Darwinetseshéritiers

OlivierHenri-Rousseau

Darwinetseshéritiers

Au-delàdesquerelles

ARTÈGE

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qu’ellesontàremplir.Celasignifiequelesorganesnesontpassimplement juxtaposés,mais agissent les uns sur les autres etcoopèrentàuneactioncommune.Voicicommentils’exprimeen1812dans sonDiscours sur les révolutionsduglobe : «Toutêtre organisé forme un ensemble, un système unique et clos,dont lespartiessecorrespondentmutuellementetconcourentàla même action par une réaction réciproque. Aucune de cespartiesnepeut changer sansque les autres changent aussi ; etpar conséquent, chacune d’elles, prise séparément, indique etdonnetouteslesautres8.»

Son principe de corrélation des formes permit àCuvier dereconstituer le squelette d’un vertébré fossile à partir desfragmentstrouvésdanslesgisementsfossilifères.Onpeutciteràce sujet l’anecdote de la découverte de dents qu’il fit sur lacolline de Montmartre, à partir desquelles il reconstituahypothétiquement la totalité du squelette qu’il attribua à unmarsupialdontontrouvalesrestescompletsquelquetempsplustard.

Le fait de pouvoir prédire la morphologie complète d’unorganisme à partir d’un seul fragmentminuscule d’une de sesparties était pour Cuvier une preuve quasi irréfutable del’invariance fondamentale des types biologiques et de toutesleurscaractéristiques.Bref,siCuvier,chrétienconvaincu,rejetal’évolutionnisme, ce ne fut pas comme on le dit souvent enraison de préjugés religieux, mais parce qu’il était pétrid’empirisme et de principes rationnels dans lesquels sereconnaîtront plus tard des rationalistes positivistes etagnostiquescommeTaineouLittré.C’estpourquoi,ils’opposavigoureusement aux idées évolutionnistes de Lamarck et deGeoffroy Saint-Hilaire qui supposaient des transformationsgraduellespourpasserd’unpland’organisationàunautre.

GeoffroySaint-Hilaire

EtienneGeoffroySaint-Hilaire (1772-1844), qui est connupouravoircréélaménagerieduJardindesPlantesdeParis,estun grand anatomiste contemporain de Cuvier. Il s’attacha àdécouvrirderrièreladiversitéapparentedurègneanimall’unitésousjacente.Mais,voulantallerplusloinqueCuvierauquelilreprochaitdenepas saiSirles analogiesprofondesquemasqueladiversitédesformesetdesstructures,iltentad’étendrecetteunitédecompositionàtouslesanimaux.L’oppositionentrelesdeux savants éclata à l’Académie des Sciences en présence deGoethe.ElleestainsirésuméeparCuvier,danssonanalysedestravaux de l’Académie pendant l’année 1830 : « La question[…]futdesavoirsilaressemblancedeplansquetoutlemondeavoueavoirlieuentrelesanimauxvertébrés,s’étendauxautresembranchements, et si pour les vertébrés eux-mêmes, cetteressemblance va au point de pouvoir être appelée identité decomposition, ou comme s’exprimait d’abord M. Geoffroy, entermesabsolus,silesmêmespartiesserépètentindéfiniment.»De cette opposition on a fait par la suite une joute entre lefixismequipourCuvierétaituneévidence,et l’évolutionnismevers lequel penchait Geoffroy.Mais elle se réduit au fait queCuvier soutient l’existence de quatre plans d’organisationsirréductiblescorrespondantauxquatregrandsembranchements,et repousse comme contraire à l’observation l’analogieuniverselle, affirmée par son détracteur pour justifier son idéed’un plan d’organisation unique étendu à l’ensemble du règneanimal,etdontonpeutconsidérerqu’elleestuneréminiscenceduvieuxconceptd’échelledesêtres.

Owen,leCuvieranglais

SirRichardOwen(1804-1892),naturalistebritannique, futl’un des plus grands anatomistes et paléontologistes du XIXesièclequis’inscrivitdans lesillagedeCuvier,ets’illustra tantdans le domaine des invertébrés que des vertébrés vivants oufossiles,cequiluivalutd’avoirétéennobli.Owenfitparaîtreen1848 un ouvrage intitulé Archétypes et homologies dessquelettes de vertébrés où il décrit la structure des vertébréscomme consistant en une série de segments fondamentauxidentiques.

Owenconsacra laplusgrandepartiede ses travaux sur lesreptiles aux squelettes fossiles, et publia le premier compterendu important sur les reptiles fossiles terrestres dumésozoïque qu’il nomma dinosaures ; spécialiste incontestédanscettediscipline,ilfutl’undespremierspaléontologistesàréaliseren1851pouruneexpositionuniverselledessculpturesgrandeur nature de dinosaures, ces fameux reptiles fossilesgéants dont sont si souvent friands les enfants d’aujourd’hui.Par ailleurs il écrivit une monographie en 1863 surl’archéoptéryx,unoiseaufossiledentéàlonguequeuedécouverten Bavière, présentant des caractères reptiliens qui le fontconsidérer par les évolutionnistes comme étant une preuve enfaveur de la possibilité naturelle de passer d’une classe (celledesreptiles)àuneautre(celledesoiseaux).Onpeutencorecitersestravaux(1860)surlemégathérium,grandmammifèrefossiledes terrains tertiaires et quaternaires d’Amérique du Sudappartenantàl’ordredesédentés.

Owen9estàl’originedeladistinctionentrel’homologieetl’analogie,unedistinctionappeléeplustardàungrandavenir.Ildéfinissait l’homologie comme « le même organe s’exprimantchez différents animaux selon des variétés de formes et defonctionsquileursontspécifiques»,etl’analogie,comme«un

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collections de plantes du Kew Garden. Lors de ce voyaged’études qui devait durer de 1847 à 1851, alors que la révoltedescipayesbattaitsonplein,ilparcourutleDekkan,l’Assam,leSikkim,leBhutan,etleTibet,n’hésitantpas,quandillefallait,à se déplacer à dos d’éléphant. Ceux qui ont luLamaison àvapeurdeJulesVernerelatantunvoyageenIndesedéroulantàcetteépoquedansunéléphantd’acieràvapeur,enpleinerévoltedescipayes,n’aurontpasdepeineàimaginercequ’apuêtrelevoyage deHooker. À son retour, il semaria à une demoiselleavecquiils’étaitfiancéavantsondépart,etquiluidonnaseptenfants.Hookerdevait repartir pourd’autresvoyagesd’études,l’unenPalestineen1860,unautreauMarocen1871etenfindansl’ouestdesÉtats-Unisen1877,afindedécouvrirlesliensentrelesfloresdesdeuxcôtésdel’OcéanPacifique.

En 1865, Joseph succéda à son père comme directeur duJardinRoyal;devenualorsleplusgranddesbotanistesdesonépoque et couvert d’honneurs, il écrivit toute une séried’ouvrages importants sur la flore de différentes régions dumonde. Rallié à l’évolutionnisme darwinien bien avant laparution de L’Origine des espèces, il s’en fit dès lors ledéfenseur et en devint l’un des propagateurs les plusconvaincants, compte tenu de ses compétences largementreconnuesetducaractèremesurédesesanalyses.

