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d’informationDiffusion de jurisprudence, doctrine et communications

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N° 880

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1515 avrilavril20182018

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Bulletin d’informationEn quelques mots…

•15 avril 2018

En quelques mots…

Communications Jurisprudence

Le 6 décembre dernier, la chambre commerciale a jugé (infra, no 473) que « si les contrats sur la preuve

sont valables lorsqu’ils portent sur des droits dont les parties ont la libre disposition, ils ne peuvent

établir au profit de l’une des parties une présomption irréfragable »,

solution « consacrée par la réforme du droit des contrats » et à ce

titre « prévisible, considérant la règle selon laquelle le droit ancien doit être interprété à la lumière du droit nouveau » (Dimitri Houtcieff,

Gaz. Pal. 2018, no 1, p. 34), l’auteur ajoutant que, « sur le fond,

le droit commun se rapproche du droit de la consommation »,

lequel « présume le caractère abusif de la clause qui a pour objet ou pour effet de limiter

indûment les moyens de preuve à la disposition du non-professionnel

ou du consommateur », à cette nuance près qu’en l’espèce, « la présomption irréfragable est seulement ravalée à une

présomption simple : il appartient donc tout de même à la partie

sur qui pèse conventionnellement la charge de la preuve de

la renverser ».

Le 13 décembre , la même chambre a jugé (infra, no 471)

que « la mention “pour la durée de…” qu’impose, pour

un cautionnement à durée déterminée, l’article L. 341-2

du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du

14 mars 2016, implique l’indication d’une durée précise », approuvant l’arrêt annulant « le cautionnement

contenant une mention manuscrite stipulant un engagement de la

caution jusqu’au 31 janvier 2014 “ou toute autre date reportée

d’accord” entre le créancier et le débiteur principal », mention qui « ne permettait pas à la caution

de connaître, au moment de son engagement, la date limite de

celui-ci ». Pour Jean-Denis Pellier, « si la jurisprudence assouplit

bien volontiers sa position quant à la sanction de ce formalisme ad

validitatem […], c’est généralement lorsque ni le sens ni la portée de

l’engagement de la caution ne sont en cause », mais « dès lors

que le montant ou la durée de l’engagement s’avèrent imprécis, la

sanction de la nullité […] est encourue » (JCP 2018,

éd. G, II, 77).

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3•

15 avril 2018En quelques mots…

•Bulletin d’information

Doctrine

Le lendemain, la deuxième chambre civile a jugé (infra, no 484)

que « dès sa naissance, l’enfant peut demander réparation du préjudice résultant du décès

accidentel de son père, survenu alors qu’il était conçu », approuvant

« l’arrêt d’une cour d’appel qui condamne un employeur,

responsable, en raison d’une faute inexcusable, du décès accidentel

d’un salarié, et son assureur à indemniser le préjudice moral de

l’enfant de ce dernier, conçu avant le décès et né postérieurement,

après avoir estimé que cet enfant souffrait de l’absence définitive de son père, caractérisant ainsi le préjudice moral invoqué et le

lien de causalité entre celui-ci et le décès accidentel du père »,

solution « novatrice » et « conforme à l’équité », selon Daphnée

Tapinos (Gaz. Pal. 2018, no 4, p. 62), qui « appliqu[e] la théorie

de l’équivalence des conditions » en se fondant « implicitement sur la maxime selon laquelle l’enfant conçu est réputé né chaque fois

qu’il y va de son intérêt ».

Enfin, le 22 décembre, tirant les conséquences de l’arrêt de la Cour

de justice de l’Union européenne prononcé en réponse à sa question

préjudicielle du 6 novembre 2015 (CJUE, 27 avril 2017, A-Rosa

Flussschiff, C-620/15), l’assemblée plénière a cassé l’arrêt ayant écarté

la validité de certificats E 101 délivrés à des salariés n’ayant

pas d’activité sur le territoire de plusieurs États membres, au sens

du règlement no 1408/71, alors qu’il incombait à l’URSSAF d’en

contester la validité auprès de l’institution émettrice ou de saisir

la commission administrative pour la sécurité sociale des travailleurs

migrants. Le sujet n’apparaît pourtant pas définitivement clos : à nouveau saisie d’une question

préjudicielle posée par la Cour de cassation belge, la CJUE a complété sa jurisprudence

en ouvrant, sous certaines conditions, une hypothèse dans

laquelle le juge national pourra écarter un certificat invalide ou

inexact, obtenu frauduleusement (CJUE, arrêt du 6 février 2018,

Altun e. a., C-359/16).

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4•

Bulletin d’informationTable des matières

•15 avril 2018

Table des matières

Jurisprudence

Tribunal des conflits Numéros

Séparation des pouvoirs 461 à 465

Cour de cassation (*)

I. - ARRÊT PUBLIÉ INTÉGRALEMENTArrêt du 22 décembre 2017 rendu par l’assemblée plénière Page

Union européenne 7

II. - TITRES ET SOMMAIRES D’AVIS AVIS DES CHAMBRES Numéro

Appel civil 466

III. - TITRES ET SOMMAIRES D’ARRÊTS ARRÊTS DES CHAMBRES Numéros

Appel civil 467

Assurance (règles générales) 468

Bourse 469

Cautionnement 470-471

Cession de créance 472

Contrats et obligations conventionnelles 473

Entreprise en difficulté (loi du 26 juillet 2005) 474 à 477

Fonds de garantie 478-479

Jugements et arrêts 480

Procédures civiles d’exécution 481

Propriété industrielle 482

Recours en révision 483

Responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle 484

Saisie immobilière 485

Sécurité sociale 486

Sécurité sociale, accident du travail 487

Sécurité sociale, assurances sociales 488-489

* Les titres et sommaires des arrêts publiés dans le présent numéro paraissent, avec le texte de l’arrêt, dans leur rédaction définitive, au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation du mois correspondant à la date du prononcé des décisions.

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15 avril 2018Tribunal des conflits

•Bulletin d’information

Jurisprudence

Tribunal des conflits

No 461

Séparation des pouvoirsCompétence judiciaire. - Domaine d’application. - Accord de participation. - Attestation établie par l’inspecteur des impôts. - Demande en annulation.

Il résulte des articles L. 442-1 alinéa 1, L. 442-2 et L. 442-13 du code du travail, dans leur rédaction applicable à la date du litige, que le contentieux relatif à l’obligation, pour une entreprise employant habituellement au moins cinquante salariés, de mettre en œuvre les dispositions du code du travail relatives à la participation des salariés aux résultats de l’entreprise relève de la compétence des juridictions judiciaires.

Il n’en va autrement que pour les contestations relatives au montant des salaires et au calcul de la valeur ajoutée, qui relèvent de la compétence de la juridiction administrative.

Dès lors, la demande en annulation de l’attestation établie par l’inspecteur des impôts, en application de l’article L. 442-13, alinéa 1, du code du travail, ayant pour seul objet de garantir la concordance entre le montant du bénéfice déclaré à l’administration et celui utilisé par l’entreprise pour le calcul de la réserve spéciale de participation des salariés, qui n’a pas le caractère d’un acte administratif détachable du contentieux s’y rapportant, relève de la compétence des juridictions judiciaires.

11 décembre 2017.

No 17-04.104. - Conseil d’État, 21 juillet 2017.

M. Maunand, Pt. - Mme Canas, Rap. - M. Daumas, rapporteur public. - SCP Monod, Colin et Stoclet, Av.

No 462

Séparation des pouvoirsCompétence judiciaire. - Domaine d’application. - Litige opposant un service public industriel et commercial à ses usagers. - Définition. - Étendue. - Détermination. - Portée.

Les collectivités publiques, leurs concessionnaires ou leurs entrepreneurs doivent, quelle que soit la nature du service public qu’ils assurent, réparer les dommages causés aux tiers par les ouvrages dont ils ont la charge ou les travaux qu’ils entreprennent. La responsabilité qu’ils encourent ainsi, même en l’absence de toute faute relevée à leur encontre, ne peut être appréciée que par la juridiction administrative.

En revanche, il n’appartient pas à ladite juridiction d’apprécier la responsabilité encourue à raison de vices dans leur conception, leur exécution ou leur entretien lorsque ces dommages ont été causés à l’usager d’un service public industriel et commercial par

une personne ayant collaboré à l’exécution de ce service et à l’occasion de la fourniture de la prestation due par le service à cet usager. En raison des liens de droit privé existant entre les services publics industriels et commerciaux et leurs usagers, les tribunaux judiciaires sont seuls compétents pour connaître de l’action formée par l’usager contre les personnes participant à l’exécution du service.

La réalisation et l’exploitation par un port autonome d’une conduite, qui constitue un outillage public, a le caractère d’un service public industriel et commercial, indépendamment de sa réalisation par des sociétés dans le cadre de deux marchés de maîtrise d’œuvre et de travaux publics. Dès lors, l’action en réparation du dommage résultant des vices dans la conception et l’exécution de la conduite, par la société qui en est l’usager, à l’encontre des sociétés ayant réalisé ladite conduite, relève de la compétence des juridictions judiciaires.

11 décembre 2017.

No 17-04.101. - TA Lille, 5 mai 2017.

M. Maunand, Pt. - M. Ménéménis, Rap.- Mme Vassallo-Pasquet, rapporteur public. - SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Waquet, Farge et Hazan, Av.

No 463

Séparation des pouvoirsCompétence judiciaire. - Domaine d’application. - Litige relatif à un contrat de droit privé. - Contrat de droit privé. - Caractérisation. - Cas. - Marché de travaux conclu par une personne de droit privé pour son propre compte avec des entreprises dans le cadre d’une convention d’aménagement conclue avec une commune. - Opérations de travaux publics. - Absence d’influence.

Le titulaire d’une convention conclue avec une collectivité publique pour la réalisation d’une opération d’aménagement ne saurait être regardé comme un mandataire de cette collectivité. Les contrats passés par cette société, pour les opérations de construction au sein de la zone d’aménagement, qu’elles aient ou non le caractère d’opérations de travaux publics, sont des contrats de droit privé. Dès lors, les litiges nés de leur exécution relèvent de la compétence de la juridiction judiciaire.

Il ne peut en aller autrement que s’il résulte des stipulations qui définissent la mission du cocontractant de la collectivité publique ou d’un ensemble de conditions particulières prévues pour l’exécution de celle-ci, telles que le maintien de la compétence de la collectivité publique pour décider des actes à prendre pour la réalisation de l’opération ou la substitution de la collectivité publique à son cocontractant pour engager des actions contre les personnes avec lesquelles celui-ci a conclu des contrats, que la convention doit en réalité être regardée, en partie ou en

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Bulletin d’informationTribunal des conflits

•15 avril 2018

totalité, comme un contrat de mandat, par lequel la collectivité publique demande seulement à son cocontractant d’agir en son nom et pour son compte, notamment pour conclure les contrats nécessaires.

11 décembre 2017.

No 17-04.103. - TA Pau, 6 juillet 2017.

M. Maunand, Pt. - Mme Duval-Arnould, Rap.  - M. Daumas, rapporteur public.

Un commentaire de cette décision est paru dans la RD imm. 2018, p. 122, note Michaël Revert.

No 464

Séparation des pouvoirsCompétence judiciaire. - Domaine d’application. - Litige relatif à une faute commise par un groupement d’intérêt public. - Maison départementale des personnes handicapées. - Instruction et transmission d’une demande de prestation. - Complément à l’allocation d’éducation d’un enfant handicapé. - Cas.

La juridiction judiciaire est compétente pour connaître d’une action relative à la réparation d’un préjudice imputable à une faute commise par une maison départementale des personnes handicapées (MDPH), groupement d’intérêt public, dans l’instruction et la transmission d’une demande de prestation, en l’espèce le complément à l’allocation d’éducation d’un enfant handicapé, et dont le contentieux relève de cet ordre de juridiction.

11 décembre 2017.

No 17-04.105. - Conseil d’État, 12 juillet 2017.

M. Maunand, Pt. - M. Fossier, Rap.  - Mme Cortot-Boucher, rapporteur public.

No 465

Séparation des pouvoirsCompétence judiciaire. - Exclusion. - Cas. - Litige relatif à une mission de police administrative. - Créance administrative. - Détermination.

La créance que l’État est susceptible de détenir sur une personne privée au titre  des frais afférents à une intervention en mer exécutée dans le cadre de la mission de police administrative confiée au préfet maritime par l’article 1 du décret du 6 février 2004 et assurée par lui au nom de l’État, tant dans la mer territoriale française qu’au-delà de celle-ci en application des stipulations de l’article 221 de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, présente par nature le caractère d’une créance administrative.

La juridiction administrative est compétente pour se prononcer sur la créance détenue par l’État.

11 décembre 2017.

No 17-04.107. - Cour de cassation, 20 septembre 2017.

M. Maunand, Pt. - M. Chauvaux, Rap. - M.Liffran, rapporteur public. - SCP Foussard et Froger, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, Av.

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7•

15 avril 2018Arrêt publié intégralement

•Bulletin d’information

Cour de cassation

I. - ARRÊT PUBLIÉ INTÉGRALEMENT

ARRÊT DU 22 DÉCEMBRE 2017 RENDU PAR L’ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE

Titre et sommaire Page 7

Arrêt Page 8

Note Page 9

Rapport Page 13

Observations Page 21

Union européenneSécurité sociale. - Règlement (CEE) no 1408/71 du 14 juin 1971. - Article 14 § 2. - Activité salariée sur

le territoire de deux ou plusieurs États membres. - Salarié faisant partie du personnel roulant ou navigant

d’une entreprise effectuant des transports internationaux. - Certificat E 101. - Délivrance. - Effets. -

Caractère obligatoire du certificat. - Portée.

Il résulte de l’article 12 bis, point 1 bis, du règlement (CEE) no 574/72 du Conseil du 21 mars 1972 fixant les modalités d’application du règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, tel qu’interprété par la Cour de justice de l’Union européenne (arrêt du 27 avril 2017, A-Rosa Flussschiff, C-620/15), qu’un certificat E 101 délivré par l’institution désignée par l’autorité compétente d’un État membre, au titre de l’article 14, paragraphe 2, sous a, du règlement no 1408/71, lie tant les institutions de sécurité sociale de l’État membre dans lequel le travail est effectué que les juridictions de cet État membre, même lorsqu’il est constaté par celles-ci que les conditions de l’activité du travailleur concerné n’entrent manifestement pas dans le champ d’application matériel de cette disposition du règlement no 1408/71.

Il se déduit de l’arrêt du 27 avril 2017, précité, que les institutions des États amenés à appliquer les règlements no 1408/71 et no 574/72, y compris la Confédération suisse, conformément à l’accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes du 21 juin 1999, doivent, même dans une telle situation, suivre la procédure fixée par la Cour de justice en vue de résoudre les différends entre les institutions des États membres qui portent sur la validité ou l’exactitude d’un certificat E 101.

En conséquence, viole l’article 12 bis, point 1 bis, du règlement no 574/72 et l’article 14, paragraphe 2, sous a, du règlement no 1408/71 la cour d’appel qui, pour rejeter la demande d’annulation, par une société, d’un redressement de cotisations sociales fondé sur la législation de sécurité sociale de l’État membre dans lequel le travail des salariés de cette société était effectué, retient que les transports de personnes par voie fluviale auxquels ces salariés avaient été affectés ne présentaient pas de caractère international, alors qu’elle ne pouvait elle-même remettre en cause la validité des certificats E 101 en constatant le défaut d’exercice, par les personnes employées par la société, d’une activité salariée sur le territoire de deux ou plusieurs États membres, au sens de l’article 14, paragraphe 2, sous a, et qu’il incombait à l’URSSAF, qui éprouvait des doutes sur l’exactitude des faits mentionnés dans les certificats et invoqués au soutien de l’exception énoncée par cette disposition, d’en contester la validité auprès de l’institution suisse qui les avait délivrés, et, en l’absence d’accord sur l’appréciation des faits litigieux, de saisir la commission administrative pour la sécurité sociale des travailleurs migrants.

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Bulletin d’informationArrêt publié intégralement

•15 avril 2018

ARRÊT

La Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société A-Rosa Flussschiff GmbH, dont le siège est Loggerweg 5, 18055 Rostock (Allemagne),

contre l’arrêt rendu le 12 septembre 2013 par la cour d’appel de Colmar (chambre sociale, section SB), dans le litige l’opposant :

1o À l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) d’Alsace, dont le siège est 16, rue Contades, 67307 Schiltigheim cedex, venant aux droits de l’URSSAF du Bas-Rhin ;

2o À la société Sozialversicherunbganstalt des Kantons Graubunden, dont le siège est Ottostrasse 24 Postfach, 70010 Chur (Suisse),

défenderesses à la cassation ;

La deuxième chambre civile a, par arrêt du 13 mai 2015, décidé le renvoi de l’affaire devant l’assemblée plénière ;

La demanderesse au pourvoi invoque, devant l’assemblée plénière, le moyen de cassation annexé au présent arrêt ;

Ce moyen unique a été formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la société A-Rosa Flussschiff ;

Un mémoire en défense et pourvoi incident ont été déposés au greffe de la Cour de cassation par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) d’Alsace ;

La demanderesse au pourvoi incident invoque, devant l’assemblée plénière, un moyen unique de cassation, annexé au présent arrêt ;

La SCP Célice, Blancpain et Soltner a déposé, au greffe de la Cour de cassation, un mémoire en réplique et un mémoire en défense au pourvoi incident ainsi que des observations complémentaires ;

Par arrêt du 6 novembre 2015, l’assemblée plénière a sursis à statuer et a posé à la Cour de justice de l’Union européenne une question préjudicielle. Cette dernière a rendu sa décision le 27 avril 2017 ;

Des observations complémentaires ont été déposées au greffe de la Cour de cassation par la SCP Gatineau et Fattaccini, ainsi que des observations en vue de l’audience par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ;

Le rapport écrit de M. Truchot, conseiller, et l’avis de M. Marin, procureur général, ont été mis à la disposition des parties ;

(…)

Sur le rapport de M. Truchot, conseiller, assisté de M. Burgaud et de Mme Polèse-Rochard, respectivement auditeur et directeur des services de greffe judiciaires au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, de la SCP Gatineau et Fattaccini, l’avis de M. Marin, procureur général, auquel les parties, invitées à le faire, n’ont pas souhaité répliquer, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société de droit allemand A-Rosa Flussschiff (la société), dont le siège est à Rostock, en République fédérale d’Allemagne, et qui dispose d’une succursale établie à Coire sur le territoire de la Confédération suisse, exploite deux bateaux de croisière (Luna et Stella) en France, sur le Rhône et la Saône, entre Chalon-sur-Saône et Port-Saint-Louis-du-Rhône ; qu’à la suite d’un contrôle inopiné sur ces deux bateaux alors amarrés à Avignon, autorisé par le ministère public et diligenté par l’inspection du travail, la gendarmerie fluviale, les services fiscaux et l’URSSAF du Vaucluse, cette dernière a procédé à la vérification de la période courant du 1er avril 2005 au 30 septembre 2007 et relevé des irrégularités affectant la situation des salariés occupant des fonctions hôtelières ; que l’URSSAF du Bas-Rhin, aux droits de laquelle vient l’URSSAF d’Alsace (l’URSSAF), compétente pour le recouvrement des cotisations et contributions dues par les entreprises étrangères ne disposant pas d’un établissement en France, a notifié à la société, le 22 octobre 2007, les chefs de redressement retenus, puis, le 26 février 2008, une mise en demeure pour le recouvrement d’une somme de 2 024 123 euros ; que la société a saisi d’un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche, dont l’examen est préalable :

