CÔTÉ POLITIQUE Bioéthique : le Bilan DE SANTÉ · 2013. 4. 11. · Les Cahiers de...

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Les Cahiers de l’Information Hospitalière N°3 Septembre 2009 CÔTÉ POLITIQUE DE SANTÉ 44 LES CAHIERS de l’information hospitalière le magazine de l’information médicale en ligne Une filiale de Lavoisier Bioéthique : le Bilan L’éthique est une réflexion et un questionne- ment sur des principes généraux à vocation universelle. Le droit est normatif, il est créé, non par des juristes mais par des parlementaires au travers des lois. Les lois de bioéthique représentent bien le lien entre l’éthique et le droit. Depuis les années 1980, l’ampleur des ques- tions éthiques sociétales et juridiques, soulevées par les progrès de la science et de la technique, notamment dans le domaine de la procréation et du génie génétique, s’est afrmée progressi- vement en France. La nécessité de légiférer sur ces questions a été l’objet d’importants débats publics. Les uns craignaient qu’une loi ne freine les progrès de la recherche, les autres estimaient que l’éthique concerne un domaine trop individuel, intime et moral pour la loi. Les partisans d’un encadrement législatif l’ont donc emporté et les premières lois bioéthiques furent adoptées en France en 1994. Elle fut pionnière dans ce domaine et la plupart de ses voisins européens se sont dotés depuis, de lois dans le domaine des sciences de la vie, avec le même souci de trouver « un point d’équi- libre entre la protection des droits fondamentaux de la personne et la non-entrave aux progrès de la recherche ». Dès les débats parlementaires de 1994, le lé- gislateur a estimé nécessaire d’inscrire dans la loi, le principe d’une révision à engager, dans le délai de cinq ans. Ce choix s’est avéré justié pour trois raisons essentielles : - le délai écoulé a permis de différencier les dis- positions qui restent appropriées de celles qui nécessitent une nouvelle évolution ; - l’importance des progrès médicaux et scienti- ques réalisés depuis 1994, ainsi que l’évolution de la société, justient que soient rediscutés les choix qu’il convient de retenir pour permettre, à la fois, une ouverture maîtrisée de la recherche et le respect des grandes règles éthiques. - Il s’agit enfin d’un domaine dans lequel les interdépendances sont fortes aussi bien à l’échelle européenne que mondiale. Il était donc indispensable que la loi française tienne compte des évolutions récentes, des réexions et légis- lations étrangères, en la matière. (1) La première révision n’a pas eu lieu de fait en 1999 mais en 2004, avec la création de l’Agence Biomédecine et la première réglementation de la recherche sur l’embryon. La loi à venir doit être impérativement révisée en 2010 ou 2011. Préalablement au travail par- lementaire, après avis du Conseil Consultatif Les premières lois de bioéthique ont été adoptées en 1994 puis révisées en 2004. Cette loi doit être revue au début d’année 2010. Les états généraux de la bioéthique, réunis en juin 2009, ont été l’occasion d’engager un vaste débat sur ces sujets particulièrement sensibles pour l’opinion publique. En effet, les progrès scientiques posent de délicates questions éthiques : clo- nage thérapeutique ou reproductif, recherche sur l’embryon, génome humain... Ces progrès scientiques et médicaux font émerger de nombreux débats sur les risques et les dérives tel l’eugénisme... A l’occasion de la révision de la loi, ces problématiques font de nouveaux débats.

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  • Les Cahiers de l’Information Hospitalière N°3 Septembre 2009

    CÔTÉPOLITIQUE DE SANTÉ

    44LES CAHIERSde l’information hospitalièrele magazine de l’information médicale en ligne

