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Lady Durham et Jane Ellice

Dans le sillage des Patriotes

1838

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Les éditions du Septentrion remercient le Conseil des Arts du Canada et la Société de dévelop-pement des entreprises culturelles du Québec (SODEC) pour le soutien accordé à leur programme d’édition, ainsi que le gouvernement du Québec pour son Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres. Nous reconnaissons éga lement l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) pour nos activités d’édition.

Cette traduction a été réalisée avec le soutien financier de la SODEC

Les originaux du journal de lady Durham et de Jane Ellice se trouvent à Bibliothèque et Archives Canada, MG 24-A27 et MG24-A2

Lady Durham : Traduit de l’anglais (britannique) par Charles QuimperJane Ellice : The Diary of Jane Ellice, edited by Patricia Godsell, Oberton Press, 1975.

Traduit de l’anglais (britannique) par Caroline Lavoie

Illustrations de la couverture et de la quatrième de couverture : Le manoir seigneurial de Beauharnois – le piano, le « gros violon » et Les insurgés à Beauharnois en novembre 1838, aquarelles de Jane Ellice, Bibliothèque et Archives Canada

Conseiller éditorial : Alain MessierRévision : Fleur NeeshamRévision de la traduction du journal de lady Durham : Julien Bernard-ChabotIndex : Gwenaelle JaudetMise en pages et maquette de couverture : Pierre-Louis Cauchon

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La mission de Durham à travers le journal de deux femmes,

Jane Balfour1 et Louisa Grey2

Au moment de faire voter l’Acte constitutionnel en 1791, William Pitt le jeune est euphorique : « Les Canadiens [c’est-à-dire

les Canadiens français] seront maîtres de choisir leurs orientations […]. Ce sera l’expérience qui devra leur enseigner que les lois anglaises sont les meilleures ».

Leur attachement à « leurs coutumes, leurs lois et leurs mœurs » est non pas un préjugé mais bien « un attachement fondé sur la raison, et sur quelque chose de mieux que la raison, sur les meilleurs sentiments du cœur humain3 », ajoute son jeune cousin lord Grenville qui a piloté l’examen de la question canadienne.

La province de Québec sera divisée en Bas et Haut-Canada et des institutions parlementaires seront mises en place. Il n’y aura pas de distinction entre les anciens sujets, les Britanniques, et les nouveaux sujets, les Canadiens. Même si la carte électorale est tracée à l’avantage des concentrations d’électeurs anglais, la Chambre d’assemblée du Bas-Canada sera entre les mains d’une majorité de députés de langue française.

En principe, les députés sont des législateurs et ont la responsabilité de voter les lois ; ils doivent également contrôler les dépenses et approuver le budget. En pratique, les membres du Conseil législatif

1. Jane Balfour connue comme Katerine Jane Ellice à la suite de son mariage avec Edward Ellice, à une date inconnue.

2. Louisa Grey, fille du comte Charles Grey et de Mary Elizabeth Ponsonby, née en 1797 et mariée à lord Durham en 1816.

3. Denis Vaugeois, Québec 1792. Les acteurs, les institutions et les frontières, Fides, 1992, p. 77.

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interviennent dans le processus législatif et les conseillers exécutifs feront à leur guise sous l’œil complaisant des gouverneurs successifs.

Le problème politique est semblable dans les deux Canadas et il est normal qu’il y ait rébellion dans chaque province. Il est coutume de voir dans les rébellions de 1837-1838 un conflit à caractère ethnique. Dans sa biographie de lord Durham, l’historien Chester New, pro-fesseur à McMaster, résume bien le contexte. Sans revenir sur les multiples accrochages qui se sont développés au cours des ans, il rappelle que les résolutions émises à Londres par lord Russel en 1837 avaient mis le feu au poudre en autorisant, si nécessaire, le gouverneur à puiser dans les coffres de la Chambre d’assemblée sans l’autorisation des députés. « Rendu à cette étape, la lutte était dirigée contre le despotisme d’une oligarchie locale et la seule faute du Gouvernement britannique avait été l’ignorance4 ». Le spectre de la récente révolution américaine s’imposa de part et d’autre. Les Fils de la liberté, inspirés du modèle américain des Sons of Liberty, virent le jour et le ton monta. « Au même moment, plusieurs membres du British party en étaient venus à souhaiter l’éclatement d’une rébellion de façon à en provoquer une répression qui leur permettrait de reprendre le contrôle des événements, et certains d’entre eux semblent avoir conspiré en ce sens5. » New est clair, le leader patriote Louis-Joseph Papineau, à aucun moment, n’a encouragé la rébellion armée. « Papineau ne peut d’aucune façon, au sens propre des mots, être considéré comme le chef de la rébellion dans le Bas-Canada. Ses leaders furent le Dr  Wolfred Nelson, O’Callaghan, T.S. Brown, Girod et Chénier, seul l’un d’entre eux était Canadien français de naissance.6 ». Cette remarque fort pertinente, il faut le noter, est celle d’un historien de

