Jc/md/lp-01/05Driver élémentaire : présentation1 Driver élémentaire Émulateur Présentation.
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1
Sommaire
Introduction p 2
I. Qu’est-ce que la numération décimale de position ? p 3
a. La numération écrite en chiffres : aspect positionnel et décimalité
b. La numération orale ou écrite en mots
II. Que doivent savoir les élèves sur la numération décimale de position ? p 5
a. Une rapide histoire de l’enseignement de la désignation des nombres
b. L’enseignement des nombres dans les textes officiels
III. Que savent les élèves de la numération décimale de position en CM2 ? p 10
a. Des difficultés à lire un groupement 10n dans l’écriture chiffrée d’un nombre…
b. … malgré de bonnes compétences sur l’aspect positionnel de la numération
c. L’analyse des erreurs en calcul confirme ce paradoxe
d. La décimalité : un savoir non-disponible et non-fonctionnel
IV. Quelle re-médiation proposer ? p 16
a. Construire la décimalité de la numération en résolvant des problèmes
b. Réinvestir en donnant du sens à la technique opératoire de la division
c. Faire avec pour aller contre les théorèmes-élèves en calcul mental
Conclusion p 27
Bibliographie p 29
Annexes
2
Introduction
Tout au long de l’école primaire, les élèves se construisent une forte familiarité avec les
nombres entiers : ils en utilisent et en produisent chaque jour de classe, en mathématiques
comme dans d’autres disciplines.
Pourtant, force est de constater qu’au seuil de leur entrée au collège, alors même qu’ils sont
amenés à découvrir d’autres types de nombres, les fractions, la connaissance qu’ils ont de la
numération décimale de position sur les entiers n’est pas pleinement opératoire. Ainsi, la
DGESCO soulignait-elle que, alors que « l’étude de la numération décimale de position
occupe une place importante sur l’ensemble de l’école primaire », « à l’entrée en sixième,
(…), la compréhension en profondeur du système d’écriture chiffrée ne l’est pas toujours. »1
Je chercherai donc à savoir, à partir de l’analyse des erreurs en classe de CM2, comment
remédier aux difficultés rencontrées par les élèves dans leur maîtrise de la numération
décimale de position.
Pour cela, je formulerai deux hypothèses principales dont je chercherai à tester la validité :
- Hypothèse 1 : A l’entrée au CM2, les élèves ne maîtrisent pas pleinement le système de
numération sur les entiers (en particulier sa décimalité)
- Hypothèse 2 : Il peut être conçu une re-médiation efficace permettant la construction
d’un savoir vivant et fonctionnel2 sur la numération décimale de position
Après avoir précisé les référents théoriques et avoir situé le cadre institutionnel dans lequel je
m’inscris, je m’attacherai à analyser, à l’aune des deux hypothèses formulées,
l’expérimentation menée cette année dans ma classe de CM2.
Commençons d’abord par préciser ce que l’on entend par numération décimale de position.
1 DGESCO, Les nombres au collège 2 Je reprends là l’expression utilisée par Régine Douady dans l’article « Didactique des mathématiques » de l’Encyclopaedia Universalis
3
I. Qu’est-ce que la numération décimale de position ?
La numération écrite en chiffres
Il était une fois un berger qui chaque matin faisait sortir ses moutons de leur enclos et
qui chaque soir les y mettait à l’abri pour la nuit. Mais certains moutons plus
aventureux que les autres décidèrent de ne pas rejoindre le bercail. Le berger mit
plusieurs jours à s’apercevoir que quelque chose n’allait pas et il décida un jour de
vérifier que tous les moutons sortis le matin étaient bien à nouveau présents dans
l’enclos le soir venu. Pour cela, au matin, il plaça dans une corbeille un caillou
lorsqu’un mouton passait devant lui. Et le soir, il retirait un caillou dès qu’un mouton
franchissait le seuil de l’enclos.3
Voici un moyen bien rudimentaire mais efficace de garder trace d’une information
quantitative. Pour alléger le procédé, les cailloux sont remplacés par des encoches sur un
morceau de bois ou des traits sur une feuille. Le procédé peut aussi être amélioré en créant un
signe conventionnel pour chaque quantité : par exemple, le signe « 5 » pour désigner
« I I I I I ». Cependant, il est peu pratique – et mathématiquement impossible - de créer autant
de signes que de quantités rencontrées. Comment alors élaborer un système permettant, avec
un minimum de signes, de désigner tous les nombres ? C’est-à-dire en fait comment créer de
l’infini avec du fini ? Il a fallu quarante siècles4 à l’humanité pour apporter une réponse
optimale à cette question et cette réponse se nomme numération décimale de position. Il s’agit
d’un système, permettant la désignation de tous les nombres entiers naturels, que l’on peut
synthétiser en quelques règles5 :
les signes constituant le lexique sont « 0 », « 1 », « 2 », « 3 »,
« 4 », « 5 », « 6 », « 7 », « 8 », « 9 » aspect positionnel
de la numération la valeur d’un signe dépend de sa position dans l’écriture d’un
nombre
cette valeur représente un groupement d’unités inférieures qui
sont échangées contre un élément de l’unité immédiatement
supérieure décimalité de la
numération les groupements permettant de passer d’une unité à l’autre se
font en échangeant dix unités d’un ordre contre une unité de
l’ordre immédiatement supérieur
le signe « 0 » marque l’absence de groupement d’une unité
3 Jean-Pierre KAHANE souligne que « les hommes ont appris en même temps à compter des objets et à conter
des histoires -en portugais, c'est le même mot qui signifie compter, dans le sens de dénombrer, et conter, dans le sens raconter (contar), et dans beaucoup de langues les termes sont voisins. » 4 Dans son « Histoire universelle des chiffres », Georges Ifrah examine ce long cheminement.
5 ERMEL, Apprentissages numériques CP, p 238
4
Mathématiquement, cela se traduit par :
Soit B un nombre entier non nul nommé « base ». Pour tout m, nombre entier, on pourra
toujours trouver un ensemble unique6 {m0, m1, …, mn } de nombres entiers strictement
inférieurs à B, tels que :
m = m0 x B0 + m1 x B
1 + m2 x B
2 + m3 x B
3 + … + mn x B
n
Notre système est dit « de position » donc le nombre m est désigné en écrivant
seulement les coefficients du polynôme c’est-à-dire que
m s’écrit d’une façon unique « mn…m1m0 »
Notre système est décimal c’est-à-dire de base 10 (B = 10) donc
m = m0 x 100 + m1 x 10
1 + m2 x 10
2 + m3 x 10
3 + … + mn x 10
n
m s’écrit de façon unique « mn…m1m0 »
Nous disposons ainsi d’une façon de désigner tous les nombres à l’écrit (écriture chiffrée).
La numération orale
Notre système de numération orale, contrairement au système chinois, n’est pas strictement
cohérent avec les principes de position et de décimalité ce qui en fait un système bien plus
complexe. Il utilise d’abord un lexique plus important : aux neufs mots-nombres « un »,
« deux », « trois », « quatre », « cinq », « six », « sept », « huit », « neuf », il s’est adjoint des
mots permettant de désigner certaines puissances de dix [du type 10, 100 et 103n
]. De plus, il
remplace « dix-un » par « onze », « dix-deux » par « douze », « dix-trois » par « treize »,
« dix-quatre » par « quatorze », « dix-cinq » par « quinze » et « dix-six » par « seize ». Enfin,
il attribue des noms particuliers à certaines puissances de dix : « vingt » pour « deux-dix »,
« trente » pour « trois-dix »… semblant même pour la désignation de certaines d’entre-elles
recourir à un système de numération de base vingt (« huit-dix » se disant « quatre-vingt » et
« neuf-dix » se disant « quatre-vingt-dix ») et de base soixante (« sept-dix » se disant
« soixante-dix »).
Ainsi, le système de numération permettant la désignation écrite en chiffres et celui
permettant la désignation orale ou écrite en mots ne sont pas identiques (même si des points
de convergence apparaissent). Il conviendra donc de les enseigner tous les deux.
6 L’unicité de cette décomposition s’appuyant sur l’unicité du quotient et du reste dans la division euclidienne.
5
Mon propos se limitera cependant à la numération écrite.
II. Que doivent savoir les élèves sur la numération décimale de position ?
Une rapide histoire de l’enseignement de la désignation des nombres7
Avant le XIXème siècle
Jusqu’au XIXème siècle, il n’existe pas d’enseignement de l’arithmétique à proprement parlé,
les connaissances étant transmises à quelques lettrés dans leur état définitif.