*

VerslemilieuduXIXesiècle,alorsqueDarwinétaitentrainde travailler sur l’œuvre de sa vie, on pouvait observer unbouillonnement des recherches dans des domaines quidonneront naissance à ce que l’on appelle maintenant lessciences de la vie et de la Terre : géologie, paléontologie,

anatomie comparée, biologie, physiologie, embryologie. Enpaléontologie, il se réalise un développement rapide de larecherche et de la description des fossiles dans les couchesgéologiques.Engéologie,lapersonnalitéscientifiquedominanteestLyellqui,s’appuyantsurdesanalysesdefossiles,estenvoied’accréditerlathèseactualisteselonlaquellelaTerrequiesttrèsancienne,présentedespropriétésmisesenplace très lentementetprogressivementselondesprocessusquiont toujoursété lesmêmes que ceux que l’on constate actuellement. Cette thèseactualiste encore admise maintenant, est en train de ruiner lathèse catastrophiste destinée à rendre compte des observationsdesfossilesdanslescouchessédimentaires,oùl’onconstatedelonguespermanencesdanslesspécimensobservés,entrecoupéesdeleursrenouvellementscomplets.Cuvier,quantàlui,afondél’anatomiecomparéereposantsurladécouvertedegrandsplansanatomiquesd’organisationdes êtresvivantsquipermettentdereconstituerlatotalitéd’unêtrefossileàpartirdesseulsrestesconservés de son squelette. La fécondité heuristique de sesdécouvertes reposant sur l’idée de l’irréductibilité des grandstypes anatomiques l’a conduit à rejeter catégoriquement lathéorieévolutionnistedeLamarck,selonlaquellelesespècessetransformeraient progressivement, hypothèse qui gomme laspécificité des types d’organisation. Ce sont ces argumentsd’ordretypologiquequeCuvieropposeraàl’évolutionnismedeGeoffroy Saint-Hilaire, convaincu d’avoir découvert dansl’ensemble du règne animal un plan d’organisation uniquesusceptible de refléter une communauté de parenté. Lesarguments typologiques contre l’hypothèse évolutive sontrelayés en Grande-Bretagne par Owen, un paléontologiste etanatomistecomparéémuledeCuvier.Bref l’évolutionnismeestalors une hypothèse qui passe pour peu scientifique. Lesorigines des grands types d’êtres vivants disparus, ainsi que

celles des êtres vivants actuels, passent aux yeux des grandssavantsdel’époquepourapparteniràundomaineéchappantauxprises des investigations scientifiques, et qu’ils abandonnent àlacréation,quand,commeCuvierouOwen,ilsseréclamentdelatraditionchrétienne.

Mais le refus de l’évolution implique-t-il une fixité desespècesvivantes,cesespècesquisontdepuislesclassificationsde Linné les plus petites subdivisions des règnes animal etvégétal,regroupantentreeuxlesindividusinterféconds?Ainsiposée, cette question ne semble pas avoir été au cœur desinterrogations de Cuvier ou Owen, plus préoccupés par lesgrandesstructuresqueparlesdétailsdifférentiantdeuxespècesvoisines appartenant à un même genre, et susceptibles de setransformer l’une en l’autre. Cette question, apparemment dedétail, est celle que va se poser Darwin, et qui l’amènera àaccréditerlathèseévolutionniste.

Mais quand on parle ici d’évolutionnisme, il faut prendresoin de le distinguer du courant de pensée philosophique dumême nom, fort puissant, et qui s’est développé durant lapériode romantique et dans lequel on trouve des penseurs parailleurstrèsdifférents,commeHegelenAllemagne,VacherotenFrance, ou encore Spencer en Angleterre. Dans ce courant depenséeonretrouvedevastessynthèsesvisantàreliertouteslesfacettes de la réalité, depuis les plus humbles, jusqu’aux plusélevées comme l’art ou la religion. Au contraire, le débat surl’évolution des êtres vivants est circonscrit. Il est celui desavants préoccupés par les données concrètes de leur proprechamp d’investigation : par exemple, pour Cuvier et GeoffroySaint-Hilaire, laquestionde l’unicitéoude lamultiplicitédesplansd’organisation.Ajoutonsquelesaspectsépistémologiquesdes disciplines scientifiques qu’ils sont en train de fonder ne

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la théologienaturellequ’ilyaitpuyavoir autantdecréationsd’espèces d’oiseaux si ressemblantes et si nombreuses en ceslieux si voisins entre eux, et en même temps si éloignés dumonde qu’étaient les îles Galápagos. Darwin en vint alorsprogressivement à envisager des liens de parenté entre lespinsons de l’archipel, en supposant qu’ils descendraient d’uneespèceuniquequiseseraitfragmentéeendifférentesvariétésenfonction des îles que les individus appartenant à cette espèceancestraleauraientoccupées.

Lavariation,matériaubrutdelatransmutationdesespèces

Même si lemécanisme de l’hérédité demeurait inconnu autemps de Darwin, il est cependant clair que les animauxappartenant à une espèce donnée ne sont pas identiques,maisprésentent entre eux de petites différences de taille, de force,d’agilité, de couleur, etc. qui sont pour une bonne parthéréditaires.Darwinpartitdel’idéequecespetitesdifférences,héréditairementtransmissibles,etseproduisantdemanièrenonprévisible,sontlevecteurdelatransformationdesespèces:àlalongue, par un effet de cumul, une espèce nouvelle seraitsusceptible d’apparaître par différenciation progressive del’initiale. Il faut remarquer que pour Darwin, ces petitesdifférences peuvent être le résultat d’une acquisition par lesindividus,detellesorteque,contrairementàcequiestsouventadmis, il ne récuse pas l’idée de Lamarck d’une hérédité descaractères acquis. En revanche il faut insister sur le fait que,selon notre auteur, les petites variations transmissibles sont lefruitduhasard.

Cette intuitiondeDarwin concernant cespetites variations

aléatoires héréditairement transmissibles peut être considéréecomme une anticipation théorique des futures découvertesexpérimentalesdeHugodeVries,quisontmaintenantconnuessouslenomdemutations.

Variétésetsélectionartificielle

Darwin avait noté avec intérêt que les horticulteurs et leséleveurs étaient capables, enprocédant à l’aidede croisementsjudicieux entre différentes variétés d’une même espèce,d’accentuercesdifférences,danslebutdeprivilégiercellesquileur paraissaient mériter d’être conservées. Darwin envisageaalors l’idée que cette sélection artificielle destinée à améliorerlesespècesdevaitpouvoirêtre transposéeauniveaunaturelendevenantlemécanismedontilavaitbesoinpourrendrecompted’une différenciation progressive des espèces, comme dans lecasdespinsonsdesîlesGalápagos.Ceseralemécanismedelasélectionnaturelle.

Compétitionpourlasurvieetsélectionnaturelle

VoiladoncDarwinmunid’unmécanismededifférenciationdesespèces;maiscemécanismedemeuraitincomplet.Qu’estcequi dans la sélection naturelle pouvait bien remplacerl’intelligencedusélectionneurartificiel?CesontseslecturesdeMalthus qui vont permettre à Darwin de proposer à cela uneréponse. Dans son ouvrage où il s’inquiétait d’unesurpopulation,Malthusavaitattirél’attention,surlefaitquelapopulationhumainedevraitaugmenterdemanièreprodigieusesicettecroissancenerencontraitpasdesfreinsimportantscomme

les maladies, les épidémies, les famines, les guerres, lescatastrophes naturelles, tremblements de terre ou autres. Cesanalyses de type démographique débouchaient sur un concept,celui de survie, que Darwin étendit à l’ensemble des règnesanimal et végétal. Cela le conduisit à l’idée que la survie desindividus d’une espèce donnée, dans un certain contextebiologique,devait jouerunrôlecléensélectionnantdanscetteespèce, parmi les individus affectés de petites variations, ceuxquiavaientbénéficiédeschangementsleurpermettantd’êtrelesmieux armés dans la compétition au sein de l’espèce pour lasurvie. Darwin considéra donc que la sélection naturelleconsistantdanslasurvieduplusapteétaitsusceptibled’êtrelemécanisme requis pour une différenciation progressive desespècesàpartird’unrameaucommun.

Extrapolationdespetitesvariationsautransformismegénéralisé

Darwinétaitdoncàmêmedeproposerunmécanismenaturelsatisfaisant pour la raison permettant de rendre compte d’unedifférenciationprogressivedesespècesvoisines.Reprenantalorsàsoncompte l’idéed’untransformismeuniversel,à lasuitedesongrand-pèreetdetransformistesillustrescommeLamarckouGeoffroy Saint-Hilaire, Darwin postula que toutes les espècesvivantes dérivent d’un ancêtre commun dont elles se seraientéloignées progressivement en empruntant le mécanisme de lasélection naturelle privilégiant les petites variationsavantageuses.Maiscettehypothèsed’uneévolutionprogressive,pournepasêtredéraisonnable,supposaitquelatransformationdesespècesaitpubénéficierdetrèslonguespériodesdetempsincompatiblesavecl’idéequebeaucoupsefaisaientalorsd’une

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Darwinquinelereçutqu’enjuin1858.IllepriaitnonpasdelesoumettreàunerevuescientifiquemaisdeletransmettreàLyells’ildevaitluitrouvaitquelquevaleur.

