dans le Plateau-Mont-Royal pendant 22 ans Hommage à un ...Les magasins de la maison Raoul Vennat,...
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Hiver 2010-2011 – Vol. 5, No 4 – www.histoireplateau.org
Albert Le Bigot, artisan du bois dans le Plateau-Mont-Royal pendant 22 ans
Hommage à un ancien ébéniste
et sculpteur de la rue Saint-Denis
Albert Le Bigot et son fils Joël Le Bigot en 1984. ( Photo : Jean-Pierre Karsenty, archives de Radio-Canada. )
Sommaire
La SHGP emménage au monastère ……….….…... 3
La Maison Raoul Vennat …………….....….....…... 4
Restaurant Ma-Am-M Bolduc ………...………….. 6
Devenez membre ………………………………… 16
COÏNCIDANT AVEC SON
CINQUIÈME ANNIVERSAIRE :
LA SHGP EMMÉNAGE
AU MONASTÈRE VOIR PAGE 3
Dossier : Histoire du meuble
► Les Barricades mystérieuses ……...….……..… 7
► Michel Lessard, historien du meuble ……...….. 9
► Jean Dutin, sculpteur sur bois …..….…......….. 10
► Les Ateliers Pistono et Fils …………….…….. 11
► Albert Le Bigot, ébéniste …………………….. 13
Bulletin de la Société d’histoire et de généalogie du Plateau-Mont-Royal, Vol. 5, No 4, Hiver 2010-2011 Page 2
Société d’histoire et de généalogie du Plateau-Mont-Royal
ÉVÉNEMENTS / PROJETS
TRAVAUX À LA MAISON DE LA CULTURE
L’ÉDIFICE, construit en 1896 et situé au 465, avenue du
Mont-Royal, abrite la maison de la culture et la bibliothèque
du Plateau Mont-Royal. La Ville lui refait une beauté selon
les normes strictes de protection du patrimoine, avec une
restauration des escaliers, fenêtres et façade. Cet ancien
pensionnat réservé aux jeunes filles a été dirigé pendant 75
ans par la Communauté des Sœurs de Sainte-Croix.
CÉGEPS : L’HISTOIRE
EN VOIE DE DISPARITION
LE DEVOIR du 25 novembre 2010, sous la plume de Lisa-
Marie Gervais, fait un bien triste constat de l’enseignement
de l’histoire au niveau collégial au Québec. Après la
disparition de l’histoire des patriotes et une association de
professeurs d’histoire qui adopte un nom aussi loufoque que
« des conseillers en univers social », les statistiques sont
alarmantes : 95 % des étudiants n’auront jamais suivi aucun
cours d’histoire du Québec, selon une étude de la Fondation
Lionel-Groulx.
LA SOCIÉTÉ HISTORIQUE FRANCO-AMÉRICAINE
AUX 17E ET 18
E SIÈCLES, c’est par bateaux que nos ancêtres
se déplaçaient d’un endroit à l’autre. Au 19e siècle, ils
n’utilisaient pas les barges des canaux creusés par une main
d'œuvre en majorité irlandaise (Lachine, Lac Érié, Lowell)
car celles-ci sont devenues vite démodées comme moyen de
transport. Au 19e siècle et au début du 20
e, la « Grande
Saignée » du Québec ne se fit ni par auto ni par avion, mais
surtout par train. Des trains allaient quotidiennement de
Montréal à Boston, bondés de familles « canadiennes ». Y
en avait-il du Plateau Mont-Royal? Du Grand Montréal?
Le savoir pourrait nous intéresser mutuellement. Pour plus
d’information sur la Société historique franco-américaine ou
pour recevoir un formulaire d’adhésion, écrivez à Ro-
ger Lacerte, président : [email protected].
FILM SUR JEANNE MANCE À TÉHÉRAN
LA FOLLE ENTREPRISE, sur les pas de Jeanne Mance, le
film documentaire réalisé par Annabel Loyola, poursuit sa
lancée outre-Atlantique, de la France jusqu’à Téhéran, où,
lors du Festival international du film documentaire Cinéma
Vérité, une lettre du maire Gérald Tremblay rendant
hommage au film a été publiée dans la presse iranienne.
Travaux en cours à la maison de la culture.
PHOTOS ANCIENNES AU CAFÉ DES BOIS
DANS LE CADRE du projet Un appel à la mémoire du
Village De Lorimier, avec la SDC Mont-Royal en juin
dernier, la SHGP a contribué par un choix de textes à saveur
historique à une exposition de photos anciennes qui ont été
affichées dans les vitrines des marchands pendant près de
trois mois. Ces photos ont été exposées par la suite au Café
des Bois, 2296, avenue Mont-Royal (au coin de la rue
Fullum).
COLLOQUE L’AMÉRIQUE FRANÇAISE
LA FÉDÉRATION HISTOIRE QUÉBEC et
la Fédération québécoise des sociétés de
généalogie tiendront un congrès majeur
sur l’histoire, le patrimoine et la
généalogie de l’Amérique française.
L’événement se déroulera au Palais des
congrès de Montréal, du 20 au 22 mai
2011.
Richard Ouellet est président du conseil
d’administration de la Société d’histoire et
de généalogie du Plateau-Mont-Royal.
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Société d’histoire et de généalogie du Plateau-Mont-Royal
La Société d’histoire emménage au centre de services communautaires du monastère Tout un cadeau que notre société d’histoire recevait le 26 novembre au matin. Un téléphone de Pierre Marquis,
directeur du centre communautaire, nous annonçant que la candidature de la SHGP est retenue pour loger dans
son centre, lieu presque mythique du mouvement communautaire du Plateau, adjacent au monastère de l’avenue
Mont-Royal. Heureux qui comme Ulysse… La SHGP acquiert ses lettres de noblesse en matière de logement.
Richard Ouellet
RÉÉE EN JANVIER 2006, la SHGP était logée
à l’école Jeanne-Mance depuis l’année qui a
suivi sa fondation. Le local à Jeanne-Mance
avait l’avantage d’être gratuit mais, étant situé dans
la bibliothèque de l’école, les horaires d’ouverture
limitaient notre travail et ne permettaient pas d'offrir
les services d'archives à nos membres et à la
population.
