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Dossier no 35619

COUR SUPRÊME DU CANADA

(EN APPEL D’UN JUGEMENT DE LA COUR D’APPEL DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE) ENTRE :

ASSOCIATION DES PARENTS DE L’ÉCOLE ROSE-DES-VENTS

et

JOSEPH PAGÉ en son propre nom et en celui de tous les citoyens canadiens

qui résident à l’ouest de la rue Main dans la ville de Vancouver, dont la première langue apprise et encore comprise est le français,

ou qui ont reçu leur instruction au niveau primaire en français au Canada, ou dont un enfant a reçu ou reçoit son instruction

au niveau primaire ou secondaire en français au Canada

APPELANTS (intimés)

et

CONSEIL SCOLAIRE FRANCOPHONE DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE

APPELANT (intimé)

- et -

MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION DE LA PROVINCE DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DE LA COLOMBIE-BRITANNIQUE

INTIMÉS (appelants)

MÉMOIRE DES APPELANTS ASSOCIATION DES PARENTS DE L’ÉCOLE ROSE-DES-VENTS ET JOSEPH PAGÉ

(règle 42 des Règles de la Cour suprême du Canada)

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Me Nicolas M. Rouleau Nicolas M. Rouleau, société professionnelle 720, avenue Brock Toronto (Ontario) M6H 3P2 Tél. : 416 885-1361 Téléc. : 888 850-1306 [email protected] Procureur des appelants Association des parents de l’école Rose-des-Vents et Joseph Pagé Me Mark C. Power Me David P. Taylor Me Robert Grant, c.r. Juristes Power Law 9e étage 1199, rue Hastings Ouest Vancouver (Colombie-Britannique) V6E 3T5 Tél. : 604 265-0340 Téléc. : 604 265-0340 [email protected] [email protected] [email protected] Procureurs de l’appelant Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique

Me Colin S. Baxter Cavanagh Williams Conway Baxter LLP Bureau 401 1111, Prince of Wales Drive Ottawa (Ontario) K2C 3T2 Tél. : 613 569-8558 Téléc. : 613 569-8668 [email protected] Correspondant des appelants Association des parents de l’école Rose-des-Vents et Joseph Pagé Me Élie Ducharme Juristes Power Law Bureau 1103 130, rue Albert Ottawa (Ontario) K1P 5G4 Tél. : 613 702-5563 Téléc. : 613 702-5561 [email protected] Correspondant de l’appelant Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique

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Me Warren B. Milman McCarthy Tétrault LLP Bureau 1300, Pacific Centre 777, rue Dunsmuir Vancouver (Colombie-Britannique) V7Y 1K2 Tél. : 604 643-7100 Téléc. : 604 622-5704 [email protected] Me Karrie Wolfe Ministry of Justice Legal Services Branch 6e étage 1001, rue Douglas Victoria (Colombie-Britannique) V8W 9J7 Tél. : 250 356-6185 Téléc. : 250 356-9154 [email protected] Co-procureurs des intimés le Ministère de l’éducation de la Province de la Colombie-Britannique et le Procureur Général de la Colombie-Britannique

Me Robert E. Houston, Q.C. Burke-Robertson Bureau 200 441, rue MacLaren Ottawa (Ontario) K2P 2H3 Tél. : 613 236-9665 Téléc. : 613 235-4430 [email protected] Correspondant des intimés le Ministère de l’éducation de la Province de la Colombie-Britannique et le Procureur Général de la Colombie-Britannique

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- i -

TABLE DES MATIÈRES

Page MÉMOIRE DES APPELANTS, L’APÉ DE ROSE-DES-VENTS ET JOSEPH PAGÉ

PARTIE I – EXPOSÉ DES FAITS .............................................. 1

A. Introduction : Il y a 30 ans en Colombie-Britannique, l’article 23 de la Charte visait précisément à remédier à l’existence d’établissements d’enseignement francophones inférieurs aux établissements anglophones .............................................. 1

B. L’école Rose-des-vents .............................................. 2

C. Depuis 17 ans, Rose-des-vents est reléguée à des établissements d’enseignement temporaires .............................................. 3

D. L’établissement d’enseignement de Rose-des-vents est surpeuplé et moins spacieux, attrayant, fonctionnel, et accessible que ceux de toutes les écoles anglophones .............................................. 3

E. Le résultat? Les Parents titulaires envoient leurs enfants aux écoles anglophones .............................................. 5

F. Avec des établissements d’enseignement francophones équivalents à ceux offerts aux anglophones, 500 élèves profiteraient de l’instruction en français .............................................. 8

G. Depuis 2007-2008, les Parents titulaires avertissent la Province que leur établissement d’enseignement est pire que ceux offerts aux anglophones .............................................. 9

H. Décision de première instance : il y a violation de l’art. 23 de la Charte .............................................. 9

I. Le CSF a déjà identifié les établissements nécessaires pour fournir une instruction équivalente ............................................ 14

J. Décision de la Cour d’appel : la Cour de première instance aurait dû permettre à la Province de déposer plus de preuve pour sa défense ............................................ 15

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TABLE DES MATIÈRES

Page PARTIE II – QUESTIONS EN LITIGE ............................................ 16

PARTIE III – EXPOSÉ DES ARGUMENTS ............................................ 17

QUESTION A ............................................ 18

1. Le test de l’article 23 de la Charte : le critère de « la justification par les nombres » ............................................ 19

2. Application du critère de « la justification par les nombres » : Ici, le nombre de francophones est supérieur à celui des anglophones, et donc plus que suffisant pour justifier le fonctionnement d’établissements francophones ............................................ 21

3. Lorsque le nombre justifie des établissements d’enseignement pour la minorité, ils doivent être équivalents à ceux de la majorité ............................................ 22

QUESTION B ............................................ 26

1. Après avoir établi que les nombres justifient des établissements équivalents, les Parents titulaires doivent-ils prouver qu’il soit « pratiquement faisable » de fournir ces établissements? ............................................ 27

1.1 Une fois que le nombre d’élèves francophones est suffisant pour justifier des établissements d’enseignement, il n’est pas nécessaire de déterminer ensuite s’il est pratiquement faisable de les fournir ............................................ 27

1.2 Les paragraphes radiés ne sont pas pertinents à l’équivalence ............................................ 32

2. Après avoir établi que les nombres justifient des établissements équivalents, les Parents titulaires doivent-ils débrouiller la responsabilité entre la Province et le CSF? ............................................ 33

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TABLE DES MATIÈRES

Page

2.1 La preuve supplémentaire sur la responsabilité n’est pas pertinente pour déterminer s’il existe une enfreinte ............................................ 33

2.2 Imposer à des titulaires du droit le critère additionnel de débrouiller la responsabilité entre la Province et un conseil scolaire enfreindra leur accès à la justice ............................................ 36

2.3 Les établissements nécessaires doivent être fournis sans le moindre délai ............................................ 37

Conclusion : Plus de 30 ans après la Charte, il est temps d’accorder à la minorité francophone de Vancouver des établissements équivalents ............................................ 39

PARTIE IV – EXPOSÉ DES ARGUMENTS SUR LES DÉPENS ............................................ 39

PARTIE V – ORDONNANCES DEMANDÉES ............................................ 40

PARTIE VI – TABLE ALPHABÉTIQUE DES SOURCES ............................................ 41

PARTIE VII – EXTRAITS DES LOIS, RÈGLEMENTS ET RÈGLES

Loi constitutionnelle de 1982 (R-U), constituant l'annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11 ............................................ 43

The Constitution Act, 1982, being Schedule B to the Canada Act 1982 (UK), 1982, c 11 ............................................ 44

_______________

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- 1 - Mémoire des appelants Exposé des faits

MÉMOIRE DES APPELANTS, L’APÉ DE ROSE-DES-VENTS ET JOSEPH PAGÉ

« The history of French-language education in British Columbia has thus been one of constant battles and negotiations,

waged by a community as determined as it has been tireless. »

Affidavit de Nicolas Kenny (# 1), 29 mars 2012, para. 102 [Dossier des appelants, l’APÉ de Rose-des-Vents et Joseph Pagé (ci-après « DA »), vol. III, p. 52]

PARTIE I – EXPOSÉ DES FAITS

A. Introduction : Il y a 30 ans en Colombie-Britannique, l’article 23 de la Charte visait précisément à remédier à l’existence d’établissements d’enseignement francophones inférieurs aux établissements anglophones

1. Ce pourvoi répondra à la question suivante : l’art. 23 de la Charte canadienne des droits et

libertés est-il enfreint lorsque le seul établissement d’enseignement francophone dans une zone de

fréquentation est surpeuplé ainsi que moins spacieux, attrayant, fonctionnel, et accessible que chaque

établissement anglophone dans la même zone de fréquentation?

2. Les faits sont clairs, incontestés, et troublants. Depuis 1997, les appelants (des parents titulaires du

droit sous l’art. 23 ou « Parents titulaires ») sont confinés à une série d’établissements d’enseignement

francophones temporaires de qualité déplorable. Depuis 2008, ils avertissent de façon répétée la Province

de la Colombie-Britannique (la « Province ») et le Conseil scolaire francophone de la Colombie-

Britannique (le « CSF ») qu’il existe un bris à l’art. 23 parce que le nombre d’élèves francophones est

suffisant pour justifier des établissements francophones équivalents à ceux des anglophones à l’ouest de

la rue Main à Vancouver; mais que ces établissements ne sont pas fournis. Ils avertissent également les

parties que le bris à l’art. 23 mène plusieurs Parents titulaires à inscrire leurs enfants aux écoles

anglophones, conduisant à l’assimilation de ces enfants dans la population anglophone.

3. Le CSF est d’accord avec les Parents titulaires qu’il existe une enfreinte à l’art. 23. La Province

reconnaît elle-même le besoin de remplacer Rose-des-vents, bien qu’elle lutte néanmoins pour

maintenir le statu quo et éviter une déclaration sous l’art. 23.

4. Le droit sous l’art. 23 est bien établi et vise à garantir en Colombie-Britannique que la minorité

francophone ait accès à des établissements d’enseignement équivalents à ceux de la majorité

anglophone là où le nombre d’élèves le justifie. Le critère de « la justification par les nombres » et les

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- 2 - Mémoire des appelants Exposé des faits

décisions de cette Cour dans Mahe, Arsenault-Cameron, et Doucet-Boudreau1 établissent que les 5002

élèves francophones à l’ouest de la rue Main à Vancouver sont plus que suffisants pour justifier des

établissements d’enseignement équivalents à ceux de la majorité anglophone et que ces établissements

doivent être fournis sans le moindre délai. En première instance, le juge Willcock confirme que le droit

des Parents titulaires sous l’art. 23 est brimé parce que ces établissements ne sont pas fournis.

5. En infirmant la décision du juge Willcock malgré les faits clairs et incontestés, la Cour d’appel

de la Colombie-Britannique fait reculer le droit. Elle ajoute deux nouveaux critères que les Parents

titulaires devront maintenant prouver pour établir une enfreinte à l’art. 23 : 1. même si le nombre de

francophones justifie déjà des établissements d’enseignement équivalents à ceux des anglophones, les

Parents titulaires devront prouver qu’il soit « pratiquement faisable » à la Province de fournir ces

établissements; et 2. même si le CSF doit lui aussi respecter la Charte et demande que la Province lui

accorde les fonds nécessaires pour remédier à l’enfreinte, les Parents titulaires devront néanmoins

prouver que ce n’est pas le CSF qui est responsable de l’enfreinte.

6. Trente ans après la venue de la Charte, ce pourvoi permet à cette Cour de confirmer le processus

sous l’art. 23. Pour obtenir une déclaration sur leur droit, les Parents titulaires doivent simplement

démontrer que leur nombre est suffisant pour justifier des établissements d’enseignement équivalents à

ceux de la majorité, mais que ces établissements ne sont pas fournis. Il revient ensuite à la Province et au

CSF de prendre les mesures nécessaires pour réparer l’enfreinte dans les plus brefs délais.

B. L’école Rose-des-vents

7. L’école Rose-des-vents est la seule école élémentaire publique francophone à l’ouest de la rue

Main à Vancouver. Sa population étudiante est de 344 élèves, semblable à la population moyenne des

36 écoles publiques anglophones du Vancouver School Board (le « VSB ») à l’ouest de la rue Main,

contre lesquelles Rose-des-vents rivalise pour attirer des étudiants3.

C. Depuis 17 ans, Rose-des-vents est reléguée à des établissements d’enseignement temporaires

1 Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342 [Recueil de sources des appelants, l’APÉ de Rose-des-Vents et Joseph

Pagé (ci-après « RSA »), vol. III, onglet 21]; Arsenault-Cameron c. Île-du-Prince-Édouard, [2000] 1 R.C.S. 3 [RSA, vol. I, onglet 4]; Doucet-Boudreau c. Nouvelle-Écosse (Ministre de l’Éducation), [2003] 3 R.C.S. 3 [RSA, vol. III, onglet 17].

2 Infra, Mémoire de l’APÉ de Rose-des-vents et Joseph Pagé en appel à la Cour suprême du Canada, para. 22. 3 Motifs du juge Willcock en première instance, 31 octobre 2012, paras. 42-43, 99, et 132 [DA, vol. I, p. 102, 120-

121, 133] [« Motifs du 31 octobre 2012 »]. Les 36 écoles du VSB comprennent 4 « annexes » et leur population varie de 92 élèves à 640 élèves; elles ont une grandeur moyenne de 355 élèves : Affidavit d’Angéline M. Martel (# 1), 2 avril 2012, pièce E [DA, vol. III, p. 178].

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- 3 - Mémoire des appelants Exposé des faits

8. Tandis que les écoles anglophones ont leurs propres établissements d’enseignement permanents,

Rose-des-vents s’est faite reléguer depuis sa création en 1997 à des établissements d’enseignement

temporaires, tels le premier étage d’une maison près de la rue Dunbar, des locaux appartenant à l’église

St-Anthony, et la Queen Elizabeth Elementary School (qu’elle a dû partager avec des élèves

anglophones)4. Aujourd’hui, 30 ans après l’entrée en vigueur de la Charte, Rose-des-vents est

confinée, toujours de façon temporaire, dans un bâtiment désuet sur le site de l’école secondaire Jules-

Verne5.

D. L’établissement d’enseignement de Rose-des-vents est surpeuplé et moins spacieux, attrayant, fonctionnel, et accessible que ceux de toutes les écoles anglophones

9. L’établissement d’enseignement temporaire de Rose-des-vents est surpeuplé, tout en étant moins

spacieux, attrayant, et fonctionnel que les établissements de chacune des 36 écoles du VSB à l’ouest de la

rue Main. La capacité opérationnelle de Rose-des-vents est de 199 élèves6. Pour instruire les 344 élèves

qui se bousculent sur le site, elle possède le maximum de portatives permises par la ville7. Manquant

toujours d’espace, Rose-des-vents a dû diviser sa salle d’activités en 3 salles de classe de fortune : deux

d’entre elles n’ont même pas de fenêtres et sont mal insonorisées8. Pour combler le tout, les élèves

doivent déborder dans les locaux de Jules-Verne. Les jeunes élèves sont intimidés et exposés aux

comportements sexuels inappropriés et grossiers des élèves du secondaire dans les salles de bain9. Jules-

Vernes, elle-même, doit déborder dans la cave de l’Église adventiste du septième jour, de l’autre côté de

la rue10. Aucune des écoles anglophones à l’ouest de la rue Main ne fait face à ces problèmes.

10. Seules 3 des 15 salles de classe de Rose-des-vents sont conformes à la taille minimale prescrite

par le ministère de l’Éducation. Les couloirs, salles de bain, garderie, et bibliothèque de Rose-des-vents

sont inadéquats. L’espace extérieur est minime, sans terrain pour jouer au soccer ou baseball. En

première instance, le juge Willcock tire les conclusions suivantes :

There is no available flexible space in the school. The library is very small. The washrooms are inadequate. The classrooms are significantly smaller than those in other schools. The hallways are narrow and there is no storage space. The playground is small and divided into small pieces. It is probable that the space made available to

4 Affidavit de Mario Cyr (# 1), 30 mars 2012, paras. 20-22 [DA, vol. III, p. 91]. 5 Motifs du 31 octobre 2012, para. 45 [DA, vol. I, p. 103]. 6 Motifs du 31 octobre 2012, paras. 46-48 [DA, vol. I, p. 103-104]. 7 Affidavit de Sylvain Allison (# 4), 2 avril 2012, para. 57 [DA, vol. III, p. 189]. 8 Motifs du 31 octobre 2012, para. 52 [DA, vol. I, p. 105]. 9 Motifs du 31 octobre 2012, para. 45 [DA, vol. I, p. 103]; Affidavit de Zohra Sehboub (# 1), 30 mars 2012,

paras. 12-19 [DA, vol. III, p. 78-81]. 10 Motifs du 31 octobre 2012, para. 49 [DA, vol. I, p. 104].

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- 4 - Mémoire des appelants Exposé des faits

Rose-des-vents at Jules Verne will diminish in the coming years. Parents have moved to other schools because of crowding, inadequate facilities and long travel times.11

11. Le contraste entre cet établissement déplorable et ceux des 36 écoles du VSB dans la zone de fréquentation est frappant :

Almost without exception, the Anglophone schools are described as more attractive and aesthetically pleasing, larger and more functional than Rose-des-vents. All except one are said to have ample playgrounds. Most have large libraries. Most have classrooms that can be used for multiple or flexible purposes. Almost all schools have larger hallways and many have lockers in the hallways. Almost all have classrooms that are described as more spacious than those afforded to the Rose-des-vents students. Those that have small classrooms, such as Dr. Annie B. Jamieson School, have multipurpose rooms or spare classrooms and large libraries.12 [Nous soulignons.]

