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25 CREATION D’ENTREPRISES ET CHOIX DES FACTEURS DE LOCALISATION: ETUDE EMPIRIQUE AUPRES D’UN ECHANTILLON DE PME DE LA WILAYA DE BEJAIA Ayad-Malek Naïma Maître assistante, Université Abderrahmane Mira. Béjaia. Faculté SECG. [email protected]. Abdelmadjid DJENANE Professeur à l’Université Ferhat ABBAS. Sétif. FSECG. [email protected]. Résumé : Notre papier suggère d’étudier la dialectique création d’entreprises et choix des facteurs de localisation. Il s’agira par là même d’examiner les facteurs territoriaux qui sont à la base de la dynamique entrepreneuriale que connait la wilaya de Bejaia depuis quelques années. Pour cela notre recherche sera basée, d’une part, sur l’exposition d’une revue de la littérature qui tend à délimiter autant que possible les contours théoriques des déterminants de la création d’entreprises et du choix de la localisation. Nous tenterons dans un second temps d’identifier les facteurs territoriaux de création et de localisation des entreprises dans un territoire marqué par des pratiques économiques, sociales et culturelles spécifiques : la wilaya de Béjaia. C’est en ce sens qu’une enquête de terrain a été menée auprès d’un échantillon d’entreprises (petites et moyennes entreprises) appartenant à différents secteurs d’activités. Cette enquête a été complétée par une série d’entretiens semi directifs auprès de quelques entrepreneurs du territoi re d’étude. Mots clés : Création d’entreprises, facteurs de localisation, dynamique entrepreneuriale, entrepreneur. Introduction La question du rapport de l’entreprise à son espace physique d’implantation a suscité, et continue toujours, des débats à la fois acharnés et riches en enseignements. Ainsi, depuis les travaux portant sur les districts industriels en Italie (Bagnasco 1977, Brusco 1982, Garofoli 1981 à 1983, Trigilia 1986 et Becattini 1989), une nouvelle conception du territoire voit le jour. Ce dernier n’est plus uniquement considéré comme un simple échelon spatial ou un niveau administratif neutre correspondant au champ

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CREATION D’ENTREPRISES ET CHOIX DES FACTEURS

DE LOCALISATION: ETUDE EMPIRIQUE AUPRES D’UN

ECHANTILLON DE PME DE LA WILAYA DE BEJAIA

Ayad-Malek Naïma Maître assistante, Université Abderrahmane Mira. Béjaia. Faculté SECG.

[email protected].

Abdelmadjid DJENANE

Professeur à l’Université Ferhat ABBAS. Sétif. FSECG.

[email protected].

Résumé :

Notre papier suggère d’étudier la dialectique création d’entreprises et

choix des facteurs de localisation. Il s’agira par là même d’examiner les

facteurs territoriaux qui sont à la base de la dynamique entrepreneuriale que

connait la wilaya de Bejaia depuis quelques années. Pour cela notre

recherche sera basée, d’une part, sur l’exposition d’une revue de la littérature

qui tend à délimiter autant que possible les contours théoriques des

déterminants de la création d’entreprises et du choix de la localisation. Nous

tenterons dans un second temps d’identifier les facteurs territoriaux de

création et de localisation des entreprises dans un territoire marqué par des

pratiques économiques, sociales et culturelles spécifiques : la wilaya de

Béjaia. C’est en ce sens qu’une enquête de terrain a été menée auprès d’un

échantillon d’entreprises (petites et moyennes entreprises) appartenant à

différents secteurs d’activités. Cette enquête a été complétée par une série

d’entretiens semi directifs auprès de quelques entrepreneurs du territoire

d’étude.

Mots clés : Création d’entreprises, facteurs de localisation, dynamique

entrepreneuriale, entrepreneur.

Introduction

La question du rapport de l’entreprise à son espace physique

d’implantation a suscité, et continue toujours, des débats à la fois acharnés et

riches en enseignements. Ainsi, depuis les travaux portant sur les districts

industriels en Italie (Bagnasco 1977, Brusco 1982, Garofoli 1981 à 1983,

Trigilia 1986 et Becattini 1989), une nouvelle conception du territoire voit le

jour. Ce dernier n’est plus uniquement considéré comme un simple échelon

spatial ou un niveau administratif neutre correspondant au champ

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d’application des politiques publiques. Il s’agit d’un construit social, d’un

système dynamique complexe. C’est la résultante directe des relations tissées

par une pluralité d’acteurs en interaction permanente [Leloup et al, 2005.

Page 326]. La mise en œuvre des politiques d’attractivité, tant au niveau

local que national, marque aujourd’hui les stratégies territoriales qui sont de

plus en plus assises sur l’attrait des flux d’investissements industriels grâce à

l’offre de sites d’implantation. Ces stratégies ont par là même induit une

concurrence spatiale où l’accent est mis sur les avantages comparatifs

qu’offrent ces sites aux entreprises désireuses de s’y implanter. C’est en ce

sens que l’accent est de plus en plus mis dans les débats publics sur les

dynamiques locales et l’attractivité territoriale [Crozet M et Mayer T, 2002].

Ce qui est, par ailleurs, communément admis est que la pérennité d’une

implantation industrielle est rendue à de multiples raisons liées à des

considérations de coûts (distance), d’existence de ressources naturelles,

d’infrastructures, de ressources humaines (qualifications), ressources

informelles (en particulier relationnelles), technologies diffuses, etc.

[Colletis et al, 1999].

