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CREATION D’ENTREPRISES ET CHOIX DES FACTEURS
DE LOCALISATION: ETUDE EMPIRIQUE AUPRES D’UN
ECHANTILLON DE PME DE LA WILAYA DE BEJAIA
Ayad-Malek Naïma Maître assistante, Université Abderrahmane Mira. Béjaia. Faculté SECG.
Abdelmadjid DJENANE
Professeur à l’Université Ferhat ABBAS. Sétif. FSECG.
Résumé :
Notre papier suggère d’étudier la dialectique création d’entreprises et
choix des facteurs de localisation. Il s’agira par là même d’examiner les
facteurs territoriaux qui sont à la base de la dynamique entrepreneuriale que
connait la wilaya de Bejaia depuis quelques années. Pour cela notre
recherche sera basée, d’une part, sur l’exposition d’une revue de la littérature
qui tend à délimiter autant que possible les contours théoriques des
déterminants de la création d’entreprises et du choix de la localisation. Nous
tenterons dans un second temps d’identifier les facteurs territoriaux de
création et de localisation des entreprises dans un territoire marqué par des
pratiques économiques, sociales et culturelles spécifiques : la wilaya de
Béjaia. C’est en ce sens qu’une enquête de terrain a été menée auprès d’un
échantillon d’entreprises (petites et moyennes entreprises) appartenant à
différents secteurs d’activités. Cette enquête a été complétée par une série
d’entretiens semi directifs auprès de quelques entrepreneurs du territoire
d’étude.
Mots clés : Création d’entreprises, facteurs de localisation, dynamique
entrepreneuriale, entrepreneur.
Introduction
La question du rapport de l’entreprise à son espace physique
d’implantation a suscité, et continue toujours, des débats à la fois acharnés et
riches en enseignements. Ainsi, depuis les travaux portant sur les districts
industriels en Italie (Bagnasco 1977, Brusco 1982, Garofoli 1981 à 1983,
Trigilia 1986 et Becattini 1989), une nouvelle conception du territoire voit le
jour. Ce dernier n’est plus uniquement considéré comme un simple échelon
spatial ou un niveau administratif neutre correspondant au champ
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d’application des politiques publiques. Il s’agit d’un construit social, d’un
système dynamique complexe. C’est la résultante directe des relations tissées
par une pluralité d’acteurs en interaction permanente [Leloup et al, 2005.
Page 326]. La mise en œuvre des politiques d’attractivité, tant au niveau
local que national, marque aujourd’hui les stratégies territoriales qui sont de
plus en plus assises sur l’attrait des flux d’investissements industriels grâce à
l’offre de sites d’implantation. Ces stratégies ont par là même induit une
concurrence spatiale où l’accent est mis sur les avantages comparatifs
qu’offrent ces sites aux entreprises désireuses de s’y implanter. C’est en ce
sens que l’accent est de plus en plus mis dans les débats publics sur les
dynamiques locales et l’attractivité territoriale [Crozet M et Mayer T, 2002].
Ce qui est, par ailleurs, communément admis est que la pérennité d’une
implantation industrielle est rendue à de multiples raisons liées à des
considérations de coûts (distance), d’existence de ressources naturelles,
d’infrastructures, de ressources humaines (qualifications), ressources
informelles (en particulier relationnelles), technologies diffuses, etc.
[Colletis et al, 1999].
C’est en ce sens que nous nous sommes focalisé dans ce travail sur l’étude
de la dialectique création d’entreprises et le choix des facteurs de
localisation. Il s’agira dans notre cas d’examiner les facteurs territoriaux qui
sont à la base de la dynamique entrepreneuriale que connait la wilaya de
Bejaia depuis quelques années. Pour cela notre recherche sera basée, d’une
part, sur l’exposition d’une revue de la littérature qui tend à délimiter autant
que possible les contours théoriques des déterminants de la création
d’entreprises et du choix de la localisation. Nous tenterons dans un second
temps d’identifier les facteurs territoriaux de création et de localisation des
entreprises dans un territoire marqué par des pratiques économiques, sociales
et culturelles spécifiques : la wilaya de Béjaia. C’est en ce sens qu’une
enquête de terrain a été menée auprès d’un échantillon d’entreprises (petites
et moyennes entreprises) appartenant à différents secteurs d’activités. Cette
enquête a été complétée par une série d’entretiens semi directifs auprès de
quelques entrepreneurs du territoire d’étude.
1. La théorie de choix de la localisation des entreprises :
repères historiques
Les théoriciens néoclassiques ont développé la théorie de la localisation.
Dans cette dernière, la localisation pour une firme est libre et mobile,
contrairement au reste des variables de leur modèle de base. Il s’agit d’une
approche statique de la localisation. Tout le souci de la théorie néoclassique
est de montrer les conditions d’apparition de l’optimum (au sens de Pareto)
[Aydalot Ph, 1985].Weber (1909) a, dans ce sens, développé un modèle qui
représente les conditions d’équilibre partiel, qui est atteint moyennant des
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mécanismes d’ajustements prix /quantités. Dans celui-ci deux facteurs
peuvent être à l’origine de l’éloignement de la firme de son point de coût
minimum de transport faisant donc infléchir sa localisation optimale : il y a
d’abord l’impact d’une source de main d’œuvre abondante et bon marché,
ensuite l’existence d’économies externes liées au phénomène
d’agglomération des activités. Dans le modèle néoclassique en général,
l’espace est dépourvu de valeurs socioculturelles et autres. Il ne représente
qu’un simple contenant d’hommes. La théorie de la productivité marginale1
est alors utilisée par les théoriciens néoclassiques pour définir l’optimum.