A noter cependant la publication, au moment de la Révolution française, d’un ouvrage de
Condorcet intitulé « Les moyens d’apprendre à compter sûrement et avec facilité »8 dans
lequel le sens de la numération est explicité : « On a senti également la nécessité de pouvoir
exprimer [les nombres] par un petit nombre de signes. (…) Cette manière d’exprimer tous les
nombres par un petit nombre de mots ou de chiffres s’appelle numération ; et comme il était
possible d’en trouver plusieurs, chacune d’elles s’appelle un système de numération ». Suit la
description de ce système en insistant notamment sur la valeur des chiffres en fonction de leur
position. Dans cet ouvrage, Condorcet unifie les deux systèmes de numération, écrite en
chiffres et orale : « Il m'a paru nécessaire de faire cadrer la numération parlée avec la
numération en chiffres. J'ai donc changé ceux des noms de nombre qui rompent l'analogie. »
Même si cet ouvrage « ne semble destiné qu'à l'instruction de l'enfance » (préface de la
première édition), on peut douter de son efficacité didactique.
Jusqu’en 1960
L’article premier de la Loi Ferry du 28 mars 1882 stipule que « l’enseignement primaire
comprend : (…) les éléments des (…) mathématiques ». Il devient donc nécessaire d’enseigner
les nombres à de plus en plus d’enfants.
Pour cela, on recherche des représentations géométriques des nombres permettant de les
visualiser et d’agir sur eux. Plusieurs matériels sont ainsi élaborés : les plaquettes de Madame
Herbinière-Lebert (début du XXème siècle) et les réglettes Cuisenaire-Gattegno (1960)9. Mais
7 ERMEL, Apprentissages numériques CP, p 250 à 254
8 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/enfan_0013-7545_1989_num_42_4_1901
9 On utilise encore aujourd’hui ces matériels dans certaines classes de maternelle et de cycle II
6
ils ne permettent pas de traiter les difficultés posées par la numération décimale
(groupements, échanges, valeur des chiffres liés à la position).
De 1960 à 1980
A la suite des travaux de Jean Piaget, l’école fait sienne l’idée qu’il est nécessaire d’aider
l’enfant à se construire lui-même ses connaissances en le mettant en situation d’action. Il
s’agit donc d’amener l’enfant à comprendre le fonctionnement de la numération et à rentrer
dans sa complexité. Pour cela, plusieurs dispositifs sont introduits : les « nouveaux chiffres »
de Georges Lemaître (1954), le « mini computer » de Papy (1968) et surtout les blocs
multibases (Diénes 1970). Pour la première fois, les élèves travaillent sur les notions
d’échange et de groupement. D’autre part, certaines méthodes proposent un détour par
d’autres bases, l’objectif étant que les enfants prennent conscience de ce qui est semblable
d’une base à l’autre (les groupements et les échanges) et de ce qui change (la valeur du
groupement, les écritures).
Même si ces méthodes ont du mal à s’imposer dans les écoles, elles ont permis de souligner la
nécessité de travailler les groupements et les échanges.
Jusqu’à aujourd’hui
Comme le souligne l’équipe ERMEL, « l’intention reste de créer les conditions d’une
compréhension que l’on peut qualifier d’ « opératoire » de notre système de désignation des
nombres mais il n’est plus question de faire table rase des connaissances initiales des
enfants ».
Pour cela, la croyance selon laquelle les matériels, si perfectionnés qu’ils soient, pourraient
provoquer, à eux seuls, un apprentissage, est abandonnée. C’est bien aujourd’hui la notion de
problème qui se situe au cœur de l’enseignement de la numération.
L’enseignement des nombres dans les textes officiels aujourd’hui
Dans les programmes
Les programmes de l’école maternelle et élémentaire, publiés en 2008, assignent à chaque
cycle de la scolarité primaire un rôle bien spécifique quant à la construction de la numération
décimale de position.
7
Dès le cycle I, identifiée comme une « période décisive dans l’acquisition de la suite des
nombres (chaîne numérique) et de son utilisation dans les procédures de quantification », les
élèves découvrent « les fonctions du nombre » (mémoire d’une quantité et mémoire d’une
position). Ils « acquièrent la suite des nombres au moins jusqu’à 30 et apprennent à l’utiliser
pour dénombrer ». L’accent est mis sur le sens donné aux situations rencontrées (« situations
concrètes » et « jeux »). Une première approche du calcul est organisée dans le cadre de la
résolution de problèmes.
Le cycle II se voit assigner comme objectif prioritaire « la connaissance des nombres et le
calcul ». « Les élèves apprennent la numération décimale inférieure à 1 000. Ils dénombrent
des collections, connaissent la suite des nombres, comparent et rangent. » Les programmes
précisent que « l’entraînement quotidien au calcul mental permet une connaissance plus
approfondie des nombres et une familiarisation avec leurs propriétés. »
Ce travail sur la numération décimale continue au cycle III où « l’étude organisée des
nombres est poursuivie jusqu’au milliard ». Cette étude concerne en particulier les « principes
de la numération décimale de position : valeur des chiffres en fonction de leur position dans
l’écriture des nombres », la « désignation orale et [l’] écriture en chiffres et en lettres » ainsi
que la « comparaison et [le] rangement de nombres, [le] repérage sur une droite graduée [et
l’] utilisation des signes > et < ». De nouveaux nombres sont également introduits : les
fractions. Enfin, les programmes soulignent que le « calcul mental portant sur les quatre
opérations favorise une appropriation des nombres et de leurs propriétés » ainsi que « la
résolution de problèmes [qui] permet d’approfondir la connaissance des nombres étudiés. »
La répartition des connaissances et compétences proposée au cycle III est la suivante :
CE2 CM1 CM2
Les nombres entiers jusqu’au million - Connaître, savoir écrire et nommer les nombres entiers jusqu’au million. - Comparer, ranger, encadrer ces nombres. - Connaître et utiliser des expressions telles que : double, moitié ou demi, triple, quart d’un nombre entier. - Connaître et utiliser certaines relations entre des nombres d’usage courant : entre 5, 10, 25, 50, 100, entre 15, 30 et 60.
Les nombres entiers jusqu’au milliard - Connaître, savoir écrire et nommer les nombres entiers jusqu’au milliard. - Comparer, ranger, encadrer ces nombres. - La notion de multiple : reconnaître les multiples des nombres d’usage courant : 5, 10, 15, 20, 25, 50.
Les nombres entiers
8
Cette présentation pourrait laisser penser que la construction de la numération décimale de
position sur les entiers n’est plus l’affaire du CM2 (et de nombreux manuels adoptent ce
principe, laissant à la numération des entiers une place très faible en CM2). Cependant, les
programmes précisent que « seules des connaissances et compétences nouvelles sont
mentionnées dans chaque colonne ».
La lecture des programmes des trois cycles appelle donc plusieurs remarques :
- la construction du nombre est l’affaire de toute l’école primaire. Comme le soulignent
Patrice Gros et Jean-Jacques Calmelet, c’est en effet « un enjeu central du pilier 3 du
socle commun de connaissances et de compétences »10
. Cependant, c’est au cycle II
que les élèves, pour la première fois, entreprendront un apprentissage structuré du
système de numération décimale, apprentissage poursuivi au cycle III.
- en complément à cet apprentissage, l’appropriation des nombres et de leurs propriétés
doit être favorisée par le calcul et la résolution de problème.
- au CM2, il s’agira de « consolider » les connaissances et compétences acquises dans
les classes antérieures.
Dans les recommandations aux enseignants
Examinons maintenant les recommandations faites par l’Education Nationale quant à
l’enseignement de la numération de position au cycle II. En 2010, le Scérén et la DGESCO
publient, dans la collection « Ressources pour faire la classe », un livre intitulé « Le nombre
au cycle 2 ». Même si ce document n’a pas le statut d’un document d’accompagnement des
programmes, il se veut un outil pour « aider les enseignants dans [leur] mise en œuvre »11
.
En introduction, il est d’abord rappeler que « la communauté mathématique s’accorde à
considérer qu’une bonne approche du nombre est essentielle pour la suite des apprentissages
en mathématiques mais aussi dans les autres domaines »12
. Et pour que cette approche
essentielle soit pleinement réussie, Denis Butlen et Pascale Masselot présentent cinq types de
situations de référence qu’il conviendra de reprendre « aux différents niveaux de la scolarité
en adaptant le domaine numérique » :
10
Le nombre au cycle 3 (article « Les nombres entiers naturels au cycle 3 ») 11
Le nombre au cycle 2 (introduction de Jean–louis Durpaire et Marie Mégard) 12
ibid.
9
- des situations d’échange pour travailler l’écriture chiffrée d’un nombre : ce sont
des situations incontournables au cycle II car elles permettent d’explorer les règles
d’échange qui justifient le système de numération.
- des situations de groupements : elles conduisent les élèves à construire des stratégies
pour dénombrer rapidement et de manière fiable des collections numériquement
importantes en abandonnant le comptage et en légitimant les procédures de
groupement par 10.