4. Chester New, Lord Durham. A biography of John George Lambton, Oxford, 1929, p. 327. « Up to this point the struggle had been against the despotism of a local oligarchy, and the only sin on the part of the British Government had been that of ignorance ».

5. Ibid. « At the same time many of the British Party were anxious to see rebel-lion break out in order that its suppression might give them control of the situation, and some of them seem to have conspired to provoke it ».

6. Ibid., p. 328. « He cannot in any reasonable sense of the term be considered the leader of the Lower Canada Rebellion. Its leaders were Dr. Wolfred Nelson, O’Callaghan, T.S. Brown, Girod, and Chénier, only one of whom was a french-canadian by birth ».

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9La mission de Durham à travers le journal de deux femmes

Toronto. Plus de 2 000 hommes s’impliquèrent, ajoute-t-il, et furent rapidement déjoués grâce à la loyauté du journal Le Canadien et aux interventions de l’Église catholique. La violence de la répression gâta cependant la situation et engendra un profond ressentiment envers les autorités qui n’avaient pu su contrôler les loyalistes qui, après un moment d’effroi, s’étaient déchainés aveuglément contre la population cana-dienne. À Londres, on ne pouvait que constater la gravité de la situation. Le gouvernement demande à lord Durham, réputé pour sa droiture et sa fermeté, d’aller enquêter et de préparer des recommandations.

Durham, qui rentre d’une dure mission en Russie, refuse d’abord, mais constatant que la situation s’aggrave, accepte en janvier 1838 tout en exigeant de pleins pouvoirs sur l’ensemble de l’Amérique britannique du Nord.

Le choix de Durham était celui du premier ministre Melbourne et aussi celui d’un influent homme d’affaires : Edward « Bear » Ellice. Déjà bien implanté en Amérique, Ellice était l’oncle par alliance de Durham. Il avait épousé en 1809 Hannah Althea Grey, une tante de Louisa, la femme de Durham. Les liens entre les familles Grey et Ellice s’étaient encore renforcés quand le jeune frère de Bear décida, cinq ans plus tard, de faire sa vie avec Eliza Courtney. Celle-ci avait été adoptée par les parents d’Hannah Althea. Elle était la fille naturelle de lord Charles Grey, le père de Louisa7.

Le mariage de « Bear » Ellice lui avait ouvert les portes non seule-ment de l’aristocratie mais aussi de la politique. Il s’y engagea à fond de train. Animé de convictions réformistes qu’il partageait avec Durham et lord Grey, il ne perdait pas de vues son empire nord amé-ricain. L’Acte de 1791 lui restait en travers de la gorge. Les gens d’affaires du Haut-Canada étaient à la merci du Bas-Canada où se trouvait « la sortie vers la mer », soit le port de Montréal.

L’union des deux Canadas, envisagée dès 1810, refit surface en 1822, surtout grâce à « Bear » Ellice. Une levée de boucliers avait forcé Londres à retraiter mais ses partisans n’avaient pas abandonné l’idée

7. Eliza eut des enfants avec son mari Robert, dont un fils également prénommé Robert qui deviendra, en 1853, le mari d’Eglantine Balfour, la sœur de Jane Balfour, l’épouse d’Edward Ellice junior, fils unique de Bear. Cette Eglantine est cette Tina qui accompagne Jane pendant la mission Durham.