Dans l’essai de Wallace, Darwin, retrouva de manièresynthétique les conclusions auxquelles il était parvenu de soncôtéaucoursdesesvingtdernièresannéesderecherche.Toutàfait convaincu mais désemparé par la maladie de l’un de sesenfants, il communiqua l’essai de Wallace à Lyell en luidemandantde le faireparaîtredansune revue.Cedernier prit,nous l’avonsvu, l’initiativedepublier l’essaideWallace,enyjoignantdesinéditsdeDarwinsurlaquestionquimontraientlaprioritédecelui-ci.

SilesidéesdeDarwinetdeWallaceétaientsensiblementlesmêmes, l’on pouvait cependant observer des différences,Wallace mettant l’accent sur la pression qualifiée aujourd’huid’écologiquecontraignantlesvariétésetlesespècesàs’adapterà leur environnement ou bien à s’éteindre, alors que Darwinmettait en avant la compétition entre individus de la mêmeespècepoursurvivreetsereproduire.

*

Darwinapparaîtcommeunhommedebien,épouxtendreetprévenant,bonpèredefamille, faisantpassersesenfantsavantsareconnaissancescientifique,amifidèlemalgrélesdivergencesdeconvictions.Sedestinantaudépartàdevenirpasteuranglicandansunvillagedecampagne,ils’éloignaprogressivementdesescroyancesreligieusespourfinirparsereconnaîtrecomplètementagnostiqueàlafindesavie.Plusintéresséparsafamilleousesrecherches que par l’argent et les honneurs, il apparaît peupréoccupé par les questions d’antériorité ou de propriété

intellectuelle,commel’attestesonattitudevis-à-visdeWallace,ce qu’il est bon de souligner quand on pense aux querellesd’antérioritésurl’inventionducalculdifférentielentrelesdeuxsavantschrétiensquefurentLeibnizetNewton.

Aimant les plantes, les animaux et les enfants, ce donttémoignent sa famille nombreuse, et son retour à la campagnedanssavieillesse,ilsepassionnapourlescuriositésdelanaturebienavantsonpéripledecinqansautourdumonde.Darwinestessentiellement un naturaliste, savant, curieux et désireux decomprendre par lui-même, ce qui le conduisit à construire unethéorie qui le satisfasse. Au cours du développement de sathéorie, il ne paraît avoir été influencé ni par les idéesévolutionnistes de son grand-père, ni par celles de Lamarck,même s’il a adopté l’idée de la transmission des caractèresacquis,étantlui-mêmeauxantipodesduvitalismedunaturalistefrançais.Celuiquifutsaprincipalesourced’inspiration,cefutlegéologueLyell,alorshostileàlatransformationdesespèces,qui, par sa théorie actualiste, lui fournit l’idée permettant dejustifierunetransformationdesespècesfonctionnantdepuislestemps reculés, selon des mécanismes encore à l’œuvreactuellement.

Partant initialement d’une vision fixiste, Darwin n’estparvenu à l’idée de transmutation des espèces queprogressivement et en s’appuyant seulement sur des argumentsempiriques. C’est pourquoi, lui qui est maintenant considérécomme le père de l’évolutionnisme, ne peut en aucun cas êtreconsidéré comme un idéologue de l’évolution. Pensons parexemple à sa forte réticence à l’égard de la théorieévolutionnistedeSpencerquecedernierdiffusaavantquen’aitparuL’Originedesespèces,etàlaquelleDarwinreprochaitsonmanquederigueuretsoninutilitéscientifique.

C’est à cette lumière qu’il faut interpréter les différentesgénéralisations de la théorie darwinienne : d’abord sonextrapolation permettant de passer de l’évolution intéressantespèces et genres voisins à celle affectant ordres, classes etembranchements ; ensuite son extension des animaux àl’Homme, conduisant à soutenir une descendance animale del’Homme. Il semble qu’il faudrait reconnaître dans cesgénéralisations,latendancecommuneàbeaucoupdethéoriciensayantobtenudesrésultatsfécondsdansuncertaindomaine,deprocéderàlagénéralisationdeleurthéorie,etnonlefruitd’unevolontémonistederéduirelepsychiqueàl’animal.Bref,cefutla logique de ses démarches scientifiques et non desprésupposés philosophiques qui ont mené Darwin à desconclusionsdont les implicationsphilosophiquesnepouvaientpasnepasallerdanslesensd’unmatérialismemoniste.Certainss’en empareront par la suite malgré sa volonté manifestée demanière explicite de maintenir sa théorie sur un terrainscientifique loin de la philosophie et à l’écart des polémiquesreligieuses.

Pour terminer, il faut remarquer que la théorie de Darwinétait « dans l’air », ainsi qu’en témoignent les découvertessimultanéesdeWallace.Cela signifiequ’avecousansDarwin,le darwinisme aurait vu le jour.Ajoutons que, siDarwin s’estmontréunsavantdegrandequalité,iln’yacependantrienchezluiqui ledistinguede lapléiadedessavantsdequalitédesonépoque.Eneffet, sises travauxsontoriginauxetcohérents,saconstruction théorique n’en demeure pas moins simple, carreposant sur des concepts aisément compréhensibles ; onpourrait même dire que la théorie darwinienne relèverait dusimplebonsens si elle se limitait à lamicro-évolution.Onestdonc loin des grandes synthèses théoriques de très grands

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autre,cequiexclutcomplètementtoutordreséquentieldustylede ceux qui interviennent dans les schémas transformistes desespèces. Compte tenu de ce raisonnement, on comprend doncpourquoi, bien qu’il fût tout disposé à prendre en compte descausesnaturellespourrendrecompted’unéventuelprogrèsdelavie, Owen rejeta l’évolutionnisme encore que de manièreambiguë vers la fin de sa vie. C’est dans cet état d’esprit quel’onpourraitqualifierdepositivismeméthodologiquequ’Owenécrivit ce qui fut l’une des premières et des plus importantescritiques de L’Origine des espèces de Darwin. Il y affirmaitqu’il ne voyait parmi les organismes vivants ou les fossilesaucunepreuveenfaveurdel’idéedetransformationsgraduellesdesespèces.Lesconceptionsd’Owensontdéveloppéesdanssontraité en trois volumesAnatomie des vertébrés, paru en 1866,septansaprèsceluideDarwin.

S’inscrivant dans une conception également typologique,Louis Agassiz considérait les écarts entre les grandes classesd’êtresvivantscommedesdiscontinuitésinfranchissables.Ilfutdonc lui aussi pour cette raison hostile jusqu’à la fin de sesjours à l’évolutionnisme darwinien faisant appel à une visiongradualiste de la transformation des espèces. C’est pourquoiAgassizqualifiaitlesnaturalistesévolutionnistesàlarecherched’unegradationprogressivechez lesêtresvivantsdechasseursde fantômes. Par ailleurs, il était persuadé que seul l’attraitintellectuel, voire la fascination, inhérents au concept decontinuité inclinait lesnaturalistesà interpréter l’ensembledesobservations des êtres vivants dans une perspectiveévolutionniste darwinienne. Vers la fin de sa vie, il se trouvaisolédesesnombreuxélèvesquis’étaienttousralliésauxvuesévolutionnistes.

Ajoutons qu’Owen et Agassiz se référaient dans leurs

discussions portant sur l’hypothèse de l’évolution, à despossibilités de créations comme le faisait déjà Cuvier. Parailleurs, les extrapolations du darwinisme impliquant uneorigineanimalepourl’humanitélesheurtaientdansleursvisionsphilosophiques et religieuses de l’Homme. Il a été souvent debontond’expliquerl’hostilitédecessavantsàl’évolutionnismepar des motifs d’attachement religieux étrangers à la méthodescientifique.Orc’estfairefidesdifficultésscientifiquesqu’ilssoulevaientetquisontloind’êtredevenuescaduques.

OppositiondeKarlvonBaer,lefondateurdel’embryologie

Karl von Baer (1792-1876), biologiste estonien d’origineallemandequipartageasacarrièreuniversitaireentrel’anatomie,l’ichtyologie l’anthropologie, l’ethnologie et la géographie, estconsidéré comme le père de l’embryologie moderne et lefondateur de l’embryologie comparée. Ses découvertes enembryologie animale le conduisirent à établir des lois quiportentencoresonnometquiinspirèrentlaloibiogénétiquedeHaeckel dans sa formulation selon laquelle les processus dedéveloppement embryologiques d’un individu récapitulentl’évolutionayantaboutià l’espèce lecaractérisant.Ces loisdevon Baer au nombre de quatre, qui seront annexées parl’évolutionnismeàlasuitedeHaeckel,méritentpourcelad’êtrecitéessuccinctement.

