

    suit une explication supplmentaire de la boussole allemande~.

    Ainsi peux-tu avoir une exacte connaissance des rgions du monde,de la direc-

    tion, de l'inclinaison et de l'ameurement des filons, quand la boussole tellement

    divise est tenue au-dessus du filon.

    flche de l'aiguille aimante dirigevers

    midi et sa demi-lune vers minuit. Il semble

    ainsi que la flche signifie le ple austral,

    le croissant en usage auxvi" sicle indiquantle ple horal (comme

    chez les Chinois).Les figures montrent en

    outre au milieu un

    cercle, qui doit reprsenter un disque fix

    l'aiguille, comme aujourd'huila rosette des

    compas de nier.

    0 L'auteur ne connat pas encore lesmots de dclinaison ou dviation magn-tique cependant il sait fort bien la diver-gence du vrai mridien et du mridien ma-

    gntique. H dit qu'en son temps ()5o5) etaux pays bnis de Meissen (Saxe), la dcli-naison magntique tait tout prs de huitheures de l'avant-midi, c'est--dire versj'ouest. La boussole reprsente montre la

  • j9~ JOURNAL DES SAVANTS. JUIN 1890.

    tSM!Hr/MCr

  • LA GNRATION DES MINRAUX MTALLIQUES. 441

    o Marie Stuart n'tait pas moins implique que les autres! Mais, pourla mettre elle-mme en jugement ou pour justifier sa condamnation aux

    yeux des souverains, on voulait un complment de preuves. Le gnie de

    Walsingham et l'art de Philipps sauront au besoin y ajouter un compl-ment de faux. C'est ce qui nous reste voir, avec le livre que nous exa-minons.

    H. WALLON.

    (La suite d un ~roc~

  • 442 JOURNAL DES SAVANTS. JUILLET 1890.

    A la connaissance des filons aurifres, il faut comprendre que la position la plusconvenable du filon se trouve la pente de la montagne vers midi, quand sa direc-tion est de 7 ou 6 heures du matin 6 ou y heures du soir, selon la divisiondu monde, comme il est dit plus haut, et quand l'anleurement de tout le filon vavers minuit, surtout quand la stratification de la roche encaissante s'lve vers lematin et le toit du filon marque vers midi, et son mur vers minuit.

    Car, en de telles dispositions de la montagne et du filon, l'influence du ciel esttrs commodment reue pour prparer la matire dont le minerai d'argent doit sefaire ou natre, et pour la contenir enferme comme dans uu propre vase, de ma-nire que la gnration du minerai d'argent s'y peut achever avec tant de perfection.Mais les autres directions des filons sont considres comme plus ou moins argen-tifres, selon qu'elles s'loignent plus ou moins de la direction dcrite, mais avecles mmes toit, mur et affleurement. Aussi ces filons, qui ont leur direction det',minuit a midi, et leur toit vers le soir, et leur mur et auleurement vers le matin,donnent plus d'esprance l'exploitation que les filons qui se dirigent du midi auminuit, et dont le toit est contre le matin et le mur et affleurement vers le soir.

    Quoique ces derniers filons quelquefois contiennent de l'argent natif en enduit etde beaux minerais en quelques lieux, cependant il n'y a rien de constant ou de du-rable, car tout le pouvoir minral s'vapore ou s'efllore ou s'en va par tels aflleu-rements.

    Tu dois aussi comprendre ce qui concerne les filons qui ont leur direction dumatin au soir, comme il est dit plus haut, et leur affleurement et mur vers midi,

    parce qu'ils subissent une altration complte par leur auleurement.Parmi les filons d'argent, il y en a aussi quelques-uns qui ont ds quartz au toit et

    au mur, autres du spath calcaire, autres de la pierre corne, ou de la mine de 1er,aussi du calcaire ou une roche bigarre de beaucoup de couleurs, selon le mlangedes vapeurs de nature diffrente qui colorent la roche, enfin quelques autres

    pierres r emarquables.Quelquefois les fitons portent aussi des pyrites blanches ou jaunes; quelques-uns

    de la galne ou du minerai de bismuth autres des terres colores jaunes ou bru-ntres, ou des terres grasses brles, noires, bleues ou brunes, ou une efHores-cence verte selon la nature de la vapeur minrale; enfin, autres une pierre luisantefonce ou blanche comme l'alun. Mais une espce est nomme du quartz transpa-rent, quoiqu'il soit, l'oppos du vrai quartz, fusible par le feu'

