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Les images antiques représentent souvent des épisodes rituels, principalement des sacrifices, soulignant ainsi leur importance. Cependant ces images ne sont pas une reproduction photographique de la réalité mais un discours visuel qui révèle, par-delà ses composantes réalistes, la conception idéale du rite. Le rite effectue le lien entre hommes et dieux, symbolisé par l’autel et le temple. Sur l’autel, l’offrande établit le contact entre les deux sphères. Célèbres ou modestes, tous les sanctuaires fonctionnent autour des mêmes éléments fondamentaux : un autel, une effigie cultuelle divine, des offrandes.

Par-delà les différences entre les traditions cultuelles et rituelles grecques, étrusques ou romaines, l’autel exprime le sacrifice, et plus largement les dévotions dues aux dieux par les hommes. Il est le lieu de la mise à mort des victimes car le sacrifice garantit la bonne entente avec les dieux, et la sauvegarde de la société et de la cité dans son ensemble. Dans le feu du bûcher allumé sur l’autel brûlent les parts de la victime réservées aux dieux qui se nourrissent du fumet ainsi dégagé. Les broches au-dessus des flammes sont garnies de viande que les hommes vont se partager lors du banquet.

Il existait aussi une dimension individuelle des pratiques religieuses comme l’offrande dans un cadre « privé ». Les rites fonctionnent comme des fondements de tous les moments de la vie grecque, des plus intimes aux plus officiels et publics. Le sacrifice est aussi la pratique centrale de la religion romaine d’État. Sa représentation, stéréotypée est un discours visuel que les Romains diffusent sur la forme de relation qu’ils entretiennent avec leurs dieux Le sacrifice a lieu devant le temple sous les yeux de la communauté du peuple romain. La communication avec le divin dépend du bon état de piété de tous les acteurs et des objets du rituel. C’est ce qu’expriment les guirlandes accrochées sur la façade du temple ainsi que les ornements de la victime, qui la déclarent pure pour le sacrifice.

La procession à travers la Ville, qui précède le sacrifice, permet aux Romains de se mettre en scène. Sa représentation délivre un message d’unité politique, d’ordre social, de gravité et de piété. La religion romaine étant publique, tous les grands événements de la vie politique et sociale sont placés sous la protection des dieux. Tel est le cas du recensement. Un sacrifice conclut les opérations de recensement au cours duquel un porc, un bélier et un taureau sont offerts à Mars.

Ils sont assommés par la hache du victimaire. La scène est très rarement représentée. En effet, la mise à mort n’est qu’anecdotique parce que la victime est déjà passée symboliquement dans la propriété des dieux. La consultation des entrailles par l’haruspice suit la mise à mort de la victime. Elle précède le banquet sacrificiel, distribué aux citoyens. Grec ou romain, le sacrifice permet à la communauté humaine de se définir et de se constituer, sous l'œil des dieux.

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SCÈNE DE SACRIFICE, CRATÈRE EN CLOCHE

© RMN Musée du Louvre / Hervé Lewandowski

Sur ce cratère à figures rouges, pièce maîtresse du banquet et de sa convivialité, dans lequel on puisait le vin mélangé à l’eau pour les convives, hommes et dieux se côtoient à des registres ou dans des positions différents. Poséidon, assis, se reconnaît à son trident ; au registre supérieur, Apollon tient son laurier. En revanche, les figures qui encadrent l’autel – l’homme barbu debout sur la droite et le jeune homme couronné, main tendue au-dessus de l’autel – appartiennent clairement au monde des hommes. C’est le rite qui effectue le lien entre hommes et dieux. Il est symbolisé par l’autel et le temple – soulignés par le rehaut blanc – qui résument visuellement l’expression de la piété et la dévotion. L’offrande sur l’autel établit le contact entre les deux sphères, ou le rétablit si l’on se place dans la perspective du mythe prométhéen selon Hésiode. Les figures, divines et humaines, sont couronnées. C’est un signe de la fête, d’un moment hors du commun, distinct de la quotidienneté ; un moment circonscrit, comme est circonscrit le sanctuaire, souvent nommé temenos, ce qui renvoie à la notion de portion de territoire découpée et réservée. Le peintre a représenté toutes les figures, humaines comme divines, avec la même couronne soulignée de couleur claire, pour insister sur la communauté festive créée, pour le temps de la fête, entre homme et dieux. Qui pourrait dire, d’ailleurs, si la figure identifiée comme Poséidon est bien le dieu qui assiste directement au sacrifice, ou bien son prêtre ? L’ambiguïté est entretenue. L’image, et ses potentialités, donnent à voir tout l’imaginaire du sacrifice et les fondements d’un rite efficace.

Scène de sacrifice, Cratère en cloche

Peintre du sacrifice du Louvre

Dernier quart du IVe s av. J.-C.