Vu l’article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour rejeter la demande d’annulation du redressement, sauf en ce qui concerne les majorations de retard, l’arrêt retient que les seuls certificats E 101 versés aux débats par la société ne sont pas mis précisément en relation avec les emplois effectivement occupés à bord des bateaux Luna et Stella exploités par cette société ;

Qu’en statuant ainsi, alors que l’URSSAF ne contestait pas que les certificats E 101 produits par l’employeur correspondaient à ceux de ses salariés exerçant leur activité sur les bateaux litigieux qu’il estimait soumis à la législation suisse, la cour d’appel, qui a modifié l’objet du litige, a violé le texte susvisé ;

Et sur le même moyen, pris en ses première et huitième branches :

Vu l’article 12 bis, point 1 bis, du règlement (CEE) no 574/72 du Conseil du 21 mars 1972 fixant les modalités d’application du règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, et l’article 14, paragraphe 2, sous a, du règlement no 1408/71, dans leur version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) no 118/97 du Conseil du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) no 647/2005 du Parlement européen et du Conseil du 13 avril 2005, applicables à la Confédération suisse,

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15 avril 2018Arrêt publié intégralement

•Bulletin d’information

conformément à l’accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes du 21 juin 1999, alors en vigueur et dans leur rédaction applicable en la cause ;

Attendu qu’il résulte du premier de ces textes, tel qu’interprété par la Cour de justice de l’Union européenne (arrêt du 27 avril 2017, A-Rosa Flussschiff, C-620/15), qu’un certificat E 101 délivré par l’institution désignée par l’autorité compétente d’un État membre, au titre du deuxième texte, lie tant les institutions de sécurité sociale de l’État membre dans lequel le travail est effectué que les juridictions de cet État membre, même lorsqu’il est constaté par celles-ci que les conditions de l’activité du travailleur concerné n’entrent manifestement pas dans le champ d’application matériel de cette disposition du règlement no 1408/71 ; que les institutions des États amenés à appliquer les règlements no 1408/71 et no 574/72, y compris la Confédération suisse, conformément à l’accord CE-Suisse susvisé, doivent, même dans une telle situation, suivre la procédure fixée par la Cour de justice en vue de résoudre les différends entre les institutions des États membres qui portent sur la validité ou l’exactitude d’un certificat E 101 ;

Attendu que, pour statuer comme il fait, l’arrêt retient encore que, la société ne démontrant pas avoir employé les salariés en cause en dehors des fonctions hôtelières exercées sur ses deux bateaux de croisière exploités sur le Rhône et la Saône, les transports de personnes par voie fluviale auxquels ces salariés avaient été affectés ne présentaient pas de caractère international, de sorte que celle-ci ne pouvait se prévaloir, pour déterminer la législation applicable en matière de sécurité sociale, de l’exception à la règle de l’État d’emploi prévue, en matière de transports internationaux, par l’article 14, paragraphe 2, sous a, i, du règlement no 1408/71 ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle ne pouvait elle-même remettre en cause la validité des certificats E 101 en constatant le défaut d’exercice, par les personnes employées par la société, d’une activité salariée sur le territoire de deux ou plusieurs États membres, au sens de l’article 14, paragraphe 2, sous a, et qu’il incombait à l’URSSAF, qui éprouvait des doutes sur l’exactitude des faits mentionnés dans les certificats et invoqués au soutien de l’exception énoncée par cette disposition, d’en contester la validité auprès de l’institution suisse qui les avait délivrés et, en l’absence d’accord sur l’appréciation des faits litigieux, de saisir la commission administrative pour la sécurité sociale des travailleurs migrants, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu que la cassation sur le moyen unique du pourvoi principal entraîne par voie de conséquence, en application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation des autres chefs du dispositif de l’arrêt ;

Par ces motifs, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs ni sur le moyen unique du pourvoi incident :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 12 septembre 2013, entre les parties, par la cour d’appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Lyon.

Ass. plén. - 22 décembre 2017. CASSATION

No 13-25.467. - CA Colmar, 12 septembre 2013.

M. Louvel, P. Pt. - M. Truchot, Rap., assisté de M. Burgaud, auditeur, et de Mme Polèse-Rochard, directeur des services de greffe judiciaires. - M. Marin, procureur général. - SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Gatineau et Fattaccini, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au JCP 2018, éd. E, Act., no 21. Voir également le D. 2018, somm., p. 17, le JCP 2018, éd. S, II, 1016, note Jean-Philippe Lhernould, la revue Procédures 2018, comm. 50, note Alexis Bugada, et le JCP 2018, éd. G, II, 253, note Ismaël Omarjee.

Note sous assemblée plénière, 22 décembre 2017

Par arrêt du 6 novembre 2015, l’assemblée plénière de la Cour de cassation avait décidé, en application de l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de demander à la Cour de justice de l’Union européenne de se prononcer, à titre préjudiciel, sur le maintien de la force probatoire attachée au certificat E 101 lorsque les conditions de l’activité du travailleur salarié, détaché par son employeur sur le territoire d’un autre État membre au sens de l’article 14, § 1, du règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, ou qui exerce son activité salariée sur le territoire de deux ou plusieurs États membres et qui fait partie du personnel navigant d’une entreprise effectuant des transports internationaux de passagers par voie batelière et ayant son siège sur le territoire d’un État membre au sens de l’article 14, § 2, a, de ce règlement, n’entrent manifestement pas dans le champ d’application matériel des règles prévues par ces dispositions.

Le litige à l’origine du pourvoi opposait l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) à une entreprise allemande, qui avait fait l’objet d’un redressement de cotisations sociales fondé sur l’application de la loi française de sécurité sociale. La société allemande revendiquait l’application à ses salariés employés sur deux bateaux lui appartenant du régime de sécurité sociale suisse, arguant du fait qu’elle possédait une succursale sur le territoire de la Confédération suisse, État assimilé à un État membre de l’Union européenne pour l’application du règlement (CEE) no 1408/71 du 14 juin 1971 précité, en application de l’accord entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes du 21 juin 1999.

L’article 13, § 2, du règlement no 1408/71 pose le principe selon lequel la législation de sécurité sociale applicable est la loi nationale du lieu de travail.

Ce principe connaît cependant plusieurs exceptions, au nombre desquelles figurent les deux régimes suivants, invoqués à l’occasion du litige en cause et visés par la question préjudicielle :

– selon l’article 14, § 1, les travailleurs détachés restent soumis, à certaines conditions, à la législation de leur État d’origine ;

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Bulletin d’informationArrêt publié intégralement

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– selon l’article 14, § 2, a, i, les travailleurs qui exercent leur activité salariée sur le territoire de deux ou plusieurs États membres et qui font partie du personnel navigant d’une entreprise effectuant des transports internationaux de passagers par voie batelière et ayant son siège sur le territoire d’un État membre sont soumis, lorsqu’ils sont occupés par une succursale que cette entreprise possède sur le territoire d’un État membre autre que celui où elle a son siège, à la législation de l’État membre sur le territoire duquel se trouve cette succursale.

Dans un cas comme dans l’autre, l’institution désignée par l’autorité compétente de l’État membre dont la législation reste applicable atteste, au moyen d’un document appelé « certificat E 101 » (devenu, sous l’empire des nouveaux règlements européens (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale et no 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d’application du règlement (CE) no 883/2004 précité, l’« attestation A1 »), que le travailleur en cause est soumis à cette législation.

Le certificat E 101 a pour fonction de prouver à l’institution compétente de l’État membre dans lequel est détaché le travailleur salarié ou des États membres dans lesquels celui-ci exerce son activité que ce dernier reste soumis au régime de sécurité sociale de l’État membre dans lequel son employeur est établi ou possède une succursale et qu’en conséquence, le régime des États membres d’accueil n’est pas applicable.

Selon que l’article 14, § 1, a, ou l’article 14, § 2, a, i, du règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 précité est invoqué au soutien de l’applicabilité d’une législation nationale de sécurité sociale donnée, le certificat E 101 est délivré en application de l’article 11, § 1, ou de l’article 12 bis, § 1 bis, du règlement (CEE) no 574/72 du Conseil du 21 mars 1972 fixant les modalités d’application du règlement (CEE) no 1408/71 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté.

Selon une jurisprudence constante, la Cour de justice ne reconnaît ni à l’administration ni au juge de l’État membre d’accueil du travailleur à l’égard duquel l’employeur revendique l’application de la loi nationale de sécurité sociale de l’État membre d’origine, conformément au certificat E 101 qui lui a été délivré, le droit de remettre en cause les mentions de ce document, dont il résulterait une affiliation irrégulière au régime de sécurité sociale de l’État membre d’origine (CJCE, arrêt du 10 février 2000, FTS, C-202/97 ; CJCE, arrêt du 30 mars 2000, Banks e. a., C-178/97 ; CJCE, arrêt du 26 janvier 2006, Herbosch Kiere, C-2/05).

Le certificat E 101 crée une présomption de régularité de l’affiliation des travailleurs détachés au régime de sécurité sociale de l’État membre où est établi l’employeur. Cette présomption semble irréfragable à l’égard des institutions administratives et judiciaires de l’État membre d’accueil. Selon la même jurisprudence, en effet, seule l’institution compétente de l’État membre qui a délivré le certificat E 101 peut reconsidérer le bien-fondé de cette délivrance, en cas de doutes exprimés par l’institution compétente de l’État membre d’accueil sur l’exactitude des faits sur lesquels est fondé le certificat et, en conséquence, des mentions de ce document.

En l’espèce, la cour d’appel avait constaté que les membres du personnel de l’employeur concernés par le redressement litigieux exerçaient leur activité sur le seul territoire français. Or, l’article 14, § 2, a, i, du règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 précité, en vertu duquel les certificats E 101 litigieux avaient été délivrés, subordonne l’application au travailleur concerné de la législation de sécurité sociale de l’État membre sur le territoire duquel se trouve la succursale de son employeur à la condition que ce travailleur « exerce normalement une activité salariée sur le territoire de deux ou plusieurs États membres ».

En outre, ces certificats avaient été produits tardivement. Un premier lot avait été obtenu de l’institution helvétique lors des opérations de contrôle de l’URSSAF, le second, postérieurement à la décision des premiers juges.

Enfin, la cour d’appel avait relevé le caractère incomplet des certificats E 101, tenant au défaut de mention du nom du bateau concerné et des lieux d’exécution des activités salariées des travailleurs en cause.

L’exercice par les travailleurs salariés de leur activité sur le territoire d’un seul État membre les faisait manifestement échapper au champ d’application matériel des règles, dérogatoires au principe de l’application de la loi nationale du lieu de travail, de l’article 14 du règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 précité, qu’il s’agisse du premier paragraphe de cette disposition ou de son paragraphe 2.

C’est en l’état de ces constatations que l’assemblée plénière de la Cour de cassation avait pris la décision de surseoir à statuer sur le pourvoi et de saisir la Cour de justice d’une question préjudicielle

Par arrêt du 27 avril 2017, la Cour de justice de l’Union européenne a répondu en ces termes :

« L’article 12 bis, point 1 bis, du règlement (CEE) no 574/72 du Conseil du 21 mars 1972 fixant les modalités d’application du règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) no 118/97 du Conseil du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) no 647/2005 du Parlement européen et du Conseil du 13 avril 2005, doit être interprété en ce sens qu’un certificat E 101 délivré par l’institution désignée par l’autorité compétente d’un État membre, au titre de l’article 14, paragraphe 2, sous a, du règlement no 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement no 118/97, tel que modifié par le règlement (CE) no 647/2005 du Parlement européen et du Conseil du 13 avril 2005, lie tant les institutions de sécurité sociale de l’État membre dans lequel le travail est effectué que les juridictions de cet État membre, même lorsqu’il est constaté par celles-ci que les conditions de l’activité du travailleur concerné n’entrent manifestement pas dans le champ d’application matériel de cette disposition du règlement no 1408/7 ».

Dans son arrêt, la Cour de justice a repris les principaux motifs de ses arrêts antérieurs (voir, notamment, les arrêts FTS, Banks e.a. et Herbosch Kiere, précités), principalement intervenus au sujet des travailleurs détachés, au sens des articles 14, paragraphe 1, sous a, du règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 précité et 11, paragraphe 1, du règlement (CEE) no 574/72 du Conseil du 21 mars 1972 précité, pour les appliquer spécifiquement

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•Bulletin d’information

aux certificats E 101 délivrés, en l’espèce, en application de l’article 12 bis, point 1 bis, du règlement (CEE) no 574/72 précité, au titre de l’article 14, § 2, sous a, du règlement (CEE) no 1408/71 précité, relatifs aux travailleurs salariés exerçant une activité internationale.

Elle a réaffirmé l’étendue de la force probatoire conférée au certificat E 101, lequel s’impose tant aux institutions qu’aux juridictions de l’État membre dans lequel le travail est effectué.

Selon la Cour de justice, aussi longtemps que le certificat E 101 n’est pas retiré ou déclaré invalide, l’institution compétente de l’État membre dans lequel le travailleur exerce son emploi doit tenir compte du fait que ce travailleur est déjà soumis à la législation de sécurité sociale de l’État membre où est établie l’entreprise qui l’emploie.

Elle a redit qu’il incombait à l’institution compétente de l’État membre qui a établi le certificat E 101 de reconsidérer le bien-fondé de cette délivrance et, le cas échéant, de retirer ce certificat, lorsque l’institution compétente de l’État membre d’accueil émet des doutes quant à l’exactitude des faits qui sont à la base de ce certificat.

La Cour de justice a également rappelé qu’en cas de désaccord entre les institutions concernées, notamment sur l’appréciation des faits propres à une situation spécifique, et, par conséquent, sur la question de savoir si celle-ci relève de l’article 14, § 2, sous a, du règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 précité, il leur est loisible d’en appeler à la commission administrative pour la sécurité sociale des travailleurs migrants. Et si la commission administrative ne parvient pas à concilier les points de vue des institutions compétentes au sujet de la législation applicable, les voies de recours de nature juridictionnelle existant dans l’État membre dont relève l’institution émettrice peuvent être exercées. Il est en outre possible, s’agissant de la Suisse, de recourir au système de règlement des différends prévu par l’accord entre la Confédération suisse et la Communauté européenne et ses États membres du 21 juin 1999 précité.

Répondant spécifiquement à la question préjudicielle posée par la Cour de cassation, elle dit pour droit que les États membres concernés doivent observer la procédure de résolution des différends entre les institutions des États membres, même si les conditions de l’activité des travailleurs concernés n’entrent manifestement pas dans le champ d’application matériel de la disposition sur la base de laquelle le certificat E 101 a été délivré.

C’est en se fondant sur l’existence d’une procédure de dialogue entre les institutions compétentes des États membres concernés et d’une procédure de conciliation devant la commission administrative que la Cour de justice écarte les arguments qui avaient été invoqués par le gouvernement français et par l’URSSAF quant à l’inefficacité de cette procédure et la nécessité de prévenir la concurrence déloyale ainsi que le dumping social.

Elle souligne qu’en l’espèce, les autorités françaises n’ont ni épuisé la voie de dialogue avec la caisse d’assurance sociale suisse ni tenté de saisir la commission administrative, de sorte qu’il ne pouvait être soutenu que la procédure de conciliation présentait des déficiences ou ne permettait pas de résoudre des situations éventuelles de concurrence déloyale ou de dumping social.

Par l’arrêt du 22 décembre 2017 ici commenté, l’assemblée plénière de la Cour de cassation, tirant toutes conséquences de l’arrêt de la Cour de justice, prononce la cassation de l’arrêt de la cour d’appel de Colmar.

La Cour de cassation rappelle que le certificat E 101 lie tant les institutions de sécurité sociale de l’État membre dans lequel le travail est effectué que les juridictions de cet État membre. Il en est ainsi alors même que, comme en l’espèce, ces juridictions auraient constaté que les conditions dans lesquelles les travailleurs concernés exercent leur activité ne sont pas celles qui commandent l’application du régime de sécurité sociale de l’État membre où est établie l’entreprise qui l’emploie. Les certificats E 101 litigieux ne permettaient pas, en effet, d’établir que les salariés employés par la société A-Rosa exerçaient leur activité salariée sur le territoire de plusieurs États membres. Pour autant, il n’appartenait pas au juge de l’État d’accueil d’apprécier la validité de ces documents en les écartant. Selon la Cour de justice, admettre la solution inverse porterait atteinte au principe de l’affiliation des travailleurs salariés à un seul régime de sécurité sociale, ainsi qu’à la prévisibilité du régime applicable et, partant, à la sécurité juridique (CJUE, arrêt du 27 avril 2017, A-Rosa Flussschiff, C-620/15, point 42).

L’assemblée plénière de la Cour de cassation ne se borne pas, cependant, à rappeler ce principe énoncé au dispositif de l’arrêt de la Cour de justice. Elle reprend à son compte une autre règle issue des motifs de l’arrêt de la CJUE du 27 avril 2017 précité : les institutions des États amenés à appliquer les règlements no 1408/71 et no 574/72 précités, y compris la Confédération suisse conformément à l’accord entre la Confédération suisse et la Communauté européenne et ses États membres du 21 juin 1999 précité, doivent, même lorsqu’il est constaté par celles-ci que les conditions de l’activité du travailleur concerné n’entrent manifestement pas dans le champ d’application matériel de cette disposition du règlement no 1408/71 précité, suivre la procédure fixée par la Cour de justice en vue de résoudre les différends entre les institutions des États membres qui portent sur la validité ou l’exactitude d’un certificat E 101. L’URSSAF avait négligé cette procédure.

Or, ainsi que le rappelle la Cour de cassation, il appartient aux institutions compétentes qui éprouvent des doutes sur l’exactitude des faits mentionnés dans les certificats d’en contester la validité auprès de l’institution qui les a délivrés et, en l’absence d’accord sur l’appréciation des faits litigieux, de saisir la commission administrative pour la sécurité sociale des travailleurs migrants. La Cour de justice avait poursuivi cette énumération des procédures à la disposition des mêmes institutions compétentes. Elle énonçait qu’elles devaient être mises en œuvre sans préjudice des éventuelles voies de recours de nature juridictionnelle existant dans l’État membre dont relève l’institution émettrice ainsi que de la procédure en manquement, conformément à l’article 259 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, afin de permettre à cette même Cour d’examiner, à l’occasion d’un tel recours, la question de la législation applicable aux travailleurs concernés et, partant, l’exactitude des mentions figurant dans le certificat E 101. En l’espèce, la Cour de justice avait pris soin de préciser que, l’État émetteur des certificats E 101 étant la Confédération suisse, seul le système de règlement des différends entre les parties contractantes propre à l’accord entre la Confédération suisse et la Communauté européenne et ses États membres du 21 juin 1999 précité, en l’absence de tout recours en manquement possible, pouvait être mis en œuvre.

