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CIPPA AUTISME(S) et PSYCHANALYSE(S) évolution des pratiques, recherches et articulations 8 et 9 Février 2013

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CIPPA

AUTISME(S) et PSYCHANALYSE(S)évolution des pratiques, recherches et articulations

8 et 9 Février 2013

sommaire

Introduction - Marie Dominique Amy …………………………………………………………… page 1

Quelques réflexions - Pr Jacques Hochmann………………………………………………… page 4

Enjeux du corporel et du psychomoteur, psychanalyse, neurosciences et psychopathologie développementale - Fabien Joly ………………………………… page 6

Regard, traitement de l’espace et particularités de la pensée des personnes autistes - Chantal Lheureux-Davidse ……………………………………………. page 10

Comment la compréhension du développement psycho-corporel peuts’articuler à la dimension des apprentissages - Anne-Yvonne Lenfant ………… page 17

La recherche sur le packing : quel avenir attendre ? - P. Delion …………………. page 25

Les investigations projectives, cognitives, des éclairages pluriels sur les états autistiques et leur destin - Hélène Suarel-Labat …………………………………. page 28

Prises en charge par la psychanalyse, des bébés à clignotants autisme et de leurs parents - Marie-Christine Laznik ………………………………………………………… page 36

Le processus de la cure psychanalytique dans l’autisme - Didier Houzel …… page 37

Hôpital de jour « La Colline » - Pascale Ambroise ……………………………………….. page 42

Médiations thérapeutiques et autisme - Anne Brun ………………………………………. page 45

Les avancées théoriques dans la clinique psychanalytique de l’autismeNature des angoisses et des défenses - G. Haag …………………………………………… page 49

INTRODUCTION

Marie Dominique Amy

Prise de notes : Laurence CARPENTIER

La CIPPA défend une prise en charge intégrative qui fait jonction avec les autres domaines et s’articule avec un travail avec les parents.Le partenariat avec les parents a été bien bousculé par certaines approches psychanalytiques dont la CIPPA se désolidarise.Marie Dominique Amy souligne l’importance à conjuger diverses approches :La nécessité d’une approche intégrative permettant aux enfants de bénéficier d’une complémentarité des approches. Les psychanalystes formés aux approches dynamiques, capables de prendre en compte l’aspect et la dimension psycho-cognitive, des orthophonistes utilisant des outils non verbaux quand la compréhension verbale est déficitaire, des éducateurs sensibles aux mouvements émotionnels. Elle souligne néanmoins les risques de saupoudrage. La psychanalyse ne se suffit pas à elle-même pour traiter les enfants autistes.

Les approches éducatives et cognitives sont essentielles, elles peuvent être pertinentes et permettent une réduction des clivages, une compréhension des entraves.Le partenariat est constamment indispensable mais encore plus lorsque nous accueillons des enfants sans langage. Il faut alors leur proposer des repères qui leur facilitent la vie dans des objectifs partagés avec les autres professionnels et les parents.

La CIPPA se désolidarise d’un certain nombre d’approches :- Les supposés vis-à-vis des parents qui ont majoré leur culpabilité

avec en particulier la notion de fantasmes inconscients responsables de l’autisme.

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- L’attente passive de l’émergence du désir qui a été dramatique pour de nombreux enfants. Si une chose n’émerge jamais seule, c’est bien le désir.

- Le refus du diagnostic en mettant en avant que porter le diagnostic enfermerait l’enfant dans sa maladie.

- Le refus de partager les expériences avec les familles.

Pour finir son introduction, Marie Dominique Amy critique la médecine basée sur la preuve qui balaie intuition, création et empirisme. Elle dénonce la culture de la preuve sauf, du moins telle qu’elle est actuellement définie. Les preuves que seraient l’accès à la commodalité sensorielle, à la causalité, à l’émotionnel, mais non quantifiable, seraient bien entendu recevables.

Quelques données transversales : Les intervenants insistent tous sur les mêmes points. Proposer une approche psychanalytique ne se conçoit qu’en complémentarité d’une approche éducative, respectant les spécificités et les besoins des enfants autistes :

- Structuration de l’espace- Structuration du temps,- Recours à des modes de communication alternatifs pour les enfants

ayant une compréhension déficitaire (support visuel).- Diminution des stimulations sensorielles. Attention à apporter aux

stimulations excessives, qu’il s’agisse de stimulations visuelles (nécessité de milieu neutre, absence d’une multitude de jouets à disposition) ou de stimulations sonores.

- Communication : simplification des messages. Majoration du visuel.- Le temps des autistes n’est pas le nôtre. Tout va toujours trop vite,

nécessité de ralentir le rythme institutionnel.

Commentaires :- Narrativité : Il s’agit de rendre au sujet son histoire par la mise en

mots et le commentaire, reprendre avec l’enfant ce qu’il a fait. Ceci est particulièrement important lors des passages et à la fin du parcours. On se doit d’être dans une narrativité même pour les intrusions sensorielles, l’exemple donné est celui d’un enfant qui se bouche les oreilles, pour lequel on commente « a crié trop fort, ça t’est rentré dans les oreilles » immédiatement, les mains tombent.

- La narrativité doit être complétée par le commentaire émotionnel.- Une attention particulière doit être apportée à la musicalité de la

voix, à son rythme, ralenti.

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- Parents  : L’absence de causalité entre les fantasmes inconscients parentaux et l’autisme est moult fois soulignée.

- Nécessité pour tous, d’un travail serré avec les familles non pour les soigner, mais pour les accompagner autour de la souffrance d’avoir un enfant autiste d’une part, pour trouver ensemble les clefs de compréhension de cet enfant d’autre part.

- Empathie cognitive et affective : grande perméabilité des enfants autistes aux émotions de leurs parents. Attention aux entretiens parents/enfants.

- Regard  : ne pas obliger les enfants à regarder en face, mais à l’aide de commentaires, souligner à l’enfant le plaisir que l’on aurait à ce qu’il nous regarde.

- Contenance institutionnelle  : Il faut faire attention à « faire du pareil », à ce qu’il y ait une certaine permanence repérante. On a tendance à vouloir multiplier les éducateurs, mais ce ne sont jamais les mêmes adultes.

- Même sur une organisation autour du « pareil », l’institution amène suffisamment de « pas pareil ».

- Travail institutionnel : l’attente de l’émergence du désir dans une attitude passive est à moult reprises dénoncée.

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QUELQUES REFLEXIONSPr Jacques Hochmann

Prise de notes : Laurence CARPENTIER

Pr Jacques Hochmann quelques réflexions :Jacques Hochmann revient sur les recommandations de l’HAS et sur la phrase « la psychanalyse est non consensuelle dans l’autisme ». Il dénonce la méthode employée, méta-analyse de la littérature anglo-saxone avec une classification par niveau de preuves. La littérature française n’a jamais été prise en compte au niveau de l’HAS puisque seules des méta-analyses étaient envisagées.Jacques Hochmann souligne que depuis 1988, les principales revues psychiatriques des Etats-Unis ont fait un véritable push avec exclusion des analyses des comités de lecture. Seules les études d’inspiration biologique et comportementaliste ont été financées. La médecine fondée par la preuve (évidence preuve médecine) est un modèle imposé par une logique comptable permettant de mesurer le rapport coût/efficacité et d’imposer le meilleur traitement au meilleur coût.Par définition même, la psychanalyse n’est pas consensuelle, toute approche psychanalytique éveille des résistances d’où parfois un dogmatisme arrogant comme formation réactionnelle au doute. La psychanalyse s’oppose à la pensée unique d’inspiration béhavioriste qui veut s’imposer à sa place. L’ABA est plus une méthode de correction des comportements déviants qu’une méthode d’apprentissage. Les résultats publiés sont contradictoires. Cette pensée présentant comme la pointe de la modernité est vigoureusement remise en cause aux Etats-Unis même. Il y a un mouvement critique qui nous redonne espoir.

Jacques Hochmann évoque les 2 mouvements qui s’opposent actuellement autour de la médecine. La médecine fondée sur la preuve dont le paradigme et le DSM avec la 5ème édition qui vient de paraître et qui a suscité des débats très vifs notamment autour de l’extension du spectre autistique. Pour Hochmann, sous la pression des usagers, des parents et des industries pharmaceutiques, le DSM est devenu une fabrique de maladies.Le 2ème mouvement cherche à limiter l’impérialisme de la médecine fondée sur la preuve, c’est la médecine narrative. De plus en plus d’usagers se

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plaignent de rencontrer des médecins rivés sur leur ordinateur à remplir des formulaires, qui décident en fonction de consensus d’examens selon des arbres de décisions codifiées, la mise en place de protocoles de soins. Pour échapper à ce système soumis aux lois de marché, de nombreux patients sont actuellement en recherche de médecines parallèles. C’est pour revenir à une certaine humanité que s’est développé le courant de médecine narrative.Le plaisir de la narrativité est source d’un « délice universel » (Aristote), et marque la perte de l’adhésivité. Lorsque la fonction narrative n’est pas suffisamment investie, la perte devient intolérable.Trois piliers fondent le travail institutionnel, la différenciation, l’articulation des espaces, la narration (narration d’une activité à une autre exemple : école à l’hôpital de jour). La psychothérapie institutionnelle évolue vers une psychothérapie de réseau. Tout cela n’est possible que si à côté de ce travail institutionnel, des éléments de l’histoire vont pouvoir être mis en forme, avec un interlocuteur privilégié, le thérapeute de l’enfant par exemple. Ceci donne une dimension de profondeur. La narrativité doit être complétée par le commentaire émotionnel.

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Enjeux du corporel et du psychomoteur, psychanalyse, neurosciences et psychopathologie développementale

Fabien Joly

Notes prises par Claire SILVA

Plan :Introduction thématiqueDe quel corps parle-t-on dans la clinique de l’autisme ?Que nous enseigne au plan du corporel et du psychomoteur la clinique des personnes avec autisme ?Les signes très précoces tonico-posturaux, psychomoteurs des bébés à risque autistiquesLes conséquences thérapeutiques

Introduction   : Le corps et ses enjeux cliniques, du corporel et du psychomoteur sont constitutionnels, pathognomoniques des états autistiques. Il y a une singulière manière, autistique, d’habiter son corps. Les enjeux psychomoteurs sont cependant maltraités, oubliés, effacés ou considérés comme des comorbidités aux troubles autistiques, y compris dans la triade diagnostique, l’évaluation, les théories de l’autisme, et donc dans la prise en charge.C’est au niveau du corps en relation qu’on peut réfléchir les enjeux développementaux spécifiques liés à la maladie du développement. C’est l’articulation, la complémentarité entre les abords cliniques et théoriques psychanalytiques, pédopsychiatriques, et les abords théoriques et pratiques des neurosciences, de la cognition, de la psychologie du développement, et d’un certain comportementalisme éducatif de l’autre.J. De ajurriaguerra : notre corps n’est rien sans le corps de l’autre. Le corps de l’enfant autiste donne à voir ce que pourrait-être ce « rien ». Il est vivant, instrumentalisé, opérant, même si c’est de manière disharmonieuse, mais n’est rien sans la confrontation au corps de l’autre, dans une rencontre affective, effective, psychique, pulsionalisée. Ce carrefour psychomoteur dans le développement précoce pourrait-être le chainon manquant dans le développement singulier de l’enfant avec autisme et peut-être dans le débat théorique.

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De quel corps parle-t-on   ? Le corps de et dans l’autisme est pathognomonique et central de la pathologie autistique, à toutes les étapes de la vie. Il est néanmoins difficile à saisir avec les outils théoriques de la psychanalyse, de la métapsychologie. Freud, neuroscientifique, parle pour le corps de « substrat somatique ». Mais le corps qui nous intéresse ici est un corps porteur d’affects, d’émotions, de relation à l’autre. La psychanalyse s’est approchée de la question du corps par les trous, les enveloppes, les sphincters, comme si le corps était sans épaisseur, sans chair. Or il faut tenir compte du tonus, de la posture, du geste, du corps dans la rencontre, du plaisir pris dans son corps. Il n’est pas question seulement d’une dimension fonctionnelle et instrumentale. Le corps de l’enfant autiste est sa première différence visible. Celui-ci présente une dysharmonie de son développement psychomoteur, un comportement corporel particulier, des manifestations singulières de son corps (stéréotypies, tournoiements, postures singulières, rythmies corporelles, etc…).Il y a une tension permanente entre les différentes sensibilités de l’enfant, ses hypo- ou hyperfonctionnements. Le corps ne joue pas son rôle d’assise. Ce socle fait défaut, ne permettant pas à l’enfant autiste de bien percevoir son propre corps, l’environnement et l’autre sujet, dans son corps et dans sa psychée. Chez l’enfant autiste, si le soma parait intact, le corps s’étiole car il ne peut capter, expérimenter, créer ses propres expériences personnelles. Il ne peut se constituer en raison des difficultés de l’articulation somato-psychique et psycho-corporelle. Dans certaines écoles de pensées des neurosciences cognitives, développementales, le corps psychomoteur, investi dans la relation à l’autre, est écrasé du coté du soma, des données d’équipement, qui donnerait des dimensions instrumentales singulières à l’autisme. Dans d’autres écoles, on se dégage du corps soma, pour aller vers un corps neuronal ou machinal et instrumental. Il va s’agir de mesurer les aléas instrumentaux, fonctionnels, déficients pour donner des re-médiations, des rééducations ortho-pédagogiques de ces défaillances.L’autre risque, qui se situe du coté des psychanalystes, serait l’écrasement des représentations en terme d’image du corps. La symbolisation précoce, la représentation de l’image du corps sont mises à mal. D. Anzieu peut-être considéré comme un précurseur des articulations entre neurosciences et psychanalyse, grâce à sa métaphore de l’arbre. Le

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schéma corporel peut être représenté par les racines, le tronc et les branches. Il s’agit du substrat, qui permet à l’arbre de tenir, de se construire. Les images du corps sont assimilées aux feuilles et aux fleurs. Elle donne à l’arbre sa couleur, son habillage.En métapsychologie, il faudrait ainsi aller chercher un 3ème corps. Il faut regarder du coté de l’épaisseur, constituée des éprouvés, des actes, du tonus, de la relation à l’autre, des expériences sensorimotrices, psychomotrices et corporelles.

Quels sont les enjeux corporels et psychomoteurs spécifiques et pathognomoniques du syndrome autistique   ? G. Haag parle de l’image du corps, du défaut de contenance primitive, des systèmes de symbolisation primaire, des angoisses corporelles archaïques. Mais il faut également penser le corps en acte, les fonctions motrices, l’investissement de la chose corporelle, qui seront développés ici.

L’observation du clinicien permet de repérer les dysfonctionnements de la fonction tonique. - Les dystonies : hypotonie et/ou éclats hypertoniques- La mauvaise régulation tonique- L’atypisme du dialogue tonique : indifférence au toucher, au

portage ou hyper-adaptation- Les discordances tonico-émotionnelles, entrainant une difficulté

pour le clinicien de percevoir de quel tonus il s’agit.Ces dysfonctionnements entrainent un défaut dans l’intégration des patterns comportementaux et des difficultés dans l’ajustement tonico-postural. La fonction en elle-même n’est pas atteinte, mais le bien fonctionnement de la fonction dans la relation à l’autre. Le trouble n’est ainsi pas équipemental, mais parait intrinsèquement lié à une défaillance de l’adaptation à l’autre.

Insuffisances et particularités du contrôle postural à tout âge de la vie.

L’enfant autiste présente peu d’exploration psychomotrice spontanée et partagée. Il fait le choix d’une stimulation autocentrée, en lieu et place de l’échange ludique. La motricité ne peut se déployer sur la relation (à son corps propre, à l’autre, à l’environnement). Cela entraine :- Des difficultés de maitrise corporelle, d’équilibration,- Des difficultés de coordinations globales et fines. Il présente

parfois des compétences préservées dans certains domaines, mais toujours dans un contexte de développement dysharmonique.

