Cultivez votre intuition pulsions, mais comme une caverne d’Ali Baba de données glanées par...

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18 Sens & santé COMPRENDRE ET GUéRIR Au volant, au travail, entre amis ou chez le médecin... Notre intelligence inconsciente, vaste champ de recherche des neurosciences, est plus ou moins sollicitée selon nos capacités intuitives. Et vous, quel intuitif êtes-vous ? Faites le test ! DOSSIER RéALISé PAR ISABELLE FONTAINE AVEC CLAIRE LELONG-LEHOANG ILLUSTRATIONS SÉVERINE ASSOUS Cultivez votre intuition

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18 ❘ Sens & santé

comprendre et guérir

Au volant, au travail,

entre amis ou chez le médecin...

Notre intelligence inconsciente,

vaste champ de recherche des neurosciences,

est plus ou moins sollicitée selon

nos capacités intuitives.

Et vous, quel intuitif êtes-vous ?

Faites le test !

dossier réalisé par Isabelle FontaIne avec ClaIre lelong-lehoang

illustrations sÉVerIne assoUs

Cultivez votre intuition

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comprendre et guérir

Nous sommes tous dotés d’intuition. À cette évocation, cependant, nombreux sont ceux qui affirment, avec une pointe de regret, « ne pas en avoir du tout ». Un jugement sévère qui résiste rarement longtemps à l’analyse : « Si j’y réfléchis bien, je me rends compte que je suis capable de “sentir” les personnes. C’est quelque chose d’impalpable, mais je sais, sans savoir comment je le sais, si je peux faire confiance ou pas à quelqu’un », réalise Arline. Les neurosciences, qui l’étudient depuis une quinzaine d’années, la nomment « intelligence inconsciente » ou « inconscient d’adaptation ». L’inconscient étant entendu ici non pas comme un sombre marigot abritant nos pulsions, mais comme une caverne d’Ali Baba de données glanées par notre cerveau. Tel un ordinateur surpuissant, il stocke en permanence, de manière automatique, l’ensemble de nos expériences passées :

depuis la découverte des neurones miroirs, les neurosciences se sont ouvertes

à l’intuition. Ainsi nos impressions, nos impulsions

sont soudain devenues objets d’études pour mieux comprendre leur mécanisme.

odeurs, savoirs, visages, émotions, données routinières, détails infimes, même si nous n’en gardons aucune trace consciente, tout en créant des liens et associations entre elles, en « tâche de fond »… Tout cela pour aboutir à une « fulgurance » inconsciente, alors que notre raison procède plus lentement, par analyse et accumulation d’arguments. « L’intuition est un phénomène complexe qui puise dans le réservoir de nos connaissances subconscientes, fouille à toute vitesse dans notre mémoire à la recherche d’expériences passées pour permettre une compréhension profonde et immédiate de la situation », résume Christophe Haag, spécialiste de psychologie sociale, dans son livre consacré à l’intuition, La Poulpe Attitude. Multiple dans ses manifestations (lire l’encadré page 22), l’intuition transite entre autres par des sensations physiologiques, auxquelles on prête rarement attention. Pour les personnes à l’écoute des messages de leur corps, ces impressions constituent pourtant un indicateur précieux. Ainsi, Richard Branson, PDG de Virgin, raconte se fier à « l’excitation » ressentie ou pas de manière intuitive pour choisir ses nouveaux projets. Cette relation sensations corporelles-intuition, en lien avec les émotions, a été éclairée par Antonio Damasio. Le neuropsychologue a mis en lumière dans ses travaux l’existence de « marqueurs somatiques » dans notre encéphale. Ceux-ci, du grec soma, corps, sont associés à un souvenir ayant déclenché une émotion forte. Quand cette mémoire se réactive, le corps revit la sensation d’origine et l’intuition se manifeste… D’après le psychologue américain Daniel Goleman, les mécanismes intuitifs stimulent différents circuits neuronaux. Ils transitent à grande vitesse via le tronc cérébral, l’amygdale et le cortex préfrontal, aire de notre cerveau la plus évoluée, siège des fonctions exécutives comme le raisonnement, l’apprentissage, la prise de décisions. C’est dans cette même zone neuronale que, dans les années 90, le professeur italien Giacomo Rizzolatti fait une autre découverte intuitive majeure : les neurones miroirs.

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Isabelle FontaInespécialiste de l’intuition. elle a publié développez votre intuition pour prendre de meilleures décisions, éditions leduc.s, et anime le blog histoiredintuition.com.

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Notre sixième sens reconnu par la science

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comprendre et guérir

Le comportement de ce groupe de cellules nerveuses est atypique : ils s’activent de manière identique lorsqu’on exécute une action, lorsqu’on regarde une action exécutée par quelqu’un d’autre et même lorsqu’on s’imagine soi-même l’exécuter. Le cerveau peut mémoriser une infinité de gestes, postures, mimiques observés et les assimiler comme faisant partie intime de lui. « Un mécanisme ultra-rapide qui peut permettre de prédire très exactement intuitivement les réactions et les intentions d’autrui », souligne Christophe Haag. Appelés aussi neurones de l’empathie, ils expliquent nos capacités innées de décryptage du langage corporel en percevant chez autrui des émotions telles que la tristesse, la peur ou la colère.

