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Les inflexions du principe de légalité

(cours)

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Table des matières

Table des matières .................................................................................................................................. 2

Introduction ............................................................................................................................................. 3

I – La théorie jurisprudentielle des circonstances exceptionnelles ........................................................ 4

Les fondements de cette théorie ........................................................................................................ 4

Les conditions d’application de cette théorie ..................................................................................... 6

La diversification du champ des circonstances exceptionnelles ......................................................... 7

L’extension des pouvoirs de l’Administration ..................................................................................... 8

Le contrôle du juge administratif ........................................................................................................ 9

II – Les actes de Gouvernement ............................................................................................................ 10

La notion d’actes de Gouvernement ................................................................................................. 10

Le régime juridique des actes de Gouvernement ............................................................................. 11

Les domaines d’élection des actes de Gouvernement ...................................................................... 12

Les limites aux actes de Gouvernement : la théorie des actes détachables ..................................... 13

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Introduction

La règle veut que le principe de légalité soit d’application pleine et entière. Il arrive, cependant, que celui-ci subisse ponctuellement des inflexions. Ainsi, et en premier lieu, ce principe trouve à s’appliquer de manière beaucoup moins rigoureuse en cas de circonstances exceptionnelles, ce qui a pour conséquence que des mesures jugées illégales en temps normal sont considérées comme tout à fait valides lorsqu’elles sont prises dans ce type d’hypothèses (I). De tels régimes d’exception sont prévus par la loi elle-même, mais c’est la théorie jurisprudentielle sur les circonstances exceptionnelles qui mérite le plus d’attention. Concrètement, cette théorie se fonde sur le fait que dans certaines circonstances, telles que les guerres, la sauvegarde de l’intérêt public et le respect de la légalité ne coïncident pas. Dès lors, l’Administration est confrontée à un choix : ou respecter la légalité et renoncer au service de l’intérêt public, ou passer outre les règles de droit habituelles et garantir ainsi le service de l’intérêt public. Avec la théorie des circonstances exceptionnelles, c’est la seconde branche de l’alternative qui est choisie. En effet, dans de telles périodes, des intérêts supérieurs justifient donc que l’on passe outre les règles de la légalité habituelle. Mais, ce régime jurisprudentiel d’exception est strictement encadré : ainsi, il faut qu’existe une situation anormale et exorbitante et que l’Administration ait été dans l’impossibilité d’agir légalement ; il faut, enfin, qu’un intérêt public suffisamment important ait été mis en danger.

En second lieu, l’application du principe de légalité est, parfois, tout simplement écarté en totalité, la conséquence étant l’impossibilité pour le juge administratif de contrôler certaines mesures : il en va ainsi des mesures d’ordre intérieur en raison du fait qu’il s’agit de mesures de faible importance, et des actes de Gouvernement, actes politiques par excellence (II). Ces derniers sont des actes qui apparaissent plus politiques qu’administratifs, et qui de ce fait échappent à tout contrôle du juge. Ces actes intéressent les rapports entre les pouvoirs publics, et la conduite des relations internationales de la France. Cependant, le Conseil d’Etat a progressivement réduit cette catégorie juridique en admettant que certains actes sont détachables tant des relations entre pouvoirs publics que des relations diplomatiques.

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I – La théorie jurisprudentielle

des circonstances

exceptionnelles

Il existe en droit administratif des légalités d’exception d’origine textuelle, et de source jurisprudentielle.

Dans le premier cas, c’est la loi du 9 août 1848 qui pose pour la première fois en France le principe d’un régime d’exception lorsque des troubles graves affectent le pays : ce régime de l’état de siège opère un accroissement des pouvoirs au profit de l’autorité militaire. Il s’agit ici de faire face à un « péril imminent résultant d’une guerre étrangère ou d’une insurrection à main armée ». La mise en place de cette légalité d’exception se fait en conseil des ministres. En revanche, sa prorogation au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par le législateur.

L’autre régime est celui de l’état d’urgence proclamé pour la dernière fois en novembre 2005. Il concerne les hypothèses de « péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public » et les « évènements présentant par leur nature et leur gravité le caractère de calamités publiques ». Les règles de sa mise en place sont identiques à celles de l’état de siège. En revanche, ce régime opère cette fois-ci une extension des pouvoirs des autorités civiles.