- des situations amenant à repenser les groupements par rapport aux échanges : il
s’agit d’amener les élèves à lire dans l’écriture d’un nombre des informations liées aux
échanges ou aux groupements qui ont été effectués.
- des situations abordant le point de vue algorithmique dans les deux systèmes de
numération.
- des situations d’exploration des règles de la numération orale et de mise en
relation avec la numération de position (chiffrée) : les auteurs regrettent que les
connaissances mises en jeu dans ces situations ne soient pas toujours reconnues
comme des savoirs par l’institution scolaire.
Les auteurs soulignent également, s’appuyant sur les « résultats issus de plusieurs
recherches », que « connaissances sur les nombres et les opérations, et maîtrise de techniques
de calcul mental, se développent dialectiquement ». En particulier, le calcul mental apparait
comme « un champ d’expérience particulièrement riche pour la construction de
connaissances relatives aux nombres ».
En 2012, un nouveau volume de la collection « Ressources pour faire la classe » est publié par
le Scérén et la DGESCO; il est consacré au « Nombre au cycle 3 », soulignant, s’il en était
besoin, l’intérêt porté par l’institution scolaire à la question des apprentissages numériques.
En introduction, Patrice Gros et Jean-Jacques Calmelet soulignent que le nombre « émerge en
tant que concept comme le résultat d’une articulation forte entre, d’une part, des
apprentissages structurés et progressifs (…) et d’autre part, des pratiques ». Ils identifient
également trois axes sur lesquels l’enseignant doit porter son attention :
- conforter la numération décimale pour conduire l’élève à une compréhension plus
fine de la numération décimale de position
- appréhender les grands nombres, la difficulté résidant dans le fait que la notion de
quantité est plus difficile à percevoir
10
- poursuivre l’étude des relations entre les nombres, relations arithmétiques (double,
moitié…, décompositions, notion de multiple) et relation d’ordre.
Denis Butlen et Pascale Masselot, dans la continuité de leur article dans « Le nombre au cycle
2 », soulignent le lien entre le « calcul et (…) la construction des connaissances
numériques ». Enfin, Jacques Douaire et Fabien Emprin s’attachent à identifier les deux
principales fonctions des problèmes dans l’enseignement des mathématiques (et plus
particulièrement de la numération) : l’apprentissage par la résolution de problèmes (« la
contribution des problèmes aux apprentissages mathématiques est essentielle ») et
l’apprentissage de la résolution de problèmes. Ils examinent également les conditions
permettant de mettre en œuvre des problèmes.
La numération décimale de position sur les entiers est donc pleinement l’affaire du cycle III :
au moment où un nouveau type de nombres est introduit, il s’agit d’en penser un
enseignement efficace dans la continuité de ce qui a été construit au cycle II. Cet
enseignement s’inscrit dans le cadre de l’apprentissage par la résolution de problèmes et se
nourrit de celui des techniques opératoires et des activités de calcul mental.
III. Que savent les élèves de CM2 sur la numération décimale de position ?
Véronique Parouty13
a cherché à savoir si la numération décimale de position était « bien
installée » chez les élèves de cycle III. Pour cela, elle a conçu un protocole d’évaluation qui
s’appuie sur les recherches menées par Roland Charnay. Celui-ci identifie trois niveaux
d’évaluation :
- la mémorisation ou le simple rappel de connaissances (restitution)
- l’application : l’élève est encore tenu informé, explicitement, de la notion travaillée
- la résolution de problème : l’élève a besoin de mobiliser ses connaissances sur la
notion qui n’est pas explicitée.
Elle construit donc son protocole en choisissant le troisième niveau et propose un problème
s’inspirant de situations du type « Fourmillions » d’ERMEL14
. L’échec est massif : plus de
13
Véronique Parouty, Compter sur les erreurs pour compter sans erreurs 14
Les situations « les fourmillions » (CP), « les cahiers » (CE1), « les craies » (CE2), « les trombones » (CM1) et « les tickets de cantine » (CM2)
11
90% en CE2 et CM1 et encore 60% en CM2, la différence ne s’expliquant pas par une
meilleure connaissance de la numération mais par le recours à la division posée.15
Des difficultés à lire un groupement 10n dans l’écriture chiffrée d’un nombre…
Dans ma classe de CM2, le problème suivant est proposé en première période :
Il y a 1 203 586 trombones. On veut les ranger dans des boîtes de 100. Combien de boîtes peut-
on remplir ?
Les résultats sont comparables à ceux obtenus par Véronique Parouty (cf. annexe 1). 6 élèves
sur 28 donnent une réponse correcte et seuls deux ont recours à leurs connaissances sur la
numération décimale de position pour résoudre ce problème :
Mathis
Florian
Les autres posent une division (8 élèves sur 28) mais n’arrivent pas tous à la calculer (nous
sommes en début d’année et la technique opératoire de la division, introduite au CM1, n’a pas
été revue). D’autres utilisent des multiplications par 100 (9 élèves) sans réussir à aboutir à un
résultat jugé concluant par eux. Enfin, 8 élèves combinent division, multiplication et/ou
additions réitérées sans pouvoir conclure.
On peut donc constater que, pour la quasi-totalité des élèves de la classe, en cette entrée au
CM2, les connaissances sur la numération ne constituent pas un savoir disponible permettant
de résoudre un problème de partage par la lecture d’un groupement 10n dans l’écriture
chiffrée d’un nombre.
15
Véronique Parouty indique qu’elle a été particulièrement surprise par la réaction des enseignants dans les classes desquelles ce problème a été posé. En effet, une écrasante majorité (près de 90%) a considéré ce problème « très difficile » voire « inabordable », le rattachant exclusivement à une situation d’apprentissage de la division.
12
… malgré de bonnes compétences sur l’aspect positionnel de la numération
Pourtant, les élèves réussissent massivement à écrire des grands nombres et à résoudre des
problèmes de comparaison (cf. annexe 2). Ils ont donc intégré et automatisé des procédures
permettant de traiter l’aspect positionnel de la numération. Ils connaissent le vocabulaire
permettant la désignation des différentes classes (unité, dizaine, centaine…). Ils ont également
en tête le « tableau de numération » c’est-à-dire la suite ordonnée de ces différentes classes
(en partant de la droite, unité, dizaine, centaine…). Ils disposent également de règles
permettant de l’utiliser efficacement pour écrire et comparer des nombres (« un seul chiffre
par case », « lorsqu’une case est vide, on met un zéro », « pour comparer deux nombres, on
regarde celui qui a le plus de chiffres »). Mais les différentes classes semblent n’avoir pour
eux que le sens des rangs dans l’écriture chiffrée d’un nombre et non aussi celui de
groupements réitérés par 10 : la centaine est le troisième rang en partant de la droite mais ce
n’est pas un groupement de 10 dizaines.
Ainsi, l’un des deux aspects de notre système de numération, sa « décimalité », c’est-à-dire le
rapport 10n entre les différentes classes, semble ne pas constituer un savoir disponible.
L’analyse des erreurs en calcul posé et mental confirme ce paradoxe
Pour affiner mon analyse, conscient du lien existant entre les techniques de calcul et les
connaissances sur les nombres, lien mis en exergue dans les programmes, je prends appui sur
les erreurs des élèves pour mieux cerner les représentations de ceux-ci.
Jean-Pierre Astolfi distingue plusieurs types d’erreurs16
. Je m’attache, quant à moi, à celles
qui témoignent des conceptions alternatives des élèves en retenant la définition donnée par
Andrée Tiberghien17
: « une conception est un ensemble de connaissances ou de procédures
que le chercheur attribue à l’élève dans le but de rendre compte des conduites de l’élève dans
un ensemble de situations données ».
Je m’intéresse donc exclusivement aux erreurs « reproductibles » (elles ont une certaine
persistance et ne peuvent pas être expliquées par de l’ « étourderie ») et non isolées (elles
peuvent être mises en relation avec d’autres avec lesquelles elles forment une sorte de réseau
16
Jean-Pierre Astolfi , L’erreur, un outil pour enseigner 17
Andrée TIBERGHIEN et Jacques VINCE, Études de l’activité des élèves de lycée en situation d’enseignement de la physique, ENS-LSH
13
ou de système18
). Pour cela, j’ai recours à certaines des stratégies décrites par Gérard de
Vecchi et André Giordan19
dans le cadre de la didactique des sciences pour faire émerger les
représentations des élèves en particulier celles consistant à demander par écrit des
explications aux élèves, réponses éventuellement complétées par des entretiens.
Voici quelques exemples significatifs car constants et représentatifs des élèves de la classe
(cf. annexe 3) :
Julien
Pour calculer cette multiplication, Julien a fait appel à une « technique » mise en mémoire :
mettre un point à droite pour « décaler ». On peut penser qu’il s’agit là d’une « astuce »
mémorisée qui lui permet de bonnes performances en calcul posé. Mais en perçoit-il le sens ?