Dans une approche internationale, seuls les biens sont mobiles, par contre
au niveau national, les facteurs de production sont immobiles. « Comme tout
est transportable (sauf les dotations aux ressources naturelles et au climat),
les néoclassiques remplacent l’immobilité des facteurs par les coûts de
transport des biens. L’équilibre ne reposera plus alors sur les seules
spécialisations inter spatiales, mais passera par les déplacements des
facteurs de production. Cela va permettre la démonstration de la
convergence des productivités marginales et de déboucher sur une
formulation de l’optimum. » [Courlet C, 2001. Page 14]. Le fait est que dans
la théorie néoclassique, les déséquilibres spatiaux sont le produit du
phénomène de friction. Ils sont de ce fait transitoires et ont tendance à
s’annuler suite aux forces du marché.
L’émergence du territoire dans la théorie économique est redue possible à
partir de 1920 grâce aux travaux de Alfred Marshall. Ce dernier soutient que
la proximité des entreprises leur permettrait de bénéficier d’externalités
positives conduisant à la réduction des coûts de production. Il insiste sur
l’importance de formes industrielles organisées au niveau local, caractérisées
par des formes de relations non transactionnelles entre les agents
[Zimmermann J-B, 2008. Page 108]. Ses travaux furent par la suite la source
d’inspiration d’une multitude de travaux : systèmes productifs locaux,
districts industriels, milieux innovateurs. Le modèle de l’équilibre spatial a,
par la suite, donné naissance à des débats conduisant au développement
d’une multitude d’analyses critiques. Celles-ci réfutent l’idée de l’existence
d’inégalité dans l’espace et insistent sur le caractère déséquilibré de la
croissance et sur l’existence de disparités régionales.
Predhol introduit en 1928 la substituabilité des facteurs, où la localisation
est considérée comme un facteur de production à part entière. L’entreprise
choisi de façon simultanée une localisation et une combinaison de facteurs
lui permettant de minimiser l’ensemble de ses coûts. En 1929, est introduite,
par le biais des travaux de Hotteling, la notion de concurrence spatiale
[Zimmermann J-B, 2008. Page 108].
1 Egalisation du prix d’un facteur avec sa productivité marginale.
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Dans la théorie du déséquilibre cumulatif de G.Myrdal, l’aboutissement à
une situation d’équilibre n’est pas quasi-automatique. Le processus de
développement dans sa conception s’accompagne de deux effets dont les
natures sont complètement contradictoires : les effets de remous (back-Wash
effects) et les effets de propagation (spead effects). Les premiers font
référence aux mouvements migratoires des populations et même du capital
des zones périphériques et pauvres vers les régions en expansion. Les effets
cumulatifs sont alors négatifs dans les zones pauvres et positifs dans les
zones riches. Etant donné que ces dernières seront plus concurrentielles, du
fait qu’elles produisent en régime de rendements décroissants, les zones
pauvres assistent dans ces conditions au ralentissement de leur rythme de
croissance. La seconde catégorie d’effets se vérifie à travers un mouvement
centrifuge des régions développées vers ses voisines qui est le résultat de
l’expansion rapide des premières faisant que leur demande de matières
premières et de produits agricoles augmente. « Quand les effets de
propagation sont suffisamment forts pour contrebalancer les effets de
remous, il est alors possible d’assister à la formation d’un nouveau centre
de développement. » [Courlet C, 2001. Page 15].
Malgré leur pertinence, les premiers modèles de localisation se sont
révélés insuffisants pour expliquer les différences en matière de localisation
des firmes au sein de territoires présentant pourtant des caractéristiques
similaires. A partir des années soixante, une nouvelle théorie voit le jour,
développée par F. Perroux, en l’occurrence « la théorie des pôles de
croissance ». Celle-ci stipule que le développement du processus de
production (progrès techniques) appliqué dans une branche aura des effets
d’entraînement auprès des branches en lien avec celle-ci. Cette théorie
repose, pour ainsi dire, sur la notion d’industrie motrice.
Plus récemment, une nouvelle conception est développée qui est assise sur
une nouvelle configuration territoriale, notamment : le district industriel qui
est à la base des « Systèmes Productifs Localisés » (SPL). C’est ainsi que le
concept de district industriel, après plusieurs décennies de marginalisation et
d’oubli, a réapparu vers la fin des années 70 et le début des années 80 dans
les travaux de chercheurs italiens qui travaillaient sur les régions de la
troisième Italie (l’Italie du Nord-est et du Centre). L’analyse fait le lien avec
l’économie industrielle grâce aux travaux de Becattini.
2. Les déterminants du choix de la localisation des entreprises
et la dynamique entrepreneuriale : quelles interactions ?
L’intention d’entreprendre est la résultante de la combinaison simultanée
de deux catégories de facteurs : des facteurs personnels et des facteurs
contextuels. La première catégorie de facteurs a trait à la personnalité de
l’entrepreneur, ses motivations, ses compétences et son expérience
29
professionnelle. La seconde catégorie, quant à elle, est liée à l’état des
marchés et à l’environnement socioéconomique [Levratto et al, 2013. Page
4].
