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Chapitre 1Lanalyse des relations entre client et fournisseur

Au sommaire de ce chapitre La nature des relations entre client et fournisseur au centre des questions marketing Les diffrences essentielles entre perspective transactionnelle et perspective relationnelle Typologie des relations possibles entre acheteur et vendeur en intgrant le concept de la pyramide client La prise en compte des interactions et de la rciprocit entre individus dans le cadre des changes interpersonnels Les signications vritables et les formes possibles de lengagement et de la dlit entre acteurs conomiques Analyse de la notion de conance dans le cadre des changes marchands La prise en compte de la dynamique des relations commerciales Lintgration du cycle de vie relationnel dans la rexion stratgique de lentreprise La question des parties prenantes, des communauts et des structures sociales en marketing

C

e chapitre dbute par un aperu historique et dynamique des relations entre client et fournisseur question devenue peu peu centrale en marketing (voir section 1). Nous dnissons ensuite la nature mme de la perspective relationnelle tout en nous intressant un certain nombre dlments cls du processus : rciprocit, interaction, conance et engagement (voir section 2). Dans un troisime temps, nous examinons la dynamique des relations entre client et fournisseur et les schmas de dveloppement que ces relations suivent en gnral (voir section 3). Pour nir, nous analysons limportante question des parties prenantes, des communauts dintrt et la dynamique interne des groupes sociaux (voir section 4).

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La perspective historique

Pour paraphraser Webster (1992), le marketing a eu longtemps tendance ne sintresser qu la vente stricto sensu cet vnement particulier de la transaction conomique un moment donn et lriger comme objectif essentiel de laction et comme variable principale de lanalyse. Il parat pourtant vident quune meilleure synchronisation des motions entre parties est une condition pralable du dveloppement de relations sur le long terme entre un acheteur et un vendeur. Et pourtant, le marketing classique (nous lappellerons marketing transactionnel par opposition au marketing relationnel dont il sera principalement question dans cet ouvrage) ne tient quinsufsamment compte du phnomne de transactions multiples et de lvolution des relations entre acteurs dans le temps.

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Partie 1 Stratgies relationnelles et principes dorganisation

Jusqu une poque rcente, lentreprise ne portait tonnamment que peu dintrt la continuit de la relation commerciale et ne sy investissait que de faon marginale. Ces dernires annes ont t marques par un intrt grandissant de la part des professionnels comme des chercheurs pour des situations de march dont la focale sest dplace de la transaction pure et simple pour se porter vers les aspects relationnels et la continuit de lchange. Plusieurs auteurs (Arndt, 1979 ; Flipo, 1999 ; Cova, 2008) ont ainsi pu mettre en vidence que de nombreux marchs se structuraient dsormais selon une logique relationnelle autour dengagements entre parties la fois forts, volontaristes et orients sur le long terme. Les changes transactionnels se limitant strictement lacte dachat/vente peuvent ainsi tre anticips et mieux grs au lieu dtre conduits de faon ponctuelle et uniquement opportuniste. Bruhn (2003) fait remarquer dans son ouvrage que les origines du marketing relationnel sont diverses. On peut dire que le concept est historiquement apparu au milieu des annes 1970. Bagozzi (1975) a le premier dni le marketing comme un processus renouvel dchanges entre un acheteur et un vendeur. Ce faisant, lauteur pose les fondements conceptuels du marketing relationnel car en admettant quune relation puisse donner lieu plusieurs changes entre parties, il pose implicitement la question de lvolution de cette relation dans le temps. Plusieurs phases peuvent ainsi tre mises en vidence au cours dune relation marchande. Elles sont tudies pour la premire fois au cours des annes 1980 (Dwyer, Schurr et Oh, 1987), et la possibilit de dissocier des tapes au sein dune relation commerciale donne rend ncessaire la formulation explicite dun marketing relationnel. Cest Berry (1983) qui, le premier, ralise ce travail dans le cadre thorique du marketing des services. Et cest effectivement dans le domaine des services que des contributions signicatives sont dabord apportes au marketing relationnel (Gummesson, 1987 ; Grnroos, 1990, 1994). Les pres fondateurs de ce quon appelle dsormais l cole scandinave du marketing ont t les premiers tablir des comparaisons prcises entre marketing relationnel et marketing transactionnel tant sur le plan des outils que dans leurs grands principes dorganisation (voir tableau 1.1). Dans cette mme perspective, une quipe amricaine (Parasuraman, Zeithaml et Berry, 1988) conoit ServQual une chelle de mesure de la qualit de service, sujet jusqualors si peu concret. En 1990, lInternational Marketing and Purchasing Group (IMP) sur la base des travaux dHkansson (1983) en particulier cre un modle conceptuel de marketing relationnel pour les marchs interentreprises (b-to-b). Lexamen des interactions dans le domaine industriel et la mise en place de rseaux de vendeurs et dacheteurs sont devenus dsormais le sujet principal des recherches de ce groupe international (Cova et Jallat, 2005). Puis, cest au milieu des annes 1990 quest mis en vidence lun des concepts centraux de lanalyse de la relation client, et lun de ses principaux intrts pour les professionnels : la protabilit considrable dune relation qui perdure. La conservation du client et les revenus futurs quil peut ainsi gnrer pour lentreprise sont mis en perspective dans une optique nancire et comptable (on parle de customer lifetime value pour dnir la valeur terme dun client tout le temps quest maintenue sa relation avec lentreprise), et

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ces approches quantitatives deviennent des sujets dintrt centraux de la recherche en marketing (Reichheld, 1996).Tableau 1.1 : Du marketing transactionnel au marketing relationnel Marketing transactionnel Perspective temporelle Approche marketing dominante Sensibilit du consommateur au prix Composante stratgique principale de lentreprise Mesure de la satisfaction du client Systme dinformation sur les clients Interdpendance entre fonctions dans lentreprise Court terme (approche discrte) Marketing mix Forte (approche comparative) Dimension objective (approche produit) Contrle de la part de march (approche indirecte) Enqutes de satisfaction (mesures pisodiques) Cloisonnement entre fonctions et interfaces limites (organisation verticale et hirarchique) Marketing relationnel Long terme (approche continue) Marketing interactif (soutenu par le marketing mix) Faible (opacits de march) Dimension relationnelle (solutions proposes) Gestion de bases de donnes relationnelles (approche directe) Systmes de feedback en temps rel (mesures instantanes) Approche transversale et importance des interfaces (organisation horizontale et collaborative)

Source : daprs Grnroos C., Quo vadis marketing ? Towards a relationship marketing paradigm , Journal of Marketing Management, 10, 1994, 347-360.

Le marketing relationnel bien quayant trouv ses origines au sein des activits de service et sur les marchs b-to-b offre aussi des champs concrets dapplication aux marchs de grande consommation (Leforestier, 1996 ; Fournier, Dobscha et Mick, 1998). Et cest encore dans les annes 1990 que diffrents construits relationnels lis lengagement et la conance en particulier (Morgan et Hunt, 1994) sont dvelopps par les chercheurs. La question fondamentale de la modication des relations entre acheteur et vendeur qui peut tre lie linterruption comme au rtablissement des relations entre parties est de plus en plus tudie.

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La description des relations entre client et fournisseur

Le terme de relation voque un sentiment qui peut sexprimer entre deux personnes : attraction mutuelle, respect, considration, dpendance, etc. Ces sentiments ne se forment que si certaines conditions sont runies entre parties. Les relations supposent une interaction intermittente ou continue entre deux ou plusieurs personnes et requirent des changes de diffrentes natures sur une priode donne.