12. Les conclusions du juge Willcock sont incontestées en appel et confirmées par un riche dossier de preuve13. La Province elle-même concède que Rose-des-vents doit être remplacée14.

13. Rose-des-vent est également moins accessible que les écoles du VSB :

Of the 344 students at Rose-des-vents, 293 are transported to school by bus. None of those students live within the one kilometer walk limit. There are 16 bus routes. Last year the longest one way trip took 48 minutes. This year the longest ride is the 45 minute ride of a grade 1 student. That time does not include waiting times at the designated pick up points or the walk from home to the bus stop. … Because the elementary and secondary schools run on different schedules, but the bus serves both schools, elementary students must wait for the end of the secondary school day and leave school 20 minutes after their classes end, lengthening their time away from home. Most VSB students live within one kilometre of their schools.15 [Nous soulignons.]

11 Motifs du 31 octobre 2012, paras. 44-57 et 137 [DA, vol. I, p. 102-107, 135]. 12 Motifs du 31 octobre 2012, para. 59 [DA, vol. I, p. 107]. 13 Motifs du 31 octobre 2012, para. 61 [DA, vol. I, p. 107]; e.g., Affidavit d’Angéline M. Martel (# 1), 2 avril 2012

[DA, vol. III, p. 156 et s.] (qui a inspecté les 36 écoles du VSB de l’extérieur); Affidavit de Shannie Harvey (# 1), 23 mai 2012 [DA, vol. IV, p. 27 et s.] (qui a inspecté 24 écoles du VSB de l’extérieur et intérieur); Affidavit de Michelle Marsan (# 1), 23 mai 2012 [DA, vol. IV, p. 69 et s.]; Affidavit de Stéphane Lebihan (# 1), 30 mars 2012 [DA, vol. III, p. 124 et s.]; Affidavit de Steven Fedder (# 2), 29 mars 2012 [DA, vol. III, p. 57 et s.]; Affidavit d’Isabeau Iqbal (# 2), 29 mars 2012 [DA, vol. III, p. 53 et s.]; Affidavit de Luc Morin (# 4), 30 mars 2012 [DA, vol. III, p. 134 et s.]; Affidavit de Marie-Christine Pelletier (# 2), 28 mars 2012 [DA, vol. II, p. 170 et s.]; et Affidavit de Nadine Cahan (# 1), 29 mars 2012 [DA, vol. III, p. 62 et s.].

14 Affidavit de Luc Morin (# 1), 13 mai 2010, pièce L [DA, vol. II, p. 104]; Affidavit de Pierre Claveau (# 1), 23 mai 2012, para. 5, question A.2 [DA, vol. IV, p. 66].

15 Motifs du 31 octobre 2012, para. 62 [DA, vol. I, p. 108]; voir également Affidavit de Luc Morin (# 4), 30 mars 2012, paras. 18-25 [DA, vol. III, p. 138-139].

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- 5 - Mémoire des appelants Exposé des faits

14. Les longs voyages d’autobus réduisent la performance académique des élèves et les forcent à

manquer des activités parascolaires16. Dans Arsenault-Cameron, cette Cour accepte qu’il « n’est pas

raisonnable de faire faire à des enfants de l’école primaire des trajets en autobus de 30 à 45 minutes

dans chaque sens lorsque cela n’est pas nécessaire »17. Un fonctionnaire du ministère de l’Éducation de

la Colombie-Britannique concède, lui, qu’un voyage en autobus de 30 minutes est peut-être trop élevé

en zone urbaine18.

15. Malheureusement, 67% des élèves de Rose-des-vents passent plus de 30 minutes en autobus

dans chaque direction19. Les enfants de Pascale de Kerckhove, par exemple, doivent se trouver à leur

arrêt d’autobus 65 minutes avant le début de leur journée scolaire20. Ces élèves passent donc plus de

temps à voyager pour se faire instruire dans un pire établissement que leurs collègues anglophones.

E. Le résultat? Les Parents titulaires envoient leurs enfants aux écoles anglophones

16. En plus du fait que les 344 élèves de Rose-des-vents doivent souffrir dans des locaux

inadéquats, l’état déplorable de Rose-des-vents et son manque d’accessibilité incitent plusieurs autres

Parents titulaires à envoyer leurs enfants aux écoles anglophones. À l’ouest de la rue Main à

Vancouver, le taux d’assimilation des francophones est de 61%21. Ce taux est plus élevé, même, que

celui de 13,5 % à 59,3 % rapporté dans Doucet-Boudreau, que cette Cour a confirmé « atteignait un

seuil critique »22.

17. Il est incontesté que la situation à Rose-des-vents contribue à cet accablant taux d’assimilation.

La preuve a établi que plusieurs Parents titulaires ont retiré leurs enfants de Rose-des-vents dans les

dernières années à cause de son établissement d’enseignement surpeuplé et inférieur, pour plutôt les

envoyer à des écoles anglophones23. D’autres Parents titulaires ont opté dès l’abord de ne jamais

16 Affidavit de Mario Cyr (# 1), 30 mars 2012, paras. 17 et 39-42 [DA, vol. III, p. 90, 99-101]; Affidavit de Sylvain

Allison (# 4), 2 avril 2012, para. 81 [DA, vol. III, p. 195]; Affidavit de Steven Fedder (# 2), 29 mars 2012, paras. 6-7 [DA, vol. III, p. 58-59].

17 Arsenault-Cameron c. Île-du-Prince-Édouard, [2000] 1 R.C.S. 3, para. 51 [RSA, vol. I, onglet 4]. 18 Affidavit de Luc Morin (# 4), 30 mars 2012, para. 27 [DA, vol. III, p. 140] et pièce M (courriel de John Cavelti à

Phillip Chambers, le jeudi 13 août 2009, à 15 h 42) [DA, vol. III, p. 151-152]. 19 Motifs du 31 octobre 2012, para. 62 [DA, vol. I, p. 108]. 20 Affidavit de Pascale de Kerckhove (# 1), 29 mars 2012, paras. 3-5 [DA, vol. III, p. 73]. 21 Affidavit de Rodrigue Landry (# 1), 30 mars 2012, para. 17 [DA, vol. III, p. 112]. 22 Doucet-Boudreau c. Nova Scotia (Department of Education), 2000 CanLII 13312 (C.S.N.-É.), paras. 210 et 215

[RSA, vol. III, onglet 16]; Doucet-Boudreau c. Nouvelle-Écosse (Ministre de l’Éducation), [2003] 3 R.C.S. 3, para. 65 [RSA, vol. III, onglet 17].

23 Motifs du 31 octobre 2012, paras. 57 et 63 [DA, vol. I, p. 106-107, 108]; Affidavit de Steven Fedder (# 2), 29 mars 2012, paras. 4-10 [DA, vol. III, p. 58-60]; Affidavit de Paul Rostagno (# 2), 30 mars 2012, paras. 10-20

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- 6 - Mémoire des appelants Exposé des faits

envoyer leurs enfants à Rose-des-vents à cause de son établissement24. Certains Parents titulaires ont

préinscrit leurs enfants dans des écoles anglophones et attendent de voir si Rose-des-vents va

s’améliorer avant de finaliser leurs décisions25.

18. Depuis qu’ils envoient leurs enfants à l’école en anglais, les Parents titulaires confirment que

leurs enfants perdent leur français et s’assimilent dans la communauté anglophone26. Philippe Le Billon

et sa femme ont refusé des offres d’emploi à Montréal pour déménager à Vancouver Ouest, s’attendant

à pouvoir y envoyer leurs enfants à l’école en français. Le manque d’accessibilité de Rose-des-vents a

rendu cela impossible. Ils ont plutôt envoyé leurs enfants à l’école anglophone. Philippe décrit

l’assimilation inévitable qui a suivi :

[9] Because we have sent Solenne to English-language school, we find it very difficult to maintain French, even at home, as most of her friends are English-speaking. We try hard and manage to have at least one or two ‘French playdates’ per month, but it is not enough to maintain her fluency and, importantly, her cultural savvy. The idea of moving back to Quebec for schooling intimidates her, as does the possibility of playing with her Francophone cousins, since she says she does not know “how to play the games in French”.

[10] Now that our daughters have moved into English education, it will become harder to move them out into the French stream. Had a Francophone school been established closer to us in Vancouver west, it is certain that we would have sent our children there. And had that been the case, it is very likely that their French language skills and French Canadian culture would have been greatly enhanced. We can only hope that future generations of parents in Vancouver West will have opportunities that were not available to us.

[11] While we would certainly consider sending our children to a French-language school if one were constructed in Vancouver West in the near future, it may already be too late. The main factor that we anticipate in this regard is resistance from our children themselves, who are becoming increasingly withdrawn from French. As such, the lack of developments in the past several years have likely eliminated the possibility for Solenne and Pauline to attend primary school in French in Vancouver. It may be that our children’s resistance to French would lower when they begin high

[DA, vol. III, p. 132-133]; Affidavit de Marie-Christine Pelletier (# 2), 28 mars 2012, paras. 5-7 et 9-13 [DA, vol. II, p. 171-173]; Affidavit de Bernie Hadley-Beauregard (# 1), 13 mai 2010, para. 3 [DA, vol. II, p. 71].

24 Motifs du 31 octobre 2012, paras. 57 et 63 [DA, vol. I, p. 106-107, 108]; Affidavit de Quynh Doan (# 1), 27 mars 2012, paras. 3-8 et 10 [DA, vol. II, p. 168-169]; Affidavit de Pascale-Sara Frenette (# 1), 23 mai 2012, paras. 5-24 [DA, vol. IV, p. 61-64].

25 Motifs du 31 octobre 2012, para. 63 [DA, vol. I, p. 108]; Affidavit de Luce Lafontaine (# 1), 11 mai 2010, para. 5 [DA, vol. II, p. 68]; Affidavit de Nadine Cahan (# 1), 29 mars 2012, para. 3 [DA, vol. III, p. 63].

26 Affidavit d’Isabeau Iqbal (# 2), 29 mars 2012, para. 12 [DA, vol. III, p. 56]; Affidavit de Philippe Le Billon (# 1), 29 mars 2012, paras. 8-11 [DA, vol. III, p. 70-71]; Affidavit de Steven Fedder (# 2), 29 mars 2012, paras. 11-13 [DA, vol. III, p. 60]; Affidavit de Marie-Christine Pelletier (# 2), 28 mars 2012, paras. 14-15 [DA, vol. II, p. 173]; Affidavit de Quynh Doan (# 1), 27 mars 2012, paras. 8-10 [DA, vol. II, p. 168-169].

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school. Perhaps at that time we will be able to coax them back into the Francophone community to reinforce their Francophone identity. But at this point, this is merely a hope to which we cling for the sake of having children and grandchildren who share our Francophone values and identity.27 [Nous soulignons.]

19. Isabeau Iqbal, qui a retiré ses enfants de Rose-des-vents à cause de son infériorité comparée aux

écoles anglophones, raconte la même histoire tout en soulignant son propre détachement de la

communauté francophone :

[11] The children’s French has declined and that is regretful. Loic, whose talent is definitely in languages, now speaks to me almost always in English. He reads in English and plays in English. I find it harder to speak French to him because of his strong preference for English. The quality of spoken French among his classmates is, in my opinion, quite poor. Nayeli’s strength has never been in languages and, even though she is in full-time French, I find her French is still poor. She does not benefit from much French at home anymore. I have lost my connection with the Francophone community because all the parents I interact with are Anglophone (the exception being 1-2 parents whose mother tongue is French but who, like me, are now more at ease in English).

[12] All things being equal, I would rather have my children attending French-language school. We miss having our children in French-language school but, because our children are happy at their new French-immersion school, because they no longer spend long amounts of time on the bus, because the school community is closer to our home, and because they are instructed at Jules Quesnel in better facilities than Rose-des-vents, we are not considering returning our children to French-language school. They will continue their schooling at Jules Quesnel.28 [Nous soulignons.]

20. Aujourd’hui, Nadine Cahan est confrontée à la même décision que Philippe et Isabeau. Elle

préfère faire instruire ses enfants à Rose-des-vents en français. Elle est chanceuse, également, de

demeurer à 10 ou 15 minutes en autobus de l’école. Mais en comparant Rose-des-vents à Quilchena

Elementary, l’école anglophone avoisinante dans son quartier, elle se demande si l’infériorité de son

établissement d’enseignement surpeuplé n’est pas un sacrifice trop onéreux pour ses enfants :

[4] The decision is not an easy one. My husband, who is Anglophone, has always fully supported the idea of our children being educated in their French language and culture. We have agonized in the past few months over where to send our children for next year. However, if forced to choose between maintaining French language and culture and promoting the best learning environment for our children, we will naturally choose the latter. Ultimately, Rose-des-vents’ overcrowded and inadequate facilities suggest that this school is no longer the best option for our family.

27 Affidavit de Philippe Le Billon (# 1), 29 mars 2012, paras. 9-11 [DA, vol. III, p. 70-71]. 28 Affidavit d’Isabeau Iqbal (# 2), 29 mars 2012, paras. 11-12 [DA, vol. III, p. 55-56].

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[21] The disintegration at Rose-des-vents over [the] past few years and the lengthy delay in finding any solution – despite a lawsuit having been launched almost two years ago [maintenant il y a plus de quatre ans] – has soured me on Rose-des-vents. I cannot accept a half-rate solution for my children, or even a projected solution 5 years from now. For example, I am not interested in a solution that would require my children to spend more than 30 minutes on the bus to get to a school on the other side of town. To maintain my children at Rose-des-vents, I would need a permanent and immediate resolution to the Rose-des-vents problems. I am open to keeping my children at Rose-des-vents should I quickly hear some positive information from the CSF regarding Rose-des-vents’ immediate future. To date, however, I have heard nothing that should lead me to reconsider sending my children to Quilchena Elementary.

[22] If we send our children to Quilchena, we will undoubtedly miss French-language school. We realize that our children’s French might not be maintained or develop as strongly. But we cannot be asked to make a sacrifice to send our children to Rose-des-vents. For the long-term development, happiness, and health of our children, we currently believe that sending our children away from the overcrowded and insufficient facilities at Rose-des-vents is the right decision to make.29 [Nous soulignons.]

21. Avec le temps, il est fort probable que Philippe, Isabeau, Nadine, et leurs enfants deviennent de

brèves notes dans la longue histoire d’assimilation des francophones en Colombie-Britannique.

F. Avec des établissements d’enseignement francophones équivalents à ceux offerts aux anglophones, 500 élèves profiteraient de l’instruction en français

22. Si les établissements d’enseignement francophones à l’ouest de la rue Main étaient équivalents

à ceux offerts aux anglophones, la preuve incontestée confirme que plusieurs Parents titulaires

additionnels y enverraient leurs enfants30. Il existe donc une demande insatisfaite pour de l’instruction

en français à l’ouest de la rue Main. Le juge Willcock s’est déclaré « satisfait que l’écart entre Rose-

des-vents et les écoles anglophones limite les inscriptions au programme de langue minoritaire et

contribue à l’assimilation que l’art. 23 de la Charte tente d’éliminer [nous traduisons] »31. Il conclut en

2012 que le nombre de francophones à l’ouest de la rue Main justifiait déjà la construction immédiate

d’établissements équivalents pour 500 élèves.32 Comme il existait en 2012 de 1135 à 3200 élèves qui

29 Affidavit de Nadine Cahan (# 1), 29 mars 2012, paras. 4 and 21-22 [DA, vol. III, p. 63, 67]. 30 E.g., Affidavit d’Isabeau Iqbal (# 2), 29 mars 2012, para. 12 [DA, vol. III, p. 56]; Affidavit de Philippe Le Billon

(# 1), 29 mars 2012, para. 10 [DA, vol. III, p. 70-71]; Affidavit de Steven Fedder (# 2), 29 mars 2012, para. 13 [DA, vol. III, p. 60]; Affidavit de Quynh Doan (# 1), 27 mars 2012, para. 10 [DA, vol. II, p. 169]; Affidavit de Pascale-Sara Frenette (# 1), 23 mai 2012, para. 24 [DA, vol. IV, p. 64]; Affidavit de Paul Rostagno (# 2), 30 mars 2012, para. 20 [DA, vol. III, p. 133].

31 Motifs du 31 octobre 2012, para. 158 [DA, vol. I, p. 143]. 32 Motifs du 31 octobre 2012, para. 127[DA, vol. I, p. 131-132]; le raisonnement du juge Willcock est également

appuyé par de la preuve experte déposée par le CSF : Affidavit de Rodrigue Landry (# 1), 30 mars 2012 [DA, vol. III, p. 107 et s.].

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- 9 - Mémoire des appelants Exposé des faits

avaient le droit sous l’art. 23 de fréquenter des établissements d’enseignement francophones à l’ouest

de la rue Main33, cette conclusion est certainement conservatrice34.

G. Depuis 2007-2008, les Parents titulaires avertissent la Province que leur établissement d’enseignement est pire que ceux offerts aux anglophones

23. Depuis au moins l’année 2007-2008, les Parents titulaires avertissent de façon répétée la

Province et le CSF (le conseil scolaire créé par la Province pour fournir l’instruction sous l’art. 23) que

l’établissement d’enseignement de Rose-des-vents est pire que ceux du VSB, incite les francophones à

y retirer leurs enfants, et enfreint l’art. 23 de la Charte35. La Province a toujours nié l’enfreinte.