- Un trouble de la régulation motrice, agitation ou inhibition, et des passages de l’un à l’autre sans logique apparente.

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Sensorialité et sensorimotricité : Recherche de flux sensoriels exacerbés, alternance entre hypo- et hypersensibilité, sans coordination intermodale, sans régulation.

L’absence de communication non verbale est systématiquement retrouvée dans le syndrome autistique. La communication verbale peut quant à elle être tout à fait préservée.

Signes corporels très précoces des bébés à risque autistiques- Importance des indicateurs de la fonction tonique : défaillance du

dialogue tonique, inadaptation tonico-émotionnelle (asyntonie)- Apathie générale- Manque d’appétence, de vitalité psychomotrice : L’enfant

présente peu d’expérimentation psychomotrice, ludique, relationnelle.

- Absence de réactions motrices et faciale à l’arrivée de l’autre, absence de réactions anticipatrices au portage

- Absence d’adhésion corporelle de l’enfant durant le portage (dialogue tonique)

La période critique de fixation des signes précoces est de 6 à 18 mois. Ces signes psychomoteurs apparaissent ainsi avant l’âge de 1 an, mais sont moins facilement identifiés par les parents que le retard de langage, pourtant plus tardif.L’équipement psychomoteur de l’enfant ne peut soutenir les élans vers l’autre.

Les enjeux thérapeutiquesLa prise en charge psychomotrice doit permettre de dépasser les étapes du développement qui semblent difficiles. Mais le soignant a aussi la mission de permettre à l’enfant autiste de réinvestir une relation plaisir, à l’autre et à soi. Entre fonction et fonctionnement, il ne suffit pas d’avoir visée neuroscientifique sur le défaut de la fonction, mais il faut travailler sur l’investissement psychique des fonctions instrumentales, corporelles, toniques, et toujours à travers la relation à l’autre. Le défaut de cohérence central de l’enfant autiste correspond à un « non-mantèlement » dans la relation à l’autre et non à un démantèlement. Cette fonction n’a pas pu s’épanouir à l’endroit du corps en relation, mais elle peut être réparée, notamment en ce qui concerne les jeux sociaux, de la transmodalité, l’apparition de la théorie de l’esprit.

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REGARD, TRAITEMENT DE L’ESPACE ET PARTICULARITES DE LA PENSEE DES PERSONNES AUTISTES

Chantal Lheureux-Davidse

Prise de notes : Catherine GILMER-LACHAUD

LE REGARD CHEZ L’ENFANT AUTISTE :Si quelqu’un nous regarde, on a l’a priori qu’en regardant, on se concentre et on est dans la communication.Lorsqu’un enfant autiste ne nous regarde pas, nous avons le sentiment de n’être pas intéressant.Un bébé qui va bien, s’accroche dans le regard et profite de tout, écoute, est actif, relance le lien, se laisse surprendre par la nouveauté.Il se construit dans son sentiment d’exister, tous ses sens sont en éveil, c’est un bébé impliqué. Il est dans le démantèlement pendant ces temps relationnels où il profite de tous ses sens. Il passe d’un détail à l’autre en ayant une perception globale.Il s’intéresse à l’autre et à lui-même.Un enfant autiste s’intéresse à un seul sens, lorsqu’il est seul et captivé par le bruit ou bien les manipulations, ou reste focalisé sur ses sensations digestives. A l’inverse, le bébé qui va bien, va être tantôt dans des mouvements de dispersion, tantôt dans des mouvements relationnels mais avec souplesse.L’intérêt pour la relation développe l’intérêt pour l’exploration de l’espace. L’échange de regard favorise la construction du volume dans l’espace et de la fonction contenante de l’espace. L’effet sur la construction est celui du sentiment d’avoir un espace interne contenant.L’enfant autiste est dans un non repère des bords ou du centre de l’espace, ce qui conduit à une difficulté d’intégration de la notion d’un corps contenant. Ses sens sont difficiles à réguler entre hypersensibilité et hyposensibilité, il y a utilisation d’un seul sens.Melzer parle du démantèlement sensoriel qui existe chez l’enfant autiste, où il s’accroche à une seule sensation, puis une autre, en oubliant la précédente.Il reste dans l’agrippement sensoriel, il n’y a plus de réseau de liaison entre les différentes sensations.

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Pour l’enfant autiste, regarder et/ou être regardé est extrêmement difficile, il ne comprend pas la complexité du visage. Les mouvements rapides des yeux, les émotions du visage le débordent. Il se protège pour éviter d’être englouti par débordement sensoriel et se protège du risque de se sentir disparaître. En effet, s’il s’intéresse à l’existence de l’autre, il ne se sent plus exister. L’enfant se réfugie alors dans des auto-sensations familières et répétitives, restreintes et qu’il contrôle.Il y a non reconnaissance de l’expression émotionnelle et il est très vite débordé.

Les travaux neuro-physiologiques de Bruno Gepner mettent en évidence la lenteur d’intégration sensorielle chez l’enfant autiste qui ne comprend pas les mouvements rapides. Il lui faut beaucoup de temps. Le visage est un concentré d’informations sensorielles et l’enfant est vite saturé.Il ne peut suivre la vitesse des mouvements des yeux dans des moments d’accordage.

Il est indispensable de ne pas imposer un échange de regard qui rend la communication impossible par démantèlement. Si l’enfant autiste regarde, il ne peut plus écouter. La communication est meilleure hors regard++. Il est important de ne pas le regarder en face à face et de ne pas non plus imposer le nôtre. Lorsqu’il est plus disponible, il peut se concentrer s’il est libéré des échanges par le regard.Certains enfants trouvent refuge dans des coins sombres ou dans le couloir tel un lieu sas ; ils demandent à éteindre la lumière, ferment leurs paupières pour se retrouver. Une jeune fille autiste qui manifestait d’importantes crises de tantrum avec de réels moments de désorganisation, qui se tapait la tête quand elle était regardée, a pu évoluer avec une communication mise en place petit à petit, en regard. A pu être observé un réinvestissement du regard spontané, en sollicitant à son rythme tout près, et dans quelque chose de plus tranquille. Le regard imposé est véritablement effractant. Néanmoins, certains enfants ont :

- un regard  adhésif qui annule la distance entre nous.- Un regard qui transperse sans mouvement d’accordage.

Les enfants autistes voient l’espace bi-dimensionnel, sans fond, sans bords, comme un gouffre sans fond. Il est important de ne pas se déplacer auprès d’eux de façon imprévisible, sinon les mouvement seraient véritablement effractants et peuvent entraîner des mouvements de sursaut chez eux. Certains se déplacent le long des murs. Ils ont besoin souvent de sentir ou bien goûter ou encore toucher pour reconnaître les objets.

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Le témoignage de Temple Grandin montre qu’elle ne reconnaissait les objets qu’après les avoir touchés. Elle ne pouvait donc reconnaître son quartier et a pu se repérer après qu’elle ait touché une maquette reproduisant à l’identique son quartier.Ce besoin d’ancrage sur une expérience sensorielle archaïque pour avoir une reconnaissance visuelle est souligné également par Suzanne Maïello qui montre que le sonore et le rythmique facilitent le passage à une sensation de distance (olfaction, vision, acuité visuelle).

CAS CLINIQUE :Romain est un jeune garçon handicapé en fauteuil qui présente un retrait autistique sévère sans langage. Cet enfant n’utilisait pas le regard fovéal qui évalue les distances et manifestait donc d’importantes angoisses spatiales où il jetait l’objet dès qu’il le voyait en poussant des cris stridents. Romain n’avait pas de vision tubulaire, voyait seulement sur les côtés. Le travail en psychothérapie était axé sur l’amplification de ses intérêts avec le passage de droite à gauche, d’objets devant ses yeux, accompagné de mouvements sonores (passage de petites voitures de droite à gauche avec le bruitage du moteur…). Romain a pu petit à petit capter les mouvements sonores et coller les voitures à droite et à gauche de ses yeux. Il a pu pousser des cris d’effroi quand il a vu la voiture en face pour la 1ère fois et a pu petit à petit, arrêter le mouvement de tête de droite et gauche qu’il manifestait auparavant. Ce défaut de vision correspondait à un trouble de l’image du corps et Romain a pu investir petit à petit la vision dans l’axe de son corps, à partir du travail thérapeutique autour des mouvements sonores.Il a découvert la profondeur de l’espace, butait souvent dans les murs, cherchant le fond. Il y a eu beaucoup de séances dans la pénombre, à sa demande, ce qui a pu permettre une diminution de ses angoisses avec une meilleure qualité d’échange. Romain a pu commencer à évaluer la distance, en approchant et reculant chaque voiture devant ses yeux et la jeter en un éclair, repérant en arrière-plan, la profondeur de l’espace. Il s’est intéressé alors aux yeux mobiles des poupées. Il a fait l’expérience d’un espace sécurisé et ses cris se sont estompés. Le ralentissement extrême des paroles et des déplacements du thérapeute ont favorisé la qualité relationnelle.Le réinvestissement du regard spontané a permis de diminuer les angoisses spatiales car elle s’est faite dans la construction dans le lien à l’autre et il y a eu investissement d’utilisation du regard fovéal, ce qui a permis un confort dans les déplacements et un intérêt pour l’exploration dans l’espace. Il est important de travailler autour de ce qui intéresse l’enfant, c’est-à-dire les sensations de proximité comme l’olfaction, ou le tactile, ou les sensations liées à l’équilibre du corps, ou chez Romain, le

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sonore en mouvement de gauche à droite. Par la suite, le travail sera autour de l’accueil des relances spontanées de l’enfant pour construire la relation.

RECHERCHE DE REGARD SPONTANE :

- L’imitation : Il est important de proposer des moments d’imitation gestuelle non verbale, acceptés par l’enfant quand ils ne peuvent accueillir notre voix. L’imitation (Jacqueline Nadel) est acceptée par l’enfant quand on ne le regarde pas en face. Cela a un effet identifiant car il se représente ainsi les mouvements de son corps. Sur les vidéos de Jacqueline Nadel, il n’y a aucune réaction initiale de l’enfant dans un premier temps. Néanmoins s’il y a interruption de l’imitation, il manifeste qu’il veut que cela continue. La jubilation existe d’avoir une perception de lui-même et provoque un élan spontané de partages visuel et émotionnel avec la personne. Le regard, à l’initiative de l’enfant peut alors être partagé et petit à petit, ce lien existe dans la durée.

- Commentaires :Les commentaires sur les expériences sensorielles ont un effet identifiant. L’enfant se représente qu’il existe dans le lien à l’autre et la jubilation qui s’ensuit favorise la relance spontanée du regard. L’enfant peut aller petit à petit vers des échanges visuels et émotionnels intenses, non effractants. L’expérience de regard vivant, ajusté, focalisant, de l’enfant, développe des capacités à évaluer les distances.L’enfant est accueilli dans le fond du regard de l’autre, sans se sentir englouti, et sans que l’autre disparaisse. Tout cela se passe à la suite d’un va et vient, avec des expériences répétées dans le temps.Ce sont des expériences de regards accueillis, dans le fond du regard de l’autre, qui créent la notion que l’autre est un réceptacle contenant et qui donne la notion de limites à l’espace qui devient alors bordé, sécurisant et contenant.

- Comment faire dans les relations sociales ?En effet, l’expérience montre qu’on investit plus un enfant autiste s’il regarde en face. Il est important de lui expliquer, s’exercer à regarder les autres dans des rencontres à son initiative, mais aussi proposer une alternative à cette communication pour qu’il ait une certaine liberté ensuite.Des adultes autistes racontent qu’ils doivent se répéter intellectuellement comment regarder les autres. Mais le travail sur la recherche spontanée

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du regard montre qu’elle apporte une autre valeur que le simple fait de regarder « intellectuellement ».

- Aménagement autistique pour éviter le regard : o L’enfant autiste voit parfois un trou noir par clivage entre le

front et le menton. Une petite fille rapporte qu’elle voyait le visage de sa mère toujours au-dessus du front ou au-dessous du menton.

o Le strabisme intermittent permet d’éviter le regard direct. Il est important de ne pas opérer. Néanmoins, le risque de perte de dioptries est réel, d’où l’importance de jeux avec des mouvements, avec des objets sonores, pour permettre la mobilisation des yeux.Chantal Lheureux suggérait à une maman d’expliquer à sa petite fille qu’elle essayait d’être tranquille dans les yeux, donc ses yeux se promenaient ailleurs. Cependant elle pouvait s’exercer à focaliser petit à petit son regard. Petit à petit, cette enfant a pu faire des allées et venues entre son strabisme et un regard plus soutenu.

o Certains enfants autistes clignent des yeux pour transformer un visage complexe en image fixe plus compréhensible et pour filtrer l’afflux d’informations sensorielles.

o D’autres utilisent le regard périphérique et ce regard de côté va favoriser l’équilibre du corps. Certains enfants favorisent cette proximité en agitant un objet, une paille, leurs doigts près des yeux, ou encore regardent le creux de leur main pour avoir une sécurité de proximité.

o Les mouvements de course et allers et retours, visent à stimuler le regard périphérique. Ces contrastes qui défilent à toute vitesse et la captation de flux visuels qui les bordent visuellement permettent la diminution d’angoisse de l’espace.

o Les balancements gauche/droite de la tête ont aussi cette même fonction.

- Evitement des angoisses spatiales :o Les enfants autistes créent une forme circulaire contenante en

faisant « le tour du propriétaire » qui correspond à l’évitement de la traversée d’un espace vécu comme sans bord.

o Lorsque cet aménagement est insuffisant, on peut observer un contact tactile (la main qui traîne le long des murs), ou encore un mouvement où les enfants vont plaquer le dos sur le mur solide pour trouver un point d’ancrage ou encore se caler dans un angle solide. L’appui dos permet un regard de face qui se

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focalise mieux et favorise ainsi de meilleures explorations dans l’espace.

o D’autres enfants sont dans des tournoiements avec la constitution de formes circulaires dans l’espace. Il serait intéressant de se référer aux travaux sur la stimulation du vestibule de l’oreille interne.

o D’autres renoncent à marcher pour éviter les angoisses spatiales et restent ainsi au sol.

o Une agitation permanente peut être observée également.o La traversée en crabe et en diagonale de l’espace est un autre

dispositif d’évitement.o Certains enfants s’immobilisent dans un espace angoissant

(cour de récréation), ils manifestent des balancements auto-calmants, voire des vibrations du fond de la gorge.

o Parfois, un enfant autiste jette des objets dans toutes les directions de l’espace pour évaluer l’impact sonore, ce qui leur donne des indications de la distance du bord de l’espace.

o Certains marchent tête en l’air, regardant une lumière pour se guider ou encore s’accrochent à une ligne de l’architecture.

PARTICULARITE DE LA PENSEE CHEZ L’ENFANT AUTISTE

Souvent l’enfant autisme est démantelé dans sa sensorialité et passe par l’utilisation d’un seul sens mais il y a également des moments de retrouvailles et de re-liaison. Sa pensée est souvent dispersée, elle perd les liaisons entre tous ces éléments et perd aussi les liens chronologiques, elle est vécue dans l’instant.La pensée devient associative, c’est-à-dire détail après détail et il y a une perte logique des cause à effet. D’ailleurs les enfants se dirigent souvent vers un objet précis à l’autre bout de la pièce car c’est un point commun qui fait résonnance.Il n’y a pas de délire ni de projection dans les pensées autistiques. Les identifications sont plus adhésives que projectives ; le problème est l’articulation des pensées entre elles. L’enfant autiste n’arrive pas à organiser des pensées entre elles. Il ne sait par quoi commencer. Il faut l’aider à démarrer et l’accompagner.

