Cours sur la société

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Eléments de problématisation sur la notion de société

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Cours La socit

Dfinition : La socit dsigne une entit forme par une diversit d'individus, caractrise par la prsence de rgles constitutives, de normes, censes orienter les rapports, c'est--dire garantir les changes entre les diffrentes composantes. La socit de ne se rsume donc pas une simple question de quantit, elle se distingue donc de la masse (grande quantit de personnes accidentellement regroupes en un mme lieu). Il existe de multiples formes de socits, d'chelles diffrentes (famille, communaut, corporation professionnelle..) dont les rapports ne sont pas toujours fluides en raison du conflit qui peut exister entre leurs normes spcifiques.

Problmes : Les diffrents problmes que pose la socit : Le rapport entre l'individu en tant qu'entit isole et les normes, susceptibles de l'craser ou de restreindre sa libert, en particulier dans leur tendance se transmettre sans lui laisser de marge (question de la tradition).

L'identit produite terme par ces normes, dont la diversit reprsente un dfi la coexistence des hommes issus de socits diffrentes. Les cultures sont autant de mondes issus de la rptition dans le temps de normes qui finissent par gnrer une seconde nature recouvrant et occultant une hypothtique nature humaine, sur la base de laquelle les hommes pourraient esprer changer. Peut-on envisager des liens rels entre des cultures radicalement diffrentes ? Peut-on tablir les limites de sa propre culture et assumer une identit qui n'en soit pas une nime dclinaison ? Sur cette question, coutez le corrig du sujet Toutes les cultures se valent-elles ?

Dans la socit moderne, l'effacement progressif de la tradition comme source de normativit collective, consquence de l'accroissement de l'influence de l'Etat (instance souveraine exerant sur la socit mme un pouvoir indiscutable dans le temps de son application) depuis le 19me sicle dans la constitution du lien social, pose la question de la dtermination consciente des limites d'une part (exemple : euthanasie, avortement, et toutes les questions apportes par l'avance des possibilits techniques) et interroge les modalits de la construction positive du lien. La socit moderne est multiculturelle, mais comment cette diversit peut-elle se structurer en une vritable unit, sans se rsumer une juxtaposition de communauts sans rapport les unes avec les autres ? C'est la question pose par la lacit et son projet d'vacuer tout ce qui pourrait entraver de manire illgitime les changes et l'unit qui en rsulte, entre ses diffrents membres.

I Gense et caractristiques du lien social

A Une ncessit imprieuse...

En fin je vois par nostre exemple, que la societ des hommes se tient et se coust, quelque prix que ce soit: En quelque assiette qu'on les couche, ils s'appilent, et se rengent, en se remuant et s'entassant: comme des corps mal unis qu'on empoche sans ordre, trouvent d'eux mesmes la faon de se joindre, et s'emplacer, les uns parmy les autres: souvent mieux, que l'art ne les eust seu disposer. Le Roy Philippus fit un amas, des plus meschans hommes et incorrigibles qu'il peut trouver, et les logea tous en une ville, qu'il leur fit bastir, qui en portoit le nom. J'estime qu'ils dresserent des vices mesme, une contexture politique entre eux, et une commode et juste societ.Je vois, non une action, ou trois, ou cent, mais des moeurs, en usage commun et reeu, si farouches, en inhumanit sur tout et desloyaut, qui est pour moy la pire espece des vices, que je n'ay point le courage de les concevoir sans horreur: Et les admire, quasi autant que je les deteste. L'exercice de ces meschancetez insignes, porte marque de vigueur et force d'ame, autant que d'erreur et desreglement. La necessit compose les hommes et les assemble. Cette cousture fortuite se forme apres en loix. Car il en a est d'aussi sauvages qu'aucune opinion humaine puisse enfanter, qui toutesfois ont maintenu leurs corps, avec autant de sant et longueur de vie, que celles de Platon et Aristote sauroient faire.Montaigne Les Essais III chap. 9 De la Vanit

Le texte de Montaigne tablit quelques ides essentielles sur la notion de lien social :

