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DOSSIER 23 études foncières — n°137, janvier-février 2009 LES COMMUNAUTES ET LE FONCIER A l’heure où de nombreux débats rappellent la nécessité de renforcer les compétences des intercommunalités en matière d’aménagement, l’Association Des Etudes Foncières (ADEF), l’Association Des Communautés de France (ADCF) et le CERTU 1 ont souhaité faire un état d’avancement de la question foncière dans les communautés.

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Pour limiter la consommation d’espaces périphériques par l’étalement urbain et contrer

ses effets négatifs (notamment en termes de dépendance automobile), la densification de l’urbanisation exis-tante apparaît comme la voie la plus souvent préconisée2, bien que faire rimer densité et durabilité ne fasse pas l’objet d’un consensus général, puisque les formes denses présen-tent elles aussi des effets induits négatifs3.

Quoi qu’il en soit, si la plupart des projets urbains s’accordent sur cette nécessité de densifier, en particulier ceux qui sont élaborés à l’échelle des

SCOT (schéma de cohérence territo-riale), il reste à savoir où densifier et comment le faire. Dans ce contexte, parallèlement à la résorption du loge-ment vacant, le discours de la réno-vation urbaine fait systématiquement référence à la nécessité de réutiliser les friches urbaines (qu’elles soient militaires, industrielles ou commer-ciales), et de mobiliser tout ou partie des espaces libres.

Toutefois, si ce recyclage des fri-ches et espaces urbains pour « recons-truire la ville sur la ville »4 est sou-vent mentionné d’un point de vue théorique comme un levier pour densifier, peu d’études empiriques ont été conduites pour mesurer le potentiel réel que représentent ces friches pour proposer une alternative à la consommation d’espaces péri-phériques. Cette carence s’explique sans doute par l’absence d’une base de données permettant de recenser les friches et les espaces libres, à différentes échelles, mais aussi par la difficulté à bien définir ce que sont ces espaces théoriquement recyclables.

Définir les espaces recyclablesDéfinir les espaces libres et margi-

nalisés, préalable obligatoire à tout inventaire, s’avère particulièrement complexe, tant ces espaces appa-raissent ambigus. Ces ambiguïtés ont souvent été étudiées à propos des friches agricoles5. Elles conduisent à adopter une approche combinant plusieurs critères de nature différente. Selon les auteurs et leurs préoccupa-tions, le poids relatif de ces critères diffère fortement en fonction des définitions adoptées. Pourtant, dans la mesure où il s’agit de caractères liés entre eux et qui s’entre-détermi-nent, ceux qui, le cas échéant, ne sont pas mobilisés, s’avèrent souvent implicites.

Le premier de ces critères est à l’évidence fonctionnel : les espaces considérés apparaissent d’abord comme des espaces dépourvus d’usage ou faisant l’objet d’utilisa-tions extensives ou marginales. Le deuxième, qui découle éventuelle-ment du premier, est physionomique : il repose sur l’apparence négligée ou abandonnée de ces espaces ; végé-tation spontanée de broussailles ou d’épineux, bâti délabré ou en ruine y traduisent l’absence d’entretien et le désinvestissement social. Toutefois, de même qu’un aspect abandonné n’implique pas nécessairement une absence de fonction sociale (végéta-tion spontanée se développant sur un champ d’épandage en aval d’une station d’épuration par lagunage, par exemple), il existe des terrains régulièrement entretenus (pour des raisons de sécurité, notamment) qui n’en sont pas moins dépourvus de tout usage.

Mobiliser les espaces marginalisés pour densifier la ville

Un inventaire des potentiels sur le territoire du SCOT d’Avignon

En pratique, la densification des espaces urbanisés dépend au moins autant des possibilités d’utilisation d’un certain nombre d’espaces délaissés, à l’intérieur des zones urbaines existantes que de la reconstruction des parcelles déjà bâties avec une augmentation de leur densité. Dans les études urbaines, il faut donc être

capable d’identifier ces espaces, de comprendre pourquoi ils ont été délaissés et de déterminer les conditions de leur remobilisation. Les auteurs exposent une méthode mise en œuvre sur le territoire du SCOT d’Avignon1.

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Les auteurs :Pierre Dérioz

Université d’Avignon, UMR Pacte-Territoires équipe Cermosem

Cyrille Genre-Grandpierre,Université d’Avignon, UMR Espace

1. Cet article est issu d’un travail réalisé en 2006 dans le cadre du Master « Géomatique et conduite de projets territoriaux » de l’Université d’Avignon, pour le compte de l’Agence d’urbanisme de l’aire avignonnaise.2. Mac Laren D., « Compact or dispersed ? Dilution is no solution», Built Environment, 18 (4), p. 268-284, 1992. Da Cunha et al., Enjeux du développement urbain durable, Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne, 2005.3. Breheny M., « The contradictions of the com-pact city. A review», in Breheny M. (dir), Sustai-

nable development and urban form, Pion, London, 1992 ; Castel J.C., 2006 : « Les coûts de la ville dense ou étalée », Etudes Foncières, n°119. 4. Reconstruire la ville sur la ville, Adef, 1998, Lavoisier diffusion.5. Prost B. (dir.), « Connaissance de la friche », Revue Géographique de Lyon, vol. 66, n°1, 88 p., 1991; et Dérioz P.,1994 : Friches et terres marginales en basse et moyenne montagne. Revers sud-est du Massif Central, Structures et dynamiques spatiales n°1, Université d’Avignon/Laboratoire S.D.S., Thèse de doctorat.

les communauteset le Foncier

A l’heure où de nombreux débats rappellent la nécessité de renforcer les compétences des intercommunalités en matière d’aménagement, l’Association Des Etudes Foncières (ADEF), l’Association Des Communautés de France (ADCF) et le CERTU1 ont souhaité

faire un état d’avancement de la question foncière dans les communautés.

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Quel regard porter sur l’action des com-munautés de communes et d’aggloméra-tion en matière foncière ? L’analyse, qui repose entre autres ici sur une enquête de l’ADCF en la matière fin 2007 et à laquelle 400 communautés ont bien voulu se prêter, laisse perplexe. On peut y lire à la fois une réelle implication sur le sujet et un bilan qui reste malgré tout mitigé en matière d’ac-tions concrètes.

Un engagement difficile à qualifier à l’échelle nationaleUne courte majorité (51%) déclare conduire

des actions en matière foncière et ce niveau d’engagement est, sans surprise, croissant avec le caractère urbain du territoire. 100% des communautés urbaines, par ailleurs les plus intégrées en matière d’aménagement de l’espace, déclarent intervenir en matière foncière. La proportion est de 84% pour les communautés d’agglomération et de 44% pour les communautés de communes.

Si ce niveau d’engagement est de prime abord encourageant, une analyse plus fine sur chacun des volets de cette « intervention foncière » est moins enthousiasmant et tra-duit certainement la perplexité dans laquelle les communautés, à l’image d’autres collecti-vités, peinent à trouver leurs marques. Ainsi 66% des communautés déclarent n’avoir

jamais opéré de préemption (74% pour les CC ; 32% pour les CA) alors que leurs respon-sabilités font d’elles les acteurs majeurs de l’aménagement local. Certes, dans la majo-rité des cas (90% en moyenne) elles ne sont pas titulaires du DPU et le reçoive par déléga-tion des communes membres au cas par cas (pour 23% d’entre elles).

22% seulement des communautés décla-rent avoir organisé un suivi régulier de leur marché foncier local. Les marges de progrès s’avèrent évidentes en la matière et 33% des sondés envisagent à court terme cette observation systématique. Cette dernière fait appel, à n’en pas douter, à un certain degré de maturité de la communauté notamment dans sa relation avec les communes mem-bres. Ce lien est particulièrement sollicité pour le partage des données. Il n’est alors pas surprenant que l’observation foncière n’ait pas encore connu son plein développe-ment ; le mouvement intercommunal reste en de nombreuses régions un mouvement jeune. Bien que très vivement interpellées jusqu’alors par une tension exacerbée des marchés locaux, les communautés n’ont certainement pas pu s’exonérer des interro-gations qui pèsent sur la pertinence de leur périmètre (de nombreux cas de fusions sont à l’étude) et son adéquation avec le marché local ou encore leur complémentarité sur ce champ avec les autres collectivités et notam-

ment les conseils généraux. Enfin, si le dé-ploiement des SIG communautaires a connu un mouvement très massif, l’observation du foncier fait appel quant à elle à une ingénie-rie dédiée qui n’est pas présente dans toutes les communautés. Le très fort développe-ment aujourd’hui observé de l’instruction mutualisé à l’échelle intercommunale des autorisations d’urbanisme ne devrait qu’en-courager ce lien urbanisme / foncier dans l’observation.

Si 44% des communautés déclarent dispo-ser d’un budget spécifique pour mener leur politique foncière, 21% seulement ont dési-gné un élu communautaire particulièrement chargé des questions foncières. Le portage politique de cette problématique pourtant centrale reste limité.

Dans la majorité des cas, les interventions semblent conduites au gré des opportunités et seulement 11% des communautés décla-rent avoir arrêté un programme pluriannuel d’intervention foncière.

Ces différents éléments chiffrés méritent naturellement d’être mis en perspective avec les structures, EPF ou EPFL pour l’es-sentiel, auxquelles adhèrent nombre de communautés.

Philippe Schmit, Responsable de l’action en régions ; Chargé de mission Aménagement et Urbanisme, ADCF.

les communautéset l’intervention foncière

Selon une enquête 2007 de l’Association des Ingénieurs Territoriaux de France (AITF) l’intérêt des collectivités territoriales pour l’observation locale des évolutions de leurs territoires est aujourd’hui notable. Les trois quarts des col-lectivités interrogées se montrent particulièrement concernées, au premier rang desquelles les communautés de communes et d’agglomération.

Les efforts d’observation se concentrent avant tout sur l’évolution de l’habitat et du peuplement, le développement économique et le foncier venant ensuite dans l’ordre des priorités. La fréquence d’actualisation des données est très majoritairement annuelle, mais elle reste peu valorisée. Dans 6 cas sur 10, cette observation territoriale donne lieu à une exploitation systématique auprès des élus et partenaires de la collectivité et dans 4 cas sur 10 seulement cette valorisation est disponible en ligne.

De même, il ressort de l’enquête que les Systèmes d’Information Géographi-que (SIG) n’ont pas encore toute leur place dans l’observation : pour 55% des collectivités, le SIG ne concerne qu’une partie de l’observation et, pour 40% d’entre elles, l’observation se fait même sans SIG. Le déploiement des obser-vatoires locaux est récent et l’utilisation des outils de la géomatique devrait se généraliser progressivement dans un souci d’amélioration de la connaissance des territoires et d’aide à la décision.

Enfin, rares sont les observatoires qui, dans l’organigramme des collectivités, sont directement rattachés à la direction générale. Bien souvent, les dispositifs d’observation sont placés au sein de services dédiés d’une direction relative au développement et à l’aménagement du territoire. Il peut en résulter une diffi-culté à faire valoir leur dimension très transversale. Les répondants dénoncent fréquemment des problèmes pour construire, au sein de leur institution, des relations de proximité avec l’ensemble des services à qui il revient de nourrir et utiliser les données de l’observatoire. Par ailleurs, les dispositifs d’observation souffrent, dans bien des cas et par absence de communication organisée et spécifique, d’un manque de visibilité à l’extérieur.

Le manque de définition n’aide pas à la compréhension des actions en ma-tière d’observation territoriale au sein des collectivités. La thématique du foncier n’échappe pas à la règle.

Séverine Ferrant, membre du groupe restreint SIG/TOPO de l’AITF, Responsable SIG CA de Poitiers.

