Cycles d'investissement et financement des entreprises · Cycles d'investissement et financement...

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Monsieur François Mader Cycles d'investissement et financement des entreprises In: Economie et statistique, N°95, Décembre 1977. pp. 3-21. Citer ce document / Cite this document : Mader François. Cycles d'investissement et financement des entreprises. In: Economie et statistique, N°95, Décembre 1977. pp. 3-21. doi : 10.3406/estat.1977.3102 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/estat_0336-1454_1977_num_95_1_3102

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Monsieur François Mader

Cycles d'investissement et financement des entreprisesIn: Economie et statistique, N°95, Décembre 1977. pp. 3-21.

Citer ce document / Cite this document :

Mader François. Cycles d'investissement et financement des entreprises. In: Economie et statistique, N°95, Décembre 1977.pp. 3-21.

doi : 10.3406/estat.1977.3102

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/estat_0336-1454_1977_num_95_1_3102

RésuméCycles d'investissement et financement des entreprises - Une étude portant sur 250 firmes suivies entre1964 et 1974 par la Centrale des bilans du Crédit National a permis de classer les firmes non pas enfonction de leurs caractéristiques financières ou de leur appartenance sectorielle mais de leurs rythmesd'investissement. Grâce à l'analyse factorielle en composantes principales et à certaines hypothèseséconomiques sur le comportement des entreprises, quatre grandes catégories de firmes ont étédéfinies : celles qui suivent la tendance générale de croissance, que ce soit des firmes motrices ou desfirmes freins, celles qui suivent un cycle plus original, celles qui sont sensibles à la conjoncture et enfindes entreprises en difficulté au profil très heurté. Il est alors intéressant de remarquer qu'à l'amorce dela crise les cycles d'investissement des trois derniers groupes se trouvent en phase, ce qui aggrave latendance dépressive générale.

AbstractInvestment and Financing Cycles in Businesses - A study of some 250 businesses between 1964 and1974 carried out by the Center for balance Reports of the « Crédit National » permitted the classificationof firms by the rhythms of their investments, rather than in function of the financial characteristics or thesector location. Thanks tofactoral analysis using principal components analysis and certain economichypotheses on the behaviour of businesses, four large categories were defined for investment strategy :those that follow the general tendency towards growth, whether 'motor' firms, or firms that 'break'; thosethat follow a more unusual cycle; those that are sensitive to the actual economic situation; thosebusinesses in trouble with a highly contrasting profile. It is also interesting to note that at the beginningof the crisis, the cycles of investment of the last three types of firms are in phase, aggravating thegeneral tendency towards depression.

ResumenCiclos de inversion y financiaciôn de las empresas - Un estudio, el cual abarca 250 empresasexaminadas entre 1964 y 1974 por la « Centrale des bilans du Crédit National » (Central de losBalances del Crédito Nacional) facilitó la clasificación de las empresas, no en funciôn de suscaracterísticas financieras o de su pertenencia sectoral, sino a razón de sus ritmos de inversion.Merced al análisis factorial en componentes principales y a algunas hipótesis económicas relativas alcomportamiento empresarial se definieron cuatro grandes categorias de empresas, o sea : las que vansiguiendo la tendencia general de crecimiento, bien sea empresas motrices o empresas f renés; las quevan siguiendo un cicló más original; las que se verifican sensibles a la coyuntura y, final mente, lasempresas que se hallan en posición dificultosa y cuya evolución presenta muy vivos contrastes.Resulta entonces interesante observar que, al iniciarse la crisis, los ciclos de inversion de los tresúltimos grupos se hallaban en fase de mengua, lo cual agrava la tendencia general depresiva.

Cycles d'investissement

et financement des entreprises

par François MADER*

Marasme, conjoncture incertaine, investissements ralentis : les entrepreneurs, rendus méfiants par la récession de 1974-1975, guettent une éventuelle issue à cette période terne qui fait suite à l'expansion régulière d'après-guerre. Comment comprendre cette brusque cassure dans le développement des firmes? Pour essayer d'expliquer l'évolution des taux de croissance du capital indépendamment de l'appartenance sectorielle des firmes, l'auteur utilise un échantillon de 250 entreprises suivies par le Crédit national entre 1964 et 1974. Au-delà de la dispersion des situations individuelles, il s'agissait de dégager par ordre d'importance des profils-types d'investissement et d'établir en quelque sorte le portrait robot des firmes qui s'en rapprochaient le plus : les firmes motrices dont le rythme d'investissement mène la croissance générale, celles dont les caractéristiques les portent à un cycle plus original, celles qui épousent les soubresauts de la conjoncture, celles enfin qui se sont laissées aller à l'optimisme général de 1969. Trois profils-types sur quatre semblent évoluer de façon cyclique. Même si la période observée est trop courte pour l'affirmer avec certitude, il est quand même remarquable qu'à l'amorce de la crise, les cycles se soient retrouvés en phase de sorte que la tendance dépressive générale a été aggravée.

L'économie française est entrée en récession au milieu de l'année 1974 : les entreprises industrielles ont dès cette époque enregistré un brusque ralentissement de leurs ventes et un stockage excessif de produits finis qui a entraîné un alourdissement de leur trésorerie. A la fin de 1 974 et au début de 1975, elles ont réduit leurs programmes d'équipement afin d'adapter leur capacité de production à l'atonie de la demande. Les pouvoirs publics ont alors pris des mesures pour relancer l'activité économique, notamment en stimulant l'investissement des entreprises. Ces mesures, principalement fiscales et financières ont, semble-t-il, favorisé la vive reprise des investissements et de la production qui s'est manifestée durant les derniers mois de 1975 et les tous premiers mois de 1976. Toutefois, la tendance s'est à nouveau inversée à l'été 1976 et la fin de l'année s'est caractérisée, comme l'ont montré les indicateurs de l'INSEE, par la stagnation de la production industrielle et des investissements du secteur concurrentiel. Cette situation ne s'est pas modifiée jusqu'à aujourd'hui. La poussée des investissements observée à la fin de 1975 s'explique vraisemblablement par le fait que les industriels ont réalisé par anticipation des programmes d'équipement initialement prévus pour 1976, dans le dessein de bénéficier des avantages octroyés par l'État. Dès lors, le « multiplicateur d'investissement» n'a pas joué son rôle : on n'a pu observer ni un accroissement net de l'investissement, ni par conséquent les effets en chaîne dans le reste de l'économie provoqués par une hausse de l'emploi ou des commandes de biens d'équipement. Les

cultés des entreprises dont l'activité se ralentit paraissent au contraire durables. Les raisons en sont évidemment multiples.

Ainsi la récession s'explique en partie par des phénomènes économiques et monétaires extérieurs puisqu'elle est mondiale, mais elle tient sans doute aussi à certaines caractéristiques du système productif français. Il a été dit, en particulier, que les firmes françaises étaient déjà trop endettées et ne dégageaient pas assez d'autofinancement pour investir. Il est vrai que le niveau de l'endettement est, d'une manière générale, assez élevé en France, mais cela n'a pas empêché les entreprises d'emprunter au plus fort de la crise, leur taux d'endettement à plus d'un an, qui s'était stabilisé à 49 % de 1 972 à 1 974, étant passé à 61 % en 1 975 [1]. Or, dans le même temps, les investissements productifs ont diminué en valeur de 1 % alors que le fonds de roulement net, c'est-à-dire les capitaux permanents moins les valeurs immobilisées, était notablement renforcé. Il semble donc que la structure financière des firmes ne soit pas le seul facteur qui ait incité ou empêché celles-ci d'investir.

Il existe sans doute d'autres explications. On peut noter à ce sujet que la crise a frappé les sociétés françaises d'une manière très inégale : dans l'échantillon de la Centrale de bilans du Crédit National, près d'une firme sur trois a, malgré tout, réussi en 1975 à accroître le montant de ses ventes d'un taux supérieur à celui de l'inflation.

* Francois Madar «st chargé d'étudw au Crédit National.

D'une manière générale, les fabricants de biens d'équipement ont beaucoup mieux résisté que les entreprises de biens de consommation et surtout que celles de biens intermédiaires. Mais les clivages observés sont loin de correspondre aux secteurs d'activité. Si c'était le cas, les différences refléteraient seulement les écarts de la demande d'un secteur à l'autre. Il semble plutôt que les firmes aient eu un comportement différent, en période de crise, selon qu'elles se trouvaient à telle ou telle phase de leur croissance, avec les conséquences financières bien spécifiques qu'il en résultait.

Cette idée a servi de base pour rechercher et analyser les différents rythmes d'investissement qui règlent la vie des entreprises et qui déterminent les phases de développement et les pauses successives. Il a d'abord fallu repérer les divers profils de croissance des firmes, voir dans quelle mesure certaines d'entre elles faisaient preuve d'un dynamisme à toute épreuve alors que d'autres s'essoufflaient ou hésitaient par moment. La méthode qui a été employée a permis de classer les firmes, non pas en fonction de leur appartenance sectorielle ou de leurs caractères financiers spécifiques, mais en fonction des profils-types d'accumulation du capital dont elles se rapprochaient le plus. Les résultats présentés par la suite confirment qu'au-delà de la tendance générale observée jusqu'aux années récentes, il existe de véritables cycles d'investissement pour un certain nombre d'entreprises, dont les incidences financières sont non négligeables. Enfin, il a paru intéressant de montrer comment les entreprises s'étaient comportées pendant la période de récession 1974-1975 selon le profil de développement qu'elles avaient connu dans la décennie précédente.

Des profils-types

pour l'investissement

On peut s'attendre à une relative irrégularité dans la croissance des firmes. Face à des contraintes de rentabilité de financement ou de marché, l'entreprise n'est pas toujours à même de progresser de façon continue. L'évolution des investissements des 250 entreprises de l'échantillon en témoigne largement. Pour dégager les profils-types d'accumulation du capital, c'est-à-dire synthétiser l'information, on s'est, d'une part, appuyé sur les hypothèses habituellement retenues pour décrire le comportement des firmes en la matière et, d'autre part, on a utilisé l'analyse en composantes principales, méthode relativement neutre.