Par ailleurs, dans la théorie traditionnelle du commerce international, c’est
la dotation des territoires en ressources qui expliquerait la répartition non
uniforme des activités. Dans ce contexte, les entreprises sembleraient avoir
des préférences pour certains attributs propres à certains sites [Costes N,
2008. Page 20]. Toutefois, la limite majeure de cette théorie réside dans son
incapacité à expliquer les différentiels de développement entre régions à
dotations similaires, de même qu’elle n’est pas susceptible d’apporter des
éléments explicatifs du phénomène de concentration d’activités.
Les tentatives d’appréhension des déterminants du choix de la localisation
des entreprises et des activités et de la dynamique entrepreneuriale ont mis
en avant l’existence d’une corrélation positive entre la propension à créer des
entreprises et les économies d’agglomération et d’urbanisation. Ces
dernières représentent des facteurs explicatifs de la dynamique
entrepreneuriale en milieux urbains. Mais ce ne sont pas les seuls éléments
explicatifs de la dynamique entrepreneuriale car des facteurs invisibles y
sont directement associés tels que l’identité locale, la culture, les
comportements…etc.
Le rapprochement entre l’économie industrielle et l’économie spatiale
permet de traiter des interactions existantes entre l’organisation des activités
dans l’espace et la création de nouvelles unités. Certains auteurs évoquent à
ce titre les « économies d’agglomération » qui se déterminent à travers la
croissance du bénéfice réalisé par une entreprise en s’implantant à proximité
d’autres unités. Il faut dire qu’il y a au moins trois raisons qui peuvent
justifier le choix d’implantation à proximité d’autres firmes : un marché
commun se crée au profit des salariés ayant des qualifications spécifiques
réduisant le risque de se retrouver au chômage, les industries implantées
peuvent « soutenir la production d’intrants spécialisés non échangeables »,
les « spillovers » en matière d’information peuvent donner aux firmes
regroupées une meilleure fonction de production, comparativement aux
firmes isolées [Dejardin M, 2010. Page 64].
Les entreprises, selon Crozet et Mayer, sont contraintes de faire des choix
de localisation en tenant compte de tous les avantages et les inconvénients de
ces choix. Le choix de la localisation représente une décision fondamentale,
irréversible qui conditionne l’existence et l’avenir de l’entreprise. Le choix
de la localisation est sensible aux caractéristiques exogènes des territoires
qui sont naturellement dotés en facteurs et en ressources, susceptibles
d’influencer la productivité et les profits des entreprises [Crozet et Mayer,
2002. Page 50]. Cependant, la propagation du phénomène d’agglomération
des firmes laisse clairement penser que le choix de la localisation d’une
entreprise est influencé par les choix des autres firmes. La concentration
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territoriale, autrement dit la localisation des firmes dans un même site
permettrait à celles-ci de profiter d’externalités positives. Elle permettra à
l’entreprise de bénéficier davantage des rapports de coopération, de faciliter
la circulation de l’information et donc l’accès à celle-ci, maximiserait la
recherche de meilleurs intrants, permettrait la réduction des coûts de
transactions. Au regard des nombreuses études menées sur le phénomène de
concentration d’entreprises (districts industriels italiens, systèmes productifs
locaux, clusters géographiques), la catégorie de PME (Petites et Moyennes
Entreprises) serait la plus dynamique en termes de nombre d’unités créées.
Plus explicitement, ces pôles de concentration jouent le rôle d’incubateur
dans le sens où ils représentent pour les entrepreneurs débutants le lieu
privilégié pour entamer une nouvelle expérience, explorer de nouveaux
horizons.
D’autres auteurs insistent sur le fait que la dynamique entrepreneuriale et
la dotation en ressources ne soient pas les seuls déterminants du choix de
localisation des entreprises. En effet, bon nombre d’entrepreneurs
s’installent dans des régions parce qu’ils y sont natifs ou encore résidents.
Cette immobilité est accentuée par le poids des obligations familiales et
l’importance relative du coût de la mobilité géographique. D’un autre coté,
cette immobilité leur permet de tirer profit d’un capital relationnel construit
depuis l’enfance (relations de voisinage, amicales ou familiales). La
proximité géographique s’assimile davantage à une proximité cognitive et
sociale contribuant à avantager l’entrepreneur dans sa nouvelle vie
professionnelle tout en minimisant l’incertitude liée au territoire dans lequel
il compte s’insérer [Boutillier et Kizaba. 2011. Page 9].
3. Méthodologie d’approche du terrain
Notre première tâche consiste à déterminer la population ciblée par
l’enquête. Il s’agit, dans ce cas précis, de l’ensemble de la population de
petites et moyennes entreprises (PME) sises dans la région étudiée, en
particulier celles qui sont implantées dans les zones industrielles et
d’activité.
3.1. Objectifs, échantillonnage et outils méthodologiques de
l’enquête
Nous somme conscients que cibler l’ensemble des entreprises de la wilaya
de Béjaia est quasiment impossible pour diverses raisons (manque de temps,
importance du nombre de sujets à interroger, manque de coopération des
répondants, coûts de financements élevés…), aussi, passer par un
31
échantillonnage2 est aussi bien inévitable qu’indispensable. Pour ce faire,
nous avons procédé par plusieurs étapes : dans un premier temps nous avons
délimité la population de PME de la wilaya de Béjaia via la consultation du
fichier alphanumérique de la direction de la PME et du de la CNAS (Caisse
Nationale des Assurances Sociales) afin de pouvoir sélectionner un
échantillon représentatif tout en essayant de cibler l’ensemble des secteurs
représentés au sein de la région d’étude ; dans un second temps, il a été
procédé à la distribution d’un questionnaire qui a été complété par des
guides d’entretiens semi directifs3.