H. Décision de première instance : il y a violation de l’art. 23 de la Charte

24. En mai 2010, vu les insuffisances de Rose-des-vents et sa perte d’élèves aux écoles du VSB, les

Parents titulaires poursuivent la Province et le CSF par requête, suivant une procédure utilisée dans le

passé36. La décision de procéder par requête limite leurs dépenses juridiques et répond à l’urgence de la

situation. Initialement, les Parents titulaires recherchent des déclarations sous l’art. 24(1) de la Charte

et la Judicial Review Procedure Act, R.S.B.C. 1996, c. 241, que certaines décisions du ministre de

l’Éducation sont inconstitutionnelles et que les intimés enfreignent l’art. 23 de la Charte37.

Éventuellement, lors d’une audience préliminaire, ils raffinent oralement leur requête pour demander

tout simplement une déclaration sous l’art. 24(1) que l’établissement d’enseignement de Rose-des-

vents enfreint l’art. 23 :

In order to advance their cause, the Petitioners were prepared to narrow the scope of the pleadings and restrict the relief immediately sought to a declaration that existing facilities do not meet the standard mandated by the Charter.38 [Nous soulignons.]

25. Comme l’a reconnu le juge Willcock, cette déclaration nécessite la résolution de deux questions

en litige :

33 Affidavit de Rodrigue Landry (# 1), 30 mars 2012, paras. 30-31 et 35 [DA, vol. III, p. 118, 120]. 34 Elle revient à suggérer que seuls 150 des 800 à 2850 élèves additionnels qui ne fréquentent pas présentement Rose-

des-vents fréquenteraient des établissements francophones s’ils étaient équivalents à ceux anglophones. 35 Affidavit de Luc Morin (# 1), 13 mai 2010, paras. 61-81 [DA, vol. II, p. 97-101] et pièce K [DA, vol. II, p. 102-

103]; Affidavit de Joseph Pagé (# 1), 13 mai 2010, para. 4 [DA, vol. II, p. 75-78]. 36 Voir e.g. Doucet-Boudreau c. Nova Scotia (Department of Education), 2000 CanLII 13312 (C.S.N.-É.) [RSA,

vol. III, onglet 16]; confirmé dans Doucet-Boudreau c. Nouvelle-Écosse (Ministre de l’Éducation), [2003] 3 R.C.S. 3 [RSA, vol. III, onglet 17].

37 Requête modifiée de l’APÉ et Joseph Pagé, déposée le 16 décembre 2011 [DA, vol. II, p. 1 et s.]. 38 Motifs de première instance du juge Willcock, 6 juillet 2012, paras. 9-10 [DA, vol. I, p. 68-69] [« Motifs du 6

juillet 2012 »].

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- 10 - Mémoire des appelants Exposé des faits

a) premièrement, est-ce que le nombre d’élèves francophones à l’ouest de la rue Main à Vancouver justifie de l’instruction dans des établissements d’enseignement de langue française; et

b) deuxièmement, est-ce que l’établissement d’enseignement de Rose-des-vents est présentement équivalent à ceux de la majorité.39

26. Elle ne nécessite pas que les Parents titulaires déterminent qui entre la Province et le CSF est responsable de l’enfreinte à l’art. 23. Après tout, le CSF est une créature de la province (créée par la Province pour s’acquitter de ses obligations sous l’art. 23) qui est assujettie à la Charte40.

27. Bien qu’intimé en première instance, le CSF s’est rallié à la cause des Parents titulaires et est d’accord qu’il existe une enfreinte à l’art. 23. Il reconnaît également que la Cour peut déterminer s’il existe une enfreinte sans débrouiller la responsabilité entre le CSF et la Province.

28. Lors d’une procédure préliminaire, le juge Willcock exerce sa discrétion pour rayer cinq paragraphes de la défense de la Province qui sont inutiles à la résolution de la requête :

(a) Paragraph 58: the plea that there are many school facilities [in British Columbia] that could benefit from upgrading or renovation. This plea is irrelevant to whether the rights-holders are receiving instruction and facilities equivalent to those received by similarly situated majority language students [c.-à-d., à l’ouest de la rue Main à Vancouver];

(b) Paragraph 76 and 77: the plea that assimilation has causes other than inadequate schools, and the plea that most students at Roses des Vents are children of exogamous (mixed language) couples. These pleas lack apparent relevance;

(c) Paragraph 79: the plea that resources have been expended on seismic upgrades. The fact these expenditures have been made neither advances the claim, nor the Province’s defence; and

(d) Paragraph 92: the plea that there are multiple causes for the withdrawal of students from Roses des Vents. The fact that students leave this school and others for a multitude of reasons does not give rise to a defence. Examining the causes of withdrawals from enrolment unrelated to poor facilities and transportation is an exercise wholly apart from the issues properly before the court on the petition.41

39 Motifs de première instance du juge Willcock, 4 novembre 2011, para. 6 [DA, vol. I, p. 38] [« Motifs du 4

novembre 2011 »]; Motifs du 6 juillet 2012, para. 10 [DA, vol. I, p. 68-69]; Motifs du 31 octobre 2012, para. 8 [DA, vol. I, p. 90].

40 Multani c. Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, [2006] 1 R.C.S. 256, para. 22 [RSA, vol. III, onglet 23]; Chamberlain v. Surrey School District No. 36, [2002] 4 R.C.S. 710, para. 121 (motifs du juge Gonthier, en dissidence, mais sur une autre question) [RSA, vol. I, onglet 6]; voir aussi Public School Boards’ Assn. of Alberta c. Alberta (Procureur général), [2000] 2 R.C.S. 409, paras. 33-37 [RSA, vol. III, onglet 24].

41 Motifs du 4 novembre 2011, para. 70 [DA, vol. I, p. 57].

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29. Entre le dépôt de la requête en mai 2010 et la fin de l’audience en juin 2012, le juge Willcock dirige au moins 7 conférences de gestion de cause. Il ordonne la divulgation de documents et plusieurs examens au préalable42. Il décide 6 motions interlocutoires43. Deux de ces motions sont presque identiques, intentées par la Province pour transformer la requête des Parents titulaires en action. La Province dépose plus de 20 affidavits pour sa défense, incluant des affidavits sur le nombre d’élèves à Rose-des-vents et la projection de ce nombre dans les années à venir (la première question en litige), sur l’équivalence entre Rose-des-vents et les écoles du VSB (la deuxième question en litige), sur la comparaison de Rose-des-vents aux écoles anglophones ailleurs dans la province, sur la participation et le rôle du CSF dans le processus provincial de planification des immobilisations, sur le processus budgétaire du gouvernement, sur le système d’allocation des fonds de la Province, sur les fonds alloués par la Province au CSF, et sur le rôle des conseils scolaires44. Malgré les faits incontestés notés ci-haut, l’audience de la requête dure 16 jours, du 30 mai au 22 juin 2012 (la plaidoirie des Parents titulaires n’occupe que deux des 16 jours). Il est clair que la Province mène une guerre de tranchées.

30. À l’audience, la Province présente plusieurs arguments pour tenter de répondre aux deux questions en litige45. Le 12 juin 2012, presque deux semaines après que les Parents titulaires terminent leur plaidoirie et après le début de sa propre plaidoirie, la Province dépose également une motion d’ajournement. Elle plaide qu’en raison de certaines ordonnances procédurales du juge Willcock, elle s’est méprise sur la portée de l’audience de la requête : elle croyait que le juge déterminerait uniquement si Rose-des-vents était « factuellement équivalente [nous traduisons] » aux écoles anglophones, sans pour ainsi déclarer une enfreinte à l’art. 23. La Province indique qu’elle a donc uniquement préparé et déposé de la preuve sur cette question factuelle46. Maintenant qu’elle comprend47 que le juge va déterminer s’il y a enfreinte, la Province demande un ajournement pour préparer et déposer de la preuve supplémentaire. Elle s’explique ainsi :

42 Motifs de première instance du juge Willcock, 26 janvier 2011, para. 95 [DA, vol. I, p. 34] [« Motifs du 26 janvier

2011 »]. 43 Motifs du 26 janvier 2011, para. 3 [DA, vol. I, p. 3]; Motifs du 4 novembre 2011, paras. 2-3 [DA, vol. I, p. 36-37];

Note de l’honorable juge Willcock aux avocats, 12 janvier 2012, [DA, vol. I, p. 60]; Motifs du 6 juillet 2012, paras. 29-52 [DA, vol. I, p. 76-84]; Motifs du 31 octobre 2012, paras. 12-13 [DA, vol. I, p. 92].

44 Motifs du 31 octobre 2012, paras. 64-76 [DA, vol. I, p. 108-112]; Motifs du 6 juillet 2012, para. 32 [DA, vol. I, p. 77]; Affidavit de Brian Fraser (# 1), 4 juillet 2011 [DA, vol. II, p. 114 et s.]; Affidavit de John Cavelti (# 2), 7 juin 2012 [DA, vol. IV, p. 98 et s.]; Affidavit de Douglas Stewart (# 1), 7 juillet 2011 [DA, vol. II, p. 122 et s.]; Affidavit de Douglas Stewart (# 2), 18 novembre 2011 [DA, vol. II, p. 147 et s.]; Affidavit de Dave Duerksen (# 1), 30 juin 2011 [DA, vol. II, p. 105 et s.]; Affidavit de Reg Bawa (# 1), 7 juillet 2011 [DA, vol. II, p. 135 et s.]; Affidavit de Keith Miller (# 1), 4 mai 2012 [DA, vol. IV, p. 17 et s.].

45 Motifs du 31 octobre 2012, paras. 123-157 [DA, vol. I, p. 130-143]. 46 Avis de motion de la Province, déposé le 12 juin 2012, Factual Basis, paras. 6-7 [DA, vol. IV, p. 106-107]. 47 Aux fins de l’appel, il peut être présumé que la Province est de bonne foi et qu’elle s’est véritablement méprise sur

la portée de l’audience. Cela ne change rien à l’analyse, car la preuve qu’elle aurait voulu ajouter n’est pas pertinente pour déterminer s’il existe une enfreinte sous l’art. 23.

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- 12 - Mémoire des appelants Exposé des faits

[A]bsent the additional information the Province seeks leave to introduce, the Court does not have the requisite information to make a determination […] whether the existing facility and transportation times at École Rose-des-[v]ents are sufficient to protect the Charter rights of the Petitioners.48

31. Le juge Willcock exerce sa discrétion pour rejeter la motion. Dans sa décision de 57

paragraphes sur la motion, il revoit en détail chaque élément de preuve supplémentaire que la Province

veut déposer et détermine qu’ils ne sont pas pertinents puisqu’ils se rapportent surtout à la

responsabilité entre la Province et le CSF pour l’enfreinte49. Ainsi, cette preuve ne l’aurait pas aidé à

évaluer si, oui ou non, il existe une enfreinte, c’est-à-dire si les Parents titulaires disposent des

établissements d’enseignement auxquels ils ont droit en vertu de l’art. 23.

32. Le juge Willcock comprend donc que les manœuvres procédurales de la Province ne se

rapportent pas à la simple déclaration recherchée par les Parents titulaires. Il souligne que puisque la

Province cherchait à mener d’autres interrogatoires au préalable et à contre-interroger environ 45 des

48 affiants des Parents titulaires et du CSF, un ajournement aurait exigé « a very lengthy delay »50. Il

confirme ainsi que la Province ne peut pas éviter une déclaration sous l’art. 23 en soulevant des

obstacles procéduraux et provoquant des délais, particulièrement dans le cadre d’une situation urgente

où il est incontesté que 344 élèves souffrent dans des locaux inadéquats et où l’assimilation à l’ouest de

la rue Main a franchi un niveau critique qui permettrait à la Province de réduire ses obligations futures.

33. Le 31 octobre 2012, le juge Willcock prononce sa décision (de 65 pages / 161 paragraphes)

dans la requête. Il répond aux deux questions en litige pour conclure que le droit des Parents titulaires

sous l’art. 23 est enfreint. Il reconnaît, tel qu’établi dans Mahe, que l’art. 23 a un aspect réparateur et

opère selon une échelle variable :

…In Mahe, s. 23 was described as a lynchpin of this nation’s commitment to the values of bilingualism and biculturalism. The purpose of s. 23 was held to be the preservation and promotion of the two official languages of Canada and their respective cultures. Its remedial purpose is to correct the progressive erosion of minority official language groups. It establishes a right measured by a sliding scale, described in the following terms, at 366:

The idea of a sliding scale is simply that s. 23 guarantees whatever type and level of rights and services is appropriate in order to provide minority

48 Avis de motion de la Province, déposé le 12 juin 2012, Legal Basis, para. 10 [DA, vol. IV, p. 107]. 49 Motifs du 6 juillet 2012, paras. 29-52 [DA, vol. I, p. 76-84]. Le restant de la preuve est « an application to lead

further evidence with respect to… issues already canvassed » (au para. 29). 50 Motifs du 6 juillet 2012, para. 21 [DA, vol. I, p. 73]; Avis de motion de la Province, déposé le 12 juin 2012, Legal

Basis, paras. 4-10 [DA, vol. IV, p. 105-107].

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- 13 - Mémoire des appelants Exposé des faits

language instruction for the particular number of students involved.51 [Nous soulignons.]

34. Au bas de l’échelle, le nombre d’élèves francophones ne réussira peut-être qu’à justifier de

l’instruction en langue minoritaire. Au haut de l’échelle, par contre, le nombre justifiera cette

instruction dans des établissements d’enseignement de langue minoritaire (gérés par la minorité)52.

Lorsque le nombre est suffisant pour justifier des établissements d’enseignement, ils doivent être

équivalents à ceux de la majorité. Selon le juge Willcock :

That stands to reason given the remedial purpose of s. 23 of the Charter. The risk of assimilation will not be reduced by the establishment of instruction or facilities that bear no relationship to the instruction and facilities which might otherwise be selected by the rights-holders for their children.53

35. En l’espèce, la population francophone à l’ouest de la rue Main se place au haut de l’échelle

variable. Il y a 500 élèves qui se prévaudront en définitive d’instruction en français lorsque les

établissements d’enseignement francophones seront équivalents à ceux des anglophones54. En réponse

à la première question, donc, le nombre d’élèves est plus que suffisant pour justifier la prestation

d’instruction dans des établissements d’enseignement francophones équivalents à ceux des

anglophones à l’ouest de la rue Main.

36. En réponse à la deuxième question, le juge Willcock évalue l’établissement d’enseignement de

Rose-des-vents dans son ensemble (l’accessibilité, l’espace disponible, la qualité des locaux, etc.) pour

déterminer s’il est équivalent à ceux du VSB à l’ouest de la rue Main. Il conclut qu’il ne l’est pas, et

que cela mène plusieurs Parents titulaires à inscrire leurs enfants dans des écoles du VSB :

[143] I accept … that some complaints made by parents and teachers arise out of problems that appear to be common in elementary schools. …

[144] However, as the petitioners argue, it is not necessary that the school be found to be wanting in every respect. … The question is whether, bearing in mind all of the facilities provided to them, a disparity exists between the facilities afforded to

51 Motifs du 31 octobre 2012, para. 86 [DA, vol. I, p. 116]; citant Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342, p. 366 [RSA,

vol. III, onglet 21]. 52 Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342, p. 366 [RSA, vol. III, onglet 21]. 53 Motifs du 31 octobre 2012, para. 99 [DA, vol. I, p. 120-121]. 54 Motifs du 31 octobre 2012, para. 127 [DA, vol. I, p. 131-132]; tel que stipulé par cette Cour dans Mahe c. Alberta,

[1990] 1 R.C.S. 342, p. 384 [RSA, vol. III, onglet 21], ce chiffre se situe entre la demande « existante » de 344 élèves (Motifs du 31 octobre 2012, para. 42 [DA, vol. I, p. 102]) et la demande « potentielle » de 1000 élèves (Motifs du 31 octobre 2012, para. 41 [DA, vol. I, p. 101-102]); voir aussi Arsenault-Cameron c. Île-du-Prince-Édouard, [2000] 1 R.C.S. 3, para. 32 [RSA, vol. I, onglet 4].

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- 14 - Mémoire des appelants Exposé des faits

minority and majority language students. The evidence, in my view, clearly establishes such a disparity.

[157] … I am prepared… to say that… together with inadequate facilities, long travel times act as a disincentive to enrolment, preserve the status quo, and defeat the purposes of s. 23 of the Charter. …What can be said on the evidence is that, collectively, the facilities, including transportation facilities, afforded to the children of rights-holders in the City of Vancouver west of Main Street are presently inadequate to meet the standard of equivalence required to satisfy the constitutional guarantee established by s. 23.55 [Nous soulignons.]

37. Tout comme dans Arsenault-Cameron et Doucet-Boudreau, l’art. 23 est enfreint parce que les

établissements nécessaires ne sont pas fournis. Tout comme dans Doucet-Boudreau, le juge Willcock

ne se prononce pas quant à savoir si ce sont les actions de la Province ou du CSF qui ont causé

l’enfreinte, puisque cette question n’est pas devant le tribunal. Il déclare :

There will, therefore, be a declaration in favour of the parents living west of Main Street in the City of Vancouver who have the right to have their children receive primary school instruction in French that they are not being provided the minority language education facilities guaranteed to them by s. 23 of the Canadian Charter of Rights and Freedoms.56

38. Ce faisant, il laisse aux intimés la tâche de fournir les établissements d’enseignement

nécessaires pour réparer l’enfreinte dans les plus brefs délais. Il reste également saisi de l’affaire au cas

où les parties auraient des questions supplémentaires à résoudre57.

