Créer son site syndical sur internet : quelles sont les ... · PDF fileLe code du...

1
Créer son site syndical sur internet : quelles sont les limites de l’exercice ? Avec le développement des nouvelles technologies, les syndicats se voient dotés de nouveaux moyens d'action. En plus des tracts papiers, ils ont désormais la possibilité de créer un site internet, et/ou d'utiliser l'intranet de l'entreprise sous certaines conditions. Les avantages sont nombreux: médiatisation, effet démultiplicateur, mobilisation, etc. Il nous faut cependant connaître les limites de ces nouvelles prérogatives. Le code du travail est à ce jour totalement muet sur ces questions. C'est au travers d'autres lois, de la jurisprudence et du droit conventionnel qu'un régime juridique de l'utilisation des sites internet va se développer. Quels sont les droits reconnus aux syndicats ? Le jugement du TGI de Paris rendu en référé le 17 novembre 1997 reconnaît aux syndicats la possibilité de créer un site internet externe à l'entreprise, à la condition que les messages du site respectent les dispositions de la loi sur la presse (interdiction des injures et de la diffamation). Il faut également que le site donne les moyens d'en identifier les animateurs. Les sites anonymes peuvent être interdits. Qui peut créer son site internet ? A la différence d’internet l’utilisation est soumise à la conclusion d'un accord d'entreprise et dont l'accès est souvent réservé aux seuls syndicats signataires, l'utilisation d'internet est libre. Tous les syndicats (représentatifs ou non) y ont accès. Aucune négociation préalable à l'ouverture d'un site n'est obligatoire. Peut-on utiliser le nom et le sigle de l’entreprise dans notre nom de domaine ? Oui, si le contenu des messages et les indications fournies sur le site excluent que les animateurs du site puissent être confondus avec les responsables de la société. Le sigle de l'entreprise peut être repris et même détourné, sauf abus. Peut-on afficher des communications syndicales sur un site internet ? Selon le TGI de Bobigny (Il janvier 2005), le site n'est pas assimilé à de l'affichage syndical. Il n'entre donc pas dans le champ de l'application de l'article L 2142- 3 du code du travail qui oblige à transmettre la communication au moment de son affichage. Mais l'employeur peut interdire, aux salariés d'avoir accès aux sites syndicaux pendant leurs heures de travail. Cela peut faire l'objet d'une négociation. Le contenu du site est-il complètement libre ? Le site internet doit respecter une obligation de discrétion. Si les administrateurs du site ont accès, en tant que CE/DP/DS..:, à certaines informations qualifiées de confidentielles par l'employeur, ils ne peuvent les publier sur le site inter- net. De même, ils ne peuvent révéler les documents transmis au CE lors des réunions, notamment en cas de droit d'alerte. En tant que salariés de l'entreprise, ils ne peuvent révéler les secrets de fabrication. Peut-on diffuser des tracts syndicaux par le biais d’emails ? Selon la Cour d'appel de Paris (31 mai 2002) la diffusion d'un tract par courrier électronique est assimilable à l'expédition par voie postale de tracts syndicaux. Les dispositions de l'article L.2142-4 doivent être respectées. Mais contrairement aux tracts papiers, pour que la diffusion des e-tracts soit licite, il faut que l'employeur l'ait autorisée ou qu'un accord collectif l'ait organisée. Si un accord autorise cela, le spamming (envoi en masse de messages en provenance d'un site extérieur sans que l'envoi ait été sollicité par les destinataires) reste interdit. Le salarié doit pouvoir librement autoriser ou refuser la réception dans sa boîte de messages syndicaux. Sur quels fondements la responsabilité des syndicats peut- elle être engagée ? Ils peuvent être poursuivis principalement pour diffamation et injure (avec une possible condamnation pénale à la clé). Il est aussi possible que certaines sanctions disciplinaires soient prises si l'auteur est clairement identifié. Le site internet relevant, a priori, de la vie privée du citoyen (cass. soc. 16 décembre 1997, n° 95-41326), " le fait imputé au salarié relevant de sa vie personnelle ne [peut] constituer une faute" et devrait exclure toute sanction disciplinaire, sauf si il existe un manquement à l'obligation de loyauté, (cass. soc. 24 avril 2001, no99-42318) il existe un trouble caractérisé au fonctionnement de l'entreprise, il Y a abus de l'exercice du droit d'expression, l'information mise en ligne a été sous- traite frauduleusement à l'entreprise. Quelles sont les possibilités d’action et de recours de l’employeur ? La loi pour la confiance dans1'économie numérique (LCEN- 21 juin 2004) per,- met à l'employeur d'obtenir la fermeture du site internet sans avoir recours au juge par simple notification au fournisseur d'hébergement ou, à défaut, au fournisseur d'accès d'un contenu illicite sur internet. De même, la loi ouvre un droit de réponse au chef d'entreprise qui l'exercera auprès de l'hébergeur du site. Mais l'employeur peut aussi agir en référé: c'est ce qu'on appelle le « référé internet ». Si l'employeur prouve l'existence d'un trouble manifestement illicite (injures, insultes, diffamations et autres atteintes à la vie privée), le juge pourra ordonner la fermeture du site.

Transcript of Créer son site syndical sur internet : quelles sont les ... · PDF fileLe code du...