L’observation territoriale se structure

Les choix de localisation des ménages et des entreprises sont le résultat d’une recher-che d’équilibre entre une multitude de critè-res (conditions d’accès aux services, qualité du cadre de vie, des dessertes routières et en transports collectif…) qui ne peuvent être satisfaits à l’échelle de la commune. C’est pourquoi, par définition, les comporte-ments des ménages, des entreprises et des opérateurs publics et privés de l’aménage-ment sont intercommunaux. Ils s’inscrivent dans le bassin de vie, seule échelle valable pour décrire les marchés fonciers : la valeur des terrains résulte directement des com-portements des agents économiques d’un territoire.

Associer intercommunalité et politiques foncières apparaît donc comme une évi-dence, si l’on admet qu’une politique pu-blique ne peut être efficace que lorsqu’elle s’applique à l’échelle des populations et des acteurs à laquelle elle est destinée.

Pourtant, alors que les limites des bassins de vies sont constamment repoussées par l’accroissement de la mobilité des person-nes et des biens, notre système institution-nel peine à s’adapter à ces évolutions. Deux signes sont caractéristiques de ces difficul-tés : d’une part les outils de production fon-cière sont concentrées entre les mains des communes et d’autre part on n’observe que peu de concordance entre l’intercommuna-lité en charge de l’aménagement urbain et l’intercommunalité en charge de la gestion et du développement des réseaux techni-ques (eau, assainissement, transports…).

En matière de production foncière, c’est encore le maire qui concentre la grande majorité des pouvoirs. Pour produire des terrains constructibles, les communes dis-posent d’outils nombreux et très puissants : les outils réglementaires grâce au Plan Local

d’Urbanisme, les outils de l’action foncière et notamment le droit de préemption (qui leur confère des prérogatives que nos voisins européens nous envient) et les outils finan-ciers qui, par le biais des taxes d’urbanisme et des régimes de participation, permettent de canaliser une partie des richesses produi-tes par le droit vers les équipements d’in-frastructure et de superstructure.

Tout en étant attachés au pouvoir que ces outils leur donnent, nombre d’élus locaux témoignent de leurs difficultés à les maî-triser. Notre système de droit et le jeu des acteurs locaux (propriétaires et opérateurs publics et privés de l’aménagement) sont particulièrement complexes et les élus n’en distinguent pas toujours toutes les dimen-sions. Les communautés2 compétentes en aménagement ainsi que les organismes in-tervenant à un niveau intercommunal (Eta-blissements Publics Fonciers, EPF, Sociétés d’Economie Mixte, SEM) sont ainsi sollicités pour aider les communes à préciser les inté-rêts de la collectivité publique dans le trian-gle « Propriétaire / Opérateur / Collectivité », à mieux utiliser leurs outils opérationnels, à trouver les financements et enfin à mieux négocier les opérations.

En s’inscrivant dans une relation privilé-giée avec les communes, les communautés les plus volontaires ont démontré au cours des années passées une grande inventivité pour favoriser la mise au point de politiques foncières partagées à des échelles mieux adaptées aux pratiques des habitants et des acteurs économiques. Pourtant, si l’on considère la seule question du logement (fi-gure 1), les intercommunalités disposant des compétences en aménagement n’ont pas joué pleinement leur rôle en matière de pro-duction foncière au cours des vingt derniè-res années. Et l’on n’évoque par le problème de la lutte contre l’étalement urbain…

C’est pourquoi, au-delà de l’assistance aux communes, l’enjeu de demain pour les com-munautés est de parvenir non seulement de concevoir un projet d’aménagement à la bonne échelle, mais également de le déve-lopper sur le plan foncier, afin qu’il puisse s’inscrire dans la réalité des pratiques.

Anticiper, coordonner partager

Deux défis majeurs sont, ainsi, à relever pour les intercommunalités :

4 En premier lieu coordonner les poli-tiques publiques ayant un impact sur l’or-

ganisation de l’espace et sur les marchés fonciers pour pouvoir adopter une vision anticipatrice, à la base de toute politique foncière efficace. L’assistance technique et financière et l’aide opérationnelle, si elles sont indispensables, ne permettront pas à elles seules de résoudre les contradictions que l’on retrouve entre les projets d’aména-gement des communes d’un même bassin de vie : comment organiser le dévelop-pement urbain et le renouvellement des équipements tout en protégeant les espa-ces agricoles et naturels ? Comment recy-cler les tissus urbains tout en protégeant le patrimoine ? La réponse se trouve dans la capacité des intercommunalités d’un même bassin de vie à articuler entre elles les po-litiques d’aménagement de l’espace et à y intégrer les politiques de gestion et de déve-loppement des réseaux.

4 Le deuxième défi se trouve dans le dé-veloppement des pratiques de partage de l’information entre les collectivités et avec les acteurs de l’aménagement, pour assurer la mise en œuvre d’une observation fon-cière rigoureuse, de long terme et visant à l’exhaustivité. Dans ce domaine, un effort considérable est encore à produire: les col-lectivités ont à leur disposition des outils d’action très puissants, mais tout se passe comme si elles les utilisaient « à l’aveugle », n’ayant aucune capacité à mesurer leurs effets sur les marchés et sur la consomma-tion d’espace, faute de données suffisantes. Pourtant, les méthodes et les expériences réussies en matière d’observation foncière existent : nous nous en faisons régulière-ment l’écho dans ces pages. Souhaitons qu’elle puissent être mieux diffusées et dé-veloppées au travers du territoire national.

Restent deux questions en suspens : les intercommunalités d’aujourd’hui, avec les moyens d’action dont elles disposent, la légitimité politique dont elles bénéficient et les compétences qui sont les leurs sont-elles susceptibles d’offrir des réponses adaptées aux enjeux des politiques foncières locales ? Quelles évolutions peut-on souhaiter : une évolution radicale, allant dans le sens d’un renforcement de leurs compétences au dé-triment des communes ou une évolution par étape, favorisant le renforcement des moyens de négociation et de conception partagée des projets ?

Caroline Gerber, directrice, ADEF.

politiques foncières locales :une échelle négociée ?

1. Centre d’études sur les ré-seaux, les transports, l’urbanisme et les constructions, Ministère de l’Écologie, du Développement et de l’Aménagement durables

2. NB : dans le reste du dossier, nous appelons communautés les communautés urbaines, com-munautés d’agglomérations et communautés de communes.

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est beaucoup plus laborieuse et nécessite de nombreuses réunions et une pédagogie poussée de la part du bureau d’études et des services. Des objectifs par groupes ho-mogènes de communes sont d’abord déter-minés. Ils sont ensuite affinés pour chaque commune. A la suite de cela, un consensus sur le programme de logements sociaux et sa répartition semble se dessiner mais il apparaît déséquilibré spatialement, les communes industrielles voulant continuer à en construire plus que leur part et les com-munes résidentielles voulant se limiter aux produits locatifs sociaux « haut de gamme » juste nécessaires pour répondre aux obli-gations de la loi SRU. Finalement, un agré-ment in extremis se fait sous la pression de la Région et du Département qui subordon-nent leurs aides financières à l’approbation d’un programme local de l’habitat et à la signature d’une convention. Les incitations financières des niveaux supérieurs de col-lectivités, assorties de normes et de critères précis, se révèlent un adjuvant efficace à la prise de décision locale. Ces niveaux supé-rieurs de régulation ont aussi la capacité de produire des « cadrages », c’est-à-dire, des normes imposées d’en haut aux niveaux lo-caux, et basés sur une prise en compte des besoins réels des aires urbaines, périurbain compris, qui sont en général plus larges que les agglomérations constituées en EPCI.

En matière de zones d’activités, la défi-nition d’une politique intercommunale est plus facile, cette compétence relevant de l’EPCI (l’habitat est aussi une compétence intercommunale mais sa mise en œuvre à travers des actions foncières et d’aména-gement relève des communes). Cependant, il faut désormais prendre en compte, dans cette programmation intercommunale, la réaffectation d’emprises d’activités en loge-ments par le jeu du marché dans les zones urbaines mixtes des PLU (zones qui peuvent indifféremment accueillir de l’habitat et des activités). Les emplois supprimés ou dépla-cés lors de ces réaffectations doivent pou-voir être retrouvés dans les zones nouvelles consacrées aux activités.

Troisième étape : définir un programme d’actions

Le programme d’actions identifie claire-ment les deux niveaux de mise en œuvre de la politique d’aménagement et répartit les tâches entre communes et EPCI selon les compétences et les aptitudes de chaque échelon. Cette répartition résulte d’une se-conde phase de négociation entre les deux niveaux politiques (EPCI et commune), qui peut prendre un certain temps : celui de l’appropriation de la politique de l’agglomé-ration par les élus communaux et leurs tech-niciens, et de l’apprentissage des différents outils, les savoir-faire n’étant pas toujours présents au départ dans les services.

La première tâche est d’adapter les docu-

ments d’urbanisme aux objectifs définis, ce qui peut prendre de nombreux mois.

D’abord la révision éventuelle du Schéma de Cohérence Territoriale (SCOT) pour élar-gir les possibilités d’extension, indiquer des densités souhaitables et préciser la vocation de grandes emprises industrielles et ferro-viaires à reconvertir.

Puis la révision des Plans locaux d’Urba-nisme (PLU) pour les rendre compatibles avec le SCOT et le Programme Local de l’Habitat, notamment par augmentation des densités, et au passage, mise en place de dispositions règlementaires facilitant l’action de la commune pour l’aménage-ment public et l’aménagement négocié : périmètres de projet d’aménagement global (servitude de cinq ans) dans les secteurs ur-bains à restructurer, reclassement en zone « stricte » (inconstructible juridiquement) de certaines zones à urbaniser en attendant que des accords aient été trouvés avec les propriétaires…. Dans les secteurs non desti-nés à l’aménagement public ou négocié, la révision des PLU est aussi l’occasion d’affi-cher les devoirs de contribution aux équipe-ments publics et à la mixité sociale (notam-ment, avec des périmètres à pourcentage de logement locatifs).

Un second volet concerne les actions fon-cières. Le dispositif d’aide financière de l’EP-CI aux communes est revu : la subvention foncière ne s’applique plus que sur un prix de référence plafonné (correspondant aux évaluations des Domaines avant le cycle de hausse de l’immobilier) et l’essentiel des aides est maintenant orienté directement vers la production de logements (les deux types d’aides ne sont pas cumulables pour une même opération). Le service foncier de l’EPCI est étoffé (sans attendre la création prévue d’un établissement public foncier régional) pour lui permettre d’intervenir au profit des communes et notamment pour gérer les droits de préemption afin de main-tenir des prix de référence raisonnables dans les zones à urbaniser « strictes » et dans les secteurs de projet d’aménagement global.

Un troisième volet porte sur la relance de l’aménagement public, bien que celui-ci soit handicapé par le niveau de prix fonciers atteint. L’EPCI garantira les emprunts des zones d’aménagement concerté à condition que celles-ci comportent au moins 35% de logements sociaux. Il subventionnera les déficits prévisionnels des bilans pour les communes qui ont un stock d’équipements insuffisant (cas des communes de deuxième couronne).

Enfin, l’EPCI met en place un dispositif d’assistance à maîtrise d’ouvrage pour aider les communes à négocier avec les opéra-teurs et pour prévoir les outils réglementai-res, fonciers et financiers les plus adaptés dans leurs documents d’urbanisme. Il prend

la forme d’un droit de tirage sur une ligne budgétaire pour faire appel à des consul-tants indépendants des opérateurs locaux.

Ce cas d’école, qui est le plus abouti, dé-cline l’ensemble des interventions possibles de l’intercommunalité. Certaines agglomé-rations ne retiendront qu’une partie des dispositifs indiqués ci-dessus : assistance à maîtrise d’ouvrage auprès des commu-nes, aide financière à l’acquisition ou au portage…

Quatrième étape : l’outil de suivi

La régulation d’un système s’appuie sur le retour d’information concernant l’état de ses différents composants, y compris les plus périphériques, et l’état de son en-vironnement. La qualité du circuit de re-tour de l’information est donc primordiale pour la bonne marche (voire la survie) du système.

