CRITICS ON BOREL

2
A32 RHITA CADI SOUSSI KOZ & BOREL On est dans les années 2000 et c’est le futur. On est dans Paris et sa ceinture. Masséna & la Défense. La so- ciété, l’architecture et ses symboles, émergents tangibles de l’idée, du concept, des objets autour desquels le reste gravite. Borel, c’est la forme au service d’une architecture suspendue entre métaphore et convocation de l’imaginaire, c’est la décomposition puis le fractionnement du volume au service du paysage. KOZ, c’est une mouvance, dans la vague BBC, dans la green façade et l’opinion du good social living qui redore le passé controversé du grand logement collectif, du grand ensemble. De cette mutation, la conception évolue : alors que le contexte n’est plus un argument sur lequel on s’appuie, alors que l’architecture comme toute forme d’art se transforme au contact de la société et qu’elle est porteuse d’un message, le logement n’est plus qu’un grand ensemble, il est social, mais autrement. Il transforme l’idée en sensations pour Borel, il détourne de l’esthétique dite «commune» pour KOZ. alternative au néant / faire émerger le contexte Alors comment partir de rien ? La Défense et Masséna, font parti de ces lieux dont l’histoire ne permet pas le vécu, où la recherche de qualité s’arrête à celle du soleil. C’est un emplacement laissé vacant dans une ZAC, et où le paysage s’annule avant même qu’on s’y intéresse. Saturé ou dénué d’intérêt, on ressent d’emblée la nécessité de recréer l’histoire que le site ne raconte pas encore. La réponse de Borel, ce sont ces volumes, qui s’imposent au regard. Pour citer Richard Scoffier, «les édifices ne s’affirment pas comme de simples immeubles de logements, mais d’emblée comme des événements, sans commune mesure avec leur programme ou leur usage… c’est un opéra muet où se déploie le jeu infini des correspondances.» Dans la statique inhérente à tout bâtiment, celui-ci prend la position du dialogue, de la surprise au détour d’une échancrure. C’est un bâtiment mis à nu, mis à ville, une architecture qui transforme le lieu à son contact, faisant surgir et s’évanouir des images qui en évoquent d’autres. Le paysage se recréé dans la déconstruction : le formalisme justifié par cette architecture qui fait ville, dans la négation de sa monotonie, dans le désir de l’exploration, qui redonne ce pouvoir spécifique à l’espace, créateur d’émotions. Le cas de KOZ, c’est (pour les citer) le «site rugueux» . C’est la recherche, à mon sens maladroite, d’une volumétrie alternative. C’est une composition, «aléatoire de plugs», un pseudo-dynamisme, que redore cette alternance de vert et de jaune placardé sur la façade, criant à gorge déployée qu’il est aux normes mais qu’il se différencie tout de même de ce logement que l’on décrie : le social n’est pas inesthétique. Peut-être. le poid de la contrainte / maitriser ses contours Aller plus loin. Car au-delà du site, il y a le programme. Il y a le logement. Et il y a les gens. Et même juste avant, il y a les contraintes. Ces logements sociaux à Courbevoie, ont cette volonté de contourner l’extériorité au profit de l’usage, donnent de l’importance au parcours : pas de hall sombre, distribution fluide, une lumière naturelle, une circulation centrale, de l’espace en plus. C’est Lacaton Vassal et Druot, leur apologie du «plus» qui s’impose au moins, où le négatif devient positif : l’emprise au sol est réduite ? On offre la possibilité du balcon et du parking plus large. C’est le plug de la pièce en plus en faveur de l’espace en moins, c’est la profu- sion des coursives, des terrasses et des loggias. Pour Borel, l’utilité de la contrainte, c’est la possibilité de la pousser au bout : le gabarit que le plan d’urba- nisme lui impose et sa propre idée du dépassement : découpage à l’extrême, toucher les limites de son béton

description

2000, ..a short article about two differents ways of being an architect in the city of Paris

Transcript of CRITICS ON BOREL

Page 1: CRITICS ON BOREL

A32RHITA CADI SOUSSIKOZ & BOREL

On est dans les années 2000 et c’est le futur. On est dans Paris et sa ceinture. Masséna & la Défense. La soo-ciété, l’architecture et ses symboles, émergents tangibles de l’idée, du concept, des objets autour desquels le reste gravite. Borel, c’est la forme au service d’une architecture suspendue entre métaphore et convocation de l’imaginaire, c’est la décomposition puis le fractionnement du volume au service du paysage. KOZ, c’est une mouvance, dans la vague BBC, dans la green façade et l’opinion du good social living qui redore le passé controversé du grand logement collectif, du grand ensemble. De cette mutation, la conception évolue : alors que le contexte n’est plus un argument sur lequel on s’appuie, alors que l’architecture comme toute forme d’art se transforme au contact de la société et qu’elle est porteuse d’un message, le logement n’est plus qu’un grand ensemble, il est social, mais autrement. Il transforme l’idée en sensations pour Borel, il détourne de l’esthétique dite «commune» pour KOZ.