Page 1: Créer son site syndical sur internet : quelles sont les ... · PDF fileLe code du travail est à ce jour totalement muet sur ces ... juridique de l'utilisation des sites internet

Créer son site syndical sur internet :

quelles sont les limites de l’exercice ?

Avec le développement des nouvelles technologies, les syndicats se voient dotés de nouveaux

moyens d'action. En plus des tracts papiers, ils ont désormais la possibilité de créer un site

internet, et/ou d'utiliser l'intranet de l'entreprise sous certaines conditions. Les avantages sont

nombreux: médiatisation, effet démultiplicateur, mobilisation, etc. Il nous faut cependant connaître les limites de ces nouvelles prérogatives. Le code du travail est à ce jour totalement muet sur ces

questions. C'est au travers d'autres lois, de la jurisprudence et du droit conventionnel qu'un régime

juridique de l'utilisation des sites internet va se développer. Quels sont les droits reconnus

aux syndicats ? Le jugement du TGI de Paris rendu en référé le 17 novembre 1997 reconnaît aux syndicats la possibilité de créer un site internet externe à l'entreprise, à la condition que les messages du site respectent les dispositions de la loi sur la presse (interdiction des injures et de la diffamation). Il faut également que le site donne les moyens d'en identifier les animateurs. Les sites anonymes peuvent être interdits.

Qui peut créer son site internet ? A la différence d’internet où l’utilisation est soumise à la conclusion d'un accord d'entreprise et dont l'accès est souvent réservé aux seuls syndicats signataires, l'utilisation d'internet est libre. Tous les syndicats (représentatifs ou non) y ont accès. Aucune négociation préalable à l'ouverture d'un site n'est obligatoire.

Peut-on utiliser le nom et le sigle

de l’entreprise dans notre nom de

domaine ? Oui, si le contenu des messages et les indications fournies sur le site excluent que les animateurs du site puissent être confondus avec les responsables de la société. Le sigle de l'entreprise peut être repris et même détourné, sauf abus.

Peut-on afficher des

communications syndicales sur

un site internet ? Selon le TGI de Bobigny (Il janvier 2005), le site n'est pas assimilé à de l'affichage syndical. Il n'entre donc pas dans le champ de l'application de l'article L 2142- 3 du code du travail qui oblige à transmettre la communication au moment de son

affichage. Mais l'employeur peut interdire, aux salariés d'avoir accès aux sites syndicaux pendant leurs heures de travail. Cela peut faire l'objet d'une négociation.

Le contenu du site est-il

complètement libre ? Le site internet doit respecter une obligation de discrétion. Si les administrateurs du site ont accès, en tant que CE/DP/DS..:, à certaines informations qualifiées de confidentielles par l'employeur, ils ne peuvent les publier sur le site inter- net. De même, ils ne peuvent révéler les documents transmis au CE lors des réunions, notamment en cas de droit d'alerte. En tant que salariés de l'entreprise, ils ne peuvent révéler les secrets de fabrication.

Peut-on diffuser des tracts

syndicaux par le biais d’emails ? Selon la Cour d'appel de Paris (31 mai 2002) la diffusion d'un tract par courrier électronique est assimilable à l'expédition par voie postale de tracts syndicaux. Les dispositions de l'article L.2142-4 doivent être respectées. Mais contrairement aux tracts papiers, pour que la diffusion des e-tracts soit licite, il faut que l'employeur l'ait autorisée ou qu'un accord collectif l'ait organisée. Si un accord autorise cela, le spamming (envoi en masse de messages en provenance d'un site extérieur sans que l'envoi ait été sollicité par les destinataires) reste interdit. Le salarié doit pouvoir librement autoriser ou refuser la réception dans sa boîte de messages syndicaux. Sur quels fondements la responsabilité des syndicats peut-elle être engagée ? Ils peuvent être poursuivis principalement pour diffamation et

injure (avec une possible condamnation pénale à la clé). Il est aussi possible que certaines sanctions disciplinaires soient prises si l'auteur est clairement identifié.

Le site internet relevant, a priori, de la

vie privée du citoyen (cass. soc. 16

décembre 1997, n° 95-41326), " le fait

imputé au salarié relevant de sa vie

personnelle ne [peut] constituer une

faute" et devrait exclure toute sanction

disciplinaire, sauf si

il existe un manquement à

l'obligation de loyauté, (cass. soc. 24

avril 2001, no99-42318)

il existe un trouble caractérisé

au fonctionnement de l'entreprise,

il Y a abus de l'exercice du

droit d'expression, l'information mise en ligne a

été sous- traite frauduleusement à l'entreprise.

Quelles sont les possibilités

d’action et de recours de

l’employeur ? La loi pour la confiance dans1'économie numérique (LCEN- 21 juin 2004) per,- met à l'employeur d'obtenir la fermeture du site internet sans avoir recours au juge par simple notification au fournisseur d'hébergement ou, à défaut, au fournisseur d'accès d'un contenu illicite sur internet. De même, la loi ouvre un droit de réponse au chef d'entreprise qui l'exercera auprès de l'hébergeur du site.

Mais l'employeur peut aussi agir en référé: c'est ce qu'on appelle le « référé internet ». Si l'employeur prouve l'existence d'un trouble manifestement illicite (injures, insultes, diffamations et autres atteintes à la vie privée), le juge pourra ordonner la fermeture du site.