L'ide de ncessit : La sociabilit est une donne incontournable pour l'homme, pour la simple et bonne raison que la subsistance l'intrieur d'une ralit instable, hostile, d'une nature sauvage est plus facile une collectivit qu' un individu seul. L'ensemble des besoins auxquels chaque homme est confront ne peut pas tre satisfait par un individu isol. (A cet gard, voir le film de Sean Penn Into the wild L' chec tragique de C.Mac Candless illustre cette valeur profonde de la socit, qui protge l'individu d'un grand nombre de prils). La ncessit compose les hommes et les assemble...Pour sortir d'une telle pense, il faut se rfrer Nietzsche et son effort pour valoriser le singulier par rapport l'illusoire valeur du collectif (Gnalogie de la morale 11 Bon et mchant / Bon et mauvais)

La pluralit des formes possibles : cette couture fortuite se forme aprs en lois Mme si le mouvement qui conduit les hommes former des socits semble universel, le rsultat produit est fortuit,contingent autrement dit, il existe une quantit infinie de formes de liaison, couture, corps possibles, ce qui pose la question du critre. Existe-t-il un critre pour dterminer la qualit d'un lien social ? Cette question est d'autant plus difficile qu'on se situe toujours l'intrieur d'une socit. Montaigne nous prvient contre la tentation d'appliquer un critre comme celui de la justice une ralit qui se situerait dans une espce de transcendance par rapport nos catgories de jugement. Ce qui fait qu'une diversit s'quilibre, tient dans le temps et assume sa fonction chappe la comprhension de celui qui se trouve inclus dans cet ordre.

Une quivalence des formes de socit ? Cet avertissement de Montaigne alimente un souci de respect, de tolrance et s'efforce d'viter les valuations trop rductrices et arrogantes. Le meilleur exemple de cette ide nous est livr par le film de Lars Von Trier, Dogville, fable dans laquelle on assiste la tragdie initie par toute posture transcendante qui prtendrait changer l'homme. Grace (symbole de la transcendance religieuse) et Tom, (symbole de la transcendance philosophique et littraire), contribuent, par leur refus de prendre les hommes tels qu'ils sont, (forms dj certaines coutumes comme dit par ailleurs Montaigne), dtruire l'quilibre modeste mais paisible de cette petite cit. Tout le film, y compris dans la facture de sa mise en scne, interroge cette pseudo vision transcendante dont certains hommes se rclament pour amliorer, rformer les autres.

B Que recouvrent les interdits sociaux ? La fausse navet des tabous

Pierre Clastres confirme l'analyse de Montaigne, qui nous enjoint une grande modestie dans l'analyse de la notion de socit et nous met son tour en garde contre toute forme d'ethnocentrisme (illusion de la supriorit de sa propre culture par rapport aux autres, rduites une approche caricaturale).

P.Clastres nous montre les diffrents niveaux d'approche d'une norme sociale. L'exemple donn par le tabou qui frappe la consommation de viande par le chasseur chez les Indiens Guayaki. Cette norme est absolue, il est radicalement interdit au chasseur de consommer la viande de sa propre chasse. Ce qui est noter, c'est la distorsion qu'il y a entre la justification officielle de ce tabou et sa valeur relle. Ainsi, la raison invoque pour justifier cet interdit est que l'enfreindre pourrait amener le mauvais sort, alors qu'en ralit, il s'agit d'un principe structurant l'ensemble de l'conomie (organisation des conditions de la subsistance alimentaire du groupe) et donc l'quilibre de toute la socit. L'interdiction a en ralit une vertu positive, celle de crer une interdpendance(faire confiance) forte et une galit entre tous les membres de la socit et de la renforcer. Il est donc dangereux de prtendre appliquer des jugements trop rapides sur la valeur d'une coutume, mme si elle semble injuste, illgitime, infonde, irrationnelle...Cette prcaution nous permet donc de mesurer quel point la lien social peut tre impensable, que ce soit le ntre pour nous-mmes ou celui des autres. (Sujet de dissertation possible : Suffit-il d'tre cultiv pour chapper sa culture ?)

Toute socit, pour assurer sa survie, se doit donc d'organiser de faon stricte un certain nombre d'impratifs, au nombre desquels, les principaux sont la nourriture, la reproduction et la gestion globale de l'absurde donc de la temporalit (maladie, mort, violence, guerres, catastrophes) ce dernier point tant une menace profonde contre tout lien social. Les normes sociales sont donc autant de rponses particulires ces enjeux fondamentaux.

C Des interdits ncessaires et contingents ? la difficile question de la culture...