La dernière étape est donc la constitu-tion d’un tableau de bord pour apprécier à chaque instant dans quelle mesure les ob-jectifs de la stratégie d’agglomération sont en cours d’atteinte. Ce tableau de bord fait le suivi du gisement foncier (évalué pour l’habitat en nombre de logements poten-tiels) en réactualisant chaque année le re-censement déjà fait au cours des études initiales, ce gisement étant alimenté en en-trée par les révisions des documents d’ur-banisme, et étant consommé en sortie par des opérations immobilières (qui donnent le nombre de logements construits) et par des changements d’affectation. Au passage, des aspects plus qualitatifs sont aussi docu-mentés, comme les filières d’aménagement et de production foncière, pour connaître l’évolution des méthodes.

Le tableau de bord permet ainsi un dia-gnostic permanent. Comme pour le dia-gnostic initial, il importe que ce diagnostic actualisé soit partagé par les collectivités. Il est donc accessible en ligne pour chaque commune de l’agglomération qui peut faire modifier en temps réel les informations qui la concernent et qui peut également procé-der à des traitements statistiques. Chaque commune a ainsi son observatoire foncier et immobilier propre. Et la consolidation de l’ensemble de ces observations informe à tout moment sur l’état du système de l’ag-glomération.

Naturellement, les stratégies foncières d’agglomération peuvent être construites aussi bien sans référence à l’analyse systé-mique. Celle-ci est simplement une grille de lecture. Elle aide cependant à démêler et à décrypter une réalité locale, sociale et politi-que, toujours complexe.

Thierry Vilmin consultant, Logiville

Chaque système vivant, en commençant par l’individu ou la cellule, est aussi le sous système d’un système plus large qui regrou-pe des entités équivalentes organisées pour l’action collective dans un but commun. Dans nos sociétés modernes, des systèmes sociaux sont institutionnalisés, c’est-à-dire que leur contour et leur mode de régulation sont définis et stabilisés par la loi. Dans le champ territorialisé de l’espace urbain, deux principaux niveaux systémiques sont ainsi définis : la commune et l’établissement pu-blic de coopération intercommunale (EPCI : communauté urbaine, ou communauté d’agglomération, ou communauté de com-munes). La commune est dotée de la presque totalité des moyens juridiques et politiques de régulation de l’aménagement urbain : la majorité des outils du code de l’urbanisme sont entre ses mains, elle a la connaissance rapprochée du terrain, et elle bénéficie de la légitimité du suffrage universel direct. Mais il lui manque souvent les moyens financiers et d’ingénierie. L’intercommunalité, de son côté, fonctionne plutôt comme un confédé-ration que comme une fédération. Même si elle dispose en théorie de quelques moyens juridiques de contraindre les communes, la pratique montre qu’elle ne les utilise guère faute d’une légitimité politique acquise au suffrage universel direct3. Elle agit de préfé-rence par incitation financière et assistance technique et aussi par sollicitation idéologi-que en faisant valoir l’intérêt commun. Bâ-tir une stratégie foncière d’agglomération, c’est donc organiser la coopération de ces deux niveaux systémiques.

Le cas d’école suivant illustre cette dé-marche dans le contexte de la France des années 2000, avant le retournement conjoncturel en cours. Il est reconstitué à partir de plusieurs exemples réels suivis lors de missions d’assistance à la définition de politiques foncières d’agglomérations, no-tamment pour des volets fonciers de pro-grammes locaux de l’habitat (PLH).

Une telle démarche se déroule en quatre étapes qui se succèdent mais qui peuvent également subir des interruptions ou des re-tours en arrière, en raison de l’importance des enjeux soulevés.

Première étape : un diagnostic « partagé »

Le préalable de la démarche est de faire admettre un diagnostic commun par les acteurs concernés, les élus municipaux au premier chef. Ce diagnostic est élaboré par

des organismes d’étude extérieurs au milieu local, donc censés être impartiaux. Il est fait à partir des données statistiques disponi-bles et d’entretiens en mairies et auprès des opérateurs. Le volet foncier de ce diagnostic comporte une dimension cartographique : repérer, qualifier (court, moyen et long terme) et quantifier le gisement foncier en surface et en potentiel logements, d’abord en superposant les couches cadastre, PLU et photo aériennes, puis en examinant les ter-rains avec les communes. Il comporte aussi une dimension qualitative : comprendre le fonctionnement local des marchés foncier et immobilier, l’articulation des acteurs, pro-priétaires, opérateurs et collectivités, et les pratiques d’aménagement et de production foncière. Cette dernière analyse gagne à être faite en utilisant la notion de « filière » : diffus, encadrement réglementaire fin, né-gociation avec des acteurs privés, interven-tion publique4.

Dans le cas d’école reconstitué, le dia-gnostic fait apparaître les données suivan-tes : les besoins locaux en logements sont estimés entre 1 000 et 1 200 par an. Mais l’agglomération n’en produit que 700 en moyenne. Le résultat est une population stagnante et vieillissante et une fuite (ou une expulsion) des jeunes ménages vers le périurbain lointain. La proportion de loge-ments sociaux n’est que de 13%. Ce parc HLM est très insuffisant pour répondre aux demandes et il est, en plus, très inégale-ment réparti, les communes anciennement industrielles de la première couronne en accueillant la majeure partie alors que les communes plus résidentielles sont très en dessous des 20% exigés par la loi SRU.

D’autre part, le nombre d’emplois offerts n’augmente plus, beaucoup d’emprises d’ac-tivités traditionnelles en tissu urbain mixte ayant été transformées en opérations im-mobilières à la faveur de la hausse des prix fonciers, et les communes ne s’étant plus investies dans le renouvellement des zones d’activités depuis l’institution de la taxe pro-fessionnelle unique (qui ne leur profite plus directement).

L’évaluation du gisement foncier et l’ana-lyse des intentions de développement des communes (leurs logiques) montrent que le rythme actuel de 700 logements par an a peu de chances d’être dépassé en l’état ac-tuel des documents d’urbanisme (qui, dans l’ensemble, ne ménagent pas suffisamment d’espaces pour l’urbanisation et prévoient

des densités trop faibles). La ville centre et les communes de premières couronnes ont perdu des habitants et sont relativement ri-ches et bien équipées mais elles n’ont plus beaucoup de foncier disponible hors quel-ques emprises en renouvellement urbain. Les communes de deuxième couronne avaient accueilli l’essentiel de la croissance urbaine dans les années passées mais elles tendent aujourd’hui à se stabiliser pour inté-grer les habitants récemment arrivés et opé-rer des rattrapages d’équipements qui pè-sent sur leur budget (elles ne bénéficiaient pas des ressources de taxe professionnelle de la ville centre et des communes indus-trielles de première couronne).

La forte hausse des prix immobiliers s’est répercutée et amplifiée sur le foncier (effet de levier de l’immobilier sur le foncier)5, d’autant que les PLU ont eu tendance à af-ficher les droits à construire (zones urbaines et zones AU à règlement) mais sans afficher parallèlement les contraintes en termes de prise en charge des équipements publics et de mixité sociale. Les communes sem-blent aussi peu armées dans la négociation avec des opérateurs privés de plus en plus nombreux et actifs sur le marché foncier et, par ailleurs, les traditions d’aménagement public se sont perdues. Conséquence, la li-gne budgétaire de la communauté d’agglo-mération destinée à aider les communes à acquérir du foncier a explosé car les sub-ventions étaient simplement calculées en pourcentage des prix fonciers (système dit de la « minoration foncière »).

Deuxième étape : s’accorder sur des objectifs

globauxLe diagnostic, construit sur la base d’ob-

servations objectives et chiffrées et d’un travail d’écoute approfondie auprès des responsables locaux, permet une prise de conscience collective en montrant que la simple addition des politiques et des projets urbains communaux (même si ceux-ci sont souvent de qualité grâce au travail effectué lors de l’élaboration des PLU) ne suffit pas à répondre à la demande à l’échelle de l’ag-glomération. Ce constat étant partagé, un objectif global de 1 100 logements par an, dont 30% de logements sociaux, est accep-té sans trop de difficultés.

Pourtant, cet objectif global est bien moins facile à décliner au niveau local : la réparti-tion des programmes entre les communes

la construction d’une stratégie foncière d’agglomération dans une approche systémique

3. Voir « Intercommunalité et ha-bitat, les communautés au milieu du gué ? », GRIDAUH, 2006.

4. Voir le guide de la DGUHC : « Prendre en compte le foncier dans un programme local de l’habitat », novembre 2006.

5. Voir Thierry Vilmin, « Marché foncier, marché immobilier », Etudes Foncières n° 53 (décem-bre 1991) page 24.

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le conseil général renseigne les DIA sur ses espaces naturels sensibles (ENS) ainsi que, et il s’agit là d’une spécificité Héraultaise, des DIA sur les espaces agricoles et natu-rels des PLU ; l’agglomération renseigne les DIA sur ses propres ZAD. « Ainsi l’ensemble du territoire communautaire peut être ren-seigné sur les DIA si tout le monde joue le jeu » précise Jean-Paul Gambier. En asso-ciant à cette observation des transactions les photos aériennes, les PLU numérisés, les risques naturels (PPI), les renseignements sur les autorisations d’urbanisme détenus par la communauté qui en assure l’instruc-tion pour la majorité des communes, la no-tion d’observatoire foncier prend tout son sens et nourrit la compréhension des évo-lutions du territoire et notamment de son urbanisation.

Accompagner les communes

En épaulant plus particulièrement les peti-tes communes, le service de la communauté s’inscrit dans une complémentarité avec le service de la ville de Montpellier. Le service

a développé une expertise au cas par cas d’instruction des DIA surtout auprès des pe-tites communes. Au-delà de l’expertise en ingénierie foncière qu’elle leur délivre, la communauté apporte une aide financière aux communes dans le cadre de la mise en œuvre des engagements contenus dans les conventions d’application du PLH. Le servi-ce foncier peut assister la commune en tant que tiers payeur. Montpellier Agglomération peut financer l’acquisition faite dans le ca-dre d’une préemption communale et porter le foncier sur une courte période ; à défaut d’accord avec un aménageur la communau-té reprend le foncier et fait aboutir le projet sur lequel la préemption était motivée.

Avec la ville de Montpellier, les relations sont étroites. L’appui est mutuel notamment sur les aspects juridiques.

Le service foncier est placé au sein de la Direction de l’urbanisme opérationnel. Cela témoigne de la mission opérationnelle que les élus ont souhaité lui confier. Naturelle-ment, le caractère éminemment transversal de la problématique foncière l’amène à par-

ticiper activement aux travaux de la Direc-tion de l’urbanisme et de l’habitat qui est en charge de l’élaboration des documents de planification et de programmation (SCOT, PLH, PDU). Les bureaux occupés par le service foncier sont d’ailleurs localisés à la charnière de ces deux directions. Outre son responsable à qui revient la définition de la stratégie, le service compte aujourd’hui un chargé d’intervention foncière, ingénieur négociateur recruté au sein des services de l’agglomération pour sa fine connaissance du terrain, un chargé d’instruction des droits de préemption et des procédures d’expro-priations. Il bénéficie par ailleurs, en partage avec d’autres services, d’assistance adminis-trative et financière.

Il est probable que la création, ce 1er jan-vier 2009, d’un EPF régional auquel adhère la communauté d’agglomération affectera sur le fond la mission du service foncier jusqu’alors interlocuteur unique de la com-munauté auprès des partenaires publics et privés sur cette problématique majeure.

Philippe Schmit, ADCF.