I. Le CSF a déjà identifié les établissements nécessaires pour fournir une instruction équivalente

39. Conformément aux prescriptions de cette Cour dans Arsenault-Cameron58, le CSF a d’ailleurs

déjà identifié pour la Province le nécessaire pour immédiatement fournir aux 500 élèves francophones

des établissements d’enseignement équivalents à ceux offerts aux élèves de la majorité : deux nouvelles

écoles élémentaires francophones de grandeur semblable aux écoles du VSB à l’ouest de la rue Main,

la première entre les rues Main et Granville et la deuxième à l’ouest de Granville59. Ces écoles

diviseraient la zone de fréquentation en deux et éliminerait l’enfreinte à l’art. 23 en réduisant le temps

de transport et fournissant des locaux adéquats. 55 Motifs du 31 octobre 2012, paras. 136-157 [DA, vol. I, p. 134-143]. 56 Motifs du 31 octobre 2012, para. 160 [DA, vol. I, p. 143]. 57 Motifs du 31 octobre 2012, para. 161 [DA, vol. I, p. 143]. 58 Arsenault-Cameron c. Île-du-Prince-Édouard, [2000] 1 R.C.S. 3, paras. 43-55 [RSA, vol. I, onglet 4], qui se

prononce sur les rôles distincts de la province et du conseil scolaire. 59 Affidavit de Sylvain Allison (# 3), 22 novembre 2011, paras. 24-26 [DA, vol. II, p. 160].

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- 15 - Mémoire des appelants Exposé des faits

40. La Province, elle, s’engage en théorie depuis le mois d’octobre 2011 à financer une des deux

écoles que le CSF requiert60 – mais sans toutefois concéder que cette école est essentielle pour

satisfaire aux exigences de l’art. 23 et sans entreprendre les démarches nécessaires pour forcer sa

construction immédiate. Ainsi, 3 ans plus tard, il n’existe toujours aucune preuve que cette première

école sera fournie aux Parents titulaires : aucun achat de terrain, aucune acquisition de permis

municipaux, aucun échéancier de construction. Les 17 ans d’instruction dans des établissements

temporaires se poursuivront dans l’avenir prévisible – et probablement même l’avenir lointain. La

Province n’a pas non plus accepté de financer une deuxième école.

J. Décision de la Cour d’appel : la Cour de première instance aurait dû permettre à la Province de déposer plus de preuve pour sa défense

41. La Province porte appel de la décision du juge Willcock. Elle accepte ses conclusions de faits :

que Rose-des-vents a 344 élèves; que son établissement est surpeuplé tout en étant moins spacieux,

attrayant, fonctionnel, et accessible que ceux du VSB à l’ouest de la rue Main; qu’on doit le remplacer;

et que certains Parents titulaires n’y envoient pas leurs enfants pour ces raisons.

42. La Province plaide plutôt que parce qu’elle s’est méprise sur la portée de l’audience, le juge

Willcock aurait dû accueillir sa motion d’ajournement. La Cour d’appel devrait donc renvoyer l’affaire

en première instance pour lui permettre d’obtenir et de présenter la preuve trouvée non pertinente par le

juge Willcock, puisqu’elle est nécessaire selon la Province pour déterminer s’il existe une enfreinte à

l’art. 23. Elle demande également que les paras. 58, 76, 77, et 92 de sa défense, rayés par le juge

Willcock61, soient rétablis62.

43. Sans s’attarder à l’objet réparateur de l’art. 23 de la Charte ou aux conclusions de faits en

première instance, la Cour d’appel infirme la décision du juge Willcock pour deux raisons.

Premièrement, elle décide que le juge aurait dû considérer les exigences financières de la Province

même lorsqu’il existe déjà un « nombre suffisant [notre traduction] » d’élèves francophones dans la

communauté63. Ainsi, il n’aurait pas dû rayer les paras. 58, 76, 77, et 92, car ils auraient pu l’aider à

déterminer s’il est pratiquement faisable de fournir pour les francophones des établissements

60 Affidavit de Sylvain Allison (# 3), 22 novembre 2011, para. 34 [DA, vol. II, p. 162]. 61 Supra, Mémoire de l’APÉ de Rose-des-vents et Joseph Pagé en appel à la Cour suprême du Canada, para. 28. La

Province ne demande pas que le paragraphe 79 soit rétabli. 62 La Province a également plaidé d’autres motifs d’appel que la Cour d’appel a refusé d’adresser : Motifs de la Cour

d’appel de Colombie-Britannique, 20 septembre 2013, paras. 25-26 [DA, vol. I, p. 193] [« Motifs de la Cour d’appel »].

63 Motifs de la Cour d’appel, para. 42 [DA, vol. I, p. 198-199].

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- 16 - Mémoire des appelants Exposé des faits

équivalents à ceux du VSB à l’ouest de la rue Main64. Deuxièmement, elle accepte que, puisque la

Province s’était méprise sur la portée de l’audience, le juge Willcock aurait dû lui permettre d’obtenir

la preuve supplémentaire qu’elle recherchait, avant de déclarer qu’il y avait enfreinte à l’art. 2365. La

Cour d’appel n’explique pas comment cette preuve serait pertinente pour déterminer s’il existe une

enfreinte.

44. Elle renvoie donc le tout en première instance. Même s’il existe déjà un nombre suffisant

d’élèves francophones, les Parents titulaires se retrouvent à la case de départ et devront surmonter deux

nouveaux obstacles juridiques pour établir une enfreinte à l’art. 23 : le fardeau de démontrer qu’il est

pratiquement faisable pour la troisième plus grande province du Canada de fournir des établissements

équivalents à ceux des anglophones à l’ouest de la rue Main, et le besoin de débrouiller la

responsabilité de la Province et du CSF (son délégataire de pouvoir, lui aussi assujetti à la Charte).

Entretemps, ils continueront à retirer leurs enfants pour les envoyer aux écoles anglophones.

PARTIE II – QUESTIONS EN LITIGE

45. Ce pourvoi soulève la question générale suivante : pour établir qu’il existe une enfreinte à

l’art. 23 de la Charte, suffit-il aux Parents titulaires de démontrer que l’établissement d’enseignement

de Rose-des-vents, la seule école francophone dans sa zone de fréquentation, est surpeuplé tout en étant

moins spacieux, attrayant, fonctionnel, et accessible que chacun des établissements anglophones dans

la même zone de fréquentation?

46. Cette question peut être segmentée en deux questions plus précises :

A. Est-ce que la Cour d’appel a commis une erreur de droit en décidant que même si les 500 élèves francophones à l’ouest de la rue Main sont suffisants pour justifier le fonctionnement d’établissements d’enseignement francophones, un bris de l’article 23 n’est pas établi sans considérer les exigences financières de la Province?

B. En plus du critère de la justification par les nombres, la Cour doit-elle considérer les critères additionnels suivants avant de déclarer une enfreinte à l’article 23 et ainsi forcer la Province à agir?

1. Les Parents titulaires doivent-ils prouver qu’il soit « pratiquement faisable » de fournir ces établissements?

2. Doivent-ils débrouiller la responsabilité entre la Province et le CSF? 64 Motifs de la Cour d’appel, paras. 43-47 [DA, vol. I, p. 199-200]. 65 Motifs de la Cour d’appel, paras. 53-54 [DA, vol. I, p. 201-202].

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- 17 - Mémoire des appelants Exposé des arguments

PARTIE III : EXPOSÉ DES ARGUMENTS

47. L’article 23 de la Charte est l’outil principal pour la protection des minorités linguistiques officielles canadiennes. Son objet est de « maintenir les deux langues officielles du Canada ainsi que les cultures qu’elles représentent et […] favoriser l’épanouissement de chacune de ces langues, dans la mesure du possible, dans les provinces où elle n’est pas parlée par la majorité »66. Cet objet est réparateur : l’art. 23 « vise à réparer des injustices passées non seulement en mettant fin à l’érosion progressive des cultures de minorités de langue officielle au pays, mais aussi en favorisant activement leur épanouissement… C’est pourquoi il faut l’interpréter "compte tenu des injustices passées qui n’ont pas été redressées et qui ont nécessité l’enchâssement de la protection des droits linguistiques de la minorité" [nous soulignons] »67. L’article 23 impose au gouvernement de la Colombie-Britannique « l’obligation absolue de mobiliser des ressources et d’édicter des lois pour l’établissement de structures institutionnelles capitales »68. Il ne vise pas simplement à renforcer le « statu quo »69.

48. Ici, les Parents titulaires recherchent une déclaration qu’il existe une enfreinte à l’art. 23, car leur établissement d’enseignement à l’ouest de la rue Main n’est pas équivalent à ceux fournis aux anglophones. Ils ont averti la Province et le CSF de façon répétée depuis au moins le mois de février 2008 que l’enfreinte entraîne plusieurs Parents titulaires à renoncer à leur droit70.

49. La Province plaide que Rose-des-vents répond déjà aux exigences de l’art. 23. Subsidiairement, elle plaide que si cet établissement enfreint l’art. 23, c’est de la faute du CSF, son « délégataire[] de pouvoir[] »71 – l’entité créée par la Province pour s’acquitter de ses obligations en vertu de l’art. 23. C’est pour éviter le débat sur la responsabilité entre ces deux entités provinciales que les Parents titulaires ne demandent qu’une simple déclaration que leur établissement enfreint l’art. 23, laissant ensuite à la Province et au CSF la capacité d’élaborer en réponse « une solution appropriée aux circonstances »72. Même s’il existait de la preuve comme quoi l’enfreinte avait été causée par les actions passées du CSF, cela ne changerait pas la conclusion juridique qu’il existe ici une enfreinte.

66 Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342, p. 362 [RSA, vol. III, onglet 21]. 67 Doucet-Boudreau c. Nouvelle-Écosse (Ministre de l’Éducation), [2003] 3 R.C.S. 3, para. 27 [RSA, vol. III,

onglet 17]. 68 Doucet-Boudreau c. Nouvelle-Écosse (Ministre de l’Éducation), [2003] 3 R.C.S. 3, para. 28 [RSA, vol. III,

onglet 17]. 69 Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342, p. 385 [RSA, vol. III, onglet 21]; Arsenault-Cameron c. Île-du-Prince-

Édouard, [2000] 1 R.C.S. 3, para. 31 [RSA, vol. I, onglet 4]. 70 Supra, Mémoire de l’APÉ de Rose-des-vents et Joseph Pagé en appel à la Cour suprême du Canada, para. 23. 71 Public School Boards’ Assn. of Alberta c. Alberta (Procureur général), [2000] 2 R.C.S. 409, para. 33 [RSA,

vol. III, onglet 24]. 72 Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342, p. 392-393 [RSA, vol. III, onglet 21].

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- 18 - Mémoire des appelants Exposé des arguments

50. En renvoyant la cause en première instance, malgré le fait qu’il existe déjà un nombre suffisant

d’élèves francophones, et en ajoutant aux Parents titulaires les fardeaux d’évaluer les exigences

financières de la Province et de trancher la responsabilité entre acteurs provinciaux, la Cour d’appel ne

respecte pas l’objet de l’art. 23 et les énoncés de cette Cour. Le délai additionnel qu’elle impose assure

également la victoire de la Province, puisque les Parents titulaires continueront de retirer leurs enfants

de Rose-des-vents pour les envoyer aux écoles anglophones. Dans Doucet-Boudreau, où le niveau

d’assimilation n’avait pas rejoint un niveau aussi critique que dans la présente affaire, la Cour a

souligné que :

Les droits garantis par l’art. 23 présentent une autre caractéristique : en raison de l’exigence du « nombre justificatif », ils sont particulièrement vulnérables à l’inaction ou aux atermoiements des gouvernements. Le risque d’assimilation et, par conséquent, le risque que le nombre cesse de « justifier » la prestation des services augmentent avec les années scolaires qui s’écoulent sans que les gouvernements exécutent les obligations que leur impose l’art. 23. Ainsi, l’érosion culturelle que l’art. 23 visait justement à enrayer peut provoquer la suspension des services fournis en application de cette disposition tant que le nombre cessera de justifier la prestation de ces services. De telles suspensions peuvent fort bien devenir permanentes en pratique, mais non du point de vue juridique. Si les atermoiements sont tolérés, l’omission des gouvernements d’appliquer avec vigilance les droits garantis par l’art. 23 leur permettra éventuellement de se soustraire aux obligations que leur impose cet article. La promesse concrète contenue à l’art. 23 de la Charte et la nécessité cruciale qu’elle soit tenue à temps obligent parfois les tribunaux à ordonner des mesures réparatrices concrètes destinées à garantir aux droits linguistiques une protection réelle et donc nécessairement diligente.73 [Nous soulignons.]

51. Si la décision de la Cour d’appel demeure, ce nouveau type de défense pourra dorénavant être

adopté par les provinces. L’augmentation des dépenses et du temps que les titulaires partout au Canada

devront passer pour établir une enfreinte à l’art. 23 réduiront leur accès à la justice. L’objet réparateur

de la Charte sera brimé.

QUESTION A. Est-ce que la Cour d’appel a commis une erreur de droit en décidant que même si les 500 élèves francophones à l’ouest de la rue Main sont suffisants pour justifier le fonctionnement d’établissements d’enseignement francophones, un bris de l’article 23 n’est pas établi sans considérer les exigences financières de la Province?

52. À l’ouest de la rue Main à Vancouver, l’art. 23 garantit aux enfants des Parents titulaires de l’instruction en français « lorsque leur nombre le justifie ». Ce droit comprend, également « lorsque le

73 Doucet-Boudreau c. Nouvelle-Écosse (Ministre de l’Éducation), [2003] 3 R.C.S. 3, para. 29 [RSA, vol. III,

onglet 17].

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- 19 - Mémoire des appelants Exposé des arguments

nombre le justifie », le droit de les faire instruire dans des établissements d’enseignement francophones équivalents aux établissements anglophones et « financés sur les fonds publics »74. Tout comme dans les autres causes sous l’art. 23, la question au cœur de la requête devant le juge Willcock était de déterminer s’il y a suffisamment d’élèves francophones à l’ouest de la rue Main pour justifier leur instruction dans des établissements équivalents à ceux de la majorité75. Il est bien établi qu’il existe une enfreinte à l’art. 23 lorsque le nombre d’élèves justifie des établissements équivalents, mais que ces établissements ne sont pas fournis.

53. En l’espèce, l’application en première instance du « critère de la justification par les nombres » a démontré qu’il existe une enfreinte : les 500 élèves francophones à l’ouest de la rue Main sont plus que suffisants pour justifier leur instruction dans des établissements équivalents à ceux de la majorité; mais ces établissements ne sont pas présentement fournis. La Cour d’appel a toutefois infirmé la déclaration du juge Willcock sur la base d’une lecture fautive de la cause Mahe : elle estime qu’il est nécessaire de considérer les exigences financières de la Province même après qu’il soit déterminé qu’il existe un nombre suffisant d’élèves francophones.

1. Le test de l’article 23 de la Charte : le critère de « la justification par les nombres »

54. C’est dans Mahe que cette Cour formule le critère de « la justification par les nombres »76. Ce critère opère selon une échelle variable : « l’art. 23 garantit le type et le niveau de droits et de services qui sont appropriés pour assurer l’instruction dans la langue de la minorité au nombre d’élèves en question »77. Comme l’a souligné cette Cour à plusieurs reprises, le critère de la justification par les nombres impose au gouvernement l’obligation de faire ce qui est pratiquement faisable pour favoriser l’épanouissement de la minorité78.

55. Pour déterminer le niveau de droits et de services à fournir à un groupe de titulaires du droit (c’est-à-dire, selon la Cour, ce qui est « pratiquement faisable »), il faut premièrement calculer « le nombre de personnes qui se prévaudront en définitive du programme ou de l’établissement envisagés [nous soulignons] ». Ce nombre est estimé en prenant un chiffre entre « la demande connue relative au service » et « le nombre total de personnes qui pourraient éventuellement se prévaloir du service »79.

74 Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342, p. 365-368 [RSA, vol. III, onglet 21]. 75 E.g., Arsenault-Cameron c. PEI, 1997 CLB 2925 (C.S. Î.-P.-É) [RSA, vol. I, onglet 2]; Doucet-Boudreau c. Nova

Scotia (Department of Education), 2000 CanLII 13312 (C.S.N.-É.) [RSA, vol. III, onglet 16]. 76 Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342, p. 365-368 [RSA, vol. III, onglet 21]; voir aussi Arsenault-Cameron c. Île-

du-Prince-Édouard, [2000] 1 R.C.S. 3, para. 32[RSA, vol. I, onglet 4]. 77 Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342, p. 366 [RSA, vol. III, onglet 21]. 78 Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342, p. 367[RSA, vol. III, onglet 21]; Arsenault-Cameron c. Île-du-Prince-

Édouard, [2000] 1 R.C.S. 3, para. 26 [RSA, vol. I, onglet 4]. 79 Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342, p. 384 [RSA, vol. III, onglet 21].

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- 20 - Mémoire des appelants Exposé des arguments

56. Une fois que le nombre d’élèves est calculé, deux facteurs permettent de déterminer le niveau de service prévu par l’art. 23 : (1) les services pédagogiques appropriés, compte tenu du nombre d’élèves visés; et (2) le coût des services envisagés. Lorsque le nombre d’élèves francophones est trop petit, comparé au nombre d’élèves anglophones, il ne sera peut-être pas pratiquement faisable pédagogiquement ou financièrement d’offrir certains programmes d’instruction ou de faire fonctionner certains établissements d’enseignement francophones, qui peuvent seulement être offerts à un plus gros groupe d’élèves. C’est uniquement lorsque le nombre d’élèves francophones est suffisamment élevé qu’il sera pratiquement faisable pour le gouvernement d’offrir ces programmes ou de faire fonctionner ces établissements (c’est-à-dire que le nombre sera assez élevé pour qu’une école francophone devienne viable) :

…Le premier facteur, soit les exigences pédagogiques, reconnaît l’existence d’un seuil numérique minimal pour assurer le fonctionnement efficace de certains programmes et établissements. Il ne servirait à rien par exemple d’avoir une école pour dix élèves seulement dans un centre urbain car les élèves seraient privés des nombreux avantages qui découlent d’études et de contacts avec un nombre plus considérable d’élèves. Pour le bien des élèves, et donc indirectement pour les fins de l’art. 23, on ne devrait pas exiger des programmes et des établissements qui ne sont pas appropriés pour le nombre d’élèves concernés.