    Une f i l ia le de Lavois i er

    Bioéthique : le Bilan

    L’éthique est une réflexion et un questionne-ment sur des principes généraux à vocation universelle. Le droit est normatif, il est créé, non par des juristes mais par des parlementaires au travers des lois. Les lois de bioéthique représentent bien le lien entre l’éthique et le droit.Depuis les années 1980, l’ampleur des ques-tions éthiques sociétales et juridiques, soulevées par les progrès de la science et de la technique, notamment dans le domaine de la procréation et du génie génétique, s’est affi rmée progressi-vement en France.La nécessité de légiférer sur ces questions a été l’objet d’importants débats publics. Les uns craignaient qu’une loi ne freine les progrès de la recherche, les autres estimaient que l’éthique concerne un domaine trop individuel, intime et moral pour la loi. Les partisans d’un encadrement législatif l’ont donc emporté et les premières lois bioéthiques furent adoptées en France en 1994. Elle fut pionnière dans ce domaine et la plupart de ses voisins européens se sont dotés depuis, de lois dans le domaine des sciences de la vie, avec le même souci de trouver « un point d’équi-libre entre la protection des droits fondamentaux de la personne et la non-entrave aux progrès de la recherche ».

    Dès les débats parlementaires de 1994, le lé-gislateur a estimé nécessaire d’inscrire dans la loi, le principe d’une révision à engager, dans ledélai de cinq ans. Ce choix s’est avéré justifi é pour trois raisons essentielles : - le délai écoulé a permis de différencier les dis-positions qui restent appropriées de celles qui nécessitent une nouvelle évolution ;- l’importance des progrès médicaux et scientifi -ques réalisés depuis 1994, ainsi que l’évolution de la société, justifi ent que soient rediscutés les choix qu’il convient de retenir pour permettre, à la fois, une ouverture maîtrisée de la recherche et le respect des grandes règles éthiques. - Il s’agit enfin d’un domaine dans lequel lesinterdépendances sont fortes aussi bien à l’échelle européenne que mondiale. Il était donc indispensable que la loi française tienne compte des évolutions récentes, des réfl exions et légis-lations étrangères, en la matière. (1)

    La première révision n’a pas eu lieu de fait en 1999 mais en 2004, avec la création de l’Agence Biomédecine et la première réglementation de la recherche sur l’embryon.La loi à venir doit être impérativement révisée en 2010 ou 2011. Préalablement au travail par-lementaire, après avis du Conseil Consultatif

    Les premières lois de bioéthique ont été adoptées en 1994 puis révisées en 2004. Cette loi doit être revue au début d’année 2010. Les états généraux de la bioéthique, réunis en juin 2009, ont été l’occasion d’engager un vaste débat sur ces sujets particulièrement sensibles pour l’opinion publique.En effet, les progrès scientifi ques posent de délicates questions éthiques : clo-nage thérapeutique ou reproductif, recherche sur l’embryon, génome humain...Ces progrès scientifi ques et médicaux font émerger de nombreux débats sur les risques et les dérives tel l’eugénisme... A l’occasion de la révision de la loi, ces problématiques font de nouveaux débats.

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    Les grands thèmes débattus aux troisforums citoyens régionaux

    Forum citoyen de Marseille sur la recherche sur les cellules souches et l’embryon, le diagnostic prénatal (DPN) et préimplantatoire (DPI).

    La recherche sur les cellules souches et l’embryon Des cellules souches, capables de s’auto renouveler, de pro-liférer et de se différencier, ont fait naître de grands espoirs de réparation de tissus endommagés, notamment dans les domaines cardiaque, neurologique, hématologique et laréparation des tissus cutanés. Il s’agit de :- cellules souches de type adulte, présentes dans différents tissus de l’organisme adulte .- cellules souches issues du cordon ombilical et qui possè-dent des possibilités de différenciation intermédiaire.- cellules souches embryonnaires, issues des premières étapes de la formation de l’embryon. Elles sont dites « totipotentes » c’est à dire capables de reconstituer un organisme entier.

    Le cadre juridique pour le prélèvement, la conservation et l’utilisation de ces trois types de cellules souches diffère se-lon les pays considérés, avec des législations plus ou moins restrictives. Pour la France et lors du réexamen de la loi de bioéthique en 2004, il y avait interdiction de recherche sur l’embryon humain et de son utilisation à des fi ns commerciales ou industrielles.Le clonage est interdit en France, qu’il soit thérapeutique et à fortiori pour la création d’un être humain à l’identique (clo-nage dit reproductif).

    Cependant, la loi de 2004 a prévu à titre dérogatoire et ex-ceptionnel et pour une période de cinq ans, l’autorisation de projets de recherche sur embryons sans projet parental. Ces recherches ne sont autorisées que si elles sont « susceptibles de permettre des progrès thérapeutiques majeurs » et s’il n’existe pas de « méthode alternative d’effi cacité comparable ».