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Poeisz et Van Raaij (1993) dcrivent ce processus de faon dtaille : Les interactions doivent avoir lieu entre au moins deux parties la caractristique de ces interactions tant que les activits de lune des parties inuencent celles de lautre, et rciproquement. Un certain degr de continuit doit pouvoir sexprimer travers la relation puisque les interactions passes inuencent les interactions prsentes et venir. Le maintien de ces relations dans le temps doit tre intgr par lentreprise et les relations doivent pouvoir stendre sur une plus longue priode (comme nous avons pu le souligner dans le tableau 1.1). Leffet des interactions entre parties dpend autant des vnements ayant rellement lieu que de linterprtation subjective de ces vnements par les acteurs. Les psychologues distinguent gnralement des relations primaires et des relations secondaires. Le premier type de relations concerne les relations interpersonnelles sur le long terme essentiellement fondes sur des liens motionnels et sur le sentiment dune obligation mutuelle entre acteurs. Les relations secondaires entre un client et un vendeur par exemple sont, en comparaison, des relations interpersonnelles plus supercielles, davantage orientes sur le court terme. Ces relations secondaires requirent un degr dinteraction sociale limit, des rgles dusage clairement tablies et des rles bien dnis entre parties (Peelen, 2005).

2.1

Les composantes de la relation entre client et vendeur

Les relations entre un client et un vendeur peuvent comporter plusieurs niveaux dapproche et tre fort diffrentes par nature. Comme nous venons de le voir, elles peuvent tre de type secondaire mais peuvent galement se situer quelque part dans une zone de transition entre relations primaires et secondaires. Cest ainsi que le lien qui unit un client la boulangerie de son quartier, l o chaque matin il achte son pain frais, est plutt de nature primaire. Au-del de sa qualit gustative, le pain reprsente aussi pour le client la garantie dune journe qui commence bien. Au l des annes, le boulanger et son client ont appris se connatre et sestimer mutuellement. Cette relation est fort diffrente de celle qui peut sexprimer entre une caissire de supermarch et un client : mme si le client fait rgulirement ses courses dans le supermarch en question, et ce depuis longtemps, il est fort probable que les deux personnes ne se connaissent pas par leurs noms et que leur conversation reste trs limite. Plusieurs typologies ont vu le jour pour tenter de clarier les diffrences de nature possibles des relations entre client et vendeur (Payne, 1995). Ces classications nous indiquent (voir gure 1.1) : Si une transaction a dj t mene bien ou non : du prospect au client. Si cette transaction initiale peut tre dpasse et donner lieu une orientation commerciale entre parties plus long terme : du client au client dle. La nature de la relation engage entre parties : du sympathisant lambassadeur.

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Le degr dimplication pris par les parties dans cette relation : de lambassadeur au partenaire.

Figure 1.1 La pyramide relationnelle

Cette pyramide relationnelle fait galement apparatre des diffrences de nature entre les catgories dcrites (Tolboom, cit dans Peelen, 2005) : Coopration ou concurrence : la concurrence nat au sein dune relation o le client met en concurrence plusieurs fournisseurs les uns contre les autres pour nalement choisir loffre la plus avantageuse. La coopration domine lorsque, dans une relation, acheteur et vendeur travaillent ensemble pour parvenir un rsultat qui convienne le mieux aux deux parties : le client prend, par exemple, rendez-vous avec son prestataire en fonction de lemploi du temps et des disponibilits de ce dernier. Distribution gale ou ingale du pouvoir : une distribution quilibre du pouvoir entre acteurs est chose rare mme dans le cadre dune relation troite. La distribution du pouvoir est dautant plus ingale que les services offerts par le prestataire sont fonds sur des connaissances ou des technicits particulires dont dpend lavenir ou la comptitivit du client. Dans le mme ordre dides, un dsquilibre de pouvoir se rencontre frquemment entre producteur et distributeur parce que lun est souvent dpendant de lautre pour une part importante de son chiffre daffaires et na pas dautre alternative : une chane de grande distribution peut ainsi reprsenter, elle seule, plus du tiers du chiffre daffaires dun fabricant sur un march national donn.

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Dpendance ou indpendance entre parties : ce facteur est inversement proportionnel lquilibre des pouvoirs dont il vient dtre question. La partie qui jouit du pouvoir le plus important est la plus indpendante ; lautre tant la plus dpendante. Orientation transactionnelle ou orientation socio-motionnelle : les interactions entre les deux parties sont-elles davantage orientes vers la tche cest souvent le cas dun hypermarch lgard dune marque ou dun fabricant ou bien des interactions sociales sexpriment-elles comme dans notre exemple du boulanger de quartier ? Contact formel ou informel : lvidence, le contact entre un client et son avocat sera beaucoup plus formel que le contact entre un client et son coiffeur. Lorsquon analyse la qualit dune relation donne, plusieurs aspects doivent galement tre pris en considration : engagement mutuel, quit, dlit et conance (Dwyer, Schurr et Oh, 1987 ; Moorman, Deshpand et Zaltman, 1993 ; Trinquecoste, 1996). cet gard, certaines relations durent parce quil ny a pas de meilleure alternative disponible sur le march et parce que mettre n la relation soulverait trop de problmes (Williamson, 1979 ; Jackson, 1985 ; Jallat, 2001). On peut alors parler dinertie ou de capture du client (voir encadr 1.1) davantage que de dlit car ce sont souvent des considrations ngatives plus que des considrations positives qui sont lorigine du maintien de la relation entre parties : une clinique qui a investi dans un systme dexploitation informatique donn se voit souvent oblige de continuer acheter ses ordinateurs pour ce type de conguration prcis et de choisir un logiciel qui fonctionne avec ce systme dexploitation spcique.

Encadr 1.1

Phnomnes dinertie et stratgies de capture Inertie, capture et marchs forte intensit technologique La perspective relationnelle, leffet club et les phnomnes de contagion reprsentent des outils privilgis de capture des marchs. Sur de nombreux secteurs o la composante technologique est essentielle (lectronique grand public, tlphonie mobile, informatique, domotique, multimdia), une large base de clientle installe et limposition dune norme ou dun standard au dtriment des alternatives concurrentes reprsentent deux conditions majeures du succs de lentreprise, souvent mme plus importantes que la qualit de loffre strictement dnie. On pourrait sinterroger, par exemple, sur les raisons du succs de Windows face au systme dexploitation plus performant, plus convivial et plus accessible prcdemment mis en place par Apple. De la mme faon, le succs de la norme VHS au dtriment de ses deux concurrents V2000 et Betamax ne doit rien aux performances et la abilit technologiques du matriel dvelopp par JVC.

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Il est par exemple difcile une nouvelle carte de paiement de simposer mme si elle offre des avantages plus importants dans des pays o Visa ou Mastercard sont bien implants. Inertie, capture et activits de service cet gard et au-del des marchs forte intensit technologique, les phnomnes dinertie et de capture des clients concernent galement et malgr leur forte htrognit un grand nombre dactivits de service : le fait de fonctionner grce lactivit dun rseau de proximit reste un point commun beaucoup dentre elles. Ce rseau peut tre un rseau dagences rparties sur un territoire gographique prcis, un rseau de transport particulier ou un rseau de tlcommunications dans le cadre des nouveaux services sur Internet par exemple. La valeur de ce type de services aux yeux des consommateurs est fortement corrle la taille de leur rseau, et lutilit du service pour un individu peut tre directement lie au nombre de consommateurs qui y ont recours, sa composante sociale dadoption . Or, la taille du rseau et limportance des investissements requis et possibles seront elles-mmes conditionnes par le nombre de clients du prestataire. Ce phnomne en boucle milite bien videmment pour loptique relationnelle mais aussi pour le dveloppement des opacits de march et les facteurs favorisant les sentiments dappartenance un club (nous le verrons travers le cas Nespresso la n de ce chapitre). Les explications du phnomne En dehors des phnomnes bien connus du bouche--oreille ou des effets de mode et au-del des contagions sociales et du marketing viral , plusieurs auteurs ont expliqu les raisons de la gnralisation du principe dinertie au sein de lconomie actuelle en mettant en avant cinq raisons principales : La diversit des produits et des services complmentaires. Lorsque des entreprises partenaires doivent sengager aux cts dune entreprise principale, la taille du rseau ou limportance de la base de clientle acquise sont des lments importants de leur ralliement. Dans le secteur informatique, cest la base installe du matriel qui va dterminer le nombre de logiciels et de services disponibles sur une plate-forme technologique donne. Ce fut le cas pour le Minitel et, plus rcemment, dans le domaine de la tlvision numrique. On observe un phnomne analogue dans le domaine des cartes privatives ou des programmes frequent yers des compagnies ariennes, comme nous le verrons plus en dtail au chapitre 3.