La première loi affirme qu’au cours du développementembryonnaire, les caractères généraux apparaissent avant lesparticuliers ; par exemple, au cours du développementembryologiqued’unchienlescaractèrescommunsauxvertébrésapparaissent avant ceux caractérisant un mammifère, et ces

derniersavantceuxquisontpropresauxcarnivores.Lasecondesoutientquelesstructureslesmoinsgénéralesdériventdesplusgénérales. La troisième stipule que l’embryon d’un animalappartenantàuntypedonnéesttoujoursdifférentdesembryonsdes autres formes. Enfin la quatrième précise que l’embryond’un animal supérieur ne ressemble jamais à l’adulte d’uneespèceinférieure,maisseulementàsonembryon.

Le paradoxe est que von Baer, quoi qu’ayant envisagé lapossibilité de processus évolutifs bien avant Darwin, loin detirerdesloisqu’ilavaitétabliesdesconclusionsévolutionnistes,futaucontrairefoncièrementhostileauxidéesdarwiniennes,lesraisons de son opposition irréductible étant à la foisphilosophiquesetscientifiques.

HostilitédeFlourens,legrandsoutiendePasteursurl’impossibilitédelagénérationspontanée.

Le physiologiste français Pierre Flourens (1794-1867),auteurdetravauximportantssurlesystèmenerveux,quisuccédaà la chaire de Cuvier au Collège de France, membre del’Académie française et secrétaire perpétuel de l’Académie desSciences,publiaen1864uneanalysedes travauxdeDarwin22dontlescommentairesétaientnégatifs,mêmes’ilyreconnaissaitl’œuvre d’un homme de talent. Ce que Flourens reprochait àDarwin, c’était de faire de la philosophie, plus que de labiologie.Cetteanalysenégativedoitêtresituéedanslecadredudébatpassionnéqu’il y avait alors enFrance sur lapossibilitéd’apparition spontanée de minuscules êtres vivants, lesmicrobes,auseindemilieuxphysico-chimiques;unethèsequi

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progressive de la révélation adaptée à l’évolution intellectuelleet spirituelle du peuple hébreu, ou encore Maurice, allantjusqu’àpercevoir les travauxdeDarwin etHuxley commeunesortederévélationnaturelle,etleursauteurscommedesmodèlespourleshommesd’Église.

Dans l’Église catholique on a qualifié de transformismeanthropologique la doctrine de ceuxqui, admettant la créationimmédiate de l’âme spirituelle par Dieu, soutenaient quel’organisme humain est le produit de l’évolution naturelle etspontanéed’unesoucheanimale,sansquel’auteurdelanaturesoitintervenud’unemanièrespécialepoursonapparition.Troispositions théologiques se sont alors exprimées sur cetransformisme anthropologique. La première le considéraitcommecontraireàlafoi,tandisquelasecondel’estimaittoutàfait conforme. Enfin la troisième, intermédiaire, l’admettait àconditiond’insisternonseulementsurlacréationimmédiatedel’âmeparDieu,maisencoresurlemonogénismeimpliquéparlepéché originel. Ceux qui comme les frères prêcheurs Zahle etLeroyouMgrBonomellipenchèrentunpeurapidementpourlaseconde position théologique durent se rétracter faute d’êtrepasséssurlaquestionépineusedupéchéoriginel.

Pourmieuxcomprendrecedernierdébat, il fautsavoirquelemonogénismeest ladoctrine selon laquelle ilyauncoupleprimitifàl’originedel’humanité.Lemonogénismes’opposeaupolygénisme selon lequel il y aurait eu plusieurs couplesprimitifs et non un seul. Ajoutons à cette distinction entremonogénisme et polygénisme, une autre entremonophylétismeet polyphylétisme. Selon lemonophylétisme, il y a eu un seulrameauconstituéd’unouplusieurscouplesprimitifsàl’originede l’humanité alors que selon le polyphylétisme ce seraitplusieursrameauxconstituantune«population»ausensdela

génétiquedespopulations.Danslalittérature,onconfonddansle vocabulaire monogénisme et monophylétisme de même quepolygénisme et polyphylétisme, ce qui peut prêter à desinterprétationserronées.

Dudarwinismeauxidéologies

Haeckel

Nous avons vu plus haut qu’avec Huxley, Haeckel fut lesecond savant à s’engager de manière combattante sous labannièredudarwinisme.Haeckelnesecantonnera,pascommeDarwin,dansundomaineexclusivementpositifmaisinscriraledarwinismedansuneperspectivephilosophiquequ’ilcampadela manière suivante30 : « Les directions diverses de laphilosophie, envisagées du point de vue actuel des sciencesnaturelles,seséparentendeuxgroupesopposés:d’unepart laconception dualiste où règne la scission, d’autre part laconceptionmonisteoùrègnel’unité.Àlapremièreserattachentles dogmes téléologiques et idéalistes ; à la seconde lesprincipes réalistes etmécaniques. Le dualisme au sens le pluslarge sépare dans l’univers deux substances absolumentdifférentes,unmondematérieletunDieuimmatérielquiseposeen face de lui comme son créateur, son conservateur et sonrégisseur. Le monisme par contre […] ne reconnaît dansl’univers qu’une substance unique, à la fois Dieu et Nature ;pour lui le corps et l’esprit ou la matière et l’énergie sontétroitement unis. Le Dieu supraterrestre du dualisme nousconduit nécessairement au théisme ; le dieu intracosmique dumonisme au panthéisme. […]Nous nous en tenons fermement

aumonismepur,sansambiguïté,deSpinoza:lamatièreentantquesubstanceindéfinimentétendueetl’espritouénergieentantque substance sentante et pensante sont les deux attributsfondamentaux, les deux propriétés essentielles de l’Êtrecosmiquedivinquiembrassetoutdel’universellesubstance.»

Or, ce choix moniste, Haeckel le fait au nom del’évolutionnismedarwinistequiselonluienaapportélapreuvedéfinitive :«Lepanthéismeestnécessairement lepointdevuedes sciences naturelles modernes. » Haeckel soutiendra doncavec force et tapage que l’évolutionnisme – qu’il affirmait,prouvé sans appel possible – entraînait à titre de conséquenceinéluctable une vision philosophique panthéiste de typematérialiste qu’il prétendait pouvoir rattacher au monisme deSpinoza. Et sur cette lancée, il s’engagea dans ce que l’onpourrait qualifier de croisade anticléricale. Il utilisa alors ledarwinisme comme brûlot, comme le faisait déjà le biologisteprussien Karl Vogt (1817-1895). Celui-ci, ayant dû s’exiler àcause de ses engagements politiques contestataires, devintprofesseuràGenèveaprèsavoirétél’élèved’Agassiz.Biologistereconnu et matérialiste militant, il intégra à sa panoplieidéologique l’évolutionnisme mécaniste du naturaliste anglais,qu’ils’employaàdiffuserautourdelui.

Renan

L’analyse d’Haeckel conduisant à faire du darwinisme uneconfirmation scientifique du monisme métaphysique peut êtrerapprochéedecelled’ErnestRenan(1823-1892)quivoyaitdanscette théoriebiologiqueuneconnaturalitéavec lemonisme.Eneffet,l’ancienprofesseurenexégèsed’ungrandséminaireayantperdu la foi, l’auteur rationaliste de La Vie de Jésus et de

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leursystèmedepensée.Bienplusl’opinionpubliquecultivéevaadhérer à ce courant de pensée. Les raisons de ce ralliementmassifàl’évolutionsontdiverses.Ilyacertainementenpremierlieu le fait que l’évolution permet d’appréhender l’apparitiondansle tempsdesdifférentesformesvivantesdansunmodedepensée permettant d’intégrer la diversité des êtres vivants dansuncontinuumspatio-temporel,d’unemanièreanalogueàcequise faisait déjà en physique. Cela explique le ralliement desrationalistes commeRenan,mais aussi celui de tous ceux quiétaientséduitsparlesdécouvertesgénéréesparlaméthodologiescientifique. Mais il y avait également, et surtout, en cettepériode qui est celle de la Belle Époque, le fait quel’évolutionnisme biologique allait dans le sens de l’idéologieprogressisteduSiècledesLumières.Pensonsparexempleà laproclamationdefoibéatedeCondorcet(1743-1794)affirmant«qu’il n’a été marqué aucun terme au perfectionnement desfacultés humaines ; que la perfectibilité de l’Homme estréellementindéfinie35».