La Maison de la Poésie, qui occupait deux locaux au
3e étage, a pris la décision de déménager en
décembre 2010. Un processus d’appel d’offre a été
lancé auprès des organismes communautaires, et la
SHGP a mis l’accent sur sa volonté d’offrir ses
services de recherche en histoire dans le quartier.
Elle a été bénie des dieux et choisie.
Un futur centre de documentation
et un appel aux bénévoles
Parmi ses projets liés à l’emménagement au centre de services
communautaires, situé au 4450, rue Saint-Hubert, la SHGP
souhaite la mise sur pied d’un centre de documentation
spécialisé sur l’histoire du Plateau-Mont-Royal. Notre outil de
départ : la collection presque complète des journaux du Guide
Mont-Royal. Ce journal fondé en 1938 et distribué jusqu’en
1995 fut le précurseur du journal Le Plateau des Éditions
Transcontinental.
Un défi de taille attend notre société d’histoire dans ces
nouveaux locaux. Un centre de documentation exige une
mobilisation de nombreux bénévoles, dans des tâches aussi
variées que la numérisation de photos anciennes, la mise en
place d’un système informatique, l’embauche probable d’un
archiviste, et la poursuite de la cueillette de documents et de
témoignages auprès de la population.
Le centre de services communautaires du monastère
Un appel aux résidants du quartier et aux férus de l'histoire du
Plateau est donc lancé aujourd’hui. Joignez-vous à nous et
venez nous proposer vos services. L’histoire se souviendra de
vous un jour.
Remerciement à Pierre Marquis
La SHGP tient à remercier chaleureusement Pierre
Marquis, directeur du centre de services communautaires
du monastère, ainsi que le conseil d'administration, qui
ont assuré le suivi de la candidature de la SHGP depuis sa
demande initiale en septembre 2010 jusqu'à la réponse
finale le 26 novembre dernier. Pierre Marquis a
été directeur durant plus de 20 ans du Comité logement
Plateau Mont-Royal, permettant à de nombreux locataires
du Plateau de garder leur logement.
À titre de responsable de deux Éco-quartiers, il a œuvré
pour le recyclage et le compostage, l’embellissement de
ruelles (Ruelles vertes), le projet des Murales pour contrer
les graffitis, la problématique du stationnement dans l’Est
du quartier. Depuis 2003, il assume la direction du Centre
de services communautaires du Monastère dont il est l’un
des instigateurs. Le but principal est de soutenir le travail
des organismes communautaires de l’arrondissement.
C
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Saint-Denis entre Roy et des Pins
Un bloc de maisons chargé d’histoire
Pierre Vennat
EUX QUI CHAQUE JOUR arpentent
la rue Saint-Denis, entre Roy et
Cherrier, ne peuvent manquer
d’apprécier la vue du magnifique
complexe que constitue, du côté est de la
rue, l’ancienne Institution des Sourdes et
Muettes avec ses beaux murs de pierre et
son dôme, maintenant le siège de
l’Agence de la santé et des services
sociaux de Montréal.
Ce que plusieurs ne savent pas, toutefois,
c’est que derrière les vitrines voyantes
des commerces et l’allure un peu
délabrée de logements dans le petit bloc
d’édifices du côté ouest de Saint-Denis,
entre Roy et des Pins, se cache tout un
pan de l’histoire socio-économique de la
métropole.
À l’extrémité nord, on retrouve
l’ancienne succursale de la Banque
Canadienne Nationale, ancêtre de
l’actuelle Banque Nationale du Canada,
un de ces nombreux édifices bancaires de
la première moitié du 20e siècle, à
l’architecture typique et qu’on retrouvait
presque à chaque coin de rue important
de la rue Saint-Denis entre Crémazie et
Sainte-Catherine et que les guichets
automatiques ont fait disparaître et
transformé en commerces, restaurants et
même lieux de culte de toutes sortes.
Au-dessus, on trouvait les bureaux du Dr
Paul Letondal, pédiatre de réputation
internationale et fondateur de
l’Association des pédiatres du Québec à qui l’on a donné le
nom du prix que cette association décerne annuellement au
meilleur pédiatre du Québec.
Deux maisons plus loin se trouvait le modeste immeuble où fut
fondé l’hôpital Sainte-Justine en 1907, à ce qui était alors le
604 avenue Saint-Denis. C’est là que la première femme
médecin canadienne-française, le Dr Irma LeVasseur et Mme
Justine Lacoste-Beaubien inaugurent ce qui est maintenant la
célèbre institution du Chemin de la Côte Sainte-Catherine et
qui à l’époque comptait 12 lits, répartis sur trois étages.
Plus tard, l'édifice de l'hôpital fut démoli et remplacé par
l'immeuble logeant la Société canadienne d’opérette. On peut
d’ailleurs encore déchiffrer le nom de cette institution sur la
porte d’entrée. Fondée le 14 juillet 1921, son but était de
développer les aptitudes artistiques des nôtres tout en
inculquant au public le goût de la belle et saine musique et de
travailler à la fondation d’un théâtre lyrique pour les Canadiens
et par les Canadiens. L’édifice logeant la Société fut inauguré
en 1925. En 1936, la Société céda la place aux Variétés
Lyriques.
( suite à la page suivante )
C
Les magasins de la maison Raoul Vennat, rue Saint-Denis :
illustration publiée dans son Album de Broderie.
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Saint-Denis entre Roy et des Pins
Enfin, à l’extrémité
sud, juste avant l’ac-
tuelle station de ser-
vice, se trouvait la Mai-
son Vennat. Comme
l’écrivait Johanne Wat-
kins dans le magazine
historique Cap-aux-Di-
amants, « la Maison
Vennat, rue Saint-
Denis, Montréal, ça
vous dit quelque chose?
Posez la question à
votre mère ou à votre
grand-mère. Elle vous
parlera sûrement de la
broderie et elle aura
raison. Vennat a été la
maison spécialisée en
broderie au Québec au
cours du XXe siècle ».
Les Vennat jouèrent
un grand rôle dans la
société québécoise.