La hausse des prix du foncier à laquelle nous avons assisté au cours des années 2000, a remis l’action foncière publique au coeur des préoccupations. Les opérations d’acquisition, de portage et de re-vente de terrains par la collectivité publique sont redevenues un enjeu majeur. En complément au dossier publié dans le numéro 132 d’Etu-des foncières, voici quelques réponses aux questions que les inter-communalités se posent sur les moyens de l’action foncière publique intercommunale :

Quels sont les avantages d’un EPF Local ?

Les EPF ne sont que des intermédiaires que la collectivité peut mo-biliser pour négocier, acquérir, porter et revendre les terrains.

Leur principale spécificité est qu’ils permettent le prélèvement d’une taxe supplémentaire, la Taxe Spéciale d’Equipement, qui renforce la capacité d’emprunt des collectivités membres. Leur existence rend plus « visible » l’action foncière publique et ses coûts et recettes induits.

Paradoxalement, alors même qu’ils sont créés pour réaliser des ac-quisitions foncières pour les collectivités, l’expérience des EPF montre que bien souvent ils sont conduits à accompagner ces mêmes collec-tivités à réfléchir à des solutions alternatives à l’achat de terrains, par un travail d’explication sur les autres outils de politiques foncières - règles d’urbanisme et outils financiers (taxes et participations).

Quelle est la meilleure échelle pour un EPF local ?

Le fonctionnement d’un EPF n’est optimal que s’il est créé à une échelle qui lui permet de disposer de l’indépendance dans la négo-ciation des terrains et d’un volet d’activité suffisant pour atteindre un équilibre financier à long terme. Ce volet d’activité dépend fortement du nombre de communes membres et du nombre de missions qu’el-les confient à l’EPF.

Lorsque l’EPF est constitué à l’échelle du bassin de vie (une centaine de communes) ou à une échelle supérieure, sa simple existence peut favoriser la mise au point d’objectifs partagés entre les communautés de ce bassin de vie, tout en leur laissant toute liberté dans l’action, dans la mesure où l’EPF n’intervient que pour le compte de chaque collectivité.

Quelles sont les alternatives existantes à un EPF local ?

Le savoir-faire en matière d’ingénierie foncière et la capacité à porter des terrains n’est pas de l’apanage exclusif des EPF. La mutua-lisation de l’action foncière peut être conçue au travers de solutions alternatives, notamment lorsque la collectivité souhaite développer une action foncière significative sans développer de fiscalité locale supplémentaire.

L’intercommunalité peut jouer ce rôle de mutualisation du portage et de l’ingénierie foncière : plusieurs communautés d’agglomérations ou communautés urbaines ont développé des services fonciers à des échelles très importantes à l’instar de Rennes Métropole, du Grand Lyon ou de Montpellier Agglomération.

D’autres collectivités ont également fait appel à une Société d’Economie Mixte pour effectuer le portage foncier, négocier pour le compte de la collectivité et réaliser l’ensemble des missions d’in-génierie foncière (voir article sur l’agglomération d’Annecy). Pour véritablement appuyer l’action foncière de la communauté et favo-riser l’indépendance au moment des négociations, la SEM doit bien distinguer ses activités foncières et ses activités d’aménagement, car les rémunérations, les coûts et les règles de mises en concurrence ne sont pas les mêmes. Sur ce dernier thème, une certaine vigilance doit être adoptée, même en cas de présence d’un EPF car l’ingénierie et le portage foncier recouvrent des frontières parfois floues au regard du droit européen.Caroline Gerber, ADEF

L’action foncière locale : réponses à quelques questions

Avant même son projet soumis à enquê-te publique, le SCOT de l’Agglomération de Montpellier exacerbait les mouvements spé-culatifs dans un contexte déjà très tendu. En 2005, le commissaire enquêteur concluait à ce crucial besoin d’efforts concertés entre les communes et la communauté pour mettre en œuvre une politique foncière structurée. « Pour tenir le SCOT, il nous fallait passer très rapidement de l’expertise stratégique à l’opérationnel et être en mesure d’ache-ter et de vendre notre matière première » résume Jean-Paul Gambier, chef du service Foncier de Montpellier Agglomération. Aux ambitions des propriétaires qui risquaient de mettre à mal la mise en œuvre du projet communautaire, il fallait opposer une capa-cité à intervenir sur le marché réel.

Au cours des vingt dernières années l’ag-glomération de Montpellier a connu l’une des plus fortes croissances démographique et d’emplois en France. L’une des clefs de ce dynamisme est son attractivité, qui repose notamment sur son cadre de vie. Pour ces différentes raisons, penser « planification » collectivement avait ainsi pour corollaire de penser « foncier » collectivement.

L’élaboration du SCOT à l’initiative et sur le périmètre de l’Agglomération de Mont-pellier a encouragé la formation d’un véri-table service foncier au sein de la commu-nauté. Jusqu’en 2004, l’approche foncière se limitait principalement aux nécessaires tractations et acquisitions préalables aux aménagements de Zone d’Aménagement Economique. La mise en place dans un se-cond temps, au sein de l’ancienne Direction des Services Techniques (avant remanie-ment de l’organigramme davantage struc-turé autour de l’opérationnel et du projet), d’une expertise pour concevoir une politi-que foncière plus stratégique et anticipatrice a également trouvé rapidement ses limites. Le SCOT fixait des nouveaux enjeux en la matière. Les documents cartographiques particulièrement précis de ce document d’urbanisme que les élus communautaires avaient souhaité volontaire et prescriptif ont, notamment par voie de presse, très vite été exploités voire sur-interprétés.

Service foncier pour l’action communautaire

A l’exception des infrastructures linéai-res, telles que la voirie communautaire ou le tramway dont le foncier reste du ressort de la Société d’Economie Mixte (SEM), le service foncier accompagne désormais en amont tous les projets d’équipement de la communauté (des infrastructures sportives aux stations d’épuration). Il est à ce titre en contact avec l’ensemble des directions de la communauté. Le service du patrimoine de la communauté, avec lequel le service entre-tient naturellement une relation privilégiée, prend le relai quand arrive le temps de la promesse de vente. Les engagements bud-gétaires sont en revanche pris par le service foncier dans le cadre d’opérations d’aména-gement. Que celles-ci soient à vocation éco-nomique ou résidentielle, il accompagne les procédures jusqu’à leur achèvement.

Anticiper pour contrôler

La politique foncière de l’agglomération repose sur une double logique : l’anticipa-tion et l’observation.

L’anticipation s’opère essentiellement grâce aux Zones d’Aménagement Différé (ZAD). Les 9 ZAD communales ainsi que les 11 ZAD communautaires, très majoritaire-ment instituées après 2005, couvrent une grande part des secteurs à enjeux pointés par le SCOT. Grâce à des actions concertées entre les communes et l’agglomération, sont ainsi amoindris les risques de dérive du marché foncier sur ces espaces d’extension urbaine potentielle. La communauté est ti-tulaire du droit de préemption sur les ZAD dont elle a pris l’initiative et peut le recevoir par délégation des communes ayant pris l’initiative de la ZAD.

Le partage d’une action foncière volon-tariste rend nécessaire la mise en commun d’informations. Extranet et Système d’Infor-mation Géographique (SIG) sont au cœur d’un dispositif ambitieux de suivi du marché local. Les communes sont encouragées à saisir les déclarations d’intention d’alié-ner (DIA) reçues au titre de leur droit de préemption urbain (DPU) ou de leurs ZAD ;

montpellier agglomération : la mission transversale

du service foncier en passe d’être reconnue.

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vés par la végétalisation réalisée à l’autom-ne 2008.

Simple en apparence (voir plan et photo), ce projet a surtout présenté des difficultés sur son volet foncier. Pour les résoudre, la Communauté d’Agglomération a sollicité un intermédiaire indépendant, la SEM dé-partementale (SED Haute Savoie), afin de l’assister dans le montage et le suivi de l’ensemble des négociations foncières et la mise en œuvre des procédures : diagnostic parcellaire, négociation amiable des terrains et des servitudes de passage, montage des dossiers d’expropriation, montage et suivi des dossiers de réorganisation de la doma-nialité entre les différentes collectivités7…

La SEM départementale, intermédiaire précieux

Si la maturation du projet, par définition intercommunal, a été accélérée par l’impli-cation de la Communauté d’Agglomération,

sa mise en œuvre concrète n’aurait pas pu aboutir sans l‘intervention de la SED Hau-te-Savoie sur les missions d’ingénierie fon-cière : la délégation de ces missions à une structure professionnelle, indépendante de la collectivité, a permis d’instaurer la liber-té de jeu indispensable à l’aboutissement de la négociation auprès des différents propriétaires.

L’indépendance de la SEM, départemen-tale, par rapport aux enjeux locaux a donné plus de liberté aux négociateurs comme aux techniciens face aux propriétaires. En paral-lèle, le mandat confié pour la négociation a permis aux élus de s’appuyer sur l’expertise des services techniques pour analyser ob-jectivement les différents cas particuliers.

Ce premier projet, développé sur un es-pace non bâti, constitue une première étape avant la mise en œuvre de la reconversion des espaces industrialisés du vallon : la qua-lité des aménagements du site naturel et

leur réussite auprès du public ont crédibilisé le renouvellement urbain qui doit s’engager sur les autres espaces. Plusieurs opérations de logements ont ainsi été livrées, ainsi que le nouveau centre hospitalier de la région d’Annecy, construit en limite du projet.

Acquisitions pour la 1ère tranche opérationnelle réalisées en 2006-2007 (sans compter les acquisitions d’oppor-tunité réalisées à partir de 2001) :

4 24,56 ha répartis sur 4 communes,4 23,81 ha acquis à l’amiable soit 14

terriers,4 0,75 ha acquis en expropriation soit

3 terriers, principalement pour des raisons de succession non réglées.

Les données foncières

7. Les communes membres de l’agglomération ont, dans un premier temps, mis leurs proprié-tés à disposition de la Commu-nauté de l’agglomération Anne-cienne (C2A) pour la réalisation des aménagements. L’ensemble des terrains acquis seront en-suite rétrocédés aux communes. Une réflexion plus précise est en cours pour construire un plan de gestion. Il permettra de définir et de répartir entre les différentes parties prenantes les multiples actions à mener dans le site.

Le vallon du Fier est situé au cœur de l’ag-glomération d’Annecy, le long d’un torrent exploité pour ses granulats de façon inten-sive pendant une grande partie du 20e siè-cle. Cette exploitation a favorisé la création d’entreprises de BTP et d’équipement, très ancrées dans le tissu économique et social local et dont les implantations marquent encore le paysage des rives du Fier. Ces usa-ges polluants et la situation géographique du vallon à 3 m en dessous du lac d’Anne-cy ont longtemps isolé le site du reste de la ville, malgré la proximité des quartiers historiques.

Depuis de nombreuses années, la Ville puis la communauté d’agglomération d’An-necy ont souhaité accompagner la reconver-sion du vallon vers des usages plus urbains afin de mieux l’intégrer au tissu environnant

et de résoudre les divers problèmes de pol-lution engendrés par la présence d’activités industrielles en plein centre ville.

Ce projet de reconversion a, depuis ses débuts, posé de nombreux problèmes tech-niques, économiques et juridiques en raison de la présence des diverses activités, des difficultés économiques à organiser leurs re-localisations et de la complexité de la situa-tion des propriétés foncières riveraines.

Requalifier un espace couvrant 6

communes

Profitant de la mise en œuvre de travaux hydrauliques lourds destinés à réguler le flux de la rivière et à sécuriser ses rives, la Communauté d’Agglomération, dans le ca-

dre de ses compétences en aménagement, est parvenue à réaliser une première phase du projet. Il s’agit de la valorisation d’une fri-che naturelle située en plein cœur du vallon entre les deux principaux sites industriels, par la création d’une passerelle, de chemi-nements « doux », de clairières « naturelles », d’un arboretum et d’un parcours nature.