Lorsqu’on lui présente le travail d’un élève fictif (Jean)
1 3 2 x 2 7
9 2 4 2 6 4 0
3 5 6 4
et lorsqu’on lui demande d’expliquer pourquoi celui-ci a écrit 2640, il précise :
Après avoir « posé le zéro », il traite les différents chiffres les uns après les autres de façon
indépendante et mécanique. 2640 n’est pas le résultat de 20 x 132 ; c’est une suite de 4 termes
« 2 », « 6 », « 4 » et « 0 » dont chacun a une existence autonome.
18
Roland Charnay et Michel Mante – « De l’analyse d’erreurs en mathématiques aux dispositifs de re-médiation » Repères IREM n°7 19
Ces stratégies ont été décrites par Jean-Pierre Astolfi dans « L’erreur, un outil pour enseigner ». L’auteur s’appuie sur la lecture de « L’enseignement scientifique : comment faire pour que ça marche ? », Gérard De Vecchi et André Giordan.
14
L’hypothèse, selon laquelle de nombreux élèves traitent les nombres comme une simple suite
de chiffres, en respectant leur rang mais sans se préoccuper de leur valeur, semble être
confirmée. Le recours à des « astuces20
» (« décalage », « ajout de zéro »…) permet
généralement de bonnes performances en calcul sur les entiers.
On pourrait objecter que l’utilisation de ces procédures, parce qu’efficace et moins couteuse
qu’un recours « conscient » à la décimalité de la numération, n’est pas révélatrice d’une
absence de disponibilité de celle-ci. On peut en effet penser que l’élève a à sa disposition
plusieurs « outils » (les « astuces » de calcul, la connaissance de la décimalité de la
numération) et qu’il utilise celui qui lui semble approprié face à la situation devant laquelle il
se trouve.
Pour lever cette objection, je souhaite vérifier que ces « astuces » constituent bien des
théorèmes en acte21
qui se sont substitués à une véritable connaissance de la décimalité : ces
théorèmes-élèves sont jugés comme « vrais » par eux et mis en œuvre dans différentes
situations (calcul posé et calcul mental). Cependant, ils ont un champ de validité restreint et
produisent des résultats erronés hors de ce champ de validité. Je confronte donc les élèves à
une situation où ces « astuces » sont mises en défaut.
Je propose le calcul « débrouillard »22
suivant inspiré du travail de Philibert Clapponi23
: « Tu
peux vérifier avec la calculatrice que 123 + 458 = 581. Donne les résultats suivants
seulement quand tu peux le faire pratiquement sans calcul ni sans la calculatrice mais en
utilisant 123 + 458 = 581. Explique comment tu fais. » (cf. annexe 4)
« 12300 + 45800 = ………… »
Louna
Louna utilise l’astuce de l’« ajout » des zéros pour déterminer la somme 123 centaines + 458
centaines à partir de la connaissance de la somme 123 + 458.
Cependant,
20
J’utilise cette expression en référence à la remarque d’un élève qui m’a expliqué qu’il était « astucieux » parce qu’il ajoutait des zéros pour multiplier par 10, 100 ou 1000. 21
Joël Briand et Marie-Claude Chevalier, Les enjeux didactiques dans l’enseignement des mathématiques, p 116 22
Je reprends là le joli terme utilisé par l’équipe ERMEL. 23
Petit x n°43 - 1996
15
« 1203 + 4508 = ………… »
Louna continue à utiliser l’astuce de l’ajout de zéro alors même qu’elle est face à une
situation inédite dans laquelle cette astuce n’est pas valide. Elle met « comme c’est présenté »
c’est-à-dire qu’elle traite les chiffres du nombre sans tenir compte de la valeur de chacun.
D’autres élèves « habillent » cette astuce du vocabulaire de désignation des classes : Julien,
par exemple, justifie sa procédure en expliquant qu’« on enlève les dizaines ».
Des théorèmes-élèves (« ajouter des zéros », « décaler ») semblent donc bien s’être substitués
à la connaissance de la décimalité de la numération.
Un savoir non-disponible et non-fonctionnel
Ainsi, à l’aune des résultats de l’évaluation « trombones » et de l’analyse des erreurs des
élèves en calcul posé et en calcul réfléchi, ma première hypothèse semble validée : la
numération décimale de position, dont l’enseignement formel a débuté au cycle II, n’est pas
pleinement installée à l’entrée au CM2. Même si l’aspect positionnel de la numération semble
acquis, la connaissance de son aspect décimal, essentiel dans la compréhension des techniques
opératoires, n’est, pour la plupart des élèves,
- ni un savoir disponible : il ne permet pas de résoudre des problèmes en mobilisant
cette notion lorsque celle-ci n’est pas explicite ;
- ni un savoir fonctionnel au service du sens des techniques utilisées en calcul posé et
réfléchi.
Mon propos n’est pas ici d’en rechercher les raisons même si des pistes d’explication se
trouvent dans certains travaux sur le sujet :
- Véronique Parouty constate que c’est plus globalement la numération décimale de
position qui n’est pas « un objectif prioritaire dans l’enseignement mathématique »
pour nombre d’enseignants du cycle 3 qui considèrent celle-ci comme étant « l’affaire
du cycle 2 ».
16
- Nadine Bednartz et Bernadette Janvier24
examinent les caractéristiques de
l’enseignement de la numération habituellement pratiqué dans les classes et identifient
sept caractéristiques qui vont engendrer des difficultés pour les élèves. Elles
soulignent en particulier que « l’enseignement de la numération est détaché de celui
des quatre opérations »
- Frédérick Tempier25
, s’appuyant sur un examen attentif des évaluations nationales
récentes et de trois manuels utilisés au CE2, souligne quant à lui que les unités de la
numération n’y apparaissent que pour nommer les rangs dans l’écriture en chiffres des
nombres mais que « les relations entre ces unités ne sont pas un enjeu pour
l’enseignement »26
.
IV. Quelle re-médiation proposer ?
Face aux erreurs des élèves, plusieurs types de « traitement » peuvent être « appliqués » :
- renvoyer la responsabilité de l’erreur à l’élève et recommencer les explications qu’il
n’a pas faites siennes, dans une vision transmissive de l’enseignement
- affiner l’analyse des erreurs pour déterminer l’étape que l’élève a « ratée » et lui
proposer un entrainement gradué ou de nouvelles explications (vision behavioriste)
- accepter l’erreur comme « l’effet d’une connaissance antérieure qui avait son intérêt,
ses succès mais qui, maintenant, se révèle fausse ou simplement inadaptée »27
.
J’adopte cette troisième vision en considérant l’erreur non comme un accident de parcours à
éviter mais comme un passage nécessaire avec lequel il faut faire avec (pour aller contre)28
.
Les élèves de CM2 n’ont pas pleinement acquis la décimalité de notre système de numération.
Or, comme la lecture des programmes l’a révélé, cet apprentissage, ébauché au cycle I, est
formellement visé dès le cycle II. Il s’agit donc maintenant de construire un dispositif
permettant à l’élève de « s’approprier des connaissances après qu’un premier enseignement
ne lui a pas permis de le faire, dans les formes attendues »29
. J’élabore donc une « re-
24
Nadine Bednartz et Bernadette Janvier, La numération, Grand N n° 33 et 34 25
Frédérick Tempier, Une étude des programmes et manuels sur la numération décimale au CE2, Grand N n°86 26
Frédérick Tempier, Une ingénierie didactique de développement sur la numération décimale, Actes des journées mathématiques 2011 – ENS de Lyon - IFE 27
Guy Brousseau cité par Roland Charnay, De l’analyse d’erreurs en mathématiques aux dispositifs de remédiation 28
Je reprends ici la formule utilisée par Gérard de Vecchi et André Giordan à propos des conceptions des élèves (op. cit.) 29
Roland Charnay, De l’analyse d’erreurs en mathématiques aux dispositifs de remédiation
17
médiation » c’est-à-dire un dispositif didactique qui vise une nouvelle médiation entre le
savoir et l’élève.
En m’appuyant sur les travaux de Régine Douady30
, je suis amené à prendre en considération
l’aspect outil et l’aspect objet de la décimalité de la numération. C’est un outil lorsque nous
nous focalisons sur l’usage qui en est fait pour résoudre un problème. « Un outil est engagé
par quelqu’un, dans un contexte problématique, à un moment donné. »31
. Nous parlons
d’objet pour désigner le savoir mathématiquement défini, indépendamment de ses usages.
Une notion mathématique intervient comme outil de résolution de problème, puis elle est
reconnue et étudiée en tant que savoir officiel (objet) et enfin, elle intervient à nouveau
comme outil dans d’autres problèmes. Je choisis de construire cette re-médiation en ayant le
souci d’un tel dialogue dialectique entre l’aspect outil mathématique (au service de la
résolution de problèmes et de la construction du sens des techniques opératoires) et l’aspect
objet de la décimalité de la numération.