Dans ce processus d'tablissement de normes sociales, on peut distinguer deux phnomnes. Les normes assurant la satisfaction des besoins fondamentaux et celles qui se greffent en surplus et qui portent plus haut le sentiment d'exister. Ainsi, la culture est un ensemble de rgles, d'habitudes, de coutumes qui vient se superposer aux rgles fondatrices, pour achever de structurer une identit plus complte encore. Les habitudes culturelles peuvent paratre moins essentielles, plus irrationnelles, elles viennent cependant ponctuer une manire gnrale d'aborder le rel pour le constituer en monde. Il est particulirement difficile de statuer sur la valeur profonde d'une norme culturelle en raison de cette ambigut. Si le ricard ou l'accent marseillais semblent tre des excroissances non vitales d'une socit, les ritesmortuaires tout aussi infonds ne sauraient tre radiqus sans prjudice ou traumatisme. En ralit, les deux premiers rites sont peut-tre tout aussi fondamentaux, vecteurs de lien, de sens, d'identit.

A cet gard, on se souviendra de l'analyse de la mode dans les socits occidentales, que l'on peut juger comme futile, inessentielle, lgre, mais dont il faut constater qu'elle constitue un marqueur temporel trs puissant, gage de la main mise symbolique d'une socit sur le temps.

Hors, dans la gestion de l'absurde, il n'existe pas de norme rationnelle, par dfinition. La question de la douleur, de la maladie et de la mort, comme autant de fragilisations possibles de toute socit, sont forcment le lieu de mythifications, qui pour tre irrationnelles, dnen demeurent pas moins ncessaires. Le myhte d'Abraham illustre cette inversion que le discours religieux propose comme rponse l'absurdit de la mort. Le scnario est pauvre en explication, mais la rponse fournie est essentielle la reprsentation du groupe dans la ralit. Cette pauvret explicative est compense par une sacralisation, qui rend toute contestation impossible et enveloppe le mythe d'une autorit fondatrice, que la tradition viendra relayer.

II L'identit balance entre tradition et libert...de la socit traditionnelle la socit moderne.

A Norme et identit

La puissance de la norme sociale est l'une des bases les plus profondes (sinon la base unique ? Jusqu'o suis-je franais?) de notre identit. Ainsi, le langage, en tant qu'outil privilgi d'change au coeur d'une socit donne, est bien plus qu'un instrument. Il impose chacun la vision du monde qu'il vhicule de manire implicite. A cet gard, nous sommes engendrs par notre langue maternelle autant que nous l'utilisons et la modelons notre usage.

La tradition est le mode propre de transmission des valeurs des socits, ( l'exception des socits modernes ? Cette question mritera un examen ultrieur). Elle rside dans la fait d'imposer de manire rptitive un acte, une pratique, un rite, une valeur, sans qu'aucun amendement ne soit possible. Cette rigidit premire recouvre bien des dfauts, en apparence, puisqu'elle est menace en permanence d'tre obsolte et de ne pas respecter la singularit de celui qui elle s'adresse. En ralit, il est possible que son autorit recouvre galement des rponses et des choix viables bien qu'arbitraires des questions profondes. Ainsi, la scne finale de Dogville met James Caan (le pre) aux prises avec sa fille Grace (Nicole Kidman), dans un entretien trs profond. A sa fille, qui avait jug son ducation irrecevable, rate, nglige, indigne, le pre rpond qu'il est stupfait par son arrogance... Comment as-tu pu croire une seule seconde que ce je te donnais ne t'tait pas donn par amour ? C'est parce qu'il s'agit du meilleur que c'est indiscutable. A la fin du film et aprs avoir rejet de toutes ses forces la tradition, Grace s'y range son tour, avec une nergie qui surprend mme son pre. C'est aussi parce que cette option est contingente, mais qu'elle a fonctionn jusque l, qu'elle est protge par l'autorit.

L'une des grandes questions de toute socit est celle de la marge de manoeuvre qui nous est laisse par l'autorit de la norme et de la tradition, la tentation tant toujours grande de les rejeter au nom de leur insuffisance rationnelle, au risque de dsquilibrer la socit qu'elles structurent.

B La norme sociale, une entit souvent invisible et peu amendable...