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Bulletin d’informationArrêt publié intégralement

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Tels sont donc les modes de règlement organisés par le droit de l’Union, dans des circonstances telles que celles de l’espèce, exclusifs de toute appréciation de la régularité des certificats E 101 par le juge de l’État d’accueil.

Le sujet n’apparaît pourtant pas définitivement clos. En effet, à nouveau saisie d’une question préjudicielle posée par la Cour de cassation belge, la CJUE a complété sa jurisprudence, postérieurement à l’arrêt ici commenté, en ouvrant une hypothèse dans laquelle le juge national pourra écarter un certificat invalide ou inexact, obtenu frauduleusement. Elle a ainsi dit pour droit : « lorsque l’institution de l’État membre dans lequel les travailleurs ont été détachés a saisi l’institution émettrice de certificats E 101 d’une demande de réexamen et de retrait de ceux-ci à la lumière d’éléments recueillis dans le cadre d’une enquête judiciaire ayant permis de constater que ces certificats ont été obtenus ou invoqués de manière frauduleuse, et que l’institution émettrice s’est abstenue de prendre en considération ces éléments aux fins du réexamen du bien-fondé de la délivrance desdits certificats, le juge national peut, dans le cadre d’une procédure diligentée contre des personnes soupçonnées d’avoir eu recours à des travailleurs détachés sous le couvert de tels certificats, écarter ces derniers si, sur la base desdits éléments et dans le respect des garanties inhérentes au droit à un procès équitable qui doivent être accordées à ces personnes, il constate l’existence d’une telle fraude » (CJUE, arrêt du 6 février 2018, Altun e. a., C-359/16).

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Rapport de M. TruchotConseiller rapporteur

Le présent rapport complète le rapport déposé, le 29 septembre 2015, dans la présente affaire, auquel il est renvoyé pour le rappel des faits et de la procédure antérieure à l’arrêt de l’assemblée plénière de la Cour de cassation du 6 novembre 20151, des moyens des pourvois principal et incident, ainsi que pour l’identification des points de droit faisant difficulté à juger et des éléments de discussion citant les références de jurisprudence et de doctrine antérieures au même arrêt. Il est également renvoyé au rapport du 29 décembre 2015 en ce qui concerne la proposition de rejet non spécialement motivé du moyen unique du pourvoi incident, en application de l’article 1014 du code de procédure civile.

I. - Question préjudicielle et arrêt du 27 avril 2017

Par son arrêt du 6 novembre 2015, l’assemblée plénière de la Cour de cassation a renvoyé à la Cour de justice de l’Union européenne la question préjudicielle suivante :

« L’effet attaché au certificat E 101 délivré, conformément aux articles 11, paragraphe 1, et 12 bis, paragraphe 1 bis, du règlement no 574/72/CEE du 21 mars 1972 fixant les modalités d’application du règlement no 1408/71/CEE du 14 juin 1971 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leurs familles qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, par l’institution désignée par l’autorité de l’État membre dont la législation de sécurité sociale demeure applicable à la situation du travailleur salarié s’impose-t-il, d’une part, aux institutions et autorités de l’État d’accueil, d’autre part, aux juridictions du même État membre, lorsqu’il est constaté que les conditions de l’activité du travailleur salarié n’entrent manifestement pas dans le champ d’application matériel des règles dérogatoires de l’article 14, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1408/71 ? ».

Le renvoi préjudiciel était fondé sur les motifs suivants :

- il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne2 qu’aussi longtemps qu’il n’est pas retiré ou déclaré invalide par les autorités de l’État membre qui l’a délivré, le certificat E 101, qui atteste de l’application de la législation de ce dernier au travailleur salarié ainsi qu’à son employeur, lie l’autorité compétente et les juridictions de l’État membre dans lequel le travailleur exerce son activité ;

- il ressort des constatations opérées par l’arrêt attaqué que si la société A-Rosa invoquait le bénéfice de certificats E 101 délivrés, sur le fondement des dispositions de l’article 14, paragraphe 2, sous a, du règlement no 1408/71, par l’institution désignée par l’autorité compétente de la Confédération helvétique, les travailleurs salariés dont la rémunération faisait l’objet du redressement litigieux n’exerçaient leur activité que sur le territoire français. Ces certificats ont été produits en deux lots, le premier obtenu de l’institution helvétique lors des opérations de contrôle de l’URSSAF du Bas-Rhin, aux droits de laquelle vient l’URSSAF d’Alsace, le second, postérieurement à la décision des premiers juges.

La solution du litige dépend ainsi du point de savoir si la délivrance d’un certificat E 101 par l’institution compétente d’un autre État membre est assortie des effets que lui attache d’ordinaire la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne lorsque les modalités selon lesquelles le travailleur salarié exerce son activité sur le territoire d’un État membre n’entrent manifestement pas dans le champ d’application matériel des règles dérogatoires de l’article 14 du règlement no 1408/71.

La question se pose à présent dans de nombreux litiges en raison de l’internationalisation de l’activité des entreprises et de l’adoption des stratégies d’optimisation fiscale et sociale, de nature à remettre en cause les principes de la libre circulation des travailleurs, de la libre prestation des services et l’existence d’une concurrence effective et non faussée dans le marché intérieur.

La Cour de cassation a sursis à statuer jusqu’à la décision de la Cour de justice de l’Union européenne, laquelle a répondu à la question préjudicielle, par arrêt du 27 avril 20173, en ces termes :

« L’article 12 bis, point 1 bis, du règlement (CEE) no 574/72 du Conseil du 21 mars 1972 fixant les modalités d’application du règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) no 118/97 du Conseil du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) no 647/2005 du Parlement européen et du Conseil du 13 avril 2005, doit être interprété en ce sens qu’un certificat E 101 délivré par l’institution désignée par l’autorité compétente d’un État membre, au titre de l’article 14, paragraphe 2, sous a, du règlement no 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement no 118/97, tel que modifié par le règlement (CE) no 647/2005 du Parlement européen et du Conseil du 13 avril 2005, lie tant les institutions de sécurité sociale de l’État membre dans lequel le travail est effectué que les juridictions de cet État membre, même lorsqu’il est constaté par celles-ci que les conditions de l’activité du travailleur concerné n’entrent manifestement pas dans le champ d’application matériel de cette disposition du règlement no 1408/714 ».

1 Assemblée plénière, 6 novembre 2015, pourvoi no 13-25.467, Bull. 2015, Ass. plén, no 9, BICC no 839, du 1er avril 2016, p. 8 et s.2 CJCE, 10 février 2000, C-202/97, FTS ; 30 mars 2000, C-178/97, Banks e.a., et 26 janvier 2006, C-2/05, Herbosch Kiere.3 C-620/15.4 Les termes soulignés des citations de toute nature figurant dans le présent rapport complémentaire le sont par le rapporteur.

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Dans cet arrêt, la Cour de justice a repris les principaux motifs de ses arrêts antérieurs5, principalement intervenus au sujet des travailleurs détachés, au sens des articles 14, paragraphe 1, sous a, du règlement no 1408/716 et 11, paragraphe 1, du règlement no 574/727, pour les appliquer spécifiquement aux certificats E 101 délivrés, en l’espèce, en application de l’article 12 bis, point 1 bis, du règlement no 574/72, au titre de l’article 14, paragraphe 2, sous a, du règlement no 1408/71 relatifs aux travailleurs salariés exerçant une activité internationale.

Les grandes lignes de l’arrêt du 27 avril 2017 peuvent être citées.

La Cour de justice a, à titre liminaire, rappelé que « c’est en partant de constatations effectuées par la juridiction de renvoi qu’il convient de répondre à la question posée par celle-ci, telle que reformulée au point 34 du présent arrêt, celui-ci ne préjugeant donc pas du point de savoir si les travailleurs concernés relèvent ou non du champ d’application de l’article 14 du règlement no 1408/71 ni de la législation applicable auxdits travailleurs8 ».

Cette précision est justifiée par la jurisprudence constante de la Cour de justice selon laquelle celle-ci « est uniquement habilitée à se prononcer sur l’interprétation ou la validité du droit de l’Union au regard de la situation factuelle et juridique telle que décrite par la juridiction de renvoi, afin de donner à cette dernière les éléments utiles à la solution du litige dont elle est saisie9 ». Or, la question préjudicielle posée par l’assemblée plénière reposait sur le postulat selon lequel les conditions de l’activité des travailleurs salariés en cause n’entraient manifestement pas dans le champ d’application matériel des règles dérogatoires de l’article 14, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1408/71, ce présupposé étant lui-même fondé sur la constatation souveraine, par la cour d’appel, de l’emploi des travailleurs salariés en cause exclusivement sur le territoire français10. La Cour de justice tient donc pour acquis les faits ainsi constatés.

La Cour de justice a réaffirmé l’étendue de la force probatoire conférée au certificat E 101, lequel s’impose tant aux institutions qu’aux juridictions de l’État membre dans lequel le travail est effectué, et rappelé la procédure à suivre pour résoudre les éventuels différends entre les institutions des États membres concernés portant sur la validité ou l’exactitude d’un certificat E 10111 :

« Aussi longtemps que le certificat E 101 n’est pas retiré ou déclaré invalide, l’institution compétente de l’État membre dans lequel le travailleur effectue un travail doit tenir compte du fait que ce dernier est déjà soumis à la législation de sécurité sociale de l’État membre où est établie l’entreprise qui l’emploie et cette institution ne saurait, par conséquent, soumettre le travailleur en question à son propre régime de sécurité sociale (arrêt du 30 mars 2000, Banks e.a., C-178/97, EU:C:2000:169, point 42, et jurisprudence citée).

Toutefois, il incombe à l’institution compétente de l’État membre qui a établi le certificat E 101 de reconsidérer le bien-fondé de cette délivrance et, le cas échéant, de retirer ce certificat lorsque l’institution compétente de l’État membre dans lequel le travailleur effectue un travail émet des doutes quant à l’exactitude des faits qui sont à la base dudit certificat et, partant, des mentions qui y figurent, notamment parce que celles-ci ne correspondent pas aux exigences de l’article 14, paragraphe 2, sous a, du règlement no 1408/71 (voir, par analogie, arrêt du 30 mars 2000, Banks e.a., C-178/97, EU:C:2000:169, point 43, et jurisprudence citée).

Dans l’hypothèse où les institutions concernées ne parviendraient pas à se mettre d’accord notamment sur l’appréciation des faits propres à une situation spécifique et, par conséquent, sur la question de savoir si celle-ci relève de l’article 14, paragraphe 2, sous a, du règlement no 1408/71, il leur est loisible d’en appeler à la commission administrative (voir, par analogie, arrêt du 26 janvier 2006, Herbosch Kiere, C-2/05, EU:C:2006:69, point 28, et jurisprudence citée).

Si cette dernière ne parvient pas à concilier les points de vue des institutions compétentes au sujet de la législation applicable en l’espèce, il est à tout le moins loisible à l’État membre sur le territoire duquel le travailleur concerné effectue un travail, et ce, sans préjudice des éventuelles voies de recours de nature juridictionnelle existant dans l’État membre dont relève l’institution émettrice, d’engager une procédure en manquement, conformément à l’article 259 TFUE, aux fins de permettre à la Cour d’examiner, à l’occasion d’un tel recours, la question de la législation applicable audit travailleur et, partant, l’exactitude des mentions figurant dans le certificat E 101 (arrêt du 10 février 2000, FTS, C-202/97, EU:C:2000:75, point 58).

S’il était admis que l’institution nationale compétente puisse, en saisissant une juridiction de l’État membre d’accueil du travailleur concerné dont elle relève, faire déclarer invalide un certificat E 101, le système fondé sur la coopération loyale entre les institutions compétentes des États membres risquerait d’être compromis (arrêt du 26 janvier 2006, Herbosch Kiere, C-2/05, EU:C:2006:69, point 30).

Il ressort de ce qui précède que, aussi longtemps qu’il n’est pas retiré ou déclaré invalide, le certificat E 101 s’impose dans l’ordre juridique interne de l’État membre dans lequel le travailleur salarié se rend pour effectuer un travail et, partant, lie les institutions de cet État membre (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2006, Herbosch Kiere, C-2/05, EU:C:2006:69, point 31).

5 Voir notamment les arrêts FTS, Banks e.a. et Herbosch Kiere, précités, en partie cités au III, p. 21 à 30 du rapport principal, dans la présente affaire.

6 Règlement du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté.

7 Règlement du 21 mars 1972 fixant les modalités d’application du règlement no 1408/71/CEE du 14 juin 1971.8 Arrêt A-Rosa Flussschiff, point 36.9 Voir, par exemple, arrêt du 28 juillet 2016, Kratzer, C-423/15, point 27.10 Arrêt attaqué, p. 7, quatrième paragraphe.11 Il est rappelé qu’aux fins de l’application des règlements invoqués en l’espèce, la Confédération suisse est considérée comme un

État membre (voir p. 13 et 14 du rapport principal dans la présente affaire).

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15 avril 2018Arrêt publié intégralement

•Bulletin d’information

Il en découle qu’une juridiction de l’État membre d’accueil n’est pas habilitée à vérifier la validité d’un certificat E 101 au regard des éléments sur la base desquels il a été délivré (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2006, Herbosch Kiere, C-2/05, EU:C:2006:69, point 32)12 ».

Abordant la question spécifique de l’incidence, sur la force probatoire des certificats E 101, du caractère manifestement inapplicable des règles dérogatoires de l’article 14, paragraphe 2, sous a, du règlement no 1408/71 aux conditions dans lesquelles les travailleurs salariés visés par ces certificats exerçaient leur activité, la Cour de justice a considéré que « le fait que les travailleurs concernés ne relèvent manifestement pas du champ d’application dudit article 14 ne modifie en rien les considérations qui précèdent13 ».

Elle s’en explique en ces termes : « dès lors que la Cour a déterminé, à travers sa jurisprudence, la procédure à suivre pour résoudre les éventuels différends entre les institutions des États membres concernés portant sur la validité ou l’exactitude d’un certificat E 101, les institutions des États amenés à appliquer les règlements no 1408/71 et no 574/72, y compris la Confédération suisse, conformément à l’accord CE-Suisse, doivent observer cette procédure, même s’il était avéré que les conditions de l’activité des travailleurs concernés n’entrent manifestement pas dans le champ d’application matériel de la disposition sur la base de laquelle le certificat E 101 a été délivré14 ».

C’est en se fondant sur l’existence d’une procédure de dialogue entre les institutions compétentes de chaque État membre concerné et de conciliation devant la commission administrative pour la sécurité sociale des travailleurs migrants, instituée auprès de la Commission par l’article 80 du règlement no 1408/7115, que la Cour de justice a écarté « les arguments invoqués par le gouvernement français et par l’URSSAF quant à l’inefficacité de ladite procédure et la nécessité de prévenir la concurrence déloyale ainsi que le dumping social16 ».

Elle a ajouté que « les autorités françaises n’ont ni épuisé la voie de dialogue avec la caisse d’assurance sociale suisse ni même tenté de saisir la commission administrative, de sorte que les faits ayant donné lieu à ce litige ne sauraient être de nature à mettre en avant de prétendues déficiences de la procédure déterminée par la jurisprudence de la Cour ou à démontrer l’impossibilité de résoudre des situations éventuelles de concurrence déloyale ou de dumping social17 ».

La Cour de justice a ensuite indiqué que la commission administrative pour la sécurité sociale des travailleurs migrants s’était appropriée sa jurisprudence en rappelant que « la décision no 18118 a fait siens les principes juridiques qui ressortent de la jurisprudence de la Cour relative au certificat E 101, y compris l’obligation de soumettre à la commission administrative les éventuelles divergences relatives à la législation applicable aux faits qui sont à la base de la délivrance d’un certificat E 10119 ».

Elle s’est également référée aux dispositions de l’article 84 bis, paragraphe 3, du règlement no 1408/71, introduit en 200620 et par lequel « le législateur de l’Union » a prévu, « en cas de difficultés d’interprétation ou d’application de ce règlement, susceptibles de mettre en cause les droits d’une personne couverte par celui-ci, en premier lieu, la voie du dialogue entre les institutions compétentes des États membres concernés et, en second lieu, le recours à la commission administrative21 ».

La Cour de justice a, en outre, constaté que « le règlement no 987/2009, actuellement en vigueur, a codifié la jurisprudence de la Cour, en consacrant le caractère contraignant du certificat E 101 et la compétence exclusive de l’institution émettrice quant à l’appréciation de la validité dudit certificat, et en reprenant explicitement la procédure remise en cause par le gouvernement français et par l’URSSAF en tant que moyen pour résoudre les différends portant tant sur l’exactitude des documents établis par l’institution compétente d’un État membre que sur la détermination de la législation applicable au travailleur concerné22 ».

Abordant enfin la spécificité de la Confédération suisse, qui est soumise aux règlements applicables en l’espèce, quoiqu’elle ne soit pas un État membre, la Cour de justice considère que « le fait que, en l’occurrence, l’État émetteur des certificats E 101 est la Confédération suisse et que, partant, un éventuel recours en manquement ne saurait être engagé au regard de cet État, ainsi que l’a fait valoir le gouvernement français, n’a aucune incidence sur le caractère contraignant des certificats E 101 en cause au principal, l’accord CE-Suisse prévoyant son propre système de règlement des différends entre les parties contractantes23 ».

II. - Observations complémentaires de l’URSAFF d’Alsace

II. - 1. Par ses observations complémentaires, déposées le 6 juin 2017, l’URSSAF d’Alsace fait valoir, en premier lieu, que l’arrêt du 27 avril 2017 n’impose pas la censure de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Colmar le 12 septembre 2013.

L’arrêt de la Cour de justice serait, en effet, sans incidence sur des certificats E 101 obtenus frauduleusement. Il ne viendrait en aucun cas résoudre la question de l’applicabilité de la jurisprudence constante de cette cour sur l’effet contraignant du certificat E 101 en cas d’abus de droit ou de fraude de la part du travailleur ou de son employeur.

12 Points 43 à 49.13 Point 52.14 Point 53.15 Voir, sur la procédure de remise en cause de la validité des certificats E 101, « Mode de règlement des litiges relatifs aux certificats

E 101 », p. 28 à 30 du rapport principal dans la présente affaire.16 Point 54.17 Point 56.18 Voir, sur la décision no 181, p. 22 et 23, ainsi que la note 29 du rapport principal dans la présente affaire.19 Point 57.20 Décision no 1/2006 du comité mixte Suisse-UE du 6 juillet 2006, en vigueur pour la Suisse depuis le 6 juillet 2006.21 Point 58.22 Point 59.23 Point 60.