La mémoire concerne des détails de l’environnement non humain, beaucoup plus investis que les détails humains (exemple : détails du visage). Dans le syndrome d’Asperger, la mémoire porte sur l’accumulation des connaissances dans un domaine très privilégié sans comprendre les liens entre les détails et leur sens. L’autisme passe d’un

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point de repère à un autre, sorte de fil conducteur à suivre. S’il y a intrusion de quelqu’un, cela devient très compliqué et peut entraîner une désorganisation avec un vécu catastrophique car il y a alors rupture de ce fil conducteur.L’enfant autiste ne sait passer d’un détail à un autre, donc il existe des persistances pour éviter l’angoisse d’interruption d’un détail, car il n’y a pas d’anticipation possible. La séquence est parfois apprise par cœur, c’est possible, mais elle doit être refaite à l’identique. Si la pensée est dispersée, on note des agrippements à des détails ou a des activités restreintes ou répétitives avec la recherche de sensations familières. Il est important de les retrouver, mais nous devons jouer sur les micro-changements pour faciliter les processus de représentation. Tout cela implique la souplesse de l’analyste qui doit jouer avec le monde métaphorique dans lequel baigne l’enfant autiste, ce qui permettra un élargissement progressif de la pensée.

La pensée, rattachée à des images, beaucoup plus qu’à un concept, une pensée conceptuelle nécessite de faire une moyenne entre différentes expériences. Souvent elle est peu accessible car l’autiste a la mémoire des expériences qu’il ne va pas pouvoir modifier par anticipation.

La pensée autistique est large et navigue sur des plans métaphoriques dans une non-différenciation entre monde humain et non-humain. Néanmoins, cette pensée a du sens, même si le décodage métaphorique n’est pas toujours évident. Elle est intuitive plus que logique et se base sur une bonne connaissance des détails sans en comprendre les liens et le sens.

La relation thérapeutique active le processus de représentation qui porte en priorité sur les expériences émotionnelles et sensorielles et aide à la construction du sentiment d’exister. C’est le préalable à l’accès de l’intérêt pour autrui, des rencontres, des explorations dans le domaine des apprentissages et du monde social. La représentation qui porte sur des expériences corporelles, sensorielles, émotionnelles, permet une alliance entre une pensée dispersée et un vécu sensoriel et émotionnel interne, non advenu à la conscience.

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Comment la compréhension du développement psycho-corporel peut s’articuler à la dimension des apprentissages

Anne-Yvonne Lenfant

Prise de notes : Myriam AYDIN

Les enfants autistes ont besoin que nous les abordions dans leur singularité tout en ayant une vision compréhensive globale de chaque personne. Pour cela A-Y. Lenfant propose de réfléchir à l’articulation de la compréhension du développement cognitif et du développement corporo-psychique qui passe pour un certain nombre d’entre nous par la construction de l’image du corps. Ce propos va tenter de mettre en perspective une clinique s’appuyant d’une part sur les références psychanalytiques et d’autre part sur la compréhension du fonctionnement cognitif particulier des autistes. Cette approche est clairement transdisciplinaire pour permettre une compréhension articulée entre le monde interne émotionnel, le niveau de symbolisation et le fonctionnement cognitif. Elle s’inscrit dans une logique développementaliste qui souligne la dynamique évolutive à l’œuvre et qui concerne plusieurs dimensions y compris celle du développement du Moi. La proposition de réflexion est que le développement corporo-psychique d’un enfant est en lien avec sa manière d’aborder les apprentissages. Mais il faut prendre garde à ne pas réduire l’enfant à une description fonctionnelle aussi fine et pertinente soit-elle. Certaines hypothèses concernant le fonctionnement psychique des autistes sont des apports qui nous aident à penser et s’inscrivent non pas dans une dimension étiopathogénique mais dans une tentative d’appréhender leur manière d’être au monde et aux autres. Les travaux psychanalytiques de plus en plus nombreux soulignent l’importance des aides éducatives et pédagogiques et la nécessité de trouver (Golse) des interfaces où s’interrogent de manière transdisciplinaire et le rôle de l’affect et le rôle du cognitif. Il s’agit de prendre soin de l’enfant dans toutes ses dimensions (Amy). Les travaux de Haag, Bick, Tustin, Meltzer et autres, nous permettent de comprendre à quel point le langage corporel et donc comportemental est sous tendu par des mécanismes psychopathologiques en référence à la construction de l’image du corps. Ces auteurs nous proposent de regarder de plus près, comment les enfants autistes nous font accéder à leur monde interne par des démonstrations concrètes

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utilisant le monde extérieur. Ils nous racontent comment se développe l’appareil psychique par le biais de la constitution progressive des premières enveloppes corporo-psychiques et de ses contenus de pensée. On retrouve ici le double ancrage corporel et relationnel avec le nécessaire détour par l’autre, indispensable à la mise en place des processus de symbolisation précoce.Le premier vécu d’entourance, de contenance passant par la construction des enveloppes corporo- psychiques est le préalable incontournable à la constitution de l’espace psychique (au sein duquel va se mettre en place le travail de pensée). Il s’enracine dans les sensations corporelles en lien avec la répétition des expériences interactives. Ensuite le bébé ordinaire expérimente la jonction de ses deux hémicorps, comme par exemple : quand il attrape un objet avec ses deux mains devant lui, dans la ligne médiane, puis qu’il le lâche et recommence avec application et jubilation. Vers 6 mois, il vérifie l’attachement solide entre le haut et le bas du corps quand il a plaisir à attraper ses pieds et à faire le « tonneau ». Toutes les démonstrations sont des indices de travail de construction corporo-psychique, en référence aux premières identifications intra corporelles (HAAG) : la formation de la première peau, la jonction des hémicorps, puis la jonction du haut et du bas du corps. Le bébé ordinaire dépasse cette période, avec des vécus corporo-psychiques progressivement plus élaborés ce qui le fait accéder à une position psychique plus complexe. Par contre dans l’autisme quelque chose ne se fait pas dans la mise en place des enveloppes. Le bébé autiste est noyé dans un flot de sensations, incapable de différencier les stades, il est aux prises avec des angoisses corporelles primitives (démantèlement, agrippement moteur et sensoriel) dans la bidimensionalité adhésive c'est-à-dire un état où la sensation elle-même a toute la place. Le monde devient juste une juxtaposition de données sensorielles sans possibilité de liaison. En deçà de la formation de la première peau, l’enfant se situe dans une bidimensionnalité adhésive (comme décrite dans l’état autistique sévère de Kanner) c'est-à-dire dans une absence de sentiment continu d’exister, avec des signes directs d’expression de malaise corporel, les agrippements sensoriels, des manifestations de l’amputation de l’image du corps. L’enfant aborde le monde par le mode sensoriel, utilisant les objets pour leur qualité purement sensuelles c'est-à-dire par l’intermédiaire des perceptions plus ou moins distordues transmises par les organes des sens sans possibilité de les relier les unes avec les autres. L’absence d’expression émotionnelle et relationnelle est la règle, ainsi que la pénétrance du regard.Ex : T. 18 mois, dont les difficultés développementales sévères avaient été repérées par les parents vers 6 mois, qui régresse, n’a plus de mot, pas d’exploration, évite activement toute relation, soutient furtif du regard, se replie dès qu’on le touche. Toute insistance entraine un démantèlement

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de l’activité perceptuelle. On constate le blocage des intégrations corporelles et donc psychiques nécessaires au développement. L’enfant perçoit une succession d’éléments discontinus, d’événements non reliés entre eux, signes non utilisables pour penser puisqu’il n’y a pas vécu d’expérience. C’est le stade sensitif. A cette étape de l’autisme sévère, on observe ni la permanence de l’objet ni la représentation mentale. Chaque moment est vécu pour lui-même, l’enfant ne peut donc anticiper. Quand on décrit un enfant à ce stade, on part de l’idée que les soins corporo-psychiques rejoignant des niveaux très primitifs et une approche éducative structurée prudente sont des accompagnements pertinents à proposer. Un cadre solide et rigoureux est nécessaire, ainsi qu’un dispositif matériel permettant à l’enfant d’éprouver corporellement la solidité de la contenance proposée et de grandes capacités d’attention et de vivance pour les intervenants. Sur le plan corporel, l’aider à mettre en place les premières enveloppes corporo-psychiques c'est-à-dire dans un premier temps, un premier vécu d’entourance. Il peut alors commencer à aborder l’environnement autrement que par une dimension sensorielle, à condition de se sentir contenu, ce qui passe par la présence de la personne et l’échange de regard qui vont se conjuguer avec le sentiment d’appui d’arrière plan.La constitution progressive des enveloppes amène à la tridimensionnalité de l’appareil psychique, il y a désormais un espace intérieur, un contenant avec un dedans et un dehors pouvant accueillir un contenu. Le véritable travail de pensée peut avoir lieu. A cette étape évolutive, l’enfant est dans une recherche active de contenants durs/mous, de couvertures, il recherche un échange de regards combiné à un appui dos. Il explore la profondeur de l’espace, le volume des objets, et les premières émissions vocales à valeur de communication apparaissent. Ces comportements sont le reflet d’un fonctionnement moins archaïque, plus diversifié : colères voire tantrum, il jette d’abord les objets n’importe où dans la salle puis va les mettre dans des contenants petit à petit, crache alors qu’il bavait auparavant, l’imitation en collage (écholalie, échopraxie). Il n’a pas la véritable permanence de l’objet mais a possibilité de reproduire les mouvements d’un objet (faire tourner les roues de petites voitures), d’associer deux objets identiques, acquis les notions pareil/pas pareil, peut prendre puis lâcher l’objet et mettre dans un contenant. C’est le stade présentatif.Ex : S. 4 ans, qui raconte la grande difficulté dans laquelle il est, avec des gestes rares, regard traversant, des parents inquiets depuis toujours (difficultés alimentaires, sommeil). Une épilepsie partielle a été diagnostiquée à 9 mois traitée par médicament, mais pour les parents il était « mort vivant », « tout n’était pas rentré dans l’ordre ».Il déambulait, mettait un objet en plastique dur en bouche, le broyait puis recommençait.

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Lors d’une évaluation par un PEP, avec énergie la passatrice a tenté de rejoindre ce petit garçon loin de tout en commentant un livre d’images avec des animaux, elle essaie d’attirer son attention en nommant et en imitant leurs cris. L’intérêt de S. est alors manifeste, il lui jette des regards périphériques, fait le tour de la pièce, longe les murs, un objet dur dans les mains rassemblées sur sa poitrine. Elle l’invite physiquement et fermement à venir à table où le livre est posé, bien campé sur une chaise. Accroupie à côté, elle l’entoure de son bras, tenu par l’épaule rassemblé et contenu sur ses genoux, elle commente pour lui les images, il se redresse, se retourne, la regarde et elle aussi. L’atmosphère affective est positive. Mais l’interaction se rompt brusquement quand elle pointe l’image chèvre, il se retourne, le regard est perdu, il « coule » littéralement de ses genoux. Puis il part, prend l’animal en plastique chèvre, regarde l’examinatrice et le met en bouche par les cornes, il déambule et ne reviendra pas à table malgré ses efforts et sa compréhensive sollicitude. Quelques jours après, il signifie de loin qu’il reconnait A.Y. Lenfant sur le groupe d’accueil. Elle l’interpelle. Allongé au sol, il se redresse, se lève puis se rallonge, et puis se rapproche tout près de son visage. Il peut la regarder, elle lui dit «on peut se regarder ça fait peur, mais on ne va pas tomber dans les yeux». Puis il y avait sur un fauteuil une image de visage dessinée de manière pictographique : deux grands yeux noirs, deux points pour le nez et une bouche souriante. Il s’approche alors des yeux et met ses deux mains ensemble dans un mouvement symétrique de plonger dans l’ovale des yeux. Elle commente : « on peut vérifier qu’il ya un fond bien solide », tout en faisant pression sur ses épaules, du dos à l’arrière de la tête, le long de la colonne vertébrale comme sur la « tête fauteuil ». À chaque fois qu’il retrouve cette image de visage dans la salle, il regarde, fait face et sourit. A chaque fois qu’il retrouve cette représentation dans la salle il confirme l’expérience à chaque fois d’un fond solide permettant qu’on ne tombe pas. En fait il raconte la peur primitive du regard, de la rencontre émotionnelle potentiellement dangereuse, piquante (cornes de la chèvre). Mais il montre la possibilité de le rejoindre si on accepte de se confronter à ses peurs, en tentant de le rassurer. Le travail proposé est corporel pour consolider le vécu du corps solide, articulé avec un travail éducatif structuré prudent pour ne pas renforcer ses vécus persécutoires. Autre ex : M. 5 ans, qui vit un rejet de l’école car présentant des troubles du comportement majeurs, ayant un vocabulaire riche, mais langage sans affect et avec une prosodie non adaptée, sachant lire, mais se présentant de manière désarticulée, bouche ouverte, elle s’agite, a des grands yeux écarquillés, « tout coule ». Elle ne peut répondre aux demandes sociales de son entourage, elle crie, insulte malgré ses possibilités langagières qui amènent à méconnaitre la part autistique en elle ainsi que son niveau de

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vocabulaire et de compréhension corrects. Dans ses difficultés de comportement elle met en scène corporellement son incapacité à maintenir la sensation d’un état de contenance, un espace psychique où il pourrait y avoir travail de pensée avec utilisation de mots qui décriraient l’expérience. Elle a acquis beaucoup de connaissances mais qui ne sont pas reliées entre elles, il ne s’agit pas d’un savoir utilisable pour penser. Elle a développé une seconde peau (Bick), véritable carapace de connaissances capable de la garder rassemblée en l’absence de développement du Moi, a acquis beaucoup d’expériences mais pas reliées entre elles. Un travail soutenu autour de l’image du corps est nécessaire pour qu’elle puisse progresser dans les liens entre connaissances, vécus corporels et émotion. A cette étape, les soins corporo-psychiques et l’accompagnement éducatif sont prioritaires à condition que ce soit de manière ferme et bienveillante. L’enfant peut accéder aux apprentissages. Pour cela, il est nécessaire de le mettre en condition d’apprendre, en le contenant verbalement et parfois physiquement et en s’appuyant sur des outils communicationnels et pédagogiques adaptés. La structuration de l’espace et du temps est particulièrement pertinente.La poursuite de la dynamique évolutive installe la phase symbiotique avec la construction de l’image du corps autour de l’articulation de l’axe vertical. La problématique des deux moitiés du corps s’interroge ici dans deux dimensions : la dissociation et l’unification. On observe que l’enfant cherche à faire faire quelque chose à l’autre avec son bras, ou ne mobilise spontanément qu’un hémicorps. Il montre la jonction non suffisamment construite entre les deux parties du corps. Le regard est marqué par la possibilité de l’expérience de l’interpénétration dans le regard de l’autre, on peut parler de début de représentation mentale, celle- ci est perceptuelle (c'est-à-dire qu’une chose est une chose dans un contexte particulier, sans possibilité de lien, sans pouvoir généraliser). L’apprentissage est contextué, le signifié peut être mis en lien avec le signifiant, photos images, mots écrits. L’enfant a désormais acquis la notion de pareil/pas pareil, il peut traverser l’axe médian par le regard, le geste, il peut associer une image et un objet, réussir un puzzle en se servant des contours pas encore de l’image représentée, il peut transvaser, empiler, enfiler des perles, commencer à encastrer, écrire.Ex : à l’école ordinaire primaire en situation d’évaluation un enfant se désorganise corporellement. Son regard quitte le matériel et s’accroche à l’axe vertical de l’angle de l’armoire, dans une enveloppe sonore, monocorde, retire ses lunettes, se frotte les yeux et fait la démonstration d’un corps insuffisamment rassemblé et sécure, assis côté gauche seulement une fesse sur la chaise, la jambe droite dans le vide, comme si l’hémicorps gauche n’existait pas. On peut comprendre ces indices corporels et comportementaux comme reflets de sa déstabilisation dans