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d’enlever au Bas-Canada le contrôle du Saint-Laurent8. La rébellion qui éclata en 1837 donnait l’occasion à « Bear » Ellice de revenir à la charge. Cette fois, il était bien déterminé à faire triompher ses idées.

La mission de Durham durera cinq mois. Il arrive à Québec à la fin de mai et repart le 1er novembre. Sa femme l’accompagne de même que leurs trois filles. Il a comme secrétaire particulier Edward Ellice, le fils de « Bear ». Ce dernier l’a proposé, sinon imposée, à Durham. Il comptait certes sur son fils pour influencer Durham mais aussi pour évaluer la situation de ses propriétés, en particulier la seigneurie de Beauharnois. « Bear » avait pris soin d’en parler à lady Durham pour lui demander si la compagnie de la jeune épouse d’Edward lui conve-nait. Elle ne la connaissait pas, mais accepta en se disant que celle-ci pourrait rendre service. Enfin, adepte de la ceinture et des bretelles, « Bear » avait fourni un cahier à Katerine Jane pour qu’elle puisse tenir son journal. « Bear » était un homme d’affaires sérieux prêt à tout faire pour protéger ses intérêts, y compris et, peut-être surtout, son projet d’union des deux Canadas.

Jane est jeune, enjouée, curieuse, parfois capricieuse et insolente. Son journal tenu au jour le jour est autant de moments de vérité. Elle est franche, directe et parfois impolie. Les Canadiens lui plaisent bien, même si elle les regarde de haut ; les Américains la désespèrent. Elles manquent de mots pour les décrire, grossiers et envahissants.

Louisa Grey, lady Durham, est tout à l’opposé. Toujours très digne, nuancée et préoccupée avant tout de la santé des siens, surtout de celle de lord Durham. De toute évidence, son journal a été révisé et complété après son retour. Il en perd un peu de son intérêt en termes de sponta-néité mais il gagne en clarté et en sincérité.

Les deux journaux présentés ici ne nous en apprennent pas beaucoup sur le rapport que présentera Durham à son retour, mais ils nous offrent des observations personnelles sur le pays, ses habitants, y compris les

8. Malgré ses limites, la constitution de 1791 donnait un certain pouvoir à la Chambre d’assemblée de Bas-Canada dominée par une majorité canadienne et dirigée par Louis-Joseph Papineau à partir de 1815. Privé des revenus des douanes, le Haut-Canada était gravement endetté et l’un des objectifs d’Ellice et de ses alliés était d’éponger la dette du Haut-Canada avec les surplus du Bas-Canada. Ce qui sera réalisé avec l’Acte d’Union.

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11La mission de Durham à travers le journal de deux femmes

Indiens, les Britanniques qui vivent dans la colonie et leurs voisins américains.

Finalement, mieux comprendre la vie de Durham durant cet été 1838 prépare à mieux évaluer la crise qui se présente aux yeux du commissaire-enquêteur. L’émotion ressentie par Durham lors du désaveu dont il est victime est un des temps forts de son séjour à Québec. Il laisse présager un retour difficile à Londres. « Bear » Ellice saura en profiter et faire enfin triompher son projet d’union des deux Canadas.

Au départ, l’éditeur du Septentrion voulait éditer le journal de lady Durham en même temps qu’une nouvelle traduction du rapport Durham. Il opte plutôt pour le joindre à celui de Katerine Jane Ellice, l’épouse du secrétaire particulier de lord Durham pendant sa mission au Canada. Il y a déjà quelques années, Alain Messier, un spécialiste de cette période, nous proposa d’éditer ce journal. Traduire un journal aussi vivant, plein d’humour et de moqueries, dans lequel son auteure passe d’une langue à l’autre représentait tout un défi. Il a fallu plus d’une fois remettre sur le métier le travail d’une petite équipe de tra-ducteurs et nous souhaitons maintenant un peu d’indulgence de votre part.

Denis Vaugeois

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Journal de lady Durham

Traduit de l’anglais (britannique) par Charles Quimper

Source : Bibliothèque et Archives Canada.