    • l’avis du panel de citoyensLa question essentielle, en rapport avec la recherche sur les cellules souches et l’embryon, peut se résumer simplement : Comment la recherche doit-elle respecter l’humain?

    National d’Ethique et du Conseil d’État, les États Généraux de Bioéthique se sont déroulés à la fi n du premier semestre 2009. Il s’agit là d’une démarche originale, véritable illustra-tion d’une « démocratie sanitaire participative »

    Les États Généraux de Bioéthique :une démarche originale et inédite

    Les grandes lignes politiques de leur organisation ont été tra-cées par le Président de la République dans une allocution prononcée le 12 septembre 2008 :

    « Les progrès rapides et importants de la science dans les domaines de la génétique et de la procréation posent à nos sociétés de délicates questions de bioéthique.Elles engagent notre conception de l’homme et de la vie, et peuvent conduire à des mutations de société. C’est pourquoi elles ne peuvent pas rester l’affaire des seuls experts. La responsabilité du politique est d’organiser le cadre propre à cette réflexion. C’est ce que la France fera avec les états généraux de la bioéthique qui sedérouleront l’an prochain. Naturellement, les traditions philosophiques et les traditions religieuses seront pré-sentes à ce débat. » (2)

    Au niveau national, trois villes ont été choisies : Marseille (recherche sur l’embryon et les cellules souches, diagnostic prénatal et préimplantatoire), Rennes (Assistance Médicale à la procréation) et Strasbourg (médecine prédictive et greffes d’organes).

    Méthodologie de l’organisation des EGB- 15 jurés citoyens, choisis pour leur représentativité par l’IFOP, ont été formés durant deux week-ends, aux aspects juridiques et éthiques sur les thèmes qu’ils devront débattre.- Devant ce jury-citoyen, un groupe de «grands témoins» constitués de spécialistes des questions traitées : experts médicaux, philosophes, représentants des cultes, personnalités politiques… Grands témoins et « panélistes » font face au grand public pour une discussion libre, instruite et contradictoire. - La fonction des états généraux est bien entendu d’éclairer le décideur législatif.

    On ne saurait pour autant oublier les débats sur Internet, sur le site de bioéthique, pour faciliter l’appropriation et favo-riser l’expression des thèmes traités.Des rencontres régionales ont également été proposées, au travers des espaces éthiques régionaux ou interrégionaux (par ex : États Généraux de Bioéthique à Brest)

    Sources : (1) Documentation française. (2) Dossier de presse - Ministère de la Santé et des sports - « lancement des états généraux de la bioéthique » du 4 février 2009

    La restitution et la synthèse de ces états généraux ont été effectuées à la Maison de la Chimie, à Paris le 23 juin 2009, sous le patronage de Madame le Ministre de la SantéRoselyne Bachelot Narquin.

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    Le panel de citoyens s’accorde sur l’intérêt thérapeutique des cellules souches adultes ou du sang de cordon qui ne posent pas de réel problème éthique.

    Les jurés citoyens se prononcent nettement pour un encadre-ment strict de la recherche sur les embryons surnuméraires, dès lors qu’il n’y aurait plus de projet parental avec mise en place d’un statut protecteur de l’embryon.

    Les diagnostics prénatal et préimplantatoire

    Les progrès de la médecine ont permis depuis plusieurs an-nées, de dépister des maladies graves fœtales, notamment par l’échographie, avec la possibilité pour les femmes concernées d’avoir recours à une interruption médicale de grossesse (IMG).

    Il s’agit là du développement du diagnostic prénatal( DPN). En revanche, le diagnostic préimplantatoire (DPI) nécessitant une fécondation in vitro (FIV) est apparu plus tardivement. Ainsi un couple présentant de fortes probabilités de don-ner naissance à un enfant atteint d’une maladie génétique de gravité particulière (mucoviscidose, hémophilie, myopathie...) peut bénéfi cier du diagnostic préimplantatoire, avec des indica-tions qui se sont élargies depuis la loi de bioéthique de 2004.