Ce qui accroit encore la complexit de cette question, c'est la nature propre de l'interdit social, lequel n'est pas formul publiquement comme la loi. Normativit et lgalit sont deux figures assez proches, mais dont le potentiel d'oppression est cependant diffrent. La loi est publique, rformable, discutable et claire, d'o la svrit qui sanctionne son infraction. La norme est en revanche plus diffuse, implicite, ce qui la rend encore plus violente. Il suffit de songer au sort des minorits de tous ordres, lesquelles doivent subir la sanction d'une rpression qui ne dit jamais vraiment son nom, ni sa raison d'tre. La honte est souvent l'outil de rpression et de normalisation par excellence.

C La socit moderne et l'tablissement des normes...

Depuis le 19me sicle, cependant, et dans le sillage de la Rvolution, la socit s'est modifie, pour indexer de manire plus systmatique ses normes sur une connaissance rationnelle de la ralit. L'Etat a accru son influence sur la socit (ducation, sant publique, administration...) et la tradition comme vecteur de transmission des valeurs n'a cess de reculer. Cette approche rationnelle permet de confrer davantage de poids la dcision des individus sur la manire de mener leur vie l'intrieur de la socit et ouvre sur une nouvelle manire d'laborer les normes collectives.

Le problme, dsormais, est moins de savoir comme rsister la tradition que celui de trouver des fondements acceptables aux normes qui devront rgir les temps forts de notre existence collective. Le domaine mdical, celui mme o se joue l'essentiel de la question de notre rapport l'absurde (douleur, maladie, mort), est le lieu par excellence de cette reconstruction permanente, travers la question biothique (les limitations imposer notre savoir faire technologique pour que qu'il demeure bnfique et ne conduise pas un eugnisme, c'est--dire une main mise slective (et par consquent dangereuse) pour la diversit essentielle toute socit de l'homme sur la production de la vie). Le dbat confronte en permanence des visions limitatives (destines fixer une conception de la vie, des repres stables afin de rendre possible la construction d'une identit collective autour de valeurs claires) et les visions progressistes, qui accroissent notre matrise sur le rel, mais au risque de dsquilibrer notre rapport au monde. Sur l'euthanasie, l'interruption volontaire de grossesse, les recherches sur l'embryon, le diagnostic pr-implantatoire, la fcondation in vitro, le don d'organes et bien d'autres questions, des collges d'experts sont consults afin de dterminer des limites...Exemple: Le diagnostic pr-implantatoire permet de dtecter les enfants qui loucheront. Faut-il autoriser un refus de conception pour un motif comme celui-ci ?

L o la tradition nous condamnait accepter l'intolrable douleur telle quelle (comme le dnonce radicalement M. Onfray dans les fries anatomiques), le progrs nous fait courir le risque d'une dnaturation, d'un dsquilibre, d'une perte des repres. Quel respect pour la vie, si celle-ci n'est que le jouet des dsirs caprices du moment ? Quel quilibre pour une socit qui dilue ainsi son respect pour la vie ?A ce sujet, couter la confrence de Nicolas Aumonier (professeur de philosophie des sciences l'universit de Grenoble) sur l'embryon humain et l'extrme difficult tablir des critres susceptibles de satisfaire aux exigences de limitation et de rpondre dans le mme temps aux attentes des citoyens.

La chair chrtienne quivaut la charogne. Comment l'Eglise peut-elle ds lors tolrer ou justifier qu'un homme ouvre le corps d'un autre, y pratique un geste permettant au malade de recouvrer la sant, le force et la forme, le referme et continue son travail sur une autre carcasse avec laquelle il bataille une fois de plus contre le destin et montre en acte la puissance dmiurgique de l'humain ? Promthe, voil l'ennemi ! Du fils de Titan, le chirurgien a l'habilet, le pouvoir, l'art de prvoir (), il partage avec lui la capacit gnalogique crer des corps tout autant que le talent pour dpecer et sparer la chair, les entrailles, les os et la graisse, tout en se riant de Zeus...

En construisant son difice sur la haine du corps et le mpris de la chair, l'Eglise s'interdit les activits qui rparent et reconstruisent. Sale, dtestable, hassable, mprisable, surgissant au monde entre l'urine et les fces dixit Augustin ! -, peccamineux et marqu dans la profondeur de son intimit matrielle par le pch originel, le corps malade rjouit les tenants du christianisme...Tout homme qui entreprend de restaurer la sant d'un tre travaille contre les intrts ontologiques du Vatican. Le bistouri enlve la ngativit, le mal et la souffrance !