Gabrielle Mellé-Vennat, épouse du fondateur, Raoul Vennat et
Annette Brisebois-Vennat, sa bru, figurent toutes deux en
bonne et due place dans le
livre de Simone Monnet-
Chartrand Pionnières qué-
bécoises et regroupements
de femmes, la première en
tant que l’une des prem-
ières femmes d’affaires
francophones à Montréal,
fournissant de l’emploi et
donc de l’indépendance
économique à une cen-
taine de femmes d’ici,
tandis qu’Annette Brise-
bois-Vennat fut la prem-
ière femme admise au sein
de la Chambre de com-
merce de Montréal.
Raoul Vennat, le fondateur, fut également l’un des fondateurs
de l’Hôpital Sainte-Jeanne-d’Arc à l’angle de Saint-Urbain et
Prince-Arthur, le premier réalisateur et producteur des
premières émissions musicales à la radio de CKAC, dès 1922
et un des fondateurs de la Société canadienne d’opérette qui
avait justement son siège à côté de son commerce.
Lui-même héros de la Première Guerre mondiale et décoré de
la Légion d’honneur française, il perdit ses deux fils, Jean et
André, qui tous deux avaient fait leurs études au Mont-Saint-
Louis, alors situé tout près rue Sherbrooke, à la guerre. Le
premier jeune officier de 21 ans en 1917 lors de la Première
Guerre et le second, jeune père de famille de 32 ans, en tant
que membre des Fusiliers Mont-Royal, le Régiment situé à
cinq minutes de marche de la Maison Vennat sur des Pins, lors
du raid de Dieppe d’août 1942.
La maison Vennat publia pas moins d’une centaine de numéros
de la Revue de Musique et de Broderie Vennat, et 24 catalogues
annuels sous le nom d’Album de Broderie Vennat jusqu’à la fin
des années 1940.
Pierre Vennat a été pendant plus de
quarante ans journaliste et chroniqueur à
La Presse. Spécialiste de l’histoire mili-
taire du Québec, il a publié plusieurs
livres sur le sujet, entre autres la
biographie Général Dollard Ménard. De
Dieppe au référendum.
Le côté ouest de la rue Saint-Denis entre l’avenue des Pins et la rue Roy. ( Photo : K. Cohalan )
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L’histoire de nos commerces
Le Ma-Am-M Bolduc : un restaurant à l’image du quartier Situé au croisement de l’avenue De Lorimier et de la rue Marie-Anne, le restaurant Bolduc se retrouve au cœur de
l’ancien village de De Lorimier. L’axe de ce dernier était l’avenue du même nom, empruntée au 19e siècle en raison
de sa situation géographique : elle permettait de relier le port de Montréal aux industries du Sault-au-Récollet.
Caroline Weber
EVENUE MUNICIPALITÉ en 1895, soit trois ans après
l’arrivée des « p’tits chars », De Lorimier fut la
dernière ville du Plateau à être annexée à Montréal, en
1909. À vocation surtout résidentielle, le village de De
Lorimier était essentiellement concentré entre les actuelles rues
Rachel et Mont-Royal. Les carrières Morrison et les abattoirs
de l’Est ont contribué au développement de ce secteur est du
Plateau.
Un restaurant pour un quartier
« La qualité de vie dans un quartier est aussi liée à la présence
de commerces de proximité. Ceux-ci, s’ils offrent des produits
et des services variés et de qualité, contribuent de façon
pertinente à rendre un secteur plus attrayant. »
Le restaurant Ma-Am-M Bolduc illustre parfaitement cette
citation issue de Commerces du coin, quartier Sainte-Marie,
Montréal, 2009, rédigée par l’équipe de l’Écomusée du fier
monde. Né dans un immeuble des années 1900, l’histoire du
restaurant est le reflet de l’histoire de son quartier.
D’abord boucherie ouverte dans les années 40 et tenue par M.
Bolduc, ce commerce a élargi progressivement ses services à la
demande de la population locale. Les résidents du quartier, à
l’ère ouvrière du Plateau, cherchaient alors des moyens rapides
de se sustenter à une époque où le rythme de vie s’accélérait
sans cesse.
La boucherie Bolduc a proposé, tour à tour, en plus de sa
viande : des services de dépanneur, d’épicier, puis de
restauration. C’est Pierrette Bolduc, la femme du boucher, qui
offrait ses talents de cuisinière pour préparer les quelques plats
à consommer.
En 1955, vu le succès de sa cuisine et en considérant la
demande croissante de restaurants dans le quartier, elle
demande à son époux de fermer boutique pour ouvrir son
propre commerce qu’ils tiendraient ensemble : le restaurant de
Mme Bolduc.
Chose fut faite et le restaurant de Pierrette fut ouvert. Elle
souhaitait une enseigne à l’image des résidents du « Petit
Plateau » et un décor très coloré, typique de cette époque, où
l’on proposait des plats traditionnels québécois : fèves au lard,
macaroni à la viande, ragoût de boulettes, ou encore poutines…
Fort apprécié, le restaurant a vite gagné du succès jusqu’à
connaître son apogée dans les années 70. Le projet de
réaménagement de l’entrée du pont Jacques-Cartier en 1966
contraint à la démolition de plusieurs bâtiments sur l’avenue
Papineau et met à mal les commerces aux alentours. Ils
ferment tous les uns après les autres dans les années 80.
Non loin de là, le restaurant de Mme Bolduc connaît lui aussi
des difficultés. Il est vendu par la famille en 1977, et racheté
par M. Couture, qui le reprend en main et le rebaptise de son
nom actuel.
Ses deux fils prennent sa succession et décident de réadapter le
restaurant à la population locale. Les recettes de Mme Bolduc
sont conservées, puisque la clientèle est restée fidèle à la
cuisine de Pierrette ; mais les menus changent, se diversifient.
L’histoire se poursuit, et les fruits exotiques deviennent choses
courantes. Ils accompagnent désormais une grande partie des
déjeuners.
Les bagels, apparus à Montréal avec l’implantation des
communautés juives, apparaissent également dans le menu.
L’esprit de restaurant de quartier typiquement québécois est
conservé, mais les frères Couture veulent y ajouter une
dimension décontractée, colorée. L’aspect artistique du lieu se
développe. Des bancs de pique-nique ouvrent l’espace sur la
terrasse.