    De même et à titre expérimental le « bébé médicament » est autorisé. Suite à la naissance d’un premier enfant malade, un embryon indemne est sélectionné, lors d’une seconde grosses-se. Des cellules souches thérapeutiques sont alors prélevées sur le cordon du nouveau-né pour soigner le premier enfant.

    Comme pour l’utilisation des cellules souches, le diagnostic préimplantatoire fait l’objet de grandes variations législatives, selon les pays considérés. • l’avis du panel de citoyensLa loi de 2004 cherchait déjà à éviter tout diagnostic de convenance personnelle tel le choix du sexe de l’enfant à naître. Au regard des évolutions potentielles de certaines techniques, deux tentations se présentent : celle de l’eugé-nisme et celle de l’utilitarisme. Ces deux dérives ont été clairement soulevées par les jurés citoyens qui ne veulent pas « que l’on utilise ces techniques pour répondre à toutes les demandes et pour éliminer les différences ».

    Les citoyens ont souhaité qu’à l’occasion d’un DPI ne soit recherché qu’une et une seule maladie.Ils s’opposent à l’établissement d’une liste de maladies sus-ceptibles d’être diagnostiquées.

    Ils souhaitent que la recherche médicale s’oriente plus vers le traitement in utéro de l’anomalie génétique que de l’élimi-nation systématique des embryons malades

    Ils réaffi rment l’importance de la conservation de la diversité de l’espèce humaine et soulignent que ni la maladie ni le handicap n’altèrent notre humanité.

    L’information au dépistage doit également être développée et l’accompagnement des parents et des enfants handicapés rester une priorité nationale.

    Forum citoyen de Rennes sur l’assistancemédicale à la procréation

    L’assistance médicale à la procréationSelon le code de la santé publique, l’assistance médicale à la procréation est la réponse à l’infertilité des couples, regrou-pant différentes techniques en dehors du processus naturel : l’insémination artifi cielle, la fécondation in vitro, le transfert d’embryon.L’AMP, aussi bien en 1994 qu’en 2004, a été limitée à certaines indications médicales, pour éviter le recours à des conve-nances personnelles. Elle est donc réservée aux couples hétérosexuels infertiles, en âge de procréer, mariés, concubins ou pacsés et faisant preuve de deux ans de vie commune.

    A l’occasion des états généraux de bioéthique de Rennes, plusieurs questions ont été débattues :- l’âge limite pour l’aide médicale à la procréation. Le ministre de la Santé a proposé de repousser la limite de rembourse-ment de l’assistance médicale à la procréation, aujourd’hui fi xée à 43 ans.- le problème de l’anonymat et de la gratuité du don, - l’accès de l’aide médicale à la procréation aux femmescélibataires, veuves ou homosexuelles,- le problème de la gestation pour autrui.

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    - Comment exprimer l’expression de la reconnaissance envers les donneurs décédés ? - la question de l’élargissement du cercle des donneurs vi-vants en dehors de la famille est déjà un problème d’actualité. L’encadrement des procédures doit-il être allégé ou à l’in-verse plus renforcé?- Quel sera le statut de protection sanitaire du donneur vivant ? - Le problème du don de sang du cordon, amène la question de la création de banques spécifi ques pour maîtriser leur dé-veloppement et garantir le respect des principes éthiques.

    • l’avis du panel de citoyensLes jurés citoyens ont souligné le caractère trop promotion-nel des campagnes de communication en matière de greffes d’organes, insuffi samment informatives. Ils préconisent l’établissement d’un « registre du choix » où les donneurs potentiels pourraient faire connaître leur décision. C’est donc une inquiétude qui s’est manifestée, de leur part, sur un respect insuffi sant de la volonté implicite du donneur potentiel.

    En désaccord avec le principe du consentement présumé, ils souhaitent qu’en l’absence de volontés anticipées du défunt, celui-ci ne puisse être prélevé. Cette préconisation a été établie malgré les avertissements formulés par les « grands témoins médicaux » d’un risque de pénurie d’organes.

    Ils souhaitent une évolution encadrée de la pratique du pré-lèvement sur donneur vivant, avec élargissement du cercle des donneurs, lorsqu’il existe un lien affectif durable (ami et conjoint …)

    Pour améliorer les possibilités de greffes, ils leur semblent indispensable d’améliorer l’effi cacité du transport d’organes.