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des situations difficiles pour lui, il a recours à des positions plus archaïques de fonctionnement. Il montre la fragilité de sa construction corporo-psychique. Il est alors important de le réinstaller physiquement à table : appui dos sur la chaise, pieds au sol, l’invitant à utiliser ses deux mains, en plus de commentaires sur sa difficulté à se sentir solide. Rassuré il peut alors se recentrer sur le travail demandé. A cette étape évolutive la construction du projet pédagogique concerne les apprentissages scolaires plus ordinaires. Néanmoins l’articulation avec des soins corporo-psychiques, de la communication, une approche éducative et du scolaire sont indispensables et intriqués pour la compréhension globale du fonctionnement psychique et cognitif de l’enfant.La prochaine étape est la construction de la charnière horizontale avec l’investissement de la zone anale, la problématique de la jonction haut/bas, là encore le corps en deux dimensions : dissociation et investissement de la moitié inférieure du corps. Les progrès réalisés permettent de vivre des moments relationnels en mutualité, montre intérêt pour le dessus ou le dessous des contenants, il explore l’espace tridimensionnel des objets. On observe des progrès dans tous les domaines : en coordination oculo-manuelle, imitation, perception, permanence de l’objet, représentation mentale effective, on peut faire référence à un signifiant pour plusieurs signifiés. Concernant les apprentissages il est capable de catégoriser, c'est-à-dire de trouver lui-même un critère de classement. Ses capacités à acquérir des connaissances sont franches et plus diversifiées. Cependant l’enfant ou le jeune traite l’information de manière particulière et montre des difficultés de sélection et de hiérarchisation des informations pertinentes. A une vue de détails mais pas d’ensemble, difficulté de planification. Une évaluation plus précise du fonctionnement cognitif montre qu’ils ont le raisonnement logique mais une difficulté à accéder au concept d’abstraction. Même s’il ya reprise développementale, il faut garder en tête que les apprentissages scolaires se font de manière particulière. Leur représentation mentale est visuelle, leur façon de penser concrète. Les autistes sont des apprenants concrets. Les apprentissages se font sur un mode perceptuel et non conceptuel. A ce stade, ils racontent corporellement et parfois dans des témoignages, la difficulté à traiter les informations dans les interactions tant chez eux que chez les autres. Les soins doivent être apportés pour faire liens entre les connaissances, les ressentis corporels et les émotions.Ex : G. jeune de 18 ans en Terminale ES, lors d’une évaluation en psychomotricité, montre comment il a un corps non relié entre les hémicorps et le haut et le bas. Très raide dans sa démarche, en hypertonie postérieure en permanence, il est invité à se déchausser et à s’assoir sur les tapis de sol. Il se plie littéralement, les genoux raides, dénoue le lacet droit avec sa main droite et se relève, se plie à nouveau

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pour ensuite défaire le lacet gauche avec la main gauche. Puis il se relève à nouveau et se laisse tomber de sa hauteur en arrière pour se rassoir : seule la charnière horizontale peut se plier. Par ailleurs, il a compris les règles de conversation et plus globalement de la communication, il répond aux questions, a un discours souvent informatif et intellectualisé. Il dit de lui-même que « ce n’est pas facile de regarder », qu’il ne peut le faire que quelques secondes. Sur le plan cognitif il précise « apprendre ça va mais restituer c’est plus dur », le lien social est difficile, ainsi que la compréhension des émotions et l’accès à ses propres ressentis. En lui donnant des outils pour décrypter comme des photos de visages, il peut repérer les émotions sur image, mais il lui est difficile de regarder sur un visage en situation. Il dit d’un ton desaffectisé « on peut être content pour un mariage ou un voyage », « être triste je ne sais pas me l’imaginer ». En classe, une AVS formée est donc nécessaire pour le soutenir, lui apporter la sécurité nécessaire pour éviter l’anxiété et des outils de compensation pour le rendre plus autonome. Pour autant les soins corporo-psychiques restent indispensables, ses progrès lui permettent de revisiter de manière plus élaborée sa construction psychique en racontant avec des mots ou des figurines les éprouvés corporels émotionnels. Pour décoder les situations sociales et émotionnelles un travail sur les interactions sociales peut être proposé par exemple à partir de scenarii sociaux.

Conclusion : Ce sont des accompagnements à long terme, le temps nécessaire. Cette démarche s’inscrit dans la recherche d’outils pour lutter contre les processus entravant la croissance psychique (déficience profonde, processus autistisants et aussi ceux intrapsychiques dus à la souffrance de l’enfant et de sa famille). Le quotidien est compliqué, rien n’est simple, rien ne va de soi. Ces tableaux cliniques illustrent les particularités de comportements dont l’intensité de l’envahissement varie d’un enfant à l’autre, mais ne donnent pas des indications sur la manière de procéder avec ces enfants loin d’être ordinaires. De la compréhension de leur fonctionnement va découler un certain nombre de positionnements éducatifs. (Tustin) Un cadre consistant doit être proposé, important autour de tous les enfants qui ont besoin de se sentir entourés, protégés dans des soins disciplinés et disciplinants. Les parents, les éducateurs et les thérapeutes créent une présence dans une atmosphère de confiance, de chaleur et d’encouragement. Le projet d’accompagnement proposé doit être un ensemble de moyens concertés, la somme de travaux conjugués pour soutenir la reprise développementale. Les outils de compréhension et

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de travail d’orientations apparemment différentes ne s’opposent pas mais se complètent puisque l’enfant observé est le même. Une base commune qui est l’observation la plus précise possible du comportement afin de rassembler les indices utiles à la mise en place de propositions pertinentes.Cette démarche transdisciplinaire se veut être une ouverture dans la compréhension de chaque autiste, dans sa singularité, dans sa construction de l’image du corps en lien avec le développement de ses fonctions cognitives. La proposition est de mettre en perspective ce que l’enfant donne à voir et à vivre et donc de mieux se situer dans la relation et dans l’ajustement du dispositif nécessaire à l’évolution de ses progrès.

Commentaires Bruno GepnerLaurence CARPENTIER

Bruno GEPNER insiste sur l’utilité thérapeutique du ralentissement des signaux visuo-auditifs pour faciliter la compréhension des enfants autistes submergés par leurs flux sensoriels.Il montrera plusieurs films validant ses dires et l’indéniable augmentation de la compréhension verbale de l’enfant lorsque l’interlocuteur ralentit de façon très sensible son débit.

Bruno Gepner revient sur d’autres points :- L’entrée dans l’autisme : Naît-on autiste ou le devient-on ? Les films

familiaux ne permettent pas de trancher. Certains montrent des signes dans la seconde année de vie.

- Le sensoriel fait son entrée dans la nosographie DSM. Les débordements sensoriels expliquent en partie les débordements émotionnels dont l’enfant se défend par une recherche de retrait. Il y a une équivalence neuropsychique entre les excès sensoriels et les mécanismes psychiques d’évitement des informations perçues par les sens.

- Importance du psychomoteur : 85 % des TSA ont des troubles moteurs, soit neuromoteurs type Parkinson, soit psychomoteurs, troubles qui se majorent lors des débordements émotionnels.

Nous pouvons associer à ce registre, les difficultés d’ajustement tonico-posturaux, les retards moteurs si fréquents. Pour Bruno Gepner, ces difficultés sont entre le neuronal et l’inconscient. Le corps, l’espace sensori-moteur, l’espace temps, sont à l’entrecroisement des disciplines.

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Chaque discipline apporte un regard différent et complémentaire : Meltzer va évoquer un défaut de mantèlement, Golse un défaut de comodalisation, les neuro-cognitivistes un défaut de cohérence centrale (défaut de cohérence des différents éléments dans un tout), les neurosciences d’un désordre de connectivité et de cohérence neuronale, avec au niveau biologique un défaut de synaptogénèse.Cette complémentarité est une nécessité dans l’autisme.

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« AUTISME (S) ET PSYCHANALYSE (S)Évolution des pratiques, recherches et articulations »

LA RECHERCHE SUR LE PACKING : QUEL AVENIR EN ATTENDRE ?P.Delion

Prise de notes : Vanessa LANDREAU

IntroductionLe packing est un aménagement du cadre psychothérapeutique auprès d’un enfant ; c’est une manière d’enter en contact avec un enfant autiste.L’interdiction par l’HAS de cette pratique (hors cadre du PHRC) nous a empêchés de penser.

Le packingC’est une technique ancienne utilisée par aliénistes puis abandonnée. Elle a été reprise aux Etats-Unis puis en France dans els années 60 à paris dans le 13°. P.Delion a commencé à l’utiliser dans les années 80 devant des enfants présentant des automutilations graves ; l’objectif est de récupérer les premières enveloppes. Utilisé aussi dans certains cas d’anorexie grave. Il est nécessaire d’obtenir l’accord des parents après une information loyale.

Il s’agit d’un enveloppement serré par un linge essoré puis d’un réchauffement. (Il ne souhaite pas évoquer le froid pour éviter la polémique - question posée lors de la discussion). Les soignants accompagnent l’enfant tout au long de la séance, pour le désenveloppement et le rhabillage aussi. Les soignants écrivent des comptes-rendus des séances qui sont régulièrement reprises selon la méthode Balint. La fréquence des séances peut aller de une par semaine à une par jour.

Les indications se font selon l’évolution du soin global. Ces séances ne sont pas détachées de la prise en charge et s’intègre dans la psychothérapie institutionnelle. Le packing peut aider à passer des caps difficiles.

RechercheP.Delion, depuis la création des PHRC dans les années 90 montent des projets successifs pour aboutir au PHRC national à Lille en 2009 (2009-2012). Le projet a obtenu la garantie éthique (Comité des personnes…., Haut Comité d’Éthique ?). Depuis 2009, il y a une dégradation du climat dans le milieu pédopsychiatrique et la parution des recommandations HAS. Le laboratoire de la rispéridone (pour le bras comparatif) s’est désengagé et le PHRC a dû être aménagé. Climat difficile aussi avec le fait que les parents doivent donner leur accord pour un soin interdit

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par l’HAS sauf dans le cadre du PHRC. Que faire avec les enfants et les parents devant un soin qui est bénéfique mais interdit ?Actuellement, des enfants de la France entière sont inscrits dans le cadre du PHRC.

Inclusion au hasard dans deux groupes : enveloppement sec et packing. 2 séances/semaine. Évaluation avant le début des séances, 1/mois puis à la fin des séances.

PROTOCOLE

Objectif principal : mesurer l’efficacité à 3 mois des techniques de packing versus l’enveloppement sec chez des enfants atteints de TED avec troubles graves du comportement.

Inclusion : - enfants de plus de 3 ans- ayant bénéficié d’un diagnostic à l’ADI d’autisme, d’Asperger ou de

TED-NS- ayant des troubles graves du comportement : auto/ hétéro agressifs,

stéréotypies envahissantes et graves, auto-stimulations- ayant bénéficiés d’une consultation neuropédiatrique- pour les enfants épileptiques, le traitement antiépileptique doit être

stable depuis un mois- consentement éclairé des parents.

Non-inclusion : syndrome de Rett, trouble désintégratif, antécédent de syndrome mali des neuroleptiques, absence d’accord des parents.

Critères de jugement : - diminution de l’intensité des troubles du comportement jugée à une

diminution significative du sous-score « irritabilité » de la gille ABC après 3 mois de séances

- impression clinique globale d’amélioration- diminution des symptômes à la CARS- diminution à l’échelle d’automutilation de D.Cohen- amélioration de la qualité de vie (évaluée avec les parents)- amélioration de la relation à autrui, du contact interpersonnel.

Ce qui a changé depuis le début du PHRC :- changement de l’AMM de la rispéridone- diminution du critère d’âge de 5 à 3 ans (enfants de 4 ans ^pouvant

souffrir de troubles graves du comportement) - diminution de la durée d’étude ( ?)

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Aujourd’hui, 27 enfants sont inclus (20 ont fini, 7 sont en cours de soin) et 8 enfants sont en cours d’inclusion ; soit u total de 35 enfants. Il en faudrait 50 (20 dans chaque groupe) pour que l’étude soit valide sur le plan statistique. PHRC prolongé jusqu’à fin 2013 sans crédit supplémentaire.

Pré-Résultats (à ne pas publier)Amélioration significative du score d’irritabilité sans distinction pour le moment entre l’enveloppement sec et le packing. Quand l’enfant n’a pas bénéficié auparavant de packing, l’enveloppement sec est efficace. S’il a déjà bénéficié de packing, l’enveloppement sec ne donne pas cette même efficacité. Pré-résultats en faveur d’une efficacité plus grande du réchauffement (objectif de la recherche ?)Les autres symptômes sont également améliorés.

Question : après les 3 mois de séances quand le soin a été bénéfique : le continuer (hors PHRC).

QUEL DEVENIR EN ATTENDRE ?

1) si les résultats sont négatifs : cette pratique sera remise en cause ; certains pourront continuer le packing.

2) les résultats sont peu significatifs : il faudra entamer une nouvelle recherche en modifiant le setting, le faire à plus grande échelle avec une évaluation avant et après un nombre suffisant de séances.

3) résultats (très) significatifs : les résultats seront non contestables et la technique sera validée. Pour être validée selon les critères EBM, il est nécessaire que les résultats soient reproductibles il faudra d’autres études dans le monde. Cette technique pourra être appliquée et des nouvelles recherches pourront portées sur l’image du corps, les effets inestimables sur la constellation transférentielle.

Il faudra demander en urgence une réunion à l4HAS pour demander des excuses pourra voir publié des recommandations illégitimes ; excuses aux pédopsychiatres et aux parents non consultés jusqu’alors.

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Des barrières autistiques aux limites.Les investigations projectives et cognitives, des éclairages

pluriels sur les états autistiques et leur destin. Hélène Suarel-Labat

Prise de notes : Marie-Hélène SYLVAIN-SERRE

Exposé sur la recherche d’Hélène Suarez-Labat dédié à Rosine Debray qui tenait beaucoup à la complémentarité des épreuves cognitives et projectives offrant une lecture plurielle des processus de symbolisation et leurs entraves. Elle révèle la nature des soubassements corporels, somatiques et donc pulsionnels des processus de pensée.Le but de l’examen psychologique est l’analyse dynamique du fonctionnement psychique de l’enfant qui se traduit par ses potentialités cognitives, ses aménagements défensifs et en ce qui concerne l’enfant autiste, les modalités de la non-intégration de l’image du corps, de son Moi corporel qui vectorise l’ancrage des mouvements pulsionnels et sensoriels et aussi les affects et les représentations car l’autisme en a quand même !

Deux questions :- Qu’apportent ces épreuves pour une meilleure connaissance de

l’effet des traitements.- Quelles traces singulières laissent les barrières autistiques dans le

dégagement de cet état.

La recherche est menée sous la direction de Golse et Chabert et interroge la construction des modalités des processus de changement à partir des effets de l’intégration du regard par rapport à la construction des espaces psychiques chez l’enfant autiste. Recherche soutenue il y a un an et ½ à l’Université Paris-Descartes. Cela a révélé un moment transférentiel particulier de la cure.

2 groupes : o Un premier groupe de 8 enfants.o Un deuxième groupe de 9 enfants dont Hélène Suaret Labat

parlera aujourd’hui, pour lesquels elle a pratiqué la méthode test et retest.

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Tous ont bénéficié de traitements psychothérapeutiques et complémentaires (orthophonie, psychomotricité, ABA, Montessori etc.).

Un point à approfondir : la spécificité du traitement psychanalytique en ce qui concerne les processus de synthèse du Moi.Les enfants sont suivis à l’Institut Claparède. Le recueil des données s’est étalé sur 15 ans.Les traitements débutent entre 3 et 4 ans. Le bilan requiert 4 à 6 rencontres. Il peut s’étendre sur 1 à 2 mois. La fréquence des rencontres est importante à observer et permet de restituer différentes facettes de son fonctionnement psychique.Il y a une restitution conjointe avec le médecin consultant ce qui permet une mise en historisation des processus de changements et des mouvements négatifs « une histoire que l’enfant pourra lire plus tard ».

L’observation des processus de changement s’étaie sur 3 hypothèses :

► L’état autistique est un état corporel et psychique soumis à la non-différenciation des espaces du fait de la non-intégration des auto-érotismes qui contribue à la formation du moi corporel. Retrait de l’enfant dans l’auto- sensualité face à toute mise en relation.