    Les mmes pierres et minraux se trouvent dans les joints ou crins, comme il estdit sur les filons. Quand ces diffrents minraux des filons et crins contiennent eux-mmes de l'argent, alors il faut recouper ces minraux jusque dans le toit et lemur.

    Mais quand il y a des crins obliques en travers ou croisants, qui se dtachent dufilon principal ou se tranent au-dessus, alors on peut foncer hardiment; car lesfilons s'enrichissent ensuite eux-mmes et deviennent argentifres en profondeur, siles affleurements de ces filons et minraux vont l'un vers minuit et l'autre vers lematin.

    La fin de ce chapitre contient des rgles sur l'exploitation des filons

    qu'il faut suivre pour en obtenir un rsultat heureux; entre autres indi-

    Peut-tre le spath fluor.

  • LA GNRATION DES MINERAUX MTALLIQUES. 443

    cations, il en est qui concernent les minraux non mtalliques, les

    crins, joints, veinules argileuses et autres choses.

    LE CINQUIEME CHAPITRE.

    Du m;H~Y

  • 4~t JOURNAL DES SAVANTS. JUILLET 1890.

    et cuite ncessairement jusqu' l'tat de parfait minerai d'or, qu'on peut sparer de

    l'impur gisement pyriteux par beaucoup de travail, au moyen du feu.

    Ce gisement pyriteux aurifre se trouve en quelques lieux, comme une vraie

    couche (F~tcerc/c) qui s'tend par toute la surface de la montagne, et on l'appelle,selon l'usage de quelques pays, un filon peu inclin (Schwebender GaM~). On le

    trouve aussi en vrais filons redresss, qui ont toit et mur. Un gisement pyriteux

    peu inclin est de petite valeur, parce que l'action du ciel n'y peut pas beaucoup

    produire, cause de l'inaptitude de la localit.

    Mais un gisement pyriteux aurifre (Goldlrisswerck) de la sorte d'un filon est re-

    gard comme meilleurquand sa roche au toit et au mur devient plus subtile et noble;et aussi quand les filons d'or ont la direction et l'afHeurement en rgions favo-

    rables et enfin quand ils sont joints de crins accidentels, qui enrichissent letHon,comme il est dit plus haut au chapitre sur les filons dargent, par lesquels ils

    deviennent meilleurs et plus aurifres. Aussi l'or, qui est engendr dans les filons

    sans pyrite se trouve quelquefois en tat natif dans la roche, aussi dans une glaise

    jaune ou dans une subtile efflorescence brune, et quelquefois engendr dans les

    quartz.O cette brune elliorescence se montre comme filons, l on peut exploiter avec

    espoir, parce que les crins accidentels apportent en profondeur un remarquableenrichissement.

    De mme, o les jaunes glaises se trouvent comme des filons, l on peut s'en-

    foncer galement avec espoir, quand le filon porte une roche subtile au toit et aumur. En outre, o l'on trouve l'or natif dans les crins qui s'tendent ct du

    filon, l il faut bien observer quel lieu le crin se dirige vers le filon en ce lieu,on peut exploiter et s'enfoncer avec certitude. Mais quand le crin s'teigne du filon,il est craindre qu'on n'y puisse gure gagner quelque chose remarquable, saufs'il se dirige vers un autre filon. Pour cette raison, il faut bien conseiller, o desemblables crins obliques qui contiennent de l'or natif s'loignent ou s'inclinent partir du filon., de faire dans un tel lieu des travaux de recherches ou explora-tions pour rencontrer d'autres filons, et d'exploiter ainsi avec prudence les crins,roches et filons ensemble.