Quelques hypothèses sur la politique d'investissement des entreprises

L'entreprise est un système complexe qui subit des perturbations importantes du fait de son environnement (marché, fournisseurs, salariés, etc.). Celui-ci détermine une

certaine évolution des ventes ou de la rentabilité qui peut inciter la firme à prendre des décisions d'investissement. Inversement, l'entreprise agit sur l'environnement en mettant en œuvre certains équipements productifs et donc en offrant au marché une quantité supplémentaire de produits.

Schématiquement, si l'on considère la rentabilité comme variable-clé des échanges entreprise-environnement, on peut avoir l'enchaînement suivant :

Firme

I

Investissements (ent)

Environnement (marché, salariés, etc.)

I

Rentabilité (en t + k) Investissements (en t + k + k')

On peut ainsi expliquer la forme de certains profils d'investissement. Par exemple, si l'on a des investissements initiaux importants qui, en raison d'une forte demande, procurent à l'entreprise des bénéfices élevés, celle-ci sera fortement incitée à investir de nouveau. Mais, au contraire, si la demande décline juste après une phase d'investissement, le potentiel productif de la firme risque de devenir excédentaire et celle-ci n'investira plus; elle aura donc un profil d'accumulation plus irrégulier.

La réaction de l'entreprise à toute sollicitation extérieure est fonction de certaines caractéristiques propres à la firme : taille, secteur d'activité, personnalité des dirigeants, besoins en fonds de roulement, vitesse de rotation du capital fixe, indivisibilité des équipements (lorsqu'on ne peut adapter la capacité de production que de façon très discontinue), etc. Ces divers éléments modèlent le comportement d'investissement de l'entreprise.

De plus, le système financier assure une fonction de régulation du système industriel, laquelle concerne à la fois le cycle d'accumulation du capital productif (investissements) et le cycle de production-commercialisation des produits (exploitation). Ainsi, la perspective d'obtenir un crédit peut inciter un industriel à investir, mais l'octroi du prêt engendre des obligations de remboursement et de paiement d'intérêts qui peuvent entraîner un freinage des possibilités ultérieures d'investissement, sauf en cas de consolidation par un nouveau crédit.

Prêt ou crédit à plus d'un an (instant t)

Investissements (ent)

\

Remboursements + Intérêts (en t+k)

\ Diminution des investissements (en t+k)

GRAPHIQUE I

Capacité de production et cycle d'investissement

Production potentielle et demanda

EVOLUTION DE LA DEMANDE ET DES CAPACITES DE PRODUCTION

Capacités de production, avec indivisibilité "V

Capacités de production | sans indivisibilité i

tO

Investissements bruts

Temps t2

I CYCLES D'INVESTISSEMENT

I I

sans indivisibilité

H ! i

m

Phase 1

Phase 4/

.j L Temps

t2 t3 t4

De même, le système bancaire assure une fonction de régulation à court terme qui porte sur les éléments de l'exploitation courante. L'augmentation des besoins en fonds de roulement exige la mise en place de concours bancaires à court terme et ces crédits sont normalement remboursés par le produit des ventes. En fait, de nombreuses entreprises ont un déficit chronique de trésorerie, si bien que les crédits bancaires à court terme deviennent par la force des choses un facteur quasi-permanent de la politique d'investissement de la firme.

En définitive, il serait logique que, sur très longue période, les effets produits par la fonction régulatrice du système financier n'apparaissent plus, la tendance générale de la croissance étant par définition indépendante des fluctuations et ne restant soumise qu'aux seules influences du marché et de la rentabilité.

Compte tenu de ces remarques un peu théoriques, il paraît possible de définir, de façon très schématique, un

« cycle d'investissement » type, inspiré du modèle macroéconomique de l'oscillateur de Samuelson [2] et des observations de Hicks [3].

Le profil d'accumulation type d'une entreprise comporte quatre phases successives (graphique I).

• Une croissance «explosive» (phase 1) : la demande excède l'offre du produit. La firme investit conformément au principe de l'accélérateur. Le régime du marché reste celui de l'offre, c'est-à-dire que la production est entièrement absorbée. Elle génère des bénéfices qui incitent à réinvestir, de sorte que la croissance est cumulative. Pendant cette phase, les capacités de production sont utilisées à leur maximum.

• L'investissement plafonne (phase 2) : les contraintes financières viennent modérer la croissance; en particulier, l'endettement entraîne des frais financiers et des rembour-

CYCLES D'INVESTISSEMENT

GRAPHIQUE II

Un exemple : profil d'accumulation du capital d'une entreprise

Taux d'accumulation (en%)

14 12 10 8 6 4 2 Temps 1964 1965 1966 1967 1968 1969 1970 1971 1972 1973 1974

sements importants qui peuvent dissuader l'industriel de faire des investissements. Il est également nécessaire de reconstituer le fonds de roulement. • La machine se renverse (phase 3) : le régime du marché devient dominé par la demande, les capacités de production ne sont plus utilisées pleinement. L'accélérateur joue alors d'une manière négative et se manifeste comme un phénomène cumulatif poussant à la baisse des investissements. • On est au plancher (phase 4) : cette diminution s'arrête lorsqu'on atteint un seuil minimum d'investissement qui correspond grosso modo aux renouvellements courants. L'accumulation nette (après amortissements) étant nulle, les capacités de production demeurent théoriquement constantes. Le régime du marché reste dominé par une demande encore peu soutenue. Mais lorsque celle-ci augmente de nouveau et atteint un niveau tel que les capacités de production sont à nouveau saturées, on se retrouve dans la phase 1 et le régime du marché redevient celui de l'offre.

Les phases 2 et 3 peuvent être en réalité, inversées ou simultanées en fonction des différentes interactions existant entre le marché, le système financier et la politique d'investissement de l'entreprise, interactions dont les modalités sont elles-mêmes fixées par les caractéristiques internes à la firme évoquées précédemment. L'indivisibilité, par exemple, intervient pour fixer l'écart entre les seuils maximum et minimum d'investissement correspondant aux phases 1 et 4. En effet, lorsqu'on achète un bien d'équipement indivisible comme une cuve à electrolyse ou un haut fourneau, on passe brusquement du seuil minimum au seuil maximum d'investissement correspondant aux phases 1 et 4 afin que le potentiel de production corresponde à la demande; il se peut même qu'il la dépasse. Ace propos, il convient de se référer au principe de l'accélération [4], pour montrer que l'effet de seuil ou d'indivisibilité joue

tement avec la durée de vie des équipements pour accentuer « l'effet de cycle » lors de la mise en place d'un équipement, le niveau des investissements étant maintenu à un niveau très faible entre deux opérations successives (encadré p. 8).

L'analyse statistique : 250 firmes suivies pendant dix ans

Chaque entreprise a été caractérisée par son taux d'accumulation du capital, c'est-à-dire par ses investissements en immobilisations pour chaque année rapportés aux immobilisations brutes en fin d'année. Le ratio est aussi appelé taux de croissance brut du capital fixe de la firme (graphique II). Il est ainsi possible de comparer deux entreprises de taille différente, ce qui ne serait pas le cas si l'on ne considérait que la valeur absolue des investissements; mais, grâce à ce ratio, on peut surtout déterminer pour chaque entreprise et pour une période de temps donnée, un profil de croissance qui correspond à la succession des valeurs de ce taux d'accumulation calculé année après année.

L'étude a porté sur 250 firmes industrielles et commerciales (55 entreprises commerciales, 86 de biens d'équipement, 74 de biens intermédiaires, 35 de biens de consommation) qui ont été suivies pendant toute la période 1964-1974 par la Centrale des bilans du Crédit National. Pour chaque entreprise, on disposait donc de 11 taux d'accumulation annuels successifs et ces 11 variables ont été traitées à l'aide de l'analyse factorielle en composantes principales. Celle-ci permet de retrouver les grandeurs essentielles sous-jacentes aux variables de départ, en nombre plus réduit et classées par degré d'influence décroissant (encadré p. 9).

La détermination des facteurs principaux ' du taux d'accumulation permet de représenter des profils d'évolution de ce ratio (graphique III). Chaque profil-type s'applique en quelque sorte à une firme virtuelle ayant subi une évolution spécifique. La croissance sur la décennie d'une entreprise de l'échantillon est une pondération en proportion évidemment variable d'une firme à l'autre, des différents modes de croissance type. La possibilité de repérer les firmes qui se rapprochent le plus de tel ou tel profil permet de se reporter à des monographies représentatives d'entreprises pour lesquelles on dispose de toutes les variables complémentaires : bilans, comptes d'exploitation et tableaux de financement sur onze ans.

Dans cette étude ont été retenus quatre facteurs principaux que nous appelerons par la suite profil-type.

Le profil-type 1 intervient globalement pour 24 % dans l'évolution globale des investissements, c'est-à-dire qu'il explique 24 % de la variance. Il correspond à une croissance assez régulière de 1964 à 1974, mais comportant quelques périodes de ralentissement en 1967, 1972 et 1974.

1. Ce sont les vecteurs propres de la matrice d'inertie dont on repère les coordonnées dans l'ensemble de départ, c'est-à-dire à un facteur multiplicatif près les écarts des taux a la tendance moyenne pour chacune des onze années.

GRAPHIQUE III

Calendrier d'investissement sur la période 1964-1974 (4 profils-types et profil moyen)

Intensité de l'effort d'investissement 0,80 r

0,70 -

Profil-type 1 (24% de la variance)

PROFIL MOYEN (D Profil-type 3 (13% de la variance)

Profil-type 2 (15% de la variance)

i i Profil-type 4 (9% de la variance)

-0,50 1964 1965 1966 1967 1968 1969 1970 19711972 1973 1974

(1) Moyenne des taux d'accumulation de toutes les entreprises de l'échantillon pour chaque année.