Le second facteur, soit le coût des services, n’est pas explicitement pris en compte normalement pour déterminer si une personne se verra ou non accorder un droit prévu dans la Charte. Dans le cas de l’art. 23, cependant, cette considération s'impose. À la différence d’autres dispositions, l’art. 23 ne crée pas un droit absolu. Il accorde plutôt un droit dont l’exercice est assujetti à des contraintes pécuniaires, car il n’est financièrement pas possible d’accorder à chaque groupe d’élèves appartenant à la minorité linguistique, si petit soit-il, les mêmes services que ceux donnés à un groupe important d’élèves visés par l’art. 23. Je note toutefois que, dans la plupart des cas, les exigences pédagogiques permettront d’éviter l’imposition à l’État de charges pécuniaires irréalistes. De plus, le caractère réparateur de l’art. 23 laisse entendre que les considérations pédagogiques pèseront plus lourd que les exigences financières quand il s’agira de déterminer si le nombre d’élèves justifie la prestation des services concernés.

À mon avis, l’expression "nombre suffisant pour justifier" ne donne pas aux tribunaux une norme explicite dont ils peuvent se servir pour déterminer quels doivent être l’enseignement et les établissements appropriés (compte tenu des considérations susmentionnées) dans chaque situation donnée. La norme devra être précisée, avec le temps, par l’examen des faits propres à chaque situation soumise aux tribunaux mais, en règle générale, l’analyse doit se fonder sur les fins de l’art. 23. En particulier, le caractère réparateur de l’art. 23 est important car il indique que l’article ne vise pas à garantir simplement le statu quo.80 [Nous soulignons.]

57. Cet extrait rappelle ainsi que le critère de la justification par les nombres est animé par l’objet

réparateur de la Charte, et que le gouvernement aura donc parfois l’obligation de faire fonctionner des

établissements d’enseignement francophones même s’il y a moins d’élèves francophones que d’élèves 80 Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342, p. 384-385 [RSA, vol. III, onglet 21].

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- 21 - Mémoire des appelants Exposé des arguments

anglophones. C’est le cas dans Mahe, où la Cour accepte que 242 élèves sont suffisants pour justifier le

fonctionnement d’une école francophone, même s’il est plus coûteux de faire fonctionner cette école

qu’une école anglophone de 1 000 élèves :

Sans doute est-il proportionnellement un peu plus coûteux de faire fonctionner une école de 242 élèves qu’une école de 1 000 élèves. Cependant le caractère réparateur de l’art. 23 signifie que de tels écarts dans les coûts, s’ils ne sont pas excessifs, doivent être acceptés. Il semble clair que, même au niveau actuel de la demande, il y a [à Edmonton] suffisamment d’élèves pour justifier, aussi bien sur le plan pédagogique que sur le plan financier, la création d’une école indépendante comme celle qui existe actuellement ainsi que la fourniture d’un programme permanent d’instruction aux niveaux primaire et secondaire.81 [Nous soulignons.]

58. C’est également le cas dans Arsenault-Cameron, où cette Cour reconnaît qu’un nombre entre 49

et 155 élèves est suffisant pour justifier le fonctionnement d’établissements d’enseignement

francophones, même si la plupart des écoles anglophones ont plus que 100 élèves82. La Cour ajoute

également qu’il existe quelques écoles anglophones de moins de 100 élèves, « mais le ministre n’était

disposé à fermer aucune de celles-ci ni à affirmer qu’elles ne satisfaisaient pas aux normes

pédagogiques du ministère »83. Ainsi, si la Province accepte que moins de 100 anglophones justifient le

fonctionnement d’une école anglophone, évidemment que moins de 100 francophones seront également

suffisants pour justifier une école francophone.

2. Application du critère de « la justification par les nombres » : Ici, le nombre de francophones est supérieur à celui des anglophones, et donc plus que suffisant pour justifier le fonctionnement d’établissements francophones

59. Au contraire de Mahe et Arsenault-Cameron, les faits en l’espèce sont venus établir que le nombre d’élèves francophones à l’ouest de la rue Main (500 élèves84) est déjà supérieur à la population de la majorité des écoles anglophones dans la zone de fréquentation. Ces écoles ont de 92 (Queen Elizabeth Annex) à 640 élèves (Kerrisdale Elementary); leur population moyenne est de 355 élèves85. Il était donc facile pour le juge Willcock de conclure que le nombre d’élèves francophones est plus que suffisant pour justifier des établissements francophones puisque des nombres plus petits d’anglophones justifient des établissements anglophones.

81 Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342, p. 387 [RSA, vol. III, onglet 21]. 82 Arsenault-Cameron c. Île-du-Prince-Édouard, [2000] 1 R.C.S. 3, paras. 40 et 59-63 [RSA, vol. I, onglet 4]. 83 Arsenault-Cameron c. Île-du-Prince-Édouard, [2000] 1 R.C.S. 3, para. 40 [RSA, vol. I, onglet 4]. 84 Ce nombre se trouve entre les 344 élèves déjà inscrits et les 1000 élèves qui pourraient potentiellement se prévaloir

d’établissements francophones : Motifs du 31 octobre 2012, paras. 41-43 et 127 [DA, vol. I, p. 101-102, 131-132]. Toutefois, même si seulement les 344 élèves déjà inscrits étaient comptés, l’analyse serait la même. 344 élèves sont déjà plus que suffisants.

85 Affidavit d’Angéline M. Martel (# 1), 2 avril 2012, pièce E [DA, vol. III, p. 178].

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- 22 - Mémoire des appelants Exposé des arguments

60. Dans ses motifs, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique indique qu’il soit tout de même nécessaire de considérer les exigences financières de la Province après qu’il soit déterminé qu’il existe déjà un nombre suffisant d’élèves francophones86. Cela constitue une erreur de droit basée sur une lecture fautive de Mahe. Les exigences financières et pédagogiques sont uniquement pertinentes pour déterminer si le nombre d’élèves est suffisant pour justifier le fonctionnement d’établissements d’enseignement; elles ne peuvent pas ensuite justifier le refus de financer et construire ces établissements une fois que le nombre justifie ces établissements. Comme l’a accepté la Cour divisionnaire de l’Ontario : « The framers must be taken to have intended the natural, normal and foreseeable financial consequences of their agreeing to the new Constitution in late 1981 and its proclamation in force on April 17, 1982 »87.

61. Ici, puisque la Province accepte déjà qu’il soit pratiquement faisable sur les plans pédagogique et financier de faire fonctionner des établissements d’enseignement pour 92 élèves (à Queen Elizabeth Annex) ou 227 élèves (à General Brock Elementary) anglophones, la Province doit accepter qu’il soit pratiquement faisable sur les plans pédagogique et financier de faire fonctionner des établissements d’enseignement équivalents pour un nombre semblable ou supérieur d’élèves francophones dans cette même zone de fréquentation. La position contraire enfreint l’art. 23. Nous reviendrons à ces observations dans l’analyse de la deuxième question en litige ci-dessous88.

62. Le juge Willcock a accepté que le nombre de 500 francophones à l’ouest de la rue Main est plus que suffisant pour justifier de l’instruction dans des établissements équivalents à ceux de la majorité. Il a raison.

3. Lorsque le nombre justifie des établissements d’enseignement pour la minorité, ils doivent être équivalents à ceux de la majorité

63. Lorsque le nombre justifie le fonctionnement d’établissements francophones, ils doivent nécessairement être équivalents à ceux fournis aux anglophones (incluant l’accessibilité). Pour paraphraser cette Cour dans Arsenault-Cameron, cela s’explique parce que lorsque des francophones ont à choisir entre une école anglophone meilleure et plus accessible que l’école francophone dans la même zone de fréquentation, ils seront dissuadés de fréquenter l’école francophone. Cela entravera l’exercice de leur droit sous l’art. 23 et contribuera à les assimiler :

Les questions de transport auraient dû être appliquées différemment dans le cas des enfants de la minorité linguistique pour au moins deux raisons. Premièrement,

86 Motifs de la Cour d’appel, para. 42 [DA, vol. I, p. 198-199]. 87 Conseil des écoles séparées catholiques romaines de Dufferin et Peel c. Ontario (Ministre de l’Éducation et de la

Formation), [1996] O.J. No. 2476 (C. div.), para. 8 [RSA, vol. II, onglet 11]; voir aussi [1996] O.J. No. 2564 (C.A.) [RSA, vol. II, onglet 12]; Motifs du 31 octobre 2012, para. 159 [DA, vol. I, p. 143].

88 Infra, Mémoire de l’APÉ de Rose-des-vents et Joseph Pagé en appel à la Cour suprême du Canada, paras. 72-75.

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- 23 - Mémoire des appelants Exposé des arguments

contrairement aux enfants de la majorité linguistique, les enfants visés par l’art. 23 devaient faire un choix entre fréquenter une école locale dans la langue de la majorité et fréquenter une école moins accessible dans la langue de la minorité. La décision du ministre créait une situation qui avait pour effet de dissuader de nombreux enfants visés par l’art. 23 de fréquenter l’école de la minorité linguistique en raison de la durée du transport. Un tel facteur dissuasif n’existerait pas dans le cas des enfants de la majorité. Deuxièmement, le choix de transporter les élèves aurait une incidence sur l’assimilation des enfants de la minorité linguistique tandis que les modalités de transport n’avaient aucune répercussion culturelle sur les enfants de la majorité linguistique. Pour la minorité, il s’agissait en grande partie d’une question culturelle et linguistique; il s’agissait non seulement de la durée des trajets, mais aussi des distances parcourues du fait qu’il fallait envoyer les enfants à l’extérieur de leur communauté et qu’il n’y avait pas d’établissement d’enseignement au sein de la communauté même.89 [Nous soulignons.]

64. La nécessité d’instruction et d’établissements d’enseignement pour la minorité équivalents à ceux de la majorité a été confirmée à nombreuses reprises par les tribunaux :

… la qualité de l’enseignement dispensé à la minorité linguistique… devrait être égale à celle de l’enseignement donné à la majorité, sans avoir à être identique, et… des fonds publics adéquats à cette fin doivent être fournis90.

-----------------------------------

… The rights conferred by this section with respect to minority language facilities impose a duty on the Legislature to provide for educational facilities which, viewed objectively, can be said to be of or appertain to the linguistic minority in that they can be regarded as part and parcel of the minority’s social and cultural fabric. The quality of education to be provided to the minority is to be on a basis of equality with the majority91. [Nous soulignons.]

-----------------------------------

… the plaintiff is entitled to be provided out of public funds for an education in French to his children. That means the same education as is given the majority but in the other official language. This is to be a full and complete education not a limited, partial or truncated one, which necessarily would be an inferior education, a second class one92.

-----------------------------------

Quality of education is an important issue. The specific form of education system provided to the minority need not be identical to that provided to the majority. Funds

89 Arsenault-Cameron c. Île-du-Prince-Édouard, [2000] 1 R.C.S. 3, para. 50 [RSA, vol. I, onglet 4]. Voir aussi :

Motifs du 31 octobre 2012, para. 99 [DA, vol. I, p. 120-121]. 90 Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342, p. 395[RSA, vol. III, onglet 21]. 91 Reference re Education Act of Ontario and Minority Language Education Rights (1984), 47 O.R. (2d) 1 (C.A.),

para. 108 [RSA, vol. III, onglet 25]. 92 Marchand c. Simcoe County Board of Education (1986), 29 D.L.R. (4th) 596 (H.C. Ont.), para. 92 [RSA, vol. III,

onglet 22].

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- 24 - Mémoire des appelants Exposé des arguments

allocated to the minority language schools must be at least equivalent on a per student basis to the funds allocated to the majority schools. Special circumstances may warrant an allocation for the minority that exceeds the allocation for the majority. Where the maximum level of management and control is warranted, the quality of education provided to the minority should, in principle, be on the basis of equality with the majority and there is an obligation on the Province to make the educational services known and accessible.

[…]

Equality in this context does not mean or imply special treatment. Special treatment is, as the word implies, treatment that is special and of a particular kind and may result from and for a variety of reasons or circumstances. While special treatment may affect outcome, it is not delivered with that in mind. Equality of outcome, envisioned by s. 23, may require differential treatment but it is not special treatment when viewed in the context of outcome. Differential treatment is directly related to the circumstances intended to be addressed. It is remedial in nature, related to outcome, which in the circumstances of this case is a quality of education that is equal to that of the majority93. [Nous soulignons.]

-----------------------------------

It follows that the Province must provide suitable accommodation for the minority language instruction these children are entitled to receive. It must be made available in a surrounding that is "consistent with the preservation and enhancement" of the French culture (s. 27). It cannot be designed in a way that permits assimilation or smacks of immersion. The instruction must be provided in a suitably structured environment. …

[…]

I agree with the appellants that the quality of the primary and secondary school instruction provided their children in the Cape Breton School District must be equal to that provided [to] Anglophone pupils. Anything less will not suffice. In fact, it may be somewhat more than equal because it must be provided "in a manner consistent with the preservation and enhancement" of the French heritage (Charter, s. 27).94 [Nous soulignons.]

65. Dans le présent pourvoi, la preuve est probante que l’établissement d’enseignement temporaire

de Rose-des-vents n’est pas équivalent à ceux de la majorité. Il est surpeuplé ainsi que moins spacieux,

attrayant, fonctionnel, et accessible que ceux de chaque école anglophone dans la même zone. Toutes

les parties acceptent que Rose-des-vents a besoin d’être remplacée. Ces faits reflètent de façon presque

93 L’Association des parents francophones de la Colombie-Britannique c. British Columbia, [1996] B.C.J. No. 1831

(C.S.), paras. 23(j) et 26 [RSA, vol. III, onglet 18]. 94 Lavoie c. Nova Scotia (Attorney-General) (1989), 91 NSR (2d) 184 (C.A.N.-É.), paras. 42 et 71 [RSA, vol. III,

onglet 20].

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- 25 - Mémoire des appelants Exposé des arguments

identique les faits dans la cause Dufferin-Peel, où la Cour divisionnaire de l’Ontario a ordonné à la

province de financer l’école Sainte-Famille sans le moindre délai :

Sainte-Famille Secondary School is a French-language Roman Catholic Separate School and the only one between Toronto and Hamilton. Since it opened its doors in September 1989 it has been housed in temporary quarters and as of this moment will continue to be so housed at least until September 1997 which will mark the eighth anniversary of temporary quarters. New and permanent quarters could be built in time for the 1997-1998 school year if construction were to begin by August 6, 1996. It is this construction deadline which provides the note of urgency to these proceedings and impels me to deliver these reasons after overnight consideration.

Saint[e]-Famille competes with over fifty English-language secondary schools in its region. Its facilities are inadequate and I am not speaking of luxury or personal comfort, but rather the facilities necessary to provide a full education. I am spared the necessity of expanding on these shortcomings by the admission by the respondent that there is a sufficient number of students to warrant the establishment of a French-language secondary school out of public funds and that the current facilities are not reasonably equivalent to the facilities provided to English-language secondary students of the Board.95 [Nous soulignons.]

66. Il faut souligner, également, que le manque d’équivalence de Rose-des-vents a un effet dissuasif

sur ses inscriptions scolaires : plusieurs Parents titulaires préféreraient envoyer leurs enfants en français

s’il existait seulement à l’ouest de la rue Main des établissements francophones équivalents à ceux des

anglophones. Cela rappelle la cause Marchand, où le tribunal a ordonné à la province et au conseil

scolaire intimé de fournir à la minorité un établissement d’enseignement équivalent à celui de la

majorité, justement parce que l’établissement inférieur qui existait à ce moment dissuadait les titulaires

du droit d’inscrire leurs enfants à l’école francophone96 :

There is no dispute as to the following facts:

(1) Le Caron is the only school operated by the Defendant Board without shop facilities on site.

(2) Le Caron has the least amount of laboratory and gymnasium equipment without regard to the relative enrolments.

[…]

95 Conseil des écoles séparées catholiques Romaines de Dufferin et Peel c. Ontario (Ministre de l’Éducation et de la

Formation), [1996] O.J. No. 2476 (C. div.), paras. 3-4[RSA, vol. II, onglet 11]; voir aussi [1996] O.J. No. 2564 (C.A.) [RSA, vol. II, onglet 12].

96 Marchand c. Simcoe County Board of Education (1986), 29 D.L.R. (4th) 596 (H.C. Ont.), paras. 47-50 [RSA, vol. III, onglet 22].

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- 26 - Mémoire des appelants Exposé des arguments

The unsatisfactory arrangements respecting the teaching of industrial arts and conducting of shop courses, the continued uncertainty regarding the future provisions of such instruction, and the inadequacy of facilities and services, had a profoundly deleterious effect on the student body.

The evidence of the plaintiff’s witnesses, and in particular Mrs. Claudette Paquin and Dr. Stacy Churchill, establishes that this has discouraged parents who, in the language of s. 23 of the Charter, possess the right to have their children receive French language instruction in a French language educational facility, from sending their children to Le Caron.97 [Nous soulignons.]

67. Selon les faits incontestés en l’espèce, donc, les deux conclusions juridiques du juge Willcock

en première instance s’imposent :

1. Les 500 élèves francophones à l’ouest de la rue Main à Vancouver sont suffisants en

nombre pour justifier de l’instruction dans des établissements d’enseignement

francophones équivalents à ceux de la majorité; et

2. L’établissement d’enseignement de Rose-des-vents n’est pas équivalent à ceux de la

majorité.