►Double ancrage corporel et psychique qui permet au Moi corporel de construire des espaces différenciés, d’accéder à l’intégration des pôles actifs et passifs, régulateur des mouvements pulsionnels et constructeurs de limites. Il est à la base du dégagement de l’état autistique.

4 indicateurs sont distingués, dégagés dans les processus de changement.

- Investissement du regard de l’autre, source d’intégration du mouvement de projection, introjection, créateur de partage des affects et de limites. Il permet l’accès aux symbolisations primaires et ouvre la voie aux symbolisations secondaires.

- Le déploiement d’un espace intermédiaire où le tiers peut être figuré. Il existe d’emblée même pour les autistes et leur famille. Cela constitue l’espace du milieu. Il construit un pont entre 2 objets, établissant ainsi une distance à l’objet augurant de partages d’affects et de la requalification des liens entre sensations et affects.

- Le fantasme originaire de scène primitive, là pour tous, mais non organisateur ou désorganisateur et qui devient organisateur de

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l’espace psychique et contribue à la formation de la bisexualité psychique.

- La dépression primaire (travaux de J Gamill). Les mouvements dépressifs insidieux (Meltzer) sont utilisés contre la construction de l’espace et l’intégration du tiers (à approfondir).

Ces mouvements se transforment dans le dégagement de l’état autistique.

►Dans la 3ème hypothèse : le post autisme s’entend comme l’accès à un projet identificatoire « devenir quelqu’un », « un petit sujet », voie productrice de limites.

- Le démantèlement des sensorialités, les clivages du Moi persistent et coexistent avec des mécanismes de défense plus secondarisés. Les mécanismes de protection coexistent avec les plus élaborés en référence avec un Moi corporel intégré.

- Les traces résurgentes des barrières autistiques sont des moments féconds der remise au travail. Ex : les stéréotypies : rejoindre les enfants dans les stéréotypies, les accompagner pour une transformation de cette excitation vers l’affect et la requalification des représentations de l’espace.

- Le surgissement d’un investissement de l’attracteur oedipien, prélude à l’organisation oedipienne masque bien souvent l’intense dysharmonie qui règne dans le dégagement de l’état autistique.

Pour opérationnaliser ces hypothèses : regroupement en différents temps d’évolution, temps qui permettent de donner des repères aux paliers d’évolution ou de régression.

Temps 1 : La construction du cadre – diagnostic – début du traitement.

Temps 2 :Construction des espaces vers un entre-deux, tournant où les barrières autistiques sont moins actives.

Temps 3 :Identification, décorporation, symbolisation. Met à l’épreuve l’économie du sujet. Temps sensible pour toute la famille. Une transformation profonde s’établit. L’enfant commence à se séparer du corps maternel, de la famille. Il commence à penser seul.

Temps 4 :

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Projet identificatoire.Se déploient des éléments de la position dépressive. Accès plus prononcé aux constructions symbolisantes, source de subjectivation, à certaines stabilisations des processus de pensée.

LE BILAN : Les épreuves cognitives utilisées sont les échelles de Weschler (WISC IV), figure de Rey etc.Les épreuves projectives sont : Rorschach, CAT, TAT, scénotest qui évalue la construction des processus de jeu.Hélène Suarel-Labat illustre la 3ème hypothèse (traces autistiques et post-autistiques).Définition de Meltzer : la personnalité autistique est celle qui existe en dehors de l’état autistique proprement dit et qui comprend les séquelles de l’autisme infantile précoce.

VIGNETTE CLINIQUE : Emmanuel 12 ans

Sélection de l’épreuve des similitudes pour ce qu’elle peut révéler de l’ancrage corporel et psychique, car pour pouvoir accéder aux similitudes entre 2 objets, il faut pouvoir séparer ces 2 objets et voir l’élément commun.La passation est adaptée pour relancer l’enfant.

Epreuve de similitude (vidéo) :Exemples :Question : « le rouge et le bleu, qu’est ce qui fait que c’est un peu pareil ? ». « ça fait partie de quelle famille ? » (famille des couleurs).Question : « un crayon et un stylo, ça sert à quoi ? » « qu’est-ce qu’on fait avec ? », « tous les deux, ça sert à faire quelque chose » etc.Hélène Suarel-Labat ne s’en tient pas aux consignes strictes. Elle théâtralise verbalement et avec le mouvement. Si on s’en tenait à c’est différent ou c’est pas, on aurait des enfants déficients dit-elle.On voit sur la vidéo, à un moment, le tonus d’Emmanuel filer. Hélène Suarez-Labat se rend compte qu’elle le tient beaucoup par le regard, qu’il y est très attentif et que ça finit par relancer le mouvement « l’attache intérieur ».Au final, les enfants accèdent aux similitudes.

Les épreuves projectives :Ce sont des espaces intermédiaires qui suscitent des mises en scènes de symbolisations primaires (Roussillon).

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Le Rorschach investigue l’image du corps, les processus intégration-projection.Le but des épreuves projectives est aussi d’apprécier le potentiel de changement (Chabert).

VIGNETTE CLINIQUE : Pablo, rencontré 4 fois.

1ère fois (5 ans) : Planche 1 (du Rorschach) « c’est quoi ? »

2ème fois (10 ans) : Il a bénéficié de 3 séances hebdomadaires de psychothérapie, de psychopédagogie. Il est en CLISS avec AVS.

Planche 1 : « c’est une chauve-souris, elle va te mordre ».Il se lève, va au tableau et écrit la lettre M qui repend l’engramme de la forme proposée. Il dit « tu as reconnu la lettre M ? »Ainsi, il va et vient de l’espace de la table à celui du tableau.

3ème fois (12 ans) :Planche 1 : il chante l’air de la chauve-souris.

« une chauve-souris, trou trou… » et demande à aller aux WC. Il doit se séparer de ses substances par une porte de son corps. Sorte d’équation symbolique.A l’enquête, il demande à faire ses lacets. A cette période, il était très intéressé par ce qui était de l’ordre de l’attaché. Il retrouve ainsi de façon concrète, ce sentiment de l’attaché.

4ème fois (presque 14 ans) :Planche 1 : un « homme » apparaît. « Cet homme touche les mains

dans la glace ».Bâillements importants qui montrent un fléchissement du tonus.La dimension du reflet advient de façon plus tardive que pour les enfants tout-venant.Elle montre que l’intégration du miroir devient plus efficiente et les mouvement de projection introjection se déploient.

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Planche 2 : Au temps 1 : Pablo tape sur le blanc central.

Au temps 2 : Stéréotypies des mains et des yeux. Il voit une chauve-souris. Son excitation est très importante. Il va de l’espace Rorschach au tableau.

Au temps 3 : Il voit une autre chauve-souris mais elle est habitée autrement.Il voit aussi « des bonshommes ». « ils font tope-là avec les mains ». Il montre le mouvement et demande à Hélène Suarel-Labat de faire tope-là avec lui.

Au temps 4 : « une autruche dans la glace ». Il voit donc le reflet et raconte comment elle fait avec son regard qui tombe et remonte.La dimension du féminin apparaît.

Planche 3 :Au temps 1 : Il entrevoit le papillon du détail central et chante « sur le pont d’Avignon », ce qui raconte aussi la bilatéralité de la planche sur un mode écholalique.C’est des « bonshommes, mais qu’est-ce qu’ils font, qu’est-ce qu’ils font… ». ça revient en boucle, il s’effondre physiquement et gratte le mur.Espace et formes sont donc perçus mais le mouvement kinesthésique set désintégrateur. Il est désorganisateur du tonus.

Au temps 2 : Pablo prend la planche d’une main à l’autre. La bilatéralité est signifiée avec le geste.« des petits canards ». Il se lève et va souligner la date qu’il a inscrite au tableau, comme stabilisant ainsi le mouvement potentiellement désintégrateur ;Agitation importante mais qui n’amène pas l’effondrement. Il revient vers la planche et peut alors voir le papillon.Beaucoup d’enfants demandent à faire le portrait de Hélène Suarel-Labat. On voit que le regard est prégnant, les éléments du visage bien dessinés : le regard, l’entre-deux du nez et la présence prononcée des sourcils.

Au temps 3 :« c’est ensemble les bonhommes » Cf. les attachés de la planche 1.Jeu entre Hélène Suarez-Labat et lui et non plus entre tableau et table. Un espace entre eux deux commence à se développer.

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« des garçons qui font des nœuds rouges », il montre les siens.

Au temps 4 :Stéréotypies des mains et des bras qui n’ont pas le même sens.« un petit homme qui touche un homme noir dans la glace »Dimension dépressive.Il se touche les cheveux et il est prêt à toucher les cheveux d’Hélène Suarez-Labat mais il se retient. La limite est en train de se construire. Le contrôle du mouvement pulsionnel est efficient.Il dit : « c’est son reflet ». Le reflet a une dimension importante. La construction de l’ancrage corporel et psychique de l’image du corps s’est structurée narcissiquement et permet l’avènement du renvoi de la projection. Une boucle de retour est possible (Haag).Quelqu’un est perçu dans le miroir : un homme noir.Cela rend compte de l’évolution de Pablo.

Des constellations oedipiennes qui existent même pour des enfants, se dégagent de l’état autistique. Peuvent-elles prendre forme vers des triangulations ?Que deviendra l’homme noir ?

En conclusion :Observer, analyser, chercher la façon dont les fils extérieurs se tissent ou pas, dans l’autisme, a fait l’objet d’une partie du travail d’Hélène Suarel-Labat. Les résultats plaident pour la prise en compte de la complémentarité des épreuves. Les vignettes cliniques en attestent.Elle est incontournable face à la pathologie autistique dont la lente émergence peut faire douter parfois du bien fondé de la prise en charge.

Rejoindre l’enfant dans les expressions de barrières qui sont bien souvent des manifestations corporelles comme les stéréotypies produit du « ensemble » de l’assemblage pulsionnel là où l’isolement et les dérives sensorielles sont de mise.L’investigation de la construction des limites signifie réunir 2 mêmes constantes (André Green) (celle de la stabilité, celle de la différenciation) qui amène à continuer la recherche dans le champ du Moi corporel que livre le bilan psychologique.Alors quel avenir pour le bilan psychologique, qu’est-ce que ça va apporter de plus ?Le dégagement de différents groupes d’autisme.La différenciation par rapport aux autres mécanismes de la psychose infantile.

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La construction de repérages plus fins par rapport à l’accès aux processus de jeu et l’accès aux processus de pensée qui ont à voir avec les capacités d’apprentissage.La comparaison avec des groupes d’enfants qui ne peuvent pour différentes raisons, bénéficier de psychothérapies et montrer le poids de celles-ci.Un éclairage à propos de la dysharmonie dans le post-autisme et on a beaucoup à faire de ce côté-là.

Hélène Suarez-Labat a travaillé avec la grille de Haag qui sera à développer et à approfondir pour des enfants plus âgés.

Retrouvons Pablo à la planche 16 du TAT.« Voici la planche, il n’y a plus de jeu. On voit une, nouvelle planche. Mais la planche ne bascule pas. Mais aujourd’hui, je t’aime bien. Bientôt, voici un coup de main. Tu as très bien fait merci Suarez-Labat – un petit coup de main. Mais la planche ne bascule pas ».

N’oublions jamais : quelles sont les traces des barrières autistiques du monde d’hier, quand on devient un petit sujet.

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Prises en charge par la psychanalyste, des bébés à clignotants autisme et de leurs parents

Intervention de Marie-Christine Laznik

Prise de notes : Sylvie GRIMAL

Pour M.C Laznik, les enfants autistes souffriraient d’une hyperdiscrimination affective qui les déborde. Ceux-ci doivent faire face à un déluge d’informations qu’ils ne peuvent plus trier.

Elle nous livre l’hypothèse d’une étude d’Adam Smith portant sur l’autisme.

Adam Smith fait l’hypothèse qu’il y a 2 formes d’empathies qui doivent s’articuler et s’équilibrer pour pouvoir faire face aux informations sensorielles et les trier :- L’empathie cognitive qui est la recognition de l’état psychique de

l’autre.- L’empathie émotionnelle qui est la recognition de l’état émotionnel

de l’autre.

Pour Adam Smith, ces deux empathies n’arrivent pas à s’articuler chez l’enfant autiste ; il parle alors de déséquilibre empathique : les affects envahissent l’enfant et il ne sait plus s’ils proviennent de lui ou de l’autre (invasion affective).Un excès d’empathie émotionnelle (sans la contrepartie de l’empathie cognitive) est pour lui, plus handicapante qu’une absence d’empathie, car la relation à l’autre est alors insupportable, non décodable, envahissante. L’empathie cognitive se construit dans la relation à l’autre si celle-ci est supportable.

D’autre part, M.C Laznik nous dit que la plupart des mouvements mimiques faciaux sont imperceptibles pour nous, alors qu’ils ne le seraient pas pour les autistes.

Chez les bébés autistes, cette hyperdiscrimination leur permettrait de percevoir des mouvements de détresse maternelle qui peuvent être non-conscients chez celle-ci et non perçus par l’entourage.

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Le bébé peut alors être soumis à des variations d’affects qu’il ne peut pas partager avec sa mère. Il n’est plus en lien possible, en proie au déséquilibre empathique sus-cité.

Le processus de la cure psychanalytique dans l’autismeDidier Houzel

Notes prises par Virginie BORLANT

Il commence en disant qu’on vit un tournant dans l’intelligence de l’autisme et de son traitement.

Les aspects prévalents du transfert :La tendance des personnes autistes à investir le cadre concret plus que la personne.A charge pour le thérapeute de faire évoluer cet investissement vers une fonction contenante liée à la présence vivante du thérapeute. Frances Tustin a souligné l’importance d’une certaine permanence ainsi que des accentuations techniques spécifiques qui s’imposent dans le traitement des personnes autistes.Didier Houzel choisit ici le vertex de l’analyste (plutôt que celui de l’enfant dans ses efforts de développement).

Le vécu de l’analyste. En alliance avec les parents, il va parler de la cure d’un enfant diagnostiqué autisme de Kanner qui se présente avec un tableau initial d’indifférence, mutique, envahi de stéréotypies motrices, pas de jeu. Houzel se sent inexistant en temps que personne, il a l’impression qu’il ne compte pas plus que le meuble.Son attention est sans faille. Il repère de brefs coups d’œil malgré tout. L’enfant est sensible à l’attention qu’il lui porte. Il cite Anne Alvarez qui décrit en situation similaire, l’impression d’être comme hypnotisée. Puis elle remarque qu’un regard porté dans une autre direction provoquera un changement : la circulation circulaire de l’enfant devient alors une circulation elliptique. C’est à ces petits indices qu’on voit que l’enfant n’est pas totalement absent malgré les apparences. Il faut utiliser la confusion inanimé/animé. L’enfant teste la confiance, teste la fonction contenante.

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Didier Houzel préconise 3 à 4 séances par semaine de 30 à 45 minutes. Il dit que lui offrir seulement une séance par semaine, c’est lui faire revivre un désespoir d’ouverture trop petite.Il souligne l’importance de mettre les séances à la même heure, pour que la séance soit aussi prévisible que possible.

Les qualités requises du côté thérapeute sont la capacité à se fondre dans l’environnement, un effort psychique qui requiert de régresser jusqu’à l’état de mère/environnement (selon Winnicott). Cela suppose d’être mû d’une confiance dans la potentialité de l’enfant à investir la relation humaine.Selon Frances Tustin, être un objet qui écoute et qui parle, aide le patient à se mettre à parler. Le thérapeute est l’objet d’un investissement massif sur un mode très physique, concret, sur le mode de la relation primaire ou prénatale.