Lenéo-darwinismeouthéoriedeWeismann

Maislaissonscescourantsdepensée,pournoustournerversceluiquipeutêtreconsidérécommelepremiergrandsuccesseurdeDarwin, à savoirAugusteWeismann (1834-1914).Celui-ci,qui fut parmi les premiers biologistes à devenir darwinien, futégalement le premier à repenser la théorie de Darwin au seind’une synthèse plus vaste incorporant de nouveaux éléments.Nous avons vu que Darwin était loin d’avoir écarté l’idéelamarckienne d’une transmission héréditaire des caractèresacquis. Weismann quant à lui écarta cette possibilité. Ilcommença par distinguer au sein des êtres vivants le soma du

germen, c’est-à-dire l’ensemble du corps d’un côté, et lescellulesgerminalesoureproductricesdel’autre,lesdestinéesdusoma et du germen divergeant dès les premiers stades dudéveloppement embryonnaire. Il posa ensuite que lestransformations évolutives ne peuvent s’accomplir que dans legermen, alors que c’est le soma qui est concerné par lescaractèresacquisaucoursdelaviedel’individu.Ilendéduisitl’impossibilité de transmettre héréditairement des caractèresacquis au cours de la vie. Dans ces conditions seules desvariations du germen peuvent affecter les mécanismes del’évolution.Etcesontdoncuniquementcesdernièresquisontàl’originedesvariations impliquéesdans la théoriedarwiniennequeWeismann reprend alors entièrement à son compte. C’estcette théorie de Weismann rejetant la thèse lamarckienne descaractères acquis, et qui est connue sous le nom de néo-darwinisme,quiaaccrédité l’idéeerronéed’opposerDarwinàLamarcksurlaquestiondel’héréditéoudelanon-héréditédescaractèresacquis.Précisonsparailleursquecequifitlaforcedela distinction de Weismann entre germen et soma, ce fut ladécouverte des deux grands types de divisions cellulaires, lamitoseconcernantlesoma,etlaméioselegermen.

MendeletHugodeVries

Hugo de Vries (1848-1935), botaniste hollandais, futconvaincuparlelivredeDarwindèssaparution.Ildécouvritlephénomène des mutations, ces petites transformationshéréditairement transmissibles. Il fut aussi l’un de ceux quifondèrentlagénétiqueenredécouvrantetperfectionnantlesloisdeMendel (1822-1884) portant sur la transmission héréditairedes caractères dominants et récessifs. Ajoutons que ces

découvertes empiriques devinrent immédiatement intelligiblesdans le cadre de la découverte du brassage des chromosomeslorsdelaméiosegénérantlesgamètesmâlesetfemelles,puisdela fécondation résultant de la fusion de ces gamètescomplémentaires.Onenvintrapidementàdéfinirlegènecommeétant la petite partie d’un chromosome, responsable d’uncaractère transmissible demanière héréditaire, avec le postulatassociantcaractèresetgènes.

Lathéoriesynthétiquedel’évolution

JulianHuxley,petitfilsdeThomasHuxley,l’amideDarwin,repritlathéorienéo-darwiniennedeWeismannenyincorporantlesdécouvertesdeHugodeVriesconcernant lesmutations.Cetravaildesynthèseentredeuxdomainesquineparaissaientpasfacilementconciliablesconduiraàcequi seraquelquesannéesplus tard la théorie synthétique de l’évolution. Cette nouvellethéorievaviteseperfectionnergrâceauxdécouvertesdeMuller(1899-1965)portantsurlanatureélémentairedugène,etgrâceaussiauxméthodesdelagénétiquedespopulationsdéveloppéesprincipalement par Fisher36 (1892-1964), et le biomathématicienJohnHaldane37(1892-1964).Ilfutalorspossibled’approfondir les intuitions de Julian Huxley38 de manière àrelier l’évolution à la génétique. Enfin, s’appuyant sur cesnouveauxoutils,lesétudes39deTheodosiusDobzhansky(1900-1975)portant sur lespopulations, cellesdeGeorgeSimpson40

(1902-1984) touchant à la paléontologie, et celles41 d’ErnstMayr (1904-2005) en zoologie ont donné à la théorie néo-darwiniennedesbasesscientifiques.

Pour la compréhension de la suite de notre exposé, une

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darwinienne, il faut aussi accorder une place à la théorieneutraliste de l’évolution moléculaire de Kimura (1924-1994)qui est maintenant largement acceptée. Au début des années1960, les biologistes évolutionnistes adhérant à la théoriesynthétiqueétaientd’accordpourpenseravecErnstMayrqu’«ilétaithautementimprobablequ’ungènequelconquepuisserestersélectivementneutresurunelonguepériodedetemps».Orc’estcetteaffirmation importantequeKimuravacontrediredanssestravaux théoriques. Ce dernier a appliqué les méthodesmathématiques utilisées en physique statistique des processusirréversibles pour étudier, à l’aide d’équations de diffusion, laprobabilité de fixationqu’unemutation apparaissant isolémentdans une population possèderait un avantage sélectif donné.Appliquantsesméthodesàlagénétiquedespopulations,Kimuraet son école sont arrivés à la conclusion que la plupart desmutations seraient neutres, voire insignifiantes ou abortives. «On pouvait désormais utiliser la théorie de la génétique despopulationspouressayerdecomprendrelafaçondontlesgènesévoluaient. On s’attendait à ce que le principe de la sélectionnaturelle s’appliquât à ce niveau élémentaire […] L’image deschangements évolutifs qui se dégage en fait des étudesmoléculaires me semble tout à fait incompatible avec lesprédictionsdunéo-darwinisme51.»

Cesconclusionsquireposentsurdesanalysesquantitativesontlemérite,soulignéparleurauteur,depouvoirêtredémentiespar des investigations ultérieures, ce qui prouve le progrèsscientifique réalisé par rapport aux études qualitativesprécédemmentréalisées.

TravauxdeVanValen

Parmi les nouveautés intervenant dans la théorie del’évolution,onnepeutpasnepasciterlestravauxdeVanValen.Dèslespremierstempsdelapaléontologie, ilavaitétéobservéquelestracesdesdifférentescatégoriesdefossilesdisparaissentgénéralementdesstratesgéologiqueslesplusrécentes,cequifutlepointdedépartdesthéoriescatastrophistesdudébutduXIXesiècle. Ce phénomène, qui a été amplement confirmé depuis,impliquequelesdifférentsgroupesfinissentleplussouventpardisparaître. Van Valen, eut l’idée d’étudier la question demanièrequantitative.Ilfitportersonétudesurplusieursmilliersde taxons fossiles. Il établit une relation empirique reliant letempsde surviedes taxons à leurnombre, de laquelledécoulaque, quelle que soit l’ancienneté du taxon, sa probabilité dedisparition demeurerait la même. Ces conclusions que sonauteureutenpremier lieudumalàpubliersemblent impliquerque,quandbienmêmelesespècesévolueraientets’adapteraient,les taxons qui ont existé depuis longtemps ne sont ni plus nimoinsadaptésà leurenvironnementqueceuxquisontapparusplusrécemment.

Pour rendre compte de ces difficultés dans le cadreévolutionniste,VanValena fait appel àunehypothèse connuesous le nomdeprincipe de la reine rouge. Selon celle-ci, lesespèces avec lesquellesuneespèce interagit et qui évoluent enmêmetempsqu’elle,modifientcontinuellementl’environnementdecettedernièreenréduisantànéantlesavantagessélectifsdestraits nouveaux, et en la forçant par là même à évoluer pourdemeurer compétitive dans la course.Cettemanière d’analyserl’évolution en termes d’espèces antagonistes qui peuts’appliqueràdescouplesd’espècesprédateurs-proiestrouveunchampd’applicationintéressantdansledomaineduparasitisme.Ainsi,toutchangementadaptatifsélectionnéchezl’hôteparasité

modifielepaysageduparasiteetréciproquement52.Cequiestàsouligner ici, c’est un élargissementde la sélectionnaturelle àune compétition entre espèces et non plus seulement entreindividus.