Il semble refléter la tendance générale de la croissance industrielle durant ces années. Toutefois, si, pour un grand nombre d'entreprises, la pondération par rapport à cet axe est forte et donc si les profils de croissance des investissements de ces firmes ressemblent beaucoup au profil- type 1, pour certaines autres, au contraire, la pondération est voisine de zéro et les schémas d'accumulation des investissements s'apparentent beaucoup plus aux profils-types 2, 3 et 4.

Le profil-type 2 intervient globalement pour 15 %; il est très particulier puisqu'il correspond à une période de taux d'accumulation plus élevés que la moyenne en 1964- 1966, suivie d'une chute rapide et régulière de 1967 à 1974.

Le profil-type 3 qui intervient pour 13 % comprend une phase d'investissement intense de 1967 à 1969, encadrée par deux périodes de pause relative en 1964-1966 et 1970- 1974.

Le profil-type 4 intervient pour 9 %; il se caractérise par l'existence de deux pointes de fort investissement, en 1964-1965 et 1969-1971.

Les profils-types 2, 3 et 4 apparaissent beaucoup plus heurtés que le profil-type 1.

Il est assez tentant, bien que difficile sur un intervalle de onze années, de définir des périodicités d'investissement. Si l'on ne peut repérer une telle évolution pour le premier profil-type, on peut par contre pour les profils 2, 3 et 4 déterminer les cycles spécifiques de respectivement 14, puis 8 et 6 ans. La durée de ce cycle, c'est-à-dire le temps qui s'écoule avant que l'on repasse par une intensité d'investissement identique, étant obtenue par extrapolation, ces observations ne sont que partiellement justifiées. L'importance des éléments nouveaux survenus en 1975 confirmera l'impossibilité d'une interprétation trop méca- niste, c'est-à-dire d'une théorie purement endogène de ces fluctuations. Néanmoins, sans encourir de trop graves risques d'erreur, il paraît possible de parler de « cycles d'investissement » quand il s'agit des profils-types 2, 3 et 4, alors que le profil-type 1 représente plutôt la tendance générale de la croissance autour de laquelle fluctuent les autres profils, avec d'ailleurs une irrégularité assez marquée.

CYCLES D'INVESTISSEMENT

PRINCIPE D'ACCÉLÉRATION ET CAPACITÉ DE PRODUCTION

Si l'on considère comme hypothèse que les capacités de production ne peuvent être ajustées que par à-coups, le capital K

AK s'accroissant d'un rapport — égal à la croissance souhaitée K ay — de la production, l'investissement net réalisé à cette date

sera de : In = AK = K —, alors que l'investissement

de renouvellement du capital existant serait de : Ir = —, si N N est la durée de vie du capital fixe. D'où un taux de croissance

AK . , ,,. . . /n K AK momentané de I investissement brut de ; — = — == N -— =

Ir N K M .

On en déduit que l'ampleur des variations de l'investissement est d'autant plus marquée que la durée de vie des équipements est longue. Mais ce dernier facteur intervient en combinaison

AK avec l'accroissement -— du capital installé qui évolue par K AV brusques sauts, chaque fois que le rapport — dépasse certaines

limites imposant la mise en place de nouvelles capacités de production, c'est-à-dire en combinaison avec le degré d'indivisibilité.

La méthode et les résultats généraux auxquels on est parvenu, appellent quelques remarques. • Les profils individuels des entreprises sont déterminés par la combinaison entre les différents profils-types. On conçoit facilement que la croissance d'une firme particulière puisse être plus ou moins irrégulière selon les pondérations affectées à chacun de ces facteurs. Le phénomène est d'autant plus complexe que ces pondérations varient au cours du temps. C'est en analysant les coordonnées des taux d'accumulation année par année en fonction des axes factoriels que l'on peut apprécier l'influence de chaque profil-type (ou facteur principal) dans la détermination de ces ratios. Il y a là une méthode que l'on peut aisément généraliser à d'autres données intertemporelles pour mettre en évidence les éléments moteurs d'une évolution, sans opposer d'une manière irréductible la structure et la conjoncture, car la structure qui est vivante a aussi son histoire. Ainsi, si les entreprises qui ont eu un profil de croissance de leurs investissements voisin du profil-type 1 ont contribué pour l'essentiel à la progression de l'économie observée au cours de la période 1964-1974, les firmes se rapprochant du profil- type 2 et celles se rapprochant du profil-type 3 ont apporté à celle-ci un élément de dynamisme non négligeable en 1964-1967 et en 1967-1969. On aperçoit clairement ici que c'est de l'enchevêtrement des cycles d'investissements individuels que résulte la croissance globale. • En fait, le profil-type 1 détermine pour un quart environ les variations des taux d'accumulation des entreprises; cela est confirmé par l'étude du taux d'accumulation moyen de l'échantillon qui, relativement stable autour de 12%, a une évolution assez proche de celle du profil-type 1 entre

1968 et 1974. Statistiquement, il existait donc un certain déterminisme que l'on peut qualifier de macroéconomique, pour qu'une entreprise quelconque ait adopté sur la période 1964-1974 une politique d'investissement correspondant au profil 1 ; mais la marge de manœuvre reste forte puisque les trois quarts de l'évolution ne sont pas pris en compte dans cette explication.

• II faut aussi préciser que l'analyse a été effectuée sur un échantillon constant, donc sur des firmes ayant survécu entre 1964 et 1974, ce qui suppose que ces firmes ont réalisé un minimum d'investissements au cours de cette période. Il serait intéressant de savoir à quel moment du cycle se produisent les disparitions d'entreprises (faillites ou absorptions) : après une longue période de déclin des investissements ou, au contraire, comme de nombreuses indications le donnent à penser, après une phase d'accumulation rapide du capital génératrice de déséquilibres internes ?

• La méthode utilisée consiste à classer les variables, ici les taux de croissance, et à mettre en évidence des exemples types de développement d'entreprise. Elle se rapproche de celle employée par E. Huret, mais la principale différence est que l'on ne caractérise pas les entreprises par leur structure de bilan, critère statique, pour analyser les stratégies de croissance [5]. On part directement des valeurs des onze taux d'accumulation annuels pour apprécier l'impact de la croissance sur l'évolution de la situation financière, étant entendu qu'il y a probablement rétroaction de celle-ci sur la politique d'investissement.

Les résultats

Après avoir montré l'existence de politiques d'investissement nettement différenciées à l'aide d'une méthode qui résume de façon synthétique les données dont nous disposons, il s'agit d'interpréter les profils-types de croissance du capital de chaque groupe d'entreprises. Par quelles caractéristiques financières ou sectorielles peut-on expliquer les oppositions entre firmes ? Quelles furent les phases de leur développement durant cette décennie ? C'est en confrontant les particularités des firmes pour lesquelles l'effet imprimé par l'un des quatre profils-types est particulièrement fort que l'on pourra dégager les principaux facteurs qui influent véritablement sur le comportement des entreprises.

La tendance générale de croissance

Toutes les entreprises ont connu une évolution de leurs investissements plus ou moins proche du premier profil- type, le plus important. Pour caractériser celui-ci, on examinera concrètement les « firmes motrices », c'est-à- dire celles dont l'évolution, fortement influencée par le profil-type 1, a un effet d'entraînement sur le profil de développement des autres entreprises [6]. Dans la même

QUELQUES PRÉCISIONS MÉTHODOLOGIQUES L'anal/se factorielle en composantes principales est une méthode purement descriptive permettant de synthétiser les données dont on dispose. Dans cette étude, on connaît pour 250 firmes les valeurs de 11 variables qui sont les taux d'accumulation du capital sur la période 1964-1974. Les données peuvent donc être représentées par un nuage de 250 points dans un espace à 11 dimensions, que l'on appelle communément nuage des points-individus. Le principe de l'analyse factorielle est de trouver les directions orthogonales qui expliquent le mieux l'allongement maximum du nuage. Le sous-espace assurant la meilleure représentation devra donc expliquer un pourcentage maximum de l'inertie du nuage, ce qui équivaut à ce que la somme des distances de chaque point à ce sous-espace soit minimale. Les résultats mathématiques de ce problème montrent que l'inertie expliquée par un sous-espace à plusieurs dimensions est maximale si ce sous-espace contient les vecteurs propres qui correspondent aux plus grandes valeurs propres de la matrice d'inertie S = XX' où X est la matrice de dimension (11 x 250) des données que l'on a centrées et réduites; X' est sa transposée. De plus, l'inertie expliquée par chaque axe factoriel est égale à la valeur propre correspondante. Le problème de la meilleure représentation du nuage revient donc à déterminer vecteurs propres et valeurs propres de S. Dans cette étude seront retenus quatre axes factoriels portés par les quatre premiers vecteurs propres ou facteurs principaux. Ils expliquent 51 % de l'inertie, ce qui est assez faible mais non surprenant puisqu'on n'examine que les taux de croissance, c'est-à-dire des vitesses d'accumulation du capital et non des montants bruts d'investissement. L'analyse factorielle fournit les composantes principales des onze taux d'accumulation du capital, suivant un nombre réduit d'axes. Ce sont en quelque sorte des variables synthétiques donnant une meilleure explication de la dispersion du nuage que les anciennes variables. La « note » de la firme suivant chaque axe, c'est-à-dire la coordonnée dans le nouveau système de repérage est une fonction linéaire de ses coordonnées dans l'ancien système. Elle donne le degré d'influence de cette nouvelle « direction géographique » sur une firme donnée. Ceci permettra d'isoler les firmes pour lesquelles cet effet est particulièrement net : on retiendra celles dont la coordonnée sur cet axe est supérieure à 1 ou inférieure à — 1 .