3.2 . La structure de l’échantillon
Les statistiques officielles fournies par la direction de la petite et
moyenne entreprise de la wilaya de Béjaia ainsi que le fichier de la CNAS,
nous ont permis d’identifier les secteurs d’activités présents et surtout ceux
qui prédominent sur le territoire étudié. Sous la contrainte de temps et celle
des coûts, nous avons réduit l’échantillon cible à 98 entreprises. Le tableau
1, fournit une synthèse des entreprises visées dans chaque secteur d’activité,
ainsi que leurs taux de réponses respectifs.
Tableau 1 : Taille et structure de l’échantillon visé et final
Source : élaboré par nos soins à partir de l’investigation de terrain.
Béjaia. 2015.
2 Nous avons procédé par un échantillonnage aléatoire. Ce choix est justifié par les
difficultés rencontrées lors de la détermination des strates homogènes de la
population à étudier et des quotas lors de l’application de l’échantillonnage stratifié. 3 Il est nécessaire de préciser que dans le souci de tester la faisabilité de l’enquête,
cette phase a été précédée par une période de pré-enquête dont l’objectif était de
percevoir les manques, ambiguïtés, insuffisances du questionnaire d’une part et de
l’échantillon constitué, d’autre part.
Secteurs d’activité
Echantillon visé Nombre de
répondants
Taux de
réponse
Agroalimentaire 23 18 78,26
BTP 17 11 64,71
Chimie, Caoutchouc et plastique 16 11 68,75
ISMME 13 8 61,54
Bois, papier et emballages 11 5 45,45
Industrie textile 9 5 55,56
Services 9 4 44,44
Total 98 62 63,27
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Notre échantillon final est composé de 62 entreprises réparties sur sept
secteurs d’activités. Nous estimons avoir obtenu des taux de réponses assez
satisfaisants pour chaque secteur d’activités (voir tableau 1). Par conséquent,
notre échantillon final est constitué à prés de 29,03% de PME appartenant au
secteur agroalimentaire, suivi des secteurs du BTP et de l’industrie
chimique avec 11 entreprises pour chacun des secteurs respectivement
(représentant 17,74% de l’échantillon final), de 8 unités appartenant aux
ISMME ( ce qui représente 12,90% du total des entreprises répondantes) , 5
unités pour chacun des secteurs de l’industrie du bois et du papier et celle du
textile (avec des taux de 8,06% respectivement) et 4 entreprises du secteur
des services (soit 6,45%). Nous faisons remarquer que l’importance des non
réponses est justifiées par le refus catégorique de certains chefs d’entreprises
de coopérer, la non restitution des questionnaires par certains d’entre eux ou
encore la restitution de questionnaires non remplis ou mal remplis sous
prétexte de manque de temps ou du caractère confidentiel de certaines
informations.
4. Présentation et interprétation des résultats de l’enquête
Après la présentation d’un aperçu des caractéristiques de notre échantillon,
nous nous attarderons sur le profil des entrepreneurs interrogés, leurs
motivations à créer des entreprises et enfin à l’examen des facteurs de choix
de la localisation.
4.1. Caractéristiques générales de l’échantillon
Plus de trois quart des entreprises de l’échantillon (47 unités représentant
75,81% de la totalité de l’échantillon) sont de petite taille (employant de 10 à
49 salariés). Ces données correspondent assez bien à la tendance nationale
où la quasi-totalité de la population d’entreprises est représentée par des
unités de petite taille. Une grande partie des entreprises interrogées (soit 38
unités représentant 61,29% de l’échantillon) ont été créées durant les cinq
dernières années, ce qui témoigne de leur jeunesse mais aussi d’une
dynamique entrepreneuriale assez singulière, sans doute encouragée par le
cadre règlementaire et institutionnel. De plus, l’échantillon est composé de
40 unités nouvellement créées (soit 64,52% de l’échantillon) et de 22
reprises dont 14 cas de reprises d’entreprises familiales et 8 cas de reprises
d’autres entreprises (voir tableau 2).
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Tableau 2 : Répartition des entreprises de l’échantillon par
tranches d’effectif employé, la période de création et la nature de la
création Taille de l’entreprise Fréquences Pourcentage
Micro-entreprises [1-9 salariés] 1 1,61
Petite entreprises [10-49 salariés] 47 75,81
Moyenne entreprise [50-250 salariés] 14 22,58
Total 62 100,0
Période de création Fréquence Pourcentage
Moins de 3ans 12 19,35
[3-5ans] 26 41,94
Plus de 5ans 24 38,71
Total 62 100,00
Nature de création Fréquence Pourcentage
Nouvelle création 40 64,52
Reprise d’entreprise familiale 14 22,58
Reprise d’une autre entreprise 8 12,90
Total 62 100,00
Source : enquête de terrain, Béjaia. 2015.
4.2. Profil des entrepreneurs enquêtés
Il s’agit, dans ce qui suit, de s’attarder sur les caractéristiques
socioculturelles de cet acteur clé du dynamisme économique, notamment : le
genre, l’âge, le niveau d’instruction et les motifs de création.