H : 0,320 m

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SANCTUAIRE RUSTIQUE, LÉCYTHE À FIGURES ROUGES

© RMN Musée du Louvre / Hervé Lewandowski

Qu’ils soient grandioses et célèbres dans tout le monde grec, ou modestes, campagnards et fréquentés par le seul voisinage direct, tous les sanctuaires fonctionnent religieusement autour des mêmes éléments fondamentaux : un autel pour les sacrifices, une effigie cultuelle divine, des offrandes. C’est ce résumé fonctionnel que présente ce lécythe. Devant l’autel en pierre et sculpté d’une grecque, un pilier hermaïque (représentation d’Hermès en forme de pilier) ithyphallique figure sans ambiguïté le dieu en tant qu’effigie, et non en tant qu’entité agissante présentifiée. Le caducée peint sur le côté identifie volontairement Hermès par l’un de ses attributs. Au-dessus de l’autel un pinax est suspendu : cette tablette de bois ou de terre cuite représente la mémoire d’une offrande laissée par un fidèle, tout autant qu’elle est un signe visuel pour dire la sacralité du lieu. Le bucrane (crâne de bœuf) à l’extrême droite joue un rôle de symbole mémoriel de l’efficience des rites sacrificiels pratiqués dans le sanctuaire. Nombreux devaient être ces sanctuaires « minimalistes », qui rythmaient le territoire et inscrivaient profondément la ritualité dans le paysage quotidien.

Sanctuaire rustique,

Lécythe à figures rouges

Vers 475-450 av. J.-C.

H : 0,154 m

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HOMME DEVANT UN AUTEL, PLAQUE DE TERRE CUITE PEINTE

© RMN Musée du Louvre/ Hervé Lewandowski

L’autel est bien le point de contact et d’articulation entre hommes et dieux. Cœur nécessaire et efficace du sacrifice, il peut à ce titre figurer à lui seul le rite dans toute son efficience. Telle est l’option visuelle, par focalisation, qu’a choisie pour cette plaque de terre cuite provenant de Cerveteri un peintre étrusque du 3ème quart du VIe siècle avant notre ère. L’image rappelle que l’autel est une construction bien humaine, sur laquelle pourront être déposées et transformées, par le feu notamment, les offrandes. Aucun autel n’est jamais présenté comme un don des dieux. C’est aux hommes de l’ériger pour créer les conditions du sacrifice et, donc, des bons rapports entre hommes et dieux. Qu’il soit fait de briques polychromes comme ici, ou artistement sculpté dans le marbre, ou encore construit avec un amas de cailloux ou de gazon, seules comptent sa fonction et l’efficacité des rites qui s’y déroulent, La plaque évoque ces derniers par la présence d’un officiant, par le feu qui brûle à sa surface et peut-être aussi par le lébès (bassin rituel) qui repose sur une colonnette disposée sur le rebord de l'autel. Par-delà les différences entre les traditions cultuelles et rituelles grecques, étrusques ou romaines, l’autel est un espace du rite qui porte en lui suffisamment de sens pour exprimer, métonymiquement, le sacrifice, et plus largement les dévotions dues aux dieux par les hommes.

Homme devant un autel,

Plaque de terre cuite peinte,

dites plaque Campana

3ème quart du VIe s av. J.-C.

H : 1,24 m ; L : 0,59 m

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SCÈNE DE LIBATION, PÉLIKÈ À FIGURES ROUGES

© RMN Musée du Louvre / Hervé Lewandowski

Même allumé, comme sur cette pélikè (type d’amphore à panse), l’autel n’induit pas automatiquement un sacrifice sanglant, loin s’en faut. La libation est un acte rituel central. De l’œnochoé (vase à puiser et à verser le vin) que tient la femme à droite coule le divin breuvage dans une phiale tendue par l’homme au-dessus de l’autel. La phiale est une coupelle sans pied, d’origine perse, que l’on tient par le bord et par dessous, grâce à l’omphalos (« nombril ») central, concave, où les doigts peuvent s’accrocher. Si l’œnochoé a de multiples emplois, dans les banquets notamment pour remplir la coupe des convives, la phiale est un ustensile réservé à l’usage rituel. En passant de l’œnochoé à la phiale puis à l’autel allumé, le vin ainsi répandu acquiert un statut rituel qui donne tout son sens à l’acte cultuel de la libation, ici en contexte domestique. Le couple représenté de part et d’autre de l’autel exprime le fondement familial au sens moderne du terme, de la société ; il évoque l’oikos (la maisonnée) comme pivot et base de la cité. Le bon rapport entre les hommes et les dieux concerne la cité, autant par le biais de ses représentants officiels que par celui de tout citoyen dans le cadre de son oikos.

Scène de libation,

Pélikè à figures rouges,

Peintre d’Argos

Vers 480-470 av. J.-C.