// reste à interpréter les facteurs principaux ou les directions d'allongement maximum du nuage. Pour cela, on n'a pas utilisé la méthode habituelle qui consiste à visualiser le nuage par projection sur les plans définis par des couples de vecteurs propres, et à déterminer les groupes qu'opposent les différents axes factoriels. Sur cette figure, la proximité de deux points-individus signifierait que les firmes correspondantes ont un comportement voisin et les angles que font les axes factoriels avec les directions des points variables seraient égaux à la corrélation entre variables de départ et variables synthétiques. En fait, le caractère particulier des données qui correspondent à des variables datées, a facilité l'interprétation des axes 1 : tout vecteur dans l'espace de départ peut être interprété comme une succession de 11 taux d'accumulation pour une même firme. On comprend qu'en particulier les coordonnées des vecteurs propres donnent l'évolution au cours du temps des investissements de certaines firmes virtuelles types, ce qui permet de tracer les profils types correspondants. Les ordonnées négatives suivant certaines dimensions pour les facteurs 2, 3 et 4 proviennent du fait qu'il s'agit non de taux d'accumulation proprement dits, mais d'écarts par rapport à la tendance. L'interprétation rigoureuse s'appuyant sur les deux types de projection (proximité des entreprises, corrélations entre les facteurs principaux et les variables) n'a pas été menée à bien car le problème est très complexe : on souhaite à la fois relier la forme générale des profils à des caractéristiques constantes sur la période comme le secteur d'activité ou la dimension initiale de l'entreprise, et rapprocher par exemple le niveau des investissements, une année donnée, de la variation de sa trésorerie l'année précédente. Une telle étude nécessiterait normalement la mise en place de nombreuses variables complémentaires, une analyse des corrélations et finalement l'établissement de modèles complets d'investissement de l'entreprise. La présente étude a un objectif plus modeste; il s'agit essentiellement de lier de manière dynamique les décisions d'investissement aux évolutions des structures financières afin de mieux expliquer les différents problèmes financiers qui se posent aux entreprises.

1. Pour l'interprétation des axes, on s'est inspiré des remarques faites par J.-C. Deville : «Méthodes statistiques et numériques de l'analyse harmonique », Annales de l'INSEE, n° 15, i" trimestre 1974.

optique, on retiendra aussi les « firmes freins », les moins entraînées par la tendance générale de croissance 2.

Il est alors intéressant de comparer l'évolution des principales caractéristiques financières de ces firmes et de celles qui se rapprochent davantage des profils 2, 3 et 4 pour trouver ce qui les distingue les unes des autres 3. On examinera tour à tour la rentabilité, le taux d'autofinancement, l'intensité capitalistique, la durée de rotation du capital fixe et le taux de profit pour chaque groupe de firmes. • Les modes d'accumulation s'avèrent très dépendants des évolutions correspondantes de la rentabilité (autofinancement rapporté aux fonds propres) : c'est le résultat le plus évident (graphiques IV et V).

Ainsi, les firmes motrices et les firmes freins qui s'opposent nettement ont suivi ce qu'on peut appeler un sentier de croissance équilibrée, très forte pour les unes et quasi

8 671002 5 59

stationnaire pour les autres; mais, pour les deux groupes, l'évolution de la rentabilité a été également dissemblable : élevée dans un cas, faible dans l'autre. Le parallélisme existe aussi pour les entreprises correspondant davantage aux profils-types 2, 3 et 4, encore que, pour ces groupes, les profils d'accumulation aient été plus heurtés que les profils de capacité d'autofinancement.

Ainsi, la rentabilité et la croissance du capital productif apparaissent être dans une étroite dépendance mutuelle, aussi bien sur longue période qu'au cours des fluctuations

2. On appelle « firmes motrices » les entreprises dont la coordonnée suivant le premier axe factoriel est supérieure à 1, et « firmes freins », celles dont la coordonnée est inférieure à — 1. Ce sont les firmes qui contribuent le plus à l'allongement du nuage. Les seuils +1 et — 1 ont été choisis de façon arbitraire afin que le nombre de firmes sélectionnées soit suffisamment important. 3. Ce sont de même les firmes dont la coordonnée suivant l'axe 2, 3 ou 4 est supérieure i 1. CYCLES D'INVESTISSEMENT 9

2

Ên% IV Taux d'accumulation brut * (Médiane de chaque groupe)

Firmes à investissements spécifiques

Firmes motrices

•■•••Firmes freins

1964 1965 1966 1967 1968 1969 1970 1971 1972 1973 1974 Années * Le taux d'accumulation brut est égal aux investissements en immobilisations de l'année hors frais d'établissement rapportés aux immobilisations brutes en fin d'année calculées également hors frais d'établissement.

de plus courte durée : cela correspond assez bien aux effets obtenus à partir des fonctions d'investissement utilisées pour certains modèles macroéconomiques.

• Le taux d'autofinancement apparaît plus stable, au cours de la période, pour les groupes des firmes motrices et des firmes freins que pour les autres entreprises (tableau 1). Les firmes correspondant au profil de longue période paraissent ainsi avoir un comportement d'autofinancement

assez régulier alors que les firmes répondant aux profils secondaires 3 et surtout 2 et 4 se caractérisent par une très grande instabilité du taux d'autofinancement. Si l'on se rappelle que le profil-type 1 exprime la croissance générale de longue période (mais pas uniquement), on peut comprendre pourquoi la relation entre autofinancement et investissement est aisément démontrée au niveau macroéconomique, mais beaucoup plus difficilement au niveau microéconomique [7 et 8].

10

GRAPHIQUE V Rentabilité des fonds propres *

En%

20

15

10

\ Firmes motrices

Firmes à investissements spécifiques

V Firmes freins

1964 1965 1966 1967 1968 1969 1970 1971 1972 1973 1974 Années

Capacité d'autofinancement * „_ (Capital + Réserves + Résultats + Comptes de provisions + Comptes d'amortissement)

TABLEAU 1 Taux d'autofinancement *

En%

Groupas de firmes

Firmes motrices Firmes freins Firmes à investissements spécifiques

(groupe 2) Firmes sensibles à la conjoncture

(groupe 3) Firmes en difficulté (groupe 4)

1964

107 101

98

134 71

1965

103 139

58

152 143

1966

94 101

51

118 176

1967

117 121

70

91 118

1968

111 149

133

84 194

1969

95 116

105

60 82

1970

101 121

122

104 77

1971

93 151

153

131 88

1972

107 115

126

111 118

1973

103 134

228

118 195

1974

111 153

173

111 230

1975

159 46

95

144 171

* Capacité d'autofinancement/(lnvestissements en immobilisations + Variations des participations et prêts a plus d'un an).

CYCLES D'INVESTISSEMENT 11 2.

Cela rejoint les réflexions menées par le commissariat au Plan concernant l'extrême dispersion des taux d'autofinancement des entreprises, comparés à d'autres variables de structure financière. Pour l'ensemble de l'échantillon de la Centrale de bilans du Crédit National, par exemple, la distribution est telle que le taux d'autofinancement est de 74 % pour le premier quartile et de 207 % dans le troisième quartile, en 1974. Ces taux sont respectivement de 34 et 195% pour l'année 1975. Lorsqu'un quart des entreprises a un autofinancement inférieur à 34% des investissements, on peut se poser la question de savoir si le système financier est assuré d'avoir dans tous les cas la souplesse nécessaire pour pallier l'insuffisance des ressources internes et éviter l'insolvabilité de certaines entreprises. Quand, à l'inverse, le taux d'autofinancement est supérieur à 200% pour un autre quart de l'échantillon, on peut se demander ce que font les entreprises des disponibilités qu'elles génèrent : les conservent-elles pour améliorer le fonds de roulement, les utilisent-elles pour rembourser des emprunts par anticipation ou décident-elles de les conserver pour investir l'année suivante ? Dans cette hypothèse, l'idée a été émise que les actifs financiers mis à la disposition des entreprises pour placer leurs excédents de trésorerie n'étaient peut-être pas suffisamment nombreux, ni tout à fait adaptés quant aux montants et aux durées.

La mesure du taux d'autofinancement pour une année donnée peut, il est vrai, correspondre à des différences permanentes et structurelles entre les entreprises, ou à la saisie de phases particulières dans la vie de chaque société. C'est cette deuxième hypothèse qui paraît la plus vraisemblable si l'on considère les profils 2 et 4. Il est alors possible de répondre, au moins partiellement, à l'une des questions évoquées précédemment : un comportement d'autofinancement macroéconomique et à moyen terme n'est pas incompatible avec des écarts instantanés considérables dans les taux d'autofinancement des entreprises, car il correspond à une politique qui n'est que l'un des profils d'évolution possibles au niveau de la firme. Toutefois, peut-on encore parler de « comportement » au niveau global ?