Encadr 1.1 (suite)

Lorsquun produit sest impos sur le march et occupe une position dominante, des difcults peuvent effectivement se poser aux suiveurs. Le systme pionnier ou le prestataire le plus important bncie en effet de la taille de sa base installe, et il est difcile pour dautres concurrents de contrebalancer cet avantage. Il est alors possible quapparaisse un blocage et que les consommateurs se gent sur une proposition de qualit infrieure : cest ce que les Anglo-Saxons appellent le lock-in .

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Encadr 1.1 (suite)

Phnomnes dinertie et stratgies de capture (suite) Les services dinformation ou dassistance disponibles. Dans le cas o la base installe des consommateurs est importante, ces services ont toutes les chances dtre largement gnraliss. En partant ltranger avec un touroprateur majeur qui dispose dun large rseau, le consommateur peut esprer bncier de laide ou de lassistance locale dun correspondant de lentreprise. La prsence gographique. Hertz ou Avis dans le domaine de la location automobile, La Poste ou le Crdit Agricole dans celui des prestations bancaires disposent dun rseau de proximit beaucoup plus tendu que celui de leurs concurrents. Et cette proximit leur confre ainsi un avantage comptitif non ngligeable. De faon similaire, le systme des correspondances entre les vols est mieux assur par une compagnie nationale denvergure que par une compagnie charter ou une compagnie arienne rgionale. La possibilit dchanger produits ou services avec dautres consommateurs. Ce cas de gure sapplique par exemple pour des logiciels informatiques ou les jeux vido. Un consommateur pourra en toute conance apporter des CD audio une soire ou envoyer par messagerie lectronique un chier sous format Windows parce quil sait que la probabilit que son interlocuteur possde un standard compatible avec le sien est importante. La conance que le consommateur peut avoir dans la prennit probable du produit ou du service. Ce phnomne est fondamental dans le cadre des services nanciers ou des compagnies dassurances, par exemple, mais aussi pour des services dabonnement o un engagement de la part de lentreprise dans la dure est ncessaire.Source : Jallat F., la reconqute du client : stratgies de capture, Village Mondial, 2001, Paris.

Dautres situations peuvent heureusement runir des conditions plus positives liant deux parties lune lautre : sur le march haut de gamme, un concessionnaire automobile, par exemple, reprsente gnralement une marque apprcie du client, prend un soin attentif de sa commande et de sa voiture, reste disponible et sassure que son client se sent privilgi. On voit donc que ce qui maintient deux parties ensemble peut tre minemment variable dune relation lautre comme pour une relation donne. Et comme le soulignent les exemples cits prcdemment, la nature du lien peut tre essentiellement nancire, personnelle mais aussi organisationnelle. En synthse, le tableau 1.2 oppose deux types de relations parmi les plus extrmes qualies de lches dans un cas et dtroites dans lautre. Mme si les relations entre client et fournisseur peuvent tre dcrites de multiples faons, les chercheurs saccordent sur le rle central jou par les interactions, la rciprocit, lengagement et la conance dans la formation des relations (Morgan et Hunt, 1994 ; Gurviez et Korchia, 2002). Sans relle rciprocit, il ne peut y avoir de relation durable.

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Tableau 1.2 : Prol type de relations entre client et fournisseur Absence de relations / Relations lches Des engagements contractuels ont t passs concernant les obligations rciproques des parties en prsence (contrat explicite) Les accords sont passs dans loptique du court terme (approche transactionnelle) Linitiative de linteraction est prise principalement par une des parties en prsence La discussion porte sur un nombre de sujets limit Les sujets sont traits de faon supercielle Les deux parties se prsentent comme des entits spares vis--vis de lextrieur Chaque partie recherche ses propres intrts (approche confrontative) Les intentions des parties concernant la poursuite ventuelle de la relation sont faibles (approche opportuniste) Peu d'obstacles s'opposent la cessation d'une relation donne et au commencement d'une nouvelle si ncessaire (approche discontinue) Les parties envisagent et souhaitent souvent tester dautres partenaires potentiels (inertie) Relations troites Peu dengagements sont pris de faon formelle concernant la rciprocit entre parties (contrat implicite) Lorsque des clauses contractuelles sont passes, la plupart engagent les parties long terme (approche relationnelle) Linitiative est souvent commune entre les parties Une multitude de sujets est aborde lors des discussions Les sujets sont traits en profondeur Les deux parties se prsentent au monde extrieur comme une seule et unique entit Chaque partie recherche ses propres intrts et prend la satisfaction/le destin de lautre cur (approche cooprative) Malgr des changements denvironnement parfois majeurs, lintention de poursuivre la relation sinscrit sur le long terme (approche partenariale) Beaucoup d'obstacles s'opposent la cessation d'une relation donne et au commencement d'une nouvelle (approche continue) Ladage regarde mais n'achte pas chez les autres est la rgle plutt que l'exception (dlit)

Source : Peelen E., Customer relationship management, Prentice Hall, 2005.

Et limportance de lengagement et de la conance a t dmontre de faon empirique par Garbarino et Johnson (1999). Les auteurs soulignent que lintention de poursuivre une relation et de la faire voluer de faon plus troite dpend essentiellement de lengagement rciproque et de la conance instaure entre parties. Dans des situations plus transactionnelles par nature, cest la satisfaction du client vis--vis de lentreprise, de ses produits et de ses services qui dtermine si dautres achats suivront ou pas.

2.2

Les interactions et la rciprocit

Plusieurs thories sociologiques mettent en vidence que la rciprocit fonde la relation. Les tudes sur la rciprocit ne datent pas dhier. Ds 1923, Mauss suggre que trois rgles principales sappliquent au sein des socits primitives : donner, recevoir et donner nouveau. La partie qui reoit doit, en retour, donner quelque chose pour gnrer chez lautre lobligation de donner nouveau. Ce phnomne quali de retour intress (ou contre-don) se fait en rfrence lobligation de rciprocit ainsi nourrie par les changes. Un don positif est quilibr par un don positif de la part de lautre ; un cadeau ngatif trouve sa contrepartie dans un contre-don ngatif. Dans tous les cas, la rciprocit cre lchange : recevoir gnre lobligation de rendre et dbute ainsi un cycle sans n que ce soit de faon positive ou ngative sous forme de dons et contre-dons.