68. Il existe ainsi une enfreinte à l’art. 23. Il revient maintenant à la Province et au CSF d’élaborer

en réponse « une solution appropriée aux circonstances »98.

QUESTION B. En plus du critère de la justification par les nombres, la Cour doit-elle considérer des critères additionnels avant de déclarer une enfreinte à l’article 23 et ainsi forcer la Province à agir?

69. Avant la décision de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique, le test sous l’art. 23 de la

Charte était clair. Pour établir une enfreinte, il suffisait à un groupe de titulaires du droit dans une localité

de satisfaire le critère de la justification par les nombres – c’est-à-dire de démontrer que leur nombre était

suffisant pour justifier des établissements d’enseignement équivalents, mais que ces établissements

n’étaient pas fournis. C’est ce que les Parents titulaires ont démontré en première instance.

97 Conseil des écoles séparées catholiques romaines de Dufferin et Peel c. Ontario (Ministre de l’Éducation et de la

Formation), [1996] O.J. No. 2476 (C. div.), paras. 3-4 [RSA, vol. II, onglet 11]; voir aussi [1996] O.J. No. 2564 (C.A.) [RSA, vol. II, onglet 12].

98 Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342, p. 392-393 [RSA, vol. III, onglet 21]. Voir aussi Arsenault-Cameron c. Île-du-Prince-Édouard, [2000] 1 R.C.S. 3, paras. 43-55 [RSA, vol. I, onglet 4], qui se prononce sur les rôles distincts de la province et du conseil scolaire.

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- 27 - Mémoire des appelants Exposé des arguments

70. La Cour d’appel tente d’ajouter à ce test lorsqu’elle détermine que le juge Willcock ne pouvait

pas conclure en l’espèce qu’il existe une enfreinte à l’art. 23. Selon le raisonnement de la Cour d’appel,

même lorsque le nombre d’élèves francophones est plus élevé que celui des écoles anglophones

avoisinantes, il se pourrait qu’il n’existe pas d’enfreinte (1) si les exigences financières de la Province

établissent qu’il n’est pas « pratiquement faisable » pour la Province de fournir des établissements

équivalents à ceux des anglophones ou (2) si c’est le CSF qui est responsable de l’établissement

déplorable de Rose-des-vents.

71. La Cour d’appel a tort. Comme nous l’expliquons ci-dessous, ni la question de ce qui est

pratiquement faisable ni l’attribution de responsabilité entre la Province et le CSF ne constituent des

critères supplémentaires à satisfaire pour établir une enfreinte.

1. Après avoir établi que les nombres justifient des établissements équivalents, les Parents titulaires doivent-ils prouver qu’il soit « pratiquement faisable » de fournir ces établissements?

1.1 Une fois que le nombre d’élèves francophones est suffisant pour justifier des établissements d’enseignement, il n’est pas nécessaire de déterminer ensuite s’il est pratiquement faisable de les fournir

72. Se fondant sur une lecture hors contexte des décisions de cette Cour dans Mahe et Arsenault-

Cameron, la Cour d’appel suggère que même « lorsqu’un nombre suffisant d’élèves francophones est

présent dans une communauté [nous traduisons] » (par exemple les 500 élèves en l’espèce), il est

nécessaire d’évaluer les exigences financières de la Province pour déterminer s’il est « pratiquement

faisable » de fournir des établissements d’enseignement équivalents99.

73. La Cour d’appel a tort. Son interprétation des mots « pratiquement faisable » a pour effet

d’imposer un critère supplémentaire à l’art. 23. Comme expliqué plus haut, c’est le critère de la

justification par les nombres qui détermine ce qu’il est « pratiquement faisable » pour le gouvernement

d’offrir100. Il est vrai que les exigences financières et pédagogiques de la Province soit habituellement

pertinentes pour déterminer si le critère de la justification par les nombres est satisfait – c’est-à-dire si

le nombre d’élèves est suffisant pour justifier le fonctionnement d’établissements d’enseignement

équivalents. Mais en l’espèce, le nombre de francophones est plus élevé que le nombre dans presque

tous les établissements anglophones. Ce nombre est donc nécessairement plus que suffisant pour faire 99 Motifs de la Cour d’appel, paras. 38-42 [DA, vol. I, p. 196-199]. 100 Supra, Mémoire de l’APÉ de Rose-des-vents et Joseph Pagé en appel à la Cour suprême du Canada, paras. 54-62;

Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342, p. 367 [RSA, vol. III, onglet 21]; Arsenault-Cameron c. Île-du-Prince-Édouard, [2000] 1 R.C.S. 3, para. 26 [RSA, vol. I, onglet 4].

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- 28 - Mémoire des appelants Exposé des arguments

fonctionner des établissements francophones équivalents à ceux des anglophones. Une fois établi que le

nombre d’élèves francophones est suffisant, les exigences financières et pédagogiques (ou ce qui est

« pratiquement faisable ») ne peuvent pas ensuite justifier le refus de financer et construire les

établissements nécessaires. Une telle interprétation irait à l’encontre du caractère réparateur de l’art. 23

en permettant au gouvernement d’éviter de fournir à un certain nombre d’élèves de la minorité ce qui a

déjà été fourni au même nombre d’élèves de la majorité.

74. Un survol de chaque cause précédente publiée sur le droit à des établissements d’enseignement

sous l’art. 23 confirme que seul le critère de la justification par les nombres est pertinent pour établir

une enfreinte à l’art. 23. Dès que le nombre d’élèves dans la communauté est suffisant pour justifier de

l’instruction et des établissements pour la minorité, ils doivent être fournis sans délai. Il existe

nécessairement une enfreinte à l’art. 23 si ce n’est pas le cas. Jamais un tribunal n’impose-t-il ensuite le

critère additionnel de ce qui est « pratiquement faisable » ou ne tient par la suite compte des exigences

financières du gouvernement101 :

a) Doucet-Boudreau c. Nova Scotia (Department of Education)102 : La Cour suprême de la

Nouvelle-Écosse applique le critère de la justification par les nombres pour déclarer que

les nombres justifient des établissements d’enseignement dans plusieurs localités (paras.

197-201). Il existe une enfreinte puisque les établissements non homogènes qui existent

ne sont pas équivalents. La Cour n’impose pas ensuite ce qui est « pratiquement

faisable » comme critère additionnel avant d’émettre ses déclarations. La Cour ne

débrouille également pas la responsabilité entre la province et le conseil scolaire.

Suivant son analyse, la Cour ordonne aux intimés de « faire de leur mieux [nous

traduisons] » pour fournir des établissements équivalents dans les localités, et reste saisie

101 Les causes Renvoi relatif à la Loi sur les écoles publiques (Man.), art. 79(3), (4) et (7), [1993] 1 R.C.S. 839 et

Reference re Education Act of Ontario and Minority Language Education Rights, [1984] O.J. No. 3260 (C.A.) ne sont pas discuté ici (bien qu’elles confirment le critère de la justification par les nombres et l’exigence d’équivalence), puisqu’elles sont des renvois, et n’appliquent donc pas le test de l’art. 23 dans un scénario réel. La cause Conseil Scolaire Fransaskois De Zenon Park v. Saskatchewan, 1998 CanLII 13468 (S.K. Q.B.) est également exclue, car elle n’adresse pas les exigences se rapportant aux établissements d’enseignement, mais plutôt l’obligation d’un conseil scolaire anglophone de partager son établissement avec la minorité si l’établissement de la minorité n’est pas équivalent. Les causes sous l’art. 23 traitant uniquement d’ordonnances interlocutoires sont également exclues. Il est toutefois utile de soulever la cause Conseil scolaire fransaskois c. Gouvernement de la Saskatchewan, 2012 SKQB 217, para. 50 [RSA, vol. II, onglet 13], où la cour accepte que la construction d’une nouvelle école sous l’art. 23 s’impose, car le nombre d’élèves dans la localité satisfait au critère de la justification par les nombres (la Cour d’appel de la Saskatchewan est d’accord sur ce point : R. c. Conseil scolaire fransaskois, 2013 SKCA 35, para. 49 [RSA, vol. II, onglet 14]). La cour n’analyse pas ce qui est « pratiquement faisable » comme critère additionnel.

102 Doucet-Boudreau c. Nova Scotia (Department of Education), 2000 CanLII 13312 (C.S.N.-É.) [RSA, vol. III, onglet 16].

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- 29 - Mémoire des appelants Exposé des arguments

de l’affaire pour assurer une mise en œuvre rapide (paras. 195 et 232-245). La Cour

suprême du Canada confirme l’approche adoptée en première instance103.

b) Arsenault-Cameron c. PEI104 : La Cour suprême de l’Île-du-Prince-Édouard applique le

critère de la justification par les nombres pour trouver que le nombre d’élèves justifie un

établissement d’enseignement (paras. 79-85). Ici, il existe une enfreinte à l’art. 23 parce

que le Ministre veut fournir aux francophones un établissement moins accessible que

ceux de la majorité, et que cet établissement n’est donc pas équivalent (paras. 86-112).

La Cour n’impose pas ensuite ce qui est « pratiquement faisable » comme critère

additionnel avant d’émettre ses déclarations. La Cour suprême du Canada confirme

l’approche adoptée en première instance105.

c) Mahe c. Alberta106 : La Cour suprême du Canada applique le critère de la justification

par les nombres pour déclarer que le nombre justifie une école francophone à Edmonton

(même si les 242 élèves francophones ne sont pas aussi nombreux que les 1000 élèves

anglophones) et un degré de gestion et contrôle pour la minorité (p. 386-388). (En

l’espèce, la question ne se pose pas à savoir si l’école francophone est équivalente aux

écoles anglophones.) La Cour n’impose pas ensuite ce qui est « pratiquement faisable »

comme critère additionnel avant d’émettre ses déclarations.

d) Marchand c. Simcoe County Board of Education107 : La Cour supérieure de justice de

l’Ontario applique le critère de la justification par les nombres (paras. 68-78). La Cour

détermine qu’il existe une enfreinte à l’art. 23 parce que l’établissement francophone

n’est pas équivalent aux établissements anglophones (paras. 47 et 92-96). La Cour

n’impose pas ensuite ce qui est « pratiquement faisable » comme critère additionnel

avant d’émettre ses déclarations.

103 Doucet-Boudreau c. Nouvelle-Écosse (Ministre de l’Éducation), [2003] 3 R.C.S. 3 [RSA, vol. III, onglet 17]. 104 Arsenault-Cameron c. PEI, 1997 CLB 2925 (C.S. Î.-P.-É.) [RSA, vol. I, onglet 2]. 105 Arsenault-Cameron c. Île-du-Prince-Édouard, [2000] 1 R.C.S. 3 [RSA, vol. I, onglet 4]. 106 Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342 [RSA, vol. III, onglet 21]. 107 Marchand c. Simcoe County Board of Education (1986), 29 D.L.R. (4th) 596 (H.C. Ont.) [RSA, vol. III,

onglet 22].

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- 30 - Mémoire des appelants Exposé des arguments

e) Conseil des écoles séparées catholiques romaines de Dufferin et Peel c. Ontario (Ministre de l’Éducation et de la Formation)108 : La Cour divisionnaire de l’Ontario évalue si un délai dans la fourniture d’un établissement d’enseignement de la minorité enfreint l’art. 23 (para. 8) – la réponse est « oui ». Cette question découle de l’admission de la province que le critère de la justification par les nombres est satisfait et que l’établissement en l’espèce n’est pas équivalent (para. 4). La Cour n’impose pas ensuite ce qui est « pratiquement faisable » comme critère additionnel avant d’émettre ses déclarations. Au contraire, en déterminant qu’une école minoritaire doit être fournie sans délai, la Cour accepte qu’il ne soit pas pertinent de considérer ce critère lorsque le critère de la justification par les nombres est satisfait.

f) Commission Scolaire Francophone, Territoires du Nord-Ouest et al. c. Procureur général des Territoires du Nord-Ouest109 : La Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest évalue si l’établissement de la minorité est équivalent à ceux de la majorité (paras. 691-811). Dans ce contexte, elle applique le critère de la justification par les nombres en fonction de la demande définitive pour de l’instruction en français (paras. 731-760). Elle n’impose pas ensuite ce qui est « pratiquement faisable » comme critère additionnel. Elle prescrit seulement une série de réparations. (Cette décision fait l’objet d’un appel.)

g) Association des Parents ayants droit de Yellowknife et al. c. Procureur général des Territoires du Nord-Ouest et al.110 : La Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest évalue si l’établissement de la minorité est équivalent à ceux de la majorité (paras. 578-760). Dans ce contexte, elle applique le critère de la justification par les nombres en fonction de la demande définitive pour de l’instruction en français (paras. 639-674). Elle n’impose pas ensuite ce qui est « pratiquement faisable » comme critère additionnel. Elle prescrit seulement une série de réparations. (Cette décision fait l’objet d’un appel.)

h) Commission scolaire francophone du Yukon No 23 c. Procureure générale du Territoire du Yukon111 : La Cour suprême du Yukon applique le critère de la justification par les nombres (paras. 622-644 and 772-775). Elle détermine ensuite que l’école francophone

108 Conseil des écoles séparées catholiques romaines de Dufferin et Peel c. Ontario (Ministre de l’Éducation et de la

Formation), [1996] O.J. No. 2476 (C. div.) [RSA, vol. II, onglet 11]; voir aussi [1996] O.J. No. 2564 (C.A.) [RSA, vol. II, onglet 12].

109 Commission scolaire francophone, Territoires du Nord-Ouest et al. c. Procureur général des Territoires du Nord-Ouest, 2012 CanLII 31411 (C.S. T.-N.-O.) [RSA, vol. II, onglet 10].

110 Association des Parents ayants droit de Yellowknife et al c. Procureur général des Territoires du Nord-Ouest et al, 2012 CanLII 31380 (C.S. T.-N.-O.) [RSA, vol. I, onglet 5].

111 Commission scolaire francophone du Yukon No 23 c. Procureure générale du Territoire du Yukon, 2011 YKSC 57 [RSA, vol. II, onglet 8].

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- 31 - Mémoire des appelants Exposé des arguments

existante n’est pas équivalente aux écoles anglophones (paras. 776-796). Elle n’impose pas ce qui est « pratiquement faisable » comme critère additionnel. Elle prescrit seulement une mesure réparatrice. Cette décision a été récemment infirmée par la Cour d’appel mais pour une raison différente (la partialité du juge de première instance), et fait maintenant l’objet d’un appel devant cette Cour112.

i) Lavoie c. Nova Scotia (Attorney-General)113 : La Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse applique le critère de la justification par les nombres (paras. 34-53) pour trouver que le nombre n’est suffisant que pour justifier de l’instruction, et non un établissement d’enseignement114. Dans une procédure connexe, la Cour de première instance avait également déterminé qu’un établissement inaccessible ne pouvait être considéré comme équivalent115. Ni la Cour d’appel ni la Cour de première instance n’imposent ce qui est « pratiquement faisable » comme critère additionnel avant de rendre leurs décisions.

j) Chubbs, et al c. HMQ et al.116 : La Cour suprême de Terre-Neuve-et-Labrador applique le critère de la justification par les nombres (paras. 11-40 et 67). Elle détermine que les 17 élèves ne justifient pas un établissement d’enseignement équivalent. La Cour n’impose pas ce qui est « pratiquement faisable » comme critère additionnel pour tirer ses conclusions.

k) Dauphinee c. Conseil scolaire acadien provincial117 : La Cour suprême de la Nouvelle-Écosse applique le critère de la justification par les nombres (para. 39). Elle évalue ensuite l’équivalence des établissements et programmes d’enseignement (paras. 41-47). La Cour n’impose pas ce qui est « pratiquement faisable » comme critère additionnel pour tirer ses conclusions (aux paras. 52-53).

75. Le critère de la justification par les nombres est appliqué dans chaque cause sur le droit à des établissements en vertu de l’art. 23 (et c’est uniquement dans ce contexte que les exigences financières et pédagogiques sont évaluées). Les tribunaux confirment que lorsque le nombre d’élèves justifie des établissements d’enseignement, ils doivent nécessairement être fournis. C’est la fin de l’analyse. Il n’y

112 Commission scolaire francophone du Yukon, district scolaire #23 c. Procureure générale du Territoire du Yukon,

2014 CanLII 34279 (C.S.C.) [RSA, vol. II, onglet 9]. 113 Lavoie c. Nova Scotia (Attorney-General) (1989), 91 NSR (2d) 184 (C.A.N.-É.) [RSA, vol. III, onglet 20]. 114 Il est à noter que Lavoie utilise comme chiffre la demande « connue » relative au service, plutôt que la demande

« définitive », car ce concept a seulement été développé dans Mahe : supra, Mémoire de l’APÉ de Rose-des-vents et Joseph Pagé en appel à la Cour suprême du Canada, para. 55.

115 Lavoie c. Nova Scotia (A.G.) (1988), 50 D.L.R. (4th) 405, paras. 20-23 (C.S.N.-É.) [RSA, vol. III, onglet 19], cité avec approbation dans Arsenault-Cameron c. Île-du-Prince-Édouard, [2000] 1 R.C.S. 3, para. 51 [RSA, vol. I, onglet 4].

116 Chubbs, et al c. HMQ et al., 2004 NLSCTD 89 [RSA, vol. I, onglet 7]. 117 Dauphinee c. Conseil scolaire acadien provincial, 2007 NSSC 238 [RSA, vol. II, onglet 15].

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- 32 - Mémoire des appelants Exposé des arguments

a aucun besoin par la suite d’évaluer s’il est « pratiquement faisable » de fournir des établissements équivalents. S’ils ne sont pas fournis, il existe une enfreinte.