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Introduction

D ans une lettre sans date1 (un mardi du début de 1838) dans laquelle Louisa (lady Durham) résume à sa mère, « my dearest

Mary », ses états d’âme, elle est à la fois amère et inquiète : « Je ne lève-rais pas un doigt pour aider le Gouvernement, mais quand on affirme que quelqu’un [Durham] peut être celui qui fera beaucoup de bien et prévenir un bain de sang dans un pays malheureux & il est alors dif-ficile de refuser ses meilleurs moyen & si les choses s’arrangent, je m’en réjouirai mais surtout pas par amour du gouvernement. Je ressens un désir méchant de le dire à tous les hommes politiques et je l’ai fait avec MM. Ellice et Ponsonby, mais je suppose, même si j’en ai l’occasion, que je suis mieux de tenir ma langue avec les autres ». Voilà la vraie lady Durham ! Elle n’est pas dupe des manœuvres dont est victime son mari mais elle se taira. Elle le soutiendra et l’admirera en silence. En fait, lord Durham cesse d’être son mari, il devient un autre, il devient « il », celui qui a une mission. Elle ne parlera de lui qu’à la 3e personne. Deux ou trois fois, elle dira « Lambton », en fait elle écrira tout simplement L. Ils sont mariés depuis 1816. À cette époque, John George Lambton était un jeune veuf, père de trois filles que sa première épouse, Harriet Cholmondeley, lui avait laissé à sa mort après seulement trois ans de mariage. Devenu orphelin à l’âge de cinq ans, John George et son frère

1. « I would not lift a finger to help the Govt., but when one is told that one may be the means of doing much good & of preventing much bloodshed in an unhappy country, then I think it is difficult to refuse ones best exertions & if the thing succeeds I shall rejoice on this account, but not at all for the sake of the Govt. I feel a wicked wish to say this to all of them, & have done so to Mr Ellice and Mr. Ponsonby, but I suppose, even if I have the opportunity, that I may as well hold my tongue with the others ». Letters & Diaries of Lady Durham, edited by Patricia Godsell, Oberon Press, 1979, p. 18. Ellice est son oncle par alliance et Ponsonby certes un parent. Elle-même est une Ponsonby.

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avaient été élevés par un ami de la famille, sa mère refusant de s’en occuper après la mort de son mari. Privé de tendresse, John George en trouva auprès d’Harriet, l’amour de sa vie. Elle est la fille naturelle du marquis de Cholmondeley. Ils se marièrent secrétement le 1er janvier 1812 plaçant leurs tuteurs devant un fait accompli. Quelques jours plus tard, ils acceptaient de se « remarier » officiellement2.

Louisa Grey n’avait pas 20 ans quand elle unit sa destinée au jeune veuf John George Lambton. Ils auront ensemble deux filles et trois garçons, l’aîné Charles, devant être emporté par la tuberculose tout comme Harriet, ses trois filles et le père de John George3. Ce dernier avait laissé de nombreuses terres en héritage sur lesquelles étaient exploitées des mines de charbon. À son aisance financière s’ajoutèrent les honneurs pour Lambton, désigné baron de Durham en 1828 et comte, cinq ans plus tard. Malgré des différends inévitables compte tenu de son caractère, lord Durham pouvait aussi compter sur son beau-père qui fut premier ministre de 1830 à 1834 tout en demeurant pendant des années un homme politique influent. Durham apparte-nait à une haute société qui ne lui avait toutefois pas fait oublier les quelque 2 000  mineurs qui lui assuraient de solides revenus. Lady Durham a un esprit de famille très développé. Elle a été traquée par la maladie et s’inquiète constamment de celle de son mari. C’est une des raisons qui explique que la mission au Canada ne lui sourit pas. Elle craint pour L et pour les enfants qui les accompagnent. Elle est bien consciente des pressions de son oncle par alliance, Edward Ellice. Ce dernier, un habitué des traversées atlantiques, a tout fait pour convaincre Durham, mais pour autant il ne presse pas trop le départ. Il suggère avril ce qui permet d’arriver avec l’ouverture de la navigation sur le Saint-Laurent qui a lieu au plus tôt en mai. En effet, tandis que Durham se documente sur la situation politique, lady Durham s’in-forme des conditions de vie.