H : 0,305 m

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ATHÉNA ET HÉRACLÈS, OENOCHOÉ À FIGURES ROUGES

© 2000 Musée du Louvre /Marine Beck-Coppola

Cette œnochoé représente sur une de ses faces, de part et d’autre d’un autel, un homme et une femme, lui tenant la phiale, elle l’œnochoé, selon un schéma classique et récurrent des scènes de libation. Quelques éléments figuratifs font toutefois basculer la scène sur un plan différent. La femme est Athéna, reconnaissable à son casque et à sa lance ; l’homme est Héraclès, comme l’indiquent la peau de lion, l’arc et le carquois qui l’identifient. Au-delà des rapports étroits de patronage qui lient la déesse au héros, dans les mythes par exemple, le rite figuré, selon un schéma représentatif tout humain, est ainsi transposé au niveau héroïco-divin. Certes, Athéna – la déesse « en personne » ou sa statue ? – ne verse pas le vin dans la phiale tenue au-dessus de l’autel par Héraclès ; la libation, représentée en puissance dans et par les éléments figuratifs choisis, n’en est pas moins affichée comme le lien privilégié avec le divin, quel que soit le statut respectif des figures en présence. Le bâton sur lequel s’appuie Héraclès, signe caractéristique du citoyen honorable, renforce encore ce jeu sur les catégories. C’est la toute-puissance du modèle rituel que le peintre a choisi d’exprimer.

L’arbre placé derrière l’autel se prête à deux niveaux de lecture : comme signe paysager, il dit, de façon minimaliste, la dimension « naturelle » des sanctuaires, extra-urbains, comme urbains bien souvent ; par son espèce – c’est un olivier –, il redouble visuellement la présence d’Athéna, « inventrice » de l’olivier dont le prototype se trouve sur l’Acropole d’Athènes.

Athéna et Héraclès,

Oenochoé à figures rouges

Peintre des Niobides

Vers 450 av. J.-C.

H : 0,260 m

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SACRIFICE D’UN PORC, COUPE À FIGURES ROUGES

© RMN Musée du Louvre / Stéphane Maréchalle

L’autel est aussi le lieu de la mise à mort rituelle des victimes sacrificielles. La violence est clairement mise en scène dans ce médaillon de coupe. Si la mise à mort n’est pas représentée, les éléments en présence sont suffisamment éloquents. La machaira, un couteau à forme caractéristique réservé à l’égorgement rituel, tenue par le sacrificateur debout torse nu, est montrée ici prête à l’emploi, dans une gestuelle dynamique sans équivoque. L’autel de pierre porte sur sa face des traces de sang, soigneusement soulignées par le peintre. Le couteau rituel est rarement représenté sur les images grecques ; il n’apparaît le plus souvent que dans des scènes de sacrifice déviant (sacrifice humain ou étranger). Sa présence rituelle indispensable est toutefois régulièrement sous-entendue par la figuration de la corbeille (kanoun) dans laquelle il est transporté, dissimulé sous des grains. Les traces de sang sur l’autel sont en revanche très courantes sur les images, pour exprimer visuellement l’effectivité du rite d’égorgement et la fonctionnalité rituelle de l’autel.

Un porcelet, tenu par un jeune homme torse nu, est ici la victime du sacrifice. Chaque sacrifice est un cas particulier. Il a ses propres exigences, en matière de victime notamment. Un même dieu ne recevra pas les mêmes victimes selon la fête, le lieu, les circonstances, le règlement du sanctuaire. Des calendriers sacrificiels précis sont donc nécessaires au bon déroulement des divers rituels ; pour l’observateur moderne, ils sont la marque du fonctionnement de ce que nous appelons le « polythéisme ».

Sacrifice d’un porc,

Coupe à figures rouges

Peintre d’Epidromos

Vers 510-500 av. J.-C.

D : 0,198 m

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SCÈNE DE SACRIFICE À APOLLON, CRATÈRE À FIGURES ROUGES

© RMN Musée du Louvre/ Les frères Chuzeville

Cette représentation du sacrifice met en scène différents moments du rituel. La « compression » temporelle vise à exprimer de façon synthétique l’essence du sacrifice et son résultat, c’est-à-dire la bonne entente des hommes et des dieux, garante de la sauvegarde de la société et de la cité dans son ensemble.

L’homme barbu debout à la gauche de l’autel est le « maître de cérémonie » ; il est assisté dans son service rituel par un jeune homme, à droite, qui verse une libation sur l’autel, et par un plus jeune garçon, à gauche derrière lui, qui tient au-dessus de la flamme des broches enfilées de parts de viande destinées au festin sacrificiel des hommes. Les trois classes d’âges, pareillement couronnées, et représentant autant de statuts distincts, signifient la participation de la société dans son intégralité au rituel sacrificiel, par délégation représentative de ses composantes.

Une figure imberbe debout tout à droite observe le rituel en cours. C’est Apollon, destinataire du sacrifice, qu’identifie la hampe de laurier qu’il tient en main droite, et dont le laurier en pied figuré derrière l’autel est un écho significatif. Est-ce le dieu en personne qui assiste à son sacrifice ? Est-ce la statue de culte, présentée non comme telle mais de façon « vivante » ? Ou bien est-ce le prêtre, un homme, qui revêt (comme cela est courant) la livrée du dieu pour officier comme garant du rituel effectué ? Les potentialités de l’image permettent de dépasser ces questions rationnelles pour insister plutôt sur l’efficacité du rituel qui transcende la réalité du monde. L’image exprime l’ambiguïté constitutive d’un discours sur la présence divine dans et par le rituel.

Scène de sacrifice à Apollon,

Cratère à figures rouge

Peintre de Pothos

Vers 430-420 av. J.-C.