Le pressentiment dans la zone d’ombreUne approche qui éclaire la récente notion d’intelligence émotionnelle, c’est-à-dire la capacité de capter, comprendre intuitivement ce que vit l’autre et qui constitue pour Howard Gardner, éminent psychologue d’Harvard, une intelligence en soi, aux côtés du classique QI évaluant nos capacités logico-mathématiques et verbales (voir page 26). Si les scientifiques cherchent à éclairer les manifestations neuronales de l’intuition, ils se heurtent parfois à des zones d’ombre… C’est le cas du pressentiment, appelé dans le jargon scientifique « anticipation physiologique prédictive ». Observé au cours de diverses expériences, il nous permet de « prédire » ce qui va se passer sans que l’on en ait conscience et sans qu’aucun indice sensoriel ne se soit manifesté dans l’environnement. Soumis à des images alternativement neutres ou impliquantes émotionnellement, des sujets parvenaient ainsi, via des signaux électriques spécifiques émis au niveau de la peau et du cœur, à savoir intuitivement avec 2 à 10 secondes d’avance que des images connotées allaient être

projetées… « Ce phénomène est observé scientifiquement, mais nous ne pouvons pas encore l’expliquer », constate Julia Mossbridge, du laboratoire de neurosciences et de perceptions cognitives de la Northwestern University, à Chicago. Mystérieux, les phénomènes intuitifs débordent parfois aussi sur le terrain de capacités hors normes, telle la télépathie. Taboue, cette forme de communication d’inconscient à inconscient est pourtant commune, dès lors que l’on s’autorise à l’accueillir. « Souvent, je pense à quelqu’un dont je n’ai pas spécialement de nouvelles, et comme par hasard, je reçois dans la journée soit un coup de fil, soit un mail. J’ai fini par comprendre qu’il y avait un lien entre les deux et que cela n’était pas dû au simple hasard », confie Sandra. Fréquente entre les personnes « sur la même longueur d’onde » – amis, couple, parents et enfants, collègues, thérapeute –, la télépathie est pour l’ingénieur Dean Radin une « évidence » démontrée au cours de multiples études. Pour le chercheur, le cerveau fonctionne comme une antenne capable de capter des données flottantes présentes autour de nous. Une vision prolongée par celle du biologiste Rupert Sheldrake et sa théorie iconoclaste des « champs morphiques », sortes de « clouds » d’informations communs à différentes espèces – humains, animaux, végétaux, minéraux – auxquels il serait possible de se brancher via son intuition. Voilà qui fait écho à la notion d’inconscient collectif chère à Carl Gustav Jung. Le fondateur de la psychologie des profondeurs, qui voyait dans l’intuition une fonction du psychisme humain « tout ce qu’il y a de plus normale, naturelle et nécessaire » et reconnaissait l’existence des phénomènes de communication d’inconscient à inconscient – qu’il avait observés en grand nombre –, le décrit comme corpus de connaissances « hors temps et espace » commun à des ensembles de personnes. C’est ainsi que par exemple dans une famille, à un niveau intuitif, tout se saurait, et en particulier les secrets, et ce bien qu’ils n’aient jamais été révélés… Encore plus subtile est l’approche de certains philosophes. À l’époque contemporaine, Henri Bergson considère que l’intuition, source de connaissance supérieure et d’accès à la vérité pour les penseurs de l’Antiquité, est « l’expression de l’âme toute entière », permettant d’appréhender « l’être en soi » en saisissant la nature

Un gage de créativitéscientifique

Dans l’histoire des découvertes scientifiques, les exemples

d’éclairs de génie, ou insights, abondent. À leur palmarès figure, au iiie siècle avant notre ère, le fameux « Eurêka » d’Archimède. Plongé dans son bain, le mathématicien comprit subitement la poussée qui porte son nom, et courut crier nu dans les rues sa géniale découverte. En 1820, devant une peinture mythologique représentant Castor et Pollux, le physicien allemand Johann Schweigger eut l’intuition de l’existence de deux pôles électriques, qui lui permit plus tard d’inventer le premier galvanomètre. Plus près de nous, dans les années 1960, c’est Melvin Calvin, Nobel de chimie, qui, attendant au volant de sa voiture que son épouse termine ses emplettes dans un centre commercial, comprit en un éclair le mode de formation du carbone. Quant au savant français Henri Poincaré, il était si familier de ces fulgurances qu’il y consacra tout un chapitre de son ouvrage L’Invention mathématique, paru en 1908. Liés à une somme de travail importante en amont, ces flashs intuitifs ont la particularité cabotine de se manifester durant des périodes intellectuelles de basse intensité –loisir, sport, routine –, au cours desquelles la personne est occupée à tout autre chose que réfléchir à son sujet. Albert Einstein, pour qui l’intuition était la seule voie menant aux idées et aux découvertes, estimait de son côté : « Un bond se produit dans la conscience et la solution vient à vous. Vous ne savez ni comment ni pourquoi. »

Pensées, images, sensations, émotions : l’intuition sous toutes ses formes

L ’intuition se traduit de différentes manières : on « entend » parfois une petite voix intérieure ou une pensée fulgurante (canal auditif).