Avant de partir, lady Durham avait un mauvais pressentiment : « J’espère et je crois que Lambton pourra réussir à pacifier le pays, mais

2. Chester W. New, Lord Durham. A biography of John George Lambton, Oxford, 1929, p. 9.

3. Charles est mort à l’âge de 13 ans. Deux des trois filles issues du premier mariage décèdent à l’adolescence à quelques mois d’intervalle alors que la troisième atteindra l’âge de 22 ans.

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s’il ne réussit pas ce serait le comble de l’injustice de lui en imputer l’échec et je croirais que c’était à peu près impossible à réaliser étant donné l’état dans lequel le pays a été laissé4 ». Elle s’inquiète. Qu’est-ce qui les attend ? Jusqu’à la fin, elle souhaite un renversement de la déci-sion même si elle n’espère pas vraiment une rupture des négociations entre lord Melbourne et lord Durham.

Elle avait prévu de multiples difficultés mais certes pas le désaveu qui frappa Durham dès le 19 septembre. Le pire ce fut de l’avoir appris par les journaux et encore, ceux de New York. Il en fut mortifié et elle aussi. Chaque jour, lady Durham cherchait un moyen d’oublier leur « exil ». Elle y était presque parvenue, mais comptait tout de même les jours qui la séparaient d’une fin de mission à l’été 1839.

Dans sa lettre du 2 décembre 1838, lady Durham s’inquiète du sort de Jane Ellice et de son mari qui se trouve être son cousin. « Lambton, écrit-elle, m’assure qu’il n’y a pas lieu de s’alarmer », mais elle ne peut s’empêcher de penser aux inquiétudes et à la détresse qu’a dû endurer Jane. « Je suis encore fâché, ajoute-t-elle, et je pense qu’Edward Ellice n’aurait pas dû la ramener à Beauharnois. Il [Durham] lui a répété autant comme autant de ne pas le faire, mais son père tenait à ce qu’il complète certaines affaires et il est très déterminé. Mais son père doit être catastrophé actuellement5 ».

Le retour en Angleterre en novembre 1838 est pénible. Elle quitte le service de la reine6 tandis que Durham constate le vide autour de lui. Dans son entrée datée du 1er décembre, lady Durham étire en fait son journal bien au-delà de cette date. Le ton est triste et elle conclut sur l’année 1840 qui permettra à Durham de voir, bien imparfaitement, triompher ses idées. « The time may come when He will be better appreciated » — « Le jour viendra où Il sera mieux apprécié », conclut-elle. On l’aura compris, le journal de lady Durham a été revu, corrigé et complété postérieurement. Son auteure a pu ainsi atténuer certaines

4. Letters & Diaries, op. cit., Monday, 15th, p. 21. « I hope & I trust Lambton may succeed in pacifying the country, but if he does not it will be the height of injustice to impute the failure to him & I should think it would be almost impossible to do so after the state in which the country has been left. »

5. Letters & Diaries, op. cit., Monday 2nd, p. 108.6. « My résignation of the place of lady of the Bedchamber », c’est-à-dire dame

de compagnie dite aussi « lady-in-waiting » de la reine. New, op. cit., p. 300, 483.

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émotions, calmer d’inévitables inquiétudes concernant la santé de Lambton.

C’est un des mérites de ce « journal » de nous faire vivre l’été 1838 à côté du gouverneur en chef des colonies britanniques de l’Amérique du Nord doublé du commissaire-enquêteur en compagnie de sa femme, de ses enfants7, de ses proches et au milieu d’une société en plein désarroi. Par ailleurs, lady Durham est d’une totale discrétion quant au travail des Buller, Wakefield, Turton et autres. Elle laisse la politique proprement dite aux hommes, se concentrant plutôt sur l’humain, surtout celui qui ne cesse, malgré les apparences, d’être un père et un mari.

Denis Vaugeois

7. Leurs trois filles les accompagnent : Mary Louisa, Emily Augusta et Alice Anne Caroline. Le seul fils vivant, George Frederick D’Arcy, héritera des biens et deviendra le second comte de Durham à la mort de son père. Il n’était pas du voyage.