Il va évoquer une vignette clinique d’un enfant de 3 ans qui commencera son début de thérapie par un jeu de dispersion d’objets, un souci de rassembler, contrôler les contenants. Et en manipulant une boîte de pâte à modeler, il dira « couvercle » qui sera le premier mot prononcé dans sa thérapie.Deux mois après, Houzel remarque un intérêt pour l’eau qui se manifeste, commentée ainsi par l’enfant « chaud » que le thérapeute interprète comme s’il faisait chaud quand on se retrouve tous les deux, ce qu’il dit à l’enfant.Huit mois après le début de cette cure, l’enfant vient mettre sa tête contre le ventre du thérapeute. Le thérapeute lui interprète que c’est comme s’il voulait rentrer dans le ventre, comme s’il voulait être un bébé dans le ventre de maman. Puis il viendra sur les genoux du thérapeute, manquant de tomber de ses genoux. Le thérapeute interprète alors un fantasme de naissance. Il sent que l’enfant s’installe, qu’il cherche un appui solide, puis il vide le contenu des boîtes de pâte à modeler. Houzel interprète que l’enfant a peut-être l’impression qu’il a rendu le thérapeute tout vide, comme les boîtes. Il a voulu ensuite sortir du bureau. Le thérapeute imagine que l’enfant le ressentait comme vidé et donc dangereux. Il s’agit d’interpréter en termes émotionnels.

Il faut pouvoir réguler son tonus musculaire sous influence de variations :- Des états de vigilance- Des flux sensoriels- Des interactions entourage.

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Il s’agit de se fondre dans l’environnement non pour s’y perdre mais pour restituer à l’enfant cette expérience. Ainsi des coups sur le plancher, des coups portés au mur par l’enfant, peuvent être compris comme des mises à l’épreuve de la consistance de la solidité du thérapeute. Geneviève Haag évoque les signifiants architecturaux qui sont des expressions concrètes de ce qui prend sens dans une relation inter-subjective. La vulnérabilité aux aléas de la relation sous-tendue par des fantasmes destructeurs comme par exemple, des fantasmes de pénétration, des fantasmes de captation de la force supposée du thérapeute. Ces aspects-là sont source d’évitement et non d’indifférence de la part de l’enfant.Il faut côté thérapeute pouvoir supporter l’intensité extrême de rapproché et de coupures profondes pour permettre l’acquisition d’une confiance petit à petit pour permettre la construction de la prévisibilité de la relation. L’intérêt de l’enfant pour l’intérieur de la mère est lié à la quête de contenant, ainsi l’enfant pourra évoquer la suspicion de rivaux, comme des bébés imaginaires dans le ventre thérapeute.

Le fantasme du nid au bébé traverse 2 phases successives :- Réanimation de sa vie psychique,- Conscience d’avoir une vie psychique propre et d’avoir une

existence séparée.

Premier fantasme de rivalité, Frances Tustin :Il y a des bébés spéciaux qui reçoivent une nourriture spéciale : les enfants situés dans l’esprit du thérapeute ressentis comme destinataires. Compétition avec des rivaux prédateurs qui veulent lui arracher le mamelon et sa source de nourriture. Sensibilité à tout changement de cadre (horaires, absences, retards). Il faut maintenir le même degré d’attention. Les interruptions sont inévitables. Il faut en interpréter les effets dans les séances. Le père est ressenti comme le plus gros des bébés au nid et comme le plus redoutable selon l’expérience de Didier Houzel, quand ces fantasmes apparaissent. Un objet maternant. Il identifie la qualité de contenance comme étant maternelle et la qualité de consistance de solidité comme renvoyant plutôt à la qualité paternelle du thérapeute. L’enfant teste pour voir s’il peut résister à la violence de ses fantasmes destructeurs avant de pouvoir accéder à l’identification paternelle de la mère. Rester en contact avec le thérapeute a pour mission de pré-intégrer cette bisexualité psychique chaque fois qu’elle tend à se cliver. Il faut avoir en tête qu’est constamment à l’œuvre, la fonction contenante de Bion qui se pose en équilibre entre qualité maternelle et paternelle du thérapeute. Des fantasmes d’engloutissement dans du maternel pur peuvent apparaître car c’est la composante paternelle qui à ce moment-là est évacuée. Houzel par exemple, vit le crayon jeté sous la

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porte par son petit patient disant en même temps « papa », comme des aspects papa trop dur qu’il voulait chasser dehors pour s’en débarrasser. Houzel parle de l’impression d’être devenu mauvais après l’interruption des vacances alors que le chaud déjà évoqué, associé à la syllabe [zel] par l’enfant pouvait s’entendre comme le fantasme de prendre et emporter le bon chaud comme le bon lait de maman, que représentait le thérapeute à ce moment-là.

Une autre frayeur est apparue avec son petit patient : celle d’être englouti par un excès de maternage indiquant la violence de son désir pour son objet maternel en même temps. L’enfant voulut ouvrir la fenêtre pour faire sécher la pièce, montrant sa peur de s’écouler avec l’eau qui était alors présente. Il avait besoin de se rassurer contre le corps du thérapeute pour être sûr que le thérapeute et lui n’allaient pas s’écouler avec l’eau et disparaître.

Deux particularités techniques : il ne faut pas hésiter à participer à la situation émotionnelle. Geneviève Haag évoque que la relation thérapeutique doit être certes retenue, mais vivante. Elle parle de mimo-drame alliant émotions et imitation. Il faut réclamer la présence de l’enfant quand il se met en retrait. Il faut lui réclamer un effort de pensée.Des années plus tard, après un arrêt de 3 semaines pour les vacances de Noël, l’enfant lui ferme la porte au nez. Il prenait aussi sa place à Didier Houzel après chaque vacances. Houzel lui interprétait que c’est comme s’il n’avait pas eu assez de place à cause des vacances alors il lui « piquait » maintenant sa place, puis un jeu de se cacher dans la « cabane hurlante » apparut. Houzel lui interpréta sa peur de ne pas le retrouver comme avant les vacances, puis un jeu où il le sort de la cabane en le renversant par terre, puis lui, tombant en poussant des cris, puis un loup gentil qui aidait à relever tout le monde, puis le dessin d’un arbre. Houzel lui interprète que c’est ce qu’il sentait de solide pendant les séances qu’il pensait avoir perdu. Ainsi la coupure des vacances réactivait le fantasme d’être un bébé se sentant lâché, perdant le visage vivant. Autre hypothèse la perte du visage de maman, perdue, triste. Puis il y eut l’apparition d’un chat. Maman triste si chat perdu.Tout un jeu avec un matelas. L’enfant demandant « qu’est-ce que tu choisis ? » se posant ainsi des questions à lui-même. La thématique de l’ambivalence apparaît, liée à la triangulation œdipienne. L’enfant construisait une temporalité, la nécessité pour le thérapeute d’une certaine fermeté à ce moment-là. La reconstruction d’une cavité primitive était en jeu à ce moment-là. Donald Meltzer parlait de construction/espace. Bion, analyste de Fances Tustin parlait de prendre en compte des pensées non pensées, en faisant des analogies biologiques,

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donner des formes aux relations intimes, sources de la pensée, élan vers la symbolisation sans limite. Le contre-transfert négativiste est déjà un partage émotionnel appartenant aux néantisations de l’enfant. Les coups d’œil furtifs : une forme d’attention qui montre que l’enfant cherche à solliciter l’attention. Attention à l’attention trop pressante, trop intrusive. Houzel cite le poète Yves Bonnefoy : quand lève les yeux de son livre, et qu’à ce moment là : « milliers d’étoiles ».Houzel parle de la mutualité attentionnelle asymétrique qui produit de petites variations propices à la rencontre. Quand Houzel revient sur l’épisode du chaud, et qu’il parle à l’enfant dans des formules telles que « ça me fait penser à », le thérapeute raconte l’histoire du présent qui est liée à l’histoire du passé. C’est plus que du décodage, c’est l’introduction de la dimension narrative. Il y a l’histoire d’avant et l’histoire qui se construit ensemble, qui se co-construit avec du plaisir, qui comporte un fragment de vérité. Il parle d’empathie métaphorisante.Les applications possibles sur le terrain de tous ces repérages : une matrice d’expériences qui peut se transposer même dans un environnement pas aussi pointu que l’espace-temps de la thérapie.Didier Houzel souligne les points suivants : la position attentionnelle, l’attention partagée, l’échange émotionnel. L’autisme n’est pas complètement à part du psychisme de tout un chacun. Il y a des enclaves autistiques chez tout un chacun. La fonction contenante peut se détruire, se défaire, se renverser. Tout le défi, c’est d’être confronté à ce qui vous rend inattentif, ce qui vous rend dispersé, ce qui vous rend hors. Il s’agit de contenir cela, jusqu’à ce qu’émerge la confiance dans la possibilité d’une attention partagée, c’est ça tout le travail avec les enfants autistes. Les brefs coups d’œil, il dit que ce sont : « des atomes d’espoir ». Il y a besoin de beaucoup de temps, d’attention pour conforter l’espoir de l’enfant, pour apprivoiser sa confiance, mais il est possible d’entrer dans cette communication. Bion parlait d’un acte de foi, en anglais « act of faith ».Anne Alvarez rappelle que dans les 1ères relations, c’est la mère qui rappelle son enfant. C’est un travail d’entrée en communication qu’il faut anticiper avec les enfants autistes. L’exploration du monde de l’autisme nous confronte à une densité de vécu à exploiter.

Un article à lire : l’évitement relationnel du nourrisson d’André Carel de 2000, dans la revue de neuropsychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. N° 48 – pages 375 à 387.

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HOPITAL DE JOUR LA COLLINEPascale Ambroise

Prise de notes : Laurence CARPENTIER

Cet hôpital de jour accueille des enfants autistes pour des prises en charge à temps partiel au sein d’un travail de réseau soutenu. Les enfants bénéficient tous d’une inscription scolaire et familiale.

L’enfant autiste est une personne. Sa prise en charge prend en compte les dimensions affective, émotionnelle, corporelle, cognitive. L’enfant est pris en charge dans sa globalité, dans une perspective développementale.

Une attention particulière a été portée à la mise en place et l’élaboration du cadre pour permettre au processus de se déployer et à l’enfant d’advenir. La Colline est un espace de soin. Permanence, stabilité, prévisibilité sont les bases du cadre thérapeutique. Les enfants sont reçus dans un même lieu, avec un même horaire, avec les mêmes soignants. Ces 3 items sont déclinés à tous les niveaux de soin. L’enfant avec autisme avant la récupération de la seconde peau, met en place des stéréotypies pour prévenir les angoisses archaïques de chute, d’écoulement etc.Stéréotypies et immuabilité sont des mécanismes de protection mais aussi un mode de fonctionnement. On ne peut les supprimer sans les remplacer par autre chose.La proposition est de substituer à ces défenses, un cadre thérapeutique fiable et stable, sur lequel les enfants peuvent s’agripper pour progressivement l’intérioriser. La rythmicité du temps les conforte dans la circularité du temps. Progressivement s’élabore le sentiment d’entourance, la continuité du lien, le temps linéaire. Les interruptions dues aux absences, congés etc. constituent des pas-pareil qu’il faut élaborer pour éviter toute infraction. L’enfant s’appuie sur l’enveloppe du cadre thérapeutique pour intérioriser un sentiment d’entourance et d’assurance qui lui permet une ouverture au monde.

1er niveau : même espace. La Colline, la piscine, le poney-club, la ferme. Réflexion sur les divers espaces de soin. Deux espaces :

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- Un espace ouvert constitué du secrétariat, de la salle d’attente, du bureau médical.

- Un espace fermé. L’espace des enfants, métaphore de l’espace psychique des enfants. Parents et extérieur, ne peuvent entrer dans cet espace.

Le bureau médical a 2 portes, une porte qui donne sur l’espace enfant et une porte qui donne sur le dehors salle d’attente, secrétariat.C’est le lieu d’élaboration du lien.

2ème niveau : les groupes.

Cet hôpital de jour a 18 places, 3 groupes de 6 enfants. Pour chaque groupe, il y a un même espace, une salle de groupe, 6 enfants par groupe, 4 soignants. Par groupe, il y a 1 éducateur, 1 infirmier, 1 psychomotricien et 1 temps sur 2 d’orthophoniste.

Tous les jours, rituels d’accueil, pictogramme, temps informel après l’accueil, sans médiation ni atelier.La communication est systématiquement aidée par des méthodes de substitution.Chaque enfant bénéficie d’un encadrement 1 pou 1. La pluridisciplinarité permet des regards multiples sur l’enfant et des réponses différenciées avec des réponses psychocorporelles, éducatives, thérapeutiques.A noter l’emploi du temps, redondance+++ visuelle, auditive, éventuellement tactile.Parents : «bonification» de l’expérience douloureuse. On décortique et on en fait du positif. Notion de mêmeté quand la contenance est faite, c’est le petit point qui faisait effraction qui faisait grandir par la suite. Le projet thérapeutique tend à être le même d’une année à l’autre. Il ne faut pas oublier que le « pas pareil » ça détruit.

3ème niveau : L’atelier thérapeutique à médiation. Des temps d’atelier de 45 mn sont proposés en milieu de matinée et en milieu de journée, répétés tous les jours à la même heure.1 à 3 enfant(s) y participe(nt) sur le même rythme. Les temps de soin sont définis autour de médiations variées. Les ateliers ne sont pas un espace ouvert, mais un lieu de soin. Par exemple, on va faire un travail autour du portage, de l’appui-dos, du regard, à l’atelier piscine et poney. Les médiations sont limitées (piscine, poney, musique, contres, bricolage, arts plastiques).

4ème niveau : une prise en charge individuelle s’ajoute sur certains temps. Musicothérapie, scolarité type Montessori, psychomotricité,

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psychothérapie individuelle ne sont pas pratiqués dans l’hôpital de jour mais dans l’intersecteur ou à l’extérieur. C’est une condition d’admission à l’hôpital de jour.

5ème niveau : classe.La classe est assurée par un professeur des écoles. C’est le médecin qui se rend aux équipes éducatives, pour éviter que le groupe soit troué par l’absence des intervenants.

6ème niveau : temps institutionnel.Temps accueil. Départ, récréation. C’est un temps moins cadré, rendant possible d’autres interactions. Des aménagements sont effectués pour ceux pour qui le groupe est impossible.

7ème niveau : les séjours thérapeutiques.Séjours thérapeutiques une nuit, 3 fois de suite, puis deux nuits 3 fois de suite.

8ème niveau : le projet thérapeutique.

Les temps de synthèse et de réflexion de travail théorico-clinique sont essentiels, l’autisme est une pathologie du lien. Ses projections fragilisent la cohésion de l’équipe. Il y a des projections difficiles et délétères des enfants difficiles et leurs parents, des sentiments d’échec, de dévalorisation sur celui dépositaire des parties négatives dont il faut se méfier. Les soignants doivent surveiller cette capacité de démantèlement de l’enfant.2 temps : synthèse clinique et synthèse théorique. La place des parents est primordiale. Les parents sont reçus une fois par mois en présence de l’enfant et du référent de l’enfant. L’essentiel est de faire ressortir les points positifs de l’évolution de l’enfant et d’étayer le narcissisme parental. La coopération avec les parents est un appui fondamental dans ce travail. Ce travail, le remantèlement, devenant la narration devant l’enfant de ce qui se passe sur les différents lieux fréquentés. Il y a également des journées portes-ouvertes, des réunions parentales.Sur ce dispositif, il y a peu de psychologues (1 jour par semaine) qui se consacrent uniquement au bilan. L’institution doit rester vivante et créative, près des besoins de chaque enfant. Il y a également 1 mi-temps de psycho par groupe pour le bilan.

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Médiations thérapeutiques et Autisme

Anne Brun

Professeur de psychopathologie et psychologie clinique, Directrice du Centre de Recherches en Psychothérapie et Psychologie clinique, (CRPPC) à l’Université

Lyon II, psychanalyste

Prise de notes : Aurély COMET

Dans cette conférence, Anne Brun traite des ateliers/groupes thérapeutiques (qui sont au cœur des pratiques professionnelles) référés à la psychothérapie psychanalytique, mis en cause actuellement par la haute autorité de santé.