C’est en ce sens que nous nous sommes focalisé dans ce travail sur l’étude

de la dialectique création d’entreprises et le choix des facteurs de

localisation. Il s’agira dans notre cas d’examiner les facteurs territoriaux qui

sont à la base de la dynamique entrepreneuriale que connait la wilaya de

Bejaia depuis quelques années. Pour cela notre recherche sera basée, d’une

part, sur l’exposition d’une revue de la littérature qui tend à délimiter autant

que possible les contours théoriques des déterminants de la création

d’entreprises et du choix de la localisation. Nous tenterons dans un second

temps d’identifier les facteurs territoriaux de création et de localisation des

entreprises dans un territoire marqué par des pratiques économiques, sociales

et culturelles spécifiques : la wilaya de Béjaia. C’est en ce sens qu’une

enquête de terrain a été menée auprès d’un échantillon d’entreprises (petites

et moyennes entreprises) appartenant à différents secteurs d’activités. Cette

enquête a été complétée par une série d’entretiens semi directifs auprès de

quelques entrepreneurs du territoire d’étude.

1. La théorie de choix de la localisation des entreprises :

repères historiques

Les théoriciens néoclassiques ont développé la théorie de la localisation.

Dans cette dernière, la localisation pour une firme est libre et mobile,

contrairement au reste des variables de leur modèle de base. Il s’agit d’une

approche statique de la localisation. Tout le souci de la théorie néoclassique

est de montrer les conditions d’apparition de l’optimum (au sens de Pareto)

[Aydalot Ph, 1985].Weber (1909) a, dans ce sens, développé un modèle qui

représente les conditions d’équilibre partiel, qui est atteint moyennant des

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mécanismes d’ajustements prix /quantités. Dans celui-ci deux facteurs

peuvent être à l’origine de l’éloignement de la firme de son point de coût

minimum de transport faisant donc infléchir sa localisation optimale : il y a

d’abord l’impact d’une source de main d’œuvre abondante et bon marché,

ensuite l’existence d’économies externes liées au phénomène

d’agglomération des activités. Dans le modèle néoclassique en général,

l’espace est dépourvu de valeurs socioculturelles et autres. Il ne représente

qu’un simple contenant d’hommes. La théorie de la productivité marginale1

est alors utilisée par les théoriciens néoclassiques pour définir l’optimum.

Dans une approche internationale, seuls les biens sont mobiles, par contre

au niveau national, les facteurs de production sont immobiles. « Comme tout

est transportable (sauf les dotations aux ressources naturelles et au climat),

les néoclassiques remplacent l’immobilité des facteurs par les coûts de

transport des biens. L’équilibre ne reposera plus alors sur les seules

spécialisations inter spatiales, mais passera par les déplacements des

facteurs de production. Cela va permettre la démonstration de la

convergence des productivités marginales et de déboucher sur une

formulation de l’optimum. » [Courlet C, 2001. Page 14]. Le fait est que dans

la théorie néoclassique, les déséquilibres spatiaux sont le produit du

phénomène de friction. Ils sont de ce fait transitoires et ont tendance à

s’annuler suite aux forces du marché.

L’émergence du territoire dans la théorie économique est redue possible à

partir de 1920 grâce aux travaux de Alfred Marshall. Ce dernier soutient que

la proximité des entreprises leur permettrait de bénéficier d’externalités

positives conduisant à la réduction des coûts de production. Il insiste sur

l’importance de formes industrielles organisées au niveau local, caractérisées

par des formes de relations non transactionnelles entre les agents

[Zimmermann J-B, 2008. Page 108]. Ses travaux furent par la suite la source

d’inspiration d’une multitude de travaux : systèmes productifs locaux,

districts industriels, milieux innovateurs. Le modèle de l’équilibre spatial a,

par la suite, donné naissance à des débats conduisant au développement

d’une multitude d’analyses critiques. Celles-ci réfutent l’idée de l’existence

d’inégalité dans l’espace et insistent sur le caractère déséquilibré de la

croissance et sur l’existence de disparités régionales.

Predhol introduit en 1928 la substituabilité des facteurs, où la localisation

est considérée comme un facteur de production à part entière. L’entreprise

choisi de façon simultanée une localisation et une combinaison de facteurs

lui permettant de minimiser l’ensemble de ses coûts. En 1929, est introduite,

par le biais des travaux de Hotteling, la notion de concurrence spatiale

[Zimmermann J-B, 2008. Page 108].

1 Egalisation du prix d’un facteur avec sa productivité marginale.

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Dans la théorie du déséquilibre cumulatif de G.Myrdal, l’aboutissement à

une situation d’équilibre n’est pas quasi-automatique. Le processus de

développement dans sa conception s’accompagne de deux effets dont les

natures sont complètement contradictoires : les effets de remous (back-Wash

effects) et les effets de propagation (spead effects). Les premiers font

référence aux mouvements migratoires des populations et même du capital

des zones périphériques et pauvres vers les régions en expansion. Les effets

cumulatifs sont alors négatifs dans les zones pauvres et positifs dans les

zones riches. Etant donné que ces dernières seront plus concurrentielles, du

fait qu’elles produisent en régime de rendements décroissants, les zones

pauvres assistent dans ces conditions au ralentissement de leur rythme de

croissance. La seconde catégorie d’effets se vérifie à travers un mouvement

centrifuge des régions développées vers ses voisines qui est le résultat de

l’expansion rapide des premières faisant que leur demande de matières

premières et de produits agricoles augmente. « Quand les effets de

propagation sont suffisamment forts pour contrebalancer les effets de

remous, il est alors possible d’assister à la formation d’un nouveau centre

de développement. » [Courlet C, 2001. Page 15].