Les autres composantes du profil d'accumulation font plutôt appel au mécanisme de l'accélérateur; dans ce cas, les taux d'autofinancement peuvent être très élevés ou très faibles suivant les firmes, comme en 1966, 1971 et 1974, car les entreprises qui s'y conforment fixent leurs investissements de l'année assez indépendamment du profit dégagé pendant la même année. Il semble donc valable de tenir compte d'un comportement d'autofinancement, pour prévoir les investissements, dans un modèle macroéconomique à cinq ans comme FIFI [9] qui ne fait apparaître que la dernière année (modèle statique); par contre, pour la construction d'un modèle de cheminement, c'est-à-dire décrivant également les années intermédiaires comme STAR [10] ou DMS [11], il est plus normal de tenir compte de comportements plus complexes : accélérateur ou modèle de taux de profit, les deux solutions étant économétriquement très voisines. De 1964 à 1967, les firmes du profil-type 2 ont eu un effet d'entraînement relativement important

comme en 1970, les firmes du profil-type 4 sous la pression de la demande interne et externe. • L'intensité capital istique des firmes motrices n'est pas plus faible que celle des entreprises des autres groupes, que ce soit du point de vue des immobilisations par personne employée ou des frais de personnel dans la valeur ajoutée. En effet, ce dernier taux, égal à 63 % pour les firmes motrices, n'est pas significativement différent des taux des trois autres groupes : 67, 70 et 69 % en moyenne pour les années 1973 et 1974. • Plus qu'au rapport capital/travail, c'est à la durée de rotation du capital fixe qu'apparaissent liés les rythmes de croissance sur longue période (tableau 2). Ce résultat s'explique assez bien si l'on se rappelle que l'investissement brut comprend les dépenses de renouvellement des équipements (encadré p. 13). • Autre caractéristique financière des firmes motrices, le taux de profit (capacité d'autofinancement/fonds propres + comptes de provisions + comptes d'amortissement) est, pour l'année 1974, à peu près deux fois plus élevé pour les firmes motrices (18,5%) que pour les firmes freins. Si l'on suppose, comme il est logique, que les investissements de croissance (investissements nets) dépendent surtout de la progression des ventes et du taux de profit, on conçoit que sur ce plan également le premier groupe l'emporte largement sur le second. Les performances des firmes industrielles motrices peuvent-elles être imputées au fait que leur capital fixe soit relativement léger et qu'il tourne rapidement ? La question est délicate car on ne fait ici que constater la simultanéité des deux phénomènes. Contentons- nous de constater qu'une rotation rapide du capital doit permettre d'incorporer plus vite le progrès technique par l'acquisition plus fréquente de nouvelles machines, mais aussi de reconvertir sans trop de retard les équipements pour fabriquer d'autres produits lorsque la demande évolue. Les entreprises motrices ont un taux de profit fort et régulier par rapport aux autres groupes; cela confirme l'observation déjà faite au niveau sectoriel : une durée de rotation du capital plus courte (ici du capital fixe) confère une plus grande souplesse d'adaptation [12].

Au total, le profil-type 1 qui exprime la tendance de croissance la plus générale sur la période 1964-1974 paraît dépendre de deux caractéristiques financières importantes de l'entreprise : la rentabilité, qui entraîne l'investissement de croissance et la vitesse de rotation du capital fixe qui entraîne l'investissement de renouvellement. La durée de vie relativement courte des moyens d'exploitation des entreprises motrices est sans doute due pour l'essentiel à des nécessités techniques. Mais cette observation donne quelque crédit à la thèse selon laquelle la croissance française a été en partie soutenue de 1968 à 1974 par une accélération du rythme de déclassement des équipements : en effet, c'est sur cette période que le premier axe factoriel, lié à la vitesse de rotation du capital fixe, imprime plus nettement sa marque à la croissance du potentiel de production.

Ce phénomène peut également s'expliquer par le rôle

12

moteur joué par ces entreprises dans le développement économique; ces firmes assurent en effet par leur place très particulière dans les échanges interindustriels et par leur « masse spécifique » dans la production nationale, une fonction d'entraînement des structures industrielles. Où se trouvent les firmes motrices...

En effet, les firmes performantes semblent exercer leur activité dans certaines branches de production privilégiées. • 22 entreprises fabriquent des biens d'équipement. L'analyse confirme ainsi le rôle moteur de ces industries. Mais il faut remarquer que ce résultat a été obtenu par une étude au niveau des entreprises et non pas des secteurs d'activité. Les chiffres réunis par l'INSEE au moment de la préparation du VIIe Plan ont en effet révélé que le développement des industries d'équipement avait été très fort entre 1960 et 1970. Plus précisément, alors que le capital fixe croissait dans l'ensemble de l'économie au taux de 6,1 % par an et la production au taux de 5,9 %, ces taux en volume étaient respectivement de 7,9 et 9,2% pour les machines et appareils mécaniques, 9,1 et 9,2 % pour les machines et appareils électriques, 8,2 et 9,3% pour les automobiles et cycles et enfin de 2,5 et 5,6% pour la construction navale et aéronautique qui connaît un développement moins brillant. Or le repérage des éléments dynamiques de la structure économique est envisageable à différents niveaux d'agrégation : ainsi, alors que le secteur des biens d'équipement apparaît comme moteur lorsque l'on utilise le découpage en 11 secteurs de la « Fresque historique du système productif », la croissance n'est pas homogène à l'intérieur même de cet ensemble. Ainsi, la construction navale et aéronautique apparaît plutôt comme un élément frein dans une nomenclature en 28 branches. L'analyse de données microéconomiques permet de retrouver dans l'ensemble le caractère dynamique des firmes d'équipement. Toutefois, on doit préciser que le groupe des firmes motrices ne comprend pas toutes les entreprises de biens d'équipement et qu'il comporte aussi des firmes appartenant à des secteurs différents. Quant au rôle stratégique de ce secteur, une explication cohérente en a été fournie dans la « Fresque historique » : ces entreprises se sont en effet caractérisées par la conjonction d'une progression très rapide de leur capital et d'une amélioration sensible de leur efficacité technique; elles en ont fait bénéficier les secteurs situés plus en aval puisque le prix des biens d'équipement a augmenté moins vite que celui de la valeur ajoutée. Cet effet-prix, joint à l'innovation technologique incorporée dans ces biens, a évidemment incité à la mise en place de capacités de production nouvelles dans l'ensemble de l'économie française. • 8 entreprises « dynamiques » appartiennent au secteur des matériaux de construction au sens large (c'est-à-dire y compris une firme de céramique et 3 firmes de commerce de matériaux de construction). Là aussi, on vérifie qu'un certain déterminisme sectoriel agit sur le profil d'accumulation puisque la Comptabilité nationale indique pour cette branche un développement très rapide de 9,3 % par an pour le capital fixe et de 7,7% pour la production.

DURÉE DE VIE DES ÉQUIPEMENTS ET INVESTISSEMENTS

Si l'on appelle K le capital installé au début de la période, N la durée de vie des équipements et Ir les investissements de renouvellement, Ib les investissements bruts et In les investissements nets, on peut écrire :

Ib = Ir + In (flux d'une année) et: K = Nlr donc :

K~N~K Le ratio Immobilisations brutes/Dotations aux amortissements mesure en effet la durée de vie comptable des équipements, que leur âge moyen soit élevé (si l'on a investi il y a longtemps) ou faible (si les investissements sont récents), II s'agit bien là d'une caractéristique technico-économique de la firme. Si l'on suppose que les équipements des entreprises motrices ont une durée de vie de dix ans et ceux des firmes freins de cinq ans (ce qui résulte à peu près du tableau 2), on a pour le premier groupe :

~K ~ To (ta)_ (/n) T ~ /o + ~K Et pour le deuxième groupe :

K 20 ^ K /o"t~ K On voit donc que pour un investissement de croissance égal pour les deux groupes, les firmes motrices ont, sur longue période, des taux d'accumulation bruts plus élevés de 5 points que les firmes-freins en raison de l'importance des investissements de renouvellement. Cette différence se retrouve d'ailleurs au travers d'un indicateur voisin : l'âge moyen comptable des équipements au 31 décembre 1974 (calculé par le ratio Comptes d' amortissements/Dotation de l'année aux amortissements, qui était de quatre années et demie seulement pour les firmes dynamiques contre sept ans et demi pour les autres groupes.

TABLEAU 2

Durée de vie théorique des équipements * En années

Groupes de firmes

Firmes motrices Firmes freins Firmes à investissements spécifiques

(groupe 2) Firmes sensibles à la conjoncture

(groupe 3) Firmes en difficulté (groupe 4)

1964

7,90 15,39

10,35

10,82 9.75

1974

9,71 19.70

15,12

15.07 12,90

* Immobilisations brutes en fin d'année/Dotation aux amortissements de l'année.

CYCLES D'INVESTISSEMENT 13

• Le groupe comprend également quatre entreprises de commerce : un magasin populaire et trois commerces de gros, respectivement de métaux, bois et tapis, donc assez liés à la construction. Dans ce cas aussi, la profession apparaissait comme dynamique dans les statistiques globales, plus en raison du développement de son capital (8,6%) d'ailleurs, que de son volume d'activité (5,3 %). On peut noter au passage que le groupe ne comprend pas de firmes du secteur du papier-carton, traditionnellement considéré comme très lié à la conjoncture générale : cela tient au fait qu'on analyse ici les profils d'investissement et non les profils de production.

... et les firmes freins Du côté des firmes freins, on retrouve un certain déter

minisme sectoriel qui explique en grande partie la faiblesse de la croissance de ces 29 firmes. On y trouve en effet : • 5 firmes de l'industrie céramique auxquelles on peut adjoindre une petite verrerie et une entreprise d'extraction de grès. Il semble que l'origine de leurs difficultés soit un problème de marché (substitution du plastique); • 5 firmes textiles, ce qui ne surprendra pas trop, la croissance du capital et de la production étant respectivement de 4,6 et 3,7 % l'an sur la période; • 5 entreprises moyennes de sidérurgie, métallurgie générale (4,6 % et 3,7 %); • 2 entreprises de papier-carton : on connaît la lourdeur des installations nécessaires à cette profession et la durée de vie très longue des machines utilisées; • 5 firmes de biens d'équipement enfin, ce qui montre que l'effet sectoriel a des limites et qu'il y a des entreprises en déclin dans ces industries : cela paraît tenir aux stratégies des sociétés, puisque l'une d'entre elles est, par exemple, une grande entreprise d'appareils de mesure cotée en Bourse qui n'avait pas élargi suffisamment tôt sa gamme de produits et tardé à quitter ses installations parisiennes vieillies.

Dans l'ensemble, le niveau très limité des investissements renvoie à des difficultés particulières de ces entreprises dont le chiffre d'affaires moyen était de 147 millions de F en 1974.