( suite la page 15 )
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Dossier : Histoire du meuble / André Mireault, antiquaire
Un amoureux des meubles québécois À sa manière d’effleurer la surface d’un meuble, on sait à coup sûr qu’il l’aime et le respecte. André Mireault est le
propriétaire de la boutique d’antiquités Barricades mystérieuses située sur la rue de Bullion, au coin de la rue
Duluth. Il occupe le rez-de-chaussée d’une maison qui a environ 150 ans.
Huguette Loubert
ES VITRINES et l’entrée en encoignure sont surmontées
de superbes vitraux qu’il a découverts en retirant de
nombreuses couches de matériaux. Son local n’a été que
très peu rénové et présente encore les mêmes divisions qu’à
l’origine pour un commerce et un logement de trois pièces. Il y
a quelques années, deux femmes sont venues le visiter avec
émotion. Elles y avaient vécu dans les années vingt avec leur
famille juive qui y tenait un magasin de coupons. Ces pièces
lui servent maintenant d’atelier avec son établi et ses outils
d’époque.
C’est là que depuis 1984, il entasse ses trouvailles, les répare,
fait ressortir leur couleur d’origine en les libérant des multiples
couches de peinture qui les recouvrent bien souvent afin de leur
redonner un lustre qui en fera un meuble exquis pour un
nouveau décor.
Il les trouve en patrouillant les campagnes autour de Montréal.
Ils sont parfois cachés dans les granges, des greniers, des
remises, des poulaillers. Il sait voir le trésor qui se cache même
sous un aspect rebutant. Il sème ses cartes d'affaires dans les
coins les plus reculés, et parfois un coup de fil lui propose un
meuble qu’il avait remarqué des années plus tôt…
Cependant, les bonnes trouvailles sont de plus en plus rares. Il
est bien loin le temps où il partait dans les villages avec trois
cents dollars en poche pour en revenir avec un camion chargé
de meubles. Car le Québec a été écrémé de ses antiquités
principalement par les Américains qui en ont garni leurs
musées et leurs maisons, et par la suite, par les Québécois dans
les années 1970 et 80 où le nationalisme et le retour aux
sources étaient à l’honneur.
Avec les années, il s’est entouré dans sa boutique de belles
armoires, de coffres, de tables, de chaises, de commodes,
d’étagères, qu’il a patiemment nettoyés ou décapés, tout en les
surveillant de près afin de protéger la couche originale. Car la
présence de celle-ci peut doubler la valeur d’un meuble.
Malheureusement, elle manque à beaucoup de meubles décapés
jusqu’au bois pendant quelques décennies au Québec… Ses
réparations sont minimales afin de conserver les marques
d’usage qui donnent du caractère au meuble.
Il considère que pour bien identifier un meuble, sa couleur
d’origine autant que sa facture sont nécessaires. Les techniques
L’antiquaire André Mireault au travail dans son atelier.
( Photo : Sylvie Bérubé )
utilisées comme l’assemblage et les clous à têtes carrées
l’aident aussi à en déterminer l’âge et la provenance. Sa
préférence va aux meubles fabriqués à la main ou semi-
manufacturés qui sont beaucoup plus intéressants à ses yeux et
à ceux de sa clientèle.
Son intérêt pour les meubles anciens lui est venu quand,
étudiant, il travaillait pour gagner sa vie chez des antiquaires de
la rue Notre-Dame qui offraient alors des antiquités
québécoises plutôt que des meubles d’importation comme c’est
le cas maintenant. Il a appris à les connaître, les reconnaître et à
les mettre en valeur avec des ébénistes de la vieille époque. Il a
parfait ses connaissances en épluchant entre autres, les livres de
Jean Palardy et de Michel Lessard.
( suite à la page suivante )
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Bulletin de la Société d’histoire et de généalogie du Plateau-Mont-Royal, Vol. 5, No 4, Hiver 2010-2011 Page 8
André Mireault, antiquaire ( suite de la page précédente )
Il mentionne qu’il n’a pratiquement pas de meubles anciens
provenant du Plateau, car les gens se sont débarrassés il y a
plusieurs décennies de leurs vieux meubles apportés de la
campagne au tournant du XXe siècle, pour les remplacer par du
stratifié. Par contre on peut retrouver, sur le boulevard Saint-
Joseph ou la rue Christophe-Colomb, par exemple, de belles
armoires de coin en bois franc ou en pin avec un faux-fini,
intégrées à la structure des maisons.
Les Barricades mystérieuses 4051, rue de Bullion ( angle Duluth ), Montréal
514.845.6301 / www.barricadesmysterieuses.com
Diverses influences se retrouvent dans les meubles de sa
boutique. On peut y voir les particularismes régionaux teintés
d’influences anglaises par exemple. Les meubles québécois
anciens sont remarquables par leur originalité qui est le résultat
de leur coupure avec leurs racines françaises, des matériaux
disponibles et de l’influence amérindienne pour le tressage du
cuir entre autres ainsi que l’utilisation des bois souples comme
le frêne. Mais plus tard, les influences étrangères ont été
intégrées dans la facture et la décoration. Il note par ailleurs,
que tous les groupes fermés sur eux-mêmes comme les
Québécois, les Acadiens ou les Amish ont développé des styles
caractéristiques qui leur appartiennent en propre.
Ses lustres et ses lampes proviennent souvent du Plateau et
datent pour la plupart des années de la construction des
maisons, soit vers 1880 et les décennies suivantes. Un
magnifique lustre en cristal qui fonctionnait au gaz à l’origine a
été trouvé en pièces sous un bain dans une maison du Carré
Saint-Louis. Une autre provenant de la rue de l'Esplanade est
en bois sculpté à la main et une jolie lampe de table des années
1880 fonctionnait au gaz à l'origine. Souvent, on les lui
apporte avant que ces magnifiques objets ne finissent dans la
poubelle, leur donnant la chance d’une nouvelle vie.
On peut y admirer également une belle collection d’objets
représentatifs de l’art populaire du Québec dont des jouets
touchants faits à la main avec patience et qui ont sûrement été
reçus avec joie! Il montre un petit chiffonnier de poupée, un
traîneau ainsi qu’un jeu de bagatelle très populaire pendant la
dépression des années 1930. Il est fait de bois récupéré de
caisses d’emballage probablement trouvées dans une ruelle à
l’arrière des magasins.