Malgré leur pertinence, les premiers modèles de localisation se sont

révélés insuffisants pour expliquer les différences en matière de localisation

des firmes au sein de territoires présentant pourtant des caractéristiques

similaires. A partir des années soixante, une nouvelle théorie voit le jour,

développée par F. Perroux, en l’occurrence « la théorie des pôles de

croissance ». Celle-ci stipule que le développement du processus de

production (progrès techniques) appliqué dans une branche aura des effets

d’entraînement auprès des branches en lien avec celle-ci. Cette théorie

repose, pour ainsi dire, sur la notion d’industrie motrice.

Plus récemment, une nouvelle conception est développée qui est assise sur

une nouvelle configuration territoriale, notamment : le district industriel qui

est à la base des « Systèmes Productifs Localisés » (SPL). C’est ainsi que le

concept de district industriel, après plusieurs décennies de marginalisation et

d’oubli, a réapparu vers la fin des années 70 et le début des années 80 dans

les travaux de chercheurs italiens qui travaillaient sur les régions de la

troisième Italie (l’Italie du Nord-est et du Centre). L’analyse fait le lien avec

l’économie industrielle grâce aux travaux de Becattini.

2. Les déterminants du choix de la localisation des entreprises

et la dynamique entrepreneuriale : quelles interactions ?

L’intention d’entreprendre est la résultante de la combinaison simultanée

de deux catégories de facteurs : des facteurs personnels et des facteurs

contextuels. La première catégorie de facteurs a trait à la personnalité de

l’entrepreneur, ses motivations, ses compétences et son expérience

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professionnelle. La seconde catégorie, quant à elle, est liée à l’état des

marchés et à l’environnement socioéconomique [Levratto et al, 2013. Page

4].

Par ailleurs, dans la théorie traditionnelle du commerce international, c’est

la dotation des territoires en ressources qui expliquerait la répartition non

uniforme des activités. Dans ce contexte, les entreprises sembleraient avoir

des préférences pour certains attributs propres à certains sites [Costes N,

2008. Page 20]. Toutefois, la limite majeure de cette théorie réside dans son

incapacité à expliquer les différentiels de développement entre régions à

dotations similaires, de même qu’elle n’est pas susceptible d’apporter des

éléments explicatifs du phénomène de concentration d’activités.

Les tentatives d’appréhension des déterminants du choix de la localisation

des entreprises et des activités et de la dynamique entrepreneuriale ont mis

en avant l’existence d’une corrélation positive entre la propension à créer des

entreprises et les économies d’agglomération et d’urbanisation. Ces

dernières représentent des facteurs explicatifs de la dynamique

entrepreneuriale en milieux urbains. Mais ce ne sont pas les seuls éléments

explicatifs de la dynamique entrepreneuriale car des facteurs invisibles y

sont directement associés tels que l’identité locale, la culture, les

comportements…etc.

Le rapprochement entre l’économie industrielle et l’économie spatiale

permet de traiter des interactions existantes entre l’organisation des activités

dans l’espace et la création de nouvelles unités. Certains auteurs évoquent à

ce titre les « économies d’agglomération » qui se déterminent à travers la

croissance du bénéfice réalisé par une entreprise en s’implantant à proximité

d’autres unités. Il faut dire qu’il y a au moins trois raisons qui peuvent

justifier le choix d’implantation à proximité d’autres firmes : un marché

commun se crée au profit des salariés ayant des qualifications spécifiques

réduisant le risque de se retrouver au chômage, les industries implantées

peuvent « soutenir la production d’intrants spécialisés non échangeables »,

les « spillovers » en matière d’information peuvent donner aux firmes

regroupées une meilleure fonction de production, comparativement aux

firmes isolées [Dejardin M, 2010. Page 64].

Les entreprises, selon Crozet et Mayer, sont contraintes de faire des choix

de localisation en tenant compte de tous les avantages et les inconvénients de

ces choix. Le choix de la localisation représente une décision fondamentale,

irréversible qui conditionne l’existence et l’avenir de l’entreprise. Le choix

de la localisation est sensible aux caractéristiques exogènes des territoires

qui sont naturellement dotés en facteurs et en ressources, susceptibles

d’influencer la productivité et les profits des entreprises [Crozet et Mayer,

2002. Page 50]. Cependant, la propagation du phénomène d’agglomération

des firmes laisse clairement penser que le choix de la localisation d’une

entreprise est influencé par les choix des autres firmes. La concentration

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territoriale, autrement dit la localisation des firmes dans un même site

permettrait à celles-ci de profiter d’externalités positives. Elle permettra à

l’entreprise de bénéficier davantage des rapports de coopération, de faciliter

la circulation de l’information et donc l’accès à celle-ci, maximiserait la

recherche de meilleurs intrants, permettrait la réduction des coûts de

transactions. Au regard des nombreuses études menées sur le phénomène de

concentration d’entreprises (districts industriels italiens, systèmes productifs

locaux, clusters géographiques), la catégorie de PME (Petites et Moyennes

Entreprises) serait la plus dynamique en termes de nombre d’unités créées.

Plus explicitement, ces pôles de concentration jouent le rôle d’incubateur

dans le sens où ils représentent pour les entrepreneurs débutants le lieu

privilégié pour entamer une nouvelle expérience, explorer de nouveaux

horizons.

D’autres auteurs insistent sur le fait que la dynamique entrepreneuriale et

la dotation en ressources ne soient pas les seuls déterminants du choix de

localisation des entreprises. En effet, bon nombre d’entrepreneurs

s’installent dans des régions parce qu’ils y sont natifs ou encore résidents.