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De faon gnrale, la rciprocit suppose : Quil existe entre les parties une norme morale de rendre lorsquon reoit. Que les changes nont pas besoin dtre quilibrs immdiatement tant quun quilibre se cre terme. Que la rciprocit existe au sein de toutes les cultures et quelle est universelle. Que la rciprocit rend linteraction possible parce que la norme du retour (du contre-don) sapplique partout. Cest grce la validit et luniversalit de cette norme que peut sexprimer la volont de dvelopper lchange avec autrui. Que si, selon les anthropologues, le but de la rciprocit est la survie du groupe, selon lanalyse psychologique individuelle, le but de lchange est damliorer sa condition sur un plan conomique. La relation peut permettre dchanger toutes sortes de choses. Se fondant sur une vaste tude empirique, Foa et Foa (1976) suggrent quun adulte est capable de distinguer entre six ressources possibles : lamour, le service, le statut, linformation, les produits et largent. Deux dimensions permettent de dissocier et danalyser ces ressources et leurs diffrences : 1. Laspect personnel ou non des ressources mises en jeu : si la valeur dune ressource dpend de la personne qui la fournit, une dimension personnelle sexprime alors. Cest le cas pour lamour par exemple : on ne peut apprcier lamour dun ennemi personnel ou dun parfait inconnu. Le contraire est vrai concernant largent : la personne qui met de largent notre disposition na pas daction sur la qualit de largent reu en tant que tel. 2. La nature tangible des ressources : les produits constituent le type le plus concret des ressources considres ici ce sont les lments les plus tangibles de lensemble. Statut et information sont constitus de dimensions verbales et non verbales. Ce sont les lments les moins tangibles. Si la nature du processus dchange est caractrise par la double nature des ressources changes, des relations lches entre parties seront gnralement marques par des changes assez pauvres en matire de ressources personnelles, alors que des relations suivies gnreront naturellement des changes dlments plus personnels entre acteurs venant sajouter aux ressources traditionnelles de lchange marchand, places sous la diagonale de la gure 1.2.

2.3

Lengagement mutuel et la dlit

Lchange de ressources entre parties inue sur le degr dengagement mutuel au sein de la relation. Lengagement peut tre dni comme la volont de maintenir une relation durable et valorise par les intresss (Moorman, Deshpand et Zaltman, 1993 ; Morgan et Hunt, 1994). Dans cet esprit, lobjectif est de poursuivre la relation assez longtemps pour que les rsultats produits dans la continuit de lchange soient aussi bnques que possible pour les deux parties. Linteraction entre un client et son fournisseur peut ainsi se traduire par un processus dadaptation rciproque, source dinnovation possible pour les intresss (Epinette, Petit et Vialle, 1999).

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Figure 1.2 Objets dchange

Source : Foa U. G. et Foa E. B., Resource theory of social exchange , dans Thibaut J. W., Spence J. T. et Carson R. C. (eds), Contemporary topics in social psychology, General Learning Press, 1976, Morristown.

Johnson (1991) est assez critique lgard de la faon dont beaucoup approchent le concept dengagement. Certains ne prennent en compte que lorientation venir de la relation alors que dautres se bornent mesurer une seule des formes possibles dengagement. Johnson identie trois formes dengagement distinctes : lengagement personnel, lengagement moral et lengagement structurel. 1. Lengagement personnel est la volont dont un individu fait preuve pour que la relation perdure. Un client satisfait par son concessionnaire automobile, par exemple, souhaitera prolonger sa relation avec lentreprise. 2. travers lengagement moral, lindividu ressent plutt un sentiment dobligation : il est suppos poursuivre la relation engage. Il est par exemple difcile au boulanger indpendant de ne faire que son mtier dartisan. Il doit au minimum entretenir la relation instaure avec ses habitus, mais ses clients dles, linverse, sentent

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quaprs toutes ces annes de relations mutuelles, ils ne peuvent dcemment pas acheter leur pain ailleurs mme sil est meilleur ou moins cher. 3. Lengagement structurel exprime le sentiment quon ne peut pas y chapper . La clinique a ralis des investissements initiaux importants dans son systme dexploitation et, pour en changer, elle devrait de nouveau investir de faon consquente dans un logiciel original et mettre en place des programmes de formation en interne, sans viter une priode de transition difcile. Les spcialistes de la stratgie dentreprise parlent de cots de sortie , et certains experts en marketing nous lavons dvelopp dans lencadr 1.1 appellent ce phnomne capture du client (Jallat, 2001). Comme le souligne le tableau 1.3, des diffrences notables entre ces trois formes dengagement peuvent tre mises en avant. Certaines dentre elles sont vcues comme une contrainte et un obstacle la libert de choix ; dautres sont fondes sur un arbitrage favorable, librement exprim, et une relle volont de partenariat. Certaines sont le rsultat dune dcision personnelle, dautres sont imposes par lextrieur.Tableau 1.3 : Caractristiques des trois formes dengagement possibles Structurel Choix/limitation Externe/interne Limitation Externe Moral Limitation Interne Personnel Choix Interne

Source : Johnson M. P., Commitment to personal relations , Advances in Personal Relationships, 3, 1991, 117-143.

Devons-nous parler de dlit ou dengagement ce stade ? Y a-t-il une diffrence entre les deux concepts ? Une comparaison des dnitions pourrait bien videmment faire apparatre des diffrences, mais on peut se demander si ces diffrences sont purement smantiques ou si elles revtent une relle signication. Aprs stre longuement pench sur la question, Oliver (1999) propose la dnition suivante de la dlit : La dlit rvle un engagement profond du consommateur racheter ou recommander rgulirement le produit/service qui a sa prfrence. De ce fait, la dlit induit lachat rpt dune marque ou dun ensemble de marques malgr les inuences situationnelles et les efforts marketing dploys (par la concurrence) pour provoquer un changement de comportement. Par cette dnition, lauteur associe clairement les deux concepts et les relie fortement au domaine de la marque. Des trois formes mentionnes plus haut, lengagement personnel est le seul qui soit ressenti de faon interne et qui procde dun choix personnel. Le choix peut tre interprt comme lattitude quadopte une partie par rapport la relation et/ou au partenaire. Limage que la personne a delle-mme suivant que la relation se poursuive ou non inuence galement lengagement personnel : on peut ressentir un sentiment extrmement valorisant se savoir le client respect dun concessionnaire reprsentant une marque de prestige. Lengagement moral a les limites que lon simpose soi-mme et qui proviennent du systme de valeur de la personne dune part et de son sens des responsabilits vis--vis du partenaire dautre part. Lengagement structurel peut tre li la survivance de relations tellement approfondies

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quelles ne peuvent plus tre stoppes, certains obstacles qui rendent difcile la rupture dun contrat, labsence dalternatives possibles sur le march ou des ractions de lenvironnement qui seraient ngatives sil tait mis n la relation. Tolboom (cit dans Peelen, 2005) propose un autre systme de classication de lengagement : 1. Lengagement instrumental ou valuatif est fond sur un calcul par lequel cots et bnces sont mis en balance. Par exemple, un certain niveau dinvestissements engags par lune des parties peut dmontrer sans ambigut lautre sa ferme intention de prolonger la relation tablie. Mettre n cette relation de faon prmature serait trop onreux parce que linvestissement initial consenti serait difcile ou mme impossible rcuprer totalement sur une courte priode. 2. Lengagement attitudinal ou affectif reprsente lattachement des parties la poursuite de la relation et indique le niveau de similitudes des objectifs et des valeurs entre parties. 3. Lengagement temporel rete lintention de prolonger une relation juge importante par les parties. Lengagement ne doit pas tre dtermin pour lune des parties seulement le client en loccurrence. Lengagement doit tre mutuel et envisag du point de vue des deux parties le fournisseur mrite attention, lui aussi. Un engagement disproportionn qui sexprime lorsquun individu est beaucoup plus engag que lautre peut effectivement miner une relation et rendre la partie la plus engage vulnrable vis--vis dun acteur plus opportuniste. Lorsquun distributeur cherche un avantage court terme et que le fabricant dun produit agit en supposant une relation partenariale de plus long terme, ce dernier risque fort de se trouver dsavantag et de faire les frais dune telle relation. Lengagement et les perceptions individuelles tels que nous les avons dcrits plus haut sont des concepts issus de la psychologie. Mais rappelons aussi que lengagement est vcu au sein dun contexte social donn et que limpact de ce contexte sur lengagement ne doit pas tre sous-estim (Johnson, 1991). La dcision de mettre n une relation un mariage par exemple peut tre largement inuence par lenvironnement social, ses normes et ses valeurs dominantes. ce titre, un fournisseur qui maintiendrait des relations privilgies avec un client engag dans des activits illicites pourrait se voir critiqu et mis lindex.