    La médecine prédictiveCette spécialité médicale, par le biais de recherches géné-tiques, annonce la probabilité pour une personne saine, de présenter une maladie à composante génétique.La loi du 6 août 2004, encadre déjà l’analyse des caracté-ristiques génétiques à des fi ns médicales : poser, confi rmer ou infi rmer un diagnostic de maladie génétique, mais aussi adapter la prise en charge médicale d’une personne selon ses caractéristiques.

    • l’avis du panel de citoyensLe débat, particulièrement riche en témoignages, en avis de personnalités religieuses ou philosophiques, a conduit le jury à prendre position contre la pratique des mères porteuses. Le refus était pour l’essentiel motivé par crainte d’une « mar-chandisation » du corps humain. Le don d’ovules et de spermatozoïdes, pose le problème de la levée de l’anonymat.Selon L’expression de Madame Roselyne Bachelot, il impor-te que les enfants puissent avoir accès à des informations qui leur permettent de ne pas être « le simple produit de paillettes mises au fond d’un tube ». Les experts médicaux ont cepen-dant évoqué la chute du don de gamètes, dans des pays, tel le Royaume Uni, qui ont permis la levée de l’anonymat.

    Le jury citoyen a refusé d’élargir la pratique de l’assistance médicale à la procréation aux homosexuels et aux personnes célibataires. Il interprète cette décision par une différence en-tre le médical, c’est à dire l’infertilité du couple et le sociétal, correspondant au désir d’enfant. Il s’est montré en revanche favorable à l’adoption pour les couples homosexuels.

    Les jurés défi nissent donc très clairement la question de la parentalité, dont ils reconnaissent le caractère culturel et va-riable, par rapport à la fi liation biologique.

    Forum citoyen de Strasbourg sur le prélèvement et la greffe d’organes, de tissus et de cellules, la médecine prédictive et l’étude des caracté-ristiques génétiques.

    Le prélèvement et la greffe d’organes, de tissus et de cellulesLes éléments du corps humain qui peuvent être prélevés sont les organes (le cœur, les poumons, le foie, les reins, le pancréas et l’intestin), les tissus (la cornée, la peau, les valves cardiaques, les os ou les vaisseaux sanguins) et les cellules souches hématopoïétiques (qui se situent dans la moelle osseuse et le sang de cordon).

    Le prélèvement et la greffe de tissus, de cellules et d’orga-nes, permettent de soigner malades et blessés (peau des brûlés) ou de sauver la vie d’insuffi sants rénaux, cardia-ques ou hépatiques ou de patients présentant des maladies hématologiques graves. Ces prélèvements sont générale-ment effectués sur des personnes décédées, parfois sur des personnes vivantes.Les principes du don de tissus ou d’organes sont habituels dans la législation française: L’anonymat (sauf personne vi-vante pour un proche) la gratuité, le consentement ( présumé pour le défunt) et l’interdiction de publicité. Ces dernières années, l’Agence de Biomédecine a mis l’accent sur l’obliga-tion de répartir équitablement les greffons entre les malades et sur la sécurité sanitaire pour les donneurs et receveurs.Plusieurs principes éthiques sont posés lors du prélèvement : le respect du corps humain vivant ou décédé et la préserva-tion de la liberté des personnes.Les lois bioéthiques de 1994 ont déjà précisé l’encadrement du don. Reste cependant des faiblesses réglementaires au niveau du consentement présumé de la personne décédée.- Intérêt de créer un registre des donneurs d’organes à rem-plir de son vivant ?

    Source : (3) Dossier de presse - Ministère de la Santé et des sports - « lancement des états généraux de la bioéthique » du 4 février 2009; site Internet des états généraux de la bioéthique; Rapport fi nal des états généraux de la Bioéthique du 1er juillet 2009.

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    Le bilan des états générauxde la bioéthique

    Le rapport fi nal des États Généraux de la Bioéthique a été remis le 16 juillet au Président Nicolas Sarkozy après une res-titution des débats à la Maison de la Chimie le 23 juin 2009.Le bilan global semble tendre vers un consensus des ci-toyens pour une non remise en cause signifi cative de la loi actuelle.