Cette re-médiation s’appuie sur trois domaines : la résolution de problème (dans une optique
d’apprentissage par la résolution de problème), la technique opératoire de la division dont la
re-découverte est l’occasion de faire appel aux connaissances sur la décimalité de la
numération et enfin le calcul mental comme espace de sollicitation et de renforcement de ces
connaissances.
Construire la décimalité de la numération en résolvant des problèmes
Je me fixe ici pour objectif de faire (re)découvrir l’intérêt d’organiser une collection selon des
groupements réitérés de 10 pour dénombrer rapidement et efficacement. Je construis donc une
situation-problème qui s’appuie sur la classe des situations proposées par ERMEL : « les
fourmillions » (CP), « les cahiers » (CE1), « les craies » (CE2), « les trombones » (CM1) et
« les tickets de cantine » (CM2). Il s’agit d’amener chaque élève à déterminer le nombre
d’éléments d’une collection en s’appuyant sur des groupements successifs par 10.
Je souhaite ainsi utiliser l’une des fonctions des problèmes décrites par Jacques Douaire et
Fabien Emprin32
: « [confronter] l’élève à des situations qui lui permettront en franchissant
un obstacle ou en réinvestissant des connaissances dans des contextes variés d’acquérir une
compétence visée ». 30
Régine Douady, Des apports de la didactique des mathématiques, Repères IREM n°6 31
ibid. 32
Le nombre au cycle 3, op.cit. (article « Résolution de problèmes »)
18
Pour le cycle III, ERMEL propose des supports dessinés sur lesquels l’organisation des
collections est déjà – partiellement - faite. Je choisis quant à moi de confronter les élèves, par
groupe, à une collection réelle, non organisée, afin de pouvoir les laisser mettre en œuvre des
procédures personnelles, puis de faire évoluer la situation pour que la procédure experte soit
le recours à la décimalité de la numération de position (groupement par 10). Je fais en effet
l’hypothèse que le recours aux groupements réitérés n’est pas si « naturel » que cela, même
pour des élèves de CM2.
Etape 1
Dispositif : chaque groupe (6 à 7 élèves) se voit confier une bassine contenant plus de 3000
trombones.
Tâche : le groupe doit déterminer le nombre précis de trombones contenus dans la bassine.
Contrainte : elle est double : le groupe (chaque membre du groupe devra « faire quelque
chose ») et le nombre important de trombones qui devrait amener à des procédures
alternatives au comptage.
Procédures mises en œuvre :
- chaque élève prend un tas de trombones qu’il commence à compter
consciencieusement. Un ou plusieurs élèves utilise son cahier de brouillon pour y
inscrire les nombres correspondant au cardinal du tas. Lorsque tous les tas sont
comptés, une addition permet de connaître le nombre de trombones de la bassine.
- un seul groupe (groupe A) a recours au groupement par 10 pour organiser la collection
(tas ou colliers de 10 trombones). Les tas et les colliers sont disposés sur la table. Un
comptage de 10 en 10 permet de connaître, à la fin, le nombre total de trombones
Mise en commun : un temps collectif permet de faire expliciter par les différents groupes les
procédures utilisées. A cette étape, aucune des procédures ne s’avère plus efficace l’une que
l’autre.
Je fais ensuite évoluer la situation.
Etape 2
Dispositif : il est semblable à celui de la première étape. Cependant, chaque groupe reçoit un
bon de commande sur lequel est inscrit un nombre de trombones à préparer (par exemple
1534).
19
Tâche : chaque groupe doit, le plus rapidement possible, préparer la commande.
Procédures mises en œuvre :
- dans les trois premiers groupes, les élèves dénombrent des trombones jusqu’à ce qu’ils
obtiennent collectivement le nombre inscrit sur le bon de commande. Les rôles sont
répartis : pour un groupe, un seul élève dénombre, les autres observent. Pour les autres
groupes, chaque membre doit prendre un nombre donné de trombones (100 ou 200).
- le groupe A compte de 10 en 10 pour arriver au nombre inscrit sur le bon de
commande.
Mise en commun :
Le temps collectif permet d’identifier la procédure du groupe A comme plus efficace que les
autres. C’est en effet le groupe qui a terminé le premier. Un élève (du groupe ayant cherché
des tas de 100 trombones) propose également de l’améliorer en faisant aussi des paquets de
100 et des paquets de 1000.
Etape 3
Une troisième étape est engagée en mettant à disposition des groupes des enveloppes blanches
et des pochettes marron. Il est demandé aux groupes d’organiser leur collection de trombones
pour pouvoir préparer presque instantanément les commandes. Tous les groupes organisent
les trombones en groupements de 10 (colliers), de 100 (enveloppes blanches contenant 10
colliers) et de 1000 (pochettes marron contenant 10 enveloppes). La préparation des
commandes est rapidement effectuée par tous les groupes.
Mise en commun - Institutionnalisation
Une nouvelle phase collective permet les échanges entre les élèves : ceux-ci constatent
l’efficacité de cette organisation de la collection pour préparer rapidement la commande. Ils
font le lien entre cette organisation de la collection et l’écriture en chiffres du nombre inscrit
sur le bon de commande, chaque rang correspondant à un groupement : « c’est facile, les
colliers, c’est les dizaines ! »
Il s’agit maintenant d’institutionnaliser cette connaissance, c’est-à-dire de la faire passer « de
son rôle de moyen de résolution d’une situation (...) à un nouveau rôle : celui de référence
pour des utilisations futures. »33
33
Guy Brousseau, Glossaire
20
La procédure de groupements réitérés par 10 est validée et instituée comme procédure experte
pour connaître le cardinal d’une collection. Le vocabulaire « dizaine », « centaine »,
« millier » est alors identifié comme formalisation de ces groupements réitérés (« une dizaine,
c’est un groupe de 10 unités, une centaine, c’est un groupe de 10 dizaines… »). Le matériel
utilisé pour faire les groupements réitérés prend place sur le « tableau de numération »34
, afin
de symboliser le lien entre la décimalité et l’aspect positionnel de la numération :
Milliards Millions Milliers Unités
C D U C D U C D U C D U
Etape 4
Plusieurs situations similaires sont ensuite proposées par groupe de deux avec le matériel
construit précédemment. Dans un premier temps, il s’agit que chacun s’approprie
l’organisation de la collection en groupements réitérés par 10.
Je fais rapidement évoluer la situation en limitant le matériel à disposition (absence d’un des
groupements) : par exemple, il faut préparer 1524 trombones en ne disposant que de pochettes
marron (milliers), d’enveloppes (centaines) et de quelques trombones seuls (unités). Je
souhaite ainsi que les élèves perçoivent bien la centaine comme un groupement de 10 dizaines
et non comme une entité figée : ils peuvent ouvrir une enveloppe blanche pour y prendre les
10 colliers afin de préparer la commande demandée.
Ces différentes étapes, construites volontairement autour d’un matériel concret, constituent un
ensemble de situations auxquelles les élèves peuvent faire référence. Le matériel construit à
cette occasion est également proposé lors de l’étape suivante à certains élèves dans une
optique de différenciation pédagogique. Cependant, il me semble important d’« amener
l’élève à dépasser le simple stade de l’action afin de s’engager dans un processus de
conceptualisation »35
.
34
Dans la classe, il s’agit d’un référent collectif et non d’un support individuel sur lequel les nombres sont écrits. 35
Le nombre au cycle 2, op. cit.
21
Etape 5
Des problèmes (cf. annexe 6) sont proposés par écrit individuellement en reprenant les
situations vécues précédemment (ou en s’appuyant sur d’autres collections : craies, feuilles de
papier, cahiers…). Ils conduisent l’élève à lire directement le nombre de groupements d’un
rang donné (par exemple : centaine) dans l’écriture chiffrée
Il y a 7832 trombones sur la table. Combien de sachets vais-je réaliser pour
organiser ma collection ? (un sachet contient 100 trombones).
Sont aussi proposés des problèmes décontextualisés (Combien de paquets de 100 dans … ?)
puis d’autres faisant appel au nom des classes (Combien de centaines dans … ?).
Cette séquence a constitué une nouvelle médiation avec la décimalité de la numération en
posant d’abord comme outil mathématique les groupements réitérés par 10, en
institutionnalisant le savoir au moyen du tableau de numération puis en réutilisant ces
connaissances dans de nouveaux problèmes contextualisés (même contexte ou contextes
différents) et non-contextualisés.
Cette médiation a-t-elle été efficace ?
Plusieurs mois après, en période 4, on peut constater (cf. annexe 6) que la décimalité de la
numération est
- un outil mathématique disponible :
- la totalité des élèves fait référence aux groupements par 10 pour dénombrer une
collection importante d’objets :
- les deux tiers sont capables de lire directement le nombre de groupements par 10 dans
l’écriture chiffrée (problème avec contexte).