    LE SIXIEME CHAPITRE.

    Da minerai d'tain.

    Le minerai d'tain ou le ~Mx~r~ se fait, sous l'innuence de Jupiter, d'un mer-cure pur et d'un peu de soufre. A un mlange des deux se trouvent ajoutes quelquesvapeurs sulfureuses et mauvaises, qui s'incorporent l'une l'autre et s'unissent enun mta! appel tain. Par cette vapeur mauvaise, chaque tain devient fortement

    odorant, craquant et cassant, ainsi que fait tout autre mtal mauvais et cassant

    auquel il est mlang.De plus, une partie du minerai d'tain est ne dans les rivires, comme plus

    haut l'or, et quelquefois lave en gros grains, comme la tourmaline, dont se fait le

    plus beau et le meilleur tain qu'on appelle tain de lavage, parce que sa matire

    Le nom Mottten ou ztottte; des vieux mineurs allemands, signuIe)tMt

  • LA GNRATION DES MINERAUX MTALLIQUES. 445

    58

    n!!,n!cc:u wAS~!ONeLG.

    devient fort bien purifie et ennoblie par la qualit du lieu. Quelque mineraid'tain est aussi engendf dans les montagnes et se trouve en filons; on l'estime

    davantage quand il se trouve bien loin de filons pyriteux et quand il est moins m-

    lang surtout de matires lourdes~ et cuivreuses dont le minerai d'tain est trsdifficile sparer. Mais la pyrite strile n'est pas si nuisible au minerai d'tain.

    parce que, par l'ardeur du feu, elle est allge et incinre; ainsi elle peut tre s-

    pare du minerai d'tain par le lavage sur la tabte~.Le jumeau ou minerai d'tain se trouve quelquefois aussi dans une couche im-

    prgne et pas en filons dan? la montagne. Ce minerai est d'autant plus purqu'il se trouve plus loin des filons pyriteux; il est alors moins mlang de pyritede fer

    Une indication de ce minerai d'tain est fournie par les fragments de la roche

    qui se dtachnt au jour.

    LE SEPTIME CHAPITRE.

    Du minerai de cuivre.

    Le minerai de cuivre est engendr sous l'influence de Vnus par un bon et purmercure, cependant pas parfaitement libr d'une certaine humeur trangre, et

    par un chaud, brlant et impur soufre, de manire que, par la chaleur du soufre,tout le mtal devient color rouge en toutes ses parties. Ce minerai mtaltique estrencontr tantt dans des couches schisteuses, tantt dans des filons et en sortesdiffrentes, quelquefois brun ou vert, enfin pyriteux. Le minerai de cuivre dans lesschistes est mlang de beaucoup de roche strile, de manire qu'il n'est gurepossible d'en obtenir le mtal, par un traitement ou une fusion simple. Mais le mi-nerai de cuivre des filons est trouv meilleur et plus aurifre, selon que le filontouche avec son toit et son mur une roche noble et convenable. Aussi, selon queles filons ont une direction dans les rgions favorables du monde, comme il estdit plus haut des filons d'argent, enfin quand les filons sont plus ou moins ennoblis

    par des crins accidentels ou des minerais mls, alors ils portent aussi un cuivre

    plus pur et plus riche.

    Apprends la direction des filons de cuivre et leur enrichissement, de la mmemanire qu'il est dit plus haut, de l'enrichissement des filons d'argent. Seulementles filons de cuivre qui s'tendent le long de la pente des montagnes vers minuitsont en gnral puissants, pendant que leur cuivte est nanmoins moindre en ar-

    gent. Mais les filons qui se dirigent le long de la montagne vers midi sont plussubtils et leur cuivre est plus riche en argent. Ces filons s'ennoblissent aussi parleur direction, comme il est remarqu plus haut des filons d'argent.