1.2 Les paragraphes radiés ne sont pas pertinents à l’équivalence

76. S’appuyant sur sa conclusion erronée quant au besoin additionnel de démontrer qu’il soit

« pratiquement faisable » de fournir des établissements d’enseignement équivalents, la Cour d’appel

insiste également sur le fait que le juge Willcock aurait dû considérer les paras. 58, 76, 77, et 92 radiés

dans la défense de la Province pour déterminer « equivalence in terms of what is practical in the situation

confronting all of the parties »118. Elle semble suggérer que si ces paragraphes avaient été maintenus et

leurs affirmations prouvées, la conclusion du juge Willcock sur l’équivalence aurait pu changer119.

77. La Cour d’appel a tort. Les paragraphes radiés ne sont pas pertinents :

(i) Au para. 58 de sa défense, la Province allègue que plusieurs écoles en Colombie-

Britannique profiteraient d’être modernisées, rénovées, ou remplacées120. C’est

certainement vrai. Toutefois, cela ne contredit pas les conclusions du juge Willcock qu’il

existe suffisamment d’élèves francophones pour justifier des établissements équivalents

à ceux des anglophones à l’ouest de la rue Main et que Rose-des-vents n’est pas

présentement équivalente, car elle est surpeuplée et moins spacieuse, attrayante,

fonctionnelle, et accessible. Précisons que la Province a eu l’occasion (dont elle a

profité) de déposer toute la preuve nécessaire pour plaider que les établissements

anglophones du VSB étaient aussi déplorables que ceux francophones121.

(ii) Aux paras. 76 et 77, la Province allègue que les couples exogames sont un des facteurs

d’assimilation. Encore une fois, cela est probablement vrai – mais ne contredit

118 Motifs de la Cour d’appel, paras. 44-47 [DA, vol. I, p. 199-200]. 119 Bien que cela n’ait aucune conséquence pour ce pourvoi, la Cour d’appel suggère également que le juge Willcock a

appliqué le mauvais test pour radier les paragraphes en question. Selon la Cour d’appel, c’est sa lecture de Doucet-Boudreau qui a poussé le juge Willcock à radier ces paragraphes, modifiant ainsi le test selon la règle 9-5 des Supreme Court Civil Rules et empêchant la Province de soulever des défenses méritoires : Motifs de la Cour d’appel, paras. 34-37 [DA, vol. I, p. 195-196]. C’est faux. Ce n’est pas ce que le juge Willcock a fait. Le juge Willcock a uniquement radié les paragraphes parce qu’ils n’étaient pas pertinents à la procédure des Parents titulaires, conformément à la règle 9-5 : Motifs du 4 novembre 2011, paras. 38 et 67-71 [DA, vol. I, p. 48, 56-58]. Il s’est ensuite servi de Doucet-Boudreau pour forcer les parties à déterminer la constitutionnalité de l’établissement d’enseignement de Rose-des-vents avant de débrouiller la responsabilité : Motifs du 4 novembre 2011, paras. 39 et 72-73 [DA, vol. I, p. 48, 58].

120 Réponse modifiée de la Province, déposée le 11 mars 2011, paras. 58, 76, 77, et 92 [DA, vol. II, p. 51, 56, 58]; voir aussi Motifs du 4 novembre 2011, para. 70 [DA, vol. I, p. 57].

121 E.g., Motifs du 31 octobre 2012, paras. 67-72 [DA, vol. I, p. 109-111]; Affidavit de Jordan Tinney (# 1), 2 mai 2012 [DA, vol. IV, p. 1 et s.]; Affidavit de Jordan Tinney (# 2), 5 juin 2012 [DA, vol. IV, p. 80 et s.].

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- 33 - Mémoire des appelants Exposé des arguments

aucunement les conclusions du juge Willcock. Même si les couples exogames sont un

des facteurs d’assimilation, il existe tout de même déjà assez d’élèves francophones pour

justifier des établissements équivalents à ceux anglophones à l’ouest de la rue Main.

(iii) Le para. 92 allègue que des Parents titulaires envoient leurs enfants aux écoles

anglophones pour une variété de raisons. Cela est vrai aussi – mais sans contredire les

conclusions du juge Willcock. Même si les Parents titulaires envoient leurs enfants aux

écoles anglophones pour une variété de raisons, il existe tout de même déjà assez d’élèves

francophones pour justifier des établissements équivalents à l’ouest de la rue Main.

78. Le juge Willcock a exercé sa discrétion pour radier les paragraphes non pertinents. La Province

a eu toutes les occasions nécessaires pour démontrer que le nombre de francophones à l’ouest de la rue

Main est insuffisant pour justifier des établissements d’enseignement et pour démontrer que Rose-des-

vents est équivalente aux écoles du VSB. Elle a échoué, puisque la preuve sur ces questions est

concluante : il existe 344 élèves inscrits à Rose-des-vents dans des locaux insuffisants qui doivent se

sacrifier pour que leurs parents exercent leur droit sous l’art. 23, ainsi que plusieurs autres élèves qui

fréquenteraient des établissements francophones s’ils étaient équivalents.

2. Après avoir établi que les nombres justifient des établissements équivalents, les Parents titulaires doivent-ils débrouiller la responsabilité entre la Province et le CSF?

2.1 La preuve supplémentaire sur la responsabilité n’est pas pertinente pour déterminer s’il existe une enfreinte

79. Les motifs de la Cour d’appel ont également pour effet d’imposer un deuxième critère

supplémentaire pour établir une enfreinte à l’art. 23 : les Parents titulaires devront débrouiller la

responsabilité entre la Province et le CSF. En renvoyant la requête des Parents titulaires en première

instance, la Cour d’appel accepte que si la Province avait compris la portée de l’audience, elle aurait

présenté de la preuve supplémentaire pour étoffer sa défense :

The effect of the judge’s disposition of the first phase of the hearing of the Petition was to unfairly preclude the Province from ever having an opportunity to obtain all of the evidence it wished to pursue to support its defence that any disparity in the facilities did not amount to a breach of the Parents’ s. 23 Charter rights through the discovery process that he set, or to present expert evidence with respect thereto.122

122 Motifs de la Cour d’appel, paras. 51 et 54 [DA, vol. I, p. 201-202].

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- 34 - Mémoire des appelants Exposé des arguments

80. Le juge Willcock revoit chaque élément de preuve supplémentaire que la Province veut

présenter. Cette preuve porte presque seulement123 sur la responsabilité pour l’enfreinte entre la

Province et son délégataire de pouvoir, le CSF. Par exemple, la Province veut présenter de la preuve

sur la participation, l’historique, et le rôle du CSF dans le processus provincial de planification des

immobilisations (« capital requests »), sur l’historique de la sélection du site temporaire de Rose-des-

vents, sur le financement pour l’exploitation des conseils scolaires provinciaux, sur les fonds alloués

par la Province au CSF, et sur le rôle des conseils scolaires124.

81. Cette preuve supplémentaire sur la responsabilité n’est pas pertinente au dossier. Premièrement,

comme l’a déterminé le juge Willcock, qui gérait cette cause depuis le début des procédures en 2010, il

n’est pas nécessaire de débrouiller la responsabilité entre la Province et son délégataire de pouvoir pour

déterminer si l’établissement de Rose-des-vents enfreint l’art. 23 et ainsi prononcer la déclaration que

recherchent les Parents titulaires125. Ceci a été expliqué au cours des nombreuses procédures menant à

l’audience de la requête126. Pour établir qu’il existe une enfreinte, seuls le critère de la justification par

les nombres et l’écart entre les établissements de la minorité et majorité sont pertinents. Ces questions

sont indépendantes de la responsabilité entre la Province et le CSF pour cette enfreinte, puisque la

Province et son délégataire de pouvoir sont tous deux assujettis à la Charte127. Ils sont tous deux avertis

de façon répétée depuis au moins 2008 que l’établissement de Rose-des-vents enfreint l’art. 23. Le CSF

se range d’ailleurs derrière les Parents titulaires pour admettre qu’il existe une enfreinte et dépose en

première instance une grande partie de la preuve à cet effet.

82. Deuxièmement, même si ce sont uniquement les actions du CSF qui ont mené à l’enfreinte, la

Province devra tout de même « prendre les mesures nécessaires pour assurer aux [Parents titulaires] ce

qui leur est dû en vertu de l’art. 23 »128. C’est la Province qui est en bout de compte responsable de

fournir de l’instruction et des établissements d’enseignement sous l’art. 23. En l’espèce, son délégataire

de pouvoir (créé pour s’acquitter de ses obligations en vertu de l’art. 23) a déterminé quelles sont ces

123 Le restant de la preuve est « an application to lead further evidence with respect to… issues already canvassed » :

Motifs du 6 juillet 2012, para. 29 [DA, vol. I, p. 76-77]. 124 Motifs du 6 juillet 2012, paras. 29-52 [DA, vol. I, p. 76-84]. 125 Motifs du 6 juillet 2012, paras. 15, 25, 28, et 53-57 [DA, vol. I, p. 70, 75, 76, 84-85]. 126 Motifs du 4 novembre 2011, paras. 72-73 [DA, vol. I, p. 58]; Motifs à l’oral du juge Willcock, le 14 mars 2012,

para. 1 [DA, vol. I, p. 61 et s.]. 127 Multani c. Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, [2006] 1 R.C.S. 256, para. 22 [RSA, vol. III, onglet 23];

Chamberlain c. Surrey School District No. 36, [2002] 4 R.C.S. 710, para. 121 (motifs du juge Gonthier, en dissidence, mais sur une autre question) [RSA, vol. I, onglet 6]; voir aussi Public School Boards’ Assn. of Alberta c. Alberta (Procureur général), [2000] 2 R.C.S. 409, paras. 33-37 [RSA, vol. III, onglet 24].

128 Doucet-Boudreau c. Nouvelle-Écosse (Ministre de l’Éducation), [2003] 3 R.C.S. 3, paras. 62 et 66 [RSA, vol. III, onglet 17].

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- 35 - Mémoire des appelants Exposé des arguments

« mesures nécessaires » : la fourniture de deux nouvelles écoles permanentes à l’ouest de la rue

Main129. Le CSF n’a pas les bienfonds nécessaires pour fournir ces deux écoles130. Il n’a également pas

l’argent ou les pouvoirs d’expropriation pour immédiatement obtenir les terrains nécessaires.

83. Si la Province est d’avis que c’est la mauvaise gestion du CSF de 1997 à 2008 qui a causé

l’enfreinte à l’art. 23 (ou même que cette mauvaise gestion continue à ce jour), elle peut poursuivre son

délégataire de pouvoir hors du contexte de cette cause ou le prendre en tutelle. Pour les Parents

titulaires, l’intérêt de cette question n’est que de nature historique et académique. Le financement pour

la construction d’écoles vient de la Province. Le bon sens nous permet également de conclure que les

fonds nécessaires à la construction des deux écoles que le CSF exige à l’ouest de la rue Main ne

pourraient pas être accumulés par le CSF en faisant des économies ici et là.

84. Troisièmement, la Province a déjà déposé plusieurs affidavits sur la responsabilité du CSF, le

processus de planification des immobilisations, et le financement des conseils scolaires provinciaux131.

Ces affidavits se sont avérés inutiles pour déterminer si l’état déplorable de l’établissement

d’enseignement de Rose-des-vents en comparaison aux établissements anglophones établit une

enfreinte à l’art. 23. Ni la Province ni la Cour d’appel n’ont à ce jour expliqué comment la preuve

supplémentaire sur la responsabilité que la Province voudrait déposer pourrait, elle, être pertinente. En

acceptant à l’aveuglette que la Province puisse ajouter à ses nombreux affidavits – sans considérer

l’analyse du juge Willcock qui établit que la preuve ne serait pas pertinente à la déclaration recherchée

– la Cour d’appel augmente le délai dans l’adjudication du droit des Parents titulaires.

85. Finalement, aucun tribunal n’a jamais accepté auparavant que des titulaires du droit doivent

débrouiller la responsabilité pour établir une enfreinte à l’art. 23. Dans Doucet-Boudreau, les titulaires du

droit ont poursuivi la province et le conseil scolaire francophone. La Cour a déclaré que le nombre de

francophones justifiait de meilleurs établissements d’enseignement fournis dans les plus brefs délais, sans

débrouiller la responsabilité pour cette enfreinte entre entités provinciales132. Il en est de même dans les

129 Supra, Mémoire de l’APÉ de Rose-des-vents et Joseph Pagé en appel à la Cour suprême du Canada, para. 39. 130 Le terrain de l’école Jules-Verne est le seul bienfonds que le CSF détient dans la zone de fréquentation. Ce terrain

est déjà nécessaire pour que le CSF puisse offrir une instruction et un établissement d’enseignement équivalents au niveau secondaire des anglophones.

131 Affidavit de Brian Fraser (# 1), 4 juillet 2011 [DA, vol. II, p. 114 et s.]; Affidavit de John Cavelti (# 2), 7 juin 2012 [DA, vol. IV, p. 98 et s.]; Affidavit de Douglas Stewart (# 1), 7 juillet 2011 [DA, vol. II, p. 122 et s.]; Affidavit de Douglas Stewart (# 2), 18 novembre 2011 [DA, vol. II, p. 147 et s.]; Affidavit de Dave Duerksen (# 1), 30 juin 2011 [DA, vol. II, p. 105 et s.]; Affidavit de Reg Bawa (# 1), 7 juillet 2011 [DA, vol. II, p. 135 et s.]; Affidavit de Keith Miller (# 1), 4 mai 2012, paras. 5-10 [DA, vol. IV, p. 18-20].

132 Doucet-Boudreau c. Nova Scotia (Department of Education), 2000 CanLII 13312 (C.S.N.-É.), paras. 193-195 [RSA, vol. III, onglet 16]; confirmé par Doucet-Boudreau c. Nouvelle-Écosse (Ministre de l’Éducation), [2003] 3 R.C.S. 3 [RSA, vol. III, onglet 17].

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- 36 - Mémoire des appelants Exposé des arguments

autres causes sous l’art. 23, qui ne forcent pas les titulaires à débrouiller la responsabilité pour l’enfreinte

avant de déclarer que leurs établissements sont constitutionnellement insuffisants133. Il est attendu que si

cette Cour déclare une enfreinte, il reviendra à la Province et à son délégataire d’y remédier.

86. Le juge Willcock a écarté la preuve supplémentaire de la Province sur la responsabilité, car elle

n’est pas pertinente pour établir une enfreinte sous l’art. 23. Il a raison.

2.2 Imposer à des titulaires du droit le critère additionnel de débrouiller la responsabilité entre la Province et un conseil scolaire enfreindra leur accès à la justice

87. Si cette affaire est renvoyée en première instance pour forcer les Parents titulaires à débrouiller

la responsabilité, le dossier des Parents titulaires coutera des millions de dollars supplémentaires et

prendra plusieurs années additionnelles. Pour prouver l’enfreinte à leur droit, malgré les faits

incontestés notés ci-haut, les Parents titulaires devront analyser les arrangements financiers entre la

Province et le CSF, un conseil scolaire recouvrant la province entière de la Colombie-Britannique. Ils

se verront peut-être forcés d’abandonner leur dossier.

88. Entretemps, l’assimilation des francophones à l’ouest de la rue Main se poursuit et l’aspect

réparateur de l’art. 23 est brimé. Le taux d’assimilation de 61% dans la communauté est déjà critique –

plus haut encore que celui dans Doucet-Boudreau. L’établissement d’enseignement déplorable de Rose-

des-vents y contribue. Comme cette Cour l’a prédit dans Doucet-Boudreau, l’assimilation réduira

éventuellement les obligations du gouvernement en réduisant le nombre de Parents titulaires dans la zone

de fréquentation. Il est probable que Rose-des-vents commence à voir sa population baisser puisque de

plus en plus de Parents titulaires opteront pour des écoles anglophones. La cohorte d’élèves inscrite en

maternelle en 2007-2008, au moment où les Parents titulaires avertissaient la Province et le CSF de

l’enfreinte, passera au secondaire l’an prochain. Ces élèves auront passé tout leur cycle primaire dans un

établissement constitutionnellement insuffisant, malgré les efforts juridiques de leurs parents.

89. Les conséquences dans le dossier Rose-des-vents deviendront la norme partout au Canada.

L’accès à la justice des titulaires du droit deviendra un mirage. Une longue procédure juridique

coûteuse qui les force à débrouiller la responsabilité entre entités provinciales pour obtenir une simple

déclaration sur leurs droits les découragera de revendiquer ces droits.

133 E.g., Conseil des écoles séparées catholiques romaines de Dufferin et Peel c. Ontario (Ministre de l’Éducation et

de la Formation), [1996] O.J. No. 2476 (C. div.), para. 8 [RSA, vol. II, onglet 11]; voir aussi [1996] O.J. No. 2564 (C.A.) [RSA, vol. II, onglet 12]; Marchand c. Simcoe County Board of Education (1986), 29 D.L.R. (4th) 596 (H.C. Ont.), para. 112 [RSA, vol. III, onglet 22].

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90. À titre de comparaison, les audiences dans Doucet-Boudreau, Arsenault-Cameron, et Dufferin-

Peel ont toutes eu lieu moins d’un an après le début des procédures. Dans Doucet-Boudreau et

Dufferin-Peel, les tribunaux ont expressément exercé leur discrétion pour gérer les dossiers en fonction

de l’urgence, conformément à l’objet réparateur de l’art. 23. À l’inverse, l’audience des Parents

titulaires en l’espèce a eu lieu plus de 2 ans après le début de la poursuite et aurait pris beaucoup plus

de temps si les parties avaient traité de la responsabilité134. Lorsque le juge Willcock a exercé sa

discrétion pour écarter la preuve non pertinente et éviter un ajournement prolongé, il s’est fait

réprimander par la Cour d’appel.