Cette immobilité est accentuée par le poids des obligations familiales et

l’importance relative du coût de la mobilité géographique. D’un autre coté,

cette immobilité leur permet de tirer profit d’un capital relationnel construit

depuis l’enfance (relations de voisinage, amicales ou familiales). La

proximité géographique s’assimile davantage à une proximité cognitive et

sociale contribuant à avantager l’entrepreneur dans sa nouvelle vie

professionnelle tout en minimisant l’incertitude liée au territoire dans lequel

il compte s’insérer [Boutillier et Kizaba. 2011. Page 9].

3. Méthodologie d’approche du terrain

Notre première tâche consiste à déterminer la population ciblée par

l’enquête. Il s’agit, dans ce cas précis, de l’ensemble de la population de

petites et moyennes entreprises (PME) sises dans la région étudiée, en

particulier celles qui sont implantées dans les zones industrielles et

d’activité.

3.1. Objectifs, échantillonnage et outils méthodologiques de

l’enquête

Nous somme conscients que cibler l’ensemble des entreprises de la wilaya

de Béjaia est quasiment impossible pour diverses raisons (manque de temps,

importance du nombre de sujets à interroger, manque de coopération des

répondants, coûts de financements élevés…), aussi, passer par un

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échantillonnage2 est aussi bien inévitable qu’indispensable. Pour ce faire,

nous avons procédé par plusieurs étapes : dans un premier temps nous avons

délimité la population de PME de la wilaya de Béjaia via la consultation du

fichier alphanumérique de la direction de la PME et du de la CNAS (Caisse

Nationale des Assurances Sociales) afin de pouvoir sélectionner un

échantillon représentatif tout en essayant de cibler l’ensemble des secteurs

représentés au sein de la région d’étude ; dans un second temps, il a été

procédé à la distribution d’un questionnaire qui a été complété par des

guides d’entretiens semi directifs3.

3.2 . La structure de l’échantillon

Les statistiques officielles fournies par la direction de la petite et

moyenne entreprise de la wilaya de Béjaia ainsi que le fichier de la CNAS,

nous ont permis d’identifier les secteurs d’activités présents et surtout ceux

qui prédominent sur le territoire étudié. Sous la contrainte de temps et celle

des coûts, nous avons réduit l’échantillon cible à 98 entreprises. Le tableau

1, fournit une synthèse des entreprises visées dans chaque secteur d’activité,

ainsi que leurs taux de réponses respectifs.

Tableau 1 : Taille et structure de l’échantillon visé et final

Source : élaboré par nos soins à partir de l’investigation de terrain.

Béjaia. 2015.

2 Nous avons procédé par un échantillonnage aléatoire. Ce choix est justifié par les

difficultés rencontrées lors de la détermination des strates homogènes de la

population à étudier et des quotas lors de l’application de l’échantillonnage stratifié. 3 Il est nécessaire de préciser que dans le souci de tester la faisabilité de l’enquête,

cette phase a été précédée par une période de pré-enquête dont l’objectif était de

percevoir les manques, ambiguïtés, insuffisances du questionnaire d’une part et de

l’échantillon constitué, d’autre part.

Secteurs d’activité

Echantillon visé Nombre de

répondants

Taux de

réponse

Agroalimentaire 23 18 78,26

BTP 17 11 64,71

Chimie, Caoutchouc et plastique 16 11 68,75

ISMME 13 8 61,54

Bois, papier et emballages 11 5 45,45

Industrie textile 9 5 55,56

Services 9 4 44,44

Total 98 62 63,27

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Notre échantillon final est composé de 62 entreprises réparties sur sept

secteurs d’activités. Nous estimons avoir obtenu des taux de réponses assez

satisfaisants pour chaque secteur d’activités (voir tableau 1). Par conséquent,

notre échantillon final est constitué à prés de 29,03% de PME appartenant au

secteur agroalimentaire, suivi des secteurs du BTP et de l’industrie

chimique avec 11 entreprises pour chacun des secteurs respectivement

(représentant 17,74% de l’échantillon final), de 8 unités appartenant aux

ISMME ( ce qui représente 12,90% du total des entreprises répondantes) , 5

unités pour chacun des secteurs de l’industrie du bois et du papier et celle du

textile (avec des taux de 8,06% respectivement) et 4 entreprises du secteur

des services (soit 6,45%). Nous faisons remarquer que l’importance des non

réponses est justifiées par le refus catégorique de certains chefs d’entreprises

de coopérer, la non restitution des questionnaires par certains d’entre eux ou

encore la restitution de questionnaires non remplis ou mal remplis sous

prétexte de manque de temps ou du caractère confidentiel de certaines

informations.

4. Présentation et interprétation des résultats de l’enquête

Après la présentation d’un aperçu des caractéristiques de notre échantillon,

nous nous attarderons sur le profil des entrepreneurs interrogés, leurs

motivations à créer des entreprises et enfin à l’examen des facteurs de choix

de la localisation.

4.1. Caractéristiques générales de l’échantillon

Plus de trois quart des entreprises de l’échantillon (47 unités représentant

75,81% de la totalité de l’échantillon) sont de petite taille (employant de 10 à

49 salariés). Ces données correspondent assez bien à la tendance nationale

où la quasi-totalité de la population d’entreprises est représentée par des

unités de petite taille. Une grande partie des entreprises interrogées (soit 38

unités représentant 61,29% de l’échantillon) ont été créées durant les cinq

dernières années, ce qui témoigne de leur jeunesse mais aussi d’une

dynamique entrepreneuriale assez singulière, sans doute encouragée par le

cadre règlementaire et institutionnel. De plus, l’échantillon est composé de

40 unités nouvellement créées (soit 64,52% de l’échantillon) et de 22

reprises dont 14 cas de reprises d’entreprises familiales et 8 cas de reprises

d’autres entreprises (voir tableau 2).