    LE HOITtEME CHAPtTRE.

    De la mine de fer.

    Le fer est fait sous l'influence de Mars, d'un mercure impur et d'un soufre sec

    f) Matires lourdes, peut-tre le wol-fram.

    r

  • M6 JOURNAL DES SAVANTS. JUILLET 1890.

    et impur, qui entrane beaucoup de matires terreuses dans le mlange mtallique.C'est ainsi que le fer est trs dillicile amollir dans le feu et qu'il contient beaucoupde rouille enferme, cause du soufre impur, pourquoi il ne peut pas facilement

    tre ml, fondu ou alli avec un autre mtal. La mine de fer se trouve en quelqueslieux, comme une couche incohrente, brune et jaune; en autres, en filons. La

    mine de fer des couches donne beaucoup de scories ou mchefers et peu de fer.

    Mais la mine de fer des filons donne du fer en plus grande quantit; cependant il

    est quelquefois cassant, parce qu'il est mlang avec une autre espce de mtal. De

    plus, les filons bien pourvus de toit et mur ne sont pas msestimer, surtout quandleur direction va du matin au soir et leur inclinaison vers midi. Quand leur mur et

    leur affleurement se montrent vers minuit, la mine de fer est profonde; le filon se

    mlange en gnral avec de l'or oa un autre minerai prcieux.

    LE NEUVIME CHAPITRE.

    Dit minerai de plomb.

    Le minerai de plomb est engendr sous l'influence de Saturne, d'un imparfait,humide, lourd et impur mercure et d'un peu de soufre qui, par la sortie de ses

    exhalaisons chaudes, cuit le mercure et le coagule en un corps mtallique. Et comme

    tous les deux, le soufre et le mercure, sont unis seulement d'une faible amnit,ainsi leur corps mtallique, le plomb, est facilement consum et volatilis par le feu.

    Le minerai de ce mtal se trouve quelquefois comme une couche peu incline,

    quelquefois comme un filon redress. Le minerai de plomb des couches, prs de

    l'alHeurement, est pauvre en argent, s'il n'arrive pas que des minerais d'argent s'yy

    joignent ce qui peut se faire par les crins. Mais le minerai de plomb des filons est

    plus riche et d'une plus forte teneur en argent, quand ses direction, inclinaison etenrichissement sont convenables, comme il est dit plus haut de l'argent. Le mineraide piomb des filons est tantt noir, tantt gris fonc, tantt luisant.

    LE DIXIME CHAPITRE.

    Du mercure ordinaire.

    Le mercure ordinaire est engendr sous l'influence de Mercure, d'une humeur

    muqueuse et aqueuse, qui est mlange avec la plus subtile terre sulfureuse. Ce m-tal est quelquefois engendr dans une terre brune, comme les autres minerais;

    quelquefois dans les mines, comme coul dans les crins et dans la roche, en une

    cavit, comme de l'eau. Il y en a aussi qui est vaporis et volatilis au-dessus de laterre et qui se trouve dans le gazon de la surface. Ce mtal est d'une nature mer-veilleuse, dont les alchimistes ont bonne connaissance, et pour cette fois je veux lais-ser disputer sur sa nature.

    L'APPRENTI MINEUR. Par la connaissance des matires dont le minerai se fait etdes lieux o il est commodment engendr, je ne peux pas apercevoir de quellemanire l'un ou l'autre peut tre fondu pour fournir le mtal suppos.

    DANIEL. La journe est passe; maintenant il est dit assez sur ce sujet. Demain,nous voulons aller' de la cabane (1) J'usine, et alors je veux te dire avec quel

    ~) Kaw, cabane sur l'orifice d'un puits.

  • LA GNRATION DES MINRAUX METALLIQUES. ~7

    ,e

    fondant il faut fondre les minerais pyriteux, fusibles, sauvages, gros grains ou fins grains, etc.