On peut « voir » une image dans sa tête, plus ou moins symbolique (canal visuel). Ou encore sentir des impressions corporelles marquées : boule au ventre, cœur serré, nausée, mains moites, gorge nouée (canal sensitif)… S’y ajoutent également des « impressions émotionnelles diffuses », comme la peur, la colère, la tristesse. Ou une impression floue (« Cette personne, je ne la sens pas »), un message précis affleurant à la conscience, une impulsion subite inexpliquée amenant à faire telle ou telle chose, des flashs de compréhension donnant parfois de grandes découvertes (lire l’encadré ci-contre).

profonde des êtres, des choses, de la vie. Portée à son paroxysme, l’intuition est cette porte d’accès à des réalités métaphysiques relevant d’un « principe supérieur ». On parle alors d’intuition mystique ou spirituelle, expérience subjective et bouleversante se traduisant par une sensation d’harmonie, de fusion et reliance avec le Grand Tout. C’est le sentiment océanique vécu par le prix Nobel de littérature Romain Rolland, ou encore l’expérience paroxystique (peak experience) décrite par le psychologue Abraham Maslow. À l’image des traditions spirituelles orientales comme le yoga, qui situe l’intuition au niveau du chakra du troisième œil – roue d’énergie subtile située au milieu du front –, elle est cette voie de communication, ce trait d’union entre l’homme et l’Univers. « L’intuition, ce n’est ni plus ni moins pour moi que la voix de Dieu, celle qui me guide de manière juste sur mon chemin », confie Céline. Toutes ces approches questionnent un point central : mais d’où vient l’intuition ? Il n’existe pas de réponse univoque à cette interrogation. Pour les neuroscientifiques, l’intuition, tout comme la conscience, est une émanation de réactions physico-chimiques du cerveau. Celle-ci a pour socle nos expériences passées. À cette approche rationnelle, d’autres proposent l’existence

J’ai appris avec le temps à me mettre en résonance

avec mon entourage, à tel point que je ressens parfois ce que

l’autre ressent sans qu’il ait besoin de parler, et j’agis alors

en conséquence. Jean-Michel““ Nos sources

la Poulpe attitude, christophe haag, michel lafon, 2011.

l’ordre étrange des choses. la vie, les sentiments et la fabrique de la culture, antonio damasio, odile Jacob, 2017.

les neurones miroirs, giacomo rizzolatti et corrado sinigaglia, odile Jacob, 2011.

les Intelligences multiples, howard gardner, retz, 2004.

la Conscience invisible, dean radin, J’ai lu, 2006.

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Quand

je rencontre une

difficulté et que la

solution ne s’impose

pas d’elle-même, je

prends mon mal en

patience. J’attends,

sereinement. Je sais

que mon intuition

va se manifester. Il

m’est arrivé plusieurs

fois de me réveiller

au beau milieu

de la nuit avec LA

solution, l’évidence.

Laurent “

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1 Je parviens facilement à entrer dans ma bulle intérieure et à me concentrer, même s’il y a beaucoup d’agitation autour de moi.

� Jamais 0 point� Parfois 1 points� Souvent 2 points

2 lorsque je rencontre de nouvelles personnes ou me rends dans un lieu que je ne connais pas, il m’arrive d’avoir des ressentis corporels marqués (frissons, cœur serré, sensation d’ouverture, de fermeture, boule au ventre, etc.).

� Jamais 0� Parfois 1� Souvent 2

3 Je me souviens souvent de mes rêves et suis sensible au langage des symboles que j’arrive à décrypter.

� Jamais 0� Parfois 1� Souvent 2

4 Je fais l’expérience de « hasards » dont je sens profondément qu’ils ont du sens dans ma vie.

� Jamais 0� Parfois 1� Souvent 2

5 J’ai des pressentiments sur des événements positifs ou négatifs qui se révèlent ensuite justes.

� Jamais 0� Parfois 1� Souvent 2

6 Je parviens facilement à faire le vide mental en moi et à faire cesser le petit vélo de mes tracasseries intérieures.

� Jamais 0� Parfois 1� Souvent 2

7 J’aime, quand je pars en week-end ou en voyage, ne pas tout prévoir pour laisser une place à l’imprévu.

� Jamais 0� Parfois 1� Souvent 2

8 J’ai besoin de contact avec la nature et d’instants de solitude, je sens que cela me nourrit intérieurement.

� Jamais 0� Parfois 1� Souvent 2

9 Je me mets facilement à la place des autres et ressens l’état émotionnel des personnes avec qui j’interagis.

� Jamais 0� Parfois 1� Souvent 2

10 il m’arrive de penser soudainement à une personne en particulier, sans raison, et je constate qu’elle me contacte très peu de temps après.

� Jamais 0� Parfois 1� Souvent 2

11 Je sais spontanément ce qui va ensemble ou pas.

� Jamais 0� Parfois 1� Souvent 2

12 Je suis sensible à « l’énergie » que dégagent les gens, et je sens très vite quand on me manipule et qu’on me ment.

� Jamais 0� Parfois 1� Souvent 2

13 Je fais le lien entre ma vie intérieure et les répercussions sur mon corps, sous forme de troubles ou de maladie par exemple.

� Jamais 0� Parfois 1� Souvent 2

14 J’aime deviner « au pif », et ça marche pratiquement toujours.

� Jamais 0� Parfois 1� Souvent 2

15 Des images me viennent spontanément à l’esprit, hors contexte, et je réalise ensuite que cela a du sens.

� Jamais 0 � Parfois 1� Souvent 2

16 Je sens intérieurement quand je ne suis pas sur la bonne voie, même si je n’ai pas toujours la force de mettre en place les changements nécessaires.

� Jamais 0� Parfois 1� Souvent 2

17 Je me réveille la nuit, ou le matin en sautant du lit, en ayant la certitude absolue d’avoir trouvé la bonne solution à une question préoccupante.

� Jamais 0� Parfois 1� Souvent 2

18 J’ai des pensées fugaces sous forme de petite voix intérieure, souvent sans rapport avec la situation présente, et qui se vérifient par la suite.