Les travaux ont porté sur environ 110 hec-tares de part et d’autres des berges et sur les territoires de six communes différentes6.

Le montant de l’opération (études, pro-cédures, acquisitions foncières et travaux) s’est élevé à environ 4 millions d’euros, fi-nancés avec l’aide de la Région Rhône-Al-pes et du Département de la Haute-Savoie, pour 900 000 euros chacun.

Les travaux de la première tranche ont débuté au printemps 2007 et ont été ache-

les implications foncières de la requalification urbaine

6. Annecy, Annecy-le-Vieux, Cran-Gevrier, Metz-Tessy, Mey-thet et Pringy

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et la communauté en fonction de l’intérêt communautaire.

On pourrait opposer à cette proposition le fait que les communautés sont déjà titu-laires de plein droit d’une compétence en matière de DPU. En effet, l’article 64 de la loi SRU du 13 décembre 2000 a prévu que « la communauté d’agglomération est titu-laire du droit de préemption urbain dans les périmètres fixés, après délibération concor-dante de la ou des communes concernées par le conseil de communauté pour la mise en œuvre de la politique communautaire d’équilibre social de l’habitat ».

A notre connaissance, ce droit de préemp-tion ne fait pas l’objet d’une utilisation sou-tenue. Il faut dire que le dispositif est parti-culièrement mal ficelé sur le plan juridique ; la commune dans ce domaine dispose d’un véritable droit de veto. Dans la mesure où certaines communes peuvent refuser de donner leur accord, la détention de cette compétence sera susceptible de varier sur le territoire communautaire, ce qui peut être une source de contentieux important.

En dehors de l’hypothèse d’un transfert du DPU, l’EPCI peut, plus simplement être ti-tulaire d’une délégation de la part des com-munes concernées. Cette délégation peut revêtir deux formes. L’article L. 211-2 pre-mier alinéa du code de l’urbanisme offre la faculté à la commune de déléguer « tout ou partie des compétences » qu’elle détient en matière de DPU lorsqu’elle fait partie d’un EPCI y ayant vocation et avec l’accord de ce dernier. La délégation de la compétence DPU peut porter sur tout ou sur une partie seulement des compétences communales : à ce titre, la délégation peut concerner le pouvoir d’instaurer, de supprimer ou de modifier le DPU. On peut également imagi-ner une délégation sur un périmètre donné considéré comme stratégique d’un point de vue communautaire. La deuxième forme de délégation est plus réduite dans son objet. Elle ne porte que sur l’exercice du droit de préemption une fois celui-ci instauré. L’arti-cle L. 213-3 du code de l’urbanisme dispose :

« le titulaire du droit de préemption peut dé-léguer son droit à un établissement public y ayant vocation. Cette délégation peut por-ter sur une ou plusieurs parties des zones concernées ou être accordée à l’occasion de l’aliénation d’un bien ». L’article R. 213-1 du code précise que « cette délégation peut être retirée par une délibération prise dans les mêmes formes ».

Une fois encore, la délégation repose sur l’accord de la commune ce qui fragilise l’es-poir de voir une montée en puissance des communautés en matière de DPU.

Une délégation partielle et limitée

Enfin on peut noter que l’intercommu-nalité est très largement ignorée des der-niers dispositifs adoptés par le législateur en matière de préemption. Ainsi le droit de préemption sur les espaces naturels et agri-coles périurbains consacré par la loi du 23 février 2005 au profit du département aurait pu, fort logiquement, revenir aux commu-nautés en ce qu’elles sont compétentes de plein droit pour le SCOT. Ce n’était pas la po-sition du ministre de l’agriculture de l’épo-que, qui, au nom du Gouvernement estimait que les SCOT n’étaient pas véritablement portés par une structure et ne formaient pas un outil opérationnel mais un simple cal-que… (A.N., 2e séance du vendredi 23 jan-vier 2004). Quant au droit de préemption des communes sur les fonds artisanaux, les fonds de commerce et les baux commer-ciaux introduit par la loi n°2005-882 du 2 aout 2005, il semble même qu’en dépit du caractère communal de la compétence, cel-le-ci ne puisse faire l’objet d’une délégation au profit de l’intercommunalité.

C’est en tout cas la position affichée par le secrétaire d’Etat chargé des entreprises et du commerce extérieur dans une réponse ministérielle en date du 19 août 2008 et il faut souligner que pas une seule fois au cours des débats parlementaires, n’a été évoquée la question de la délégation possi-

ble de ce droit de préemption au profit des intercommunalités. Il est vrai que la possi-bilité de déléguer ce droit se heurte à de nombreux obstacles. Le dispositif décrit aux articles L. 214-1 et s. du code de l’urbanisme précise que le droit de préemption s’exerce selon les modalités prévues par les articles L. 213-4 à L. 213-7 du code de l’urbanisme ; n’est donc pas applicable l’art. L. 213-3 qui, justement, autorise la délégation du droit de préemption. Enfin si l’exercice des droits de préemption peut être délégué par le maire au profit d’autres collectivités – comme le prévoit l’art. L. 2122-22 15° du CGCT – cette faculté n’est pas ouverte pour ce qui est du droit de préemption sur les fonds de commerce10.

Dans ces circonstances, il faut concevoir ce droit de préemption comme un droit strictement communal ne pouvant faire l’objet d’aucune délégation, ni vers un EPCI, ni vers d’autres institutions. Ce qui conduit à s’interroger sur le fait de savoir si cette com-pétence communale serait même « transfé-rable » au profit d’un EPCI.

Ancrer davantage la question foncière dans la planification à l’échelle du SCOT, mieux coordonner l’exercice des différentes compétences foncières à travers le contrat d’agglomération, déconnecter la compé-tence « droit de préemption urbain » de la détention de la compétence PLU, autant d’éléments qui permettraient à l’échelon intercommunal de devenir le véritable chef de file de la politique foncière à l’échelon du territoire communautaire. Les suites qui seront données aux travaux du Grenelle de l’environnement offrent une opportunité majeure sur ce point.

Jean-Philippe Brouant, Maître de conférences en droit à l’Université Paris I (Panthéon-Sorbonne), GRIDAUH.

10. L’art. L. 2122-22 21°du CGCT ne prévoit pas en effet cette possibilité.

Alors que le niveau intercommunal est considéré, depuis longtemps8, comme un échelon efficace d’observation et d’inter-vention dans le domaine foncier, le législa-teur hésite encore à valider cette position. Les textes normatifs n’évoquent pas une « politique foncière » mais énoncent un cer-tain nombre d’instruments au profit des col-lectivités publiques qui leur permettront de mettre en œuvre une politique foncière.

Les communautés issues de la loi Chevè-nement sont certes invitées à définir une stratégie foncière – et à la formaliser dans des instruments planificateurs ou contrac-tuels – mais le passage à l’aspect opération-nel fait encore défaut.

Planification et contractualisation à l’appui de

la stratégie foncière

En matière de planification, les intercom-munalités peuvent jouer un rôle clé à tra-vers deux types d’outils.

En premier lieu, les Schémas de cohé-rence territoriale (SCOT) relèvent de plein droit de la compétence des communautés. Outre qu’ils s’imposent directement à un certain nombre d’opérations foncières (Zo-nes d’Aménagement Différé – ZAD, Zones d’Aménagement Concerté – ZAC, réserves foncières de plus de 5 hectares…), les SCOT constituent l’outil de prise en compte en amont de la problématique foncière. Qui plus est, les choix qu’ils déterminent peu-vent avoir des incidences fortes sur les mar-chés fonciers. Toutefois une étude récente portant sur une dizaine de SCOT tend à montrer que l’approche foncière est encore balbutiante. Certains schémas sont certes audacieux, en édictant de véritables plans d’actions foncières ou encore en définissant précisément des intensités d’urbanisation, mais ces approches restent encore isolées (Cf. Evaluation juridique des premiers SCOT, Cahiers du Gridauh, La documentation fran-çaise, 2008, à paraître).

En second lieu, les programmes locaux de l’habitat (PLH) doivent impérativement comprendre un volet foncier. Depuis la loi d’orientation pour la ville du 13 juillet 1991, l’article L. 302-1 du Code de la construction et de l’habitation précise que le programme local de l’habitat « indique les moyens, no-tamment fonciers, qui seront mis en œuvre par les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière d’urbanisme pour parvenir aux objectifs (…) qu’il a fixés ». De même la loi impose aux diagnostics réali-

sés à l’occasion de l’établissement du PLH de porter, entre autre, sur « l’offre foncière », c’est-à-dire les droits à bâtir rendus dispo-nibles par les règlementations d’urbanisme pour la construction de logement.

Du point de vue opérationnel, l’article R. 302-1-3 du Code de la construction et de l’habitation dispose que le programme d’ac-tions du PLH indique « les interventions en matière foncière permettant la réalisation des actions du programme ».

Une fois encore, la mobilisation des com-munautés sur l’écriture du volet foncier des PLH est très inégale, et dans bien des cas elles ne parviennent pas à l’aboutir, man-quant de méthode et de poids dans la négo-ciation auprès des communes-membres.

En complément aux outils de planifica-tion, les outils contractuels portés par les Régions et l’Etat d’une part et les Etablisse-ments publics fonciers d’autre part, peuvent constituer des opportunités pour définir une stratégie foncière intercommunale.

La loi Voynet du 25 juin 1999 a prévu que les contrats d’agglomération devaient obli-gatoirement contenir un « volet foncier ». La première génération des contrats d’agglo-mération, conclus dans le cadre des contrats de plan Etat – Régions (CPER) 2000-2006, a souvent été l’occasion de dresser un dia-gnostic foncier et de préfigurer la constitu-tion d’un établissement public foncier lo-cal9. Pour autant, l’instrument aurait pu être plus amplement utilisé notamment en vue de coordonner l’exercice des compétences foncières des signataires, ce domaine étant particulièrement fragmenté entre les dif-férents échelons territoriaux. Il ne semble pas que la seconde génération des contrats d’agglomération bouleverse les pratiques sur ce point.

Dans un autre domaine, les établissements publics fonciers, soucieux de constituer des bases objectives à leurs interventions (et à leurs arbitrages) utilisent largement la technique de la contractualisation avec les collectivités. Il faut noter la place singulière occupée par le programme pluriannuel d’in-tervention (PPI) de l’EPF qui, d’après l’article L. 321-1 du code de l’urbanisme, doit tenir compte « des priorités définies par les pro-grammes locaux de l’habitat ». Le PPI sert de programme-cadre, de référent pour l’action de l’EPF sur la base duquel des conventions particulières sont passées avec les collecti-vités concernées. L’article R. 324-4 du code

de l’urbanisme prend acte de la portée des relations contractuelles dans la mesure où il prévoit que « lorsque l’établissement public foncier intervient dans une commune mem-bre dans le cadre d’une convention passée avec cette dernière, cette convention vaut avis » pour les actions foncières conduites par l’EPF. Ces conventions constituent, bien souvent, une occasion pour l’EPF d’amener la collectivité à hiérarchiser les priorités d’in-terventions et pour ce faire, à concevoir une stratégie précise sur le plan foncier.

Le droit de préemption, instrument à l’appui de l’action

foncière

Parmi les instruments opérationnels à disposition des collectivités, qui permettent de décliner la stratégie foncière, le droit de préemption urbain (DPU) constitue l’outil essentiel.

En matière de détention du DPU par un EPCI, deux hypothèses doivent être envisa-gées. D’une part l’EPCI peut, de plein droit, bénéficier d’un transfert de compétences et se substituer aux communes ; d’autre part, il peut recevoir une délégation de la part des communes.