H : 0,332 m

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SCÈNE DE SACRIFICE, OENOCHOÉ À FIGURES ROUGES

© RMN Musée du Louvre/ Hervé Lewandowski

Le sacrifice est communication et partage, entre les hommes et les dieux tout d’abord, bien que leurs parts respectives soient clairement distinguées. Sur cette scène peinte sur la panse d’une œnochoé, dans le feu du bûcher allumé sur l’autel brûlent déjà les parts de la victime (les os longs) réservées aux dieux qui se nourrissent du fumet ainsi dégagé. Les broches tenues au-dessus des flammes par un jeune assistant sont garnies d’une partie des viandes (les viscères en général) que les hommes vont se partager lors du banquet, l’autre partie étant bouillie dans des chaudrons (une opération qui est très rarement représentée). Ce partage de la victime entre les hommes et les dieux est aussi partage des parts comestibles entre les hommes au banquet, ainsi que partage du bénéfice du sacrifice par la communauté dans son ensemble, symbolisée par le citoyen appuyé sur son bâton à gauche. Les couronnes portées par les participants à la cérémonie sont un marqueur tangible du temps spécial que représente ce moment de partage au cours duquel se fonde et se refonde régulièrement la société des hommes face aux dieux.

Au sacrifice sanglant et à la libation s’ajoute enfin, ici, la prière ou l’invocation, signifiée par le geste de la main gauche de l’officiant principal, au moment de la libation. Aux actes s’articulent les paroles, qui activent et parachèvent tout à la fois la communication et le partage induits par le rituel sacrificiel dans ses différentes composantes.

Scène de sacrifice,

Oenochoé à figures rouges

Peintre de Craipalé

Vers 430-425 av. J.-C.

H : 0,215 m

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ANTHESTÉRIES, OENOCHOÉ À FIGURES ROUGES

© RMN Musée du Louvre/ Gérard Blot

Les rites, et les éléments pratiques qui leur sont liés – comme l’autel et le pilier hermaïque à droite sur ce vase –, marquent le paysage quotidien, en ville comme à la campagne, chez soi comme dans l’espace public. Ils ponctuent aussi la vie des hommes dès l’enfance. Ils les intègrent par degré à la société et les préparent à leur rôle futur de citoyens, actifs dans tous les registres de la vie publique, dont l’aspect religieux est une composante essentielle. Cette image évoque la fête dionysiaque des Anthestéries, célébrée pendant trois jours vers la fin de notre mois de février à Athènes. Les enfants de trois ans environ y étaient fêtés lors du second jour des festivités, appelé significativement jour des Choes. Un vase miniature, le chous (pl. choes), sorte d’œnochoé globulaire, leur était offert à cette occasion : il reprenait la forme des choes d’une contenance légèrement supérieure à trois litres grâce auxquels les hommes rivalisaient ce jour-là dans un concours de boisson. Retrouvés en abondance dans des tombes d’enfant, ces choes miniatures figurent le plus souvent de jeunes garçons avec un chariot, comme ici, ou d’autres jouets, dans un espace ritualisé par la présence d’éléments matériels comme un autel ou une effigie-pilier. L’iconographie choisie, comme la fabrication même de ces vases miniatures, sont un signe de l’intégration des enfants mâles, sortis des plus grands dangers des premiers temps de vie, à la vie sociale et citoyenne, dans et par sa dimension rituelle.

Anthestéries,

Oenochoé à figures rouges,

(chous)

Vers 430 av. J.-C.

H : 0,082 m

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MÉNADES RENDANT UN CULTE DIONYSIAQUE, STAMNOS À FIGURES ROUGES

© RMN Musée du Louvre / Hervé Lewandowski

Si les rites sacrificiels peuvent se décliner selon un schéma commun et stéréotypé, les particularités sont tout autant constitutives de la pratique cultuelle antique, signes tangibles de l’approche « polythéiste » des relations au divin, guidées par les circonstances. Sur ce stamnos (vase contenant du vin mélangé), l’effigie de Dionysos est un montage éphémère : un pilier est habillé d’un manteau et d’une tête ou face du dieu. Au même Dionysos renvoie aussi le thyrse (devant lui) : cette hampe garnie de lierre est un de ses attributs, autant qu’un objet lié au rituel proprement bachique, et un signe distinctif des bacchantes et bacchants. Le rite représenté semble double, à l’image du dieu auquel il s’adresse, à la fois dieu du panthéon à part entière et dieu toujours à part. Faisant face au dieu, une femme, significativement du côté du thyrse, lui présente respectueusement, dans un canthare, le vin pur qui est sa marque et son apanage : le rite est original et dionysiaque. Derrière l’effigie divine, en revanche, est figurée une scène qui renvoie à un sacrifice parfaitement « traditionnel »: une autre femme tient le kanoun, la corbeille habituelle du sacrifice, en main gauche et une œnochoé contenant du vin mélangé destiné à une libation dans sa main droite. Aucun autel n’est pourtant représenté, mais simplement une trapeza – table à trois pieds utilisée notamment pour les banquets – sur laquelle reposent la viande désossée issue de la victime sacrificielle et des pains. Ces signes évoquent la convivialité du banquet qui suit le sacrifice. Le sacrifice sanglant, bien que non représenté, est néanmoins présent, mais dans une temporalité distanciée.