Le groupe dynamique, lui, est constitué surtout d'entreprises assez grandes dont le chiffre d'affaires moyen hors taxes est de 161 millions de F en 1974, alors que les firmes aux profils contrastés (groupes 2 et 4), plus petites, ne réalisent que 48 et 82 millions de F. Cette différence de taille peut expliquer, par le volume de leurs achats, l'effet d'entraînement que celles-ci exercent sur l'économie. Toutefois, l'argument n'est pas valable pour les entreprises du groupe 3 dont le chiffre d'affaires moyen s'élève à 149 millions de F. Le groupe dynamique se caractérise aussi par une plus grande stabilité du taux de profit et de la progression du chiffre d'affaires, phénomène assez généralement observé dans les grandes entreprises et qui est dû, semble-t-il, à une plus large diversification et plus généralement à une meilleure compensation entre les effets des multiples facteurs qui peuvent influer sur la vie de la société. Au demeurant, les très grandes firmes parviennent à réaliser approximativement les

sements prévus, dans des conjonctures assez diverses, grâce aux procédures de planification financière qu'elles mettent en œuvre et à leur accès plus facile au marché financier, alors que les entreprises de moins de 500 salariés procèdent à des rectifications de l'ordre de 20 % de leurs dépenses d'équipement. Le phénomène de taille semble cependant jouer dans des proportions limitées. Toutes les firmes de plus de 500 millions de F de chiffre d'affaires, notamment, ne se retrouvent pas dans le groupe moteur; leur influence sur la croissance générale est compensée par celle de petites et moyennes entreprises situées sur des créneaux dynamiques.

En résumé, la firme motrice type de la période 1964-1974 est une entreprise de biens d'équipement d'environ 200 millions de F de chiffre d'affaires. La régularité de son rythme d'accumulation provient d'une conjonction d'éléments favorables : — la rotation rapide de son capital fixe; — la bonne stabilité, à un niveau élevé, du taux de profit et dans une certaine mesure du taux de croissance des ventes; — une stratégie d'investissement et d'endettement cohérente de manière à maintenir une structure financière équilibrée.

Au total, le groupe des firmes dynamiques reste pratiquement à son « plafond » d'investissement sur la période 1964- 1974, c'est-à-dire dans la phase 1 du cycle d'accumulation type, qu'on avait caractérisée comme un régime d'offre du point de vue de la théorie des déséquilibres. A l'inverse, les firmes routinières ne paraissent guère s'écarter du « plancher » d'investissement, c'est-à-dire du seuil minimum des dépenses de renouvellement (phase 4).

Le respect d'une norme d'autofinancement des investissements semble bien correspondre, d'une manière générale, au développement à moyen ou long terme des entreprises. Il s'agit de ce fait d'un comportement tendanciel que l'on trouve cependant assez bien réalisé dans deux types de firmes : les unes, très rentables et dont le capital fixe tourne assez vite, de sorte que l'équilibre entre autofinancement et investissement se réalise à un haut niveau du taux d'accumulation; les autres, dont la rentabilité est médiocre et la rotation du capital fixe très lente, assurant l'équilibre avec une croissance très faible du capital productif.

Des entreprises qui investissent à leur rythme spécifique

Le deuxième profil-type s'analyse de la manière suivante : forte concentration des investissements sur les toutes premières années, suivie d'une limitation stricte jusqu'en 1972 par rapport à la tendance moyenne. Cette évolution paraît s'expliquer elle-même par la baisse de la rentabilité à partir de bons résultats du début de période, ce qui a à la fois supprimé toute incitation à investir et diminué les moyens financiers disponibles (graphiques IV et V). Elle semble liée également à une grande vitesse de rotation du capital circulant, mais peut-être s'agit-il là d'un phénomène sectoriel (tableau 3) ....,....._

14

En effet, près de la moitié des entreprises du groupe 2, soit 17 sur 36, sont des affaires de commerce (1 magasin populaire, 2 grands magasins, 4 commerces de gros alimentaires, 10 commerces de gros non alimentaires). Les investissements dans ce secteur sont assez indivisibles : il s'agit souvent de l'installation d'un entrepôt ou d'un magasin supplémentaire qui, une fois mis en place, peut continuer à être utilisé pour des volumes d'activité fortement croissants. La liaison entre le volume des installations et celui de l'activité est moins rigide que dans l'industrie. Dès lors, les dépenses d'investissement ne répondent plus à un mécanisme d'accélérateur à court terme, mais à l'adaptation, sur longue période, des « capacités » à la demande. On peut noter à cet égard que les entreprises de ce groupe sont les seules à ne pas avoir connu une flambée de leur chiffre d'affaires en 1969-1970. Étant très proche de la demande finale, leur activité connaît assez peu les fluctuations qui caractérisent les fabricants de biens d'équipement et de biens intermédiaires. La croissance de leurs ventes est plus régulière et leurs décisions d'investissement plus faciles à planifier.

Ce groupe, à très forte inertie, comprend également trois entreprises de l'industrie céramique, trois fabricants de matériel de levage et deux fromageries, le reste du groupe étant dispersé dans les autres secteurs. Il s'agit en général de petites entreprises : leur chiffre d'affaires moyen est de 13 millions de F en 1964 et de 48 millions de F en 1974. Cela explique assez bien les fluctuations observées dans leurs cycles d'investissement : les petites firmes réalisent en effet des investissements moins fréquents, mais relativement plus importants que les grandes sociétés, dans la mesure où elles doivent faire passer leur capacité de production de une à deux unités et non de 17 à 18, par exemple. L'examen du profil 2 confirme, sous une forme presque caricaturale, que la politique financière d'une entreprise subit le contrecoup des différentes phases d'investissement qu'elle traverse. L'accumulation de capital productif très forte en début de période (phase 1 du cycle type) puisque le taux cumulé sur 1965-1967 est de 140 %, a contraint les firmes de ce groupe à un recours important à l'endettement à moyen et long terme. Celui-ci représente, en 1966, 40 % des fonds propres contre 12 % un an auparavant (graphique VI). Mais la structure financière est demeurée déséquilibrée bien après l'achèvement de cette période de fort investissement (phase 2 du cycle type) : le degré d'engagement (encours de dettes à plus d'un an/capacité d'autofinancement) est de près de deux années d'autofinancement en 1966-1967 et ne descend en-dessous de 1,5 année qu'en 1973, alors même qu'il oscille entre 1 et 1,4 année pour les firmes motrices au cours de cette période. On aboutit à la même conclusion si on examine la ponction effectuée par les remboursements sur la capacité bénéficiaire brute; le maximum se situe en 1969 compte tenu des différés d'amortissement des emprunts : les annuités représentent alors 39 % des profits, ce qui obère évidemment les emplois des firmes; le prélèvement ne revient à un niveau voisin de celui des autres groupes qu'en 1974 (graphique VII). Autrement dit, et malgré la dévalorisation relative de la dette due à l'inflation, les perturbations financières des investissements de 1965-1967 n'ont été absorbées que 7 ans plus tard. Les frais financiers passent de 11 %

TABLEAU 3 Durée de rotation du capital circulant*

En mois

Groupes de firmes

Firmes motrices Firmes à investissements spé

cifiques (groupe 2) Groupe 2 (-)1 Firmes sensibles à la conjoncture

(groupe 3) Firmes en difficulté (groupe 4).

1964

1,90

1,06 3,47

1,71 2,47

1973

2,65

1,02 3,13

1,44 3,38

1974

2,28

1,40 3,54

2,18 2,90

1975

2,69

1,17 3,24

1,96 2,67

* (Stocks + Crédits clients nets — Crédits fournisseurs nets)/(Ventes annuelles hors taxes/12).

1. Les entreprises appartenant à ce groupe ont une coordonnée très faible par rapport au deuxième axe factoriel. Elle est inférieure à —1, ce qui les oppose aux firmes du groupe 2 pour lesquelles ces coordonnées sont supérieures à 1.

de l'excédent brut d'exploitation en 1964 à 32 % en 1970 (tableau 4); ils proviennent, il est vrai, également des emprunts à court terme contractés en principe pour financer le capital circulant. Quoi qu'il en soit, leur poids ne s'allège qu'en 1973, mais très nettement.

En définitive, les entreprises commerciales du groupe 2 ont été contraintes, pour financer l'accumulation de début de période, de supporter un endettement à moyen et long terme très important. Compte tenu du niveau médiocre de la rentabilité, le remboursement de ces emprunts n'a pu se faire que progressivement entre 1968 et 1974 et ce n'est qu'à cette date que les conséquences de la structure financière sur le compte d'exploitation, et sur l'équilibre emplois- ressources, ont pu être résorbées. C'est d'ailleurs en 1974 que le taux d'accumulation se redresse un peu : les éléments financiers ont sans aucun doute joué un rôle déterminant dans la décision des firmes du groupe 2 de ne pas réinvestir pendant longtemps. La régulation effectuée par le système financier, qui n'apparaissait pas dans le profil de longue période, se manifeste dans celui-ci : elle a en effet contribué au financement des dépenses d'équipement très lourdes du début, mais elle a ensuite concouru à limiter les investissements.

D'autres qui reflètent les fluctuations de la conjoncture...

La troisième composante principale se caractérise par une forte concentration des investissements entre 1967 et 1969 qui semble s'expliquer en premier lieu par la hausse de la rentabilité au cours de la même période.

CYCLES D'INVESTISSEMENT 15

ammm+ Firmes motrices «•""""* /Firmes / en difficulté

GRAPHIQUE VI Taux d'endettement à terme *

Firmes sensibles à la conjoncture

Firmes •••••. à investissements

spécifiques

19641965 1966 1967 1968 1969 1970 19711972 1973 1974 Dettes à long terme et moyen terme « .