Unesortederéactualisationdarwinienneducatastrophisme

Cetélargissementde lasélectionnaturelleà lacompétitiondes individus entre espèces, se retrouve actuellement dansd’autresdomainesderecherchesliésàl’évolution.Considéronsainsi les disparitions massives de groupes entiers d’espècesfossiles,parexemplel’extinctionbrutaledetouslesdinosaures,constatéesdéjàparlespremierspaléontologistes,lesquels,pouren rendre compte, avaient, on s’en souvient forgé la théoriecatastrophistequecontreditlathèseactualistedeLyellrepriseàsoncompteparDarwin.Lapriseencomptedecesextinctionsest unmoyen d’étendre la compétition entre individus au seindes espèces, à la compétition entre espèces. Comme le ditCombes : « L’histoire du globe apparaît profondément etfréquemmentbouleverséepardesévénementsextrêmes.Ceux-ci[…] sont à cause de leur amplitude, responsables d’unesélection sévère, non entre les individus d’une espèce, maisentre les espèces,oumêmeentredes clades. […]Ainsique lemontrent les extinctions en masse, les événements extrêmesouvrentdesespacesetredistribuentlescartesdumondevivant,offrantauxsurvivantsdesopportunitésderadiation.Lacapacitédesurvieàdesconditionsdemilieusemodifiantbrusquementfavorise certaines espèces dans les écosystèmes, bien plus quecertains individus dans les populations. […] La médiatisationactuelledequelquesgrandesextinctionsenmassedissimuledes

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M

ChapitreV

Considérationssurlenéo-darwinisme

« Nous avons uneimpuissancedeprouver,invincible à tout ledogmatisme.Nous avons une idée de lavérité,invincible à tout lepyrrhonisme.»

PASCAL,Pensées.

aldamés’estexpriméainsisurlestatutdelathéoriedel’évolution : «Le terme d’hypothèse ne convient paspour qualifier ce que la science appelle aujourd’hui

l’évolution biologique. Celle-ci repose sur un ensembleextrêmement large de faits et offre donc non une ébauched’explicationmais une assise universelle pour une explicationdes êtres vivants qui rend raison de l’ensemble des faitsbiologiques. Elle explique pourquoi les vivants sont ce qu’ilssont dans la diversité de leur forme et la communauté de leurstructure. Or, en l’état actuel des connaissances, la théorie del’évolutionestlaseuleàpouvoirrendreraisondelatotalitédesfaits. Elle ne saurait être réduite au statut précaire del’hypothèse. » Cette appréciation qui n’est pas inintéressante,mérite cependant un certain approfondissement qui est l’objetduprésentchapitre.

Caractèresd’unethéoriescientifique

Avantderéfléchirsurl’évolutionnismeetsesinterprétationsthéoriques, il peut être bon de s’arrêter quelque peu sur lemécanisme et le monisme méthodologiques, et aussi sur lescritèresd’unethéoriescientifique.

Commençons d’abord par lemécanisme dont les principesremontent à Descartes (1596-1650). Comme on le sait « cechevalierquipartitd’unsibonpas»,distinguaitdeuxtypesdesubstances, la pensée et l’étendue, irréductibles l’un à l’autre.Eneffet,ilyavaitselonlui,d’unepartlessubstancespensantes,rescogitans, comme l’âme etDieu, l’un et l’autre au cœur deses Méditations métaphysiques, et de l’autre la substanceétendue, res extensa, de laquelle relèvent, non seulement lesréalitésphysiques,maisencoretouslesvégétauxetlesanimaux,y compris les hommes dans leur dimension corporelle. Parailleurs,Descartes soutint le projet d’édification d’un systèmede connaissances complet, dans lequel il faudrait pouvoirparvenir à rendre compte de toutes les réalités relevant del’étendue,etdoncde toutcequiappartientà l’universexceptélesâmes,danslecadredelafigureetdumouvement.Ilestclairquedanscetteperspective, les réalitésnonspirituelles relèventcomplètementdelaclartéintelligibledesmathématiques.

Cettemanière d’appréhender la réalité, c’est lemécanismequideviendrapar la suite leprincipedirecteurd’un trèsgrandnombre de savants. Elle se révélera féconde au point que l’onaura souvent tendance par la suite à assimiler la démarchescientifique au mécanisme. Précisons cependant que cemécanisme méthodologique restera toujours subordonné chezles savants à l’observation et aux expériences, les réalitésempiriques se devant d’avoir toujours le pas sur les

constructions intellectuelles. Ajoutons aussi que certainspenseurs, renonçant aux grandes intuitions du mécanismefondéesmétaphysiquementsurlecogito,enviendrontàrécuserla distinction fondamentale de Descartes entre la pensée etl’étendue, étendant ainsi le mécanisme à la dimensionspirituelle.Cesera lemécanismemétaphysiqueleplussouventmatérialiste,qu’il fautdistinguerdumonismemétaphysiquedeSpinoza. Il est clair que le mécanisme n’est pas une théoriescientifique, mais ce que l’on pourrait appeler une grilled’analysescientifique.

DepuisDescartes, de nombreuses disciplines scientifiques,etenparticulierlesdifférentesbranchesdelaphysiqueetdelachimie se sont construites selon les grands principes dumécanisme, quitte pour certaines, comme la mécaniquequantique, à l’abandonner en cours de route. Les disciplinesrelevant de la biologie ont dans leur ensemble été plutôtréticentes, au départ, à adopter le mécanisme, en sorte qu’ilfaudraattendrelesdéveloppementsrécentsdelabiochimieetdela biologie moléculaire pour que le mécanisme acquière sestitresdecréditdanslessciencesduvivant.

Par ailleurs, il y a à côté du mécanisme, une autre grilled’analyse qui lui est apparentée sans se confondre avec lui ;c’estlemonismeméthodologique.Commel’afortbienanalyséMeyerson, la démarche scientifique tend à relier les différentsaspects étudiés en un tout unifié. L’application de cettedémarcheconduità l’élaborationde théoriesscientifiquesdontlesdegrésderigueursontvariables.Certes, ilestclairqu’ellesdoivent toutes être en accord avec les observations et lesexpériences.Maiscelanesuffitpasàfairequ’unethéoriepuisseêtreditevraimentscientifique.Ilfautqu’ellepuisserelierentreellesdenombreusesobservationsetenprévoirdenouvellessans

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rendrecompte,cesexemplesprovenantdel’histoiredessciencesmènent à recommander la prudence dans la généralisation desthéories.Lespartisansdel’extrapolationdunéo-darwinismeàlamacro-évolution, pourraient rétorquer qu’il n’y a pas defrontière discernable entre micro et macro-évolution, d’où lapossibilité de transposition du domaine limité au domaine leplus large. Mais cette éventuelle réponse à l’objection n’yrépond point, car il n’existe pas non plus en physique defrontière entre grandes et petites vitesses, ni entre échellesmicroscopiquesetmacroscopiques.

L’extension de la théorie synthétique à la macro-évolutionsoulèved’autresquestions.Ellerevienteneffet,àrendrecomptepar lehasardde toutes lesémergences,autrementditde toutesles nouveautés évolutives fondamentales, manifestant uneapparence de finalité interne, la nécessité n’étant là que pourrecueillircellesquisontfécondes.Lehasard,lesévolutionnistesdarwiniens le définissent à la suite de Cournot (1801-1877)comme la rencontre entre des séries causales indépendantes.Mais le hasard, loin d’être une explication est une absenced’explication,car,entouterigueur,rendrecompted’uneréalité,autrement dit chercher ce qui la cause, c’est trouver pourquoielleestnécessairementainsietpasautrement.

