Crise économique et financière: 2008 = 1929? - ulb.ac.be · Crise de 1929 et de la première...

39
1 Crise économique et financière: 2008 = 1929? Mathias Dewatripont CEPULB, 4 novembre 2008

Transcript of Crise économique et financière: 2008 = 1929? - ulb.ac.be · Crise de 1929 et de la première...

1

Crise économique et financière: 2008 = 1929?

Mathias DewatripontCEPULB, 4 novembre 2008

2

Plan

1. Qu’est ce qu’une banque?2. Pourquoi les banques sont-elles fragiles?3. Comment remédier aux chocs

bancaires?4. Comment le secteur et la régulation ont-

ils évolué depuis 1929?5. Qu’attendre aujourd’hui comme effets

sur l’économie ‘réelle’?6. Que faire?

3

Plan

1. Qu’est ce qu’une banque?2. Pourquoi les banques sont-elles fragiles?3. Comment remédier aux chocs

bancaires?4. Comment le secteur et la régulation ont-

ils évolué depuis 1929?5. Qu’attendre aujourd’hui comme effets

sur l’économie ‘réelle’?6. Que faire?

4

Bilan d’une banque (chiffres en % indicatifs de la moyenne belge)

Actif

Liquidités et titres 60financiers

Crédits au secteur 40non financier

Total 100

Passif

Dettes à court terme 55

Dépôts auprès du 40public

Fonds propres 5

Total 100

5

Opérations hors-bilan

• Lignes de crédit non encore utilisées.

• Produits dérivés: ‘futures’, ‘options’.

• Deux types d’opérations: ‘hedging’ et ‘trading’.

6

Valeur ajoutée sociétale des banques

• Organiser le système des paiements (via les dépôts).

• Prêter aux ménages et entreprises qui n’ont pas accès direct au marché des capitaux (une trèspetite minorité des entreprises émet des obligations ou est cotée en Bourse).

• Remarque: implique qu’on prête à plus long terme qu’on n’emprunte …

7

Plan

1. Qu’est ce qu’une banque?2. Pourquoi les banques sont-elles fragiles?3. Comment remédier aux chocs

bancaires?4. Comment le secteur et la régulation ont-

ils évolué depuis 1929?5. Qu’attendre aujourd’hui comme effets

sur l’économie ‘réelle’?6. Que faire?

8

Quatre sources de fragilité

1. Crédits défaillants2. Chute de la valeur de marché des titres

financiers3. Non-renouvellement des dettes à court terme4. Retraits massifs par les déposants

9

Crédits défaillantsActif

Liquidités et titres 60financiers

Crédits au secteur 40non financier -x

Total 100-x

Passif

Dettes à court terme 55

Dépôts auprès du 40public

Fonds propres 5-x

Total 100-x

10

Chute de la valeur de marché des titres financiers

Actif

Liquidités et titres 60financiers -x

Crédits au secteur 40non financier

Total 100-x

Passif

Dettes à court terme 55

Dépôts auprès du 40public

Fonds propres 5-x

Total 100-x

11

Liquidité versus solvabilité

• Insolvabilité: fonds propres négatifs (5 – x < 0), ce qui veut dire que les dettes et dépôts ne peuvent être honorés à 100% par la banque.

• Problème de liquidité: difficulté d’honorer des non-renouvellements de dette ou des retraits de dépôts; conduit à une réduction de solvabilité.

12

Non-renouvellement des dettes àcourt terme

Actif

Liquidités et titres 60financiers -x -y

Crédits au secteur 40non financier

Total 100-x -y

Passif

Dettes à court terme 55-x

Dépôts auprès du 40public

Fonds propres 5-y

Total 100-x -y

13

Retraits massifs par les déposants

Actif

Liquidités et titres 60financiers -x -y

Crédits au secteur 40non financier

Total 100-x -y

Passif

Dettes à court terme 55

Dépôts auprès du 40public -x

Fonds propres 5-y

Total 100-x -y

14

Remarque: panique ‘rationnelle’

Si un créancier ou un déposant de la banqueanticipe que les autres créanciers ne vont pas renouveler leurs prêts ou que les autres dépo-sants vont massivement retirer leurs dépôts, et que ceci va conduire à un problème de solva-bilité, ils ont intérêt les imiter (sauf s’ils sontcouverts par une assurance-dépôt), car leurcréance ou dépôt ne sera pas honoré à 100% (“équilibre de Nash”).