(Fonds propret + Comptes courants d'associés + Obligations convertibles)

Années

Le groupe 3, au profil tourmenté, se compose surtout de firmes fabriquant des biens d'équipement (15 sur 31) et dans une moindre mesure d'entreprises commerciales (7 firmes) et de biens intermédiaires (5 firmes). En 1969-1970, ce groupe a connu les problèmes des entreprises qui grandissent trop vite : le taux de croissance très élevé de l'activité a entraîné une augmentation notable des besoins en fonds de roulement ces années-là; d'où un problème de financement spécifique qui a été plus ou moins réglé par un large recours aux crédits de trésorerie (bancaires pour l'essentiel). Dans ces conditions, il est clair que, pour les entreprises du groupe 3, le financement de l'accroissement du capital circulant (stocks, créances) n'a pas été résolu en même temps que le financement des investissements alors qu'il était rendu inévitable par la mise en place de nouvelles capacités de

production. Il est vrai que les immobilisations brutes représentaient déjà 51 % des actifs, exigeant en conséquence un important endettement à plus d'un an. Cette solution ne pouvait qu'être provisoire : elle a été relayée en 1972 par une reconstitution du fonds de roulement. Celle-ci n'a elle- même été rendue possible rapidement que par une consolidation de la dette : c'est pourquoi l'endettement à terme, qui avait commencé à fléchir en 1970, a atteint son sommet (66 %) en 1973. Des crédits de trésorerie ont pu alors être remboursés. L'intervention du système financier s'est donc faite en trois temps : de 1967 à 1969, il a facilité le financement des investissements par des prêts à moyen et long terme, en 1970 et 1971 il a contribué au financement des nouveaux besoins en fonds de roulement par des crédits de trésorerie, enfin, en 1972 et 1973, il a été obligé de consolider ces crédits

GRAPHIQUE VII Poids des remboursements *

^--"

Firmes en difficulté Firmes sensibles à la conjoncture

Firmes à investissements spécifiques Firmes motrices

1964 1965 1966 1967 1968196919701971 197219731974 Remboursements d'emprunt à long et moyen terme

Années

Capacité d'autofinancement pour asseoir la situation financière des entreprises.

On voit ainsi apparaître pour le groupe 3 des problèmes liés au financement de l'exploitation qui ne se posaient pas pour le profil 2. Cela a contraint le système financier à jouer un double rôle de régulation, au moins sur une partie de la période, au niveau de l'endettement de croissance habituel d'une part, au niveau de l'endettement de consolidation d'autre part; avant 1974, le groupe 3 est le seul dont le taux d'endettement n'est pas régulièrement descendu après la phase d'investissement.

... ou participent activement au boom de 1969-1970

Le profil 4 se caractérise par l'existence de deux pointes des taux d'accumulation au cours de la période considérée : en 1964, puis en 1969-1970. Il paraît intéressant de chercher

8 671002 5 59

comment les entreprises faisant partie du groupe 4 ont pu réinvestir en 1969-1970 après avoir investi en 1964.

Cela peut s'expliquer tout d'abord par une moins grande indivisibilité des équipements pour ces firmes que pour celles des groupes 2 et 3. Le taux d'accumulation a été également moins élevé en 1964 qu'en 1969-1970 : on peut en déduire que c'est parce qu'elles avaient investi modérément en 1964, et donc gardé des ressources en réserve, que les entreprises du groupe ont pu réinvestir quelques années plus tard lorsque la demande eût fortement progressé. Cette attitude a d'ailleurs été assez générale à l'ensemble des secteurs puisque la composition du groupe 4 comprend aussi bien des producteurs de biens d'équipement (10 entreprises sur 26) que des firmes de biens intermédiaires (7 dont 3 cimenteries et 3 usines métallurgiques), de biens de consom mation traditionnels (2 firmes textiles, 2 affaires de céra-

CYCLES D'INVESTISSEMENT 3

17

TABLEAU 4 Impact des charges d'intérêts sur les bénéfices *

Groupes de firmes

Firmes motrices Firmes à investissements spécifiques

(groupe 2) Firmes sensibles à la conjoncture

(groupe 3) Firmes en difficulté (groupe 4)

1964

13,9

11.4

15,7 18,6

1965

13,1

12.2

13,5 19,1

1966

13,9

16,9

15,5 18,6

1967

13,8

21.2

14,7 15,1

1968

12.7

20,5

19,2 14.8

1969

15,0

29.5

26.5 18,6

1970

21.9

32,5

44,2 22,7

1971

22.6

29,0

23,6 26.4

1972

19,0

27.3

25,1 26,2

1973

21,7

19,5

28,6 25,0

197-4

26,6

20,6

38,3 31,8

1975

32.0

30,7

43,1 39,0

* Frais financiers/(Résultat brut d'exploitation + Frais financiers).

TABLEAU 5 Ampleur du recours aux crédits de trésorerie *

En mois

Groupes de firmes

Firmes motrices Firmes à investissements spécifiques

(groupe 2) Firmes sensibles à la conjoncture

(groupe 3) Firmes en difficulté (groupe 4)

1964

0.75

0,07

0,50 0,60

1965

0.62

0.29

0,46 0,63

1966

0.67

0,22

0,34 0,35

1967

0,55

0,24

0,22 0.25

1968

0,50

0,29

0,29 0,58

1969

0,39

0,36

0,50 0,65

1970

0,44

0,25

0.63 0,89

1971

0,68

0,39

0,62 0.74

1972

0,91

0,33

0,43 1,10

1973

0.75

0.18

0,68 1,10

1974

1,04

0,56

0,98 1.18

1975

1,31

0,45

0.77 1,05

♦ Ressources nettes de trésorerie/(Ventes annuelles/12) avec Ressources nettes de trésorerie » Encours des prêts bancaires à moins d'un an + Créditeurs autres que d'exploitation - Débiteurs autres que d'exploitation - Disponible - Titres de placement.

mique et 1 fromagerie) et des commerces de gros (au nombre de 4).

Financièrement, les entreprises du groupe étaient peu endettées en 1968, c'est-à-dire avant la deuxième phase de fort investissement ; mais la progression de leurs ventes et leur rentabilité étaient très faibles depuis 1968. Les entrepreneurs ont donc pu très bien décider de réaliser une nouvelle vague d'investissement pour tenter de redresser une situation médiocre, en anticipant sur le développement prévisible de la demande. La croissance des ventes en 1969 a été en effet particulièrement brillante : plus de 29 %. Pour investir, les entreprises ont été obligées en contrepartie de s'endetter fortement à terme. Mais elles ont dû, en outre, faire face à une augmentation très forte de leurs besoins en

fonds de roulement en raison même de l'accroissement de l'activité.

Cela explique que les firmes appartenant au groupe 4 aient subi en 1969-1970, puis en 1972, de graves difficultés de trésorerie. En 1969-1970, ces entreprises se trouvaient en effet déjà engagées dans des opérations d'investissement qui exigeaient la mise en place de capitaux permanents importants; l'accroissement du capital circulant n'a de ce fait pu être réalisé que par appel à des crédits bancaires à court terme.

Les crédits de trésorerie nets sont passés entre 1967 et 1970 de sept à vingt-sept jours d'un chiffre d'affaires lui- même en expansion vigoureuse (tableau V); cela donne la mesure des difficultés qu'ont pu connaître d'autres entre-

18

prises moins soutenues par le système bancaire qui était d'ailleurs, à cette époque, lui-même soumis à l'encadrement du crédit. Les faillites [13], les impayés [14] et les absorptions ont effectivement été très nombreux en 1970 et ont eu sans doute en partie pour victimes des entreprises qui ont participé peut-être un peu inconsidérément au mouvement général d'investissement. Les mêmes problèmes se sont posés en 1972-1973, mais cette fois l'augmentation des besoins en fonds de roulement était due surtout, semble-t-il, à l'allongement de la rotation du capital circulant qui passe de deux mois à deux mois et demi et qui s'expliquait lui- même par le brusque freinage de la progression des ventes, d'où une constitution de stocks excédentaires.

Les investissements

et la récession de 1974-1975

On ne peut pas déterminer, par une simple comparaison entre agrégats macroéconomiques, quels sont les seuils à partir desquels s'enclenchent les processus de dépression économique et comment les comportements des entreprises affectent la conjoncture générale qui, en retour, fixe le cadre plus ou moins étroit, dans lequel s'inscrivent les stratégies de ces firmes.

L'étude des chroniques particulières d'entreprises peut toutefois fournir quelques pistes pour une analyse plus globale de la crise en permettant, notamment, d'apprécier l'influence, sans doute modeste, de la dynamique propre aux firmes françaises, au cours des années récentes.

Sur ce point, on pourrait être tenté, encore que la démarche soit hasardeuse, de faire remonter les premières causes proprement nationales de la récession industrielle aux événements de mai 1968.

L'arrêt des usines pendant plusieurs semaines a en effet retardé la réalisation des investissements prévus cette année-là, qui ont été, pour certains d'entre eux, repoussés à l'année suivante. Par ailleurs, les accords salariaux de Grenelle ont entraîné une augmentation subite et importante du pouvoir d'achat, qui a fortement accru la demande intérieure, la demande extérieure étant elle-même stimulée quelque temps après par la dévaluation d'août 1969.

Comme il était apparu des goulots d'étranglement dans l'appareil productif dès la fin de 1968, les entreprises constatant que la demande excédait les possibilités de production ont commandé des équipements importants (bâtiments, machines); seules quelques firmes qui avaient déjà beaucoup investi en 1966-1967 et dont la politique d'investissement suivait plutôt une logique de très long terme, sans doute parce que leurs moyens de production étaient indivisibles (affaires de céramique et de commerces en particulier), ont fait exception.

La construction de biens d'équipement s'étalant en général sur plusieurs mois sinon sur un ou deux ans, leur livraison aux entreprises qui avaient passé commande en 1968-1969 n'est intervenue qu'en 1969-1970, et même en 1971. Par ailleurs, l'afflux de commandes de machines et d'installations a provoqué, en 1969-1971, un accroissement important de l'activité des industries de biens d'équipement (construction mécanique, construction électrique...) et des fabricants de matériaux de construction. Constatant la saturation rapide de leurs propres capacités de production, ceux-ci ont, à leur tour, décidé d'investir massivement : mais, comme leurs commandes s'adressaient elles aussi à des entreprises produisant des biens d'équipement, il s'est produit pour ce secteur une sorte d'effet cumulatif qui a entretenu un fort courant d'investissement jusqu'en 1974.