    Au vu des propositions des trois jurys citoyens, faut-il voir dans la population française l’expression d’un certain conservatis-me ? Le rapport fi nal n’évoque t-il pas plutôt une conscience aiguë de nos concitoyens que les progrès des techniques n’ont de sens que s’ils sont au service de l’homme ?

    Pour Jean Léonetti, Président du Comité de Pilotage des États Généraux, « les citoyens se sont nettement déclarés hostiles à un usage incontrôlé des techniques biomédicales ».Pour rappel, une ferme opposition à la grossesse pour autrui, une recherche très encadrée de l’expérimentation sur l’em-bryon, un refus des techniques d’assistance médicale à la procréation pour les femmes célibataires. Certaines positions des jurés citoyens interrogent les experts, tel l’anonymat du don des gamètes, la remise en cause du consentement pré-sumé, une nette méfi ance exprimée envers les médecines génétiques. Tous s’accordent cependant à une vision commune du pro-grès, humaniste plutôt que techniciste.

    Plus généralement les États Généraux de la Bioéthique ont permis de soulever un problème essentiel dans la perspec-tive du réexamen de la loi : le droit a-t-il pour fonction de favoriser l’adaptation de l’offre techniquement disponible à la demande ?La vocation ultime du droit n’est-il pas plutôt d’assurer le respect pérenne des grands principes qui structurent la loi ?

    C’était bien le sens de la conclusion apportée par Roselyne Ba-chelot et Jean Léonetti, affi rmant que le régime de la loi n’est pas celui du marché et qu’ il ne s’agit pas de recenser simple-ment un état préformé de l’opinion pour y adapter le droit.Les États Généraux de la Bioéthique à l’inverse procèdent d’une éthique de la discussion et de l’information, qu’il s’agit de faire prévaloir, en permettant aux citoyens de se forger une opinion éclairée. (4)

    M. Hervé

    Sur un plan éthique, le problème de la discrimination généti-que est posé avec la stigmatisation des différences, pouvant prendre alors la qualifi cation de handicap. Ces dérives sont actuellement protégées par la loi, notamment dans le domaine de l’emploi et des assurances.

    A l’occasion des États Généraux, la réfl exion éthique porte sur le consentement aux tests génétiques, sur le droit de savoir, mais aussi, de ne pas savoir (avec en corollaire la responsabilité de la personne à l’égard de sa famille biologi-que). La médecine dont l’activité soignante est la première fi nalité, pourrait évoluer vers une politique de détection systé-matique des risques, enfermant le patient dans une destinée pré-établie. Le développement d’Internet, avec le commerce des tests prédictifs en vente libre, peut modifi er la pratique déontologique classique du médecin. Celle-ci s’appuie actuellement sur les bases du consentement informé, du suivi individualisé et du secret médical. Compte tenu de l’autonomie des patients et leur liberté de connaître leur « moi génétique », une réfl exion doit être engagée sur les enjeux économiques du développement de ces tests, avec renforcement de la lutte contre une discrimination génétique au niveau des assurances et de l’emploi.

    • l’avis du panel de citoyensLes jurés citoyens ont souligné l’importance des facteurs environnementaux dans le domaine de la santé, tout aussi importants que les facteurs génétiques. L’usage dévoyé des tests prédictifs les inquiète. Ils redoutent que la prédiction génétique ne soit facteur de discrimination.

    La protection des libertés individuelles représente donc bien l’essentiel de leur réfl exion éthique en matière de médecine prédictive.

    Sources : (3) Dossier de presse - Ministère de la Santé et des sports - « lancement des états généraux de la bioéthique » du 4 février 2009 ; site Internet des états généraux de la bioéthique ; Rapport fi nal des états généraux de la Bioéthique du 1er juillet 2009.(4) Conférence de presse du forum national de la bioéthique du 23 juin 2009 à Paris ; Le rapport fi nal des états généraux de la bioéthique du 1er juillet 2009.

    En conclusion, ils se sont montrésopposés aux pratiques de tests gé-nétiques détournant la finalité desexamens, lorsqu’ils ne sont pas utilisés à des fi ns médicales ou scientifi ques. Ils ne souhaitent pas que l’on s’en serve pour « éradiquer toute forme d’anormalité ». (3)

    © Ministère de la santé et des sports - DICOM - Alain François

  • Une filiale de Lavoisier

    Information Hospitalière : Pourquoi avoir organisé des états généraux de la bioéthique?