La question est de savoir comment montrer la portée thérapeutique de ces pratiques à médiation dans le champ de l’autisme au-delà du simple constat empirique de l’intérêt et de l’efficacité de ces dispositifs. Elle s’interroge sur la spécificité des processus qui sont enclenchés par ces groupes (associativité du langage du corps et de l’acte, et processus de transfert) et la manière de les évaluer

Pour pouvoir inscrire les médiations dans le champ de la psychothérapie psychanalytique, il s’impose de prendre en compte l’associativité, au fondement de la méthode psychanalytique. Dans le cadre des médiations thérapeutiques, le repérage d’un processus associatif concerne les associations du patient en lien avec sa production, ainsi que les chaînes associatives groupales, dans le cadre d’un groupe. Mais apparaît là un obstacle majeur, car dans le champ de la psychose infantile et de l’autisme, les enfants n’utilisent pas ou peu le langage verbal. Il devient alors indispensable de se centrer sur un autre type d’associativité, l’associativité propre au langage du corps et de l’acte, présente dans l’œuvre freudienne, comme l’a montré notamment R. Roussillon (2008).

Dans les cadres thérapeutiques à médiation, individuels ou en groupe, l’attention du clinicien se focalisera sur tout ce qui relève du registre corporel et sensoriel, par exemple sur la façon dont l’enfant va mettre en jeu sa gestualité. En présence d’enfants autistes, le thérapeute sera donc attentif au choix des instruments et des supports pour le travail de leur production, ainsi qu’à l’évolution des différents types de techniques utilisées. Autrement dit l’analyste doit opérer pour ainsi dire une extension de sa capacité d’écoute à la prise en compte du langage sensorimoteur. De façon générale, l’intérêt de ces thérapies à médiation consiste en effet à considérer la sensori-motricité comme un vecteur de symbolisation.

L’associativité ne peut être prise en compte que dans un cadre-dispositif qui relève de la psychothérapie psychanalytique, donc fondé sur la dynamique

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transféro-contre-transférentielle. Les dispositifs thérapeutiques à médiation sont fondés sur la prise en compte de la dynamique transférentielle, focalisée par l’objet médiateur. Il s’agit d’interroger la dynamique psychique sous-jacente au travail du medium malléable et les modalités de l’appropriation subjective.

Le transfert s’effectue sur le medium malléable, tel que Marion Milner (1955) l’a défini, qui désigne à la fois le matériau, la matière, à la fois le thérapeute. Le thérapeute est le représentant du medium, comme le medium est le représentant du thérapeute. L’objet médiateur n’est donc pas thérapeutique en soi, cela dépend du cadre et du dispositif. L’énoncé de la règle fondamentale, autre élément essentiel dans la méthode psychanalytique, comportera de façon centrale la référence à l’objet médiateur.

Dans la formulation de cette règle, inspirée de G Haag, l’idée de la liberté dans l’utilisation du medium apparaît fondamentale : dans ce contexte, il s’agit principalement de laisser les enfants utiliser à leur gré l’ensemble du matériel mis à leur disposition

Ceux-ci choisissent leur façon de peindre, leur matériel et leurs techniques. Les thérapeutes se laissent utiliser par les enfants, sans leur demander de représentation et sans peindre avec eux.

Le transfert sur le medium malléable apparaît comme une modalité du transfert sur le cadre : ainsi, quand Marion Milner (1955) définit le medium malléable, elle indique que l’enfant est capable de l’utiliser et d’utiliser la salle de jeu comme « cette substance malléable d’interposition ». Dans le cadre spécifique d’un groupe à médiation pour psychotiques et autistes, les enfants vont donc projeter les éléments morcelés de leur monde interne non seulement sur les thérapeutes et sur les autres sujets du groupe, selon le processus de diffraction du transfert dans un dispositif groupal, mais aussi sur les éléments sensoriels du cadre thérapeutique. Anne Brun nomme ce processus « diffraction sensorielle » puisque les fragments projetés sont diffractés en partie sur les éléments du cadre et notamment sur le medium malléable. Dans un groupe d’enfants autistes, cette diffraction du transfert n’opère donc pas seulement sur les membres du groupe et sur les thérapeutes, mais aussi sur les éléments du cadre matériel et sur le médiateur : il s’agit donc d’un transfert par diffraction sensorielle.

La compréhension du transfert sur le cadre dans les groupes à médiation pour enfants autistes est fondée sur les apports de Bleger (1967), qui considère le cadre comme dépositaire des liens symbiotiques primitifs, qui renvoient à une indifférenciation entre corps-espace et corps-environnement. Mais cette hypothèse d’un dépôt dans le cadre des parties les plus symbiotiques de la personnalité ne doit pas être simplement pensée en termes de déplacement transférentiel, comme le note R. Roussillon, car la spécificité de ce qui se transfère sur le cadre est la question de la symbolisation de la symbolisation : autrement dit le rapport transférentiel au cadre reflète les préconditions et la préhistoire de la représentation. Dans cette perspective, l’importance du medium malléable « à » et « pour symboliser », renvoie au rôle joué par la sensorialité : la spécificité du travail thérapeutique avec des médiations dans la

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psychose infantile consiste à permettre aux enfants d’accéder aux processus de symbolisation et à la figuration, à partir de la sensorialité. Ce terme recouvre à la fois la sensori-motricité de l’enfant, les qualités sensorielles du medium malléable, et même l’implication corporelle des thérapeutes en lien avec les enfants.

Anne Brun distingue deux modalités spécifiques de symbolisation dans un tel type de cadre, la symbolisation à partir de la matérialité du medium, et la symbolisation dans les liens transférentiels avec les thérapeutes et le groupe, ce qui correspond aux deux acceptions du medium malléable, qui désigne à la fois le medium et le thérapeute.

Les ateliers thérapeutiques individuels ou groupaux permettent à l’enfant de réactualiser des vécus archaïques agonistiques sous forme de sensations hallucinées en appui sur l’activité sensorielle de l’enfant. La rencontre avec le medium malléable va activer chez l’enfant autiste des sensations hallucinées, c’est-à-dire des vécus d’ordre psycho corporel, qui vont s’actualiser à partir des sensations procurées par la matérialité du medium.

Le travail du medium suscite ainsi un retour hallucinatoire de perceptions, qui coexistent avec les perceptions actuelles procurées par le medium malléable. C’est donc la rencontre avec le medium dans l’espace thérapeutique qui permettra de transformer la sensation hallucinée en une forme perceptive, la sensation hallucinée va prendre forme dans l’objet médiateur et devenir ainsi figurable et transformable.

Un des enjeux principaux des médiations thérapeutiques consiste à pouvoir ainsi faire advenir à la figuration des expériences primitives non symbolisées, d’ordre sensori-affectivo-moteur. Comme ces dernières sont expérimentées avant l’apparition du langage verbal, (Freud soulignait d ailleurs l’importance du langage des gestes dans la schizophrénie qui renvoyaient à un scénario archaïques mis en scène par le sujet) elles peuvent justement s’inscrire selon des modalités autres que langagières, tels que le langage du corps, le langage de l’affect, la mise en jeu de la sensori-motricité, particulièrement sollicités dans le cadre des médiations thérapeutiques.

En lien avec ces sensations hallucinées, le travail du « medium malléable » par l’enfant, va permettre l’émergence et la mise en forme de protoreprésentations, qui renvoient à une inscription des premières expériences de la relation à l’objet, expériences d’ordre sensoriel et affectif. Ces protoreprésentations se caractérisent par une indissociabilité entre corps, psyché et monde, ou entre espace corporel, espace psychique et espace extérieur, selon la définition des pictogrammes par P. Castoriadis-Aulagnier (1975), proches aussi des formes autistiques, conceptualices par F. Tustin (1986).

Les médiations thérapeutiques comme la peinture ou le modelage mettent ainsi en jeu ce que P. Aulagnier nomme la corporéisation figurative des pictogrammes qui vont trouver un mode de « figuration scénique » dans la rencontre de la corporéité du medium malléable : on passe là de l’originaire infigurable au

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primaire figurable. Les ateliers thérapeutiques à médiation suscitent des éléments matriciels de l’activité de symbolisation, qui relèvent non seulement du registre des pictogrammes, mais aussi souvent des signifiants formels (D. Anzieu,1987), sous la forme de traces préfiguratives. En d’autres termes, le processus thérapeutique consiste à restaurer le processus de symbolisation primaire, particulièrement défaillant dans la psychose, en liant une trace mnésique perceptive à une représentation de chose.

Ces sensations hallucinées vont pouvoir être mises en forme non seulement à partir de la matérialité du médiateur mais aussi à partir de la dynamique transférentielle. Le travail de mise en forme du medium va en effet susciter des messages corporels, visuels, kinesthésiques, mimo-gestuo-posturaux, qui vont pouvoir prendre sens dans les interrelations au sein de l’atelier, avec les thérapeutes mais aussi avec le groupe d’enfants. Il s’agira donc de rendre signifiants, dans la restauration de la relation primaire à l’objet, les mouvements, les sensations, les vécus corporels d’ordre cénesthésique, kinesthésique, mimo-gestuo-postural, de donner une valeur de message aux éprouvés de l’enfant psychotique, notamment par le partage d’affects, et de les doter d’un sens partageable avec les thérapeutes et le groupe, processus au cours duquel les sensations pourront progressivement se transformer en émotions. À travers la sensorialité, la motricité, le mouvement, le processus thérapeutique consiste donc à mettre en forme, en figure, en rythme, des impressions sensorielles, qui vont pouvoir devenir des représentations-choses sensorielles, que l’enfant pourra s’approprier dans un processus de réflexivité. Le travail thérapeutique au sein de cadres-dispositifs à médiation amorcera ainsi un accès à la figurabilité par un processus de passage du registre sensori-moteur au figurable.

Enfin, Anne Brun propose une nouvelle modalité d’évaluation spécifique à l’approche clinique. Elle construit un tableau (grille d’évaluation) intitulé « repères pour une évaluation clinique » de la médiation picturale en groupe, permettant de modéliser les processus de transformation engagés chez les patients, dans la médiation picturale, à partir de la prise en compte de l’associativité et de la dynamique transféro-contre-transférentielle.

Ce tableau comprend 80 items environ qui sont répartis verticalement en fonction du transfert sur le medium, du transfert sur l’observateur écrivant et du transfert sur le groupe. Cette prise en compte du transfert se trouve évidemment au fondement de la méthodologie clinique. Horizontalement le tableau se divise en 3 séries, A, B et C, qui correspondent à 3 positions : la position adhésive, la position de détachement du fond et la position de figuration et de réflexivité. Ces dernières correspondent à des mouvements psychiques dégagés par différents auteurs, notamment D. Anzieu, M. Klein et D. Meltzer : elles ne sont pas parcourues de façon unilinéaire, mais l’enfant peut osciller de l’une à l’autre, tout en occupant telle ou telle position de façon prédominante, au fil de son évolution dans l’atelier. Chaque groupe comme chaque enfant occupe telle ou telle position de façon prédominante, au fil de l’évolution du groupe thérapeutique, vectorisée de la position adhésive vers la position de figuration et l’acquisition d’une potentialité réflexive.

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Cette grille de référence ne procède pas simplement à un travail d’évaluation quantitative mais il convient d’apprécier l’articulation des items entre eux, et notamment de ceux qui appartiennent à des séries différentes. Cette analyse des items est mise en récit, avec une indication entre parenthèses des items : on procède ainsi à un récit de groupe.

Les avancées théoriques dans la clinique psychanalytique

de l’autismeNature des angoisses et des défenses. G.Haag

Prise de notes : Laurence CARPENTIER

Avant d’entamer sa conférence, G. Haag insiste sur 2 points :- L’absence de causalité entre les fantasmes inconscients parentaux

et l’autisme.- La recherche par la psychanalyse de la compréhension du

fonctionnement psychique même dans les handicaps. Le déni du roc biologique du handicap, en particulier de l’autisme, tout comme le déni de la construction psychique de ces enfants sont inacceptables.

G. Haag précise qu’elle cherche à comprendre la structuration du moi dans le jeu pulsionnel et les processus identificatoires : ceux-ci s’organisent dans les relations d’objet d’amour où surgissent des angoisses et des défenses différentes à chaque niveau de structuration et d’organisation des conflits internes.Grâce à la confrontation permanente des données de l’observation des nourrissons dans leur famille (observation Esther Bick) et de la clinique psychanalytique de l’autisme en s’appuyant sur les travaux de Meltzer, Tustin et Bullinger, G. Haag précise sa pensée sur la construction du moi corporel, cette théorisation de l’image du corps étant différente du

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schéma corporel cognitif. Elle indique par ailleurs certaines avancées des neurosciences dans ces domaines.

Angoisses spatiales : similitudes entre les états post-nataux et l’agrippement des enfants autistesL’autisme renvoie au premier niveau de représentation de l’image du corps. Les enfants autistes ont des angoisses spatiales comme celle de tomber sans fin, et de se répandre en liquidité, angoisses qui surviennent en deçà de la construction de la première peau.

On retrouve ces angoisses chez les nouveaux-nés « sans problème ». La naissance est un traumatisme à l’origine de modifications sensorielles qui affectent les ressentis tactiles et vestibulaires. Le nouveau-né a ainsi une sensibilité à la dénudation, qui peut être colmatée par l’enveloppement et la tenue du dos. On peut en rapprocher le réflexe de Moro, manifestations extensives des membres survenant lors de la modification du portage ainsi que le démantèlement et les agrippements en particulier visuels, lors de la survenue de quelque chose de brutal.Ainsi peut être notée une similitude entre les états post-nataux et les agrippements des enfants autistes conduisant à l’hypothèse d’une déficience de la contenance post-natale du vécu peau.A.Bullinger, à partir du vécu de chute (dont le vécu de chute à l’endormissement peut être un modèle) qui témoigne de troubles labyrinthiques, souligne combien il faut relier sensibilité tactile, tactile profonde et jeu du labyrinthe pour former l’équilibre post-natal.A.Bullinger fait par ailleurs l’hypothèse qu’il existe entre le dos du fœtus et la paroi placentaire, un dialogue tonique entre les manifestations sensorielles et les manifestations d’enroulement de l’utérus. Une partie de chacun a vécu ses premiers échanges émotionnels au niveau de cette plate-forme tonico-émotionnelle (travaux de Wallon). L’insistance avec laquelle les enfants autistes recherchent le contact dos ou acceptent nos propositions confirme cette hypothèse.L’interpénétration des regards, permet ultérieurement de faire ou de refaire sa peau.

Narration pré-verbale des angoisses spatialesLes enfants déficitaires non verbaux ont un langage pré-verbal. G.Haag évoque une forme d’association, une narration pré-verbale destinée à l’autre comme en témoignent les petits coups d’œil pour attirer l’attention. Il y a probablement ainsi, un petit embryon de sujet même chez les autistes les plus graves. Le vécu de chute peut être mis en scène corporellement : se laisser tomber, faire tomber les objets (du dos de la main au bord des tables) etc.

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(manœuvres indicielles de D.Houzel). Déambulations, ouvertures des meubles, utilisation des contenants sont des projections de l’image du corps.

Sensorialité – démantèlement sensoriel Pour Meltzer, le mécanisme central de l’autisme est le démantèlement de l’appareil perceptuel en ses composants sensuels et sensoriels par suspension active de l’attention, l’attention étant alors dans le rôle de tenir ensemble les sens en consensualité (la comodalisation sensorielle de Golse). A défaut de cette attention, l’enfant « s’attache » à l’objet le plus stimulant de l’instant. D’où les accrochages sensoriels des enfants autistes aussi bien que des nouveaux-nés, à la lumière du plafond, à un bruit particulier, à une impression labyrinthique etc.

Tustin a abordé les premières formes de clivage dans ce qu’elle appelle le moi-sensation, c’est-à-dire les premières formations psychiques dans la sensorialité : clivages dur/doux, sec/mouillé, lourd/léger, chaud/froid etc.Les enfants autistes ont tendance à développer leurs recours stéréotypés sur l’extrême d’une échelle sensorielle, l’autre extrême étant alors exclu et possiblement phobogène. Par exemple, l’enfant autiste qui se tient sur des objets durs ne prendra pas d’objets mous dans la main. Lorsqu’il y arrive, cela accompagne souvent une grande amélioration relationnelle.