15

Plan

1. Qu’est ce qu’une banque?2. Pourquoi les banques sont-elles fragiles?3. Comment remédier aux chocs

bancaires?4. Comment le secteur et la régulation ont-

ils évolué depuis 1929?5. Qu’attendre aujourd’hui comme effets

sur l’économie ‘réelle’?6. Que faire?

16

Deux solutions (micro-économiques) à court terme

1. Si seulement problème de liquidité: Prêts de la banque centrale

2. Si problème de solvabilité: Recapitalisation

17

Prêts de la banque centraleActif

Liquidités et titres 60financiers

Crédits au secteur 40non financier

Total 100

Passif

Dettes à court terme 55+x

Dépôts auprès du 40public -x

Fonds propres 5

Total 100

18

RecapitalisationActif

Liquidités et titres 60financiers +y

Crédits au secteur 40non financier -x

Total 100-x +y

Passif

Dettes à court terme 55

Dépôts auprès du 40public

Fonds propres 5-x +y

Total 100-x +y

19

Plan

1. Qu’est ce qu’une banque?2. Pourquoi les banques sont-elles fragiles?3. Comment remédier aux chocs

bancaires?4. Comment le secteur et la régulation ont-

ils évolué depuis 1929?5. Qu’attendre aujourd’hui comme effets

sur l’économie ‘réelle’?6. Que faire?

20

Crise de 1929 et de la première moitié des années 30

• Choc initial: éclatement de la bulle boursière.• Chocs pour les banques: pertes à l’actif (actions

+ crédits).• Perte de confiance des déposants. • Très peu d’interventionnisme public.• Multiples paniques bancaires.• Effet en cascade sur l’activité économique.

21

Période 1935 – années 70

• ‘Encadrement’ du secteur.• Forte spécialisation des banques.• Barrières à l’entrée.• Taux d’intérêt régulés.• Ratios de fonds propres / de capitalisation.• Garantie des dépôts.• Conséquence: secteur très stable … mais peu

productif et peu innovateur !

22

Depuis les années 70

• Déréglementation progressive, pour permettre la concurrence et l’innovation financière.

• Maintien de ratios de capitalisation (avec pon-dération par le risque), et de la garantie des dépôts (pour éviter les paniques).

23

Bilan des trentedernières années

• Les paniques sont (étaient?) devenues trèsrares.

• Les crises ne le sont par contre pas: USA (années 80: coût total pour le contribuable = 3,2% du PIB (annuel)), Scandinavie (années90: coût total entre 4 et 11% du PIB), Japon(années 90: coût total = 24% du PIB), …

24

Pourquoi ces crises?

• Chocs macroéconomiques.• Imperfections de la ‘réalité comptable’.• Amplification due à la concurrence entre

banques combinée à l’assurance-dépôt: problème incitatif.

25

Problème incitatif

• Une banque insolvable ou illiquide est tentée de monter les taux de ses dépôts pour obtenir des fonds et les investir dans des actifs risqués oufaire des crédits risqués en espérant avoir de la chance.

• Si elle a de la malchance, l’assurance-dépôtpaiera, … donc les déposants n’hésitent pas àlui confier de l’argent.

26

Ingrédients supplémentaires de la crise actuelle

• Tendance au surendettement des ménages (surtout aux USA).

• Titrisation et complexification des produitsfinanciers.

27

Titrisation

• Définition: mutualisation d’un portefeuille de crédits, placé auprès de divers investisseurs(principe du fonds commun de placement).

• Avantage: diversification du risque.• Inconvénients: (i) ‘déresponsabilisation’; (ii)

‘contamination’.

28

Produits ‘structurés’

• Définition: ‘découpage’ d’une créance en diver-ses tranches (ex: ‘junior’ et ‘senior’), avec des degrés de priorités différents lors du rembourse-ment de la créance, et donc un risque plus important pour les créances juniors.

• Avantage: éventail de produits financiers plus riche offert aux investisseurs.