2.3 Les établissements nécessaires doivent être fournis sans le moindre délai

91. Comme dans Mahe, les Parents titulaires ne demandent qu’une simple déclaration sur leur droit

sous l’art. 23. Leur nombre est plus que suffisant pour justifier des établissements équivalents à ceux

des anglophones; et l’école Rose-des-vents n’est pas équivalente. Face à ces faits incontestés, la

résistance de la Province et sa guerre de tranchées pour forcer les Parents titulaires à débrouiller la

responsabilité entre entités provinciales peuvent seulement s’expliquer par le fait qu’une déclaration

claire entraînera des conséquences immédiates pour la Province que la Province cherche à éviter :

A. Suite à la déclaration, le gouvernement de la Colombie-Britannique (c’est-à-dire la

Province et le CSF) doit élaborer en réponse « une solution appropriée aux

circonstances »135.

B. C’est le rôle du CSF, l’entité créée par la Province pour s’acquitter de ses obligations en

vertu de l’art. 23, de déterminer quels établissements sont nécessaires pour être

équivalents à ceux de la majorité136. En l’espèce, le CSF a déjà déterminé qu’il a besoin

de deux nouvelles écoles élémentaires francophones de grandeur semblables aux écoles

du VSB à l’ouest de la rue Main à Vancouver. Il est pédagogiquement et financièrement

faisable de faire fonctionner ces deux écoles francophones puisque la Province permet

déjà des écoles anglophones de grandeur semblable dans la zone de fréquentation.

C. Les établissements d’enseignement doivent être fournis sans le moindre délai pour éviter

que l’assimilation ne permette au gouvernement de se soustraire à ses obligations

134 Supra, Mémoire de l’APÉ de Rose-des-vents et Joseph Pagé en appel à la Cour suprême du Canada, para. 32. 135 Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342, p. 392-393 [RSA, vol. III, onglet 21]. 136 Arsenault-Cameron c. Île-du-Prince-Édouard, [2000] 1 R.C.S. 3, paras. 43-55 [RSA, vol. I, onglet 4], qui se

prononce sur les rôles distincts de la province et du conseil scolaire.

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- 38 - Mémoire des appelants Exposé des arguments

futures. Il revient au gouvernement de se conformer « rapidement et entièrement au

jugement rendu »137.

D. Si la Province et le CSF veulent se disputer sur la responsabilité passée pour l’enfreinte,

ils doivent tout de même entretemps répondre à l’enfreinte. Le contraire permettrait à la

Province de se soustraire à ses obligations en continuant de favoriser l’assimilation138.

92. Il est à noter que la jurisprudence de cette Cour laisse à la Province une large discrétion pour

mettre en œuvre les exigences de l’art. 23 dans les plus brefs délais. La Province pourrait :

(i) Travailler avec le VSB pour agrandir deux de ses écoles en échange de la vente de deux

autres de ses écoles au CSF;

(ii) Forcer le VSB à vendre deux de ses écoles au CSF;

(iii) Acheter des terrains publics ou privés pour le CSF;

(iv) Transférer des terrains provinciaux au CSF;

(v) Se prévaloir des arts. 96(3) et 168 du School Act, RSBC 1996, c 412, pour passer toutes

les ordonnances nécessaires;

(vi) Légiférer pour créer les écoles nécessaires dans les plus brefs délais. La Province de

l’Ontario, par exemple, a déjà dû légiférer pour créer de nouveaux établissements

d’enseignement francophones, là où les lois existantes ne lui accordaient pas

suffisamment de pouvoirs139.

93. Il reviendra donc à la Province et aux CSF de collaborer pour fournir au plus vite les

établissements d’enseignement nécessaires et éliminer l’enfreinte à l’art. 23 de la Charte. Plusieurs

années après le début de l’enfreinte et après le départ de plusieurs élèves francophones, le droit des

Parents titulaires sera finalement respecté.

137 Doucet-Boudreau c. Nouvelle-Écosse (Ministre de l’Éducation), [2003] 3 R.C.S. 3, paras. 29 et 62-66 [RSA,

vol. III, onglet 17]; voir aussi Conseil des écoles séparées catholiques romaines de Dufferin et Peel c. Ontario (Ministre de l’Éducation et de la Formation), [1996] O.J. No. 2476 (C. div.), para. 8 [RSA, vol. II, onglet 11]; [1996] O.J. No. 2564 (C.A.) [RSA, vol. II, onglet 12].

138 Doucet-Boudreau c. Nouvelle-Écosse (Ministre de l’Éducation), [2003] 3 R.C.S. 3, para. 29 [RSA, vol. III, onglet 17].

139 An Act to require The Essex County Board of Education to provide a French-language Secondary School, 1977, S.O. 1977, c. 5; 1986, c. 21 [RSA, vol. I, onglet 1].

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- 39 - Mémoire des appelants Exposé des arguments

Conclusion : Plus de 30 ans après la Charte, il est temps d’accorder à la minorité francophone de Vancouver des établissements équivalents

94. Rose-des-vents est la seule école francophone à l’ouest de la rue Main à Vancouver. Les faits incontestés révèlent que cet établissement d’enseignement est surpeuplé tout en étant moins spacieux, attrayant, fonctionnel, et accessible que tous les établissements anglophones dans la même zone de fréquentation. Pour exercer leur droit sous l’art. 23, les Parents titulaires sont forcés d’assujettir leurs enfants aux conditions inférieures de Rose-des-vents. Cela mène plusieurs d’entre eux à plutôt inscrire leurs enfants dans des écoles du VSB à l’ouest de la rue Main, et contribue au taux critique d’assimilation de 61%. Cette Cour doit déclarer que Rose-des-vents enfreint la Charte, et que les 500 élèves francophones à l’ouest de la rue Main à Vancouver sont suffisants pour justifier sans délai des établissements d’enseignement équivalents à ceux des anglophones. Le test de l’art. 23 ne nécessite pas que les Parents titulaires prouvent également ce qui est pratiquement faisable ou qu’ils tranchent la responsabilité entre entités provinciales.

95. Dans Mahe, Arsenault-Cameron, et Doucet-Boudreau, cette Cour met l’accent sur l’objet réparateur de l’art. 23 de la Charte. Cette disposition vise à favoriser activement l’épanouissement du français comme langue minoritaire et réparer les injustices passées. Elle exige que la Province prenne les « mesures nécessaires » pour assurer aux Parents titulaires « ce qui leur est dû en vertu de l’art. 23 »140.

96. Toutefois, la Province tente de maintenir le statu quo. L’épigraphe de Nicolas Kenny à la

première page de ce mémoire rapporte les efforts soutenus que les francophones ont dû faire avant la

venue de la Charte pour faire respecter leurs droits. Plus de 30 ans plus tard, malgré les décisions

musclées de cette Cour en faveur des minorités partout au Canada, la bataille des Parents titulaires doit

malheureusement continuer. Il reste à espérer qu’une déclaration claire de cette Cour dans ce pourvoi

contraindra pour la première fois la Province de la Colombie-Britannique à traiter ses élèves

francophones de façon véritablement égale.

PARTIE IV – EXPOSÉ DES ARGUMENTS SUR LES DÉPENS

97. Les Parents titulaires demandent les dépens devant tous les tribunaux sur la base procureur-client, quelle que soit l’issue de la cause.

140 Doucet-Boudreau c. Nouvelle-Écosse (Ministre de l’Éducation), [2003] 3 R.C.S. 3, paras. 62 et 66 [RSA, vol. III,

onglet 17].

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- 40 - Mémoire des appelants Exposé des arguments sur les dépens

98. En première instance, le juge Willcock accorde aux Parents titulaires les dépens sur la base procureur-client (« special costs », en Colombie-Britannique), puisque la requête des Parents titulaires est dans l’intérêt public141. La Cour d’appel de la Colombie-Britannique dément cette décision lorsqu’elle infirme la déclaration du juge Willcock142.

99. En accueillant l’appel des Parents titulaires, cette Cour devrait rétablir la décision du juge Willcock et accorder aux Parents devant tous les tribunaux les dépens sur la base procureur-client. Le pourvoi remplit tous les critères d’un pourvoi dans l’intérêt public143. De plus, lorsqu’il existe une enfreinte à l’art. 23 et que les Parents titulaires ont fait des efforts soutenus pour avertir le gouvernement avant de lancer leur poursuite, les tribunaux (incluant cette Cour) accordent généralement les dépens sur la base procureur-client144.

100. Même si cette Cour n’accueille pas l’appel de Parents titulaires, elle devrait tout de même leur

accorder les dépens sur la base procureur-client devant tous les tribunaux. Joseph Pagé est un

particulier qui représente tous les Parents titulaires à l’ouest de la rue Main à Vancouver pour tenter de

faire respecter leur droit sous l’art. 23, même si le délai fait en sorte que ses enfants ne profiteront peut-

être jamais d’établissements primaires équivalents à ceux des anglophones. L’Association des parents

de l’école Rose-des-vents est un organisme à but non lucratif qui l’appuie. Les Parents titulaires

soulèvent dans ce pourvoi des questions d’intérêt public et national.

PARTIES V – ORDONNANCES DEMANDÉES

101. Les Parents titulaires demandent que cet appel soit accueilli avec dépens sur la base procureur-

client.

Toronto, le 17 juillet 2014 _______________________________ Nicolas M. Rouleau Procureurs des appelants, l’APÉ de Rose-des-Vents et Joseph Pagé

141 Motifs du juge Willcock en première instance sur les dépens, 24 juin 2013, paras. 68-79 et 83 [DA, vol. I, p. 172-

176, 177]. 142 Motifs de la Cour d’appel de Colombie-Britannique sur les dépens, 31 janvier 2014 [DA, vol. I, p. 208 et s.]. 143 Motifs du juge Willcock en première instance sur les dépens, 24 juin 2013, paras. 72-79 [DA, vol. I, p. 174-176]. 144 E.g., Doucet-Boudreau c. Nouvelle-Écosse (Ministre de l’Éducation), [2003] 3 R.C.S. 3, para. 90 [RSA, vol. III,

onglet 17]; Arsenault-Cameron c. Île-du-Prince-Édouard, [2000] 1 R.C.S. 3, para. 63 [RSA, vol. I, onglet 4]; Arsenault-Cameron c. Prince Edward Island (Government of), 1997 CanLII 4606 (C.S. Î.-P.-É.), paras. 12-14 [RSA, vol. I, onglet 3]; Marchand c. Simcoe County Board of Education (1986), 12 C.P.C. (2d) 140 (H.C. Ont.), paras. 9-10 [RSA, vol. III, onglet 22].

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- 41 - Mémoire des appelants Table alphabétique des sources

PARTIE VI – TABLE ALPHABÉTIQUE DES SOURCES

Législation Paragraphe(s)

An Act to require The Essex County Board of Education to provide a French-language Secondary School, 1977, S.O. 1977, c. 5; 1986, c. 21 ......................................................... 92

Jurisprudence Arsenault-Cameron c. Île-du-Prince-Édouard, [2000] 1 R.C.S. 3 .................. 4,14,35,37,39,47,54,58,63, ........................... 68,73,74,90,91,95,99

Arsenault-Cameron c. PEI, 1997 CLB 2925 (C.S. Î.-P.-É) .................................................... 52,74

Arsenault-Cameron c. Prince Edward Island (Government of), 1997 CanLII 4606 (C.S. Î.-P.-É.) ......................................................... 99

Association des Parents ayants droit de Yellowknife et al c. Procureur général des Territoires du Nord-Ouest et al, 2012 CanLII 31380 (C.S. T.-N.-O.) ......................................................... 74

Chamberlain v. Surrey School District No. 36, [2002] 4 R.C.S. 710 .................................................... 26,81

Chubbs, et al c. HMQ et al., 2004 NLSCTD 89 ......................................................... 74

Commission scolaire francophone du Yukon No 23 c. Procureure générale du Territoire du Yukon, 2011 YKSC 57 ......................................................... 74

Commission scolaire francophone du Yukon, district scolaire #23 c. Procureure générale du Territoire du Yukon, 2014 CanLII 34279 (C.S.C.) ......................................................... 74

Commission scolaire francophone, Territoires du Nord-Ouest et al. c. Procureur général des Territoires du Nord-Ouest, 2012 CanLII 31411 (C.S. T.-N.-O.) ......................................................... 74

Conseil des écoles séparées catholiques romaines de Dufferin et Peel c. Ontario (Ministre de l’Éducation et de la Formation), [1996] O.J. No. 2476 (C. div.) ................................ 60,65,66,74,85,91

Conseil des écoles séparées catholiques romaines de Dufferin et Peel c. Ontario (Ministre de l’Éducation et de la Formation), [1996] O.J. No. 2564 (C.A.) ................................ 60,65,66,74,85,91

Conseil scolaire fransaskois c. Gouvernement de la Saskatchewan, 2012 SKQB 217 ......................................................... 74

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- 42 - Mémoire des appelants Table alphabétique des sources

Jurisprudence (suite) Paragraphe(s)

Dauphinee c. Conseil scolaire acadien provincial, 2007 NSSC 238 ......................................................... 74

Doucet-Boudreau c. Nouvelle-Écosse (Ministre de l’Éducation), [2003] 3 R.C.S. 3 ....................... 4,16,24,37,47,50,74,82, ................................ 85,88,90,91,95,99

Doucet-Boudreau c. Nova Scotia (Department of Education), 2000 CanLII 13312 (C.S.N.-É.) ........................... 16,24,37,52,74,85,88

L’Association des parents francophones de la Colombie-Britannique c. British Columbia, [1996] B.C.J. No. 1831 (C.S.) ......................................................... 64

Lavoie c. Nova Scotia (A.G.) (1988), 50 D.L.R. (4th) 405 (C.S.N.-É.) ......................................................... 74

Lavoie c. Nova Scotia (Attorney-General) (1989), 91 NSR (2d) 184 (C.A.N.-É.) .................................................... 64,74

Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342 .............. 4,33,34,35,47,49,52,54,55,56 ............ 57,59,60,64,68,72,73,74,91,95

Marchand c. Simcoe County Board of Education (1986), 12 C.P.C. (2d) 140 (H.C. Ont.) ......................................................... 99

Marchand c. Simcoe County Board of Education (1986), 29 D.L.R. (4th) 596 (H.C. Ont.) .......................................... 64,66,74,85

Multani c. Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, [2006] 1 R.C.S. 256 .................................................... 26,81

Public School Boards’ Assn. of Alberta c. Alberta (Procureur général), [2000] 2 R.C.S. 409 ............................................... 26,49,81

R. c. Conseil scolaire fransaskois, 2013 SKCA 35 ......................................................... 74

Reference re Education Act of Ontario and Minority Language Education Rights (1984), 47 O.R. (2d) 1 (C.A.) ......................................................... 64

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PARTIE VII

EXTRAITS DES LOIS, RÈGLEMENTS ET

RÈGLES

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Droits à l'instruction dans la langue de la minorité

Langue d'instruction

23. (1) Les citoyens canadiens :

a) dont la première langue apprise et encore comprise est celle de la minorité francophone ou anglophone de la province où ils résident,

b) qui ont reçu leur instruction, au niveau primaire, en français ou en anglais au Canada et qui résident dans une province où la langue dans laquelle ils ont reçu cette instruction est celle de la minorité francophone ou anglophone de la province,

ont, dans l'un ou l'autre cas, le droit d'y faire instruire leurs enfants, aux niveaux primaire et secondaire, dans cette langue.

Continuité d'emploi de la langue d'instruction

(2) Les citoyens canadiens dont un enfant a reçu ou reçoit son instruction, au niveau primaire ou secondaire, en français ou en anglais au Canada ont le droit de faire instruire tous leurs enfants, aux niveaux primaire et secondaire, dans la langue de cette instruction.

Justification par le nombre

(3) Le droit reconnu aux citoyens canadiens par les paragraphes (1) et (2) de faire instruire leurs enfants, aux niveaux primaire et secondaire, dans la langue de la minorité francophone ou anglophone d'une province :a) s'exerce partout dans la province où le nombre des enfants des

citoyens qui ont ce droit est suffisant pour justifier à leur endroit la prestation, sur les fonds publics, de l'instruction dans la langue de la minorité;

b) comprend, lorsque le nombre de ces enfants le justifie, le droit de les faire instruire dans des établissements d'enseignement de la minorité linguistique financés sur les fonds publics.

Loi constitutionnelle de 1982 (R-U), constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11

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Minority Language Education Rights

Language of instruction

23. (1) Citizens of Canada(a) whose first language learned and still understood is

that of the English or French linguistic minority population of the province in which they reside, or

(b) who have received their primary school instruction in Canada in English or French and reside in a province where the language in which they received that instruction is the language of the English or French linguistic minority population of the province,

have the right to have their children receive primary and secondary school instruction in that language in that province.

Continuity of language instruction

(2) Citizens of Canada of whom any child has received or is receiving primary or secondary school instruction in English or French in Canada, have the right to have all their children receive primary and secondary school instruction in the same language.

Application where numbers warrant

(3) The right of citizens of Canada under subsections (1) and (2) to have their children receive primary and secondary school instruction in the language of the English or French linguistic minority population of a province

(a) applies wherever in the province the number of children of citizens who have such a right is sufficient to warrant the provision to them out of public funds of minority language instruction; and

(b) includes, where the number of those children so warrants, the right to have them receive that instruction in minority language educational facilities provided out of public funds.

The Constitution Act, 1982, being Schedule B to the Canada Act 1982 (UK), 1982, c 11

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