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Bulletin d’informationArrêt publié intégralement

•15 avril 2018

Selon l’URSSAF, la portée de l’arrêt rendu par la Cour de justice est réduite aux hypothèses de recours erroné au détachement, mais n’a pas vocation à s’appliquer aux hypothèses de fraude ou d’abus de droit. Elle ajoute qu’aucun arrêt de la Cour de justice ayant précisé la portée juridique des certificats E 101, celui du 27 avril 2017 inclus, n’a encore jamais jugé que ces derniers devaient s’imposer dans l’ordre juridique interne, alors même qu’ils seraient entachés de fraude. L’URSSAF expose qu’il est incontestable que la prohibition de l’abus de droit est un principe général du droit européen et qu’en matière de sécurité sociale, l’abus de droit se rattache à la fraude. Elle se réfère, notamment, aux arrêts Paletta de la Cour de justice des 3 juin 199224 et 2 mai 199625, relatifs à l’abus de droit en matière de sécurité sociale.

L’URSSAF considère que, dans la présente affaire, la cour d’appel ayant relevé que les salariés en cause avaient été « spécialement et exclusivement recrutés pour des prestations saisonnières sur les bateaux Luna et Stella, lesquels n’ont été exploités qu’en France », le litige ne portait pas seulement sur le recours erroné aux règles du détachement, mais sur une mise en œuvre abusive, voire frauduleuse, de la procédure instituée par le règlement no 574/72 concernant la délivrance des certificats E 101 en faveur des salariés détachés ou des personnels navigants.

L’interprétation opérée par la Cour de justice ne serait donc pas applicable en l’espèce.

II. - 2. En deuxième lieu, l’URSSAF estime qu’en tout état de cause, il ne saurait être admis que la présomption de régularité de l’affiliation des travailleurs détachés au régime de sécurité sociale de l’État membre qui l’a émis, tant qu’il n’a pas été retiré ou déclaré invalide, lie de manière irréfragable les juridictions de l’État membre dans lequel ce travailleur exerce en réalité son activité.

Invoquant la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme26, elle considère qu’une telle présomption méconnaîtrait les dispositions de l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, lequel suppose que tout justiciable soit entendu par un tribunal indépendant jouissant de la plénitude de juridiction et répondant à une série d’exigences telles que l’indépendance à l’égard de l’exécutif comme des parties en cause, et la compétence pour se pencher sur toutes les questions de fait et de droit pertinentes pour le litige dont il se trouve saisi.

Elle soutient que le juge français ne saurait être obligé par le certificat E 101, qui est un acte délivré par l’autorité administrative d’un autre État membre, sans pouvoir le soumettre ni à la critique ni à un débat contradictoire, alors même qu’il est établi qu’en l’espèce, les certificats litigieux avaient en réalité été obtenus frauduleusement, dans le seul but d’éluder l’application de la loi française.

L’URSSAF suggère que l’assemblée plénière s’inspire de la position adoptée par la chambre criminelle, dans ses arrêts du 11 mars 201427, en matière de certificats E 101, pour juger sans incidence l’arrêt de la Cour de justice du 27 avril 2017, en cas de certificats obtenus frauduleusement. Elle expose que la chambre criminelle a approuvé la cour d’appel de Paris d’avoir condamné des compagnies aériennes low cost du chef de travail dissimulé, après avoir considéré que des certificats émis par une autorité administrative d’un autre État membre ne pouvaient lui interdire de vérifier la réalité d’une infraction pénalement sanctionnée, consacrant ainsi une autonomie du droit pénal.

II. - 3. En dernier lieu, l’URSSAF fait valoir que la solution retenue par la Cour de justice de l’Union européenne, dans son arrêt du 27 avril 2017, n’a pas lieu de s’imposer en l’espèce. Rappelant que, selon la Cour de justice, « c’est en partant de constatations effectuées par la juridiction de renvoi qu’il convient de répondre à la question posée par celle-ci, telle que reformulée au point 34 du présent arrêt, celui-ci ne préjugeant donc pas du point de savoir si les travailleurs concernés relèvent ou non du champ d’application de l’article 14 du règlement no 1408/71 ni de la législation applicable auxdits travailleurs28 », elle estime que la Cour de justice ne s’est pas prononcée sur le point de savoir si les salariés de la société A-Rosa concernés par le redressement relevaient ou ne relevaient pas du champ d’application de l’article 14 du règlement no 1408/71.

Or, en l’espèce, la cour d’appel aurait expressément constaté que les salariés en cause ne relevaient ni de l’exception prévue en faveur des salariés détachés29 ni de celles prévues en faveur du personnel navigant d’une entreprise effectuant des transports internationaux de passagers ou marchandises30.

Des constatations de la cour d’appel, non remises en cause par l’arrêt du 27 avril 2017, il ressortirait que le litige à l’origine du présent pourvoi ne concerne pas une hypothèse de salariés migrants, au sens des dispositions de l’article 14 du règlement no 1408/71.

Selon l’URSSAF, la société A-Rosa ne se situe donc pas dans le cadre des dispositions du Traité de l’Union européenne concernant les travailleurs migrants en Europe. Dès lors, elle ne peut bénéficier des dispositions instituées par ce Traité pour favoriser la libre circulation des travailleurs et la libre prestation des services à l’intérieur de l’Union européenne, parmi lesquelles celles de l’article 14 précité.

Il en résulterait que seules les dispositions de l’article 13, paragraphe 2, sous a, du règlement no 1408/71, selon lesquelles un travailleur occupé sur le territoire d’un État membre est soumis à la législation de cet État, même s’il réside sur le territoire d’un autre État ou si l’entreprise ou l’employeur qui l’occupe a son siège ou son domicile sur le territoire d’un autre État membre, ont vocation à régir le présent litige.

24 C-45/90.25 C-206/94.26 Arrêts Beaumartin c/ France du 24 novembre 1994 (no 15287/89) et Chevrol c/ France du 13 février 2003 (no 49636/99).27 Crim., 11 mars 2014, pourvoi no 11-88.420, Bull. crim. 2014, no 74 ; Crim., 11 mars 2014, pourvoi no 12-81.461, Bull. crim. 2014,

no 75.28 Arrêt A-Rosa Flussschiff, précité, point 36.29 Article 14, paragraphe 1, du règlement no 1408/71.30 Article 14, paragraphe 2, du règlement no 1408/71.

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15 avril 2018Arrêt publié intégralement

•Bulletin d’information

III. - Observations complémentaires de la société A-Rosa Flussschiff

III. - 1. Par ses observations complémentaires, déposées le 15 novembre 2017, la société A-Rosa fait valoir que, dans son arrêt du 27 avril 2017, la Cour de justice réaffirme la force obligatoire du certificat E 101 à l’égard des juridictions nationales, assurant la sécurité juridique indispensable au bon fonctionnement du marché unique européen. L’arrêt de la Cour de justice validerait, en conséquence, le bien-fondé et la portée de la critique soulevée dans la première branche du moyen unique du pourvoi.

III. - 2. La société A-Rosa ajoute qu’en soutenant que, dès lors que ses salariés ne relèvent pas du champ d’application de l’article 14 du règlement no 1408/71, ils ne pouvaient se voir appliquer les dispositions du droit de l’Union Européenne sur la libre circulation des travailleurs et se prévaloir en conséquence des certificats E 101, l’URSSAF reprocherait à l’assemblée plénière de la Cour de cassation d’avoir posé une question préjudicielle à la Cour de justice qui ne s’applique pas au présent litige. Or, ainsi que celle-ci l’a constaté dans l’arrêt du 27 avril 2017, « un certificat E 101 délivré par l’institution compétente d’un État membre, […], lie tant ces institutions et ces juridictions que la personne qui fait appel aux services de ces travailleurs. Le fait que les travailleurs concernés ne relèvent manifestement pas du champ d’application dudit article 14 ne modifie en rien les considérations qui précèdent ».

III. - 3. Elle expose également que l’URSSAF ne peut se prévaloir de prétendus fraudes et abus de droit. Non seulement une telle argumentation reviendrait, de nouveau, à soutenir que la question posée par l’assemblée plénière ne s’applique pas au présent litige, mais, par un tel moyen de défense, l’URSSAF procéderait à une lecture tronquée de la décision du 27 avril 2017. Selon la société A-Rosa, si, dans cet arrêt, la Cour de justice n’a pas abordé la question de la fraude, a fortiori n’aurait-elle pas posé un quelconque principe dérogatoire à la force obligatoire des certificats E 101 en présence d’une situation de fraude ou d’abus. En outre, l’URSSAF recourrait à une affirmation manquant en fait lorsqu’elle prétend que la fraude de la société A-Rosa serait établie. La cour d’appel de Colmar se serait contentée de juger que les salariés étrangers intervenant sur les bateaux Luna et Stella exploités en France par la société A-Rosa ne relevaient pas des dispositions de l’article 14 du règlement no 1408/71 sans constater de fraude ou d’abus de droit. Elle n’aurait pas relevé que la société A-Rosa a intentionnellement détourné la législation applicable.

III. - 4. Enfin, la société A-Rosa conclut que la cour d’appel de Colmar ayant refusé de tirer les conséquences juridiques découlant de la production de certificats E 101 valides et non retirés, sa décision doit être censurée. Selon elle, il en va tout à la fois du respect du principe d’unicité de la législation de sécurité sociale, de la sécurité juridique indispensable au bon fonctionnement du marché unique européen et de l’interdiction en droit de l’Union des doubles assujetissements. Une confirmation de l’arrêt de la cour d’appel de Colmar exposerait, en revanche, la France à l’engagement de sa responsabilité pour des dommages causés aux particuliers par une violation du droit européen.

IV. - Éléments de discussion

En disant pour droit que l’article 12 bis, point 1 bis, du règlement no 574/72 doit être interprété en ce sens qu’un certificat E 101 délivré par l’institution désignée par l’autorité compétente d’un État membre, au titre de l’article 14, paragraphe 2, sous a, du règlement no 1408/71, lie tant les institutions de sécurité sociale de l’État membre dans lequel le travail est effectué que les juridictions de cet État membre, même lorsqu’il est constaté par celles-ci que les conditions de l’activité du travailleur concerné n’entrent manifestement pas dans le champ d’application matériel de cette disposition du règlement no 1408/71, la Cour de justice réaffirme le caractère obligatoire, pour le juge de l’État membre d’accueil, du certificat E 101 délivré par l’institution de sécurité sociale du lieu où l’employeur est établi.

IV. - 1. Par les première et huitième branches du moyen unique, la société A-Rosa soutient que le juge de l’État membre d’accueil ou d’emploi n’est pas habilité à vérifier la validité d’un certificat E 101 en ce qui concerne l’attestation des éléments sur la base desquels ce certificat a été délivré, notamment l’existence d’un lien organique entre l’entreprise qui détache un travailleur et le travailleur détaché.

L’application de l’arrêt du 27 avril 2017 au présent litige suppose, notamment, que soit précisée la notion de « conditions de l’activité du travailleur concerné », au sens de cet arrêt, laquelle semble désigner, bien qu’en des termes différents, les « éléments sur la base desquels un certificat a été délivré », au sens du moyen. En effet, si les conditions auxquelles il est ainsi fait référence sont constituées par l’exercice, par les salariés en cause, de leur activité sur le seul territoire français, relevé par la cour d’appel dans l’arrêt attaqué, cette constatation du défaut de l’une des conditions requises pour la mise en œuvre de l’exception prévue par l’article 14, paragraphe 2, sous a, du règlement no 1408/7131 ne suffirait pas, selon l’arrêt de la Cour de justice, à permettre au juge national de remettre en cause les certificats E 101 litigieux, alors même qu’il a relevé, comme en l’espèce, qu’ils ne mentionnent « ni les lieux d’exécution des prestations de travail, ni les bateaux d’affectation32 » et que « les personnels en cause n’ont été en définitive employés que pour des croisières en France33 ».

L’assemblée plénière devra donc interpréter l’arrêt du 27 avril 2017 pour déterminer si l’exercice exclusif de l’activité en France des salariés visés par les certificats E 101 litigieux était de nature à délier la cour d’appel de la force obligatoire attachée à ces certificats, dont il résultait la désignation de la loi de sécurité sociale suisse.

IV. - 2. Au préalable, elle pourrait devoir trancher la question de savoir si, comme le soutient l’URSSAF, en premier lieu, et le conteste la société A-Rosa, l’arrêt du 27 avril 2017 ne peut recevoir application, en l’espèce,

31 On rappellera qu’il résulte de l’article 14, paragraphe 2, sous a, qu’il peut être fait exception à la règle énoncée à l’article 13, paragraphe 2, selon laquelle la législation de sécurité sociale applicable est la loi nationale du lieu de travail, lorsque la personne en cause « exerce normalement une activité salariée sur le territoire de deux ou plusieurs États membres ».

32 Arrêt attaqué, p. 7, troisième paragraphe.33 Ibid., p. 7, quatrième paragraphe.

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Bulletin d’informationArrêt publié intégralement

•15 avril 2018

dès lors que les faits à l’origine du litige attesteraient de l’existence d’un abus de droit, voire d’une fraude, ces circonstances ayant été expressément exclues de l’analyse proposée, et suivie par la Cour de justice, par l’avocat général M. Saugmandsgaard Øe, dans ses conclusions du 12 janvier 2017.

Après avoir prévenu que, « dans l’analyse qui suit, [il] partirai[t] donc de la prémisse selon laquelle la question préjudicielle ne tend pas à obtenir des précisions concernant l’applicabilité de la jurisprudence de la Cour sur l’effet contraignant du certificat E 101 en cas d’abus de droit ou de fraude34 », l’avocat général a conclu qu’il convenait « de rappeler que l’analyse exposée dans les présentes conclusions ne vise pas les cas d’abus de droit ou de fraude de la part du travailleur ou de son employeur, eu égard aux données du litige au principal », et qu’il « ne saurait ainsi être exclu qu’il puisse être nécessaire, à l’avenir, d’apporter des précisions quant à l’applicabilité de la jurisprudence sur l’effet contraignant du certificat E 101 aux situations dans lesquelles un tel abus ou une telle fraude a été constaté35 ».

En cela, l’URSSAF rejoint l’avis du procureur général, M. Marin, qui, dans son premier avis rendu dans la présente affaire, faisait reposer sa proposition de question préjudicielle sur le postulat de l’existence d’une « fraude avérée36 ».

L’examen de cet argument devra tenir compte du fait qu’il ne semble pas que le redressement litigieux, les motifs du jugement ou ceux de l’arrêt attaqué se réfèrent à la notion d’abus de droit ou de fraude. Il y a lieu d’ajouter que l’application régulière d’une qualification nouvelle, au stade du pourvoi, est subordonnée au caractère de pur droit du motif substitué auquel la Cour de cassation pourrait recourir pour justifier un éventuel rejet de ce pourvoi.

Il paraît utile d’indiquer, dans l’hypothèse où l’assemblée plénière retiendrait la qualification d’abus de droit ou de fraude sur le fondement des constatations de la cour d’appel, que la Cour de justice est saisie d’une question préjudicielle posée par la Cour de cassation belge, dont il a déjà été constaté que la jurisprudence suivait celle de la Cour de justice37, portant sur le droit pour le juge de l’État d’accueil d’écarter ou d’annuler un certificat E 101 si celui-ci a été obtenu de manière frauduleuse38. Les conclusions de l’avocat général M. Saugmandsgaard Øe ont été prononcées le 9 novembre 2017.

Au terme de son analyse de la question préjudicielle de la Cour de cassation de Belgique, l’avocat général a ainsi conclu :

« L’article 11, paragraphe 1, du règlement (CEE) no 574/72 du Conseil du 21 mars 1972 fixant les modalités d’application du règlement (CEE) no 1408/71 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, tel que modifié par le règlement (CEE) no 3795/81 du Conseil du 8 décembre 1981, doit être interprété en ce sens qu’une juridiction de l’État membre d’accueil peut laisser inappliqué un certificat E 101 délivré par l’institution désignée par l’autorité compétente d’un État membre, au titre de l’article 14, paragraphe 1, sous a, du règlement no 1408/71, tel que modifié par le règlement (CEE) no 1390/81 du Conseil du 12 mai 1981, lorsqu’il est constaté par cette juridiction que ledit certificat a été obtenu ou invoqué de manière frauduleuse ».

La Cour de justice, dans sa formation de grande chambre, ne devrait pas se prononcer avant le début de l’année prochaine.

IV. - 3. L’URSSAF a fait valoir, en deuxième lieu, que l’obligation pour le juge de l’État membre d’accueil de se conformer aux certificats E 101 qui n’ont pas été retirés ou invalidés n’était pas conforme à l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, tel qu’interprété par la Cour européenne des droits de l‘homme. Elle invoque, à cet égard, deux arrêts de cette Cour, les arrêts Beaumartin c/ France et Chevrol c/ France, dont il résulterait que le juge de l’État d’accueil ne peut être lié en toutes circonstances, c’est-à-dire même en cas de fraude, par un acte délivré par l’autorité administrative d’un autre État membre, sans pouvoir le soumettre ni à la critique ni à un débat contradictoire. En pareil cas, l’URSSAF serait privée d’un procès équitable, au sens de l’article 6, § 1, dès lors qu’elle n’aurait pas été entendue par un « tribunal » indépendant et de pleine juridiction.

Par son arrêt du 24 novembre 1994 Beaumartin c/ France39, la Cour européenne des droits de l’homme a considéré que la jurisprudence du Conseil d’État français antérieure à 1990, selon laquelle le juge administratif, confronté à une difficulté sérieuse d’interprétation d’une convention internationale, était tenu de demander au ministre des affaires étrangères d’indiquer le sens de la disposition contestée pour ensuite s’y conformer en toutes circonstances, privait le Conseil d’État de sa qualité de « tribunal », au sens de l’article 6, § 1, à savoir d’organe jouissant de la plénitude de juridiction et répondant à une série d’exigences telles que l’indépendance à l’égard de l’exécutif comme des parties en cause. Il en résultait que, dans cette affaire, la cause des requérants n’avait pas été entendue par un « tribunal » indépendant et de pleine juridiction40.

Par son arrêt du 13 février 2003, Chevrol c/ France41, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que la pratique française du renvoi préjudiciel du juge administratif au ministre des affaires étrangères, destinée à

34 Conclusions, point 36.35 Ibid., point 85.36 Avis, p. 25 et 33.37 Rapport principal, dans la présente affaire, p. 35 et 16.38 C-359/16, Altun e.a. La question de la Cour de cassation belge est ainsi formulée : « Un juge autre que celui de l’État membre d’envoi

peut-il annuler ou écarter un certificat E 101 délivré en vertu de l’article 11, paragraphe 1, du règlement (CEE) no 574/721 du Conseil du 21 mars 1972 fixant les modalités d’application du règlement (CEE) no 1408/71 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, tel qu’applicable avant son abrogation par l’article 96, paragraphe 1, du règlement (CE) no 987/20092 fixant les modalités d’application du règlement (CE) no 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, si les faits soumis à son appréciation permettent de constater que ledit certificat a été obtenu ou invoqué de manière frauduleuse ? ».