- un objet mathématique connu : les trois quarts savent répondre à des questions du type
« Dans 6521, combien y a-t-il de dizaines ? ».
22
Cependant, pour permettre à ce savoir d’être vivant et disponible, il a été l’objet d’autres
sollicitations en particulier dans le domaine du calcul posé.
Réinvestir en donnant du sens à la technique opératoire de la division
Comme nous l’avons vu plus haut, il existe un lien fort entre la connaissance des nombres et
les techniques opératoires, celles-ci utilisant les propriétés de la numération décimale de
position.
Je choisis donc de m’appuyer sur l’enseignement de la technique de la division pour renforcer
en les utilisant les savoirs des élèves sur la décimalité de la numération (groupements et
échanges). Ce parti pris me permettra également de donner du sens à cette technique
opératoire.
Je propose aux élèves la situation suivante : par groupe de 3, ils doivent se partager
équitablement une somme d’argent que je leur confie. Je leur remets donc la somme de 4122
euros sous la forme de 4 billets de 1000 euros, 1 billet de 100 euros, 2 billets de 10 euros et 2
billets de 1 euro. Très rapidement, les élèves m’indiquent qu’ils ne peuvent pas résoudre le
problème et qu’il faudrait qu’il fasse « de la monnaie ». Je leur indique que je vais jouer le
rôle du banquier mais qu’ils devront faire appel à moi le moins de fois possible.
Une phase collective permet de recenser les procédures utilisées et de comparer les résultats
obtenus. La procédure la plus efficace, c’est-à-dire celle qui a demandé de solliciter le
banquier le moins souvent, est identifiée et schématisée au tableau. Parallèlement, les règles
d’échange utilisées sont notées (1 billet de mille contre 10 billets de cent ou 100 billets de
dix…). Elles sont justifiées par les élèves en référence aux groupements réalisés pour
construire la numération décimale.
Après une seconde situation similaire vécue en groupe de 3, les élèves sont conduits à faire un
nouveau partage équitable sans avoir les billets.
Lors de la mise en commun, chaque groupe est incité à la fois à expliciter la procédure utilisée
et à justifier les échanges imaginés.
Une deuxième phase conduit les élèves, individuellement, à faire de nouveaux partages
équitables, sans matériel, en utilisant une feuille de partage (cf. annexe 7).
La disposition usuelle de la division (potence) est ensuite introduite.
23
Quelle est l’efficacité d’une telle démarche ? Nous l’avons constaté, les élèves utilisent des
théorèmes en actes (« décalage », « ajout de zéros ») pour faire des multiplications posées
sans avoir recours à des connaissances sur la décimalité de la numération. En est-il autrement
désormais pour la division ?
Plusieurs mois après la séquence sur cette technique opératoire, je demande aux élèves
d’expliquer comment Anne (élève fictive) a calculé cette division :
9 8 6 3 4
1 8 2 4 6 5 2 6 2 3
3
Julien
Louna
La formulation utilisée par ces élèves privilégie l’aspect mécanique de la technique (« on
descend », « on abaisse ») ce qui révèle que celle-ci est construite, maîtrisée et relève de
l’automatisme. Cependant, la référence à la numération décimale (« 18 centaines », « nombre
de dizaines ») pour expliquer cette technique montre que les élèves perçoivent désormais les
chiffres en fonction de la valeur que leur position leur attribue. Il s’agit là d’une évolution
significative par rapport à ce que nous avions pu constater en début d’année à propos de la
technique opératoire de la multiplication.
Cependant, à ce stade, il serait illusoire de penser que les théorèmes-élèves (« ajout de
zéros ») ont été abandonnés au profit de procédures s’appuyant exclusivement sur la
connaissance de la décimalité de la numération.
24
Faire avec pour aller contre les théorèmes-élèves en calcul mental
Comme le soulignent Denis Butlen et Pascale Masselot36
, le calcul mental est « un domaine
privilégié pour développer les compétences numériques des élèves ».
Au cycle III, la progression publiée en janvier 2012 identifie les compétences suivantes :
- Mémoriser et mobiliser les résultats des tables d’addition et de multiplication.
- Calculer mentalement des sommes, des différences, des produits.
- Multiplier mentalement un nombre entier ou décimal par 10, 100, 1 000.
- Estimer mentalement un ordre de grandeur du résultat.
- Diviser un nombre entier ou décimal par 10, 100, 1 000.
Je choisis de m’appuyer sur la multiplication d’un nombre entier par 10, 100, 1000 pour
amener les élèves à réutiliser et à conforter leurs connaissances sur la décimalité de la
numération.
En demandant aux élèves comment ils font pour multiplier mentalement par une puissance de
dix, j’identifie deux procédures largement utilisées :
- l’une consiste à avoir recours à l’algorithme écrit de la technique de la
multiplication (« je pose dans ma tête »)
- l’autre, plus astucieuse mais au domaine de validité limité, repose sur le théorème-
élève de « l’ajout de zéros » (« pour multiplier par 10, j’ajoute un zéro »).
Pour faire évoluer la première, qui est très couteuse mais rassurante pour les élèves car
universelle, je leur propose un entrainement quotidien permettant de « routiniser » une
procédure reposant sur l’utilisation des désignations des groupements par 10 de la numération
décimale : ainsi, n x 10 sera identifié comme « n dizaines », m x 100, « m centaines », p x
1000, « p milliers ». La référence au tableau de numération, « reconstruit » à l’occasion des
situations trombones et surtout l’aisance qu’ils ont acquise à « jongler » avec les groupements
réitérés par 10, permet de donner à cette procédure une efficacité bien supérieure à la
procédure utilisée initialement. Les élèves l’adoptent assez rapidement.
Quant à la seconde, la difficulté réside dans le fait qu’elle est valide (dans le domaine des
nombres entiers) et qu’elle a été en quelque sorte « institutionnalisée » comme procédure
efficace par certains enseignants les années précédentes. Il semble donc très difficile de
construire un dispositif conduisant les élèves à l’abandonner. Pourtant, elle amène à des
résultats erronés lorsqu’on tente de l’appliquer aux nombres décimaux. Ainsi, les résultats des
évaluations 6ème
de 200737
indiquent que 89% des élèves réussissent à calculer mentalement
36
article « Calcul et conceptualisation » in « Le nombre au cycle III », op cité 37
in « Les nombres décimaux dans le cadre d’une liaison école-collège » - IREM Orléans – septembre 2009
25
23 x 10 (la technique de l’ajout du zéro est efficace) mais que seuls 31% réussissent pour 35,2
x 100 (la technique de l’ajout des zéros aboutissant à 35,200 ou 3500,2 voire 35200). Je
choisis donc de « faire avec pour aller contre » c’est-à-dire de m’appuyer sur ce domaine de
non-validité pour amener les élèves à abandonner ou du moins limiter le recours à cette
procédure. Je mets ainsi en œuvre le dispositif suivant :
La classe est partagée en trois (les élèves travaillent individuellement) :
- groupe A : les utilisateurs de la procédure d’ajout de zéros disposent d’une liste de
calculs à effectuer mentalement (du type 10n x d avec d, fraction décimale
exprimée sous la forme d’un nombre à virgule) dont 10 x 2,1
- groupe B : des élèves doivent calculer « 10 fois
» [la fraction
étant identifiée
comme 21 fois un dixième]
- groupe C : d’autres élèves disposent de 10 fois « 2 bandes unités et 1 dixième »
[les fractions ayant été introduites dans un contexte de mesure de longueur] et
doivent indiquer combien cela fait mis « bout à bout »
Après une phase de recherche, un premier temps collectif permet de constater l’équivalence
des problèmes posés dans les trois groupes. Les élèves identifient facilement 2,1 et
comme
deux écritures d’un même nombre. Ils reconnaissent également « 2 bandes unités et 1
dixième » comme une représentation de 2,1 dans le contexte de la mesure de longueur.
Les résultats obtenus sont alors mis en commun
- pour le groupe A : 2,10 ; 20,1 ou 210 ; les élèves du groupe expliquent comment
ils ont fait (« on a ajouté des zéros mais on ne les a pas mis au même endroit »)
- le groupe B et le groupe C trouvent de façon unanime 21.
Les procédures utilisées par les groupes B et C sont explicitées :
- pour le groupe B, 10 fois 21 dixièmes = 210 dixièmes = 21
- pour le groupe C, 10 fois « 2 bandes unités et 1 dixième » = « 20 bandes unités et
10 dixièmes » = « 20 bandes unités et 1 bande unité » = « 21 bandes unités »
La procédure d’ajout de zéros est identifiée comme non valide : elle ne donne pas le même
résultat que les autres groupes qui sont eux capables de montrer (de « prouver ») comment ils
ont fait. En prenant appui sur la procédure du groupe C, le recours au tableau de numération38
38
Le tableau de numération a été complété lors de l’introduction des fractions décimales par des représentations du dixième, du centième et du millième comme fraction de l’unité.