alternative au néant / faire émerger le contexte

Alors comment partir de rien ? La Défense et Masséna, font parti de ces lieux dont l’histoire ne permet pas le vécu, où la recherche de qualité s’arrête à celle du soleil. C’est un emplacement laissé vacant dans une ZAC, et où le paysage s’annule avant même qu’on s’y intéresse. Saturé ou dénué d’intérêt, on ressent d’emblée la nécessité de recréer l’histoire que le site ne raconte pas encore. La réponse de Borel, ce sont ces volumes, qui s’imposent au regard. Pour citer Richard Scoffier, «les édifices ne s’affirment pas comme de simples immeubles de logements, mais d’emblée comme des événements, sans commune mesure avec leur programme ou leur usage… c’est un opéra muet où se déploie le jeu infini des correspondances.» Dans la statique inhérente à tout bâtiment, celui-ci prend la position du dialogue, de la surprise au détour d’une échancrure. C’est un bâtiment mis à nu, mis à ville, une architecture qui transforme le lieu à son contact, faisant surgir et s’évanouir des images qui en évoquent d’autres. Le paysage se recréé dans la déconstruction : le formalisme justifié par cette architecture qui fait ville, dans la négation de sa monotonie, dans le désir de l’exploration, qui redonne ce pouvoir spécifique à l’espace, créateur d’émotions.Le cas de KOZ, c’est (pour les citer) le «site rugueux» . C’est la recherche, à mon sens maladroite, d’une volumétrie alternative. C’est une composition, «aléatoire de plugs», un pseudo-dynamisme, que redore cette alternance de vert et de jaune placardé sur la façade, criant à gorge déployée qu’il est aux normes mais qu’il se différencie tout de même de ce logement que l’on décrie : le social n’est pas inesthétique. Peut-être.

le poid de la contrainte / maitriser ses contours

Aller plus loin. Car au-delà du site, il y a le programme. Il y a le logement. Et il y a les gens. Et même juste avant, il y a les contraintes. Ces logements sociaux à Courbevoie, ont cette volonté de contourner l’extériorité au profit de l’usage, donnent de l’importance au parcours : pas de hall sombre, distribution fluide, une lumière naturelle, une circulation centrale, de l’espace en plus. C’est Lacaton Vassal et Druot, leur apologie du «plus» qui s’impose au moins, où le négatif devient positif : l’emprise au sol est réduite ? On offre la possibilité du balcon et du parking plus large. C’est le plug de la pièce en plus en faveur de l’espace en moins, c’est la profu-sion des coursives, des terrasses et des loggias. Pour Borel, l’utilité de la contrainte, c’est la possibilité de la pousser au bout : le gabarit que le plan d’urba-nisme lui impose et sa propre idée du dépassement : découpage à l’extrême, toucher les limites de son béton

Page 2: CRITICS ON BOREL

amorphe qui ne semble pas porter, sous le poids de ses revêtements. « Le style c’est ce déplacement soudain qui met en relation un catalogue de formes, un mouvement de terrain, une demande d’utilisateurs. Des grains et des élasticités de matériaux. C’est l’unité miraculeuse qui nait de contrain-tes et d’éléments dont rien ne permettait d’anticiper qu’ils fussent compatibles » - Michel CALLON.C’est l’idée de composition d’Hauvette, la composition métaphorique du bouclier de sa crèche, c’est le paysage sculptural de Gehry qui fait la force de la forme élémentaire de Borel : c’est orienter le développement jusqu’à l’événement. Les jeux de volumes apparaissent libres, luttant contre l’Haussmann parisien, contre les ban-lieues en crise.

qualifier / assumer ou nier l'usage

Ce que l’on reproche à la monotonie ? C’est le systématisme. C’est la même fenêtre que son voisin, la même fe-nêtre que celle de centaines d’autres. Alors que chez Borel, l’ouverture est un moyen de composer, chez KOZ c’est un moyen de se différencier : d’habiter pour se sentir chez soi, un argument qualitatif d’usage, le dépas-sement d’un mode de vie du repli sur sa cellule qu’impose souvent (selon eux) le logement social : redonner la vie au voisinage, à la rencontre qui n’était plus possible, à une communauté qui avait disparue. KOZ pense à l’homme avant de penser à la ville, à l’espace de vie avant tout. Borel prend le contre pied : il pense à l’espace de ville, et en exagère pour encore un peu plus de théâtralité, toute les échelles : les fentes deviennent des percées sur 5 étages, et on ne distingue la fonction qu’en pénétrant le bâtiment. Il ne dit pas ce qu’il est, il ne s’explique pas, c’est l’anonymat favorisé : le programme s’annule (Borel) ou le programme s’assume (KOZ).

S’opposent alors deux idéologies, le pragmatisme et la justification par l’usage d’agences comme KOZ ayant grandi dans la conscience inconsciente de l’échec du siècle précédent contre la réponse futuriste, ouverte, voluptueuse et luxueuse boreliste pour reloger ces individus dispersés en communautés.