    Si quelqu'un voulait faire peindre ou colorier les figures, pour en mieux distingueret reconnatre la montagne, il faudrait faire les filons jaunes, la brume et l'efUo-rescence gris de fume, l'eau bleue; quoi qu'il en soit, j'ai eu soin en gnral d'in-diquer par les lettres suivantes

    u. Filons de la montagne.w. Efflorescences de la montagne.n. Brumes de la montagne.

    Aprs ce dixime chapitre vient une explication des termes techniques

    qui concernent l'art des mines et la mtallurgie.

    L'exempl:)ire dont il vient d'tre question est le plus ancien que l'on

    connaisse. Il parat, d'aprs l'enqute faite par M. von Dechen, qu'il n'en

    existe pas d'autre~. Toutefois il a t signal des ditions postrieuresdu ~ra~HcM~, en date des annes 151 2 i 518, 1527, 153/[ et 53o,

    imprimes Augsbourg, Worms et Erfurt; l'ouvrage, tout amphigou-

    rique qu'il lut, trouvait donc bien des acqureurs. Notre Bibliothquenationale en possde un exemplaire sans date, en 2/t pages, probable-ment du xvi sicle. Cette dition est, trs peu prs, la reproductionde celle de i5o5, sauf quelques variantes dans les figures sur rune

    d'elles, les rayons du soleil sont reprsents par des sries de lignesdoubles faisant des angles trs aigus ou pointes diriges vers la terre.

    Observations.

    C'est ainsi qu'une coopration de la terre et du ciel tait suppose

    prsider la naissance des minerais mtalliques dans les filons.

    Pour cette croissance, il faut un lment gniteur et une chose sou-

    mise, ou matire assujettie, qui soit capable de percevoir l'action gn-ratrice.

    D'une part, le gniteur gnral est le firmament, avec son mouve-

    ment, particulirement le soleil et les sept plantes.D'autre part, la terre fournit des manations, de l'humidit, du soufre

    et du mercure, qui s'unissent sous l'action des plantes pour former

    un minerai. Dans cette union, le soufre se comporte comme la amene

    mle, le pre ou l'esprit, et le mercure comme la semence femelle ou la

    mre, lors de la conception d'un enfant.

    C'est en vain que M. Zapf, conseiller intime Augsbourg, en a recherch un

    exemplaire de iy'78 a i7C)).

  • 448 JOURNAL DES SAVANTS. JUILLET 1890.

    Chaque sorte de minerai mtallique correspond une influence

    spciale de sa plante particulire~.Nanmoins cette action simultane ne suffit pas pour permettre

    la gnration de s'accomplir. H faut, en outre, un rceptacle naturel,bien appropri et comparable l'utrus chez les animaux. Tels sont les

    filons, verticaux et autres, pour servir de passage ais l'agent minra-

    lisateur. La situation des rceptacles par rapport aux positions des astres,c'est--dire leur orientation, importe beaucoup pour donner tel ou telminerai.

    Ces croyances des mineurs reprsentent, on le voit, une associationd'ides de deux ordres absolument distincts celles de'eurs obser vations

    journalires et de leurs connaissances pratiques avec les doctrines an-

    tiques des alchimistes.

    La diffrence dans la nature des minerais, suivant les diverses direc-tions des filons, telle que la faisaient reconnatre si clairement les exploi-tations de la Saxe, notamment celles de Freyberg, tait de nature confirmer cette confiance dans une intervention des astres sur les gn-rations mtalliques.

    Dans le Bergbchlein, reflet fidle de ces ides, la doctrine est exposesous une forme essentiellement affirmative, tout comme s'il s'agissait dethormes de gomtrie. Dans un expos extrmement court, d'envi-ron 2 j pages de petit format, ct de la description de l'instrument

    essentiel, la boussole, la place tout fait prdominante est accorde l'influence gnratrice des astres. La connaissance de cette action, quelquemystrieuse et vague quelle soit, est suppose non moins indispensableque la notion de la boussole celui qui exploite les mines mtalliques.