G.Haag souligne l’émotionnalisation des sensations. Pour elle, ce qui gêne l’autiste dans sa perception est la résonnance affective et émotionnelle associée à la perception sensorielle. Il recherche des auto-stimulations sensorielles débranchées de l’émotionnalisation qui existe depuis le début de la vie utérine.Il y a alors nécessité de ré-émotionnaliser les sensations par exemple dans des exercices de stimulations sensorielles, branchés sur une relation affective dans un espace ludique (ateliers à médiation).Si nous n’arrivons pas à renouer ces relations émotionnelles, ces recours aux sensations extrêmes ont tendance à s’accentuer selon un processus toxique d’accoutumance avec nécessité d’augmenter l’intensité de la stimulation et risque de dérive vers l’auto-mutilation.

Stéréotypies L’apparition de stéréotypies marque l’arrêt du développement. Pour R.Bullinger « ce sont des réactions circulaires qui dérivent de leur but et deviennent un objet en soi… ». Elles apparaissent lorsque les points d’appui de la représentation de l’organisme font défaut.Tustin a souligné que l’auto-sensualité permet d’entretenir un sentiment de continuité d’exister en procurant à l’enfant un état d’excitation

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permanente. Elle insiste aussi sur le rôle des objets autistiques : objets durs tenus dans la main ou dans un orifice corporel uniquement pour procurer une sensation de solidité.Meltzer souligne que la suspension unidimensionnelle à une seule modalité sensorielle, annule le déroulement du temps, le temps circulaire (avec le retour du même de certaines stéréotypies et rituels autistiques) renvoie à la bi-dimensionnalité et à l’identité adhésive de Bick : relation de surface comme seul mode identificatoire possible en deçà de la formation d’un contenant peau (N.B. : le temps oscillant correspond à la formation de la « peau », de l’enveloppe du self en 3 dimensions, avec conscience de l’intérieur et de l’extérieur, permettant le va-et-vient des projections identificatoires).

Identité adhésive Une différenciation est à faire entre l’adhésivité normale et pathologique.L’identité adhésive pathologique, à l’œuvre dans les états autistiques est une défense contre tout sentiment de séparation corporelle et peut fonctionner en auto-sensualité pure, défensive contre tout lien émotionnel objectal. Le « collé à », mécanisme défensif contre de trop grandes angoisses de liquéfaction et de chutes sans fin, doit maintenir rigidement un objet inanimé non vibrant émotionnellement.Ceci semble à rapprocher des modalités de la vie émotionnelle prénatale. Il semble qu’il y ait une émotionnalité primitive à l’œuvre dans la fusion bi-dimensionnelle à rapprocher des modalités de la vie émotionnelle prénatale… l’identité adhésive normale se constitue à partir du vécu de serrage, des rythmes, des glissements rythmiques sonores et tactiles.S.Maiello fait l’hypothèse que la conscience d’exister naîtrait dans le sonore à partir du 4ème mois environ de la vie prénatale. La différence entre les rythmes binaires réguliers des bruits cardiaques et respiratoires d’une part, et l’aléatoire de la voix de la mère d’autre part (et pour G.Haag également des borborygmes intestinaux) en seraient l’origine. G.Haag évoque des rythmes qui font mouvement et rebond.Jusqu’à 3 mois, le bébé préfère le plus de parents possible, mais ce n’est jamais pareil, il y a toujours de petites différences : la transmodalité est ce petit différentiel qui fait rebond. A 3 mois, cette formation d’enveloppe est faite, l’enfant a déjà une contenance au « petit pas pareil » et aime les moments de surprise.Les phénomènes d’identité adhésive normale peuvent resurgir dans certaines situations où le sentiment d’identité séparée est plus ou moins aboli (adolescence, émotion esthétique etc.) mais ils sont temporaires et momentanés. G.Haag souligne que les narrations préverbales concernant les vécus spatiaux des premières formations psychiques, montrent qu’il faut passer

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du « coller à » en surface (identité adhésive) au « précipité dedans trop fort » (identité projective intrusive) pour la construction de la profondeur.

Attention rassemblante – rôle intégrateur du regard La peur du regard, l’impossibilité à soutenir la rencontre œil à œil sont fréquemment notées. Pour G.Haag, les enfants autistes ont peur du « bec prédateur dans le regard », danger d’une pénétration potentiellement désorganisante ou chute dans la tête de l’autre.A l’inverse, G.Haag insiste sur le rôle du regard dans la récupération des enveloppes. Elle témoigne que plusieurs enfants lui ont expliqué en langage préverbal, qu’il fallait retrouver dans une forte relation d’attention qui suppose la reprise des échanges psychiques, la concomitance de l’éprouvé tactile du contact du dos et de l’interpénétration des regards, à condition que cette pénétration s’allie à la douceur. Pour cette douceur, outre le tactile, on devine la musicalité de la voix.Cette concomitance semblait permettre de faire sentiment de contenance, elle semblait donner la sensation-sentiment que « quelque chose entrait dans la tête, y imprimait des qualités », contribuait à créer « un espace derrière » où se déroulaient les interelations. Cet « espace derrière » avec un fond, permet de surmonter les peurs paniques de l’exploration de la profondeur de l’espace externe. Ceci semble « démontré » par de nombreux enfants gravement autistes lorsqu’ils reprennent le contact du regard. Pour ceux-ci, la manœuvre la plus fréquente est de venir très près des yeux, comme en rentrant dedans, nous procurant l’effet « cyclope » puis d’aller vite se coller derrière la tête du thérapeute.A noter lorsqu’est évoqué le sentiment de contenance, qu’il ne s’agit pas de la peau anatomique même si cela a à voir, mais de l’espace proxémique ; espace entre soi et l’autre qui à un moment va se dédoubler pour permettre une représentation de l’enveloppe. G.Haag donne des exemples pour attester de ce propos. Elle évoque l’enfant sans langage qui construit une limite territoriale autour de lui avec divers objets et qui hurle si on franchit cette limite. Ou l’autiste de type Asperger qui lui dit que « si quelqu’un vient trop près de moi, c’est comme si on me rentre dans la chair ».Le regard permet par ailleurs le rassemblement de l’écoulement des sensorialités dans la zone interne. Le regard a un rôle intégrateur et psychisant permettant une attention rassemblante de la grappe des sensorialités. La situation de nourrissage avec la double interpénétration bouche/mamelon et œil à œil (sans oublier la musicalité de la voix maternelle) en est le paradigme.Ainsi, pour G.Haag, le rôle du regard-attention est essentiel pour le passage de « se coller à » du dos, à son intériorisation en sentiment

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d’enveloppe. Ceci est à la charnière entre la bi et la tri-dimensionnalité. Entre la présence d’arrière-plan probablement adhésive et bi-dimensionnelle et la présence latérale s’installe progressivement la perception d’une profondeur.

Commentaires G.Haag insiste sur la nécessité des commentaires :- Dans leur forme, en musicalisant la voix et en ralentissant le débit.- Dans leur fond, avec un contenu en adéquation avec les préoccupations de l’enfant (exemple : pour un enfant qui se bouche les oreilles « E. a crié trop fort, c’est rentré dans tes oreilles »). G. Haag témoigne qu’après l’énoncé de ce commentaire, l’enfant a enlevé les mains de ses oreilles et pour les plus évolués, de façon indirecte sur leur vie émotionnelle.G.Haag souligne la radicalisation des positions entre le tout neurologique et le tout psychanalytique depuis la mise en évidence de particularités dans le cerveau de l’autiste (problème au niveau du sillon temporal supérieur) expliquant l’absence de « perméabilité » des autistes à la voix humaine. G.Haag atteste qu’il y a bien une reconnaissance de la voix humaine à condition qu’elle soit «filtrée » et qu’il y ait suffisamment d’exigences de douceur et de musicalité.

Narration préverbale d’un schéma d’introjection de la contenance (Bruno) G.Haag témoigne d’un processus proposé par l’enfant prénommé Bruno, du schéma d’introjection de la contenance ; schéma fait, alors que Bruno avait 4 ans, qui confirme, pour elle, sa théorisation. Elle souligne que certains enfants, à la jonction du langage pré-verbal et verbal, font une construction narrative qui ensuite devient inconsciente.L’enfant Bruno vient de retrouver le regard. Il vient se plaquer contre G.Haag « effet cyclope ». Il démontre dans un élan joyeux qu’il n’a plus peur de pénétrer dans son regard.Après cette plongée dans le regard, il déambule puis se met assis dans un fauteuil de façon raide, puis va dessiner des boucles qui se réunissent en un point central comme des pétales d’une fleur.Il s’agit pour G.Haag des boucles relationnelles, représentation visuo-motrice de la spatialisation du regard. Pour elle, ces boucles sont analysées de la façon suivante : mouvement qui va, sans savoir ce qu’on va rencontrer, à la recherche de l’autre, puis dans la rencontre de l’autre, qui fait rebond vers le noyau de soi. Au point de rebond, il faut suffisamment de mêmeté pour se sentir reçu. Un différentiel, un petit pas pareil, un petit décalage qui fait une retenue qui retourne sur le self. Pour l’enfant autiste, il n’y a pas assez de mêmeté, ce qui fait grouffre.

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Pour G.Haag, ce dessin est explicatif de la perception d’une enveloppe circulaire. Il illustre bien la théorie du va-et-vient, projection-réintrojection après rebondissement sur des « points » où se joueraient dans l’illusion de la pénétration relationnelle dans la tête de l’autre, des transformations, condition sine qua non, de la possibilité de rebond. La formation de cette enveloppe circulaire semble s’accompagner de la perception enthousiasmante des formes circulaires et sphériques dans le décor et les objets qui peuvent d’ailleurs devenir, si le développement s’arrête là, objet d’agrippement visuel chez les autistes un peu plus construits que ceux qui s’agrippent uniquement aux brillances.La confrontation avec l’observation des nourrissons nous fait penser que cette formation n’intéresse au départ que le haut du corps : le tête à tête (dans les 2 premiers trimestres de vie) ; elle ne touche pas réellement la peau, mais correspondrait plus à l’espace proxémique. Mais rapidement, la même qualité des échanges d’attention émotionnelle semble susciter les jonctions corporelles entre les 2 côtés du corps avec identité adhésive du côté dominant au corps de la mère qui, dans la reprise autoérotique, doit envelopper mais aussi pénétrer l’hémicorps self. Un processus identique se passe pour l’appropriation de la moitié inférieure du corps, qui se passe dans le deuxième semestre de la vie.La construction de la verticalité et de la jonction corporelle est axiale et projetée sur les angles des murs et la grande articulation horizontale souvent sur les horizontales architecturales. G.Haag insiste sur le repérage de ces représentations chez l’enfant émergeant de l’autisme, soulignant que ceci semble immédiatement perçu par l’enfant si nous en donnons une importance et un sens.G.Haag insiste également sur l’importance des formes géométriques rythmiques et sur l’importance des premières récupérations par des formes géométriques et visuomotrices. Le dessin préfiguratif est très important chez les enfants autistes. Il retrace souvent l’évolution des formes ayant trait à l’image du corps. G.Haag nous projette un dessin avec des formes rythmiques, des ondulations des piquants, des pointillages, l’analysant comme un ensemble pré-figuratif des éléments constitutifs de l’enveloppe.

Troubles du langage – attention conjointe Meltzer souligne que les enfants autistes ont une disposition particulière à l’émotion et l’esthétique. Ils peuvent rapidement en être débordés et se retirer du contact avec l’objet en raison même de ce débordement, se retirant ainsi du contact et se privant de la double interpénétration œil à œil et bouche/mamelon, fondatrice des formations psychiques ultérieures. Il souligne en effet la valeur de ce qu’il appelle « le théâtre de la bouche » dans lequel se jouent d’abord le suçotement et la lallation qui semblent

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bien constituer l’une des formes de représentation primitive de la perception des liens d’échange dans le sonore. Il est fréquent, mais non constant, que les bébés futurs enfants autistes n’aient pas eu ces émissions sonores. Il semble y avoir un lien entre l’absence de ce jeu et les tonalités anormales de la voix, lorsque certains enfants autistes se mettent à parler, généralement d’une voix monotone et haut perchée, ou au contraire, plus rarement d’une voix grave ou oscillant entre les deux. G.Haag témoigne qu’au cours du processus thérapeutique, elle a pu voir plusieurs enfants déployer des jeux de boucles sonores sur des mots de la langue articulée qui semblaient leur permettre à terme, une meilleure prosodie.G.Haag évoque ensuite, l’absence de pointage de l’index (pointage proto-déclaratif) essentiel pour l’avènement du langage et l’absence d’attention conjointe et de défaut de théorie de l’esprit. Pour elle, on est alors dans des processus psychiques extrêmement complexes d’ordre identificatoire. Pour G.Haag, la difficulté à reconnaître les émotions et les pensées des autres est un défaut de l’identification projective utile et de l’identification introjective. Pour elle, ces identifications ne peuvent se développer que sur la construction psychocorporelle et spatiale de base, dépendant elle-même des échanges émotionnels possibles. De même, le pointage proto-déclaratif avec recherche d’attention conjointe suppose l’intériorisation de l’illusion d’être installé dans la tête de l’autre.

Narration préverbale - récupération de l’attention conjointe G.Haag témoigne de la démonstration faite par Paula de cette récupération. Cette petite fille déambule dans la pièce puis elle met en place un vécu de chute ayant trait au sonore. Elle tire sur le combiné du téléphone et puis le laisse tomber au bout du fil. Au bout d’un moment, elle donne des coups d’yeux, semble mieux entendre, tire sur le fil et ramène doucement le combiné devant sa tête. Elle se met ensuite entre le rideau et la fenêtre (il y a deux hémi-rideaux) c’est-à-dire un rideau pour chaque battant. Dans un premier temps elle attire l’attention du thérapeute, elle fait avec le rideau une sorte d’enveloppe derrière elle. Elle montre aussi de quoi est faite en partie la substance de cette enveloppe : le tactile certainement, mais aussi les aspects de communication sonore de l’enveloppe, en faisant glisser rythmiquement le combiné du téléphone le long du rideau. Elle fait venir ensuite alternativement G.Haag et sa co-thérapeute dans cette demi-enveloppe et mime un saut enthousiaste dans le regard puis se remet à côté en attention conjointe dans la demi-enveloppe pour qu’elle et G.Haag regardent ensemble dehors. Elle fait des mots qui glissent, elle fait tourner les thérapeutes en les regardant, vers la fenêtre, elle pointe alors dans une recherche d’attention conjointe ; quelques mots permettent de dire qu’elle se représente l’absence d’oiseau

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« oiseau pas là ». Ensuite, elle pousse G.Haag et sa co-thérapeute dans l’autre demi-rideau, chacun se trouvant ainsi dans sa bulle. Il a semblé à G.Haag qu’elle racontait à sa manière, le processus de dédoublement de la peau comme aboutissant à la capacité de séparation. Cela se passait vraiment par l’attention conjointe et le pointage de choses dehors à l’intérieur d’une peau commune.

Grille de Geneviève Haag G.Haag terminera cette conférence très dense par d’une part, un rappel des différentes angoisses corporelles, les angoisses et les peurs du contact, angoisses de tomber et de se répandre, angoisses de perdre la perception du pourtour du corps (bouche-main), angoisse de ne pas sentir une partie de son corps, angoisse de préhension, peur de l’entourance.Elle rappellera ensuite les 5 grandes étapes de la construction du corps que l’on retrouve dans la grille élaborée dans son groupe de recherche

- Etat autistique sévère - Etape de récupération de la 1ère peau avec le 1er sentiment

d’enveloppe circulaire.- Phase symbiotique avec la résolution du clivage vertical des 2

hémicorps.- Phase symbiotique avec la résolution du clivage horizontal avec

intégration des membres inférieurs et des zones anales.- Individuation.

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