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Tableau 2 : Répartition des entreprises de l’échantillon par

tranches d’effectif employé, la période de création et la nature de la

création Taille de l’entreprise Fréquences Pourcentage

Micro-entreprises [1-9 salariés] 1 1,61

Petite entreprises [10-49 salariés] 47 75,81

Moyenne entreprise [50-250 salariés] 14 22,58

Total 62 100,0

Période de création Fréquence Pourcentage

Moins de 3ans 12 19,35

[3-5ans] 26 41,94

Plus de 5ans 24 38,71

Total 62 100,00

Nature de création Fréquence Pourcentage

Nouvelle création 40 64,52

Reprise d’entreprise familiale 14 22,58

Reprise d’une autre entreprise 8 12,90

Total 62 100,00

Source : enquête de terrain, Béjaia. 2015.

4.2. Profil des entrepreneurs enquêtés

Il s’agit, dans ce qui suit, de s’attarder sur les caractéristiques

socioculturelles de cet acteur clé du dynamisme économique, notamment : le

genre, l’âge, le niveau d’instruction et les motifs de création.

Tableau 3: Répartition des entrepreneurs enquêtés selon l’âge, le

genre, et le niveau d’instruction Age freq % Genre freq % Niveau

d’instruction

freq %

[30-39 ans]

[39-49 ans]

[49-59 ans]

59 ans et plus

11

33

15

5

17,74

53,23

24,19

4,84

Masculin

Féminin

57

5

91,94

8,06

Secondaire

Universitaire

Formation

professionnelle

5

27

30

8,06

43,55

48,39

Total 62 100,00 Total 62 100,00 Total 62 100,00

Source : enquête de terrain, Béjaia. 2015.

Les entrepreneurs de notre échantillon sont majoritairement des hommes (à

plus de 91% de la population interrogée), âgés de 39 et 59 ans (cette tranche

d’âge représente plus de 77 de la population enquêtée). Ceci dénote que ce

sont des entrepreneurs dotés d’une certaine maturité, en quête d’une stabilité

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sociale et professionnelle. Dans 27 cas (soit 43,55% de l’échantillon), ils

sont diplômés, ce qui témoigne de l’existence d’une corrélation positive

entre le niveau d’instruction et la dynamique entrepreneuriale. Cependant,

les diplômés de la formation professionnelle ont plus tendance à créer des

entreprises.

Concernant les facteurs ayant motivé les entrepreneurs, le tableau qui suit

établi une synthèse des réponses fournies à ce sujet4 :

Tableau 4: Facteurs ayant motivé la création

Motifs de création Fréquence pourcentage

Opportunité d’affaire 20 32,26

Participer au développement de la

région

23 37,10

Imitation d’une réussite familiale 8 12,90

Créer son propre emploi 29 46,77

Expérience professionnelle dans le

domaine

18 29,03

Exercer un métier ancestral 7 11,29

Autres motifs 3 4,84

Source : enquête de terrain, Béjaia. 2015.

Près de la moitié des entrepreneurs interrogés (soit plus de 46% de

l’échantillon) se sont lancés dans l’aventure entrepreneuriale pour échapper

au chômage. Les entretiens ont révélés que ce motif est d’autant plus présent

chez les entrepreneurs issus de la formation professionnelle ou encore les

entrepreneurs diplômés d’universités mais qui estiment que leurs spécialités

ne sont pas demandées sur le marché du travail. Néanmoins, ils témoignent

ouvertement de leur désir de participer au développement régional (soit 23

cas représentant 37,10% de l’échantillon). Vient en troisième position, le

motif de l’existence d’une opportunité d’affaire, avec 20 répondants. D’après

les entretiens réalisés, il s’agit dans ce cas de saisir l’occasion d’une

conjoncture favorable à l’investissement, d’un marché vierge ou encore d’un

secteur à forte demande. L’expérience professionnelle est un déterminant de

la dynamique entrepreneuriale puisque 18 entrepreneurs ont déclaré que

l’expérience antérieure, que ce soit dans le domaine dans lequel ils ont

investi ou dans d’autres (gestion, technique…), a influencé leur décision lors

du processus de création de leurs entreprises. Dans huit cas, les

entrepreneurs ont déclaré que le fait d’avoir un ou plusieurs entrepreneurs

dans leur entourage (familial ou amical) les a fortement incités à en faire

autant. Seulement sept entrepreneurs ont déclaré avoir exercé un métier

ancestral. Plus encore, les aides publiques semblent n’avoir aucun impact sur

la décision de création de PME pour notre échantillon. Dans la catégorie

4 La question comportant des réponses multiples, le logiciel SPSS a permis de

synthétiser les réponses les plus fréquentes.

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« autres motifs», la disponibilité des capitaux est le facteur le plus évoqué

en ce sens que celle-ci représente une composante basique de la décision de

création d’entreprises. De sorte que les interrogés ont affirmé que le manque

de moyens financiers constituerait à coup sure un frein à la création

d’activités.

4.3. Dialectique choix des facteurs de localisation et

dynamique entrepreneuriale L’objectif de cette partie consistera à analyser les principaux facteurs de

choix de la localisation pour la population étudiée. C’est dans ce contexte

que nous allons, dans un premier temps, vérifier l’existence d’une logique de

territoire, étant donné que celle-ci peut être conçue, selon nous, comme une

ressource territoriale et entrepreneuriale non négligeable. Dans un second

temps, seront examinés les facteurs qui sont à l’origine du choix de la

localisation et ceux qui sont à l’origine du choix du secteur d’activité ainsi

que l’existence de relations interentreprises susceptibles de mettre en

exergue le rôle des proximités.