Danscetteperspectiveselonlaquelleiln’yadesciencequedunécessaire,expliquerdemanièrescientifiquementrationnellel’émergence des grands plans architecturaux des organismes,seraitrendrecomptedeleurcaractèrenécessaire,aumêmetitrequecelaapuêtreréalisépourlesatomesetdesmolécules,grâceaux développements prodigieux de la mécanique quantique.Mais il faut alors réaliser que lamécanique quantique n’a puparveniràcerésultatprodigieuxquegrâceàunrenversementdeperspectiveentrecequiestnécessaireetcequiestcontingent.

Alors que la physique classique faisait intervenir unenchaînement déterministe des phénomènes qui était incapablederendrecompteducaractèrenécessairedestypesessentiels,laphysiquequantique,enbutantauniveauleplusélémentairesurune certaine indétermination obéissant à une loi statistiquesimple,aétécapable,grâceprécisémentàcetteindétermination,derendrecompteducaractèrenécessairedestypesatomiquesetmoléculaires essentiels. Il faut ajouter que la mécaniquequantique laisse apparaître en filigrane des réalités physiquesqui ne se laissent pas enfermer dans une logique univoque,réduisant lesprincipesd’êtreàun registreuniqued’être (et cemêmesicelapeutsemblerparadoxaldelapartd’unedisciplines’inspirant de manière explicite d’un néopositivisme tendantchez certains vers l’idéalisme). Ce qui transparaît, c’est uneréalité mystérieuse, riche et profonde, résistant aux tentativesdes intelligences réductrices ; c’est non pas la dissolution del’être,maisdesprémissesdecequel’onappelleenphilosophiel’analogiedel’être.

Il faut donc souligner que le néo-darwinisme en cherchantdans la contingence un caractère explicatif, semble tourner ledosàl’unedesgrandesambitionsdelarechercherationnellequivise à la suite de Spinoza à percevoir la réalité commenécessaire. Si le néo-darwinisme devait demeurerincontournable, (ce qui ne peut pas être écarté a priori), celapourrait devenir un échec des ambitions de la rationalitéscientifique, car on reviendrait volens, nolens, à l’ignoramusignorabimusd’Helmholtz.

Remarquons dans la même ligne que les émergences deplans nouveaux d’organisation sont, selon la théorie néo-darwinienne,gouvernéesessentiellementpar le jeucombinéduhasard des mutations et de la sélection naturelle. Une telle

manière de penser implique plus oumoins, ici encore volens,nolens, d’admettre de longues successions de changementsfaisant intervenir une succession d’un nombre élevéd’événements peu probables. Il est alors difficile d’écarter unetentationde la pensée.Celle queSchützenberger, biologiste etmathématicien membre de l’institut a exprimée de la manièresuivante70:«Sil’onregardel’histoiredel’évolution,celanousfaitdesdizainesetdesdizainesdemilliersdemiracles.»Unetelle tentation reviendrait à interpréter la successiond’événements se déroulant au hasard comme une actionininterrompue de la Providence divine dont les desseins sontinsondables.Maisn’était-cepointcequepensaitdéjàAsaGray,ralliéimmédiatementàlathéoriedeDarwindontilfutl’undespremiersconfidents?

Unparadoxe:holismeenphysique,mécanismeenbiologie

Il est important de souligner que l’un des points forts dunéo-darwinisme est son aptitude à proposer une théorieexplicativedel’évolutionqui,évitanttoutappelàdesprincipesvitalistes et s’appuyant sur les découvertes de génétiquemoléculaire, s’enracine par là même dans les principesmécanistes.Maisilfautàcesujetobserverquesilemécanismeaobtenuses titresdegloireenphysiqueclassique, iladûêtredepuisprofondémentrepensé,sinonplus,afindepouvoirrendrecompte des propriétés moléculaires, atomiques, et infra-atomiques. En effet, il a fallu pour parvenir à cela que lamécaniquequantiqueprennelarelèvedelamécaniqueclassiquenewtonienne, lagrangienne ou hamiltonienne. Et on saitmaintenantqu’ilétaitimpossibled’enfairel’économie.Lecoût

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les efforts de classifications déjà malaisés du fait de ladéfinition de l’espèce reposant sur le critère d’interféconditédifficilesinonimpossibleàmettreenévidence.Ils’ensuitque,dansl’étatactuel,ilestseulementpossibled’établiruntableauchronologiquede l’apparitionetde laduréedechaqueespèce,la mise en évidence des filiations désirée pour unereprésentationévolutivedemeurantuneautrehistoire.

Parmi les êtres préhistoriques regroupés au sein du genreHomo,ontrouveenfinlegroupedesnéanderthaliensditsHomosapiens neanderthalensis échelonnés entre 300 000 et 30 000ans av. J.-C. et le groupe desHomo sapiens sapiens, dont lesplusanciensremontentàquelquesdizainesdemilliersd’années.Les représentants des deux groupes, qui ont cohabité pendantplusieursdizainesdemilliersd’années(lepremierfinissantpars’éteindre), enterraient leurs morts, (les premières sépulturesapparaissent vers 90 000 ans av. J.-C.). Le second groupe alaissé de nombreuses traces artistiques sous forme de gravuresrupestres.«Ilestabsolumentcertain,avecl’Homosapiens,qu’ils’agissedesapienssapiensoudesapiensneanderthalensis,quenousavonsfranchilafrontièreentrel’animaletl’Homme78.»

Dans la logique de la théorie synthétique, lestransformations supposées continues qui auraient conduit del’Homme à l’animal, devraient pouvoir être interprétées entermes d’une réorganisation quasi simultanée des différentesfonctions organiques qui distinguent l’Homme des singesanthropoïdes, lesquelles procèdent de développementsembryologiques spécifiques. Citons l’apparition de la bipédieavec lesmodifications requisesdubassinetvraisemblablementdu cervelet, celle de mains dotées d’une bien plus grandehabilitéetd’unebienplusgrandesensibilité,desmodificationsdu pharynx permettant la phonation articulée, et le tout

accompagné de profondes modifications du système nerveuxcentralpermettant le langage.«Ya-t-il euunpremierhomme,fils du dernier animal de la lignée, ou bien s’agit-il d’unetransition floueanalogueàcellede l’éveilde la conscienceaucoursdel’enfancedel’hommeactuel?[…]Cesquestionsn’ontpasderéponse.79»

Uncritèreméthodologique:l’Homme,entantqu’animalreligieux

Quand il s’agit de discerner chez les hommes ditspréhistoriquessionestounonréellementenprésencedesrestesfossiles d’un individu appartenant à l’humanité, le critèreméthodologique utilisé repose, non pas sur les outils utilisés,mais sur lamiseenévidenced’unculte réservéauxmorts.Onpeut citer à ce sujet le texte suivant, tiré d’une petiteencyclopédie dans l’esprit à la mode : « Souvent, lors del’inhumation,des restesd’objetsoud’animauxétaientdéposésprès du corps ou sur la dépouille elle-même. Ainsi, on adécouvertenIsraëlunenfantenterréavecdesboisdedaim;enFrance, lesépauleset la têted’unadulteétaientrecouvertesdetrois pierres plates. » Et ailleurs dans le même ouvrage : «L’analysedespollenstrouvésdansunedessépulturesenIrak,arévélé la présence de bleuets, de chardons, de prêles, de rosestrémières,d’herbesdeSaint-Jacquesetdemuscaris.Elledonneégalement une indication sur la période de l’année oùl’inhumationeutlieu.Cesespècesexistentencoreactuellementen Irak et certaines sont utilisées à des fins médicales. » Ouencore:«Laforteconcentrationdespollensautourdusqueletted’un néandertalien (60 000 av. J.-C.) laisse supposer que desfleursfurentdisposéesautourdesoncorps.»

Commeonpeutdoncs’enrendrecompte,ilapparaîtquelestraces de sépulture sont sans doute le critère le plus sûrpermettantauxpréhistoriensdediscernerlesrestesd’unhommedans les éléments fossiles d’un squelette rangé dans le genreHomo.Orquiditsépultureditcroyanceenunau-delà,etpartantadhésion à une idée plus ou moins confuse d’une survie del’âme,etenmêmetempsunevisionreligieusedel’univers.