Ménades rendant un

culte dionysiaque,

Stamnos à figures rouges

Peintre d’Eupolis

Vers 450-440 av. J.-C.

H : 0,390 m

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DÉPART DU GUERRIER, OENOCHOÉ À FIGURES ROUGES

© RMN Musée du Louvre / Hervé Lewandowski

Les sacrifices, les libations et autres rites n’étaient pas réservés aux seules fêtes religieuses, importantes ou plus modestes, inscrites aux calendriers sacrificiels. De nombreuses occasions, d’ordre domestique notamment, donnaient lieu à des manifestations rituelles. Cette œnochoé représente le cas bien connu d’un départ de guerrier, la guerre ayant été longtemps le quotidien des cités grecques. À gauche de l’autel se tiennent deux femmes ; la plus proche tient la phiale et l’œnochoé, les deux ustensiles nécessaires et suffisants au rite de libation. Face à elles, de l’autre côté de l’autel, un jeune homme en cuirasse, armé de deux javelines et coiffé d’un pétase est un cavalier prêt à partir au combat. L’arbre qui se dresse derrière l’autel est garni de pinakes, ces tablettes votives qui contribuent à créer l’ambiance sacrée du lieu autant qu’elles en sont l’expression.

Cette libation familiale au moment du départ à la guerre d’un membre de la maisonnée, exprime la place centrale des rites, à l’intersection entre vie privée et société, et l’articulation entre le microcosme de l’oikos et le macrocosme de la cité. Les rites, dans leur diversité foncière et spécifique basée sur un « patron » commun reconnaissable, fonctionnent comme des fondements et des pivots de tous les moments de la vie grecque, des plus intimes aux plus officiels et publics.

Départ du guerrier,

Oenochoé à figures rouges

Vers 410 av. J.-C.

H : 0,226 m

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JEUNE FILLE FAISANT UNE LIBATION

© RMN Musée du Louvre / Hervé Lewandowski

Tout de retenue, d’intimité et de grâce, le geste rituel de cette jeune fille en terre cuite, retrouvée dans un tombeau de Myrina, ouvre vers la dimension individuelle des pratiques religieuses. A moitié agenouillée devant une vasque sur pied contenant diverses offrandes végétales (des fruits ?), elle semble y verser le contenu d’un récipient disparu. C’est une dévotion d’ordre personnel qui nous est donnée à voir dans cette fine statuette du type de Tanagra. Elle rappelle à la fois la multiplicité des formes que peut prendre la pratique rituelle et la variation constante de ses circonstances. L’arc de ces occasions s’étend de l’hécatombe des grandes fêtes poliades – qui met en branle tous les rouages, publics et domestiques, de la communauté – jusqu’à l’offrande individuelle d’une jeune fille dans un cadre « privé », de la libation familiale au moment du départ d’un guerrier ou du dépôt à titre personnel d’un ex-voto dans un sanctuaire campagnard jusqu’à la participation communautaire à un sacrifice officiel et public. L’ensemble de ces occasions rituelles, dans les formes variées qu’elles connaissent, constitue le tissu religieux antique, aux mailles bien serrées, à la fois garant et fondateur de l’ordre social dans son ensemble.

Jeune fille faisant une libation,

figurine en terre cuite

IIIe s av. J.-C.

H : 0,160 m

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SCÈNE DE SACRIFICE DEVANT UN TEMPLE

© BnF © BnF, Paris

Le sacrifice (sacrificium) est la pratique centrale de la religion romaine d’État. C’est un rituel de communication qui, en rendant une offrande sacrée (sacrum facere), la fait passer du monde des hommes dans celui des dieux. Sa représentation, stéréotypée quel que soit le support de l’image, est un discours visuel que les Romains diffusent sur la forme de relation qu’ils entretiennent avec leurs dieux. Les codes iconographiques disent le caractère public du rite – pratiqué par les représentants de l’État pour la collectivité (respublica) – et les conditions rituelles et pratiques de la cérémonie. Cette monnaie de l’empereur Domitien, le dernier des empereurs de la dynastie flavienne (81-96), frappée par décision sénatoriale (S C dans le champ en bas), en figure deux étapes. À droite, l’entrée en relation avec la divinité se fait très normalement par une libation par l’encens et le vin. Nous sommes devant le temple, car le sacrifice a toujours lieu à l’extérieur de façon à se faire sous les yeux de la communauté du peuple romain. Le magistrat public qui officie au nom de cette communauté – c’est ici l’empereur debout, tête découverte selon le rite grec – fait, avec une patère (large coupelle sans pied à usage rituel), la libation préliminaire sur l’autel fumant qui est devant lui. Les deux musiciens qui lui font face représentent la pureté sonore nécessaire au bon déroulement de la communication. À gauche, deux autres assistants, dont le victimaire chargé de la mise à mort, se préparent à assommer le taureau qui a été « rendu sacré » par l’immolatio, le rite (non représenté ici) qui l’a fait entrer dans la propriété du dieu.