39 Requête no 15287/89.40 Arrêt Beaumartin c/ France, points 34 à 39.41 Requête no 49636/99.

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•Bulletin d’information

l’informer de l’existence de la réciprocité dont dépend, selon l’article 55 de la Constitution de 1958, le caractère applicable d’un traité, privait la partie requérante du droit d’être entendue par un « tribunal » de pleine juridiction, dès lors que le juge s’estimait lié par l’avis exprimé par le ministère des affaire étrangères.

Dans cet arrêt, la Cour s’est prononcée en ces termes :

« 76. La Cour rappelle, tout d’abord, que seul mérite l’appellation de “tribunal”, au sens de l’article 6, § 1, un organe jouissant de la plénitude de juridiction et répondant à une série d’exigences telles que l’indépendance à l’égard de l’exécutif comme des parties en cause (voir, entre autres, les arrêts Ringeisen c/ Autriche du 16 juillet 1971, série A no 13, p. 39, § 95, Le Compte, Van Leuven et De Meyere c/ Belgique du 23 juin 1981, série A no 43, p. 24, § 55, Belilos c/ Suisse du 29 avril 1988, série A no 132, p. 29, § 64, et surtout l’arrêt Beaumartin précité, p. 62 et 63, §§ 38 et 39).

77. Elle rappelle également que pour qu’un “tribunal” puisse décider d’une contestation sur des droits et obligations de caractère civil en conformité avec l’article 6, § 1, il faut qu’il ait compétence pour se pencher sur toutes les questions de fait et de droit pertinentes pour le litige dont il se trouve saisi (voir, notamment et mutatis mutandis, les arrêts Le Compte, Van Leuven et De Meyere précité, p. 23, § 51, b, Fischer c/ Autriche du 26 avril 1995, série A no 312, p. 17, § 29, et Terra Woningen B.V. c/ Pays-Bas du 17 décembre 1996, Recueil 1996-VI, p. 2122-2123, § 52).

78. La Cour observe que la pratique du renvoi préjudiciel suivie par le Conseil d’État oblige le juge administratif, amené à se prononcer sur les conditions de mise en œuvre de la réserve de réciprocité prévue à l’article 55 de la Constitution française, à demander au ministre des affaires étrangères d’indiquer l’existence de la réciprocité et d’en tirer les conséquences quant au traité examiné, pour ensuite s’y conformer en toutes circonstances. Le gouvernement le concède.

79. Elle constate que si, à la suite d’un changement de la jurisprudence, une telle pratique n’est plus utilisée en matière d’interprétation des traités internationaux (paragraphe 24 ci-dessus), elle demeure appliquée en ce qui concerne la réserve de réciprocité.

80. La Cour admet que la transposition demandée de la jurisprudence Beaumartin n’a rien d’automatique, car l’appréciation de l’applicabilité des traités diffère de l’interprétation des traités : il s’agit notamment d’une matière plus factuelle que purement juridique. Selon la Cour, il est indéniable que, afin de déterminer si, dans les faits, le traité est appliqué ou non par l’État cocontractant, les juridictions peuvent être appelées à consulter le ministère des affaires étrangères, par nature susceptible de détenir des informations concernant l’application du traité par l’autre État.

81. Toutefois, la Cour note qu’en l’espèce, le Conseil d’État, conformément à sa propre jurisprudence, s’en remit entièrement à une autorité relevant du pouvoir exécutif pour résoudre le problème d’applicabilité des traités qui lui était posé : il rejeta la requête soumise par la requérante au seul motif que le ministre des affaires étrangères avait affirmé que l’article 5 de la déclaration gouvernementale de 1962 ne pouvait être regardé comme étant en vigueur à la date pertinente, faute d’application par l’Algérie. Or, même si la consultation du ministre par le Conseil d’État pour l’appréciation de la condition de réciprocité peut paraître nécessaire, cette juridiction, par sa pratique actuelle du renvoi préjudiciel, utilisée en l’espèce, s’oblige à suivre obligatoirement l’avis du ministre, c’est-à-dire d’une autorité qui lui est extérieure, et qui se trouve en outre relever du pouvoir exécutif, sans soumettre cet avis à la critique ni à un débat contradictoire.

82. La Cour observe de surcroît que l’interposition de l’autorité ministérielle, qui fut déterminante pour l’issue du contentieux juridictionnel, ne se prêtait en effet à aucun recours de la part de la requérante, qui n’a d’ailleurs eu aucune possibilité de s’exprimer sur l’utilisation du renvoi préjudiciel ou sur le libellé de la question, ni de faire examiner ses éléments de réponse à cette question, ni de pouvoir ainsi répliquer au ministre, le cas échéant de façon utile, voire décisive, aux yeux du juge. En fait, la requérante, lorsqu’elle a eu connaissance des observations du ministre des affaires étrangères, a produit devant le Conseil d’État plusieurs éléments factuels tendant à prouver que la déclaration gouvernementale de 1962, selon elle, avait bien été appliquée par le gouvernement algérien. Il s’agissait notamment d’attestations de ministères algériens certifiant la reconnaissance par équivalence, en Algérie, de diplômes de médecine obtenus en France. Or ces éléments n’ont même pas été examinés par le Conseil d’État, qui n’a donc pas voulu en évaluer le bien-fondé. Cela ressort clairement de l’arrêt rendu le 9 avril 1999 : le Conseil d’État a considéré qu’il ne lui appartenait pas d’apprécier si l’Algérie avait mis en œuvre la déclaration gouvernementale de 1962, ni de tirer lui-même les conséquences de l’éventuelle inapplication de ce texte ; il s’est fondé exclusivement sur l’avis du ministre des affaires étrangères. Ce faisant, le Conseil d’État s’est considéré comme lié par cet avis ; il s’est ainsi privé volontairement de la compétence lui permettant d’examiner et de prendre en compte des éléments de fait qui pouvaient être cruciaux pour le règlement in concreto du litige qui lui était soumis.

83. Dans ces conditions, la requérante ne peut passer pour avoir eu accès à un tribunal ayant ou s’étant reconnu une compétence suffisante pour se pencher sur toutes les questions de fait et de droit pertinentes pour statuer sur ce litige (voir, notamment, l’arrêt Terra Woningen B.V. précité, p. 2123, § 54).

84. Partant, il y a eu violation de l’article 6, § 1, de la Convention en ce que la cause de la requérante n’a pas été entendue par un “tribunal” de pleine juridiction ».

L’assemblée plénière devra examiner le moyen du pourvoi principal à la lumière de la jurisprudence ainsi invoquée de la Cour européenne des droits de l’homme.

IV. - 4. En dernier lieu, l’URSSAF soutient que, selon la Cour de justice elle-même, dans son arrêt du 27 avril 2017, l’obligation pour le juge de l’État d’accueil de respecter un certificat E 101 ne vaut que si les travailleurs concernés relèvent du champ d’application de l’article 14 du règlement no 1408/71, ce que conteste la

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Bulletin d’informationArrêt publié intégralement

•15 avril 2018

société A-Rosa. En l’espèce, la cour d’appel aurait expressément constaté que les salariés en cause ne relevaient ni de l’exception prévue en faveur des salariés détachés ni de celles prévues en faveur du personnel navigant d’une entreprise effectuant des transports internationaux de passagers ou marchandises.

Il est vrai que, selon les dispositions de l’article 14, paragraphe 2, sous a, le défaut d’exercice normal d’une activité salariée sur le territoire de deux ou plusieurs États membres fait obstacle à l’application de l’exception énoncée à cet article.

Or, on sait qu’en l’espèce, la cour d’appel a souverainement constaté que les salariés en cause se trouvaient dans une telle situation, dès lors qu’ils exerçaient leur activité sur le seul territoire français. De ce seul point de vue, le régime de l’exception prévu par ce texte ne s’applique pas.

Il conviendra de déterminer si ces motifs permettent de justifier la décision de la cour d’appel.

Une telle orientation suppose que la constatation préalable par le juge national de l’exercice, par le travailleur salarié, de son activité sur le territoire d’un seul État membre, en méconnaissance des dispositions de l’article 14, paragraphe 2, sous a, invoquées par l’employeur, prévaut sur la force probatoire des certificats E 101. Celle-ci est attachée à « la constatation par l’institution compétente de la législation applicable42 » , en l’espèce, la législation suisse, constatation qui repose elle-même sur l’exercice d’« une activité salariée sur le territoire de deux ou plusieurs États membres », au sens de l’article 14, paragraphe 2, sous a43.

L’assemblée plénière dira si l’analyse proposée par l’URSSAF peut être conciliée avec le principe selon lequel, tant qu’ils ne sont pas retirés ou déclarés invalides44, ces certificats « s’impose[nt] dans l’ordre juridique interne de l’État membre dans lequel le travailleur salarié se rend pour effectuer un travail et, partant, lie les institutions de cet État membre45 », dont la Cour de justice a déduit qu’« une juridiction de l’État membre d’accueil n’est pas habilitée à vérifier la validité d’un certificat E 101 au regard des éléments sur la base desquels il a été délivré ».

Nombre de projet (s) préparé (s) : deux projets sont déposés, dont un comportant des variantes.

42 Ibid., p. 7, quatrième paragraphe.43 La cour d’appel a cependant constaté que, si les certificats E 101 litigieux visaient l’article 14, paragraphe 2, a, sous i, ils ne précisaient

« ni les lieux d’exécution des prestations de travail, ni les bateaux d’affectation ».44 Arrêt du 27 avril 2017, A-Rosa Flussschiff, précité, points 43 et 48.45 Ibid., point 48.

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•Bulletin d’information

Observations de M. MarinProcureur général

Par arrêt du 6 novembre 2015, l’assemblée plénière de la Cour a décidé de renvoyer à la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après Cour de justice) une question préjudicielle concernant les effets attachés au certificat E 101 lorsqu’il est délivré dans des conditions manifestement erronées à un travailleur détaché (attestant ainsi de son affiliation au régime de sécurité sociale de l’État dans lequel son employeur est établi ou possède une succursale).

Car le certificat E 101 (aujourd’hui A 1), prévu par les règlements no 1408/71 et no 574/72 modifiés relatifs à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, crée une présomption de régularité de l’affiliation des travailleurs détachés au régime de sécurité sociale de l’État membre où est établi l’employeur, présomption que la jurisprudence européenne n’a cessé de renforcer.

L’équilibre des règles instituées par le droit de l’Union en cette matière repose sur les principes de confiance et de reconnaissance mutuelle entre les États membres. Il suppose que soit mise en place une collaboration efficace et loyale entre administrations nationales.

L’institution compétente de l’État membre d’établissement de l’entreprise qui détache un salarié doit s’assurer, avant de délivrer le certificat d’affiliation, que les conditions du détachement sont réunies.

Pourtant, la pratique démontre que bon nombre d’États membres délivrent, parfois très a posteriori, des certificats E 101 pour des salariés se trouvant dans des situations manifestement irrégulières.

1. - La question préjudicielle

En l’espèce, et sans qu’il y ait lieu de reprendre intégralement les faits de l’affaire Rosa Flusschiff, les conditions de l’activité de certains travailleurs salariés de cette société, pourtant titulaires de certificats E 101, dont certains délivrés au cours de la procédure judiciaire, n’apparaissaient manifestement pas entrer dans le champ d’application matériel des règles dérogatoires du détachement de l’article 14, § 2, du règlement no 1408/71 modifié. La question de l’affiliation de ces personnes au régime de sécurité sociale français était donc discutée devant les juridictions du fond.

Dans le sens des conclusions que j’avais développées, vous avez donc interrogé par voie préjudicielle la Cour de justice sur le point de savoir si « l’effet attaché au certificat E 101 délivré, conformément à l’article 11, paragraphe 1, et à l’article 12 bis, point 1 bis, du règlement no 574/72, par l’institution désignée par l’autorité de l’État membre dont la législation de sécurité sociale demeure applicable à la situation du travailleur salarié, s’impose, d’une part, aux institutions et autorités de l’État [membre] d’accueil, [et], d’autre part, aux juridictions du même État membre, lorsqu’il est constaté que les conditions de l’activité du travailleur salarié n’entrent manifestement pas dans le champ d’application matériel des règles dérogatoires de l’article 14, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1408/71 ».

En d’autres termes, il s’agissait de savoir si l’effet attaché à ce certificat pouvait, dans de telles circonstances, être écarté et autoriser l’administration ou le juge de l’État d’accueil à remettre en cause sa validité, ouvrant une brèche dans un dispositif complexe et, redisons-le, peu satisfaisant au regard des situations concrètes observées en France.

2. - L’arrêt de la Cour de justice du 27 avril 20171

La Cour de justice a reformulé la question de la manière suivante :

« Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 12 bis, point 1 bis, du règlement no 574/72 doit être interprétée en ce sens qu’un certificat E 101 délivré par l’institution désignée par l’autorité compétente d’un État membre, au titre de l’article 14, paragraphe 2, sous a, du règlement no 1408/71, lie tant les institutions de sécurité sociale de l’État membre dans lequel le travail est effectué que les juridictions de cet État membre, même lorsqu’il est constaté par celles-ci que les conditions de l’activité du travailleur concerné n’entrent manifestement pas dans le champ d’application matériel de cette disposition du règlement no 1408/71 » (point 34 de l’arrêt).

Suivant les conclusions de l’avocat général Saugmandsgaard Øe présentées le 12 janvier 2017, la Cour de justice n’a pas entendu faire évoluer sa jurisprudence, réaffirmant que le caractère contraignant du certificat E 101 et la compétence exclusive de l’institution émettrice quant à sa validité ne pouvaient être remis en cause même en cas d’irrégularité manifeste et que les institutions de l’État d’accueil devaient observer la procédure de dialogue entre États membres prévue par les règlements, sans pouvoir unilatéralement se prononcer sur la validité du certificat et de l’affiliation du travailleur détaché.

Elle rappelle ainsi sa jurisprudence, selon laquelle « le certificat E 101, dans la mesure où il crée une présomption de régularité de l’affiliation du travailleur concerné au régime de sécurité sociale de l’État membre où est établie l’entreprise qui l’occupe, s’impose à l’institution compétente de l’État membre dans lequel ce travailleur effectue un travail ».

1 CJUE, 27 avril 2017, C-620/15, A-Rosa Flusschiff.

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Bulletin d’informationArrêt publié intégralement

•15 avril 2018

Elle ajoute que « s’il était admis que l’institution nationale compétente puisse, en saisissant une juridiction de l’État membre d’accueil du travailleur concerné dont elle relève, faire déclarer invalide un certificat E 101, le système fondé sur la coopération loyale entre les institutions compétentes des États membres risquerait d’être compromis ».

Elle n’admet ainsi aucune remise en cause par la circonstance que les travailleurs concernés ne travaillent que dans un seul État membre et n’entrent donc pas dans le champ de l’article 14, paragraphe 2, sous a, i, du règlement no 1408/71 modifié, en vertu duquel les certificats E 101 litigieux ont été délivrés.

Elle relève par ailleurs que « le règlement no 987/2009, actuellement en vigueur, a codifié [cette] jurisprudence, en consacrant le caractère contraignant du certificat E 101 et la compétence exclusive de l’institution émettrice quant à l’appréciation de la validité dudit certificat, et en reprenant explicitement la procédure remise en cause par le gouvernement français et par l’URSSAF en tant que moyen pour résoudre les différends portant tant sur l’exactitude des documents établis par l’institution compétente d’un État membre que sur la détermination de la législation applicable au travailleur concerné ».

En conséquence, la Cour de justice a dit pour droit que « l’article 12 bis, point 1 bis, du règlement (CEE) no 574/72 du Conseil du 21 mars 1972 fixant les modalités d’application du règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) no 118/97 du Conseil du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) no 647/2005 du Parlement européen et du Conseil du 13 avril 2005, doit être interprété en ce sens qu’un certificat E 101 délivré par l’institution désignée par l’autorité compétente d’un État membre, au titre de l’article 14, paragraphe 2, sous a, du règlement no 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement no 118/97, tel que modifié par le règlement (CE) no 647/2005 du Parlement européen et du Conseil du 13 avril 2005, lie tant les institutions de sécurité sociale de l’État membre dans lequel le travail est effectué que les juridictions de cet État membre, même lorsqu’il est constaté par celles-ci que les conditions de l’activité du travailleur concerné n’entrent manifestement pas dans le champ d’application matériel de cette disposition du règlement no 1408/71 ».

La décision de la Cour de justice n’est pas une surprise. Il est vrai que l’arrêt attaqué n’établissait pas directement l’existence d’une fraude de l’entreprise. Mais l’ampleur du phénomène en la matière, documentée de façon très précise2, et l’inquiétude grandissante des opinions publiques sur ces questions commandaient de saisir la Cour de justice de l’Union des difficultés résultant de pratiques de véritable dumping social que la France n’est pas le seul pays à connaître.

La doctrine dans son ensemble ne semble d’ailleurs pas avoir critiqué ce renvoi préjudiciel. Si certains auteurs3 ont pu raisonnablement douter de l’issue du renvoi préjudiciel et eussent préférer que la Cour posât une question préjudicielle sur la responsabilité du donneur d’ordre4, ils n’en n’ont pas moins compris la démarche, qui « devait précisément donner à la Cour de justice l’occasion de faire évoluer sa jurisprudence sur la portée des formulaires E 101 et A 15 ».

3. - L’examen du pourvoi

Rien de tel donc. La Cour de justice réaffirme que la délivrance du certificat E 101 ou A 1 crée une présomption de régularité de l’affiliation du salarié détaché telle que l’a explicitée la jurisprudence issue notamment des arrêts FTS6, Banks e.a.7, et Herbosch Kiere8.

L’URSSAF d’Alsace, qui avait vainement saisi l’institution émettrice suisse d’une demande de retrait des certificats E 101 contestés, aurait dû saisir la commission administrative pour la coordination des systèmes de sécurité sociale installée auprès de la Commission européenne puis, éventuellement, user de la voie contentieuse devant les tribunaux nationaux de l’État d’établissement ou devant la Cour de justice dans le cadre d’une action en manquement.

La procédure administrative n’ayant pas été suivie, les certificats délivrés étaient présumés réguliers et les instances judiciaires en cours devaient s’interrompre.

3-a) Rappel de la jurisprudence de la Cour de justice

Dans l’arrêt FTS précité, la Cour de justice a affirmé qu’en présence de certificats E 101, les autorités judiciaires ou administratives nationales ne sont pas autorisées à sanctionner elles-mêmes les abus.

Plus explicitement, dans l’arrêt Banks e.a. précité, il est affirmé que, quel que soit le fondement juridique de la délivrance du certificat E 101, celui-ci a force probante jusqu’à retrait ou annulation par l’institution émettrice et peut être délivré a posteriori, avec un effet rétroactif.

Enfin, dans l’arrêt Herbosch Kiere précité, la Cour de justice a énoncé que la force juridique du certificat E 101 s’impose également au juge national de l’État membre d’accueil des travailleurs. Dans cet arrêt, la Cour a dit pour droit que :

2 Not. J.-P. Lhernould et Y. Jorens, Procédures related to the granting of portable document A 1 : anoverview of country practises, FRESCO, mai 2014.

3 Claire Morin, Semaine juridique, édition entreprise et affaires, no 10, 10 mars 2016, 1146 ; Emeric Jeansen, Semaine juridique, édition social, no 50, décembre 2015, 1454.