Tableau 3: Répartition des entrepreneurs enquêtés selon l’âge, le
genre, et le niveau d’instruction Age freq % Genre freq % Niveau
d’instruction
freq %
[30-39 ans]
[39-49 ans]
[49-59 ans]
59 ans et plus
11
33
15
5
17,74
53,23
24,19
4,84
Masculin
Féminin
57
5
91,94
8,06
Secondaire
Universitaire
Formation
professionnelle
5
27
30
8,06
43,55
48,39
Total 62 100,00 Total 62 100,00 Total 62 100,00
Source : enquête de terrain, Béjaia. 2015.
Les entrepreneurs de notre échantillon sont majoritairement des hommes (à
plus de 91% de la population interrogée), âgés de 39 et 59 ans (cette tranche
d’âge représente plus de 77 de la population enquêtée). Ceci dénote que ce
sont des entrepreneurs dotés d’une certaine maturité, en quête d’une stabilité
34
sociale et professionnelle. Dans 27 cas (soit 43,55% de l’échantillon), ils
sont diplômés, ce qui témoigne de l’existence d’une corrélation positive
entre le niveau d’instruction et la dynamique entrepreneuriale. Cependant,
les diplômés de la formation professionnelle ont plus tendance à créer des
entreprises.
Concernant les facteurs ayant motivé les entrepreneurs, le tableau qui suit
établi une synthèse des réponses fournies à ce sujet4 :
Tableau 4: Facteurs ayant motivé la création
Motifs de création Fréquence pourcentage
Opportunité d’affaire 20 32,26
Participer au développement de la
région
23 37,10
Imitation d’une réussite familiale 8 12,90
Créer son propre emploi 29 46,77
Expérience professionnelle dans le
domaine
18 29,03
Exercer un métier ancestral 7 11,29
Autres motifs 3 4,84
Source : enquête de terrain, Béjaia. 2015.
Près de la moitié des entrepreneurs interrogés (soit plus de 46% de
l’échantillon) se sont lancés dans l’aventure entrepreneuriale pour échapper
au chômage. Les entretiens ont révélés que ce motif est d’autant plus présent
chez les entrepreneurs issus de la formation professionnelle ou encore les
entrepreneurs diplômés d’universités mais qui estiment que leurs spécialités
ne sont pas demandées sur le marché du travail. Néanmoins, ils témoignent
ouvertement de leur désir de participer au développement régional (soit 23
cas représentant 37,10% de l’échantillon). Vient en troisième position, le
motif de l’existence d’une opportunité d’affaire, avec 20 répondants. D’après
les entretiens réalisés, il s’agit dans ce cas de saisir l’occasion d’une
conjoncture favorable à l’investissement, d’un marché vierge ou encore d’un
secteur à forte demande. L’expérience professionnelle est un déterminant de
la dynamique entrepreneuriale puisque 18 entrepreneurs ont déclaré que
l’expérience antérieure, que ce soit dans le domaine dans lequel ils ont
investi ou dans d’autres (gestion, technique…), a influencé leur décision lors
du processus de création de leurs entreprises. Dans huit cas, les
entrepreneurs ont déclaré que le fait d’avoir un ou plusieurs entrepreneurs
dans leur entourage (familial ou amical) les a fortement incités à en faire
autant. Seulement sept entrepreneurs ont déclaré avoir exercé un métier
ancestral. Plus encore, les aides publiques semblent n’avoir aucun impact sur
la décision de création de PME pour notre échantillon. Dans la catégorie
4 La question comportant des réponses multiples, le logiciel SPSS a permis de
synthétiser les réponses les plus fréquentes.
35
« autres motifs», la disponibilité des capitaux est le facteur le plus évoqué
en ce sens que celle-ci représente une composante basique de la décision de
création d’entreprises. De sorte que les interrogés ont affirmé que le manque
de moyens financiers constituerait à coup sure un frein à la création
d’activités.
4.3. Dialectique choix des facteurs de localisation et
dynamique entrepreneuriale L’objectif de cette partie consistera à analyser les principaux facteurs de
choix de la localisation pour la population étudiée. C’est dans ce contexte
que nous allons, dans un premier temps, vérifier l’existence d’une logique de
territoire, étant donné que celle-ci peut être conçue, selon nous, comme une
ressource territoriale et entrepreneuriale non négligeable. Dans un second
temps, seront examinés les facteurs qui sont à l’origine du choix de la
localisation et ceux qui sont à l’origine du choix du secteur d’activité ainsi
que l’existence de relations interentreprises susceptibles de mettre en
exergue le rôle des proximités.
4.3.1. L’attachement au territoire : une ressource territoriale
décisive L’approche que nous adoptons consiste à vérifier l’existence d’une
logique de construction de ressources susceptibles de conférer au territoire
étudié un avantage compétitif à même de constituer une source d’attractivité
territoriale.
Tableau 5: Degré d’attachement à la région
Degré d’attachement Fréquences Pourcentage
Très important 34 54,84
Important 23 37,1
Peu important 5 8,06
Total 62 100,0
Source : enquête de terrain, Béjaia. 2015.