Scène de sacrifice

devant un temple,

Monnaie de Domitien

81-96

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PRÉPARATIFS D’UN SACRIFICE

© RMN Musée du Louvre / Hervé Lewandowski

Ce fragment de relief, trouvé à Rome, montre de plus près les conditions rituelles nécessaires à une communication réussie avec les dieux. Elle passe d’abord par un état de piété de la part de tous les acteurs et objets du rituel, proclamé ici visuellement sur le fronton du temple de gauche. Dans sa partie gauche sont gravés deux objets rituels utilisés pendant le sacrifice, l’aspersoir et la louche nécessaire lors de la libation par le vin ; à droite les attributs de deux prêtres, le bâton de l’augure (chargé d’examiner la volonté des dieux) et le bonnet du flamine (prêtre d’une divinité particulière) complètent la déclaration visuelle de pietas. La scène sacrificielle se passe à l’extérieur, sub luce. L’espace est symboliquement déclaré pur au moyen des guirlandes accrochées sur la façade du temple de droite. Au premier plan les acteurs du rituel sont tous les quatre couronnés de laurier, peut-être pour signifier qu’il s’agit d’un sacrifice offert à l’occasion du départ ou du retour de l’empereur d’une campagne militaire. Mais ils se distinguent par leur vêtement.

À gauche, les deux personnages en toge – dont le flutiste (tubicen) qui assure la pureté sonore de la cérémonie – sont citoyens romains. À droite, poitrine découverte et bien musclés, sont figurés les appariteurs serviles, chargés de conduire, puis d’abattre, la victime sacrificielle. Le taureau, victime de Jupiter, fait masse au centre de la composition. Affiché comme pur et valide pour le sacrifice par ses ornements - diadème en forme de pelte (bouclier ancré) et cornes et col enguirlandés -, il apparaît placide, comme un participant à part entière du rituel. Pourtant les muscles tendus et la veine gonflée de l’esclave qui lui tient la bride indiquent assez la contrainte exercée sur lui. À ce stade préliminaire du sacrifice, la bête, qui n’est pas encore consacrée – pas encore « immolée » – est figurée comme participant du monde des hommes.

Préparatifs d’un sacrifice,

Relief architectural

Troisième quart du Ier s,

premier quart du IIe s

Marbre

H : 1,72 m ; L : 2,11 m

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FRAGMENT DE L’ARA PACIS

© RMN Musée du Louvre / Hervé Lewandowski

Le sacrifice proprement dit est l’aboutissement de cérémonies au déroulement complexe. Elles ont souvent commencé par une procession à travers la Ville, l’Vrbs, qui permet à la communauté romaine de se mettre en scène face à elle-même. Ce fragment de relief provient de l’Autel de la Paix (Ara Pacis). Sa construction fut décidée par le Sénat pour célébrer le retour victorieux d’Auguste après ses campagnes de Gaule et d’Espagne. Dans son « testament » (les Res gestae), le Princeps écrit que le Sénat « décréta que les magistrats, les prêtres et les vierges Vestales [ y] procéderaient à un sacrifice anniversaire » Sur le mur extérieur, donc bien visible, de l’autel inauguré en 13 avant notre ère, est figurée une procession : elle rassemble, selon un ordre hiérarchique bien précis, Auguste lui-même accompagné de la famille impériale et des représentants des corps constitués, religieux (les prêtres des grands collèges sacerdotaux) et civils (les magistrats). L’esthétique de la représentation délivre un message d’unité politique, d’ordre social, de gravité et de piété, toutes conditions nécessaires à l’efficacité des cérémonies religieuses, donc à un avenir heureux, symbolisé par la main affectueuse posée sur la tête du plus petit enfant. L’ambiance est calme, les visages conservés recueillis. Les participants, en famille (non identifiée ici), avancent dignement : les hommes portent la toge du citoyen et les femmes, des matrones, ont recouvert leur stola (sorte de robe) d’un manteau. Tous, même les enfants, participent de la pureté rituelle indispensable, représentée avec les rubans qui retombent sur le dos de la femme à droite et de l’enfant qui la suit, la couronne de laurier à la grecque dont l’homme à droite a ceint sa tête, et le bouquet de laurier tenu par la femme (au centre) et le petit enfant (derrière elle) dans leur main gauche.

Fragment de l’Ara Pacis,

relief architectural

Entre 13 et 9 av. J.-C.

Marbre

H : 1,14 m ; L : 1,47 m

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AUTEL DIT DE DOMITIUS AHÉNOBARBUS

© RMN Musée du Louvre / Hervé Lewandowski

La religion romaine étant publique, tous les grands événements de la vie politique et sociale sont placés sous la protection des dieux dont on invoque la bienveillance. Ce qu’on a longtemps appelé « l’autel de Domitius Ahenobarbus », et qu’on identifie plutôt désormais comme un piédestal, représente la cérémonie du recensement qui avait lieu tous les cinq ans sous le patronage du dieu Mars (la figure casquée à la droite de l’autel).