4 Assemblée plénière, 6 novembre 2015, pourvois no 14-10.182 et no 14-10.193, Bull. 2015, Ass. plén., no 7 et 8.5 « Sécurité sociale des travailleurs migrants - Portée des formulaires A 1», Laetitia Driguez, Europe, no 6, juin 2017, comm. 227.6 CJCE, 10 février 2000, FTS, C-202/97.7 CJCE, 30 mars 2000, Banks e.a., C-178/97.8 CJCE, 26 janvier 2006, Herbosch Kiere C-2/05.

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« aussi longtemps qu’il n’est pas retiré ou déclaré invalide par les autorités de l’État membre l’ayant délivré, le certificat E 101, délivré conformément à l’article 11, paragraphe 1, sous a, du règlement no 574/72, lie l’institution compétente et les juridictions de l’État membre dans lequel sont détachés les travailleurs. Par conséquent, une juridiction de l’État membre d’accueil desdits travailleurs n’est pas habilitée à vérifier la validité d’un certificat E 101 en ce qui concerne l’attestation des éléments sur la base desquels un tel certificat a été délivré, notamment l’existence d’un lien organique, au sens de l’article 14, paragraphe 1, sous a, du règlement no 1408/71, lu en combinaison avec le point 1 de la décision no 128, entre l’entreprise établie dans un État membre et les travailleurs qu’elle a détachés sur le territoire d’un autre État membre, pendant la durée du détachement de ces derniers » (cf. point 33 et dispositif).

Cette jurisprudence a été consacrée par la décision no 181 de la commission administrative du 13 décembre 2000 et reprise par l’article 5 du règlement (CEE) no 987/2009 du 16 septembre 2009 fixant les modalités d’application du règlement (CE) no 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale désormais applicable :

« Les documents établis par l’institution d’un État membre qui attestent de la situation d’une personne aux fins de l’application du règlement de base et du règlement d’application, ainsi que les pièces justificatives y afférentes, s’imposent aux institutions des autres États membres aussi longtemps qu’ils ne sont pas retirés ou déclarés invalides par l’État membre où ils ont été établis ».

La Cour de justice n’ayant pas souhaité déroger à cette jurisprudence, désormais intégrée au droit de l’Union, il convient d’en faire application dans toute sa rigueur.

3-b) Rappel des moyens

Dans son mémoire ampliatif, la société développe un moyen unique articulé en dix branches, faisant notamment grief à l’arrêt de violer les articles 13 et 14, paragraphe 2, a, i, du règlement communautaire no 1408/71, et 11 et 12 bis, paragraphes 1, a, et 2, a, du règlement communautaire 574/72 pris pour son application, la décision no 181 de la commission administrative du 13 décembre 2000, l’article 5 du règlement (CE) no 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 et les articles 49 et 50 du Traité instituant la Communauté européenne, ensemble l’article L. 311-2 du code de la sécurité sociale, en décidant que les salariés visés par les certificats E 101 devaient être assujettis au régime français de sécurité sociale.

Le pourvoi incident formé par L’URSSAF porte sur la motivation de l’arrêt qui a rejeté la demande de l’URSSAF de paiement des majorations de retard. Il n’y aura pas lieu de le développer.

3-c) Analyse

La cassation de l’arrêt attaqué du chef pris de la violation des règlements communautaires s’impose en effet.

L’interprétation de la Cour de justice, qui assure l’uniformité d’interprétation du droit de l’Union dans les États membres en application de l’article 267 TFUE9, répond à l’ensemble des moyens développés.

Les certificats E 101 délivrés par l’autorité compétente suisse avaient force obligatoire aussi bien à l’égard des institutions de sécurité sociale qu’à l’égard des juridictions judiciaires, même si celles-ci avaient établi que les conditions d’exercice du travail ne remplissaient pas les exigences de l’article 14 paragraphe 2, sous a, i, du règlement no 1408/71.

Certes, L’URSSAF soutient qu’il ne s’agit pas seulement d’un recours erroné aux règles du détachement mais bien d’une mise en œuvre abusive, voire frauduleuse, de la procédure instituée par le règlement no 574/72 concernant la délivrance des certificats E 101. La décision de la Cour de justice du 27 avril 2017 serait sans incidence sur les certificats E 101 obtenus frauduleusement.

L’admettre reviendrait à reconnaître que la question préjudicielle n’était pas complète. Surtout, puisque vous avez estimé que la fraude n’était pas véritablement dans le débat devant les juridictions du fond, un tel moyen, mélangé de fait et de droit, serait irrecevable.

La violation de l’article 12 bis, point 1 bis, du règlement no 574/72 fixant les modalités d’application du règlement no 1408/71 est établie (première branche du moyen).

4. - Conclusion

La décision rendue n’est pas pleinement satisfaisante en ce qu’« elle néglige la réalité des dysfonctionnements des administrations sociales qui émettent les formulaires A 110 ». Elle fait prévaloir, sur les réglementations sociales, les politiques économiques et, sur les questions de loyauté concurrentielle et de droits sociaux, la liberté de la prestation de service.

La doctrine souligne les réactions qui se sont organisées face aux pratiques déviantes, soit de nature juridique, par le recours au juge, soit de nature politique, par la voie de protocoles tripartites entre l’État et les organisations professionnelles et syndicales ou par la voie d’accords bilatéraux entre États membres11.

Cependant deux ouvertures sont peut-être encore envisageables. Il est possible d’espérer encore un infléchissement de la Cour de justice à l’occasion d’une affaire actuellement pendante (aff. C-359/16, Ömer Altun e.a.) dans laquelle la fraude de l’entreprise semble caractérisée et qui a suscité une question préjudicielle posée par la Cour de cassation belge.

19 CJCE, 27 mars 1963, 28/62 à 30/62, Da Costa.10 « Sécurité sociale des travailleurs migrants - Portée des formulaires A 1», Laetitia Driguez, Europe, no 6, juin 2017, comm. 227.11 F. Muller, « Face aux abus et contournements, la directive d’exécution de la directive détachement est-elle à la hauteur ? », Dr. social,

no 10/2014, p. 788-801.

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Bulletin d’informationArrêt publié intégralement

•15 avril 2018

Parallèlement, la révision de la directive détachement, dans le sens de l’amélioration des conditions de rémunération et de travail des travailleurs détachés, peut laisser espérer, si elle vient à bout des nombreuses réticences, que la tentation de la fraude au détachement au sein de l’Union sera moindre.

Avis de cassation sur la première branche du moyen.

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15 avril 2018Avis des chambres

•Bulletin d’information

II. - TITRES ET SOMMAIRES D’AVIS

AVIS DES CHAMBRES

No 466

Appel civilActe d’appel. - Mentions nécessaires. - Chefs du jugement critiqués. - Défaut. - Portée.

La sanction attachée à la déclaration d’appel formée à compter du 1er septembre 2017 portant comme objet « appel total » ou « appel général », sans viser expressément les chefs du jugement critiqués lorsque l’appel ne tend pas à l’annulation du jugement ou que l’objet n’est pas indivisible, est une nullité pour vice de forme au sens de l’article 114 du code de procédure civile.

Cette nullité peut être couverte par une nouvelle déclaration d’appel.

La régularisation ne peut pas intervenir après l’expiration du délai imparti à l’appelant pour conclure, conformément aux articles 910-4, alinéa 1, et 954, alinéa 1, du code de procédure civile (avis no 1, no 17-70.034, avis no 2, no 17-70.035, et avis no 3, no 17-70.036).

2e Civ. - 20 décembre 2017. AVIS SUR SAISINE

Avis no 1 :No 17-70.034. - CA Versailles, 19 octobre 2017.

Mme Flise, Pt. - Mme Maunand, Rap. - M. Girard, Av. Gén.

Avis no 2 :No 17-70.035. - CA Paris, 25 octobre 2017.

Mme Flise, Pt. - M. Sommer, Rap. - M. Girard, Av. Gén.

Un commentaire de ces décisions est paru dans la RLDC 2018, no 6403, p. 8.

Avis no 3 :No 17-70.036. - CA Versailles, 26 octobre 2017.

Mme Flise, Pt. - Mme Maunand, Rap. - M. Girard, Av. Gén.

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Bulletin d’informationArrêts des chambres

•15 avril 2018

III. - TITRES ET SOMMAIRES D’ARRÊTS

ARRÊTS DES CHAMBRES

No 467

Appel civilActe de procédure. - Transmission par voie électronique. - Obligation. - Domaine d’application. - Détermination. - Portée.

Il résulte des dispositions de l’article 930-1 du code de procédure civile que seuls les actes de procédure destinés à la cour d’appel doivent être remis par la voie électronique.

En conséquence, c’est à bon droit qu’une cour d’appel a retenu la validité de la remise au greffe de la requête établie sur support papier demandant au premier président de fixer le jour auquel l’affaire sera appelée par priorité et dit l’appel recevable.

2e Civ. - 7 décembre 2017. REJET

No 16-19.336. - CA Versailles, 26 mai 2016.

Mme Flise, Pt. - Mme Brouard-Gallet, Rap. - M. Girard, Av. Gén. - SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Piwnica et Molinié, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la Gaz. Pal. 2017, no 44, p. 24, note Pierre-Louis Boyer. Voir également le JCP 2018, éd. G, II, 45, note Christian Laporte, la RLDC 2018, no 6392, p. 10, et la revue Procédures 2018, comm. 43, note Christian Laporte.

No 468

Assurance (règles générales)Responsabilité de l’assureur.  - Obligation de conseil.  - Limitation. - Cas. - Article L. 112-3, alinéa 3, du code des assurances. - Portée.

L’assureur n’est pas tenu, au titre de son devoir d’information et de conseil, d’informer le souscripteur qu’aux termes de l’article L. 112-3, alinéa 3, du code des assurances, lorsque les parties au contrat n’ont pas la possibilité d’appliquer une autre loi que la loi française, le contrat et les informations transmises par l’assureur au souscripteur peuvent, d’un commun accord entre elles et à la demande écrite de ce dernier seulement, être rédigés dans la langue ou dans l’une des langues officielles de l’État dont il est ressortissant.

2e Civ. - 14 décembre 2017. REJET

No 16-26.709. - CA Orléans, 12 septembre 2016.

Mme Flise, Pt. - M. Besson, Rap. - M. Grignon Dumoulin, Av. Gén. - Me Balat, SCP Odent et Poulet, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la RGDA 2018, p. 25, note Anne Pélissier.

No 469

BoursePrestataire de services d’investissement.  - Mandat de gestion. - Non-respect. - Préjudice. - Détermination.

Le préjudice causé par le non-respect d’un mandat de gestion est constitué par les pertes financières nées des investissements faits en dépassement du mandat, indépendamment de la valorisation éventuelle des autres fonds investis et de l’évolution globale du reste du portefeuille géré conformément au mandat.

Com. - 6 décembre 2017. REJET

No 16-23.991. - CA Paris, 30 juin 2016.

Mme Mouillard, Pt. - Mme Champalaune, Rap. - Mme Pénichon, Av. Gén. - SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Ghestin, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au Bull.  Joly bourse 2018, p. 52, note Michel Storck. Voir également la revue Banque et droit, janvier-février 2018, p. 52, note Fabrice Bussière.

No 470

CautionnementCaution.  - Action des créanciers contre el le.  - Responsabilité du créancier envers le débiteur principal. - Moyen de défense. - Recevabilité.

Poursuivie en paiement par le créancier, la caution qui demande à être déchargée de son obligation en raison de la faute commise par celui-ci à son encontre, sans prétendre obtenir un avantage autre que le simple rejet, total ou partiel, de la prétention de son adversaire, peut procéder par voie de défense au fond.

Elle peut aussi, par voie de demande reconventionnelle, demander à être déchargée indirectement en sollicitant des dommages-intérêts puis la compensation entre le montant de sa dette et celui de ces dommages-intérêts.

Com. - 13 décembre 2017. CASSATION PARTIELLE

No 13-24.057. - CA Lyon, 27 juin 2013.

M. Rémery, Pt (f.f.). - Mme Robert-Nicoud, Rap. - SCP Ortscheidt, Me Le Prado, Av.

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15 avril 2018Arrêts des chambres

•Bulletin d’information

No 471

CautionnementConditions de validité. - Acte de cautionnement. - Mention manuscrite prescrite par l’article L. 341-2 du code de la consommation. - Domaine d’application. - Indication d’une durée précise. - Défaut. - Applications diverses.

La mention « pour la durée de…» qu’impose, pour un cautionnement à durée déterminée, l’article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016, implique l’indication d’une durée précise.

Justifie légalement sa décision d’annuler le cautionnement contenant une mention manuscrite stipulant un engagement de la caution jusqu’au 31  janvier 2014 « ou toute autre date reportée d’accord » entre le créancier et le débiteur principal la cour d’appel qui retient que cette mention ne permettait pas à la caution de connaître, au moment de son engagement, la date limite de celui-ci.

Com. - 13 décembre 2017. REJET

No 15-24.294. - CA Paris, 3 juillet 2015.

Mme Mouillard, Pt. - Mme Graff-Daudret, Rap. - M. Le Mesle, P. Av. Gén. - SCP Piwnica et Molinié, SCP Waquet, Farge et Hazan, Av.

Un commentaire de ces décisions est paru au JCP 2017, éd. E, Act., no 820. Voir également le JCP 2018, éd. G, II, 77, note Jean-Denis Pellier, la RLDC 2018, no 6403, p. 6, la revue Contrats, conc. consom. 2018, comm. 35, note Sabine Bernheim-Desvaux, et la revue Banque et droit,  janvier - février 2018, p. 56, note François Jacob.

No 472

Cession de créanceCession à un fonds commun de titrisation. - Créance. - Recouvrement.  - Action en justice.  - Qualité.  - Détermination.

Il résulte de l’application combinée des articles L. 214-172 et L. 214-180 du code monétaire et financier, dans leur rédaction issue de l’ordonnance no 2013-676 du 25 juillet 2013, que si, ne jouissant pas de la personnalité morale, un fonds commun de titrisation est, à l’égard des tiers et dans toute action en justice, représenté par sa société de gestion, il appartient à celui qui lui transfère des créances par bordereau, ou à l’entité qui en était chargée au moment du transfert, de continuer à assurer le recouvrement de ces créances et, pour ce faire, d’exercer les actions en justice nécessaires, la possibilité offerte aux parties de confier tout ou partie de ce recouvrement à une autre entité désignée à cet effet supposant que le débiteur soit informé de cette modification par lettre simple.

Ayant relevé qu’aucune désignation précise n’avait été faite de l’entité chargée du recouvrement des créances cédées à un fonds commun de titrisation et qu’il n’était pas justifié que le débiteur ait été informé d’un éventuel changement à cet égard, c’est à bon droit que la cour d’appel en a déduit qu’est irrecevable l’action en paiement engagée, contre le débiteur, par la société de gestion de ce fonds, celle-ci n’ayant pas qualité à agir à cette fin.

Com. - 13 décembre 2017. REJET

No 16-19.681. - CA Poitiers, 7 avril et 19 mai 2015.

Mme Mouillard, Pt. - M. Guérin, Rap. - M. Le Mesle, P. Av. Gén. - SCP Capron, Av.

No 473

Contrats et obligations conventionnellesValidité. - Conditions. - Droits dont les parties ont la libre disposition. - Objet. - Contrat sur la preuve. - Présomption irréfragable au profit de l’une des parties. - Création. - Possibilité (non).

Si les contrats sur la preuve sont valables lorsqu’ils portent sur des droits dont les parties ont la libre disposition, ils ne peuvent établir au profit de l’une des parties une présomption irréfragable.

Com. - 6 décembre 2017. REJET

No 16-19.615. - CA Versailles, 29 mars 2016.

Mme Mouillard, Pt. - Mme de Cabarrus, Rap. - Mme Beaudonnet, Av. Gén. - SCP Monod, Colin et Stoclet, SCP Hémery et Thomas-Raquin, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au D. 2017, somm., p. 2477. Voir également la Gaz. Pal. 2018, no 1, p. 34, note Dimitri Houtcieff, la RLDC 2018, no 6403, p. 5, le D. 2018, p. 327, note Gwendoline Lardeux, et pan., p. 373, note Mustapha Mekki, et la RJDA 2018, no 179.

No 474

Entreprise en difficulté (loi du 26 juillet 2005)Liquidation judiciaire. - Clôture. - Clôture pour insuffisance d’actif.  - Droit de poursuite individuelle.  - Non-recouvrement. - Exceptions. - Droits attachés à la personne du créancier. - Exclusion. - Cas.

Une cour d’appel énonce exactement que le droit d’un créancier de saisir l’immeuble objet d’une déclaration d’insaisissabilité qui lui est inopposable n’entre pas dans la catégorie des droits attachés à la personne du créancier, de sorte que ce dernier ne peut se prévaloir de l’application de l’article L. 643-11, I, 2o, du code de commerce, qui autorise un créancier, dont les opérations de la liquidation judiciaire de son débiteur n’ont pas, en raison de l’insuffisance d’actif, permis de régler la créance, à recouvrer l’exercice individuel de son action contre lui.

Com. - 13 décembre 2017. REJET

No 15-28.357. - CA Grenoble, 5 mars 2015.

M. Rémery, Pt (f.f.). - Mme Vallansan, Rap. - Mme Henry, Av. Gén. - SCP Bouzidi et Bouhanna, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au D. 2018, somm., p. 5. Voir également la revue Droit et procédures, janvier 2018, Chron. p. 3, note Philippe Roussel Galle, et la Rev. proc. coll. 2018, no 1, étude, p. 6, note Florent Petit.

No 475

1o Entreprise en difficulté (loi du 26 juillet 2005)Procédure (dispositions générales). - Frais de procédure. - Rémunération de l’administrateur judiciaire.  - Calcul.  - Modalités. - Détermination. - Portée.

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Bulletin d’informationArrêts des chambres

•15 avril 2018

2o Entreprise en difficulté (loi du 26 juillet 2005)Procédure (dispositions générales). - Frais de procédure. - Rémunération du technicien. - Cas. - Détermination.

1o Lorsque des sociétés ont fait l’objet de procédures collectives distinctes, le même administrateur judiciaire nommé dans le cadre de ces procédures a droit à une rémunération calculée au titre de chacune d’elles, et non à une rémunération globale calculée à l’échelle de « l’unique unité économique » prétendument formée entre les sociétés en cause.

2o L’article L. 811-1 du code de commerce, qui prévoit que l’administrateur judiciaire est tenu de rétribuer sur sa rémunération le tiers auquel il a confié, sur autorisation du président du tribunal, tout ou partie des tâches lui incombant personnellement, n’est pas applicable lorsque le juge-commissaire désigne un technicien en application de l’article L. 621-9 du code de commerce, fût-ce à la requête de l’administrateur, la rémunération du technicien ainsi désigné incombant alors à la procédure collective.

Com. - 13 décembre 2017. REJET

No 16-15.962. - CA Douai, 23 février 2016.