� Jamais 0� Parfois 1� Souvent 2

RésultatsDe 0 à 12 points : Vous fonctionnez plutôt de manière rationnelle et privilégiez l’expérience concrète. l’intuition est sûrement présente dans votre vie, mais vous la tenez en laisse, avez du mal à lui faire confiance et la jugez certainement trop sévèrement. Apprenez à relâcher la pression et à vous ouvrir à d’autres mécanismes moins scientifiques, mais plus subtils, que vous ne pouvez pas toujours expliquer.

De 12 à 24 points : Ni franche alliée, ni ennemie, l’intuition est présente dans votre vie, mais vous lui accordez plus ou moins d’importance au gré des événements. elle intervient donc avec un succès mitigé et une fréquence aléatoire. essayez de lui prêter plus d’attention, au quotidien, en prenant conscience qu’elle est sûrement plus à votre service que ce que vous supposez.

De 24 à 36 points : Vous êtes une personne franchement intuitive. naturellement à son écoute, vous avez appris, avec le temps, à faire confiance en ses messages. Mais vous attendez peut-être un peu trop d’elle et êtes perdu lorsque, momentanément, elle vous lâche. Acceptez que votre intuition n’est pas une « baguette magique », mais un juste complément de la raison pour vous guider vers les bonnes décisions.

Identifiez vos capacités intuitives. Répondez spontanément, sans réfléchir. La première impulsion est la bonne !

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de champs d’informations subtils extérieurs aux individus. Confondant temps et espace, encore non expliqués, nous pourrions nous y connecter grâce à notre intuition. Et d’autres encore voient dans notre sixième sens un guide intérieur, un lien au divin nous mettant en lien avec une transcendance… Loin de s’opposer, toutes ces approches invitent à élargir notre vision de l’intuition afin de lui permettre de nous apporter, en toute ouverture d’esprit, le meilleur d’elle-même. Nous avons tous de l’intuition. Que nous soyons plus ou moins conscients de ses manifestations et signaux subtils, notre sixième sens nous guide, dans les petites et grandes décisions. Sorte de couteau suisse de l’existence, il est tout autant capable de servir de GPS pour dénicher une place de parking que d’avoir du flair pour choisir un restaurant. Il est aussi utile, au quotidien, pour ressentir l’état émotionnel d’autrui. Grâce à notre capacité de décryptage du langage corporel, cette infracommunication faite de signaux imperceptibles, nous pouvons capter intuitivement l’état d’un collègue stressé, d’un enfant apeuré, d’un conjoint fuyant. Si l’intuition s’impose le plus souvent à nous dans l’instant, elle peut aussi flotter dans notre vie tel un serpent de mer, se rappelant de temps à autre à notre conscience. Changer de travail, choisir une nouvelle orientation de vie, se séparer d’un partenaire… Dans ces décisions particulièrement importantes, l’intuition n’oblige cependant en rien à l’action immédiate. Il n’est d’ailleurs pas rare alors que des « synchronicités » apparaissent comme par « magie » pour nous guider sur la bonne voie (voir encadré ci-dessous). Une chose est sûre : n’ôtant jamais le libre arbitre, cette « amie qui nous veut du bien » s’enrichit en profondeur au contact de la raison, son indispensable associée. I.F.

Synchronicité, une heureuse coïncidence

Ces heureuses coïncidences ou « hasards nécessaires » se manifestant dans des moments clés de l’existence (changement d’orientation

professionnelle, nouveau départ, rencontre décisive…) ont été nommés par Carl Gustav Jung les synchronicités. C’est l’histoire par exemple de la bonne personne rencontrée pile au moment où l’on a besoin de ses services, ou encore une concordance de signes, sorte de clins d’œil semblant nous pousser dans une direction précise… Les synchronicités « résonnent » et font profondément sens pour celui qui les vit, laissant parfois l’entourage perplexe. Elles ont intrigué bien des chercheurs, dont, au siècle dernier, le physicien quantique Wolfgang Pauli. Ayant collaboré avec Jung, il y voyait une « possible relativité du temps et de l’espace déterminée par le psychisme ». Si les synchronicités ne sont pas en elles-mêmes des intuitions, elles sont cependant intimement liées. Ainsi, plus on se met à l’écoute de son intuition, plus les synchronicités se manifestent, et plus on devient capable d’en décrypter la signification.

testQuel intuitif êtes-vous ?

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L e champ de l’intuition peut-il se développer grâce au déploiement de l’intelligence émotionnelle ? Identifié en 1980 par des psychologues de l’université de Yale, ce concept, vulgarisé par Daniel Goleman en 1995 (L’Intelligence

émotionnelle, J’ai lu), fait aujourd’hui l’objet d’un test : le MSCEIT (des initiales de ses trois concepteurs). À la différence d’un test de QI, on mesure ici les facultés d’un individu à se mettre à l’écoute de ses émotions pour mieux se connaître et appréhender les autres. Deux types d’approches sont mesurées : l’intelligence émotionnelle expérientielle, et l’autre plus analytique et stratégique. Dans la première branche, on s’attache à évaluer nos aptitudes à se laisser guider et renseigner par nos émotions. « Est-ce que je suis sensible à ce que je peux lire sur un visage, à ces narines froncées qui trahissent la colère, ou bien suis-je réceptive à l’ambiance environnante, à la chaleur, la couleur qui se dégagent d’un lieu ou d’un tableau ? commente Justine Chabanne, psychologue de l’institut Positran et collaboratrice du Dr Ilona Boniwell (chercheuse référente en psychologie positive). Quel impact ces ressentis ont-ils sur mes décisions ? Est-ce que je parviens à me connecter aux messages envoyés par mes émotions et à m’y adapter ? » Et la professionnelle de citer l’exemple de ce médecin-chercheur qui oriente son activité quotidienne selon son humeur du matin : « Les jours heureux, il laisse une large part à sa créativité pour

comprendre et guérir

JustIne Chabannepsychologue, formatrice en psychologie positive appliquée auprès de la chercheuse et docteure ilona boniwell.