2.4

La conance

La conance est un autre des lments cls pouvant tre utiliss pour dcrire la nature dune relation (Gurviez et Korchia, 2002). La conance est une condition ncessaire au dveloppement dune relation. Moorman, Deshpand et Zaltman (1993) dnissent la conance comme la volont de pouvoir compter sur un partenaire prsentant les garanties ncessaires, et Morgan et Hunt (1994) comme lassurance de la abilit et de lintgrit du partenaire. On pourrait dduire de ces dnitions que la conance peut tre associe des qualits telles que lhonntet, lquit, la responsabilit, la serviabilit et lengagement. Parmi ces dimensions, lhonntet peut tre en particulier considre comme lun des fondements de la conance. Sans honntet, pas de conance, pas dintgrit.

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Lhonntet dun partenaire peut se dnir comme la conviction que lautre partie est digne de conance, quelle tient ses promesses, quelle a le courage de reconnatre ses limites et nhsite pas communiquer les mauvaises nouvelles si ncessaire (Geyskens et Steenkamp, cits dans Peelen, 2005). La conance tire galement son origine de la comptence et de la rciprocit de la personne ou de lentreprise partenaire. On acquiert des comptences grce lautre lorsque les techniques et les connaissances utilises nous sont prsentes et quon a la capacit ou lopportunit de les exploiter notre tour. Comptence et rciprocit peuvent permettre de protger les intrts du client : le vendeur est alors prt offrir aide et assistance et place lintrt long terme du client au-dessus de ses propres intrts court terme. Trois niveaux de conance peuvent tre distingus (Crosby, Evans et Cowles, 1990) : 1. Tenir ses engagements reprsente un premier niveau : la dimension juridique du contrat est alors respecte. 2. Le deuxime niveau concerne non pas tel ou tel comportement spcique mais plutt les caractristiques intrinsques du partenaire. Lassoci est une personne motive et capable, par exemple. 3. Le troisime niveau est celui o lon se place sur le plan des valeurs, lintgrit par exemple. Faire conance quelquun permet gnralement de surmonter son sentiment dinscurit et ses doutes. On ose alors prendre plus de risques. Par exemple, le client discutera davantage avec le fournisseur en cas de problme et une solution pourra tre trouve entre les parties de manire constructive. La conance exprime habituellement une bonne volont rciproque grce laquelle les parties agissent entre elles de faon plus tolrante si telle ou telle transaction ne rpond pas aux attentes. Grce la conance, les parties peuvent atteindre un niveau dengagement mutuel plus lev et davantage de ressources personnelles sont alors changes. Ce faisant, la faon dont les deux parties sinvestissent dans la relation peut avoir des rpercussions positives sur lengagement engagement structurel, personnel tout autant que moral.

3

La dynamique relationnelle

Comment nat une relation et comment se dveloppe-t-elle (voir gure 1.3) ? En se fondant sur ltude de Foa et Foa (1976) et la nature des ressources changes, on saperoit quau commencement dune relation, laccent est gnralement mis sur lchange de biens et de services contre rmunration. Trs peu de ressources personnelles sont changes ce stade. Une relation, initialement discrtionnaire dont lintrt se porte essentiellement sur les transactions et la vente croise peut progressivement se transformer en un partenariat plus long terme par lequel le vendeur agit de plus en plus comme un fournisseur de solutions intgres. Dans cette optique, le fournisseur de services qui gagne progressivement la conance de son client est en mesure danalyser leurs transactions passes et peut faire en sorte de faire voluer la relation

Chapitre 1 Lanalyse des relations entre client et fournisseur

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initiale en une relation consultative : quelle tait la nature de votre achat lorigine ? Quespriez-vous en obtenir lpoque ? Et comment pouvons-nous ajouter de nouveaux bnces ces achats ?

Figure 1.3 Le cycle de vie relationnel

Source : Peelen E., Customer relationship management, Prentice Hall, 2005, Harlow.

Un lien de conance va se crer au fur et mesure que la relation perdure, par lequel lchange dinformations personnelles devient de plus en plus naturel et souhaitable. Le respect mutuel (statut) quon saccorde lun lautre peut continuer crotre. Et comme nous lavons vu prcdemment, changer davantage de ressources personnelles et intangibles entre les deux parties (voir gure 1.2) peut permettre que la relation entre client et vendeur gagne en valeur. Les parties engages dans une relation doivent possder certaines qualits spciques et ncessaires ce que la relation croisse et perdure. An daugmenter le niveau dintimit entre parties, lchange de ressources personnelles, la conance et lengagement mutuel vont jouer un rle prpondrant, et client et prestataire doivent tre tous deux capables dempathie. Lempathie est la capacit de voir le monde, de temps en temps, travers les yeux de lautre. Plusieurs tudes dans le domaine de la psychologie sociale ont pu dcrire le dveloppement de la relation en dtail. Dwyer, Schurr et Oh (1987) identient cinq phases dans une relation.

3.1

Le dmarrage

Au cours de la premire phase, les deux parties font connaissance. Elles se prsentent lune lautre et agissent de manire mettre en vidence tous leurs attraits.

38

Partie 1 Stratgies relationnelles et principes dorganisation

3.2

Lexploration

Interactions rciproques aidant, la deuxime phase commence, celle de lexploration ou du sondage. Cette phase dmarre grce une attirance mutuelle. Lattirance peut se dvelopper parce que les deux parties pensent quelles aspirent aux mmes objectifs, ou bien elle peut provenir de la perception par lun des acteurs de la personnalit de linterlocuteur : il est honnte ou comptent. Elle peut parfois rsulter dune simple attirance physique ou dune valorisation statutaire implicite : il est bien vu dtre en public avec son partenaire. Le potentiel des ressources changer ou celui des ressources dj changes peut augmenter lattrait du client pour le vendeur, et rciproquement : les produits du vendeur sont de bonne qualit et il se trouve justement que le client a de larges moyens ou encore un fort besoin dinvestir. Lempathie joue un rle beaucoup plus important au cours de cette deuxime phase. Les interactions se multiplient et des ngociations sont engages. Le fait quune ou que les deux parties soient prtes ngocier indique que chaque partie est intresse par lautre. Si la relation perdure au cours de cette phase, il est important que des informations soient changes entre les parties et que chacune delles sassure de la rciprocit des intentions de lautre : les deux parties valuent rgulirement la situation et dterminent si oui ou non la relation est satisfaisante et quilibre. ce stade, lorientation future est encore limite et il nest pas trop difcile de mettre n la coopration. Au cours de ces interactions, les normes, les rles et le prol des attentes de chacun peuvent compliquer la relation.

3.3

La croissance

Au cours de la phase de croissance, les interactions inities la phase prcdente se poursuivent et se dveloppent encore. Les discussions et les ngociations conjointes continuent, on prcise avec plus de dtails les normes et les attentes de chacun, et les parties en prsence font le point de temps en temps. Mais les parties prennent davantage de risques ce stade de la relation. Certaines actions sont entreprises par lun ou lautre pour prouver la relation. La dpendance mutuelle augmente et de plus en plus de ressources sont changes entre acteurs.