Mais comment expliquer que sa clientèle soit à 75% de langue
anglaise et non francophone? Par le manque d’intérêt, de
connaissances? Pourtant, dans une entrevue au Devoir, Michel
Lessard dit qu’un peuple qui valorise les objets de son passé se
valorise lui-même…
Armoire faux-deux-corps en pin, vers 1850.
Provenance : Basse-Gaspésie. ( Photo: Sylvie Bérubé. )
D’ici six mois, il devra quitter ce local où il aura passé 27 ans
de sa vie d’antiquaire. Trouver un local sans s’éloigner du
quartier et de sa clientèle semble être impossible pour le
moment.
Souhaitons-lui un miracle!
Huguette Loubert est membre du conseil
d’administration de la SHGP.
Bulletin de la Société d’histoire et de généalogie du Plateau-Mont-Royal, Vol. 5, No 4, Hiver 2010-2011 Page 9
Dossier Meuble / Histoire de Montréal, meubles antiques et maisons anciennes du Québec
La passion de l’histoire selon Michel LessardJ’étais convaincu que Michel Lessard résidait à Montréal, ayant été professeur pendant de nombreuses années en
histoire de l’art et en muséologie à l’Université du Québec à Montréal et auteur de plusieurs livres sur l’histoire de
Montréal : Montréal métropole du Québec (1998), Montréal au XXe siècle. Regards de photographes (1995).
Richard Ouellet
ESSARD A PLUTÔT CHOISI de s’installer à Lévis, face à
Québec, ville du patrimoine. Lévis, au cœur du
controversé et défunt projet Rabaska, qui a vu un
collectif d’auteurs dont Lessard, publier le livre Rabaska,
autopsie d’un projet insensé. Un film documentaire avait
aussi été fait sur le même sujet par le cinéaste Martin
Duckworth, membre de la Société d’histoire et de généalogie
du Plateau Mont-Royal.
Là aussi, dans la région de Québec, les publications de Lessard
abondent : Le Vieux-Québec sous la neige, Québec ville de
lumière, Sainte-Foy, L’Île d’Orléans. Son éditeur, les Éditions
de l’Homme, le présente comme un ethnohistorien de
formation, auteur de nombreux ouvrages. Il a eu plusieurs
succès de librairie : Objets anciens du Québec, La nouvelle
encyclopédie des antiquités du Québec et Meubles anciens du
Québec.
« Je devrais faire plus d’exercice, si je ne veux pas mourir »,
me dit-il, reconnaissant que la somme de travail réalisée depuis
plusieurs décennies avec ses étudiants et son éditeur ne l’a pas
empêché d’avoir gagné quelques livres et d’avoir développé un
diabète et une cécité partielle.
Quand je lui parle de vélo, il acquiesce en mentionnant qu’il en
fait et connaît la très belle piste cyclable de la Rive-Sud de
Québec, une ancienne voie ferrée longeant le fleuve, entre le
pont de Québec et Lévis, offrant une vue à couper le souffle sur
le cap Diamant et le château Frontenac.
Les Corniches d’or et les cornichons du patrimoine
Les projets sont nombreux et diversifiés chez Lessard. Le
Groupe d'initiatives et de recherches appliquées au milieu
(GIRAM), un organisme sans but lucratif créé en 1983 dont
fait partie Lessard, décerne le prix « Corniche d’or » et le
« prix Cornichon » chaque année, correspondant aux prix
orange et citron dans les secteurs de l’environnement, de la
restauration et de l’architecture.
Lessard a aussi collaboré récemment avec le musée des
religions à Nicolet, lequel a présenté une exposition unique sur
le deuil, attirant l’intérêt de 8000 personnes l’été dernier, à
travers une exposition de photos de personnages vivants et
décédés. Ce n’est pas du tout macabre de photographier des
personnes décédées, nous dit-il. Tout est dans le travail du
photographe.
Michel Lessard, historien. ( Photo : Richard Ouellet )
Et dans le Plateau
L’histoire du meuble et des ébénistes du Plateau Mont-Royal et
même de Montréal n’est pas très documentée, reconnaît
Lessard. En 1935, Jean-Marie Gauvreau fonde l’École du
Meuble, qui devient un lieu central pour l’art et la culture,
autour de noms célèbres comme Riopelle et Paul-Émile
Borduas, lequel avait un atelier sur la rue Napoléon à l’angle de
Mentana. C'est là que s'est initiée la rédaction du manifeste du
Refus Global publié en 1948. Un texte complet peut être lu
dans le blogue de la SHGP du 9 décembre 2009.
Lessard cite aussi la contribution d’Alphonse St-Jacques,
professeur à cette école du meuble, et l’ouvrage de John Porter,
sur le mobilier victorien, de 1840-1890. Les meubles anciens
du Québec, dit-il, ne sont pas que les anciens coffres et ar-
moires en pin; ceux du 20e siècle méritent aussi d’être racontés.
France Rémillard, compagne de Lessard et experte en
restauration d’œuvre d’art au Centre de conservation du
Québec, s’intéresse aussi à notre passé, notamment avec son
ouvrage sur la préservation et la mise en valeur des cimetières.
C'est d'ailleurs ce centre qui a été chargé par la paroisse Saint-
Enfant-Jésus, en partenariat avec la SHGP, de la restauration
( suite la page 12 )
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Bulletin de la Société d’histoire et de généalogie du Plateau-Mont-Royal, Vol. 5, No 4, Hiver 2010-2011 Page 10
Dossier : Histoire du meuble / Jean Dutin, sculpteur québécois réputé
Pistono m’a donné mon premier boulot de sculpteur dans le Plateau Jean Dutin, sculpteur octogénaire et toujours actif en 2010, a acquis depuis plusieurs décennies une solide
réputation pour ses travaux de sculpture destinés aux ébénistes, décorateurs (restaurants, églises), fabricants de
moules pour chocolatiers et, depuis 1980, pour la décoration de buffets d’orgues.
Richard Ouellet
’EST L’ATELIER de Pistono qui a offert à Jean Dutin
son premier boulot de sculpteur dès son arrivée au
Québec en 1951.