L’hypothèse du transfert de compétences est envisagé par l’article L. 211-2 du code de l’urbanisme qui dispose : « …lorsqu’un éta-blissement public de coopération intercom-munale est compétent de par la loi ou ses statuts, pour l’élaboration des documents d’urbanisme et la réalisation des zones d’aménagement concerté, cet établissement est compétent de plein droit en matière de droit de préemption urbain ».

La détention des deux compétences exi-gées par l’article L. 211-2 du code peut résul-ter d’un transfert du fait de la loi – ce qui ne concerne que les communautés urbaines – ou du fait des communes qui auraient trans-féré volontairement à la communauté leur compétence en matière d’élaboration du POS ou du PLU. La détention de plein droit de la compétence DPU au profit de la com-munauté recouvre donc des hypothèses extrêmement réduites. Et l’on peut se de-mander s’il ne conviendrait pas de prévoir dans les textes une compétence de plein droit au profit des EPCI en matière de DPU. Cela n’impliquerait pas forcément un trans-fert de plein droit de la compétence PLU au profit des communautés mais simplement une dissociation entre la détention de la compétence DPU et la compétence PLU. De même l’exercice de cette compétence pourrait être partagé entre les communes

compétence foncière et intercommunalités

8. La circulaire n°75-156 du 5 octobre 1975 sur la mise en œuvre des politiques d’action foncière dans les extensions ur-baines visait, entre autre, à pri-vilégier l’approche intercommu-nale à travers les « programmes d’action foncière ». Il s’agissait, pour une durée généralement triennale, de définir à l’échelle d’une agglomération, la politi-que foncière à mettre en oeuvre : objectifs poursuivis, coordination des procédures juridiques et des documents d’urbanisme, volume des acquisitions à réaliser avec leurs coûts et leur mode de fi-nancement… En contrepartie, I’Etat prenait l’engagement d’as-surer une partie du financement des acquisitions sous forme de subventions et de prêts.

9. Jean-Philippe Brouant (dir.), Contractualisation et territoires : les contrats d’agglomération, Cahiers du Gridauh n°12, 2005, p. 148 sq.

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L’inscription d’un projet d’observatoire de l’habitat au sein du Programme Local de l’Habitat (PLH) en 2002 témoigne de l’attention que les élus de la Communauté d’agglomération de Poitiers apportaient au besoin de disposer de données fiables et actualisées. La mise en œuvre de la politi-que locale de l’habitat devait être mesurée, accompagnée et éventuellement corrigée. Ils disposent depuis 2004 d’un outil majeur permettant de dresser les principales évo-lutions du parc de logement et de l’urbani-sation. Sont présentés annuellement (voire mensuellement de manière informelle) le rythme de construction neuve, le type et la taille des logements, les mobilités résiden-tielles, l’évolution du parc social, la rénova-tion du parc ancien, les prix de l’immobilier neuf et ancien, les opérations d’aménage-ment ou permis groupés, la localisation et le prix du foncier constructible, les réponses apportées aux populations à besoins spéci-fiques (personnes âgées, étudiants…).

L’observatoire de l’habitat est ainsi consti-tué de 31 indicateurs dont 90% sont ren-seignés au moins annuellement. Titulaire de la compétence urbanisme (le PLU intercom-munal est numérisé) et en charge de l’ins-truction des autorisations d’urbanisme pour le compte des 12 communes, la communau-té d’agglomération dispose en son sein de données majeures sur l’activité de construc-tion et le rythme de l’urbanisation. « Cette vue dynamique nous est particulièrement précieuse ; nous mesurons les risques du ‘laisser-faire’ et veillons à faire correspondre l’offre de logements aux attentes de nos po-

pulations » rappelle Bernard Cornu, vice-pré-sident de l’agglomération et rapporteur de la commission du développement urbain. L’observation du foncier reste cependant perfectible. Instruites à la communauté, les DIA apportent des informations certes essentielles mais dont la qualité devient très relative lorsqu’elles sont en nombre réduit sur certaines communes ou certains secteurs du cœur d’agglomération. La per-tinence de la requête s’amoindrit alors. C’est pourquoi la base de données des Notaires PERVAL est en cours d’acquisition. Etant particulièrement bien renseignée dans le département de la Vienne, elle devrait ap-porter davantage de précisions sur les prix de l’ancien et des terrains à bâtir ainsi que sur le volume des échanges et d’autre part compléter l’information au-delà des limites de l’agglomération.

C’est au sein du service Technologies Nu-mériques et Territoires que s’exercent les missions d’Observation et de SIG de la com-munauté. Leur rattachement à la Direction Générale témoigne du caractère transversal qu’elles recouvrent aux yeux des élus com-munautaires. Charge aux services fonciers et habitat d’en être les correspondants en alimentant et exploitant cet observatoire et en accompagnant ce service transversal dans les contacts avec les fournisseurs de données (INSEE, DRE, DDE, DDASS, DDISS, CROUS, Université de Poitiers, agences im-mobilières…).

L’observatoire de l’habitat et du foncier n’est qu’une composante de l’observatoire de l’agglomération qui a synthétisé ses

principaux enseignements dans un « Atlas de Territoire » téléchargeable sur Internet. Celui-ci concentre cinq autres observatoires thématiques (déplacements, tourisme, envi-ronnement, économie, pratiques culturelles) et fournit l’essentiel des données nécessai-res au diagnostic du PLU intercommunal dont la communauté engage la révision. « Nous faisons de la maîtrise de l’étalement urbain une réelle priorité. Celle-ci trouvera sa traduction dans nos documents de plani-fication et de programmation communau-taires ; or, le renouvellement urbain auquel je suis attaché exige une connaissance fine du tissu urbain existant, à ce titre l’observa-toire fournit des données essentielles » sou-ligne Bernard Cornu.

Si la question de l’échelle pertinente des évolutions foncières peut encore être posée (l’aire urbaine compte 83 communes, l’ag-glomération réunit 12 communes), il est cer-tain que l’observatoire offre un outil essen-tiel à la communauté, acteur opérationnel qui ressent le besoin de mesurer et d’adap-ter les effets de sa politique locale d’aména-gement. En permettant aux élus de partager sous un regard commun les principales évo-lutions de leurs communes, l’observatoire renforce en outre l’esprit communautaire.

Le manque de définition n’aide pas à la compréhension des actions en matière d’observation territoriale au sein des collec-tivités. La thématique du foncier n’échappe pas à la règle.

Philippe Schmit, ADCF.

ca de poitiers : observer en continu la dynamique urbaine

Les lois Solidarité et renouvellement urbain (SRU) et plus récemment Enga-gement national pour le logement (ENL) ont été l’occasion de développer de nouveaux outils fiscaux pour rendre les taxes d’urbanisme plus dynamiques, mieux connectées avec la réalité économique et urbaine et plus en mesure d’accompagner les collectivités dans la recherche d’une plus grande maîtrise des ressources foncières et de l’aménagement urbain.

Ces outils fiscaux ont vocation à internaliser les coûts de l’extension urbaine et de la faible densité (taxe locale d’équipement, participation pour voie nou-velle et réseaux…), à lutter contre la rétention foncière (majoration de la taxe sur le foncière bâti), à partager la rente foncière lorsqu’elle bénéficie de la valorisation apportée par le développement urbain et faire participer les pro-priétaires fonciers au coût de l’urbanisation (taxe sur les cessions de terrain devenus constructibles).

un faible développement des communautés

Ces leviers fiscaux, assez récents, sont encore mal connus et souvent sous utilisés par les collectivités. Pour beaucoup, ils sont encore fixés à l’échelle com-munale, alors que l’intercommunalité est désormais reconnue comme l’échelle pertinente pour appréhender les différentes logiques en matière d’aménage-ment et disposer de moyens d’action opérationnels sur les dynamiques spatia-les au travers des SCOT, des PLH, des schémas de développement économi-que, de leur intervention sur les réseaux de transport, d’eau d’assainissement…une enquête récente de l’ADCF révélait, en effet, le faible développement des communautés dans le domaine des taxes d’urbanisme.

La taxe sur les plus-values foncières réalisées par la cession d’un terrain nu rendu constructible du fait de son classement par un plan local d’urbanisme ou un document en tenant lieu, fait partie de ces nouveaux outils. Elle a été mise en place par la loi Engagement national pour le logement en 2006, impulsée par une réflexion sur l’évolution de la fiscalité de l’urbanisme dans le cadre d’un rapport devenu fameux des sénateurs Dominique Braye et Thierry Repen-tin, sur les facteurs fonciers et immobiliers de la crise du logement.

une mini-révolution

Cette mini révolution, dans un contexte national ou la fiscalité locale et les taxes d’urbanisme sont trop souvent déconnectées de la réalité économique et locale dans laquelle elles s’inscrivent, a été rendu possible par la nécessité de fluidifier le marché foncier et de redonner des marges de manœuvre finan-cières en particulier aux collectivités désireuses de disposer d’outils modernes pour mener à bien leurs politiques d’aménagement.

Il s’agit en effet, d’apporter aux communes qui le souhaitent, une possibilité de ressources supplémentaires pour faire face aux dépenses publiques qu’en-gendre le classement d’un terrain en zone constructible, en matière d’infras-tructure, de création d’équipements publics, charges qui pèsent fortement sur la faisabilité des opérations, notamment lorsqu’il s’agit de logements sociaux.

L’adoption de l’article 26 de la loi ENL est fondée sur le constat que les collectivités locales contribuent, par leurs décisions d’urbanisme et par les équi-pements qu’elles installent en conséquence de telles décisions, à la valorisation des terrains auparavant classés en zone verte ou agricole, et par conséquent à la plus-value réalisée par les propriétaires qui les cèdent. Cette taxe forfaitaire égale à 10% d’un montant égal aux deux tiers du prix de cession du terrain est exigible lors de la première cession à titre onéreux du terrain intervenue après son classement en zone constructible. Cette taxe peut se cumuler avec la parti-cipation pour voix nouvelle et réseaux (PVR).

La loi de finances pour 2007 a étendu cette possibilité aux établissements publics de coopération intercommunale lorsqu’ils sont compétents pour l’éla-boration des documents d’urbanisme. Ils peuvent alors instituer et percevoir cette taxe en lieu et place des communes sous réserve d’obtenir l’accord de l’ensemble des communes membres. Ils peuvent également décider de reverser aux communes membres une partie du montant de la taxe.

Au 1er janvier 2008, après deux années d’application seulement de ce dispo-sitif, 4 269 communes avaient institué la taxe sur les cessions de terrains rendus constructibles. Parmi ces dernières, 85% se sont décidées dès la publication de la loi en faveur de ce nouvel outil fiscal, et ont institué la taxe dès 2006 pour une application en 2007. Les candidats en 2008 étant nettement moins nombreux.

Les statistiques actuelles ne permettent pas de connaître le nombre d’EPCI ayant à leur tour mis en place la taxe. Toutefois, les conditions à remplir -com-pétences pour l’élaboration des documents d’urbanisme et accord unanime des communes- restent encore aujourd’hui difficile à remplir, comme le confir-me une enquête de l’ADCF sur ce sujet.

une application délicate dans le cadre légal et le contexte territorial actuels

Les services de la DGI ne renseignent pas non plus sur le rendement de cette nouvelle taxe ; on peut néanmoins noter que les communes qui l’ont institué sont des communes péri-urbaines, de petites tailles, confrontées à une poussée foncière importante, qui en ont sans doute retiré des profits substantiels. Au to-tal tous les départements sont représentés par l’engouement qu’a suscité cette taxe auprès des communes susceptibles d’en bénéficier, avec dans certains sec-teurs pour seule motivation l’intérêt financier au détriment d’une vision globale et harmonieuse du développement de l’urbanisation.