Ce décalage entre le moment où les investissements ont été décidés et celui où les nouvelles capacités de production ont été effectivement mises en oeuvre a sans doute eu pour conséquence que de nombreuses entreprises ont continué, au moins dans certaines branches, à commander des équipements alors même que la demande était déjà virtuellement satisfaite par les unités de production en cours de fabrication 4.

On peut émettre l'hypothèse que les firmes prises séparément sont difficilement parvenues à utiliser pleinement leur potentiel de production, même avec une progression de la demande globale : un tel phénomène de « surcapitalisation » pourrait expliquer le niveau, somme toute assez modeste, de la croissance du chiffre d'affaires en 1971 et de la rentabilité de 1970 à 1972 pour le groupe 3, si l'on tient compte du taux d'érosion monétaire; la remarque vaut également pour le groupe 4 en 1971-1972 s. Il manque, pour étayer cette hypothèse, des données sur les prix et les capacités de production non recensées par les centrales de bilans.

Dans ces conditions, ces entreprises auraient arrêté leurs investissements à cette date; cela expliquerait la mise en phase des profils 3 et 4 correspondant, avec le profil 2, à un bas niveau d'accumulation, au cours de la période 1973- 1974, alors que ces trois profils étaient auparavant décalés6.

La situation aurait pu s'améliorer à la suite des très bons résultats du premier semestre 1974 : mais le retournement de la conjoncture mondiale a été d'une telle ampleur que la demande a brusquement fléchi, ce que n'ont pas traduit les comptes 1974 qui portaient sur l'année entière.

4. Ce qui correspond tans doute assez bien au principe d'accélération d'Aftalion [15]. 5. Aftalion supposait qu'il y avait automatiquement surproduction : en réalité, le signe pathologique est plutôt l'existence de larges capacités de production inemployées car, dans une économie moderne, l'information de l'entreprise et la souplesse de gestion permettent dans beaucoup de cas d'adapter la production aux ventes sans un trop grand retard; par ailleurs, et Keynes l'avait souligné, les biens d'équipement de l'entreprise, tout au moins les plus lourds d'entre eux, sont fabriqués sur commande, ce qui exclut la surproduction mais pas l'excédent de capacité. 6. Le résultat est d'autant plus intéressant que, par construction, les produits scalaires des vecteurs propres pris deux à deux sont nuls, ce qui rendait plus probable des déphasages complets. CYCLES ^INVESTISSEMENT

3. 19

Les entreprises qui ont été le moteur de l'économie pendant toute cette période, c'est-à-dire essentiellement les fabricants de biens d'équipement, ont subi le sort des autres entreprises (soit la diminution de leur volume de ventes et de leurs investissements), compte tenu des délais de réaction intersectoriels.

Le fait que les seules firmes à reprendre un peu leurs investissements en 1975 aient été celles qui n'avaient pas participé à la forte croissance antérieure (groupe 2) semble vérifier les hypothèses qui viennent d'être émises. Ces entreprises ont éprouvé la nécessité de renouveler ou d'agrandir leurs installations qui avaient été mises en place entre 1964 et 1967, car l'activité avait sensiblement progressé depuis cette date. Ces décisions d'investissement ont été rendues possibles par l'amélioration générale de leur situation financière (endettement à plus d'un an, trésorerie, frais financiers, rentabilité) intervenue les années précédentes, mais elles n'ont changé en rien le caractère stagnant de l'économie car elles apparaissaient plutôt comme des décisions de renouvellement indispensables pour des firmes investissant de manière épisodique.

Le rythme général d'accumulation sur longue période (représenté par le profil 1) s'est brisé en 1975. Les entreprises motrices ont pour la première fois subi une chute très sensible de leur chiffre d'affaires et de leur rentabilité. Les difficultés de trésorerie déjà observées en 1974 se sont amplifiées en 1975. Plus que les investissements, la reconstitution du fonds de roulement a dû probablement constituer en 1976 une priorité pour ce groupe d'entreprises comprenant — il faut le rappeler — une forte proportion de fabricants de biens d'équipement. Ces firmes n'ont dû contribuer que très moyennement à la reprise.

Les entreprises du groupe 3 avaient surtout investi de 1967 à 1969 et devaient sans doute réaliser de nouveaux programmes d'équipement en 1975. La crise a contrarié ces projets : la faible croissance des ventes et de la rentabilité n'a pas en effet incité les firmes à investir comme elles auraient dû normalement le faire. De plus, ces entreprises ont été contraintes de procéder à une reconstitution du fonds de roulement net en raison de l'allongement de la durée de rotation du capital circulant : comme en 1972, elles ont obtenu en 1975 la consolidation de leurs dettes. On peut donc' penser que les firmes de ce groupe se sont adaptées à la crise, au point de vue financier du moins, et que la faiblesse de leur taux de profit ainsi que les lourdes échéances de remboursement ne doivent guère les inciter à investir rapidement.

Enfin, la crise a touché encore plus fortement les firmes du groupe 4 qui ont été les dernières à investir, entre 1969 et 1971. Le ralentissement de la croissance en 1974- 1975 a sans doute entraîné une surcapacité de l'outil de production et un alourdissement des besoins en fonds de roulement (stocks excédentaires). Le déséquilibre à court terme a été en partie résorbé en 1975 par la consolidation de la dette, mais l'incidence des charges financières (intérêts et remboursements) sur les ressources de l'entreprise ne s'est aggravée qu'en 1975. A cette date, l'endettement à terme

représentait encore 2,4 années de capacité d'autofinancement. Il semble donc probable que ce type d'entreprises ait eu beaucoup de difficultés à réinvestir en 1976 et même en 1977.

L'examen d'un échantillon de firmes françaises au cours de la décennie 1964-1974 a montré que leur stratégie d'investissement a résulté de la combinaison, dans des proportions évidemment variables d'une firme à l'autre, d'une tendance à long terme de croissance assez régulière et de fluctuations de plus courte durée. En raison de ces dernières, on peut dire que les entreprises connaissent des cycles d'investissement, sans que cela implique d'ailleurs un caractère de grande régularité.

La croissance régulière des investissements a plutôt été le fait des fabricants de biens d'équipement qui ont constitué vraiment le moteur de l'économie durant cette période. Les firmes des autres secteurs (biens intermédiaires, biens de consommation et commerce) ont eu des politiques de développement plus fluctuantes ou cycliques, en fonction de facteurs commerciaux (le marché), techniques (indivisibilité des équipements) et financiers.

Quels enseignements pouvons-nous tirer quant à la gestion des entreprises ? Essentiellement que la situation financière d'une société a d'autant plus de risque d'être déséquilibrée à la suite d'une opération d'équipement qu'il s'agit d'investissements de redressement à partir d'une situation médiocre, que les indivisibilités techniques jouent beaucoup ou bien que la croissance du chiffre d'affaires est fluctuante ou encore que les besoins en fonds de roulement sont élevés en proportion du chiffre d'affaires.

Les facteurs de l'investissement ? Il semble bien que ce soit la rentabilité, dont les fluctuations se retrouvent dans les décisions d'accroissement du capital productif, la durée de vie des équipements et le poids changeant des actifs circulants.

On comprend mieux aussi les modalités suivant lesquelles se nouent les relations entre système industriel et système financier : l'endettement à plus d'un an des entreprises s'explique principalement par leur profil d'investissement. On peut ainsi à juste titre parler d'endettement de croissance lorsque les firmes installent de nouveaux équipements et qu'il est très normalement remboursé progressivement lorsqu'elles marquent une pause dans leur développement.

Le recours aux crédits à court terme, qui proviennent essentiellement des banques, traduit également l'impact de la politique d'accumulation du capital : des besoins supplémentaires en capitaux circulants apparaissent en effet souvent juste après une phase d'investissement, soit parce que la demande se maintient et que l'activité progresse rapidement (effet de volume), soit parce que la demande

20

s'essouffle et qu'en conséquence la rotation des valeurs d'exploitation se ralentit (effet de durée).

Mais les entreprises connaissent parfois des problèmes financiers et se trouvent alors mises dans l'obligation de contracter ultérieurement d'autres emprunts à plus d'un an, soit pour rembourser les prêts antérieurs, soit pour échelonner la charge excessive des crédits bancaires à court terme. Ceux-ci peuvent avoir servi à financer des investissements, les besoins en fonds de roulement correspondant à la mise en œuvre de nouvelles unités de production, ou bien des besoins en fonds de roulement rendus excédentaires par le retournement de la conjoncture. On parle alors d'endettement de consolidation.

Finalement, il ressort assez nettement que l'interpénétration entre capitaux industriels et capitaux bancaires a lieu à l'occasion de la régulation par le système bancaire de l'accumulation du capital productif et du déroulement du cycle d'exploitation. Aussi ne présente-t-elle pas une évolution linéaire : plus forte lors de phases d'investissement

intensif, elle se dénoue généralement lorsque la croissance cesse ou se ralentit. Toutefois, lorsque les difficultés accroissent l'ampleur et la durée des perturbations financières auxquelles sont soumises les entreprises, leur survie même impose une certaine solidarité et en particulier la consolidation de la dette vis-à-vis du système bancaire.

Dernier enseignement de l'étude, quels que soient les comportements ou tendances observés au cours des années précédentes, la politique d'investissement des entreprises françaises a été fortement marquée par la mauvaise conjoncture de l'année 1975. Le profil de croissance régulière sur longue période s'étant complètement effondré cette année- là, trois des quatre profils se sont pratiquement retrouvés en phase, mais à un niveau particulièrement bas du taux d'accumulation : nul doute que cette temporalité spécifique ait constitué un facteur important d'aggravation de la tendance générale.

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CYCLES ^INVESTISSEMENT 21