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C e fut au cours de l’été de 1837 qu’on proposa pour la première fois à L–––––1 de se rendre au Canada en qualité de gouverneur

en chef. Il déclina d’abord l’offre, mais comme des nouvelles de l’insur-rection arrivèrent vers la fin de l’année, la demande fut réitérée ; avec beaucoup de peine et à force d’insistance, on le persuada d’accepter le poste, ce qu’il fit le 16  janvier 1838. Il fut décidé qu’il partirait pour Québec à la fin du printemps, dès que la voie maritime du Saint-Laurent serait navigable. Nous passâmes plus de trois mois à Londres à effectuer les préparatifs du voyage. Les craintes et les doutes associés à cette entreprise, de même que le regret de devoir quitter à nouveau la maison (alors que nous étions revenus de Russie depuis peu), parurent s’accroître continuellement pendant cette longue période d’expectative, et l’adieu aux proches qui restaient en Angleterre n’en fut que plus pénible.

Lundi, 23  avril — Nous avons quitté Cleveland Row2. Mes sœurs Caroline et Georgiana nous rendirent encore une fois visite la matinée précédant notre départ. Lors d’une pause de mi-journée destinée à faire

1. Lambton : John George, lord Durham (1792-1840). Son père meurt de tuber-culose alors qu’il a 5 ans. Il est élevé par un proche de la famille. Le 1er janvier 1812, il quitte secrètement sa famille d’adoption pour épouser Henrietta Chomondeley, fille naturelle de lord Chomondeley. Celle-ci meurt de tuberculose, en 1815, après avoir eu trois filles qui devaient mourir de la même maladie. En 1816, il marie Louisa Elizabeth Grey. Le couple aura trois filles et deux garçons, dont Charles William qui sera également emporté par la tuberculose. Louisa est la fille aînée de lord Grey. Dans son journal, elle écrit toujours « He » (il ou lui) pour désigner lord Durham, sauf en ce début de journal où elle écrit L. De toute évidence, le journal a fait l’objet de révison et de réécriture. En tous points, lady Durham se montre très prudente.

2. À Londres, dans le quartier de Westminster.

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dîner3 les enfants, nous constatâmes qu’Alice était souffrante. À notre arrivée à Portsmouth, elle s’alita, victime d’un vif accès de fièvre. On nous avait retenu des chambres au George Inn, où logeaient également la plupart des membres de notre délégation. Nous ne vîmes cependant personne avant le jour suivant. Mon frère Frederick, M. Ponsonby4, M. Ellice et l’amiral Fleming vinrent nous dire au revoir et restèrent à dîner. En soirée, le temps se montra défavorable, de sorte que nos chances de lever l’ancre le lendemain matin nous parurent minces.

Mardi, 24 avril — On nous avisa dans la matinée que les vents étaient désormais propices et que si nous embarquions à bord du Hastings vers une heure, nous pourrions probablement appareiller pour The Needles5. L’état d’Alice ne s’était pas amélioré bien qu’elle fût restée au lit jusqu’au dernier moment, où on la déplaça à mes côtés dans la voiture qui nous conduisait à la poterne. Nous y joignîmes les deux amiraux, Sir Philip Durham et l’amiral Bouvine, ainsi que plusieurs autres personnes atten-dant le moment de notre départ. Sir Philip Durham se montra des plus courtois et parla de la fanfare qu’il avait fait monter à bord du vapeur devant nous conduire au Hastings, à Spithead6. Mais dans les circons-tances, on pouvait difficilement prêter attention à de tels propos. Avec toutes les perturbations qui entouraient notre départ, aggravé par la maladie et la frayeur d’Alice, il était très pénible de procéder à l’embar-quement, qui se déroulait au milieu de tant de bruit et de cérémonie. L’ensemble musical, en particulier, était des plus assourdissants. Frederick transporta Alice à bord du vapeur, puis à bord du Hastings. (Après qu’elle fut installée dans la cabine, sa santé s’améliora, mais elle demeura mal en point la première quinzaine de la traversée. Une fois rétablie, elle apprécia infiniment le voyage et rendue à Québec elle se portait

3. Dinner dans la version originale. Dans le Oxford English Dictionnary, « dinner » : « The chief meal of the day, eaten originally, and still by the majority of people, about the middle of the day […], but now, by the professional and fashion-able classes, usually in the evening […]. »

4. Une des filles issues du premier mariage a épousé George Ponsonby. Il s’agit de Frances Charlotte décédée en 1835.

5. Probablement au sud de Southampton et de Portsmouth ; c’est aujourd’hui un lieu touristique.

6. Partie du Solent (bras de mer qui sépare l’île de Wight de l’Angleterre) pro-tégée des vents et souvent utilisée par la Royal Navy pour ancrer des navires.