Jean Dutin (gauche), sculpteur sur bois, dans son atelier avec Joël
Le Bigot, tous deux anciens employés de l’atelier Pistono.
Né le 3 janvier 1928 à Vienne (près de Lyon), en France, Jean
Dutin est admis à l’École d’Apprentissage Supérieur de Lyon
en 1941 pour des études en culture générale et en dessin et du
travail en atelier pour apprendre la sculpture sur bois pendant
quatre ans.
Il travaille comme sculpteur chez un maître artisan jusqu’en
1948 et suit des cours du soir en dessin à l’École des Beaux-
Arts de Lyon. Il fait son service militaire dans l’armée
française – Service du Matériel. Ensuite, jusqu’en octobre
1951, il est sculpteur à Annemasse (Haute-Savoie) chez un
fabricant de meubles.
Fin octobre 1951, Dutin, jeune célibataire de 23 ans, arrive à
Québec, après un voyage en bateau depuis le Havre, en France.
Dutin se souvient de ce voyage en bateau, ce dernier partait de
l’Allemagne et faisait escale au Havre. Le voyage a duré 10
jours, pendant lesquels il se rappelle avoir été malade pendant
huit jours.
Arrivée dans le Plateau en 1951
Deux jours après son arrivée au port de Québec, il se rend à
Montréal et il est engagé comme sculpteur chez Pistono et fils,
un fabricant de meubles situé au 4240, rue Saint-Denis. Il y
restera deux ans et connaîtra par la suite une longue carrière de
sculpteur au Québec.
L’entreprise Pistono et fils était dirigée par le père Louis
Pistono, 63 ans en 1951, fumeur de cigares, et son fils Romolo,
41 ans. Louis Pistono ne faisait pas lui-même les travaux
d’ébénisterie. Jean Dutin faisait partie à cette époque d’une
équipe de quatre sculpteurs, dont le sculpteur français Fruitoz,
aidés par des rembourreurs et ébénistes. Il travaillait à partir de
commandes précises d’une clientèle aisée.
On y fabriquait des meubles de bois massif, entre autres des
tables de salon. Le bois utilisé était le tilleul, un bois mou qui
était peint. Il qualifiait le style de meubles de baroque italien,
très caractéristique de Pistono. La peinture empruntait un style
vénitien. Dutin se souvient que pour se faire fabriquer un
meuble, le client devait patienter plusieurs mois.
Dutin habitait dans une mansarde, ou maison de chambre, en
compagnie d’un collègue de travail, Nelson Morin, au 4011,
rue Saint-Denis, à l’angle de Duluth. Morin était employé à la
finition de meubles chez Pistono.
À l’époque, Dutin se déplaçait avec un petit scooter Vespa et
fréquentait le restaurant chinois, rue Saint-Denis, tout près de
l’église Saint-Jude. Le propriétaire de ce restaurant où on
mangeait du bon chicken fried rice était natif de Trois-Rivières.
Les fins de semaine, il se rendait en autobus dans les
Laurentides pour aller skier.
Sculptures de Félix Leclerc et Gilles Vigneault par Jean Dutin.
Jean Dutin rencontre sa future femme Louise Phaneuf, lors
d’un séjour à l’hôpital et le couple se marie en 1955 et auront
une fille et deux garçons.
( suite à la page 14 )
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Dossier : Histoire du meuble / Les Ateliers Pistono et fils (1920-1970)
50 ans d’ébénisterie et de sculpture sur le Plateau Pistono : un nom associé au meuble de prestige, à l’ébénisterie et à la sculpture sur bois pendant près d’un demi-
siècle sur la rue Saint-Denis dans le Plateau-Mont-Royal. Le style de meubles d’inspiration de la Renaissance
italienne, de Louis XV et d’Art déco a plu à une clientèle aisée, parmi laquelle on retrouve la mairie de Montréal et
d’anciens premiers ministres. Aujourd’hui, au moins deux musées montréalais, le McCord et le Château Dufresne,
possèdent des meubles produits par les ateliers Pistono.
Richard Ouellet
OUIS-ANTOINE PISTONO est né le 20 septembre 1888
dans la ville de Chambery, dans le département de
Savoie, en France, près de la frontière italienne. Son
père, G. Pistono, était d’origine italienne et sa mère, Claudine
Quidoz, était française. Louis est leur unique fils.
Il rencontre sa future
épouse Maria-Antoinette
Prola lors d’un voyage en
Italie. Celle-ci est née en
1888, la même année que
son époux, à Agliè, une
commune de la province
de Turin dans la région du
Piémont.
Louis, Maria-Antoinette et
leur fils Romolo, Glasgow,
Québec, 1963.
Un premier fils, Romolo,
vient au monde en 1910
dans le département de
Piémont, en Italie, alors
que le couple n’a que 22 ans. Durant cette période, Louis-
Antoine Pistono reçoit une formation en décoration à Lyon.
Nous sommes à la veille de la Première Guerre mondiale,
raison qui justifie leur départ pour le Canada. Le couple arrive
à Montréal par bateau en 1915 alors que Maria est enceinte
d’un deuxième enfant, Yvette.
Dès son arrivée à Montréal, Louis Pistono travaille pour
Kuidoz et Senecal, fabricants de pianos à Sainte-Thérèse. Puis,
Pistono ouvre un premier atelier, situé sur la rue des Carrières.
Le fils Romolo fréquente l’école anglaise, le collège
commercial Elie, à l’angle de la rue Saint-Denis et de l’avenue
Mont-Royal, et s’inscrit à un cours de comptabilité
administrative. Il est décorateur pour l’entreprise en s’inspirait
de revues comme l’Architecture Digest.
Louis Pistono aura un premier atelier au 974, rue Saint-Denis,
lequel apparaît dans l’annuaire Lovell de 1918, puis aux 4256
et 4240 Saint-Denis dans les années 20. La famille habitait à
l’étage au-dessus de ce dernier, au 4242, et Diane Pistono, la
petite fille du couple, y visitait sa grand-mère, couturière.
L’atelier de meubles Pistono et fils était situé au 4240, rue Saint-
Denis de 1925 à 1970. L’antiquaire Les Puces Libres y aménagera
jusqu’en 2010. Le magasin Zone a racheté le local pour agrandir
son commerce en 2010.