À la différence du sentiment, l’émotion, plus furtive, se lit corporellement,

que ce soit sur un visage, sur la peau, dans la posture.

Alors comment se saisir de ces signaux pour mieux écouter son intuition ?

ses recherches ou ses formations, tandis qu’il se replie sur ses papiers administratifs les jours où il se sent pessimiste. » C’est précisément du côté de cette intelligence émotionnelle, cette faculté de connexion à soi-même par un ressenti physique presque inconscient, que se situerait, selon Justine Chabanne, l’intuition. « Quand je sens dans quelle direction mon humeur me pousse à agir, comment mon émotion influence ma façon de penser ou d’interagir avec les autres, je suis en plein domaine intuitif. » Une quête de connexion à soi-même que révèle aujourd’hui l’engouement pour les pratiques de méditation ou de yoga. « On y apprend à écouter son corps et les alertes qu’il nous envoie, révélatrices d’un stress ou d’une fatigue psychique. Cette branche expérientielle de l’intelligence émotionnelle nous rappelle que nous ne sommes pas obligés d’être toujours dans l’efficacité et l’analyse, qu’un autre pan de nous-même peut nous guider. » Le test MSCEIT ne vise pourtant pas à comparer les différents types d’intelligence. Plus intéressante que le score final obtenu est la part que chacun accorde à l’écoute de ses émotions et à l’utilisation qui est faite de ces informations intuitives dans les relations quotidiennes. Faire jouer son intelligence émotionnelle pourra nous aider, au travail, à mieux comprendre la plainte d’un client ou la difficulté d’une équipe. Ou encore, dans des circonstances plus douloureuses, comme celle d’un deuil, entrer dans l’émotion pour se remémorer des moments heureux peut orienter notre tristesse vers des souvenirs positifs. « Il n’y a pas de hiérarchie entre les émotions, précise encore Justine Chabanne. Positives ou négatives, elles peuvent être physiquement bonnes pour notre santé. En accueillant ses émotions, on se sent mieux dans son corps, plus poussé vers des comportements de bien-être. Et ce n’est pas pour rien si, en ces temps de surcharge de travail, de frénésie des objectifs et du stress, la psychologie positive prend de l’ampleur. On redécouvre l’importance du champ émotionnel, par trop sacrifié, pour contribuer à l’équilibre de nos vies. »

propos recueillis par ÉlIsabeth Marshall

Les 6 rudiments de l’alimentation instinctive1. Reconnaître les signaux de faim et de satiété. 2. Différencier les faims physiques, émotionnelles

et conditionnées. 3. Écouter et traduire les signes que le corps envoie. 4. Respecter ces signes pour manger ce que dicte le corps. 5. N’avoir aucun interdit ni jugement face aux aliments. 6. Manger avec plaisir ce dont notre corps a exactement

besoin.

Sous l’influence de nos émotions

Manger avec ses sens plutôt qu’avec sa tête

V italité optimale, bien-être digestif et psycho-émotionnel, poids idéal… Notre corps serait capable de savoir ce qui est

bon pour lui et de nous dicter la marche à suivre, pour peu que l’on sache décoder ses messages. Alors que nous fonctionnons par habitudes, il faudrait au contraire se reconnecter à notre être. « L’alimentation intuitive, c’est le contraire d’un régime, explique la nutritionniste Ariane Grumbach. Sortons des diktats : pas de contrôle cérébral de la nourriture en termes de quantité ou d’aliment étiqueté comme bon ou mauvais. Au contraire, il faut apprendre à faire confiance à son corps : manger quand on a faim (vraiment !), en écoutant ses sensations alimentaires, savoir s’arrêter quand on se sent rassasié et bien ; observer comment on digère, si on se sent bien ou pas après le repas, ce dont on a envie puis plus envie du tout… » N’hésitez pas à prendre des notes pour mieux vous connaître, et à vous intéresser à la puissance de la nourriture en parallèle. Tels sont les préceptes de l’alimentation intuitive, une pratique mise au point par deux nutritionnistes, Evelyn Tribole et Elyse Resch. On parle alors d’émonutrition, d’alimentation raisonnée et sensorielle, d’instinctothérapie. L’intuition nous oriente souvent ensuite vers des aliments qui équilibrent nos besoins. « Cet équilibre nutritionnel se fait dans la durée, précise Ariane Grumbach, et surtout, il peut être nécessaire de se faire accompagner au début pour reconstruire sa conscience face aux aliments. Demandons-nous également quel sens nous donnons à notre alimentation : la part émotionnelle, et ce qui est cohérent pour nous, quels sont nos choix éthiques. Ensuite, le plus important c’est la diversité, puisqu’on ne peut pas avoir envie de ce que l’on ne connaît pas. » Le goût redevient alors le plus important : faire

des expériences, manger avec tous ses sens, ressentir vraiment ce qui est bon pour soi et construire son bien-être jour après jour.