4.3.1. L’attachement au territoire : une ressource territoriale

décisive L’approche que nous adoptons consiste à vérifier l’existence d’une

logique de construction de ressources susceptibles de conférer au territoire

étudié un avantage compétitif à même de constituer une source d’attractivité

territoriale.

Tableau 5: Degré d’attachement à la région

Degré d’attachement Fréquences Pourcentage

Très important 34 54,84

Important 23 37,1

Peu important 5 8,06

Total 62 100,0

Source : enquête de terrain, Béjaia. 2015.

Les résultats de l’enquête attestent du caractère déterminant de

l’attachement à la région. De sorte que la majorité des répondants affirment

être très attachés (soit 34 répondants représentant prés de 54,84% du total

des réponses collectées) ou simplement attachés (avec 23 répondants dans ce

sens, représentant plus de 37% des réponses obtenues) à la région. Ce

constat nous pousse dans ce cas à avancer deux hypothèses (suppositions) :

la première est qu’être natif de la région et/ou résident dans celle-ci confère à

ces entrepreneurs un sentiment d’appartenance à une communauté, à un

système de valeurs et qui semblerait être un facteur déterminant en matière

de choix de la localisation ; la seconde est que le choix de la localisation

pour ces entrepreneurs est davantage lié à une immobilité professionnelle.

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Pour vérifier les hypothèses avancées, nous allons procéder à la répartition

des entrepreneurs selon leur lieu de naissance et de résidence (voir tableau

6).

Tableau 6: répartition des entrepreneurs enquêtés selon leur lieu de

naissance et de résidence Lieu Lieu de

naissance

% Lieu de résidence %

Wilaya de Béjaia 61 98,39 62 100,0

0

Autres wilaya 01 1,61 00 00,00

Total 62 100,0

0

62 100,0

0

Source : enquête de terrain, Béjaia. 2015.

Les résultats de l’enquête montrent qu’hormis un seul entrepreneur, la

majorité écrasante des entrepreneurs sont natifs de la wilaya de Béjaia. Bien

plus, la totalité des entrepreneurs enquêtés résident dans la wilaya. Ceci

confirme à priori l’hypothèse selon laquelle être natif et/ou résident de la

région est un facteur clé de dynamisme entrepreneurial voire en matière de

choix de la localisation. Mais, il peut également supposer que les

entrepreneurs manquent de mobilité professionnelle. Cette hypothèse a été

d’ailleurs confirmée par les entretiens, où les entrepreneurs ont clairement

avoué que leurs responsabilités familiales entravaient leur mobilité

professionnelle.

Nous avons entrepris d’interroger les entrepreneurs ciblés par l’enquête

sur la perception qu’ils ont du territoire. Le tableau 7 résume les réponses

collectées :

Tableau 7 : Répartition des entrepreneurs de l’échantillon selon leur

conception du territoire

Conception du territoire Fréquence Pourcentage

Comme sources de facteurs de production 5 8,06

Comme espace à construire et à

développer

57 91,94

Total 62 100,00

Source : enquête de terrain, Béjaia. 2015.

Les résultats du tableau 7 concluent sur le fait que la majorité écrasante des

répondants (soit 57 répondants représentant plus de 91% du total des

réponses), considèrent le territoire comme un espace à construire et à

développer. Nos entretiens sur cet aspect, ont révélé que les enquêtés

considèrent qu’ils contribuent efficacement au développement territorial

dans le sens où leurs entreprises créent des postes d’emplois pour la

population locale, fournissent des ressources fiscales aux collectivités

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locales, répondent à la demande en biens et services de la population locale

et génèrent de la valeur ajoutée.

Même si la logique de perception du territoire adoptées par les

entrepreneurs peut paraître assez simple et rudimentaire, il n’empêche qu’on

peut prétendre que celle-ci sous tend une ébauche de logique territoriale.

Cette dernière est plus que nécessaire, à notre sens, pour le développement

de la dynamique entrepreneuriale et territoriale dans la région d’étude.

4.3.2. Les facteurs de choix de la localisation

La question relative aux facteurs qui sont à l’origine du choix de la

localisation étant à réponses multiples, plusieurs combinaisons ont été

dégagées. Une synthèse des réponses sont fournies dans le tableau 8.

Tableau 8 : Facteurs à l’origine du choix de la localisation

Facteurs de localisation Oui Non Total

Disponibilité de ressources et d’infrastructures 21 41 62

Proximité du lieu de résidence 30 32 62

Proximité du marché 22 40 62

Connaissance de la région 18 44 62

Aides publiques 2 60 62

Source : enquête de terrain, Béjaia. 2015.

La lecture du tableau 8 nous renseigne sur le poids de chaque facteur dans

le choix de l’implantation de l’entreprise. A partir de là, prés de la moitié des

répondants (soit 48,39% du total des réponses) affirment que la proximité

du lieu de résidence est le facteur clé du choix de la localisation. Ceci

témoigne une fois de plus de l’attachement manifesté par les enquêtés à la

région mais également de leur immobilité professionnelle. En vue d’éclaircir

ce point, nous avons entrepris d’interroger les entrepreneurs. Ces entretiens

ont révélé que ceux-ci soient en effet attachés à la wilaya de Béjaia mais

aussi n’ont pas tendance à prendre des risques en s’aventurant sur des

terrains qui leur sont inconnus. De plus, leurs responsabilités familiales est

un élément à prendre en compte puisque celles-ci limitent leur mobilité

professionnelle.

Plus d’un tiers des répondants affirment l’importance de l’existence d’un

marché en amont et en aval, la proximité du marché est classée au second

rang. Ce constat permet d’avancer l’existence d’une corrélation positive

entre la proximité géographique et le choix de la localisation des entreprises.