3.4

La saturation

Au cours de la quatrime phase celle de la maturit ou de la saturation , la relation atteint son niveau maximal de dpendance mutuelle, de conance et de respect rciproque. Le montant des ressources changes est plus important encore y compris des ressources de nature personnelle et intangible. Les problmes ventuels sont discuts honntement et ouvertement, et une solution constructive est toujours recherche entre parties. Lenvironnement social contribue galement la stabilit de la relation.

3.5

Le dclin

La phase nale est celle du dclin. Lattention reporte par lune au moins des parties sur dautres partenaires ventuels peut tre le signe que la continuit de la relation engage risque dtre remise en question. La divergence des attentes ou les caractristiques individuelles des associs besoin accru de libert et de renouvellement par exemple peuvent

Chapitre 1 Lanalyse des relations entre client et fournisseur

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tre cause de rupture ventuelle. Certaines inuences extrieures peuvent galement jouer un rle actif au cours de la phase de dclin. Lhomme de marketing qui cherche dvelopper une relation mutuellement bnque sur le long terme avec son client doit rchir cette dynamique relationnelle avec lucidit et tre capable danticiper les moments critiques dans la relation. Il lui faut apprendre comment inuer sur la relation le plus efcacement possible an quelle puisse se dvelopper de la faon la plus avantageuse pour les deux parties. Tous les efforts doivent tre entrepris pour viter que les clients ne mettent n la relation ds la phase de croissance. Ceci est dautant plus ncessaire que les investissements relationnels consentis nont probablement pas t rentabiliss ce stade (Reichheld, 1996). Les chapitres 2 et 8 abordent ce sujet de faon plus dtaille.

4

Les parties prenantes, les communauts, les structures sociales

La relation entre deux personnes galement appele dyade est considre comme la forme la plus lmentaire de relation sociale (Flipo, 1999). En stratgie dentreprise, ont t dveloppes plusieurs approches qui prennent en compte, au-del de la simple relation commerciale entre un acheteur et un vendeur, lensemble des parties prenantes (stakeholders) qui peuvent avoir une inuence sur la comptitivit de lorganisation (Jallat et Wood, 2005). Ces parties prenantes runissent les individus et les groupes dindividus qui contribuent, volontairement ou involontairement, sa capacit de cration de richesses et qui en sont, par consquent, les bnciaires potentiels ou les porteurs de risques. Daprs Freeman (1984), la conduite de lentreprise doit donc intgrer la protection des intrts des actionnaires, la connaissance ne de ses marchs mais aussi la gestion de relations privilgies avec fournisseurs, distributeurs et tout un ensemble dacteurs conomiques htrognes (associations et lobbies divers, pouvoirs publics, leaders dopinion et prescripteurs) qui sont directement ou indirectement concerns par les objectifs de lorganisation et ses modes de fonctionnement. De multiples enjeux peuvent ainsi voir le jour au sein de ce rseau complexe de relations o chaque organisation est considre comme un nud de contrats, fdrant des groupes aux intrts et aux rationalits multiples, et parfois divergents (Freeman, 1984). Approche stratgique mise part, des relations complexes peuvent voir le jour entre groupes de personnes caractrises, entre autres, par la position quoccupe chaque individu par rapport aux autres. En sociologie, cette forme de relation est fonction de la position sociale de lindividu. En termes concrets, la position sociale reprsente la place quoccupe une personne dans un ensemble complexe dindividus interagissant entre eux. En marketing, la rexion porte des groupes sociaux et non plus lindividu isol a donn lieu des approches tribales ou communautaires et des politiques commerciales originales dont la dimension marchande napparat que de faon incidente (Berthon, Pitt et Campbell, 2008 ; Cova, 2008 ; Fournier et Lee, 2009). Larrive dInternet a suscit un intrt croissant lgard de ces formes dorganisations sociales (Kozinets, 1999), et tout particulirement du fait de pouvoir dsormais rassembler des communauts virtuelles (voir encadr 1.2 sur les communauts en ligne et

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Partie 1 Stratgies relationnelles et principes dorganisation

chapitre 12 pour un dveloppement de la question plus consquent). Internet rduit la distance entre individus dune part, le temps pour communiquer au sein dun groupe dautre part. Il rapproche les gens clients et vendeurs en particulier. Le terme communaut est employ de faon assez imprcise dans la pratique et fait rfrence un groupe dutilisateurs ou de clients et de vendeurs qui interagissent les uns avec les autres sans vraiment analyser la nature des relations au sein de la structure sociale mise en place. Par exemple, ces relations virtuelles structurent-elles une communaut ouverte ou ferme ? Comment se fait ladmission de nouveaux individus au sein de la communaut ? Le vendeur reprsente-t-il le centre le pivot central de la communaut ? Le vendeur occupe-t-il une position spciale grce laquelle il peut exercer un contrle troit sur ce qui se passe sur le rseau ? Ou bien la communaut consiste-t-elle en une somme dindividus ayant un fort degr de cohsion sociale parce que chacun est attir par les autres ? Le vendeur peut ntre que lun des membres de la communaut. Il peut mme tre extrieur la communaut et avoir nalement assez peu dinuence sur elle. Certains comportements marchands peuvent mme tre rprouvs parce quils ne concordent pas avec les normes et les valeurs ou mme avec les objectifs de la communaut. Les communauts en ligne peuvent fournir aux entreprises des informations prcieuses Les entreprises ont de plus en plus recours aux fonctionnalits des communauts sur leur site Web an de rassembler des informations sur les prfrences des consommateurs, les dsirs et les besoins de leurs clients, pour tre capables dinformer ces clients sur leurs produits et leurs services et surveiller les usages qui en sont faits. LIBM Institute for Knowledge-Based Organizations a men une enqute assez large sur un grand nombre de sites de communauts en mettant en vidence au moins trois sources prcieuses dinformations pour les entreprises. 1. Au cours de linscription de linternaute sur le site, des informations intressantes peuvent tre collectes concernant les nouveaux membres de la communaut (donnes dmographiques, informations sur leurs centres dintrt). 2. Un grand nombre dinformations utiles peuvent tre glanes partir de forums de discussion forums en ligne o les consommateurs discutent entre eux de sujets divers tout en changeant des informations de faon libre et informelle. 3. Plusieurs types dvnements interactifs mis en place par lentreprise en contact direct avec les consommateurs offrent aussi une mine dinformations. Les interactivits les plus habituellement utilises sont des sances de chat avec des experts (questions-rponses lexpert par exemple), des sminaires Web (prsentant les produits et les services commercialiss par lentreprise), des enqutes en ligne ou des newsletters envoyes par e-mail.Source : Peelen E., Customer relationship management, Prentice Hall, 2005, Harlow.