    Comme pour claircir et mieux fixer le phnomne dans l'esprit, unesrie de figures reprsente les effluves, partant de la plante, ainsi queles manations exhales du sol et dsignes sous les noms d'~or~-cences et 6rHMM de la monotone (~t~emno nnJ Nebel des Bcro~).

    Les Babyloniens, on le sait, croyaient dj que les plantes ont uneinfluence sur toutes les cratures et sur tous les objets rpandus la sur-face de fa terre. C'est eux galement que parat remonter l'attribution

    respective aux sept plantes des sept mtaux qu'ils connaissaient les

    correspondances rappelant la ressemblance de la teinte de la lumiredes uns avec la couleur des autres. Cela rsulte des crits de Proclus au

    Le minerai n'est pas un corpssimple; il se compose de deux sub-stances qui sont, respectivement, de lanature du soufre et du mercure ordi-

    naires Isols, mais qui nanmoins nesont pas identiques ces lments etqui peuvent d'ailleurs varier en humeuret en puret.

  • LA GMRATtON DES MINRAUX MTALLIQUES. 449

    ve sicle, dans son commentaire sur le Time et de ceux d'Olympio-dore au vi sicle, c'est--dire une poque bien postrieure celle o

    florissait l'cole astrologique des Babyloniens. Un savant russe, M. Chwol-

    sohn, a publi en allemand un ouvrage remarquable qui confirme le

    fait. Plus tard, ces ides, aprs avoir pass par l'Egypte, furent trans-mises aux Grecs, et de nouveaux noms, traductions des prcdents,furent substitus par les astrologues et les philosophes no-platoniciensaux noms orientaux qui servaient dsigner les plantes respectives.

    Apportes Constantinople, les notions dont il s'agit lurent trans-

    mises aux Arabes vers les vjr'etvni" sicles, l'poque de Geber. Enfin

    les Arabes de Syrie et de l'Espagne les enseignrent dans l'Occident.

    Leonardi de Pise, nomm aussi Fibonacci, aprs avoir voyag au

    xu" sicle parmi les Arabes de la Barbarie, en rapporta leurs connais-

    sances. Il ne leur emprunta pas seulement l'usage des chitires que nous

    nommons arabes et qu'il introduisit en Italie. On lui doit aussi un

    livre intitul Camilli J~OMtr~ ctH accessit sympathia septem metallorum

    ffc septem selectorum ~pKh~adp~K~M~, o se trouvent les doctrines

    qui avaient cours alors et le germe des ides du JB~&HcMcM.Aprs avoir rappel dans l'introduction les couleurs des sept plantes,

    il dit dans le chapitre premier intitul De septem lapidibus p~n~tn'M~:"L'Arabe Balemis, dissertant dans son trait d'archologie (livre Il,

    chapitre VIII) par quelle manire les astres peuvent aussi produireune force active sous la terre, s'efforce de prouver que les mtaux et

    les pierres ne peuvent se dvelopper (t~o~arc), moins qu'une force

    coulante (~M/?a~'fa), dont le vrai nom est seilen, ne leur soit accorde

    par une plante spciale. C'est pourquoi il affirme qu'on ne peut attri-

    buer aux plantes que les sept pierres d'lite (selectissimi) et les septmtaux, et que telle est la sympathie des uns pour les autres qu'unefois placs ensemble, et toutes prcautions prises, ils peuvent produiredes effets admirables~.

    Suit une figure expliquant cette correspondance turquoise et plomb;meraude et fer; amthyste et cuivre; cristal deroche et argent; aimant

    et vif-argent; diamant ou saphir et or; carniole et tain.

    Dans le chapitre v, De sympathia metallorum ad planetas, le texte latin

    peut se traduire peu prs ainsi II a t dit et dmontr par quellemanire les mtaux et les pierres sont mutuellement lis (in causa gene-

    Paris, 1610, In-8". Bibliothquenationale.

    OHM'a~e~rec~ p. 2 55.