La scène se déroule sur son « champ », donc hors du pomerium (la limite sacrée de Rome), car l’enregistrement des citoyens selon leur niveau de fortune (leur cens) déterminait l’organisation de l’armée romaine ; deux couples de fantassins en armes ponctuent la scène à droite et à gauche. Encadré de deux colonnes, l’ensemble du bandeau condense des moments différents des opérations de recensement. La scène de gauche représente l’enregistrement. Un greffier assis inscrit sur une tablette les indications de patrimoine que lui communique un citoyen, debout en toge, qui tient dans sa main gauche des documents écrits pour appuyer ses dires. D’autres attendent leur tour ou s’en retournent une fois le devoir accompli, comme, à l’autre bout du bandeau, le cavalier venu avec son « cheval public », signe de son appartenance au deuxième ordre privilégié de l’État, les chevaliers. Le magistrat chargé des opérations est le censeur, debout à la gauche de l’autel. Il procède à la première étape du sacrifice concluant les opérations d’enregistrement, la libatio. Son visage est tourné vers les trois bêtes qui vont être offertes à Mars. Comme pour les scènes de procession, l’esthétique diffuse un message d’ordre et de concorde, entre les hommes et entre les hommes et le dieu.

Autel dit de Domitius Ahénobarbus,

relief architectural

Fin du IIe s av. J.-C.

Marbre

H : 0,80 m ; L : 5,60 m

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LA PROCESSION, AUTEL DIT DE DOMITIUS AHÉNOBARBUS

© RMN Musée du Louvre/ Hervé Lewandowski

Ce détail montre les animaux offerts à Mars lors du sacrifice qui conclut les opérations de recensement (le lustrum). Le sacrifice de trois bêtes – le taureau/taurus, le bélier/ovis et le porc/sus (suovetaurile en ordre croissant) – est propre à Mars. Les animaux sont représentés en procession, dans un ordre décroissant parfait pour l’équilibre esthétique de la scène. Ils sont menés par des appariteurs serviles, reconnaissables à leur pagne et à leur poitrine découverte, couronnés pour indiquer leur pureté rituelle ; en arrière-plan, deux autres appariteurs portent palme et étendard. Avant d’arriver à l’autel, la procession sacrificielle a fait trois fois le tour de la communauté rassemblée, de façon à circonscrire le populus sur lequel on appelle la protection du dieu.

Les bêtes sont conformes pour le sacrifice – intègres et sans défaut apparent - comme l’indiquent la bande d’étoffe (le dorsuale) qui ceint le corps du taureau et le ruban à pompon attaché à son oreille. Malgré la masse puissante du taureau (qui renvoie un écho visuel à la taille de la divinité), l’esclave a à peine besoin de le maintenir. Car, à l’image de l’ordre qui règne dans une procession humaine, les animaux aussi font partie de la communauté, tant qu’ils n’ont pas été marqués sur l’échine par la mola salsa (une pâte faite de farine d’épeautre, de sel et de sang) – ce qui constitue l’étape rituelle de l’immolation qui les fait passer au plan du droit dans la propriété des dieux.

La Procession, Autel dit de Domitius

Ahénobarbus, (détail) relief architectural

Fin du IIe s av. J.-C.

Marbre

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LE SACRIFICE, AUTEL DIT DE DOMITIUS AHÉNOBARBUS

© RMN Musée du Louvre / Hervé Lewandowski

Cet autre détail du monument dit de Domitius Ahenobarbus figure la scène centrale et principale du relief qui exprime symboliquement la relation entre Rome et ses dieux. Le sacrifice qui clôt les opérations du census est offert au dieu Mars qui patronne les activités militaires. Sa divinité est affirmée par une taille surhumaine, au point que le haut de son aigrette disparaît sous la limite supérieure du relief. La position de Mars, réputé père des jumeaux qui ont fondé Rome, est donc double. D’un côté, debout à la droite de l’autel symétriquement au censeur, il appartient à la communauté des Romains dont il est un dieu public ; mais, en tant que dieu, il en est ontologiquement un membre supérieur et extérieur, comme l’indique aussi son pied gauche qui est le seul à dépasser le cadre du relief. Mars est représenté selon un canon traditionnel : en habit militaire, cuirassé et casqué, il tient la lance dans la main droite et appuie son avant-bras gauche sur un bouclier, lui-même appuyé sur l’autel comme pour en déclarer la propriété.

Face à lui le censeur, tête couverte conformément au rite romain, lui offre la libation préliminaire au sacrifice, rituel par lequel le dieu et les hommes sont mis en présence. L’autel de pierre n’est pas encore allumé pour la libation par l’encens. Un enfant, un camillus de bonne famille, verse du vin dans une patère tenue par le magistrat-officiant, qui vérifie du regard une dernière fois que la procession du sacrifice arrive correctement à l’autel.

Le Sacrifice, Autel dit de Domitius

Ahénobarbus, (détail) relief architectural

Fin du IIe s av. J.-C.

Marbre

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PROCESSION, COUPE DE BOSCORÉALE

© RMN Musée du Louvre / Hervé Lewandowski

Ce skyphos (coupe à anse à hauts bords) appartient au trésor de Boscoréale : cet ensemble remarquable d’une centaine de pièces d’argenterie est constitué pour l’essentiel d’un service de vaisselle pour des banquets d’apparat. Sur un côté du vase se déploie d’abord une procession de victimes sacrificielles, qui suit les codes iconographiques des reliefs historiques sculptés sur pierre.