M. Rémery, Pt (f.f.). - Mme Barbot, Rap. - Mme Henry, Av. Gén. - SCP Piwnica et Molinié, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la RLDAff. 2018, no 6389. Voir également la RJDA 2018, no 145, et la Rev. proc. coll. 2018, no 1, étude, p. 5, note Florent Petit, et comm. 6, note Valérie Leloup-Thomas.

No 476

Entreprise en difficulté (loi du 26 juillet 2005)Redressement judiciaire. - Période d’observation. - Durée. - Prolongation. - Prolongation exceptionnelle. - Décision. - Conditions.  - Demande du ministère public.  - Défaut - Effets. - Détermination. - Portée.

Il résulte de l’article  L.  661-7 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l’ordonnance no  2008-1345 du 18 décembre 2008, que le pourvoi en cassation n’est pas ouvert au ministère public contre les arrêts rendus en application de l’article L. 661-6, I, 2o, du code de commerce. Il n’est dérogé à cette règle, comme à toute règle interdisant ou différant un recours, qu’en cas d’excès de pouvoir.

Ne commet pas d’excès de pouvoir le tribunal qui prolonge exceptionnellement, pour une durée n’excédant pas six mois, la période d’observation en l’absence de demande du ministère public ou en dépit de l’opposition de celui-ci.

Com. - 13 décembre 2017. IRRECEVABILITÉ

No 16-50.051. - CA Reims, 25 octobre 2016.

Mme Mouillard, Pt. - Mme Bélaval, Rap. - M. Le Mesle, P. Av. Gén.

Un commentaire de cette décision est paru au D. 2017, somm., p. 2532. Voir également le JCP 2018, éd. G, Act., 10, note Didier Cholet, et la Rev. proc. coll. 2018, no 1, étude, p. 7, note Florent Petit.

No 477

Entreprise en difficulté (loi du 26 juillet 2005)Sauvegarde. - Détermination du patrimoine. - Vérification et admission des créances. - Contestation d’une créance. -

Décision du juge-commissaire.  - Appel du débiteur.  - Signification des conclusions au mandataire. - Défaut. - Effets. - Détermination.

C’est à bon droit qu’une cour d’appel, saisie d’un appel formé par une société en sauvegarde contre une ordonnance d’admission de créance, a retenu qu’en sa qualité d’intimé, le mandataire judiciaire, auquel la société n’avait pas signifié ses conclusions d’appel dans le délai prévu par l’article 911 du code de procédure civile, alors qu’il n’était pas constitué, ne pouvait renoncer à la caducité de la déclaration d’appel.

Com. - 13 décembre 2017. REJET

No 16-17.975. - CA Bordeaux, 29 avril 2016.

M. Rémery, Pt (f.f.). - Mme Vallansan, Rap. - Mme Henry, Av. Gén. - SCP Rousseau et Tapie, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au D. 2018, somm., p. 5.

No 478

Fonds de garantieActes de terrorisme et autres infractions. - Indemnisation. - Régime d’indemnisation autonome. - Effet.

Les articles 706-3 à 706-15 et R. 50-1 à R. 50-28 du code de procédure pénale instaurent un régime d’indemnisation autonome et exclusif répondant à des règles qui lui sont propres.

Il en résulte que le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions, qui n’a de rapport avec la victime qu’à l’occasion de cette procédure, ne peut être appelé à intervenir à l’expertise organisée, en application de l’article 145 du code de procédure civile, à la demande de la victime, entre elle et l’auteur de l’infraction.

2e Civ. - 14 décembre 2017. CASSATION PARTIELLE SANS RENVOI

No 16-24.169. - CA Dijon, 29 mars 2016.

Mme Flise, Pt. - Mme Gelbard-Le Dauphin, Rap. - M. Grignon Dumoulin, Av. Gén. - SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, Av.

Un commentaire de cette décision est paru dans la Gaz. Pal. 2018, no 4, p. 52, note Lucile Priou-Alibert. Voir également la revue Procédures 2018, comm. 37, note Yves Strickler, et le JCP 2018, éd. G, II, 246, note Stéphane Detraz.

Note sous 2e Civ., 14 décembre 2017, no 478 ci-dessus

Le législateur a entendu instituer, initialement par la loi no 77-5 du 3  janvier  1977 garantissant l’indemnisation de certaines victimes de dommages corporels résultant d’une infraction, un régime d’indemnisation fondé sur la solidarité nationale qui permet d’assurer la réparation intégrale des dommages résultant des atteintes à la personne en écartant notamment le risque pour ces victimes d’être confrontées à l’insolvabilité de l’auteur des faits. Cette indemnisation est versée par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI) et une juridiction civile spécialisée a été créée pour assurer la mise en œuvre de ce régime : la commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI), composée, aux termes de l’article 706-4 du code de procédure pénale, de deux magistrats et d’une personne, majeure, de nationalité française et jouissant de ses droits civiques, s’étant signalée par l’intérêt qu’elle porte aux problèmes des victimes.

L’arrêt ici commenté vient clairement préciser que ce régime d’indemnisation autonome et exclusif, répondant à des règles qui lui sont propres, instauré par les articles 706-3 à 706-15 et R. 50-1 à R. 50-28 du code de procédure pénale, exclut la possibilité

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15 avril 2018Arrêts des chambres

•Bulletin d’information

d’obliger le FGTI à intervenir à l’expertise organisée, en application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile, à la demande de la victime, entre celle-ci et l’auteur des faits.

La Cour de cassation juge de manière constante, depuis longtemps, que l’article 706-3 du code de procédure pénale institue un mode de réparation autonome répondant à des règles propres (2e Civ., 18  juin  1986, pourvoi no  84-17.283, Bull. 1986, II, no 93 ; 2e Civ., 1er juillet 1992, pourvoi no 91-19.918, Bull. 1992, II, no 181). La CIVI fixe ainsi le montant de l’indemnité due par le FGTI, calculée selon les règles du droit commun de la responsabilité (2e Civ., 5 juillet 2006, pourvoi no 05-16.122, Bull. 2006, II, no 188), sans être tenue par ce qui a pu être jugé par la juridiction répressive sur la constitution de partie civile de la victime (2e Civ., 12 octobre 1988, pourvoi no 87-16.005, Bull. 1988, II, no 196). Corrélativement, le montant de la créance de la victime à l’égard du FGTI fixé par la CIVI n’est pas opposable à l’auteur de l’infraction, qui n’est pas partie à la procédure devant cette juridiction : la décision de la CIVI déterminant cette créance d’indemnisation à l’encontre du FGTI n’a pas autorité de la chose jugée s’agissant du calcul de la créance que le Fonds, subrogé dans les droits de la victime, a contre l’auteur des faits (2e Civ., 28 mai 2009, pourvoi no 08-11.025).

La spécificité des règles de procédure applicables devant la CIVI est tout aussi notable : lorsque la victime saisit cette juridiction, copie de sa requête est transmise sans délai au ministère public ainsi qu’au FGTI, qui est tenu de lui présenter une offre d’indemnisation dans un délai de deux mois. Si la victime accepte cette offre, un constat d’accord est adressé au président de la CIVI, qui l’homologue. En cas de désaccord ou de refus motivé du Fonds de présenter une offre, la CIVI fixe le montant de l’indemnisation revenant à la victime après instruction de l’affaire par le président de cette juridiction ou le magistrat assesseur. Ceux-ci peuvent, comme la commission elle-même, procéder ou faire procéder à toutes auditions ou investigations utiles, ainsi que le prévoient les articles 706-6 et R. 50-13 du code de procédure pénale. L’expertise qui peut être diligentée au cours de cette procédure est gratuite pour la victime et se déroule bien sûr hors de la présence de l’auteur de l’infraction.

La victime dont l’indemnisation relève de ce régime, dont on peut noter qu’il ne s’applique pas, notamment, aux victimes d’actes de terrorisme ou d’accidents de la circulation, pour lesquelles des régimes d’indemnisation distincts sont organisés, conserve bien sûr la faculté d’engager une action contre l’auteur de l’infraction pour être indemnisée par celui-ci. Elle peut alors estimer opportun de solliciter, d’abord, une expertise médicale sur le fondement des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile, pour se ménager, avant tout procès, des éléments de preuve sur l’étendue de son préjudice corporel.

C’est précisément ce qu’avait fait, dans la présente affaire, une personne qui soutenait avoir été victime de violences et avait assigné en référé, aux fins d’expertise, en présence de la caisse primaire d’assurance maladie, non seulement ceux qu’elle accusait d’être les auteurs de ces violences, mais également le FGTI. Celui-ci avait sollicité en vain sa mise hors de cause devant le juge des référés, puis la cour d’appel, en faisant valoir en particulier qu’il ne pouvait être appelé devant une juridiction autre que la CIVI pour se voir déclarer opposable une expertise de la victime, que la CIVI ait ou non été saisie au préalable.

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a cassé de ce chef sans renvoi l’arrêt qui avait déclaré commune au FGTI l’expertise ordonnée à la demande de la victime en application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile.

Il faut observer que si cet article s’insère dans les dispositions générales du code de procédure civile relatives aux mesures d’instruction, la Cour de cassation en a d’ores et déjà, par le passé, écarté l’application dans certaines hypothèses, en jugeant par exemple que les dispositions spéciales et d’ordre public de ce même code qui régissent l’inscription de faux excluent l’application de l’article 145 du code de procédure civile (1re Civ., 11 juin 2003,

pourvoi no 00-11.931, Bull. 2003, I, no 139). C’est le caractère tant autonome qu’exclusif du régime d’indemnisation relevant de la CIVI qui justifie la solution retenue par l’arrêt du 14 décembre 2017 ici commenté : les règles spéciales régissant les rapports des victimes considérées avec le FGTI font obstacle à la mise en cause de ce dernier dans l’instance engagée aux fins d’expertise, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, dans les rapports entre la victime et l’auteur de l’infraction.

No 479

Fonds de garantieFonds d’indemnisation des victimes de l’amiante. - Victime de l’amiante. - Victime non prise en charge au titre d’une maladie professionnelle.  - Imputabilité de la maladie à l’exposition à l’amiante. - Présomption. - Défaut.

L’existence d’un lien direct et certain entre la présence, chez une victime non prise en charge au titre d’une maladie professionnelle occasionnée par l’amiante, de plaques pleurales et son exposition à l’amiante ne permet pas de présumer l’existence d’un lien de causalité entre cette exposition et le cancer broncho-pulmonaire dont cette victime souffre par ailleurs.

2e Civ. - 14 décembre 2017. REJET

No 16-25.666. - CA Amiens, 20 septembre 2016.

Mme Flise, Pt. - M. Besson, Rap. - M. Grignon Dumoulin, Av. Gén. - Me Balat, Me Le Prado, Av.

No 480

Jugements et arrêtsRectification.  - Requête en rectification.  - Juridiction statuant à l’issue d’une audience.  - Principe de la contradiction.  - Instance initiale avec représentation obligatoire. - Portée.

L’instance en liquidation d’astreinte étant soumise au régime de la représentation obligatoire, c’est sans violer les dispositions des articles 14 et 462 du code de procédure civile qu’une cour d’appel, saisie d’une requête en rectification d’erreur matérielle, statue après qu’un avis d’audience a été envoyé par le réseau privé virtuel avocat à l’avocat représentant, dans l’instance initiale, les défendeurs à la requête.

2e Civ. - 7 décembre 2017. REJET

No 16-18.216. - CA Pau, 4 février 2016.

Mme  Flise, Pt.  - M.  Cardini, Rap.  - M.  Girard, Av. Gén.  - SCP Rousseau et Tapie, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au JCP 2018, éd. G, Act., 5, note Christian Laporte. Voir également la RLDC 2018, no 6403, p. 8, et la Gaz. Pal. 2018, no 5, p. 56, note Corinne Bléry.

No 481

Procédures civiles d’exécutionMesures d’exécution forcée.  - Saisie-attribution.  - Contestation. - Modalités. - Détermination.

Il résulte du second alinéa de l’article R. 211-11 du code des procédures civiles d’exécution, dans sa rédaction antérieure à sa modification par le décret no 2017-892 du 6 mai 2017, que l’auteur de la contestation d’une saisie-attribution doit, d’une part, informer le tiers saisi de cette contestation par lettre simple et, d’autre part, remettre une copie de l’assignation, à peine de caducité de celle-ci, au plus tard le jour de l’audience, au greffe du juge de l’exécution.

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Bulletin d’informationArrêts des chambres

•15 avril 2018

2e Civ. - 7 décembre 2017. REJET

No 16-15.935. - CA Orléans, 15 janvier 2015.

Mme  Flise, Pt.  - M.  de Leiris, Rap.  - M.  Girard, Av. Gén.  - SCP Foussard et Froger, SCP Gatineau et Fattaccini, Av.

Un commentaire de ces décisions est paru dans la revue Procédures 2018, comm. 41, note Loïs Raschel.

No 482

1o Propriété industrielleBrevets d’invention.  - Droits attachés.  - Transmission et perte. - Nullité. - Effets. - Effet absolu. - Conditions. - Décision d’annulation passée en force de chose jugée.

2o Propriété industrielleBrevets d’invention. - Description. - Description suffisante. - Conditions. - Détermination. - Portée.

1o La décision annulant un brevet n’a un effet absolu, au sens de l’article L. 613-27 du code de la propriété intellectuelle, qu’une fois passée en force de chose jugée.

Ayant relevé que le jugement qui avait, à la demande de sociétés tierces, annulé le brevet était frappé d’appel, une cour d’appel en a déduit à bon droit que l’action en annulation du même brevet engagée par d’autres sociétés était recevable.

2o  Lorsqu’une revendication porte sur une application thérapeutique ultérieure d’une substance ou d’une composition, l’obtention de cet effet thérapeutique est une caractéristique technique fonctionnelle de la revendication, de sorte que si, pour satisfaire à l’exigence de suffisance de description, il n’est pas nécessaire de démontrer cliniquement cet effet thérapeutique, la demande de brevet doit toutefois refléter directement et sans ambiguïté l’application thérapeutique revendiquée, de manière que l’homme du métier comprenne, sur la base de modèles communément acceptés, que les résultats reflètent cette application thérapeutique.

Com. - 6 décembre 2017. REJET

No 15-19.726. - CA Paris, 30 janvier 2015.

Mme Mouillard, Pt. - Mme Darbois, Rap. - M. Richard de la Tour, P. Av. Gén. - SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Piwnica et Molinié, Av.

Note sous Com., 6 décembre 2017, no 482 ci-dessus

La Cour de cassation, saisie concomitamment de pourvois formés contre deux arrêts prononcés le même jour par la cour d’appel de Paris, annulant les trois revendications de la partie française d’un brevet européen de médicament sur des fondements différents, a rendu deux arrêts, dont l’arrêt ici commenté présente un double intérêt.

Il se prononce en effet pour la première fois, d’une part, sur les conditions dans lesquelles une décision d’annulation d’un brevet a un effet absolu et, d’autre part, sur les critères d’appréciation de la validité, au regard de l’exigence de suffisance de description, dans les brevets de médicament, d’une revendication de posologie, c’est-à-dire d’une revendication portant sur l’usage, selon une autre posologie, d’un médicament dont le principe actif était déjà connu dans sa composition et dans son application au traitement de la même pathologie.

Rappelons, tout d’abord, qu’en vertu de l’article 2, § 2, de la Convention de Munich sur le brevet européen, dite CBE, du 5 octobre 1973 révisée le 29 novembre 2000, « dans chacun des États contractants pour lesquels il est délivré, le brevet européen

a les mêmes effets et est soumis au même régime qu’un brevet national délivré dans cet État, pour autant que la présente convention n’en dispose pas autrement ».

Ainsi, les décisions d’annulation de la partie française de brevets européens obéissent au même régime que les décisions d’annulation des brevets français : de la même façon qu’un brevet français délivré par l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) peut être annulé par le tribunal de grande instance ou la cour d’appel de Paris, un brevet européen délivré par l’Office européen des brevets (OEB) peut être annulé par les juridictions nationales des pays adhérant à la Convention de Munich ; ce fut d’ailleurs le cas en l’espèce, le brevet litigieux ayant été attaqué dans plusieurs pays, ce qui a donné lieu à des décisions ayant adopté des solutions différentes, les unes ayant reconnu sa validité, tandis que d’autres l’ont annulé.

Selon l’article L. 613-27, alinéas 1 et 2, du code de la propriété intellectuelle, « La décision d’annulation d’un brevet d’invention a un effet absolu sous réserve de la tierce opposition. […]

Les décisions passées en force de chose jugée sont notifiées au directeur de l’Institut national de la propriété industrielle, aux fins d’inscription au registre national des brevets ».

En l’absence de disposition conventionnelle contraire, la Cour de cassation, par un arrêt du 3 mars 2009 (Com., 3 mars 2009, pourvoi no 06-10.243), avait déjà fait application de cet article au brevet européen.

En l’espèce, le tribunal, saisi de demandes formées, séparément, par des sociétés fabriquant des médicaments génériques, ayant, par un premier jugement, annulé le brevet, la société titulaire de ce brevet avait, dans la seconde instance, soulevé devant la cour d’appel une fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée attachée au jugement d’annulation.

La cour d’appel, ayant relevé que le jugement qui avait, à la demande de sociétés tierces, annulé le brevet était frappé d’appel, en a déduit que l’action en annulation du même brevet engagée par d’autres sociétés était recevable.

Par l‘arrêt ici commenté, la Cour de cassation énonce que la décision annulant un brevet n’a d’effet absolu, au sens de l’article L. 613-27 du code de la propriété intellectuelle, qu’une fois passée en force de chose jugée et approuve cette décision.

Il convient de souligner que, les articles L. 512-6 et L. 714-3, alinéa 4, du code de la propriété intellectuelle disposant également que la décision d’annulation du titre a un effet absolu, cette solution est transposable en droit des dessins et modèles déposés et en droit des marques.

S’agissant de la question de fond, l’article L. 614-12, alinéa 1, du code de la propriété intellectuelle dispose que « la nullité du brevet européen est prononcée en ce qui concerne la France par décision de justice pour l’un quelconque des motifs visés à l’article 138, paragraphe 1, de la Convention de Munich ».

En vertu de l’article 83 de la CBE, « l’invention doit être exposée dans la demande de brevet européen de façon suffisamment claire et complète pour qu’un homme du métier puisse l’exécuter », et l’article 138, § 1, b, de cette convention sanctionne par la nullité l’insuffisance de description.

La règle 42 du règlement d’exécution de la CBE relative au contenu de la description indique que « (1) La description doit : […] c) exposer l’invention, telle qu’elle est caractérisée dans les revendications, en des termes permettant la compréhension du problème technique, même s’il n’est pas expressément désigné comme tel, et celle de la solution de ce problème ; indiquer en outre, le cas échéant, les avantages apportés par l’invention par rapport à l’état de la technique antérieure ».