Les résultats de l’enquête attestent du caractère déterminant de
l’attachement à la région. De sorte que la majorité des répondants affirment
être très attachés (soit 34 répondants représentant prés de 54,84% du total
des réponses collectées) ou simplement attachés (avec 23 répondants dans ce
sens, représentant plus de 37% des réponses obtenues) à la région. Ce
constat nous pousse dans ce cas à avancer deux hypothèses (suppositions) :
la première est qu’être natif de la région et/ou résident dans celle-ci confère à
ces entrepreneurs un sentiment d’appartenance à une communauté, à un
système de valeurs et qui semblerait être un facteur déterminant en matière
de choix de la localisation ; la seconde est que le choix de la localisation
pour ces entrepreneurs est davantage lié à une immobilité professionnelle.
36
Pour vérifier les hypothèses avancées, nous allons procéder à la répartition
des entrepreneurs selon leur lieu de naissance et de résidence (voir tableau
6).
Tableau 6: répartition des entrepreneurs enquêtés selon leur lieu de
naissance et de résidence Lieu Lieu de
naissance
% Lieu de résidence %
Wilaya de Béjaia 61 98,39 62 100,0
0
Autres wilaya 01 1,61 00 00,00
Total 62 100,0
0
62 100,0
0
Source : enquête de terrain, Béjaia. 2015.
Les résultats de l’enquête montrent qu’hormis un seul entrepreneur, la
majorité écrasante des entrepreneurs sont natifs de la wilaya de Béjaia. Bien
plus, la totalité des entrepreneurs enquêtés résident dans la wilaya. Ceci
confirme à priori l’hypothèse selon laquelle être natif et/ou résident de la
région est un facteur clé de dynamisme entrepreneurial voire en matière de
choix de la localisation. Mais, il peut également supposer que les
entrepreneurs manquent de mobilité professionnelle. Cette hypothèse a été
d’ailleurs confirmée par les entretiens, où les entrepreneurs ont clairement
avoué que leurs responsabilités familiales entravaient leur mobilité
professionnelle.
Nous avons entrepris d’interroger les entrepreneurs ciblés par l’enquête
sur la perception qu’ils ont du territoire. Le tableau 7 résume les réponses
collectées :
Tableau 7 : Répartition des entrepreneurs de l’échantillon selon leur
conception du territoire
Conception du territoire Fréquence Pourcentage
Comme sources de facteurs de production 5 8,06
Comme espace à construire et à
développer
57 91,94
Total 62 100,00
Source : enquête de terrain, Béjaia. 2015.
Les résultats du tableau 7 concluent sur le fait que la majorité écrasante des
répondants (soit 57 répondants représentant plus de 91% du total des
réponses), considèrent le territoire comme un espace à construire et à
développer. Nos entretiens sur cet aspect, ont révélé que les enquêtés
considèrent qu’ils contribuent efficacement au développement territorial
dans le sens où leurs entreprises créent des postes d’emplois pour la
population locale, fournissent des ressources fiscales aux collectivités
37
locales, répondent à la demande en biens et services de la population locale
et génèrent de la valeur ajoutée.
Même si la logique de perception du territoire adoptées par les
entrepreneurs peut paraître assez simple et rudimentaire, il n’empêche qu’on
peut prétendre que celle-ci sous tend une ébauche de logique territoriale.
Cette dernière est plus que nécessaire, à notre sens, pour le développement
de la dynamique entrepreneuriale et territoriale dans la région d’étude.
4.3.2. Les facteurs de choix de la localisation
La question relative aux facteurs qui sont à l’origine du choix de la
localisation étant à réponses multiples, plusieurs combinaisons ont été
dégagées. Une synthèse des réponses sont fournies dans le tableau 8.
Tableau 8 : Facteurs à l’origine du choix de la localisation
Facteurs de localisation Oui Non Total
Disponibilité de ressources et d’infrastructures 21 41 62
Proximité du lieu de résidence 30 32 62
Proximité du marché 22 40 62
Connaissance de la région 18 44 62
Aides publiques 2 60 62
Source : enquête de terrain, Béjaia. 2015.
La lecture du tableau 8 nous renseigne sur le poids de chaque facteur dans
le choix de l’implantation de l’entreprise. A partir de là, prés de la moitié des
répondants (soit 48,39% du total des réponses) affirment que la proximité
du lieu de résidence est le facteur clé du choix de la localisation. Ceci
témoigne une fois de plus de l’attachement manifesté par les enquêtés à la
région mais également de leur immobilité professionnelle. En vue d’éclaircir
ce point, nous avons entrepris d’interroger les entrepreneurs. Ces entretiens
ont révélé que ceux-ci soient en effet attachés à la wilaya de Béjaia mais
aussi n’ont pas tendance à prendre des risques en s’aventurant sur des
terrains qui leur sont inconnus. De plus, leurs responsabilités familiales est
un élément à prendre en compte puisque celles-ci limitent leur mobilité
professionnelle.
Plus d’un tiers des répondants affirment l’importance de l’existence d’un
marché en amont et en aval, la proximité du marché est classée au second
rang. Ce constat permet d’avancer l’existence d’une corrélation positive
entre la proximité géographique et le choix de la localisation des entreprises.
A une réponse près, la disponibilité des ressources et des infrastructures de
base est le troisième facteur de choix de localisation au sein de la population
enquêtée, avec 21 répondants (soit 33,87% du total des réponses). En effet,
la wilaya est bien dotée en ressources au sens large (réseau électrique
38
couvrant la majeure partie du territoire régional, gaz et eau ainsi qu’une main
d’œuvre détenant une diversité de compétences…). Elle dispose d’un réseau
routier relativement important, d’un aéroport, d’une infrastructure ferroviaire
et d’un port pétrolier et commercial classé troisième en termes d’importance
du trafic derrière celui de la capitale Alger et de la wilaya d’Oran. La wilaya
de Béjaia compte, par ailleurs, trois zones industrielles5 dans les communes
de Béjaia, d’El Kseur et d’Akbou et d’une trentaine de zones d’activités
dispersées sur l’ensemble de son territoire.