On retrouve donc facilement les composants de la cérémonie : la bête encore membre de la communauté, parée des ornements qui la déclarent apte à constituer l’offrande à la divinité, les appariteurs serviles couronnés, et le victimaire portant la hache qui la mène tranquillement (le licol n’est pas tendu), bien qu’un autre esclave devant, la tenant par une corne, doive pourtant la tirer de force. La placidité apparente de la bête est un code visuel pour signifier qu’elle appartient encore au monde ordonné des hommes.

Procession, Skyphos,

Coupe de Boscoréale

Fin du Ier s. av. J.-C.

Argent

H : 0,097 m

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SCÈNE DE SACRIFICE, COUPE DE BOSCORÉALE

© RMN Musée du Louvre/ Hervé Lewandowski

L’autre face du vase montre l’aboutissement de la procession. Elle est arrivée à un temple figuré à droite. De type romano-toscan, sur haut podium, il est couronné par un fronton triangulaire où trône un aigle, ailes déployées, dressé sur un globe cosmique. Le sacrifice est probablement offert à Jupiter. Le temple a été paré rituellement pour la cérémonie : il arbore les guirlandes qui certifient la pureté de l’espace où va se faire la rencontre entre mondes divin et humain. Les esclaves, opérateurs dans le rituel, sont pour leur part couronnés.

Il est rarissime que la mise à mort soit représentée, parce qu’elle n’est qu’un moment ‘anecdotique’ après le temps fort de l’immolatio, lorsque la victime passe symboliquement dans la propriété des dieux. Le taureau, qui a déjà été assommé, doit quand même être maintenu à terre pour que, d’un geste athlétique, puissant et précis, le victimaire puisse l’égorger avec sa hache. Toute anecdotique qu’elle soit, la mise à mort est le seul moyen humain capable de faire disparaître du monde des hommes un être qui ne lui appartient déjà plus. La victime abattue, l’officiant devra procéder à une étape supplémentaire du sacrifice, pour s’assurer que la victime est acceptée.

Scène de Sacrifice,

Skyphos, Coupe de

Boscoréale

Fin du Ier s. av. J.-C.

Argent

H : 0,097 m

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SCÈNE DE LITATIO, AVEC HARUSPICE, ESCLAVES SACRIFICATEURS ET LICTEURS

© RMN Musée du Louvre/ Christian Jean

Ce relief, constitué de deux fragments, est unique : il représente la consultation des entrailles (litatio) qui suit la mise à mort de la victime. Au centre du fragment de gauche se tient le victimaire (reconnaissable à la hache) qui vient de tuer le taureau ; dans sa main gauche, il tient la situle qui doit recevoir les entrailles/exta. Une fois abattue, la victime, en l’occurrence un taureau offert sans doute à Jupiter, est mise sur le dos et ses flancs sont ouverts pour une consultation divinatoire de ses entrailles – la litatio – de façon à s’assurer que la divinité destinataire est satisfaite de la qualité pure de l’offrande, donc digne des dieux.

D’après le fragment de droite, il se pourrait que le dieu ici concerné soit Jupiter et que l’examen soit fait devant son temple du Capitole, en présence de sénateurs en toge accompagnés de licteurs portant les faisceaux.

Scène de litatio, avec

haruspice, esclaves

sacrificateurs et

licteurs, relief

provenant du forum

de Trajan(?)

Premier quart du IIe s

Marbre

H : 1,64 m ; L : 2,30 m

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SCÈNE DE LITATIO, AVEC HARUSPICE, ESCLAVES SACRIFICATEURS ET LICTEURS (DÉTAIL)

© RMN Musée du Louvre/ Hervé Lewandowski

Sur ce fragment, à l’extrême gauche, l’haruspice mandaté par les autorités romaines pour la consultation divinatoire des entrailles (extaspicine) tient dans sa main droite une tablette qui recueillera les indications énoncées par l’esclave chargé de l’observation. Le taureau, pattes en l’air, porte encore les apparats de la victime rituellement pure (dorsuale et le ruban à pompon. Instruit par des manuels de consultation, réputés d’origine étrusque, l’agent rituel dira si l’aspect des entrailles / exta (cœur, foie, poumons, péritoine, etc.) donne les signes que la divinité destinataire agrée l’offrande, ce qui la rendra débitrice du vœu des hommes.

Les exta, recueillis dans la situle, seront cuisinés avant d’être offerts au dieu (à la différence des Grecs qui les consomment).Le reste de la bête, une fois rendu à l’usage profane par une opération rituelle (la profanatio), sera découpé pour être consommé dans un banquet sacrificiel, distribué aux citoyens, ou vendu au marché à la viande (macellum). Certes, le dieu et les hommes partageront une consommation – en signe de communication réussie –, mais ils ne partageront pas les mêmes morceaux, car la communication ne gomme jamais l’ontologie supérieure des dieux.

Scène de litatio, avec

haruspice, esclaves

sacrificateurs et

licteurs, relief

provenant du forum

de Trajan(?)

Premier quart du IIe s

Marbre

H : 1,64 m ; L : 2,30 m