Louis Pistono était l’associé de M. Crépeau et on retrouvait
dans son équipe Édouard Boucher, dessinateur, Albert Le
Bigot, sculpteur et ébéniste, père de Joël Le Bigot, M. Quinto,
ouvrier de finition, Alfred Dupras, livreur et M. Chartrand,
comptable.
Le logo attestant de l’authen-
ticité du meuble des ateliers
Pistono.
Dans la période la plus
prospère entre 1950 et 1960,
on comptait une trentaine
d’employés ébénistes, sculp-
teurs et ouvriers. Il semble
que Louis Pistono n’engageait pas les travailleurs de bois
locaux ni les diplômés de l’école du meuble, mais favorisait
plutôt les travailleurs immigrants apportant un style venu des
vieux pays.
Un ébéniste réputé
Le joailler antiquaire Maged Taraboulsy, de l’avenue Greene à
Westmount, mentionne que Pistono serait l’ébéniste le plus
réputé au Québec du XXe siècle. Le sénateur Serge Joyal,
expert en meubles antiques, possèderait quelques croquis des
meubles de Pistono. Joyal qualifie les meubles uniques de cet
atelier de « style Pistono ».
( suite à la page suivante )
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Les Ateliers Pistono et fils ( suite de la page précédente )
On peut découvrir quelques-uns des meubles de Pistono
aujourd’hui chez certains antiquaires du Plateau et de
Westmount. Parmi sa clientèle se retrouvaient les familles des
politiciens tels que Robert Bourassa, Joseph Simard de Sorel,
Pierre Elliott Trudeau, Louis Robichaud, ancien Premier
ministre du Nouveau-Brunswick, et Jean Drapeau, maire de
Montréal ( dont le fauteuil est installé à l’hôtel de ville ) ainsi
que l’architecte Ernest Cormier et la famille Desmarais.
Ensemble de salle à manger et vaisselier
remis en don au Musée McCord.
Michel Lessard ( suite de la page 9 )
Fauteuils aux consoles d'accoudoirs sculptées en forme de cygne, en
bois marqueté, qui sont exposés au Château Dufresne.
Louis-Antoine Pistono décède le 16 août 1976 à l’âge de 87
ans et repose dans le lot familial du cimetière de Saint-Laurent,
en compagnie de son épouse. Le fils Romolo décède quelques
années plus tard au début des années 80 à l’âge de 71 ans.
des sculptures d'Olindo Gratton qui retrouveront par la suite
leur place sur la façade de l'église.
Parmi ses étudiantes qui se sont distinguées, Lessard
mentionne le nom de Louise Dézy, conservatrice de la
photographie au Centre canadien d’architecture (CCA), qui a
produit, à partir du dépouillement de divers journaux, un
remarquable mémoire de maîtrise sur les anciens photographes
du Québec.
Boulimique de l’édition historique, Lessard laissera sa marque
auprès des prochaines générations avec la publication d’une
quinzaine de livres et surtout pour avoir su transmettre sa
grande passion pour le passé du peuple québécois.
Michel Lessard : Bibliographie
• La nouvelle encyclopédie des antiquités du Québec (2007)
• Coffret : Québec ville de lumière et
Le vieux Québec sous la neige (2005)
• Québec (2001)
• Sainte-Foy (2001)
• Meubles anciens du Québec (1999)
• L'île d'Orléans (1998)
• Québec ville du patrimoine (1998)
• Montréal métropole du Québec (1998)
• Montréal au XXe siècle. Regards de photographes (1995)
( Voir aussi les illustrations à la page 15 )
Rôle de Romolo Pistono
ROMOLO PISTONO, qui avait étudié à l’école anglaise,
savait attirer la clientèle anglophone, et le commerce a
pris l'ampleur qu’on lui connaît dans les années 50. À
cette clientèle anglophone s’est ajoutée une clientèle
juive. Romolo Pistono avait des talents de concepteur-
décorateur, c’est-à-dire qu’avec l’aide du dessinateur
Édouard Boucher, il pouvait proposer au client une
façon de meubler et de décorer ( choix de tissus, de
styles ) une pièce ou une salle. Louis Pistono et fils,
avec le départ de l’associé M. Crépeau autour de 1930,
est devenu Pistono décoration (donc ensemblier)
jusqu’à la fin.
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Dossier Meuble / Albert Le Bigot, artisan du bois dans le Plateau Mont-Royal pendant 22 ans
Hommage à un ancien ébéniste et sculpteur de la rue Saint-Denis Albert était de la génération des hommes qui travaillaient sept jours sur sept, mais qui ne parlaient pas, nous dit son
fils Joël Le Bigot. Plutôt paradoxal, quand on sait que le fils deviendra un des grands communicateurs des ondes
radiophoniques au Québec.
Richard Ouellet
’ÉBÉNISTE Albert Le Bigot (1920-1996) arrive au
Québec en février 1948 à l’âge de 28 ans, au terme d'un
périple en mer sur le Queen Elizabeth, via l’Angleterre
et New York. Son fils Joël, né à Livarot, lieu du célèbre
fromage du même nom, en Basse-Normandie, en France, n'a
que deux ans à l’époque.
Albert Le Bigot et son fils Joël, lors de la course de voiliers Québec
Saint-Malo, inaugurée en 1984. ( Photo : Jean-Pierre Karsenty,
Archives Radio-Canada. )
La famille est sans le sou et emménage dans un logement au
1486, rue Préfontaine, au cœur du quartier populaire
Hochelaga. La maison est toujours là.
La famille Le Bigot emménage donc près du fleuve et du port
de Montréal. Albert était attiré par la mer, nous dit Joël,
confirmant que la passion du fils a été sans aucun doute
influencée par celle du père.
Albert Le Bigot vient d’une génération de charrons, charretiers
et d’ébénistes. Celui-ci, tout comme le sculpteur sur bois Jean
Dutin, est engagé dès son arrivée au Québec à l’atelier de
meubles Pistono de la rue Saint-Denis, au cœur du Plateau-
Mont-Royal. Vers le milieu des années 50, la famille s’installe
dans le quartier Saint-Vincent de Paul.