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merveilleusement bien.) Au moment où l’on terminait l’embarquement et commençait à lester le navire, il était déjà trop tard pour gagner The Needles. Nous fûmes donc obligés de faire nos adieux à Frederick, à M. Ponsonby et à M. Ellice, qui étaient montés à bord dans l’intention de nous accompagner aussi loin que possible le long de la côte. Comme nous passions par St. Helens7, c’était désormais impossible.

Le premier soir, nous n’avançâmes guère. Il avait été prévu que le Dee et le Charybdis nous accompagneraient, mais le Dee n’arriva que durant l’après-midi, ce qui reporta notre départ de plusieurs heures. Le matin suivant, voyant qu’aucun des deux navires n’était en mesure de nous suivre, nous continuâmes seuls. Nous avancions rapidement le long du canal, mais par la suite nous dûmes affronter des vents contraires qui rendirent la navigation fastidieuse. Il8 était las de ces incommodités et fort impatient d’arriver, et malgré tout sa santé était passablement bonne.

Notre délégation comprenait vingt-deux personnes, sans compter les officiers du navire. Le premier jour, alors que nous étions encore à l’abri sur la terre ferme, tous se réunirent au dîner, mais la nuit fut éprouvante, et le lendemain plusieurs manquèrent à l’appel. L––––– et les enfants échappèrent au mal de mer, mais j’en souffris passablement les premiers jours du voyage, et Mme Ellice et sa sœur, bien davantage que moi. Avec le temps, nous recouvrâmes la santé et prîmes part de nouveau au dîner, servi dans la grande cabine lorsque la mer se montrait suffisamment calme. Nos quartiers étaient aménagés aussi confortable-ment que la situation le permettait. Le gaillard d’arrière9 fut divisé en deux salons, l’un pour le capitaine et les gentlemen de la délégation, l’autre pour nous. Chacun possédait son propre foyer, et dans le nôtre le feu crépitait du matin au soir. Les meubles étaient confortables : sofas, fauteuils, etc., etc., de même qu’une harpe et un piano-forte, que l’on utilisa à plusieurs reprises quand le temps le permettait. Mme Ellice10,

7. Probablement le village situé sur la côte est de l’île de Wight.8. Lady Durham parle de son époux, à la troisième personne, sans mentionner

son nom. Voir note 1.9. After cabin. Les traductions françaises dunette et gaillard d’arrière sont toutes

deux possibles. Gaillard d’arrière a été retenu car il laisse entendre que l’espace en question se trouve à l’arrière du navire.

10. Katherine Jane Ellice, l’épouse d’Edward Ellice, secrétaire particulier de lord Durham pour la présente mission. Dans une lettre à sa mère, lady Durham raconte que le père d’Edward lui a demandé son avis sur le rôle éventuel de son fils

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Table des matières

La mission de Durham à travers le journal de deux femmes, Jane Balfour et Louisa Grey 7

JOURNAL DE LADY DURHAM 13Introduction 14

JOURNAL DE JANE ELLICE 71Introduction 72Le voyage 76Québec 95Montréal 115Beauharnais 119Tour de la seigneurie 135Tournée américaine 145Beauharnois – Visite à Québec 183Rébellion 203Le retour 228

Index 248

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cet ouvrage est composé en adobe garamond corps 11,5selon une maquette réalisée par josée lalancette

et achevé d’imprimer en octobre 2013sur les presses de l’imprimerie marquis

à montmagnyà la grande satisfaction de denis vaugeois

éditeur à l’enseigne du septentrion

collectionvV pour voyage dans l’espace

ou dans le temps. V aussi pour Vaugeois, le directeur de la collection.

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