Pour 18 répondants, la connaissance de la région est un facteur qui a son
poids lors du processus de choix de la localisation, ce facteur est classé au
quatrième rang (ce facteur représente une part de 29,03% du total des
réponses obtenues). Investir et s’implanter dans une région qu’ils
connaissent est, selon ces créateurs, un avantage à exploiter d’autant plus
que ceci leur permet de faire appel à des personnes de leur entourage en
particulier lorsqu’il s’agit d’accélérer les formalités administratives,
extrêmement longues, d’une part, et d’embaucher des personnes de leur
famille (caractère familial des PME algériennes), d’autre part. Ce capital
relationnel est une ressource non négligeables qui est davantage assimilée à
une ressource cognitive autrement dit liée à des considérations
socioculturelles (sentiment d’appartenance, relations de confiances, de
réciprocité…). Le capital social peut en ce sens représenter une ressource
potentielle de développement local et territorial qui est à même de soutenir la
dynamique entrepreneuriale. Sa valorisation facilite l’insertion de l’individu
dans son milieu socioprofessionnelle et lui permet de tirer les ressources
nécessaires au démarrage de son affaire (moyens de financements,
connaissances et capital relationnel) [Boutillier S, 2005]. Avec seulement 2
répondants, les aides publiques ne représentent pas un facteur déterminant
lors du choix de la localisation des entreprises. Ceci est sans doute rendu au
fait qu’en dépit des efforts déployés par la puissance publique, l’offre de
foncier industriel reste en deçà de la demande exprimée. L’Etat n’a alors
qu’un pouvoir limité en matière de localisation des entreprises.
Au final, les résultats ainsi analysés attestent du fait que le choix de la
localisation pour l’échantillon étudié, obéit non seulement à des facteurs
traditionnels et objectifs (disponibilité des ressources, d’infrastructures de
base…), mais également à des considérations sociales et cognitives
(attachement à la région, sentiment d’appartenance, existence d’un système
de valeurs communes).
5 A noter qu’une nouvelle zone industrielle vient d’être inaugurée au niveau de la
localité de Beni Maouche.
39
4.3.3. Le triptyque choix de la localisation/ choix du secteur
d’activité/ origine des inputs
La finalité de la présente partie est de chercher à déterminer si le choix de
la localisation est influencé par l’origine des inputs qui seront utilisés dans
les entreprises créées ? Autrement, si les entrepreneurs enquêtés tiennent
compte de cet aspect et dans quelles proportions ? Une synthèse des résultats
est fournie dans le tableau ci-après :
Tableau 9 : Tableau croisé origine des matières premières/ facteurs
sectoriels d’implantation6
Source : enquête de terrain, Béjaia. 2015.
L’analyse des résultats de ce tableau nous permet de tirer des
conclusions sur un élément crucial pour l’entrepreneur : la proximité. En
effet, bien que des relations commerciales de type clients-fournisseurs
semblent exister entres les entreprises enquêtées, celles-ci sont jugées
insuffisantes eu égard aux potentialités existantes. L’approvisionnement en
matières premières se fait aussi bien auprès d’entreprises de la wilaya,
d’autres wilayas que de pays étrangers (même si leur fréquence est plus
faible).
On dénote, par ailleurs, la faiblesse des entreprises ayant des
relations avec des unités de même secteur d’activité. Le lien avec ces
dernières est généralement limité à de simples relations de voisinage
imposées par la proximité géographique. Pour expliquer ce type de
comportements, les entretiens ont révélé que les entreprises de même secteur
d’activité sont davantage assimilées à des concurrents potentiels ou effectifs,
rien de plus. Les répondants ont par la même occasion révélé qu’ils
n’envisageaient aucunement d’entretenir des relations de coopération avec
leurs prétendus concurrents. Cet état de fait, peut, à notre sens, constituer un
6 La construction du tableau croisé a été réalisée à l’aide du logiciel SPSS.
7 Cette question a comporté 4 non réponses.
Facteurs sectoriels d’implantation
Origine matières premières Total
Même
zone
d'activité
De la wilaya
de Béjaia
D'autres
wilayas
De pays
étrangers
proximité entreprise même secteur 5 6 7 4 11
proximité d’entreprises
complémentaires
6 7 10 4 13
Proximité des fournisseurs 11 13 9 2 19
Proximité entreprises clientes 16 19 18 6 28
Autres 3 7 3 2 10
Total 25 36 32 14 587
40
véritable obstacle au développement d’une dynamique entrepreneuriale et
territoriale.
Les entretiens menés ont également mis à jour un autre constat majeur,
l’implantation au sein des zones industrielles et d’activité (pour les
entreprises concernées) s’est fait non pas pour tirer profit des bienfaits de la
proximité autrement les économies d’agglomération, mais plutôt parce que
ces zones permettaient d’accueillir les entreprises industrielles dont la
nature des activités nécessite des terrains qui vont accueillir la construction
d’usines, d’ateliers de fabrication…
Le reste des entrepreneurs ayant choisi d’opter pour la catégorie « autres
raisons » ont justifié leur choix soit parce que le secteur investi est vierge,
soit parce qu’il s’agit de secteurs qui offraient beaucoup de perspectives de
profit étant donné l’existence d’une demande en pleine expansion.