Une évidence pour les enfants L’alimentation instinctive peut surtout être appliquée en famille ! « Les enfants, à de rares exceptions près, ont cette régulation instinctive, poursuit la nutritionniste. Le rôle des parents est alors de ne pas l’entraver : les laisser se servir, se connecter à ces repères internes, ne pas les forcer à finir leur assiette ; et donner l’exemple en mangeant de tout avec plaisir, sans cataloguer les aliments !» La formatrice en parentalité bienveillante et créative Catherine Dumonteil-Kremer souligne elle aussi qu’il faut « permettre à l’enfant de tirer ses conclusions par rapport à son ressenti. Par exemple, s’il a faim à 11 heures, le message de son corps est plus important que celui de l’horloge. En ayant la possibilité d’écouter ses perceptions corporelles, l’enfant développe sa propre conscience des choses et de lui-même, plutôt que d’avoir toujours au-dessus de lui une conscience annexe pour lui dire quoi faire et quand. Il apprend à savoir exactement comment il se sent et de quoi il a besoin ».

par ClaIre lelong-lehoang

Et si bien se nourrir n’était pas une question de nutriments et de calories ? Si c’étaient le plaisir et l’intuition qui permettaient de combler nos carences ?

arIane GrumbaChdiététicienne-nutritionniste, auteure de la gourmandise ne fait pas grossir ! une diététicienne dit non aux diktats alimentaires, carnets nord, 2016.arianegrumbach.com

Nos sources

l’Intuitive eating : une méthode révolutionnaire, evelyn tribole et elyse resch, 1995.

a intuitiveeating.org

J’étais en rendez-vous professionnel avec un nouveau fournisseur. Tout à coup, je me suis senti mal à l’aise, mon rythme cardiaque s’est accéléré et une impression de colère m’a envahi. Quelque chose me disait que je ne pouvais pas lui faire confiance. Après enquête, j’ai découvert qu’il était impliqué dans plusieurs procès. Bref, il était tout sauf fiable… Quentin ““

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Soigner « à l’instinct », C’est ce que font nombre de médecins, Et ça marche !

Souvent occultée bien que centrale en médecine, la tendance du corps

médical à suivre son intuition est un facteur pertinent selon les chercheurs.

Jean-yves le resteprofesseur et directeur du département de médecine générale de la faculté de médecine de brest, spécialiste des questions de dépistage et du diagnostic de la dépression.

ont depuis été menées, toujours à l’université de Brest, dont une portant sur le rôle de l’intuition dans la détection des cas d’embolie pulmonaire par le corps médical, dont les résultats sont en cours de publication. Là aussi, l’intuition s’avère cruciale… « Il a été observé que le facteur gut feeling marche mieux dans la détection de cette pathologie grave au diagnostic difficile que beaucoup de « scores » scientifiques, qui sont des questionnaires tout prêts élaborés pour guider les médecins dans leur décision. En gros, en suivant son intuition, aucun généraliste ne rate une embolie pulmonaire. Il pourra par contre prescrire plus d’examens », souligne le médecin. Validée depuis par d’autres chercheurs universitaires, notamment en Allemagne, en Espagne et en Italie, la reconnaissance de la place du gut feeling en médecine semble avancer à grands pas, l’objectif étant à terme d’élaborer une définition européenne commune pour poursuivre la recherche dans ce domaine. « Longtemps, son rôle a été occulté sous le poids de la science. Or, la médecine, comme beaucoup de pratiques humaines, est aussi basée sur des éléments impalpables. Tous les praticiens, qu’ils soient généralistes ou spécialistes, ont recours quotidiennement à leur intuition, à la fois au niveau clinique mais aussi relationnel, pour s’adapter au profil psychologique des patients. C’est une évidence pour nombre d’entre eux, que nous avons pu d’ailleurs constater lors de l’étude. Bien qu’étant basée sur le tirage au sort et le volontariat, la participation a été exceptionnellement forte, alors que nous nous attendions à des réactions plutôt mitigées », poursuit Yves Le Reste. Convaincu de la pertinence de l’intuition, le professeur a introduit dans le cursus des médecins à la faculté de Brest une sensibilisation à la notion d’intuition, apprenant aux étudiants à repérer et à prendre compte les sensations de « ça colle » ou de « ça cloche ». Il conclut : « L’intuition est de moins en moins taboue en médecine. On assiste à une vraie vague de fond qui invite les médecins à réapprendre à écouter et à faire confiance à cette petite voix intérieure qui peut leur permettre de faire moins d’erreurs. » I.F.

L ’intuition en médecine… douteuse, dangereuse et non fiable ? Ce n’est pas l’avis d’un groupe de chercheurs de la faculté de médecine et des sciences de la santé de Brest, qui se penchent depuis une dizaine d’années sur le rôle central

qu’elle joue dans les décisions médicales. « Tout est parti d’une thèse que j’ai dirigée et qui visait à valider en France une étude menée aux Pays-Bas sur la place du gut feeling (terme anglais désignant l’intuition, littéralement “l’instinct viscéral”) en médecine générale, explique le professeur Jean-Yves Le Reste. Nous avons pu confirmer que l’intuition est non seulement une réalité pour les médecins, mais aussi qu’elle est pertinente. » Ayant fait l’objet en 2011 d’une publication dans la revue Exercer, l’intuition, loin d’être persona non grata, y est présentée comme un précieux « compas décisionnel », se manifestant globalement de deux manières : soit sous forme d’une sensation d’alarme, soit de réassurance.