26
permet d’institutionnaliser une procédure valide en utilisant les caractéristiques et le
vocabulaire de la numération décimale: « multiplier par 10, c’est transformer le chiffre des
unités en chiffre des dizaines, celui des dixièmes en chiffre des unités… »
Cette procédure est ensuite « routinisée » par un entrainement quotidien. Les élèves
simplifient sa formulation : « pour multiplier par 10, je décale les chiffres vers la gauche ».
Ce dispositif a-t-il conduit tous les élèves à abandonner le recours aux « ajouts de zéros » au
profit de procédures prenant appui sur une combinaison de l’aspect positionnel de notre
numération et de sa décimalité ? L’analyse des réponses fournies par les élèves à mes
demandes d’explicitation des procédures qu’ils utilisent m’amène à brosser un bilan nuancé :
certains continuent en effet à « ajouter des zéros » pour traiter les entiers. Cependant, face à
une situation qui sort du champ de validité de ce théorème-élève (« quand c’est avec des
nombres à virgule »), ils font appel aux procédures s’appuyant sur une lecture du tableau de
numération.
Il semble donc possible de travailler, par le calcul mental, sur les théorèmes-élèves qui se sont
substitués à une réelle connaissance de la décimalité du système de numération pour que les
élèves les abandonnent ou, tout au moins, pour qu’ils en réservent l’usage à leur champ de
validité.
27
Conclusion
En proposant en début de CM2 un problème de partage par une puissance de dix d’une
collection de cardinal de l’ordre du million, nous avons constaté que les élèves ne maîtrisaient
pas pleinement le système de numération sur les entiers. Ils semblent avoir acquis son aspect
positionnel mais non sa décimalité, alors même que ce système fait l’objet d’un enseignement
structuré, qui s’appuie sur des savoirs sur le nombre construits en maternelle et qui devrait
s’organiser de façon cohérente depuis le cycle 2.
Une analyse des erreurs des élèves en calcul mental et des procédures utilisées en calcul posé
nous a amené à identifier que des théorèmes-élèves se substituaient souvent à une
connaissance opératoire de la décimalité de la numération.
Fort de ces éléments et d’une vision de l’erreur comme révélatrice des conceptions de l’élève
avec lesquelles il faut « faire avec pour aller contre », nous avons élaboré un dispositif
didactique de re-médiation s’appuyant sur un dialogue dialectique outil/objet. Ce dispositif
consistait en un triptyque amenant l’élève à:
- résoudre des problèmes pour (re)construire la décimalité de la numération
- donner du sens à la technique de la division en réinvestissant son savoir sur les
groupements réitérés par 10 et les échanges
- substituer à des théorèmes-élèves des procédures valides construites sur la
connaissance de la numération
Une évaluation post-re-médiation a permis de mesurer l’efficacité de ce dispositif.
Cependant, force est de constater la persistance de certaines erreurs et l’émergence de
nouveaux théorèmes-élèves visant à intégrer le nouveau contrat didactique créé à l’occasion
du dispositif : quelques élèves ont bien perçu que le maître attendait d’eux une utilisation du
système de numération décimale mais ils n’ont pas encore construits les compétences
nécessaires à la gestion efficace de cette demande. Alors que j’ai fait le choix de construire
une re-médiation pour la classe dans son ensemble, il conviendra de poursuivre cette
recherche afin de repenser le dispositif dans une optique de différenciation pédagogique (en
empruntant par exemple les pistes tracées par Ghislaine Gueudet39
).
D’autre part, constater que la numération de position n’est pas pleinement installée en fin de
cycle 3 m’amène à chercher les conditions d’un enseignement cohérent et efficace sur les
39
Ghislaine Gueudet, Numération entière à la charnière école-collège
28
deux cycles, conformément aux programmes et aux orientations pédagogiques évoqués plus
haut. L’exemple d’ingénierie didactique développée par Frédérick Templier40
au cycle 3
pourrait être un point d’appui intéressant pour mener une réflexion sur ce sujet, dans le cadre
de conseils de cycle ou d’animations pédagogiques. De même, il serait intéressant d’examiner
dans ce cadre les perspectives ouvertes par Christine Chambris sur les relations entre
numération de position des entiers et système métrique41
.
Jean-Pierre Kahane42
constate que « nous baignons dans les nombres » et il en conclut qu’« il
nous faut absolument donner à tous les enfants les moyens de se repérer dans ce monde
numérisé. » En effet, au-delà des questions didactiques qu’il ne manque pas de poser,
l’apprentissage de notre système de numération est impératif à un exercice plein et entier de la
citoyenneté. C’est sans doute aussi un pas essentiel fait par le petit homme sur le chemin
tortueux de la métaphysique, lorsqu’il se voit effleurer pour la première fois l’infini au moyen
de dix petits signes et de quarante siècles d’aventure de la pensée humaine. Un apprentissage
difficile, il faut en convenir, « mais s'il y a une chose encore plus difficile que d'apprendre les
mathématiques, c'est de les enseigner »43
.
40
Frédérick Templier, Une ingénierie didactique de développement sur la numération décimale 41
voir l’article de Ch Chambris dans « Le nombre au cycle 3 » et son intervention lors de la Conférence nationale sur l’enseignement des mathématiques (mars 2012) 42
Jean-Pierre Kahane, op. cit. 43
ibid.
29
Bibliographie
Livres
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BRIAND Joël et CHEVALIER Marie-Claire, Les enjeux didactiques dans l’enseignement des
mathématiques, Hatier, novembre 1995
DUBOIS Colette, FENICHEL Muriel et PAUVERT Marcelle, Se former pour enseigner les
mathématiques T3 – Numération, décimaux, Armand Collin, avril 1993*
DURPAIRE Jean-Louis et MEGARD Marie (dir.), Le nombre au cycle 2, Sceren, 2010
DURPAIRE Jean-Louis et MEGARD Marie (dir.), Le nombre au cycle 3, Sceren, 2012
ERMEL INRP, Apprentissages mathématiques CP, Hatier, avril 1997
ERMEL INRP, Apprentissages mathématiques CE1, Hatier, avril 1999
ERMEL INRP, Apprentissages mathématiques CE2, Hatier, juin 2002
ERMEL INRP, Apprentissages mathématiques CM1, Hatier, février 1998
ERMEL INRP, Apprentissages mathématiques CM2, Hatier, octobre 1999
IFRAH Georges, Histoire universelle des chiffres, Robert Laffont, 1994
MELJAC Claire, Qui donc a inventé les mathématiques ?, Editions du Petit ANAE, mai
2011*
Articles
BEDNARZ Nadine et JANVIER Bernadette, La numération : les difficultés suscitées par son
enseignement, Grand N n°33, 1984
BEDNARZ Nadine et JANVIER Bernadette, La numération : une stratégie didactique
cherchant à favoriser une meilleure compréhension, Grand N n°34, 1984
BROUSSEAU Guy, Les erreurs des élèves en mathématiques, Petit x n°57, 2000*
BROUSSEAU Guy, Glossaire de quelques concepts de la théorie des situations didactiques
en mathématiques, 2003
30
CHARNAY Roland et MANTE Michel, De l’analyse d’erreurs en mathématiques aux
dispositifs de remédiation – Quelques pistes, Grand N N°48, 1990
CHARNAY Roland, A la recherche du sens, Grand N n°64, 1998*
Coll., Les nombres au collège, DGESCO, 2006
DOUADY Régine, Des apports de la didactique des mathématiques à l’enseignement,
Repères IREM n°6, janvier 1992
GUEUDET Ghislaine, Numération entière à la charnière école-collège : comment
diagnostiquer et combattre des difficultés résistantes, Bulletin APMEP, septembre 2004
KAHANE Jean-Pierre, Quelques remarques sur les nombres et leur apprentissage, Petit x
n°55, 2000
PAROUTY Véronique, Compter sur les erreurs pour compter sans erreurs, 31ème
colloque
COPIRELEM
TEMPIER Frédérick, Une étude des programmes et manuels sur la numération décimale au
CE2, Grand N n°86, 2010
TEMPIER Frédérick, Une ingénierie didactique de développement sur la numération
décimale, Actes des journées mathématiques de l’Institut français de l’Éducation, 2011
* livres et articles ayant nourri ma réflexion mais non-cités dans le corps du mémoire
Vidéo
Intervention de Christine CHAMBRIS lors de la Conférence nationale sur l’enseignement des
mathématiques (mars 2012) : http://www.canal-u.tv/
Site internet
CHARNAY Roland (dir.), Télé Formation Mathématiques
http://www.uvp5.univ-paris5.fr/TFM/
TEMPIER Frédérick, Enseigner la numération décimale
http://numerationdecimale.free.fr/
31
Annexe 1
Résultats du problème « trombones » (pré-test)
Il y a 1 203 586 trombones. On veut les ranger dans des boîtes de 100. Combien de boîtes peut-on remplir ?