La chambre de recours technique de l’OEB, dans une décision du 29  octobre  2004 (T1020/03 [Méthode d’administration d’IGF-I/Genentech inc.], point 9) a rappelé qu’un brevet portant sur une application thérapeutique ultérieure doit satisfaire, notamment, à l’exigence de suffisance de description de

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15 avril 2018Arrêts des chambres

•Bulletin d’information

l’article 83 de la CBE précité. Etant observé que si les décisions des chambres de recours de l’OEB, qui sont rendues à l’occasion de la procédure de délivrance des brevets européens, ne s’imposent pas au juge national, contrairement aux règles de la Convention de Munich, elles permettent, cependant, de connaître l’application que cet office fait de ladite convention.

Lors de l’appréciation du moyen de nullité tiré de l’insuffisance de description, ce qui vaut aussi pour le moyen de nullité tiré du défaut de nouveauté, d’un brevet de posologie, il est important de garder à l’esprit le fait qu’en vertu des articles 63 (1) de la CBE, pour les brevets européens, et L. 611-2, 1o, du code de la propriété intellectuelle, pour les brevets français, un brevet confère à son titulaire une protection pour une durée de vingt ans à compter du jour du dépôt de la demande : un laboratoire pharmaceutique qui a déposé un brevet protégeant un principe actif pour soigner une maladie déterminée et voit son monopole expirer après vingt ans peut être tenté, afin de retarder l’entrée des médicaments génériques sur le marché, de déposer une nouvelle demande de brevet faisant courir un nouveau délai de vingt ans, portant sur le même principe actif pour soigner la même maladie, en incluant simplement dans ce brevet second un dosage d’administration particulier, tirant argument de ce que ce dosage précis n’était pas en soi exprimé dans l’art antérieur. Ainsi, la grande chambre de recours de l’OEB, consciente du risque de prolongation artificielle du monopole conféré par le brevet antérieur, par la délivrance d’un brevet protégeant une simple posologie, a apporté des précisions sur les critères d’appréciation, dans une décision du 19 février 2010 (grand chambre, Abbott Respiratory, G2/08, JO OEB 2010, 456).

Les chambres de recours techniques jugent de façon constante qu’il est satisfait à la condition de suffisance de description si l’invention, telle que définie dans les revendications, peut être réalisée par l’homme du métier sans effort excessif, en utilisant ses connaissances générales.

De même, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a jugé qu’« une invention est suffisamment décrite lorsque l’homme du métier est en mesure, à la lecture de la description et grâce à ses connaissances professionnelles normales, théoriques et pratiques, d’exécuter l’invention » (Com., 13  novembre  2013, pourvoi no  12-14.803), avec cette précision que, selon une jurisprudence constante de cette chambre, l’évaluation de la possibilité pour l’homme du métier de réaliser l’objet de l’invention, en mettant en œuvre l’enseignement du brevet et sa pratique personnelle, relève de l’interprétation souveraine des juges du fond (Com., 14 mai 2013, pourvoi no 11-27.686 ; Com., 14 septembre 2010, pourvoi no 08-70.211 ; Com., 7 juillet 2009, pourvoi no 08-18.586 ; Com., 22 mars 2005, pourvoi no 03-16.532 ; Com., 26 octobre 1993, pourvoi no 91-21.707, Bull. 1993, IV, no 353 ; Com., 5 mars 1991, pourvoi no 89-16.114 ; Com., 8 juillet 1981, pourvoi no 79-15.844, Bull.  1981, IV, no  310 ; Com., 16  octobre  1978, pourvoi no 76-15.118, Bull. 1978, IV, no 226), la Cour de cassation vérifiant que l’appréciation a bien été menée à l’égard de l’homme du métier et à la lumière de l’ensemble du contenu du brevet (Com., 20 mars 2007, pourvoi no 05-12.626, Bull. 2007, IV, no 89 ; Com., 19 décembre 2000, pourvoi no 98-10.968, Bull. 2000, IV, no 196).

Dans le domaine des biotechnologies et de l’utilisation médicale, les chambres de recours jugent la description insuffisante lorsque l’homme du métier doit vérifier la résolution effective du problème technique par ses propres moyens, au terme d’un programme de recherches ou d’expériences excessif (affaire T  639/95 [Biopolymers/MIT] du 21  janvier  1998, point  19 ; affaire T 0497/02 [Insulinotropic hormone/General Hospital] du 27 mai 2004, point 10 ; affaire T 1466/05 [Pyridinoline/Serex] du 27 juillet 2007, points 16 à 28 ; affaire T 405/06 [Immunoglobulins/Brussel] du 6  décembre  2007, point  10 ; affaire T1150/09 du 14  novembre  2013 [Vlaams Interuniversitair Institut voor Biotechnologie vzw/Strawman Limited] point 9 ; a contrario, affaire T 2006/08 [Conjugates of factor IX/Biovitrum] du 18 octobre 2011, points 3 et 4).

Selon une jurisprudence constante de ces chambres, « lorsqu’une application thérapeutique est revendiquée sous la forme permise par la grande chambre de recours dans sa décision G 5/83 JO OEB 1985, 64), c’est-à-dire sous la forme de l’utilisation d’une substance ou d’une composition pour fabriquer un médicament destiné à une application thérapeutique définie, l’obtention de l’effet thérapeutique revendiqué est une caractéristique technique fonctionnelle de la revendication » (affaire T 0609/02 [AP-1 complex/Salt Institute] du 27 octobre 2004, point 9 ; affaire T 0433/05 [Fusion Peptide Inhibitors/Conjuchem] du 14 juin 2007, point 28 ; affaire T 1150/09 précitée, point 4 ; affaire T 0338/10 [composition anti-allergique/Antialis] du 22 janvier 2015, point 7).

La chambre de recours technique de l’OEB a, dans une décision du 23 août 2007, précisé que « selon la jurisprudence et la pratique de l’OEB (voir par exemple les décisions T 145/98 [motif 8], T 158/96 [motif 3.5.2], T 609/02 [motif 9]), pour qu’une revendication portant sur une deuxième utilisation thérapeutique soit considérée comme supportée, il n’est pas nécessaire de démontrer cliniquement un effet thérapeutique. Au contraire, le facteur déterminant pour conclure à un tel support est que, pour l’homme du métier, l’effet démontré dans la demande pour la substance (par exemple, un effet pharmaceutique ou pharmacologique ou un effet observé pour des modèles in vitro ou chez des animaux) reflète directement et sans ambiguïté les applications thérapeutiques revendiquées, c’est-à-dire que l’homme du métier comprenne sur la base de modèles communément acceptés que les résultats dans la demande reflètent directement et sans ambiguïté les applications thérapeutiques revendiquées » (T  1642/06 [Sigma receptor/Spruce Barbara et al.] du 23 août 2007, points 2.2) et a, dans une décision rendue le 4 mars 2009, rappelé qu’« il a été établi par la jurisprudence relative à la suffisance de description, en ce qui concerne les applications thérapeutiques ultérieures et à laquelle la présente chambre adhère, qu’un effet thérapeutique revendiqué peut être prouvé par toute sorte de données tant qu’elle reflète clairement et sans ambiguïté l’effet thérapeutique » (T 801/06 [Cancer treatment with HSV mutant/Crusade] du 4 mars 2009, point 28).

Par le présent arrêt, la Cour de cassation juge que, lorsqu’une revendication porte sur une application thérapeutique ultérieure d’une substance ou d’une composition, l’obtention de cet effet thérapeutique est une caractéristique technique fonctionnelle de la revendication, de sorte que si, pour satisfaire à l’exigence de suffisance de description, il n’est pas nécessaire de démontrer cliniquement cet effet thérapeutique, la demande de brevet doit toutefois refléter directement et sans ambiguïté l’application thérapeutique revendiquée, de manière que l’homme du métier comprenne, sur la base de modèles communément acceptés, que les résultats reflètent cette application thérapeutique.

En l’espèce, les juges du fond, après avoir analysé la portée du brevet en cause, relatif au traitement de l’alopécie androgène, au regard notamment des antériorités invoquées dans sa description, ont relevé que cette description n’indiquait pas quel était l’avantage ou l’effet technique résultant de l’administration orale d’un médicament composé de la substance active revendiquée, qu’elle ne contenait aucun élément démontrant l’efficacité potentielle du moindre dosage de cette substance, qu’elle ne comportait aucune information sur l’effet nouveau de la posologie revendiquée et les propriétés particulières de cette nouvelle application thérapeutique et qu’elle ne mentionnait que la découverte « surprenante et inattendue » de cette nouvelle application thérapeutique, sans décrire les propriétés pharmacologiques particulières de celle-ci par rapport à l’état de la technique, qui ne provenaient que d’un choix arbitraire.

Ils en avaient déduit que la demande de brevet ne reflétait pas directement et sans ambiguïté les applications thérapeutiques revendiquées et que, dans l’ignorance d’un quelconque enseignement technique spécifique, l’homme du métier n’était pas en mesure de reproduire l’invention et se trouvait contraint de mettre en œuvre un programme de recherches par lui-même, de sorte que la revendication 1 « dans laquelle la quantité

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Bulletin d’informationArrêts des chambres

•15 avril 2018

d’administration est d’environ 0,05 à 1,0 mg » était insuffisamment décrite, de même que la revendication  2, laquelle était une utilisation dépendante de la revendication 1 « dans laquelle la posologie est de 1,0 mg », et la revendication 3, dépendante des revendications 1 et 2, « dans laquelle le traitement est celui de l’alopécie hippocratique ».

La Cour de cassation approuve donc l’arrêt de la cour d’appel annulant le brevet pour insuffisance de description.

Les dispositions de l’article L. 612-5, alinéa 1, du code de la propriété intellectuelle étant, au mot « européen » près, identiques à celles de l’article 83 de la CBE précité et l’article L. 613-25, alinéa 1, b, du même code prévoyant, comme l’article 138, § 1, b, de la CBE, que l’insuffisance de description est une cause de nullité du brevet, la solution adoptée par le présent arrêt au sujet d’un brevet européen est transposable aux brevets français.

Enfin, il sera ajouté que le présent arrêt rendant désormais irrévocable la décision attaquée d’annulation du brevet, qui, ainsi, a un effet absolu, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, par un arrêt rendu le même jour, dit n’y avoir lieu à statuer sur le pourvoi qui attaquait le second arrêt par lequel la cour d’appel avait annulé le même brevet.

No 483

Recours en révisionProcédure.  - Ministère public.  - Communication.  - Nécessité.

Il résulte des articles 428 et 600, ce dernier dans sa rédaction issue du décret no 2012-1515 du 28 décembre 2012, du code de procédure civile que le recours en révision est communiqué au ministère public, en première instance comme en appel, que lorsque le recours est formé par citation, cette communication est faite, à peine d’irrecevabilité du recours, par son auteur, qui dénonce la citation au ministère public, et que dans les autres cas, la communication est faite à la diligence du juge.

La communication de l’affaire en cause d’appel d’un jugement statuant sur un recours en révision incombant par conséquent à la cour d’appel, encourt la censure l’arrêt qui statue sur cet appel sans que le recours en révision ait été communiqué au ministère public.

2e Civ. - 7 décembre 2017. CASSATION

No 15-14.686. - CA Versailles, 13 janvier 2015.

Mme  Flise, Pt.  - M.  de Leiris, Rap.  - M.  Girard, Av. Gén.  - Me Delamarre, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, Av.

No 484

Responsabilité délictuelle ou quasi délictuelleDommage. - Réparation. - Personnes pouvant l’obtenir. - Enfant né après le décès de son père. - Admission.

Dès sa naissance, l’enfant peut demander réparation du préjudice résultant du décès accidentel de son père, survenu alors qu’il était conçu.

Dès lors, doit être approuvé l’arrêt d’une cour d’appel qui condamne un employeur, responsable, en raison d’une faute inexcusable, du décès accidentel d’un salarié, et son assureur à indemniser le préjudice moral de l’enfant de ce dernier, conçu avant le décès et né postérieurement, après avoir estimé que cet enfant souffrait de l’absence définitive de son père, caractérisant ainsi le préjudice moral invoqué et le lien de causalité entre celui-ci et le décès accidentel du père.

2e Civ. - 14 décembre 2017. REJET

No 16-26.687. - CA Metz, 29 septembre 2016.

Mme Flise, Pt. - M. Becuwe, Rap. - M. Grignon Dumoulin, Av. Gén.  - SCP Odent et Poulet, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Foussard et Froger, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, Av.

Un commentaire de ces décisions est paru au JCP 2017, éd. G, Act., 1367. Voir également la revue AJ Famille 2018, p. 48, note Maïté Saulier, la Gaz. Pal. 2018, no 3, p. 18, note Marc Dupré, et no 4, p. 62, note Daphnée Tapinos, le D. 2018, p. 386, note Mireille Bacache, et le JCP 2018, éd. G, chron. 262, spéc. no 1, note Philippe Stoffel-Munck.

No 485

Saisie immobilièreCommandement.  - Promesse de vente conclue postérieurement. - Effet.

Il résulte des dispositions de l’article  L.  321-5 du code des procédures civiles d’exécution que le débiteur qui a consenti une promesse de vente postérieurement à la délivrance d’un commandement de payer valant saisie immobilière n’est pas fondé à se prévaloir des effets de l’indisponibilité du bien prévue à l’article L. 321-2 du même code.

2e Civ. - 7 décembre 2017. REJET

No 16-21.356. - CA Fort-de-France, 16 février 2016.

Mme Flise, Pt.  - Mme Lemoine, Rap. - M. Girard, Av. Gén. - SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Lyon-Caen et Thiriez, Av.

Un commentaire de ces décisions est paru dans la revue Procédures 2018, comm. 42, note Christian Laporte.

No 486

Sécurité socialeCotisations.  - Exonération.  - Emplois dans une zone franche urbaine. - Conditions. - Détermination.

D’une part, selon les articles 12, IV, et 13, II, de la loi no 96-987 du 14  novembre  1996, dans leurs versions modifiées par les lois no  2006-396 du 31  mars  2006, no  2007-1786 du 19 décembre 2007, no 2008-1425 du 27 décembre 2008 et no 2011-1977 du 28 décembre 2011, successivement applicables au litige, le maintien, pour les entreprises situées en zones franches urbaines, de l’exonération des cotisations sociales est subordonné, lors de toute nouvelle embauche, à la condition qu’à la date d’effet de celle-ci, le nombre de salariés, employés ou embauchés depuis la délimitation de la zone franche urbaine, au titre desquels l’employeur est soumis à l’obligation de cotiser à l’assurance chômage et dont le contrat de travail est à durée indéterminée ou a été conclu pour une durée déterminée d’au moins douze mois, et résidant dans cette zone, soit égal à au moins un cinquième du total des salariés employés ou embauchés au cours de la même période, dans les mêmes conditions.

D’autre part, selon les articles  L.  122-3-14 et L.  117-1, devenus L. 1241-1 et L. 6221-1, du code du travail, le contrat d’apprentissage est un contrat de type particulier auquel ne s’appliquent pas les dispositions du contrat de travail à durée déterminée.

Il résulte de la combinaison de ces dispositions que les apprentis n’entrent pas dans les effectifs pris en compte pour l’applicaion de l’exonération de cotisations en zone franche urbaine.

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15 avril 2018Arrêts des chambres

•Bulletin d’information

2e Civ. - 21 décembre 2017. CASSATION

No 16-26.861. - CA Aix-en-Provence, 28 octobre 2016.

Mme Flise, Pt. - Mme Taillandier-Thomas, Rap. - SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Gatineau et Fattaccini, Av.

No 487

Sécurité sociale, accident du travailCotisations. - Taux. - Fixation. - Cadre de la fixation. - Établissement. - Portée.

Selon l’article D. 242-6-1 du code de la sécurité sociale, le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est déterminé par établissement.

Ne donne pas de base légale à sa décision au regard de ce texte la juridiction de la tarification de l’assurance des accidents du travail qui omet, lorsque ce point est contesté, de rechercher si le salarié victime du risque était affecté dans l’établissement à la charge duquel a été mise l’aggravation du risque.

2e Civ. - 21 décembre 2017. CASSATION

No  16-27.604.  - Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail (CNITAAT), 12 octobre 2016.

Mme Flise, Pt. - M. Cadiot, Rap. - SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Gatineau et Fattaccini, Av.

No 488

Sécurité sociale, assurances socialesPrestations (dispositions générales).  - Établissement hospitalier.  - Contrôle de la facturation.  - Spécialités, produits et prestations en sus du forfait GHS. - Régime. - Détermination. - Portée.

Il résulte des articles L. 133-4, R. 162-42-10 et D. 162-14 du code de la sécurité sociale, le deuxième dans sa rédaction antérieure au décret no 2011-1209 du 29 septembre 2011, le troisième dans sa rédaction antérieure au décret no 2013-870 du 27 septembre 2013, applicables au contrôle litigieux, que le contrôle de la facturation des spécialités, produits et prestations par un établissement de santé non conforme aux conditions fixées par le contrat de bon usage des médicaments et des produits et prestations mentionné à l’article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale est régi exclusivement par les dispositions du troisième de ces textes.

Viole ces textes, les deux premiers par fausse application, le troisième par refus d’application, la cour d’appel qui retient que le contrôle, qui se rapportait au respect des prescriptions et facturations, en sus du groupe homogène de séjour, de quatre molécules onéreuses dans le cadre du contrat de bon usage des spécialités, produits et prestations conclu par la polyclinique obéit aux dispositions de l’article R. 162-42-10 du code de la sécurité sociale.

2e Civ. - 21 décembre 2017. CASSATION

No 17-10.048. - CA Aix-en-Provence, 4 novembre 2016.

Mme Flise, Pt. - Mme Taillandier-Thomas, Rap. - Mme Nicolétis, Av. Gén. - SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Potier de la Varde, Buk-Lament et Robillot, Av.

No 489

Sécurité sociale, assurances socialesVieillesse. - Rachat des cotisations. - Remise en cause. - Recours. - Décision de l’URSSAF. - Annulation. - Portée.

L’annulation d’une décision de l’URSSAF, procédant à l’annulation d’une opération de régularisation de cotisations de retraite, est de nature à priver de tout fondement juridique la décision de la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail annulant, par suite de cette première décision, les bases retenues pour la liquidation des droits à pension de l’assuré.

Viole en conséquence les articles L. 242-1, L. 351-1, L. 351-14, R. 351-1 et R. 351-10 du code de la sécurité sociale, ensemble l’article 31 du code de procédure civile, la cour d’appel qui, pour déclarer irrecevable le recours formé par un assuré à l’encontre d’une décision de l’URSSAF annulant un rachat de cotisations, retient que l’assuré n’a plus intérêt à agir à l’encontre de celle-ci, le recours formé contre la décision de la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail annulant, par suite de cette première décision, le droit à retraite anticipée et les quatre trimestres reportés sur le relevé de carrière de cet assuré étant irrecevable comme atteint par la forclusion.

2e Civ. - 21 décembre 2017. CASSATION

No 16-26.532. - CA Aix-en-Provence, 28 septembre 2016.

Mme Flise, Pt. - Mme Vieillard, Rap. - Mme Nicolétis, Av. Gén. - SCP Piwnica et Molinié, SCP Gatineau et Fattaccini, Av.

Un commentaire de cette décision est paru au JCP 2018, éd. S, II, 1064, note Marie Michalletz.

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