    Les évolutions des sciences et de la médecine ouvrent des possibilités nouvelles qui imposent une réflexion éthique et collective, qui ne saurait être réservée à quelques initiés ou aux seuls professionnels. Ainsi, j’ai souhaité, dans une dé-marche novatrice et selon un principe républicain, proposer une participation active et éclairée des citoyens au débat public portant sur des questions qui engagent notre avenir à tous. Ces états généraux de la bioéthique avaient ainsi pour vocation de susciter des questions, de permettre deséchanges contribuant à l’élaboration de grandes orien-tations, au-delà de celles issues d’un simple sondage d’opinion.

    I.H : Les Étas généraux se sont achevésle 23 juin dernier. Quel bilan pouvez-vous tirerde ces « débats citoyens » ? Et qu'ont apporté les jurys citoyensau débat législatif sur la bioéthique ?

    Les débats se sont avérés très fructueux, nous avons tous pu noter l’intérêt et l’enthousiasme avec lesquels les participants sont intervenus dans les débats qui se sont révélés d’une très haute tenue. Ces forums étaient néces-saires car ils ont permis à tous d’être mieux informés sur la loi et ses principes, sur les pratiques et leurs implications. Nous avons mis en place un site internet qui a reçu plus de 50 000 visites et plus de 1000 contributions d’internautes. Plus de 200 manifestations ont été organisées à travers toute la France, tandis que se sont tenus des forums ci-toyens, à Marseille, à Rennes, à Strasbourg, auxquels ont participé des jurys de citoyens préalablement formés, des grands témoins, des spécialistes et des experts. L’ensem-ble de ces événements a permis à chacun d’exprimer son avis, ses convictions mais aussi ses doutes et ses inter-rogations et de nourrir ainsi le grand débat. Le colloque national qui s’est tenu le 23 juin à Paris, à la maison de la chimie, a permis de faire état des avis des jurys citoyens et de synthétiser les contributions des internautes et des rencontres régionales.

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    I.H : Le thème de la gestation pour autrui a été très médiatisé (aussi dénommé : mères porteuses). Selon vous, pourquoi ?Quelle est votre opinion sur ce sujet ?

    L’intérêt suscité par ce thème repose sans doute, sur le caractère fondamentalement ambivalent de cette pra-tique qui pose clairement la question de savoir si tout ce qui est possible est souhaitable. Même si je ne peux qu’éprouver une sincère empathie envers une femme qui ne peut pas être enceinte, ou envers un couple en mal d’enfant, la gestation pour autrui soulève un grand nombre de questions : éthiques d’abord, mais égale-ment médicales et juridiques, car elle opère un transfert de parentalité et revient à une adoption. Au delà des aspects juridiques complexes, des aspects médicaux lourds de conséquence à la fois pour la femme enceinte et l’enfant à naître, il ne faut pas oublier qu’interviendrait nécessairement un aspect financier qui contreviendrait alors au principe de non patrimonialité du corps humain et de gratuité du don, principe fondateur de notre loiactuelle. Cette pratique, marginale en Europe, semble ac-créditer la notion de « droit à l’enfant » qui n’existe pas. De plus elle entraîne un risque certain d’instrumentalisation du corps des femmes avec une exposition particulière des plus vulnérables d’entre elles. Plus fondamentalement en-core, la question posée est de distinguer le « progrès » d’un simple alignement sur le moins disant éthique.

    I.H : Vous vous êtes prononcée pour une levée « encadrée » de l'anonymat du don de gamètes.Pouvez-vous nous expliquer la raison ?

    Je suis attachée à la distinction que l’on doit faire entre les parents qui élèvent leur enfant et les parents biologi-ques, à l’origine du don de gamètes. Je considère que nous devons offrir aux enfants la possibilité de s'inscrire dans une filiation qui n'est pas juridique, mais liée à l'es-pèce humaine. Il est important qu'ils puissent avoir accès à des informations qui leur permettent d'avoir le sentiment de ne pas être un simple « produit » de « paillettes » mises au fond d'un tube.

    M. Hervé