« L’alarme, c’est cette impression que “ça cloche” et qui fait craindre quelque chose de grave, même si aucun élément objectif ne vient étayer cette sensation, précise le professeur Le Reste. La réassurance, c’est au contraire lorsque le médecin sent que “ça colle”. Il est sûr de son pronostic et de l’évolution ultérieure du problème, malgré d’éventuels signaux inquiétants, et sent qu’il n’est pas nécessaire d’envoyer le patient aux urgences. »En lien avec un « raisonnement d’expert », les chercheurs observent cependant que l’intuition n’est pas nécessairement liée au niveau d’expérience, et que les sensations d’alarme et de réassurance existent aussi chez les médecins novices. « L’intuition fait partie des aspects non analytiques du processus décisionnel médical où l’on n’a pas besoin de passer par le raisonnement. Elle est en quelque sorte autonome, comme un outil en plus, et non strictement dépendante de la pratique clinique », observe le professeur. De nouvelles études complémentaires

À SAVOIR« ça colle » ou « ça cloche » ?

pilotée par l’université de maastricht, une première étude qualitative sur la place de l’intuition en médecine générale a été publiée en 2009 dans la revue Bmc Family practice. 27 médecins universitaires ont été soumis à un questionnaire approfondi. un protocole sur la place de l’intuition, se manifestant sous forme d’impressions de « ça colle » ou de « ça cloche », a ensuite été établi. c’est ce même protocole qui a été appliqué à l’université de Brest sur 29 praticiens universitaires tirés au sort (revue exercer, 2011). d’autres pays comme l’italie, l’espagne et l’Allemagne ont depuis également validé cette approche, dans le but d’établir un consensus européen ouvrant la voie à des recherches approfondies sur le sujet.

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M édecin généraliste depuis vingt ans, je fonctionne beaucoup à l’intuition. En plus de mes connaissances et de mon

expérience, à la base de l’exercice de la médecine, je me fie à ma boussole intérieure. Elle vient m’aiguiller dans mes décisions, indépendamment de l’interrogatoire du patient et des examens, qu’ils soient plus ou moins alarmants. Tous les capteurs sensibles sont comme ouverts, je perçois, sans forcément les analyser, de multiples signaux chez la personne, comme un regard, une posture, une attitude, qui vont me pousser à réexaminer, à chercher plus loin. Je me souviens d’une jeune patiente qui ne se sentait pas bien, mais l’examen clinique ne révélait rien d’inquiétant. Pourtant, j’étais inquiet, il y avait quelque chose de bizarre. Je l’ai envoyée faire une IRM en urgence… Il s’est révélé qu’elle souffrait d’une veine cérébrale obstruée par un caillot de sang, pathologie potentiellement très grave. Mon intuition se manifeste très vite, sans que j’aie besoin de réfléchir. Cela dit, je réalise que ça marche encore mieux quand je suis en forme. Si je suis surmené, l’intuition sera plus longue ou plus rare à se manifester. J’ai aussi appris à prendre en compte l’intuition des parents, et des mères en particulier lorsqu’elles signalent quelque chose d’inhabituel chez leur enfant. Bien sûr, je fais aussi attention, l’intuition est un outil supplémentaire mais qui n’est pas infaillible… Il m’est arrivé de me tromper sur une première impression, et je reste toujours vigilant. L’intuition est aussi quelque chose d’irrationnel pour moi. J’ai souvent des flashs, sous forme d’association d’idées ou de pensées, pour un patient que je n’ai pas vu depuis longtemps… et il débarque toujours dans mon bureau le jour d’après, voire le jour même ! Avec le temps, j’ai compris que cela n’était pas dû au simple hasard. Bien que je ne l’explique pas, mais c’est comme si une connexion s’établissait entre mon mental et celui de mes patients… »

raphaël, 49 ans, médecin généraliste

Des médecins à l’écoute de leur instinct

« L ’intuition est toujours déterminante

dans mes décisions »

28 ❘ Sens & santé

Ma fille souffrait d’un ensemble de maux que

les médecins mettaient sur le compte du psychosomatique,

en disant que ça finirait par passer. Mon intuition me soufflait

que c’était plus compliqué que cela. J’ai insisté, et je l’ai

emmenée consulter plusieurs spécialistes. Finalement, il s’est

avéré qu’elle était atteinte d’une maladie rare, et on a enfin

pu la prendre en charge. Marlène“

Sens & santé ❘ 29

Page 7: Cultivez votre intuition pulsions, mais comme une caverne d’Ali Baba de données glanées par notre cerveau. ... à faire telle ou telle chose, des flashs de compréhension

# 6   -   J A N V I E R / F É V R I E R   2 0 1 8 

1 Prêtez attention aux « signaux faibles » L’intuition transite par des manifestations fines et

fugaces qu’il est important d’apprendre à repérer. Ainsi, lorsque des pensées hors cadre vous traversent, sans lien avec la situation présente ou d’habituelles ruminations intérieures, entraînez-vous à en prendre conscience. De même, quand des suggestions visuelles surgissent sur votre écran mental alors que vous êtes occupé à autre chose, ne les laissez pas filer. Comme au cinéma, faites un arrêt sur images. Soyez également connecté à votre corps en notant les ressentis qui l’animent. Identifiez bien quelles sensations précises surviennent, en quel endroit de votre corps et en quelle occasion. De manière générale, considérez tous ces signaux intérieurs comme une potentielle source d’information intuitive sur vous-mêmes, vos proches, votre environnement, et pas systématiquement comme d’inutiles parasites. Notez leur présence et accueillez-les sans les dénigrer ni chercher à tout prix à les expliquer ou les analyser.