A une réponse près, la disponibilité des ressources et des infrastructures de

base est le troisième facteur de choix de localisation au sein de la population

enquêtée, avec 21 répondants (soit 33,87% du total des réponses). En effet,

la wilaya est bien dotée en ressources au sens large (réseau électrique

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couvrant la majeure partie du territoire régional, gaz et eau ainsi qu’une main

d’œuvre détenant une diversité de compétences…). Elle dispose d’un réseau

routier relativement important, d’un aéroport, d’une infrastructure ferroviaire

et d’un port pétrolier et commercial classé troisième en termes d’importance

du trafic derrière celui de la capitale Alger et de la wilaya d’Oran. La wilaya

de Béjaia compte, par ailleurs, trois zones industrielles5 dans les communes

de Béjaia, d’El Kseur et d’Akbou et d’une trentaine de zones d’activités

dispersées sur l’ensemble de son territoire.

Pour 18 répondants, la connaissance de la région est un facteur qui a son

poids lors du processus de choix de la localisation, ce facteur est classé au

quatrième rang (ce facteur représente une part de 29,03% du total des

réponses obtenues). Investir et s’implanter dans une région qu’ils

connaissent est, selon ces créateurs, un avantage à exploiter d’autant plus

que ceci leur permet de faire appel à des personnes de leur entourage en

particulier lorsqu’il s’agit d’accélérer les formalités administratives,

extrêmement longues, d’une part, et d’embaucher des personnes de leur

famille (caractère familial des PME algériennes), d’autre part. Ce capital

relationnel est une ressource non négligeables qui est davantage assimilée à

une ressource cognitive autrement dit liée à des considérations

socioculturelles (sentiment d’appartenance, relations de confiances, de

réciprocité…). Le capital social peut en ce sens représenter une ressource

potentielle de développement local et territorial qui est à même de soutenir la

dynamique entrepreneuriale. Sa valorisation facilite l’insertion de l’individu

dans son milieu socioprofessionnelle et lui permet de tirer les ressources

nécessaires au démarrage de son affaire (moyens de financements,

connaissances et capital relationnel) [Boutillier S, 2005]. Avec seulement 2

répondants, les aides publiques ne représentent pas un facteur déterminant

lors du choix de la localisation des entreprises. Ceci est sans doute rendu au

fait qu’en dépit des efforts déployés par la puissance publique, l’offre de

foncier industriel reste en deçà de la demande exprimée. L’Etat n’a alors

qu’un pouvoir limité en matière de localisation des entreprises.

Au final, les résultats ainsi analysés attestent du fait que le choix de la

localisation pour l’échantillon étudié, obéit non seulement à des facteurs

traditionnels et objectifs (disponibilité des ressources, d’infrastructures de

base…), mais également à des considérations sociales et cognitives

(attachement à la région, sentiment d’appartenance, existence d’un système

de valeurs communes).

5 A noter qu’une nouvelle zone industrielle vient d’être inaugurée au niveau de la

localité de Beni Maouche.

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4.3.3. Le triptyque choix de la localisation/ choix du secteur

d’activité/ origine des inputs

La finalité de la présente partie est de chercher à déterminer si le choix de

la localisation est influencé par l’origine des inputs qui seront utilisés dans

les entreprises créées ? Autrement, si les entrepreneurs enquêtés tiennent

compte de cet aspect et dans quelles proportions ? Une synthèse des résultats

est fournie dans le tableau ci-après :

Tableau 9 : Tableau croisé origine des matières premières/ facteurs

sectoriels d’implantation6

Source : enquête de terrain, Béjaia. 2015.

L’analyse des résultats de ce tableau nous permet de tirer des

conclusions sur un élément crucial pour l’entrepreneur : la proximité. En

effet, bien que des relations commerciales de type clients-fournisseurs

semblent exister entres les entreprises enquêtées, celles-ci sont jugées

insuffisantes eu égard aux potentialités existantes. L’approvisionnement en

matières premières se fait aussi bien auprès d’entreprises de la wilaya,

d’autres wilayas que de pays étrangers (même si leur fréquence est plus

faible).

On dénote, par ailleurs, la faiblesse des entreprises ayant des

relations avec des unités de même secteur d’activité. Le lien avec ces

dernières est généralement limité à de simples relations de voisinage

imposées par la proximité géographique. Pour expliquer ce type de

comportements, les entretiens ont révélé que les entreprises de même secteur

d’activité sont davantage assimilées à des concurrents potentiels ou effectifs,

rien de plus. Les répondants ont par la même occasion révélé qu’ils

n’envisageaient aucunement d’entretenir des relations de coopération avec

leurs prétendus concurrents. Cet état de fait, peut, à notre sens, constituer un

6 La construction du tableau croisé a été réalisée à l’aide du logiciel SPSS.

7 Cette question a comporté 4 non réponses.

Facteurs sectoriels d’implantation

Origine matières premières Total

Même

zone

d'activité

De la wilaya

de Béjaia

D'autres

wilayas

De pays

étrangers

proximité entreprise même secteur 5 6 7 4 11

proximité d’entreprises

complémentaires

6 7 10 4 13

Proximité des fournisseurs 11 13 9 2 19

Proximité entreprises clientes 16 19 18 6 28

Autres 3 7 3 2 10

Total 25 36 32 14 587

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véritable obstacle au développement d’une dynamique entrepreneuriale et

territoriale.