Le chirurgien incarne l'Antchrist : il ne sauve pas dans, par et pour la mort, mais dans, par et pour la vie. Son horizon n'est pas la souffrance et la douleur entendues comme autant d'occasions de mriter son paradis, mais considres en ennemi radiquer. La construction du salut passe ses yeux par la restitution de la chair dans son principe initial. Son intervention dans le corps de l'homme conjure et congdie le destin, ce qu'aucun prtre ne tolre autant arracher des mains de Dieu le sceptre qui symbolise sa toute-puissance...

Michel Onfray Fries anatomiques

III Quel lien social pour une socit d'individus ? Grandeur et misre de la lacit...

Au-del de ces questions qui s'efforcent de concilier au mieux les choix de chaque individu et l'quilibre du groupe se pose la question de la nature du lien social que les socits modernes tablissent. Derrire cette fragmentation des rgles, cette spcification des situations, se cache un risque de dilution de l'identit, qui constituerait une fragilisation considrable des socits. Ainsi, l'apparition rcente de la question du communautarisme, revendiqu comme un droit de vivre sa manire dans le corps d'une socit qui se trouve ainsi fragment..

Dans sa volont d'organiser de manire rationnelle une socit qui puisse traverser le temps, l'Etat a institu la lacit. Celle-ci prtend favoriser le lien social de manire ngative, en excluant de la sphre publique o les citoyens se rencontrent, toute manifestation ostentatoire d'une appartenance qui ne serait pas partageable et qui constituerait un germe de discorde. Or, toutes les religions ont cette particularit de ne pouvoir fdrer que les gens qui se reconnaissent dans une mme croyance, sans que l'accs cette croyance soit possible par la raison. Ds lors, comme l'histoire l'a montr, la divergence religieuse a occasionn et occasionne encore de violentes discordes, guerres civiles. A cet gard, il est bon de se souvenir a quel point les textes religieux sont ambigus sur la question du traitement qui doit tre rserv aux infidles, comme dans la parabole du bl et de l'ivraie :

Il(Jsus) leur proposa une autre parabole, et il dit:Le royaume des cieux est semblable un homme qui a sem une bonne semence dans son champ.Mais, pendant que les gens dormaient, son ennemi vint, sema de l'ivraie parmi le bl, et s'en alla.Lorsque l'herbe eut pouss et donn du fruit, l'ivraie parut aussi.Les serviteurs du matre de la maison vinrent lui dire:Seigneur, n'as-tu pas sem une bonne semence dans ton champ? D'o vient donc qu'il y a de l'ivraie?Il leur rpondit: C'est un ennemi qui a fait cela.Et les serviteurs lui dirent:Veux-tu que nous allions l'arracher? Non, dit-il, de peur qu'en arrachant l'ivraie, vous ne draciniez en mme temps le bl.Laissez crotre ensemble l'un et l'autre jusqu' la moisson, et l'poque de la moisson, je dirai aux moissonneurs:Arrachez d'abord l'ivraie, et liez-la en gerbes pour la brler, mais amassez le bl dans mon grenier.(Matthieu 13:24-30).

L'ide est de rendre possible une pratique religieuse libre, en rduisant sa prtention organiser la vie publique et les repres d'une socit, et de la restreindre par consquent la sphre prive. La loi sur l'interdiction du port de symboles religieux dans les espaces publics est donc l'expression d'une volont claire de favoriser un lien social entre un maximum de citoyens sans qu'ils puissent s'exclure par avance, par prjug.

Comment apprhender cependant la rsistance l'application de la lacit ? On ne saurait rduire cette rsistance une simple forme de fanatisme ou d'obscurantisme. Mme si elle peut tre instrumentalise par certains intgristes qui conservent l'ambition de grer la socit par des lois religieuses, elle exprime galement un doute sur le lien social produit. On pourrait rsumer l'objection l'ide suivante. La tradition avait, sous toutes ses formes, la sagesse de rendre les relations autrui obligatoires, tandis que la lacit se contente de les rendre possibles, ce qui est peut-tre insuffisant. Ainsi, dans la devise libert, galit, fraternit, c'est sans doute le troisime terme qui est le moins assur. Sans un effort particulier sur ce point, la socit moderne pourrait s'avrer fragile terme, en se montrant incapable de pallier les ingalits.