Il peut être intéressant à ce sujet de donner la parole80 aupréhistorienHenri deLumley, ancien directeur duMuséumdeParis, auquel, entre autres, sont attachées les connaissancesportantsurl’HommedeTautavel.«Lacélébrationdesmystèresdelavieetdelamortestattestéepar lespremièressépultures.Lesoffrandesdéposéesdanslafossesépulcralequientouraientledéfuntavaientunefonctionrituelle:elleslesaccompagnaientdans l’au-delà… pour le voyage dans la vie future. Souvent,elles étaient saupoudrées d’ocre rouge, la couleur du sang,témoignagedelavie.Peut-êtrevoulaitonconserverl’énergieduvivant?Eneffet,sionenTerreunhommedansunefosse,etsion y dépose des offrandes, c’est qu’on pense que le défuntpoursuitsonaventuredansunevieau-delàdelamort.Etqu’ilya peut-être même une résurrection. Cette hypothèse sembleconfirméeparunesépulturetrouvéeenPalestine,quidatede95000ans.DanscettesépultureditedeQafzeh,unenfantdeneufansaétéenterrédansunefosse,lesmainslevées;iltientdanssesmains […] les cornes d’un cerf, avec des parties du crâneencore attachées. Or, dans la plupart des civilisationsméditerranéennes, en Europe, le cerf a souvent été considérécomme un symbole de résurrection, chez les Scythes, parexemple,etmêmechez leschrétiens,puisquesaintHubertvoitleChristapparaîtreentrelesboisd’uncerf.»

CesanalysesdeLumleypeuventêtrerapprochéesdeceque

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correspondàuneexponentielledécroissante.Lorsque la rochecontientdesfeldspathsetparconséquentdupotassium,ellecontient toujoursdes tracesde son isotope radioactif. L’hypothèse est que lorsque la roche se trouvaitsousformedemagmaliquideelleétaitnécessairementdégazée,detellesorteque l’argonquipouvait s’y formerétaitautomatiquementdissipé. Il résultede cette hypothèse que l’argon présent dans la roche n’a pu se formerqu’aprèsrefroidissementdumagmadontelleest issue.C’estpourquoi,dèslorsquel’onapudéterminerlaconstantedevitessedelatransformationdupotassium radioactif en argon, une mesure du pourcentage d’argon et depotassiumradioactifpermetdedéterminer ladateà laquelle lemagmas’estrefroidi. Or, il est établi expérimentalement qu’au bout de 1,25 milliardsd’années lamoitiédupotassium radioactif s’est transforméenargon.Danscesconditions,unemesuredonnant,pourunerochedonnée,unpourcentageégalpour l’argonet lepotassiumdont ilest issu,cequiest souvent lecas,impliqueun tempsde refroidissement remontant à1,25milliardsd’années.Cette méthode conduit pour la Terre à un âge de près de 4,5 milliardsd’années.32–TravauxdeEduardSTRASBURGER(1844-1912)sur lesplantes,et

deWalterFLEMMING(1843-1915)surlesanimaux.33–Membredel’AcadémiedesSciencesen1901,honorédelaMédaille

Darwinen1916.

34–FélixLEDANTEC,Darwin,LaRevuedeParis,5,1erOctobre1908.35 – CONDORCET, Esquisse d’un tableau historique des progrès de

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Press,1930.37–AMathematicalTheoryofNaturalSelection,sélectionde10articles

échelonnésentre1924et1934publiés,sauflepremier,danslesProceedingoftheCambridgePhilosophicalSociety.38–Evolution,theModernSynthesis,1942.39 – The Genetics and the Origin of Species, New York, Columbia

UniversityPress,1937.40 – Tempo and Mode in Evolution, New York, Columbia University

Press,1944.41 – Systematics and the Origin of Species, New York, Columbia

UniversityPress,1942.

42 –Georges SIMPSON,TheEvolution of life, 1960,Chicago,ChicagoPress,p.149.43–TheGuardianWeekley,26nov.1978,vol.119,22,p.144 – Michel DELSOL, l’Evolution biologique en vingt propositions,

Paris,Vrin,1991,p.344.45–Ibid.46–PATTERSON,Cladisticsbiologists,Biologists,27,1980,239.47 – Pascal TASSY, L’Arbre à remonter le temps, Paris, Diderot

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UniversityPress,London,1971.49 – Sir Gavin DE BEER, Embryology and evolution, in Evolution?:

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GUYADERinL’Évolution,Paris,Belin,1998,p.128.52–ClaudeCOMBES,Sélectionnaturelleetparasitisme, inPatrickTort

PourDarwin,PressesuniversitairesdeFrance,1997,p.927.53–ClaudeCOMBES,C.R.Géoscience340,2008,p.591.54–J.LEVINTON,leBigBangdel’évolutionanimaleinL’évolutionH.

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L’anti-transformisme de Louis Vialleton, in Patrick TORT, Pour Darwin,Paris,PUF,1997,p.597.65 – John TYNDALL, Presidential Adress to British Association G.

Robertson,Melbourne,1874,p.43.66–YvesDELAGE, laStructureduprotoplasmeet l’hérédité, 1904,p.

204.?67–PierreTEILHARDDECHARDIN,Études,n°167(1923),p.543.68–InTheEmergenceofDarwinismUniversityofChicagopress,1960,

p.?1.69 – Jacques MONOD, préface du livre de Ernst MAYR, Populations,

espècesetévolution,Paris,Hermann,1974.70–LaRecherche,Janvier1996,p.87.71–PetiteencyclopédieLarousse,1976,p.131.72 – Lire à ce sujet l’ouvrage récent de Rémy CHAUVIN, l’un de ses

disciplesconnus,leDarwinisme,oulafind’unmythe,Paris,Ed.duRocher,1997.73 – John BARROW and Frank TIPLER,The Anthropic Cosmological

Principle,OxfordUniversityPress,1986.74–RonaldNUMBERS,TheCreationists,FromScientificCreationismto

IntelligentDesign, Cambridge, Harvard University Press, 2006. Voir aussipouruneanalysecritiqueparfoispartialeJ.ARNOULD,Lescréationnistes,Paris,EdduCerf,Fides1996.75–ActesduCongrèsde1996del’AcadémiePontificaledesSciences,p.

140.76–Jean-MichelMALDAME,ibid.p.142.Cf.aussi,dumêmeauteur,la

postface du livre de Michel DELSOL,Darwin, le Hasard et Dieu, Paris,Vrin,2007.77 – Henry de LUMLEY, L’Homme premier, Préhistoire, évolution,

culture,Paris,ÉditionsOdileJacob,1998.78–ClaudeCOMBES,Ch.GUITTON,l’Hommeetl’animal,deLascaux

àlavachefolle,Paris,PourlaScience,1999,p.18.79–Ibid,p.25.

80–EntretienClio.fr,2007.81–JeanSERVIER,lesPortesdel’année82 –A ce titre l’article d’YvonQUINOU, professeur de philosophie au

lycéede laRoche-sur-Yon,Darwin, l’Église, lematérialisme et lamoraleparuà lapage45de l’ouvragecollectifdePatrickTORT,PourDarwin estl’exemple à ne pas suivre pour tout ouvrage universitaire de synthèse àvocationscientifique.C’estceluid’imposercommescientifique,àpartirdunéo-darwinisme,unevisiondel’Hommefoncièrementmatérialistefaisantenl’occurrence explicitement référence au matérialisme dit scientifiqued’Engels.83 – Philipp JOHNSON, Le Darwinisme en question, science ou

métaphysique?EditionPierred’angle,Paris,1996,p.197.84 – Michael DENTON, L’Évolution a-t-elle un sens ? Fayard, 1999.

Versionfrançaisedel’originalThelongChainofCoincidences.85 –D’après un article du journalLeMonde du 21 décembre 2005, En

juillet2005,unsondageeffectuéparl’InstitutPewestimequeprèsdesdeuxtiers des américains seraient favorables à l’enseignement du créationnismeou du dessein intelligent en plus de la théorie de l’évolution, et un tierssouhaiteraitleretraitpuretsimpledudarwinismedel’enseignementscolaire.p.96deARNOULD.86 – Phillip JOHNSON, Le Darwinisme en question, science ou

métaphysique?EditionPierred’angle,1996,p.226.87–EtienneGILSON,D’AristoteàDarwinetretour,Vrin,p.143.88–Ibid,p.88-89.89–D.LACK,ibid,p.114.90 – Cité parMichel DENTON, Évolution, une théorie en crise, Paris,

Flammarion,1992,p.80.91–Hermann,Paris,1974.