• Inconvénient: complexification accrue de cesproduits financiers et ‘illusion’ d’un risque réduit.

29

Ingrédients supplémentaires de la crise actuelle

• Tendance au surendettement des ménages (surtout aux USA).

• Titrisation et complexification des produits finan-ciers (en partie encouragée par la régulation).

• Course au ‘return on equity’.• Rôle (et conflits d’intérêt) des agences de nota-

tion.• Rôle de la globalisation comme incitation à la

dérégulation.

30

Plan

1. Qu’est ce qu’une banque?2. Pourquoi les banques sont-elles fragiles?3. Comment remédier aux chocs

bancaires?4. Comment le secteur et la régulation ont-

ils évolué depuis 1929?5. Qu’attendre aujourd’hui comme effets

sur l’économie ‘réelle’?6. Que faire?

31

Effets ‘réels’ en 1929-32

1. Chute du PNB (USA: plus de 25%).2. Chute des prix (USA: 10% par an).3. Hausse du chômage (USA: jusqu’à 25%).4. Exacerbée par la baisse de l’offre de monnaie

et la rigueur budgétaire (période pré-keyné-sienne !)

5. Exacerbée aussi par des dévaluations compé-titives et des politiques protectionnistes.

32

Effets ‘réels’ aujourd’hui

1. Resserrement du crédit.2. Récession, jusqu’a présent ‘modérée’.3. Ralentissement de la hausse moyenne des

prix (chute des prix de l’immobilier et des matières premières).

4. Hausse du chômage.

33

Plan

1. Qu’est ce qu’une banque?2. Pourquoi les banques sont-elles fragiles?3. Comment remédier aux chocs

bancaires?4. Comment le secteur et la régulation ont-

ils évolué depuis 1929?5. Qu’attendre aujourd’hui comme effets

sur l’économie ‘réelle’?6. Que faire?

34

I. Sauvetage des banques à court terme

• La création de liquidité ne suffit pas, les reca-pitalisations sont nécessaires.

• Privatisation des profits, socialisation des per-tes?

• En fait, on ne peut pas/plus laisser tomber en faillite des banques systémiques (même Leh-man Brothers, qui ne prêtait pas au grand public).

35

II. Soutien macroéconomique

• Baisse des taux d’intéret (mais: (i) effet limité siabsence de demande; (ii) c’est ce qu’on repro-chait a Alan Greenspan …).

• Expansion budgétaire (notamment via des investissements publics).

36

III. Rerégulation: ‘Changementsdans la continuité’

• Mieux réguler les banques: plus d’exigences en capital, restrictions sur certains actifs et opéra-tions hors-bilan, moindre complexité des pro-duits financiers.

• Traquer les conflits d’intérêt: protection des consommateurs, responsabilité du manage-ment, des administrateurs, des agences de notation, …

• Centraliser les contrôles et assurances: au moins au niveau européen, voire plus: la régle-mentation doit suivre la taille des entreprises.

37

IV. Pistes plus radicales?

• Quel rôle pour l’Etat: rester durablement dans le capital des banques? Pour quoi faire?

• Revenir à la philosophie du ‘protocole d’autono-mie bancaire’ (idée générale de la séparationpropriété/contrôle)? Attention cependant, on a besoin de ‘l’amortisseur actionnarial’.

38

V. Pistes plus radicales?

• Réduire l’influence des marchés? On souffre de leur très forte volatilité (via la ‘market value accounting’, les stock options, …).

• Avec l’Euro, on a bien supprimé des marchés …• Piste potentielle: interdire ou décourager les

opérations spéculatives (hausse de leur ratio en capital, taxe Tobin). Idée: ‘découpler’ le secteurbancaire des ‘spéculateurs purs’.

39

VI. Objectif fondamental• La clef est d’inciter les banques à se concentrer

sur leurs missions essentielles en faveur de l’‘économie réelle’: le service à leurs déposants et à leurs débiteurs (en particulier les petites entreprises): on ne veut pas passer du ‘crédittrop facile’ au ‘credit crunch’!

• Outre cela, ‘moraliser le capitalisme’? Dépassele seul secteur bancaire: en partie lié à la globalisation, qui accroît l’inégalité. La solution n’est-elle pas plutôt fiscale?