Les entretiens menés ont également mis à jour un autre constat majeur,

l’implantation au sein des zones industrielles et d’activité (pour les

entreprises concernées) s’est fait non pas pour tirer profit des bienfaits de la

proximité autrement les économies d’agglomération, mais plutôt parce que

ces zones permettaient d’accueillir les entreprises industrielles dont la

nature des activités nécessite des terrains qui vont accueillir la construction

d’usines, d’ateliers de fabrication…

Le reste des entrepreneurs ayant choisi d’opter pour la catégorie « autres

raisons » ont justifié leur choix soit parce que le secteur investi est vierge,

soit parce qu’il s’agit de secteurs qui offraient beaucoup de perspectives de

profit étant donné l’existence d’une demande en pleine expansion.

4.3.4. La main d’œuvre comme facteur de localisation

La présence dans les pays en développement d’une main d’œuvre jeune,

abondante qui soit dotée d’un savoir-faire et en ingéniosité constitue un

facteur d’attractivité territoriale. Nous tenterons, dés lors, de vérifier ce

constat pour notre échantillon.

Tableau 10: Origine géographique des salariés

Origine géographique Effectifs Pourcentage

Wilaya de Béjaia 53 85,48

Autres régions 7 11,29

Non réponse 2 3,23

Total général 62 100,0

Source : enquête de terrain, Béjaia. 2015.

La majorité des entreprises emploient des salariés originaires de la wilaya

de Béjaia, à savoir plus de 85% des entreprises répondantes. Une part

relativement faible d’entreprises (soit 7 unités représentant 11,29% de la

population totale d’entreprises enquêtées), emploient des salariés originaires

d’autres régions. Dans 2 cas, (soit 3,23% du total des enquêtés), aucune

réponse à la question n’a été fournie. En cherchant à comprendre la raison de

cette abstinence, les enquêtés ont affirmé ignorer l’origine précise de leurs

salariés.

La qualification des salariés constitue dans la théorie économique un

facteur qui a son poids dans l’implantation de l’entreprise. C’est pourquoi

nous avons entrepris d’interroger les entrepreneurs sur cet aspect (voir

tableau ci-après).

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Tableau 11: La main d’œuvre comme facteur de localisation

Qualifications Oui Non Total

Qualifiée 25 37 62

Détient un savoir-faire 19 43 62

Bon marché 15 47 62

Détient une diversité de compétences 18 44 62

Source : enquête de terrain, Béjaia. 2015.

De ce tableau on apprend qu’une part assez importante de l’échantillon (25

entrepreneurs, soit une part de 40,32%) recrute pour les qualifications

présentées par la main d’œuvre. La détention d’un savoir-faire semble être

le second facteur avec 19 cas (soit une part relative de 30,65%). Dans le

reste des cas, le recrutement s’est fait soit parce que la main d’œuvre détient

une diversité de compétences (18 cas ce qui représente 29,03% de la

population totale d’entrepreneurs) soit parce qu’elle est bon marché (avec 15

cas représentant 24,19% de la population enquêtée).

De ces résultats nous pouvons conclure que le recrutement se fait bien

avant tout pour la qualité de la main d’œuvre mais également pour les

économies procurées en matière de coûts. Les entrepreneurs semblent, par

ailleurs, avoir trouvé sur place, c’est-à-dire à l’échelle locale, les

compétences nécessaires pour démarrer leurs activités. La wilaya de Béjaia

contient un réservoir de main d’œuvre qui pourrait, dans notre conception,

constituer un facteur de choix de la localisation pour les entreprises ce qui

peut être source de dynamisme entrepreneurial voire territorial. Ce réservoir

est susceptible de procurer à la région un avantage concurrentiel qui pourrait

constituer un facteur d’attractivité territoriale.

Conclusion

Les principaux résultats de cette investigation rejoignent pour une grande

part ceux de travaux antérieurs (Boutillier S, 2005), et attestent qu’une

grande partie des entrepreneurs enquêtés ont créés leurs entreprises pour

rester dans la wilaya car ils y sont résidents et/ou natifs d’une part, et parce

que leurs responsabilités familiales entravent leur mobilité professionnelle.

Cet état de fait laisse en suspens la question de l’attractivité du territoire

étudié. En effet, comme le souligne Boutillier en analysant les résultats

d’une enquête menée au Dunkerque (région située au nord de la France),

l’existence de logiques familiales et de projets de vie a fortement contribué à

renforcer l’encastrement territorial de ces entrepreneurs, encastrement qui est

davantage assimilé à un encastrement relationnel [Boutillier, 2005, page 42].

Ce même constat a été vérifié dans le cas de notre échantillon, où les

logiques familiales sont très ancrées dans les pratiques entrepreneuriales.

Bien plus, le territoire représente pour les entrepreneurs interrogés le lieu où

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se sont construits des réseaux de relations sociales qui forment pour ainsi

dire une proximité cognitive [Boutillier (2005), Boutillier et Kizaba (2011)].

La création d’entreprises pour les enquêtés représente avant tout un moyen

d’échapper au chômage, pratique davantage encouragée par les mesures

incitatives adoptées par les pouvoirs publics. On dénote, entre autres,

l’existence d’une corrélation positive entre le niveau d’instruction des

entrepreneurs interrogés et la décision de se lancer dans le monde des

affaires.

Par ailleurs, le choix de la localisation pour l’échantillon étudié, obéit non

seulement à des facteurs traditionnels et objectifs (disponibilité des

ressources, d’infrastructures de base…), mais également à des considérations

sociales et cognitives. Enfin, la wilaya de Béjaia contient un réservoir de

main d’œuvre qui est susceptible de constituer un facteur de choix de la

localisation pour les entreprises ce qui peut être source de dynamisme

entrepreneurial voire territorial. Ce réservoir est susceptible de procurer à la

région un avantage concurrentiel qui pourrait constituer un facteur

d’attractivité territoriale.

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