2 Jouez avec votre sixième sens Comme un muscle qui s’exerce, notre sixième

sens s’affine avec l’expérience. Amusez-vous à le solliciter : au cours d’une soirée, devinez le métier de vos interlocuteurs, exercez votre empathie en essayant de ressentir ce que l’autre vit, faites des pronostics « au pif » sur un événement, essayez de savoir qui vous appelle ou vous envoie un texto… Et, pourquoi pas, jouez au mentaliste en envoyant une information par la pensée à un proche, et guettez l’éventuel résultat, qui sait ! Acceptez de vous tromper, avec bienveillance, l’intuition étant, comme l’erreur, humaine. Autorisez-vous de temps en temps à céder à vos impulsions

en apparence irraisonnées. Vous avez subitement envie de changer de trajet pour aller au travail ? Faites-le. Un mouvement vous incite à pousser la porte de tel endroit ? Allez-y. Partez pour des promenades en « roue libre » en vous laissant guider uniquement par votre ressenti. Sentez-vous libre de laisser venir ce qui se présente spontanément à vous.

3 Stop à l’hyperconnexion Envahissants, les écrans nous bombardent de

données superflues ou anxiogènes. Ils musellent aussi notre intuition, laquelle se nourrit de disponibilité intérieure. Reprenez en main votre consommation numérique en instaurant des plages de déconnexion : au réveil, instaurez un délai avant de vous connecter, côté courrier électronique, faites une pause le week-end, mettez votre téléphone en mode avion le soir. Limitez vos alertes et notifications, sont-elles vraiment toutes nécessaires ? Remplacez les soirées à surfer sur Internet ou à regarder des séries en rafale par des activités de la vraie vie : concert, restaurant, lecture… De manière générale, soyez plus présents à vos proches. Oubliez votre Smartphone lorsque vous jouez avec votre enfant

Dans le brouhaha de nos existences chahutées et hyperconnectées,

écouter notre petite voix intérieure n’est pas toujours

chose aisée. Quelques pistes pour réveiller son sixième sens.

de la serviette. Ou encore, dans les transports ou au travail, faites un focus sur votre respiration, en imaginant et ressentant son trajet précis dans votre corps.

5 Connais-toi toi-même Le sillon de l’intuition ne se trace sereinement

que dans un rapport authentique et pacifié à soi-même. Cela suppose d’apprendre à bien se connaître, en osant aborder ses zones d’ombre (peurs, failles, blessures…) tout en cultivant un regard lucide et distancié dessus. Les croyances négatives du type « je suis nul », « je n’y arriverai pas », « on ne m’aime pas » fragilisent en particulier la confiance en soi et font obstacle à l’épanouissement de l’intuition vraie. Elles peuvent nous entraîner sur la voie d’illusions, comme la projection, c’est-à-dire lorsque nous plaquons nos propres désirs, angoisses, attentes sur les autres ou une situation, au nom du sixième sens. On peut aussi appeler à tort intuition une impression liée à un stéréotype, comme le fameux « délit de sale gueule ». Il est primordial, lorsqu’une intuition importante se présente à nous, de toujours la passer au crible du discernement. I.F.

ou que vous déjeunez avec un ami. N’oubliez pas : la communication d’humain à humain est le canal par lequel nous captons le plus d’informations – notamment subtiles – sur notre environnement.

4 Invitez la pleine conscience dans votre quotidien

Être relié à son intuition suppose d’investir pleinement son espace intérieur dans une forme d’apaisement mental et d’attention sensorielle à « ce qui est ». Cette expérience, que les traditions spirituelles nomment « l’instant présent », s’acquiert grâce à des méthodes de pleine conscience comme la méditation, le yoga ou le qi gong. Elles ont en commun de nous faire renouer avec la lenteur, en reliant corps et esprit. En dehors de cet apprentissage, il est possible de cultiver des petits moments de pleine conscience au quotidien. Le but est de mettre de l’attention là où, habituellement, on n’en met pas. Arrêtez-vous, ne serait-ce que quelques instants, pour vous connecter à vos sens. À table, prenez le temps de véritablement goûter, humer les saveurs. Sous la douche, ressentez l’eau sur votre peau, la température, le rêche É

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Rêverie : la voie royale

Loin d’être des moments perdus, les instants de rêverie sont au contraire l’occasion

de nous connecter à nos ressources inconscientes (lire également page 8). Plongés dans cet état, que nous traversons aussi le matin au réveil, le soir à l’endormissement et lors d’une courte sieste, notre conscience est flottante et nous avons accès à nos cinq sens, mais « de loin ». À la fois absents et présents à nous-mêmes, libérés des interférences du monde extérieur, l’agitation mentale et la confusion émotionnelle cessent, pour laisser place à une sensation d’unité et de bien-être. Notre cerveau baigne dans des ondes alpha et thêta, caractéristiques des états de conscience modifiés, de relaxation profonde et de méditation, prompts à l’émergence d’informations intuitives. Des images, idées, pensées peuvent en effet surgir spontanément, parfois de manière très précise et inspirante. Laissez-les venir à vous, tout en activant votre conscience en background. Et pensez à les noter sur un bout de papier une fois sorti de votre rêverie pour ne pas les oublier.

comprendre et guérir

30 ❘ Sens & santé Sens & santé ❘ 31

5clés pour mieux se relier à son intuition

J’étais en recherche d’emploi. Une offre

correspondant exactement à ce que je cherchais s’est

présentée. J’ai passé l’entretien et ai été retenue. Pourtant,

ma petite voix me soufflait de refuser. Pour mes proches,

c’était une décision folle, mais j’ai suivi mon impulsion.

Quelque temps plus tard, j’ai décidé de me lancer à mon

compte, comprenant que c’était ma voie. Charlotte““

Nos sources

la Force de l’intuition, malcolm gladwell, pocket, 2007.

Coachez votre intuition, vanessa mielczareck, marabout, 2013.

l’Intelligence émotionnelle, daniel goleman, J’ai lu, 2003.