4.3.4. La main d’œuvre comme facteur de localisation
La présence dans les pays en développement d’une main d’œuvre jeune,
abondante qui soit dotée d’un savoir-faire et en ingéniosité constitue un
facteur d’attractivité territoriale. Nous tenterons, dés lors, de vérifier ce
constat pour notre échantillon.
Tableau 10: Origine géographique des salariés
Origine géographique Effectifs Pourcentage
Wilaya de Béjaia 53 85,48
Autres régions 7 11,29
Non réponse 2 3,23
Total général 62 100,0
Source : enquête de terrain, Béjaia. 2015.
La majorité des entreprises emploient des salariés originaires de la wilaya
de Béjaia, à savoir plus de 85% des entreprises répondantes. Une part
relativement faible d’entreprises (soit 7 unités représentant 11,29% de la
population totale d’entreprises enquêtées), emploient des salariés originaires
d’autres régions. Dans 2 cas, (soit 3,23% du total des enquêtés), aucune
réponse à la question n’a été fournie. En cherchant à comprendre la raison de
cette abstinence, les enquêtés ont affirmé ignorer l’origine précise de leurs
salariés.
La qualification des salariés constitue dans la théorie économique un
facteur qui a son poids dans l’implantation de l’entreprise. C’est pourquoi
nous avons entrepris d’interroger les entrepreneurs sur cet aspect (voir
tableau ci-après).
41
Tableau 11: La main d’œuvre comme facteur de localisation
Qualifications Oui Non Total
Qualifiée 25 37 62
Détient un savoir-faire 19 43 62
Bon marché 15 47 62
Détient une diversité de compétences 18 44 62
Source : enquête de terrain, Béjaia. 2015.
De ce tableau on apprend qu’une part assez importante de l’échantillon (25
entrepreneurs, soit une part de 40,32%) recrute pour les qualifications
présentées par la main d’œuvre. La détention d’un savoir-faire semble être
le second facteur avec 19 cas (soit une part relative de 30,65%). Dans le
reste des cas, le recrutement s’est fait soit parce que la main d’œuvre détient
une diversité de compétences (18 cas ce qui représente 29,03% de la
population totale d’entrepreneurs) soit parce qu’elle est bon marché (avec 15
cas représentant 24,19% de la population enquêtée).
De ces résultats nous pouvons conclure que le recrutement se fait bien
avant tout pour la qualité de la main d’œuvre mais également pour les
économies procurées en matière de coûts. Les entrepreneurs semblent, par
ailleurs, avoir trouvé sur place, c’est-à-dire à l’échelle locale, les
compétences nécessaires pour démarrer leurs activités. La wilaya de Béjaia
contient un réservoir de main d’œuvre qui pourrait, dans notre conception,
constituer un facteur de choix de la localisation pour les entreprises ce qui
peut être source de dynamisme entrepreneurial voire territorial. Ce réservoir
est susceptible de procurer à la région un avantage concurrentiel qui pourrait
constituer un facteur d’attractivité territoriale.
Conclusion
Les principaux résultats de cette investigation rejoignent pour une grande
part ceux de travaux antérieurs (Boutillier S, 2005), et attestent qu’une
grande partie des entrepreneurs enquêtés ont créés leurs entreprises pour
rester dans la wilaya car ils y sont résidents et/ou natifs d’une part, et parce
que leurs responsabilités familiales entravent leur mobilité professionnelle.
Cet état de fait laisse en suspens la question de l’attractivité du territoire
étudié. En effet, comme le souligne Boutillier en analysant les résultats
d’une enquête menée au Dunkerque (région située au nord de la France),
l’existence de logiques familiales et de projets de vie a fortement contribué à
renforcer l’encastrement territorial de ces entrepreneurs, encastrement qui est
davantage assimilé à un encastrement relationnel [Boutillier, 2005, page 42].
Ce même constat a été vérifié dans le cas de notre échantillon, où les
logiques familiales sont très ancrées dans les pratiques entrepreneuriales.
Bien plus, le territoire représente pour les entrepreneurs interrogés le lieu où
42
se sont construits des réseaux de relations sociales qui forment pour ainsi
dire une proximité cognitive [Boutillier (2005), Boutillier et Kizaba (2011)].
La création d’entreprises pour les enquêtés représente avant tout un moyen
d’échapper au chômage, pratique davantage encouragée par les mesures
incitatives adoptées par les pouvoirs publics. On dénote, entre autres,
l’existence d’une corrélation positive entre le niveau d’instruction des
entrepreneurs interrogés et la décision de se lancer dans le monde des
affaires.
Par ailleurs, le choix de la localisation pour l’échantillon étudié, obéit non
seulement à des facteurs traditionnels et objectifs (disponibilité des
ressources, d’infrastructures de base…), mais également à des considérations
sociales et cognitives. Enfin, la wilaya de Béjaia contient un réservoir de
main d’œuvre qui est susceptible de constituer un facteur de choix de la
localisation pour les entreprises ce qui peut être source de dynamisme
entrepreneurial voire territorial. Ce réservoir est susceptible de procurer à la
région un avantage concurrentiel qui pourrait constituer un facteur
d’attractivité territoriale.
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