Encadr 1.2

Chapitre 1 Lanalyse des relations entre client et fournisseur

41

Les communauts virtuelles peuvent, pour lessentiel, tre compares des communauts normales . Elles reprsentent un groupe dindividus particuliers, gographiquement spars. On qualie de communaut un village, une ville, quelquefois une rgion. Nul besoin dune interaction intime, directe entre les rsidents , mais une communaut peut aussi possder toutes les caractristiques dun groupe. Dans ce cas, une forte cohsion sociale runit les membres de la communaut en une interaction plus directe. On peut alors qualier la communaut de rseau dun type particulier. En principe, il existe sept critres selon lesquels analyser les structures sociales : 1. Le nombre de membres. 2. La composition de l'ensemble. 3. Le degr dinteraction et de communication. 4. Les objectifs et les centres dintrt communs. 5. Les normes et les valeurs partages. 6. Le sentiment de solidarit entre membres. 7. La permanence de l'ensemble. Les groupes peuvent tre diviss en communauts sur la base de ces critres. Dans un ouvrage dsormais clbre, Merton (1957) fonde son systme de classement en prenant en considration linteraction (directe) dune part et la prsence de normes et valeurs communes au sein des ensembles constitus dautre part. Lauteur distingue ainsi trois structures sociales principales : le groupe, le collectif et la catgorie sociale. Lintensit de la relation sociale varie selon la structure considre : elle est son plus haut degr dans le groupe et son plus faible niveau au sein de la catgorie sociale. 1. Un groupe est une petite faction au sein de laquelle les interactions entre membres sont rgulires et intenses. Selon Merton, le groupe est une runion dindividus qui entrent en communication directe les uns avec les autres pendant un certain temps et qui dveloppent une conscience plus ou moins commune. Par ce concept, lauteur signie quun systme de normes et de valeurs collectives se cre entre membres du groupe et que le groupe reprsente un tout social permanent. 2. Le collectif se distingue du groupe par un manque dinteraction et de communication directe entre membres. Les meilleurs exemples de collectifs sont les partis politiques, les factions religieuses et les syndicats. Les collectifs sont souvent de grande taille et partagent des normes et des valeurs communes. Il ny a quune seule position possible en leur sein : celle de membre. Bien que peru comme une unit sociale par ceux de lextrieur, les relations au sein du collectif sont tablies sur le long terme, mais la vie des membres est autonome, indpendante de leur appartenance au collectif. De temps autre, un collectif peut devenir un groupe. 3. La catgorie sociale ne requiert ni interaction ni communication entre membres, ni normes et valeurs communes. Il ny a pas non plus de solidarit ni de structure interne propre la catgorie considre. En ralit, la catgorie sociale na aucune

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Partie 1 Stratgies relationnelles et principes dorganisation

existence vritable sauf pour les statisticiens qui lutilisent pour classer les gens en fonction de certaines caractristiques spciques. On fait partie dune catgorie sociale cause de son ge, de sa situation familiale, de sa couleur de cheveux ou de sa profession. Les retraits par exemple forment une catgorie sociale particulire. Connatre la structure sociale de la communaut tudie est indispensable au marketeur comme au vendeur an dtre capable doccuper une position idoine au sein de la communaut dune part, et dtre capable de tirer le meilleur parti possible de la relation entre les individus dans la communaut dautre part.

ConclusionUne stratgie relationnelle ne peut tre conue et mise en place sans rexion approfondie. Toute entreprise doit dabord sinterroger sur la signication vritable des relations entre client et vendeur avant dinitier une dmarche relationnelle. Une telle analyse peut de prime abord apparatre comme une perte de temps. un stade prliminaire de la relation, lattention est souvent prise par des questions qui sont fort loignes de la tche essentielle effectuer : attirer puis conserver ses clients, mettre en place une infrastructure de communication idoine et approfondir une connaissance du client la plus personnalise et la plus intime possible. Ces tches sont initialement lourdes mettre en place et (apparemment) coteuses dans un premier temps. Mais lexprience nous apprend que ngliger les dimensions psychosociologiques de la relation peut trop souvent avoir des consquences ultrieures dsastreuses pour lentreprise. En prenant le temps dtudier soigneusement ce que requiert le dveloppement dune relation long terme, les dcideurs peuvent laborer une stratgie et un programme relationnels fort diffrents dune approche purement transactionnelle. Nous lavons vu, des notions telles que lempathie, la conance, lengagement mutuel, le dveloppement de la relation et lexploitation de communauts dintrt doivent tre gres de faon spcique et volontariste par lentreprise. De faon analogue, les incidents critiques ventuels, les moments de vrit (Normann, 1994) comme les mesures prendre pour mettre en place une stratgie relationnelle digne de ce nom doivent tre correctement identis pour pouvoir dcider si ce type dapproche est lorigine ou non dun rel avantage concurrentiel de lentreprise sur le long terme. On pourra ainsi viter beaucoup de frustration et de nombreux investissements potentiellement gchs. Ces prcautions indispensables et pralables expliquent pourquoi nous avons souhait, dans ce premier chapitre, analyser les relations entre client et fournisseur du double point de vue sociologique et psychologique avant dtudier les dtails de la GRC sur les plans stratgique et tactique. Nous avons abord les relations dyadiques entre un client et un vendeur mais aussi la complexit de relations plus multilatrales au sein dune communaut dintrt. Ces lments essentiels ont t examins avant tout autre phnomne en vue de fournir au lecteur une interprtation de la GRC qui soit fonde dans les chapitres qui suivent.

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ActivitsQuestions1. Dcrivez en dtail la relation commerciale de votre choix entre un client et son fournisseur et indiquez en quoi cette relation diffre dune approche transactionnelle classique. 2. Quel est le lien entre conance et engagement ? Donnez un exemple pour justier votre rponse. 3. Analysez les relations que vous entretenez avec un prestataire de service en tant que client. Pour ce faire, choisissez une entreprise avec laquelle vous avez des relations relativement privilgies. Dcrivez la conance et lengagement mutuel entre les deux parties et expliquez comment conance et engagement mutuel se sont dvelopps dans votre cas de gure prcis. 4. Comment se font jour les diffrences dans le cycle de vie de la relation entre clients dune mme entreprise ? Expliquez votre rponse. 5. Que devriez-vous savoir sur un client an dtre capable de dvelopper une relation sur le long terme avec lui ? 6. De quelle manire peut-on changer un vendeur an de faire de lui un bon manager relationnel ? 7. Un expert, un mdecin ou un avocat servent leurs clients contre valeur montaire. (a) Comment pourriez-vous caractriser les rapports de force respectifs des acteurs en prsence pour chaque relation commerciale ? (b) Quel rle lempathie peut-elle jouer dans le cadre de ces relations ? (c) Dans quelles circonstances lengagement mutuel peut-il se dvelopper dans ce type de relations ? 8. Dcrivez la structure sociale dune communaut virtuelle de votre choix. Dans quelles circonstances le dveloppement de relations sur le long terme ne serait-il pas recommand ? Justiez votre rponse.

tude de casNespresso : du percolateur high-tech au sentiment dappartenanceLacheteur individuelUn picurien, adepte du mieux vivre Lacheteur Nespresso est un trentenaire fort pouvoir dachat. Clibataire ou rcemment en couple, urbain, picurien, il apprcie les belles choses qui lui procurent du plaisir en mme temps quelles traduisent son statut social. Lacheteur Nespresso est effectivement