Bonne réponse
Procédure utilisée
Recours à la décimalité Division Multiplication Autre44 procédure ou pas de procédure
Bastien x x
Lucie x
Nathan x x
Maïlys x
Loucas x
Ana x
Emilie x
Maxence x
Jennifer x
Romane x
Nolwenn x
Louna x
Jérémy x
Florian x x
Alison x
Axel x
Alizée x
Marine x
Julien x
Mathis x x
Pernelle x
Louanne x
Alexis x
Noé x x
Charly x
Lucy x
Dorian x x
Tifaine x
6 2 8 9 9
44
combinaison avortée de procédures (multiplication, division, additions réitérées)
32
Annexe 2
Résultats des dictées de grands nombres et de problèmes de comparaison (pré-test)
Dictée de grands
nombres Comparaison de grands nombres
Bastien x x
Lucie x x
Nathan x x
Maïlys x x
Loucas x x
Ana x x
Emilie x x
Maxence x x
Jennifer x x
Romane x
Nolwenn x x
Louna x x
Jérémy x
Florian x x
Alison
Axel
Alizée x x
Marine x x
Julien x x
Mathis x x
Pernelle x
Louanne x x
Alexis
Noé x x
Charly x
Lucy x x
Dorian x x
Tifaine x
22 23
Dictée de grands nombres : au moins 7 nombres correctement écrits sur 10
Comparaison de grands nombres : au moins 4 bonnes réponses sur 5
33
Annexe 3
Justification de la ligne « 2640 » dans le calcul posé 132 x 27
Justification donnée par l’élève* justifie 20 x
132 justifie uniquement
2 x 132 on pose le
zéro autre
Bastien on met le zéro et on fait 132x2 x
Lucie on reprend le même système en bas mais on rajoute un
zéro x
Nathan parce que c’est le résultat de 2x2, 2x3, 2x1 x
Maïlys parce qu’il a multiplié 132x20=2640 x
Loucas 132x20=2640 x
Ana parce que c’est le résultat de multiplier par 2 x
Emilie Jean a écrit 2640 car 132x2 x
Maxence 2640 est le résultat de 2x132 + le 0 avant x
Jennifer parce que c’est le résultat de 132x2 x
Romane parce que c’est le résultat de 132x2 ça fait 2640 car on
a placé le zéro x
Nolwenn parce que c’est le résultat de 2 x 132 x
Louna parce que c’est le résultat comme 924 x
Jérémy parce que 132x2=2640 x
Florian Il a multiplié 2x132 ce qui a donné 264 mais on doit
mettre un zéro x
Alison [pas de réponse] x
Axel 2x2=4 2x3=6 2x1=2 ça donne 2640 x
Alizée Jean a écrit 2640 parce que 132x2=264 mais il faut
décaler le zéro 2640 x
Marine Il a d’abord écrit le 0 de la dizaine et il a fait 2x132 et
c’est égal à 2640 x
Julien on pose le zéro, 2x2 = 4 je pose le 4, 2x3=6 je pose le
six, 2x1=2 je pose le 2 x
Mathis 2640 est le résultat de 20x132. C’est plus facile quand
on décompose. x
Pernelle Il a écrit 2640 car c’est pour qu’on additionne 924+2640
C’est le résultat de la multiplication x
Louanne Jean a écrit 2640 parce que c’est le résultat de la
multiplication 132x2 x
Alexis car il faut à chaque fois mettre le 0 x
Noé Jean a écrit 2640 car c’est le résultat de 2 x 132 x
Charly 2640 c’est 2x132 x
Lucy parce que c’est le résultat de 132x2 x
Dorian Jean a fait pareil pour le 2 x
Tifaine On met le 0 et 132x2=2640 x
3 12 10 3
* orthographe corrigée
34
Annexe 4
Résultats du calcul « débrouillard »
Trouver 12300 + 45800 à partir de 123+458 Calculer 1203+4508 à partir de 123+458
Bonne
réponse Justification
Réponse utilisant l’ « ajout de zéro » : 5801
Justification
Bastien x Ø Ø
Lucie x je calcule en ligne Ø Ø
Nathan x j’ai calculé x j’ai calculé
Maïlys x on rajoute les dizaines et les
unités x
on met un zéro aux dizaines
Loucas x Ø Ø
Ana x on fait 12300+45800 x Il faut mettre un 0 une
dizaine
Emilie x Ø x Ø
Maxence x j’ai calculé en ligne Ø Ø
Jennifer x c’est des centaines x on place un zéro entre le 8
et le 1
Romane (absente)
Nolwenn x on calcule en ligne Ø Ø
Louna x + 2 zéros x je mets un zéro
Jérémy x Ø x Ø
Florian x 581 centaines Ø Ø
Alison Ø Ø Ø Ø
Axel x j’ai rajouté 00 x j’ai rajouté 1000
Alizée x j’ai calculé en ligne x Ø
Marine x j’additionne dans ma tête x Ø
Julien x Ø x on enlève les dizaines
Mathis x 123 centaines + 458 centaines Ø Ø
Pernelle x Ø x Ø
Louanne x Ø x Ø
Alexis Ø Ø Ø Ø
Noé x on rajoute deux 00 Ø Ø
Charly x Ø x Ø
Lucy x on ajoute 45+12=57 et
300+800=1100 Ø Ø
Dorian x j’ai fait de tête x j’ai fait de tête
Tifaine x Ø x Ø
25/27 16/27
35
Annexe 5
Résultat du post-test en période 4
« On dispose de beaucoup d’objets. On veut savoir
exactement combien on en a. Comment faire ? »
Recours aux groupements réitérés par 10
Problème « trombones » « Dans 6521,
combien y a-t-il de dizaines ? » Bonne réponse
Bonne réponse
Procédure utilisée
Recours à la décimalité*
Division Multiplication Pas de trace
de procédure
Bastien x x x
Cet
te p
rocé
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.
x
Lucie x x
Nathan x x x
Maïlys x x x x
Loucas x x x x
Ana x x x x
Emilie x x x x
Maxence x x x x
Jennifer x x x x
Romane x x x x
Nolwenn x x x x
Louna x x x x
Jérémy x x
Florian x x x x
Alison x x
Axel x x
Alizée x x x
Marine x x x
Julien x x x x
Mathis x x x x
Pernelle x x x
Louanne x x x
Alexis x Ø x
Noé x x x x
Charly x x
Lucy x x x
Dorian x x x x
Tifaine x x x x
28 17 14 + 6 2 6 21
* 6 élèves ont recours aux propriétés de la numération mais ne donnent pas la réponse attendue : ils utilisent des
procédures s’appuyant sur des théorèmes-élèves erronés comme par exemple « enlever le chiffre des centaines »
A noter que 4 élèves donnent la réponse attendue sans fournir d’explication.
36
Annexe 6
Exemple de problèmes utilisés dans la séquence sur les trombones
Problème avec contexte
Dans le magasin Scolpac, on range les cahiers avant de les expédier.
On met 10 cahiers dans un sachet.
On met 10 sachets dans un carton.
Et on met 10 cartons sur une palette.
1/L’école de Chaillevette a commandé 2 385 cahiers.
L’employé chargé de cette commande commence à ranger.
a) Il a fini les sachets. Combien en a-t-il fait ?
b) Il fait maintenant les cartons. Combien en a-t-il fait ?
c) Enfin il met sur palette les cartons. Combien a-t-il rempli de palettes ?
2/ Un autre employé a traité la commande de l’école de St Augustin qui a commandé 5024
cahiers.
Combien a-t-il fait de sachets ? de cartons ? de palettes ?
3/ L’école de St Palais a reçu 5647 cahiers rangés en sachets, cartons et palettes.
Il leur restait dans l’école 5 cartons et 2 cahiers.
Combien ont-ils de cahiers en tout?
4/ L’école de Mornac avait commandé 4200 cahiers. Ils ont déjà utilisé 6 cartons et 3 sachets.
Combien leur reste-t-il de cahiers ?
37
Annexe 7
Feuille de partage
Je dois partager : ______________ entre __
M C D U
Je partage ________ billets de M Je donne ________ billets de M à chacun et il me reste _______ billets de M.
Je vais chez le banquier. Il me donne ________ billets de C.
Je partage ________ billets de C Je donne ________ billets de C à chacun et il me reste _______ billets de C.
Je vais chez le banquier. Il me donne ________ billets de D.
Je partage ________ billets de D Je donne ________ billets de D à chacun et il me reste _______ billets de D.
Je vais chez le banquier. Il me donne ________ billets de U.
Je partage ________ billets de U Je donne ________ billets de U à chacun et il me reste _______ billets de U.
Résultat du partage : _________________ à chacun, reste ______