    Adeo ut, simul positis et omMt6tM

    &eHe o~ert)a

  • 50 JOURNAL DES SAVANTS. JUILLET 1890.

    rativa et productiva ad t~ccn!); il reste considrer pourquoi tel mta!

    convient une plante plutt qu' une autre et pourquoi telle pierreest consacre (f~'ca~r) il telle plante. Nous avons dmontr que les

    pierres et les mtaux drivent de la mme matire (

  • LA GENERATION DES MINRAUX MTALLIQUES. 451

    mistes sur le soufre et le mercure, qu'il qualifie d'impossible. Il rfuteaussi assez longuement celle de l'influence des plantes qui, dit-il, sontseulement au nombre de sept, tandis que les mtaux sont beaucoup plusnombreux. Quant a l'opinion personnelle de ce mtallurgiste, la ma-tire mtallique, dit-il, est un mlange de terre et d'eau qui se fait sousl'influence des eaux souterraines par l'action de la chaleur et du froid,conformment l'ide d'Aristote.

    Cependant, malgr ces oppositions, et quelque singulire qu'ellesoit, la croyance l'influence des plantes conserva du crdit longtempsencore aprs l'poque o nous venons de l'tudier.

    Les mouvements du ciel sont la premire cause de gnration et de

    corruption qui se font ici-bas. Selon l'ordonnance de la nature et

    par la puissance divine, il est de ncessit que les corps clestes influent

    sur les choses extrieures. Telles sont, comme exemple, deux phrasesd'un petit volume imprim Metz en 151 o et devenu trs rare~.

    Nous voyons la persistance des anciennes ides, pendant le xvnsicie,dans un ouvrage bien connu

    sll est certain que la gnration des mtaux et des minraux, est-il

    crit, en i64o, danslajRc~:

  • 452 JOURNAL DES SAVANTS. JUtLLET 1890.

    corps cleste dont nous ne puissions nier l'influence, quoique nous ayonsdes raisons pour ia renfermer dans des limites trs troites.

    Vers la fin du xvm** sicle, WaDerius, tout en reconnaissant avec

    justesse que souvent les mines mtalliques et les mtaux ne sont passi gs que les montagnes qui les renferment, pensait que l'eau se

    change en terre, que la terre calcaire, ainsi que la terre fusible et vitres-

    cible, est un produit des eaux~.

    Enfin, en ty8/t, Guyton de Morveau croyait encore la transmu-tation de l'argent en or, et Bergmann lui-mme ne repoussait pas toutce qui se disait a ce sujet.

    Que de changements survenus dans la connaissance des gtes mtal-

    lifres, en moins d'un sicle, depuis qu'ils ont t l'objet d'innom-brables observations prcises et exactes, telles que les exige aujourd'huil'art des mines! Habilement coordonnes, ces observations servent debase des thories auxquelles la synthse exprimentale elle-mme est

    venue.apporter son contrle. Quels que puissent tre les progrs ult-rieurs et les transformations de la science, nous possdons ds aujour-d'hui des faits certains destins persister au milieu des changements

    que le temps apportera ncessairement nos connaissances.

    Mais, avant l're de la gologie positive, il fallait des rponses tousles problmes que se posait 1 esprit, alors mme qu'on n'avait aucunfondement pour les rsoudre, et les hypothses ainsi sorties du pur do-maine de l'imagination taient susceptibles d'acqurir un crdit incon-test.

    Au point de vue de l'tude de l'esprit humain, il est bien remarquablede voir avec quelle persistance les erreurs et les illusions les plus bi-zarres se sont perptues; combien de gnrations les ont acceptescomme des vrits.

    On voit ainsi combien notre intelligence a besoin d'efforts mtho-

    diques pour s'approcher graduellement de la vrit.

    A. DAUBRE.

    Deorigine mundi, t yyg p. 92, g3 et ta3.

  • DES SAVANTS

    JOURNAL

    /NE 1.890.'