Albert exerce son métier d’ébéniste pendant 22 ans dans cet
atelier, de 1948 jusqu’à la fermeture de l’entreprise en 1970.
Le fils Joël est aussi engagé chez Pistono au début des années
60 à l’âge de 17 ans où il y travaillera pendant un an comme
aide général. Il faisait les courses en compagnie de son père
chez les clients, notamment à l’hôtel de ville, et auprès de la
clientèle fortunée de l’époque qui commandait et achetait les
meubles.
Joël voyait son père le plus souvent lorsqu’il travaillait lui-
même à l’atelier de meubles Pistono au début des années 60,
avant de commencer à travailler à Radio-Canada à l’âge de 20
ans.
Je le vois encore travailler de dos
Albert Le Bigot était complètement dévoué à son travail
d’ébéniste, nous dit son fils Joël, qui étaient très proches l’un
de l’autre. Albert voyageait à bicyclette entre l’atelier de
Pistono, rue Saint-Denis et sa demeure. Les salaires n’étaient
pas très élevés. Joël se souvient encore de le voir travailler de
dos. Une image forte que Joël a gardée de son père.
Un jour que son père travaillait avec la scie sauteuse, deux
parties de doigts sont sectionnées. « Ah zut ! je vais perdre une
heure de travail ». La réaction en dit long sur le paradoxe d’un
homme entièrement dévoué à son travail.
Albert Le Bigot fabriquait des meubles, des maquettes de
bateaux en bois, des jouets. Il a notamment fabriqué une
magnifique armoire décorée avec les armoiries des provinces,
destinée à Raymond Eudes (1912-1980), l’ancien ministre et
sénateur.
Un jour, Albert et un autre ébéniste reçoivent la commande
d’un important client afin de monter deux chaises. Celle du
père a tenu le coup, mais pas l’autre, parce que Albert avait mis
le temps de bien la concevoir et de la monter.
Table avec base en chêne, fabriquée par Albert Le Bigot
dans les années 70. ( Photo : Geneviève Le Bigot. )
C’est pas l’homme qui prend la mer
« Je possède encore plusieurs de ses outils et quelques-uns de
ses meubles aujourd’hui » nous dit Joël, qui se demande qui en
sera l’héritier un jour. Albert nous quittera en 1996 à l’âge de
76 ans, tandis que Émilienne, son épouse est toujours parmi
nous. ( suite à la page suivante )
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Albert Le Bigot ( suite de la page précédente )
Détail de la base d'une table sculptée par Albert Le Bigot.
( Photo : Geneviève Le Bigot )
Comme le chante Renaud, « C’est pas l’homme qui prend la
mer, c’est la mer qui prend l’homme ». L’odeur du bois et de
la mer est toujours bien présente dans l’esprit de la famille Le
Bigot.
Hommage à Albert Le Bigot
« En me permettant de revisiter le passé de mes parents, vous
m’avez donné l’occasion encore une fois de constater que j’ai
vécu et travaillé au plus près d’un très grand artisan, dont je
profite encore en vivant entouré de meubles magnifiques.
Rien d’héroïque dans l’aventure de cette famille d’immi-
grants, sauf le courage et la persévérance, pas si rare que ça
chez les nouveaux arrivants.
Nos gouvernants devraient plus souvent souligner la qualité du
travail de ces artistes de l’ombre et de la poussière...
Comme ce sculpteur exceptionnel, M. Dutin, qui est connu chez
les meilleurs des États-Unis et d’ailleurs que je vous remercie
de m’avoir fait rencontrer ».
« Il y a des moments où l’art atteint la grandeur du travail
manuel. » ( citation d’Oscar Wilde )
― Joël Le Bigot, le 2 décembre 2010
Jean Dutin ( suite de la page 10 )
Une longue carrière de sculpteur
Dans les années suivant son travail chez Pistono,
Dutin installe son atelier dans un sous-sol à
Châteauguay pour exécuter, comme artisan
autonome, des travaux de sculpture pour des
ébénistes, des décorateurs (restaurants, églises) et
des fabricants de moules pour chocolatiers.
En 1974, il déménage à Laval dans une maison plus
grande avec un atelier plus spacieux. Il participe au
Salon des métiers d’art du Québec de 1979 à 1986.
En 1980, il obtient son premier contrat pour la
décoration d’un buffet d’orgue, qui marque le début
d’une longue collaboration avec les principaux
facteurs d’orgues de la province pour la sculpture de
près de 80 buffets d’orgue, installés principalement
aux États-Unis, mais aussi au Canada et en
Angleterre.
L’orgue de la chapelle du grand séminaire de Montréal.
Le buffet est de chêne massif et est décoré de feuilles
d'or 24k. Il mesure 11,5 m de haut par 6,1 m de large.
Il est orné de huit statues provenant de l'ancienne église
Sainte-Anne, démolie en 1970. Une neuvième statue au
centre supérieur de l'instrument ( un berger avec deux
flûtes ) est l'œuvre du sculpteur Jean Dutin.
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Le Ma-Am-M Bolduc ( suite de la page 6 )
Gilles Couture, l’un des frères, défend l’idée que le lieu est
aussi bien ouvert aux lève-tôt qu’aux lève-tard, puisque selon
son dogme, « le petit-déjeuner est ici servi jusqu’à 22 h. »
Ainsi, peuvent autant venir déjeuner au Bolduc les
professionnels pressés que les artistes aux horaires de travail
variables. Les prix restent les mêmes, plutôt modiques.
Revendu à deux reprises, le restaurant situé au 4351, avenue
De Lorimier est resté attentif à la demande locale. Les menus
sont à présent orientés vers une clientèle jeune ou familiale.
Chaque dimanche midi, on peut voir des enfants enthousiasmés
par les pages colorées du menu, tandis que le Bolduc se fait
lieu de villégiature des étudiants et jeunes actifs, désireux de
commander un « lendemain de veille ».
À l’image du Plateau, quartier ouvrier de Montréal devenue
arrondissement branché du Canada, le Bolduc s’est adapté,
devenant l’emblème d’un lieu dynamique, artistique et
lui aussi à la mode.
Caroline Weber est étudiante en muséologie à l’UQÀM.
Quelques livres de Michel Lessard ( Voir l’article à la page 9. )
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Luc Ferrandez
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