Activits

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sensible son image auprs des autres et aux objets qui lui permettent dexprimer sa diffrence ou son savoir-vivre. Innovateur prcoce typique, il est toujours en qute de nouveauts et cest un leader dopinion important auprs dautres consommateurs ventuels. Lachat dune machine caf est effectivement loin dtre spontan. Cest un acte mrement rchi et cest principalement par bouche--oreille que le futur acheteur est dabord inform : 60 % des clients du systme Nespresso lont choisi aprs recommandation dun de leurs proches. Si le client potentiel dsire davantage de dtails (modalits dadhsion au Club, fonctionnement des machines, varits de cafs offertes), il a toujours la possibilit de naviguer sur le site de la marque mis en place depuis 1998. Lacheteur typique est un connaisseur, adepte du mieux davantage que du plus . La qualit objective des produits vendus se combine leurs vertus symboliques pour servir les besoins de valorisation sociale qui prdominent nettement dans ses motivations. Il aspire se diffrencier grce un produit original et rare (ou peru comme tel). La notorit que vhicule la marque atte son besoin de prestige et de reconnaissance, et la qualit de loffre densemble (percolateurs, dosettes et Club Nespresso) lui permet de tmoigner de son savoir-vivre auprs de son entourage. Friand de bon got et de technologie Les motivations de lacheteur sont dabord valorises sur le plan technique et esthtique. Le design est dni avec soin, grce des entreprises reconnues comme Alessi et Jura, en charge de linnovation. Les caractristiques techniques du produit offrent des avantages objectifs indniables la solution propose : 19 bars de pression permettent une extraction rapide des essences et un meilleur arme du caf. Cest en effet la rapidit dexcution du percolateur qui rvle lamateur toute la palette gustative du caf et offre une mousse onctueuse au produit. En comparaison, le 1,5 bar du systme Senseo ne permet de raliser quun simple caf ltre mousseux. Le geste Nespresso est rapide, propre et simple, en un mot lgant ; et le caf, toujours russi. Grce un systme dencapsulage rvolutionnaire (calibrage prcis et dosettes hermtiquement fermes), le caf est parfait. Et lentreprise, grce un co-branding intelligent avec des fabricants dlectromnager rputs (Miele, Krups ou encore Siemens), confre lensemble un gage de abilit et de professionnalisme qui valorise encore la rputation du systme Nespresso aux yeux du consommateur. Prdispos accepter les contraintes du systme Nespresso Le percolateur est disponible dans tous les magasins dlectromnager, les espaces cuisine du Printemps et des Galeries Lafayette et les boutiques du Club Nespresso. En comparaison, la capsule est une denre rare et moins facile daccs : elle se commande par correspondance et ne peut tre achete en direct boutiques du Club mises part. Mais les boutiques ne sont pas lgion : on en dnombre 60 seulement dans le monde, dont 15 en France (et 4 Paris). La distribution des capsules se fait essentiellement par Internet sur le site de lentreprise. Chaque client passe en moyenne deux quatre commandes par an. Plus de 2 millions de commandes ont ainsi t enregistres en 2008 via le Net. Lachat des capsules peut aussi se faire par courrier, par fax ou par tlphone, mais des frais de port supplmentaires sont alors ajouts la facture de livraison. Le prix de lensemble reprsente lun des freins majeurs lachat de ce nouveau systme. Les uvres dart ralises par Miele cotent entre 149 et 1 749 euros : encastrables,

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Gestion de la relation client

programmables et faites sur mesure, elles traduisent savoir-vivre, lgance et distinction sociale. Les capsules, elles, valent de 0,33 0,35 euro pice. Le calcul est rapidement effectu : un couple buvant deux cafs chacun par jour dpense prs de 50 euros pour sa consommation mensuelle cinq fois plus que pour un simple caf moulu. Et la distribution exclusive de Nespresso, parfois peu accessible certains, peut dissuader les indcis. Mais dans la plupart des cas, les freins de dpart sont aussi l pour accrotre le dsir de lacheteur potentiel et son sentiment dappartenance un Club chic et litiste.

L effet Club La stratgie Nespresso pour faire vivre ses consommateurs une exprience originale tout en leur procurant un sentiment privilgi dappartenance sarticule autour de cinq lments fondamentaux : le Club, des boutiques luxueuses et attractives, une large gamme de produits et de nouveauts, des accessoires litistes et des offres promotionnelles personnalises. Le Club Nespresso En achetant son percolateur, le consommateur devient automatiquement membre du Club Nespresso . Non seulement lachat dune machine Nespresso est un pralable indispensable la dgustation des prcieuses capsules (elles ne sont pas compatibles avec un dispositif classique), mais il marque aussi lentre du client au sein de la communaut Nespresso et afrme son nouveau statut damateur de caf accompli. Le Club met tout en uvre pour accompagner le consommateur. Un numro vert est mis disposition des membres, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, qui prodigue des conseils de dgustation. De nombreuses informations lies lutilisation et lentretien des machines, la provenance des grands crus , des suggestions daccompagnements sont dispenses sur le site de lentreprise. Le magazine Nespresso est adress aux plus dles : papier glac, ambiance glamour, tout tourne encore autour du caf. Tire 650 000 exemplaires et en cinq langues (franais, anglais, allemand, italien, hollandais), la publication ne prsente que des annonceurs prestigieux (Audemars Piguet par exemple) qui paieront un prix la page de 14 000 euros. La boutique, un espace polysensoriel Quartier chic, faade discrte, matriaux nobles puis, aprs tre entr fauteuils profonds en cuir, vendeurs cravats, musique jazzy, dcors zen, les boutiques sont la fois laboratoires dexprimentation, lieux dexposition et espaces de dtente privilgis. Les boutiques assemblent des prsentoirs multicolores et une discovery box pour des dgustations sans frein. La boutique est un espace o lamateur trouve satisfaire ses gots les plus rafns et son exigence de plaisir. Lexprience vcue est autant sensuelle, motionnelle que sociale, et les cinq sens sont rellement activs. La boutique est aussi un lieu de conseil, dinformation et de dmonstration. On peut notamment voir, toucher, comparer les machines Nespresso, dguster de nouvelles fragrances et dcouvrir les accessoires de la marque. Dgustations et animations en magasin sont constamment proposes pour attirer et faire revenir picuriens et amateurs (7 500 journes ont ainsi t mises en place dans les boutiques lanne passe).

Activits

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Les sries limites Deux varits de grands crus sont chaque anne proposes une srie Spcial Club lautomne et une dition limite au printemps , qui piquent la curiosit des consommateurs et constituent des moments privilgis dans lanne. Un peu plus chres que les capsules du catalogue, ces varits proviennent de rcolte exceptionnelle de certains cafs une seule origine tant choisie pour le caractre exclusif de son millsime ou pour lextraordinaire personnalit de son arme. Ces moments offrent aussi au consommateur de nouvelles occasions dacheter des capsules et de se sentir lcoute de nouvelles tendances gustatives. Autour du caf : accessoires et produits annexes Nespresso propose une large gamme daccessoires coordonns ses membres pour mettre en scne le caf et l instant Nespresso . On trouve ainsi des services caf (30 euros pice), des cuillres, des plateaux en merisier (89 euros pice), du sucre de qualit, un large assortiment de chocolats, des distributeurs capsules en Plexiglas Tout est dans le luxe et lesthtique de laccessoire Nespresso. Trs priss des membres du Club, les accessoires reprsentent un poste de dpenses important (trois commandes directes sur quatre incluent des accessoires). La promotion personnalise Le Club Nespresso tient jalousement jour la base de donnes de ses membres et leur qualication (noms, adresse, type de machine). Les gots et les prfrences des consommateurs sont enregistrs chaque commande de capsules. Grce ces informations, Nespresso est en mesure denvoyer ses clients informations et publicits cibles par courrier ou par e-mails. Et cette personnalisation accrot, son tour, le sentiment dappartenance du client un Club litiste et privilgi. Et cest bien lensemble du systme Nespresso mis en place combinaison particulire et unique de machines simples et innovantes, de capsules scelles de grands crus et de sentiment dappartenance un Club qui permet de proposer une exprience unique et une nouvelle faon de consommer le caf de faon litiste et sensuelle.Sources : Abi-Nehm S., Makni M., Melnick M., Simon K. et Zuck A., Nespresso, la Jet Set du caf , document interne ESCP-EAP, 10 octobre 2005. Baronian R., Les deux coles de la passion caf , LExpansion, 660, fvrier 2002. Bolleter E., Nespresso : le petit noir plantaire , La Tribune de Genve, 11 juillet 2007. Bouillin A., La guerre du caf en dosettes , Capital, 158, novembre 2004. Briard C., Nespresso sapproprie les codes du luxe , Les Echos, 3 mai 2006. Rivaud F., Nespresso encapsule les jeunes , Stratgies, 231, septembre 2004. Vuistiner P., La formidable ascension de la petite capsule Nespresso , Bilan, 28 mars 2007.

Questions1. Comment lentreprise a-t-elle pu attirer tant dacheteurs malgr les contraintes imposes par le systme Nespresso ? 2. Une fois acquis, comment lentreprise parvient-elle dliser ses clients ? 3. Quelles sont, selon vous, les principales caractristiques du Club Nespresso et ses spcicits essentielles ?