Sans doute est-il trop tôt pour connaître les effets réels de cet outil fiscal sur les équilibres financiers des opérations d’aménagement dont la maîtrise d’ouvrage n’est plus seulement communale, mais très largement prise en char-ge au niveau de l’intercommunalité, communauté urbaine, d’agglomération ou de communes. A ce titre, c’est l’ensemble de la fiscalité locale qu’il faudrait enfin envisager de remettre à plat avec un objectif de renforcement de la mu-tualisation et une meilleure adéquation entre les collectivités qui bénéficient de l’apport financier de la taxe sur les cessions et celles qui supportent les charges liées à l’urbanisation nouvelle.

La réflexion pourrait être guidée vers deux directions ; d’une part, la nécessité de disposer d’une recette fiscale ayant, comme c’est déjà le cas pour les taxes foncières sur le foncier bâti et non bâti, un effet de stock et pouvant couvrir des charges courantes de fonctionnement, tandis que la fiscalité de l’urbanisme ne peut espérer que couvrir des charges ponctuelles d’investissement ; et d’autre part, la recherche d’une plus grande solidarité financière au sein des territoires communautaires accueillant des populations nouvelles.

Le Grenelle de l’environnement, sera peut-être l’occasion d’avancer dans ce sens.

Claire Delpech,responsable des affaires financières et fiscale, ADCF.

Taxes d’urbanisme : quelle est la bonne échelle ?

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Dans le domaine de l’eau, par exemple, au-delà des obligations juridiques, il est peu fréquent que des liens soient établis entre la localisation et le dimensionnement des zones dédiées à l’habitat ou aux activités économiques et l’organisation territoriale des réseaux d’eau ou d’assainissement col-lectif, les capacités des usines de traitement de l’eau potable ou d’épuration des eaux usées. On peut pourtant rappeler que l’ab-sence d’assainissement collectif, imposant un assainissement individuel, a longtemps conduit à imposer dans les POS, via le rè-glement sanitaire départemental, une sur-face minimum aux parcelles constructibles (facteur d’une importante consommation de foncier) et à produire ainsi un dévelop-pement péri-urbain peu dense13. Si l’on s’in-téresse aux réseaux de télécommunication à haut ou très haut débit, on constate égale-ment que leur présence et leur organisation est rarement prise en compte dans les exer-cices de planification spatiale.

Dans le domaine des transports, si l’ur-banisation autour des pôles d’échanges commence à constituer une préoccupation, l’organisation des réseaux de transports (transports guidés en particulier) n’est pas suffisamment prise en compte dans l’élabo-ration des documents d’urbanisme. Enfin, si l’angoisse de la fermeture des classes d’éco-les primaires constitue parfois un puissant moteur pour des projets d’urbanisation, le lien n’est pas toujours fait entre projets de développement urbain et localisation ou re-conversion d’équipements publics.

Pour schématiser, on en reste souvent à une logique d’équipement a posteriori, considérant finalement que « l’intendance suivra », d’autant qu’elle relève d’autres ac-teurs.

Des coopérations technico-économiques ad-hoc

En matière de coopération intercommu-nale, la formule syndicale, introduite à la fin du XIXe siècle (loi du 22 mars 1891) aux

lendemains de la célèbre loi fondatrice de la commune moderne (loi du 4 avril 1884) a constitué une première étape dans la coopération intercommunale et permis le développement de réseaux, équipements et services publics dans une logique de mutualisation de moyens et d’économie d’échelle. Les syndicats intercommunaux, à vocation unique ou multiple, se sont ainsi développés tout au long du XXe siècle se-lon des logiques sectorielles. Il s’agissait alors d’apporter aux habitants et activités économiques des villes puis des villages, bourgs et enfin sur l’ensemble du territoire des services considérés comme essentiels et caractéristiques de la modernité industrielle (eau, électricité, puis téléphone...).

Pour chaque service, la constitution et le développement de ces syndicats inter-communaux n’ont pas ignoré les situations politiques locales mais ont été largement surdéterminés par des logiques techniques et économiques. Chaque service a sa pro-pre rationalité technico-économique, sa lo-gique d’appréhension de l’espace et donc son organisation territoriale, son syndicat intercommunal et son histoire. Dans le do-maine des transports on connaît les syndi-cats mixtes autorités organisatrices dont les contours correspondent plus ou moins à ceux de l’agglomération ou d’une commu-nauté existante. Dans le domaine de l’eau potable ou de l’assainissement collectif, on peut retracer le développement de réseaux communaux, puis intercommunaux puis la dissociation entre réseaux et usines dans le cadre de syndicats emboîtés.

Le résultat est une multiplication des syn-dicats intercommunaux, mixtes, à vocation uniques ou multiples, compétents pour la construction et la gestion d’infrastructures ou d’équipements, et donc en charge de tout ou partie de certains services urbains et correspondant à des territoires aux contours spécifiques. Ce type d’établissement public de coopération intercommunale (EPCI)14

constitue aujourd’hui encore une réalité im-portante à la fois d’un point de vue quan-

titatif15, mais également qualitatif, dans la mesure où ces EPCI continuent à prendre en charge la construction et la gestion d’une grande partie des réseaux et équipements publics, supports de services publics, qui structurent les territoires et constituent le quotidien de leurs habitants.

Des acteurs publics et privés multiples.

Cette multitude de syndicats prenant chacun en charge des réseaux et des ser-vices qui, ensemble, constituent l’armature des territoires, est doublée d’une multitude d’acteurs spécialisés aussi bien publics que privés, qui développent leurs propres logi-ques et stratégies territoriales. On peut ainsi citer l’Etat, ses services et certains de ses établissements publics (Agences de l’eau par exemple) ainsi que les collectivités lo-cales comme le Département et la Région qui peuvent intervenir comme financeurs en développant leur propre planification spatiale. A titre d’exemple, la définition de l’offre scolaire et sa qualité relèvent de po-litiques de l’Etat, les transports scolaires de celles du Département, les activités péri ou extra-scolaires ainsi que les bâtiments de la commune.

Par ailleurs, l’importance du recours au secteur privé, bureaux d’étude mais égale-ment gestionnaires de réseaux et services urbains (à travers la délégation de service public), est telle que la maîtrise des élus sur la gestion et les politiques développées dans ces secteurs peut parfois ne rester que théo-rique, faute de compétence des services ou de réelle volonté politique des élus.

Des périmètres rarement concordants

La logique d’efficacité technico-économi-que qui a présidé à la construction des syn-dicats intercommunaux « de gestion » et à leur évolution a conduit à la superposition, pour une commune donnée, d’une multi-tude de syndicats sectoriels avec des délimi-tations propres, qui s’accompagne en outre de l’intervention d’institutions publiques ou d’acteurs privés de ressorts territoriaux di-vers. La synthèse, propre au politique, et qui semble particulièrement nécessaire dans l’exercice de planification spatiale, puisqu’il s’agit bien là de traduire spatialement un projet politique territorial, s’avère alors par-ticulièrement difficile. Elle l’est d’autant plus que cet exercice est généralement réalisé à deux échelles territoriales qui, bien entendu ne coïncident généralement pas avec cel-les précédemment évoquées et que, par ailleurs, en la matière, le Code de l’Urba-nisme ne l’impose pas.

Ainsi, le Schéma de cohérence territoriale est réalisé dans le cadre d’un EPCI souvent créé spécifiquement à l’échelle de l’agglo-mération entendue dans une acception plus ou moins large en fonction des équilibres

13. Sur environ 200 000 mai-sons individuelles construites en France chaque année, la moitié a recours à un dispositif d’assainissement individuel et consomme, hors aire urbaine, environ 70% de la consomma-tion annuelle de foncier pour l’habitat.

14. Souvent qualifiée d’inter-communalité « de gestion » par opposition à une intercommuna-lité « de projet » représentée par les EPCI à fiscalité propre, com-munautés urbaines, d’agglomé-ration ou de communes.

15. Au 1er janvier 2008 on comptait en France 2 583 EPCI à fiscalité propres, communau-tés urbaines, d’agglomération et de communes confondues mais également 11 921 SIVU et 1 468 SIVOM la plupart assu-mant des compétences de ges-tion de réseaux, équipements ou services publics locaux (source DGCL/ DESL).

La question des rapports entre intercom-munalité et foncier est indissociable des outils dont disposent les communautés dans ce domaine et des politiques qu’elles sont susceptibles de mener. Nous proposons ici de décaler quelque peu le regard pour le porter sur des domaines d’action publique ne relevant pas directement des questions foncières mais dont les impacts sur les mar-chés fonciers locaux sont manifestes ; il s’agit d’une part de la planification spatiale et d’autre part de la programmation et de la gestion des réseaux et services urbains. La question des rapports qu’entretiennent – ou n’entretiennent pas – ces deux domaines de responsabilité communale est aujourd’hui trop peu abordée. Cette question renvoie à des dimensions et des problèmes aussi bien techniques qu’organisationnels ou culturels. Dans ce contexte, l’intégration au sein des communautés de la planification spatiale et de la programmation des infrastructures et équipements est souhaitable. Sans être inimaginable, plusieurs conditions sont tou-tefois nécessaires à l’émergence de telles démarches intégrées.

Urbanisme, réseaux et services, une

rencontre indispensable mais impossible ?

Dans un ouvrage de 1991 désormais classique11 Gabriel Dupuy diagnostiquait une crise de l’urbanisme qui, selon lui, résul-tait de l’incapacité des urbanistes à prendre en compte les réalités réticulaires et leurs

conséquences sur l’évolution des territoires, urbains en particulier. Après une critique vi-rulente d’un urbanisme classique privilégiant encore le zonage fonctionnaliste, il souhai-tait réhabiliter les théories urbanistiques favorables aux réseaux et même proposer des « méthodes et outils pour un urbanisme des réseaux »12. Qu’en est-il aujourd’hui ? Le développement de formes de coopération intercommunale plus intégratives, inter-communalité souvent dite « de projet », à l’échelle des agglomérations en particulier, ainsi que l’apparition de nouveaux outils de planification spatiale introduits par la loi Solidarité et Renouvellement Urbain du 13 décembre 2000 (Schéma de cohérence territoriale – SCOT, et Plan local d’urbanis-me – PLU) ont-ils permis l’émergence d’une approche plus intégrée de l’urbanisme, pre-nant mieux en compte la planification et la gestion des réseaux, équipements et servi-ces publics ?

Il faut rappeler l’importance des réseaux, équipements et services publics dans la structuration des territoires et la vie des habitants. Voiries, réseaux d’eau, d’assai-nissement, d’énergie, de transports collec-tifs, de télécommunication (du simple télé-phone au très haut débit) mais également crèches, écoles, collèges, lycées, universités, hôpitaux, équipements sportifs ou culturels constituent l’armature de nos territoires. Leur présence ou leur qualité, loin d’être uniforme dans l’espace, est liée à celle des activités économiques et des populations, qu’elle conditionne en retour. Ces servi-ces urbains ne sont-ils qu’une intendance

qui suivrait les desseins et dessins des ur-banistes ? A défaut d’une prise en compte en amont dans les réflexions d’urbanisme, ils finissent par être la principale condition d’opérationnalité (et de réalisation) des projets.

Gabriel Dupuy insistait sur les différences de formation, de culture professionnelle et de représentation de la ville qui séparaient urbanistes planificateurs et ingénieurs concepteurs et gestionnaires de réseaux urbains. Il mettait ainsi en évidence deux conceptions du territoire qui semblent s’op-poser et renvoient à des rationalités, des modes d’organisation et des savoirs profes-sionnels qui peinent à se rencontrer :

4 une conception aréolaire du territoire, portée par les urbanistes, les élus et qui imprègne en particulier les pratiques de planification urbaine des urbanistes ;

4 une conception réticulaire du territoire, portée par les ingénieurs constructeurs et gestionnaires de réseaux, et ren-voyant à d’autres pouvoirs et modes d’organisation.

Au-delà des cultures et des pratiques pro-fessionnelles on peut également évoquer les obstacles organisationnels liés aux lo-giques fonctionnelles. Elles imprègnent le mode de structuration des territoires par les réseaux et les services urbains. Le dévelop-pement de formes plus intégratives de coo-pération intercommunale pourraient remet-tre en cause ces logiques qui empêchent aujourd’hui l’émergence d’une approche intégrée de la planification spatiale.

stratégie foncière et réseaux : le « plus » communautaire

Qui prend les décisions en matière d’aménagement ?

11. Gabriel DUPUY, L’urbanisme des réseaux, théories et métho-des, Paris, A.Colin, 1991, 198p.

12. Gabriel DUPUY, op. cit., chapitre VII, pp. 127-163.

source : base ASPIC,La carte a été réalisée par Benoit Gourgand, Chargé d’études géomatique urbaine au Département Urbanisme-Habitat du Certu.

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tErritoirEs / collEctivités

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La question de la fonctionnalité, de surcroît, est indissociable de celle de potentiel. L’absence d’usage, ou son caractère partiel et marginal, sont à rapporter aux possibilités d’exploi-tation que présentent les espaces examinés. Ainsi, pour un agronome, un terrain inculte dépourvu de toute fertilité, donc incultivable, ne saurait être une friche, de même que des talus d’éboulis non stabilisés, incons-tructibles, ne feraient pas partie des espaces « libres ». Mais là encore, la prudence est de mise, car les métro-poles sud-américaines ou indiennes montrent bien des exemples d’urba-nisation sur des versants instables et des zones inondables, où les critères ouest européens en matière de risque auraient prohibé toute installation… ou imposé de gros investissements pour libérer les terrains incriminés de la contrainte qui pesaient sur eux.

Le caractère relatif de l’appréciation du potentiel renvoie ainsi directe-ment au dernier élément de défini-tion, l’inscription dans une dynamique temporelle6. Même si elle n’est pas systématiquement « le passage obligé d’un usage du sol à un autre »7, la friche peut procéder d’un abandon par rap-port à une phase d’exploitation anté-rieure, dont les héritages (végétation plantée, anciens aménagements…) se dégradent progressivement. Elle connaît par ailleurs un certain nom-bre de dynamiques spontanées, en particulier végétales (embroussaille-ment, reforestation…), qui modifient en continu son apparence, en interac-tion avec d’éventuelles interventions sociales (opérations d’entretien, usa-ges marginaux…). La physionomie paysagère de ces espaces marginaux correspond ainsi davantage à une phase transitoire dans un proces-sus évolutif qu’à un état stable. En fonction de la vitesse des proces-sus à l’œuvre, cette apparence est susceptible de se prolonger plus ou moins longtemps, comme elle peut au contraire disparaître rapidement si le terrain retrouve une vocation.

Déjà complexe au sein d’espaces ruraux où les facteurs prépondérants relèvent plutôt des problématiques agricoles, l’identification des espaces marginalisés en fonction de ces dif-férents critères s’avère encore plus délicate lorsqu’elle concerne des espaces urbains et périurbains, où de multiples dynamiques spatiales se combinent : celles liées à l’exten-sion du bâti, celles qui découlent du développement des activités indus-trielles et commerciales, et celles qui résultent de l’implantation des infras-

tructures de transport, se révèlent toutes à la fois productrices de friches (de manière directe ou indirecte) et consommatrices de friches.

Ces dynamiques engendrent un espace et des paysages hybrides, dans lesquels les terrains marginali-sés présentent une grande diversité, aussi bien dans leur formation :4 friches industrielles partiellement bâties, résultant de l’arrêt d’une acti-vité de production,4 « terrains vagues » en dent creuse dans une zone pavillonnaire, 4 friches agricoles à proximité immé-diate du front d’urbanisation, en attente de révision de PLU….

que dans leur apparence, leur étendue ou leur localisation au sein de l’agglomération.

Le choix d’une définition simple et ouverte pour les « Espaces libres mar-ginalisés (ELM) » inventoriés dans cette étude – « Un ELM est un espace mis à l’écart, laissé à l’abandon, consécutif à l’arrêt de sa fonction initiale. C’est un état pérenne ou temporaire de l’espace, bien souvent une étape transitoire entre deux fonctions » – répond à l’objectif de les identifier dans un premier temps sur le terrain, de la manière la plus exhaustive possible en dépit de leur diversité. Mais cet inventaire spatial ne prend tout son sens qu’en asso-ciation étroite avec la base de don-nées, construite au fur et à mesure de l’inventaire, qui décrit un à un chacun de ces espaces, et évalue leur éventuelle « disponibilité »8.

Dans le cas avignonnais, l’inven-taire est d’autant plus intéressant que la croissance démographique des trente ou quarante dernières années a été particulièrement spec-taculaire, qu’elle s’est traduite par une consommation d’espace consi-dérable9 et que l’agglomération a conservé une densité d’habitat relati-vement faible. On y observe notam-ment la persistance d’une « ceinture verte » plus ou moins continue, plus ou moins mitée, entre la ville cen-tre et les communes périphériques. Le doublement de la population de l’agglomération depuis la fin de la Seconde guerre mondiale (250 000 habitants aujourd’hui) s’est en effet accompli au prix d’un quadruple-ment de la surface urbanisée (2 000 ha en 1945 contre 8 000 en 2005), sans que la densité de population ne dépasse 350 habitants/km2, alors que la moyenne nationale pour les agglomérations d’importance com-parable s’établit à 600 habitants/km2. La combinaison de ces densités urbaines modestes et de cette ten-dance problématique à l’étalement urbain laissait donc entendre l’exis-

tence de nombreux « vides » au sein du tissu urbain, sur la localisation, la nature et la disponibilité desquelles porte cette étude.

Inventorier les friches

En l’absence de toute source sta-tistique décrivant ces espaces autre-ment que de manière très partielle et incomplète, la démarche d’inventaire des friches s’est basée sur l’exploi-tation du fond topographique au 1/25 000e et des ortho-photogra-phies pour repérer les espaces sus-ceptibles d’être des friches. L’utilisa-tion de sources complémentaires de la DRIRE, du BRGM (Basol et Basias) permet de compléter ce premier recensement. Des itinéraires de visite sur le terrain sont ensuite élaborés afin de valider et/ou de compléter ce recensement, et d’aboutir à une première carte d’inventaire.

Une seconde étape de validation et/ou modification est ensuite réali-sée lors d’entretiens conduits auprès d’élus et de techniciens de chaque commune (40 entretiens ont ainsi été réalisés, en utilisant comme support la carte élaborée en phase 1). Ces entretiens permettent tout à la fois

En rouge les espaces libres et marginalisés du SCOT du bassin de vie d’Avignon en 2006

6. Voir Dérioz P. , « Quels indicateurs pour la géographie ? Quelques éléments de réponse à travers l’exploration des thématiques de la friche et de la déprise dans le territoire français », in Objets et indicateurs géographiques, dir. Jacques Maby, Actes Avignon n°5, pp. 91-108, 2003.7. Wackermann G., 1990 : La France en fri-che ? Universalia 90, Encyclopaedia Universalis, pp. 251-255.8. Parmi les entreprises de recensement systé-matique des friches de toute nature réalisées en France, l’Annuaire départemental des friches du

Bas Rhin, élaboré sous l’égide du Conseil général, assortit de la même manière l’inventaire spatial d’une fiche descriptive détaillée pour chacune des 219 friches repérées dans le département. (www.cg67.fr/fr/friches/profil/index.asp )9. Voir Dérioz P., « Naissance, extension et mutations des paysages périurbains pavillonnai-res dans le sud-est de la France », Les Sources de l’Histoire de l’Environnement : le XXè siècle, Dir. Andrée Corvol-Dessert, L’Harmattan, Paris, pp. 93-118, 2003.

politiques locaux. L’élaboration et le suivi du SCOT sont donc réalisés dans le cadre d’un périmètre institutionnel qui vient le plus souvent se superposer à l’ensemble de ceux pré-existants. En ce qui concerne le Plan local d’urbanisme, dont les effets sur les marchés locaux du foncier sont plus tan-gibles, il reste quant à lui souvent établi à l’échelle communale, plus rarement à celui d’une éventuelle communauté.

Les communautés, une solution possible ?

Entre les communes et une multitude d’EPCI « de gestion » de tailles et constitu-tion variables, les EPCI « de projet » (com-munautés urbaines, d’agglomération ou de communes) peuvent sans doute constituer une échelle intéressante pour une planifica-tion spatiale plus intégrée.

Sans aborder ici la question sans doute un peu vaine16 de la pertinence éventuelle des périmètres des communautés consti-tuées par rapport à la réalité actuelle des bassins de vie, il nous semble que ces nou-velles formes d’intercommunalités peuvent constituer le lieu d’émergence d’une planifi-cation spatiale qui prenne mieux en compte la programmation et la gestion des réseaux et équipements publics pour peu qu’elles parviennent à dépasser 3 types d’obstacle.

Le premier réside dans l’émergence de nouvelles pratiques, de nouveaux modes de faire des techniciens au sein des admi-nistrations communautaires. Exercer des

compétences en matière de réseaux et équi-pements publics, et en matière d’urbanisme et d’élaboration des documents de planifi-cation spatiale peut n’avoir que peu d’effet si cela ne s’accompagne pas d’un décloison-nement des pratiques au sein des adminis-trations communautaires. Les formations, les pratiques, les cultures professionnelles et les modes d’appréhension de l’espace des urbanistes et des ingénieurs restent, comme le soulignait Gabriel Dupuy, suffisamment éloignées pour que la construction d’une planification spatiale intégrée soit rien moins que naturelle même lorsque tout ces professionnels sont coprésents. L’éla-boration coordonnée, d’une planification spatiale et d’une programmation des infras-tructures et équipements véritablement in-tégrées au sein des communautés suppose sans doute un important travail collectif et une animation internes.

Les deux autres obstacles que l’on peut repérer renvoient à la volonté politique des élus et à leur façon de prendre en charge les responsabilités qui sont les leurs au sein des intercommunalités. Ainsi, le transfert aux communautés de la compétence d’urbanisme et d’élaboration des documents de planifica-tion spatiale reste une question sensible dans la mesure où il s’agit là d’un élément à la fois pratique et symbolique fort de leur pouvoir local. Le risque est fort de ne voir dans un PLU intercommunal que la simple juxtaposition de PLU communaux au nom de la préservation du pouvoir des élus communaux. On peut néanmoins voir apparaître de véritables PLU

intercommunaux à l’échelle communautaire qui constituent la matérialisation d’un projet territorial bâti à cette échelle (et présenté dans le Projet d’aménagement et de développe-ment durable, PADD).

Enfin, la question d’une véritable prise en charge par les communautés de compéten-ces liées aux réseaux et équipements publics est posée. Si la construction communautaire permet souvent le financement, la construc-tion et la gestion de nouveaux équipements à l’échelle communautaire, ce n’est que ra-rement le cas pour les réseaux et équipe-ments existants et jusqu’ici gérés dans une cadre syndical parfois plus large. Pour ces compétences, les syndicats intercommu-naux résistent assez bien à l’émergence des nouvelles formes plus intégratives d’in-tercommunalité. Il n’est ainsi pas rare que la délégation d’une compétence « de ges-tion » à une communauté se traduise sim-plement par l’adhésion de la communauté au syndicat pré-existant, dont le territoire dépasse largement celui de la communauté considérée. Une prise en charge de pure forme d’une compétence nouvelle ne nous semble pas propre à remettre en cause les modes de pensée et de faire habituels. Cela risquerait même, au contraire, de renforcer l’opacité du système, la déresponsabilisa-tion des élus et l’autonomie des champs professionnels.

Sylvain Petitet, Chef du Groupe Aménagement Urbanisme, CERTU

16. voir sur ce point Martin VANIER, Le pouvoir des territoi-res, essai sur l’interterritorialité, Paris, Economica, 2008, 160p.

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