Enfin, suite aux évènements de la seconde guerre mondiale marqués par l’absence de pouvoir exécutif fort, la Constitution de la V° République a mis en place, à l’initiative du Général de Gaule, un régime d’exception particulièrement poussé puisqu’il permet au Président de la République de concentrer tous les pouvoirs entre ses mains. L’article 16 du texte constitutionnel prévoit les cas où ce régime peut être mis en place : il s’agit ainsi des hypothèses où « les institutions de la République, l’indépendance de la nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacés » et où « le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu ». Si ce régime fait l’objet de diverses mesures d’informations, il est, en revanche, à la seule discrétion du chef de l’Etat qui décide seul de le mettre en place et d’y mettre fin.

En dehors de ces régimes textuels, la jurisprudence du Conseil d’Etat a consacré une théorie des circonstances exceptionnelles qui répond à l’objectif de préserver l’intérêt public (CE, 28/06/1918, Heyriès ; CE, 28/02/1919, Dames Dol et Laurent). L’application de cette théorie obéit à certaines conditions et a vu la nature des circonstances exceptionnelles invoquées se diversifier. Surtout, cette jurisprudence permet un accroissement des pouvoirs de l’Administration sous le contrôle étroit du juge administratif.

Les fondements de cette théorie

Si la sauvegarde de l’intérêt public et le respect de la légalité coïncident la plupart du temps, il arrive que cela ne soit pas le cas. Ainsi, en va-t-il souvent durant les périodes de guerres. A ces époques, en effet, l’Administration est parfois confrontée à un choix : ou respecter la légalité et

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renoncer au service de l’intérêt public, ou passer outre les règles de droit habituelles et garantir ainsi le service de l’intérêt public. Avec la théorie des circonstances exceptionnelles, c’est la seconde branche de l’alternative qui est choisie. Le Conseil d’Etat relève, en effet, « que les limites des pouvoirs de police (…) ne sauraient être les mêmes en temps de paix et pendant la période de guerre où les intérêts de la défense nationale donnent au principe de l’ordre public une extension plus grande et exigent pour la sécurité publique des mesures plus rigoureuses ». En d’autres termes, l’ordre public n’est pas le même en temps de paix et en temps de guerre. Celui-ci doit s’apprécier au vu des circonstances du moment. Dès lors, les règles qui le régissent changent en période de guerre, ce qui accroît d’autant les pouvoirs de l’Administration. Avec cette légalité d’exception, des mesures qui seraient jugées illégales en temps normal, sont en période de guerres parfaitement valides. En période de guerre, en effet, il n’est pas possible de respecter les impératifs de la défense nationale tout en appliquant les règles de la légalité habituelle. Le juge considère alors que lorsque l’Administration doit choisir entre le respect de la légalité et ces impératifs, elle peut, et même doit, choisir la seconde solution. Le contraire risquerait de paralyser son action. En période de circonstances exceptionnelles, des intérêts supérieurs justifient donc que l’on passe outre les règles de la légalité habituelle. Le droit apparaît alors non comme une fin en soi, mais comme un moyen au service d’une fin. Il peut donc y être porté atteinte lorsque la sauvegarde de l’intérêt public l’exige.

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Les conditions d’application de cette théorie

Le juge administratif a posé plusieurs conditions pour que soit constatée l’existence de circonstances exceptionnelles. Ainsi, il faut d’abord qu’existe une situation anormale et exorbitante. Appréciée au départ de façon générale, ces situations vont faire l’objet d’une analyse de plus en plus précise de la part du juge administratif qui prendra en compte les circonstances concrètes de chaque affaire. Ainsi, ce ne sont plus les circonstances générales du moment qui sont retenues, mais bien plutôt les circonstances propres à une affaire donnée. C’est donc une analyse in concreto qu’il faut opérer pour déterminer s’il y a circonstance exceptionnelle ou pas. A titre d’exemple, si le Conseil d’Etat reconnaît par une appréciation d’ensemble le caractère de circonstances exceptionnelles aux évènements de la première guerre mondiale, il opère vis-à-vis de la guerre de 1939-1945 une appréciation beaucoup plus circonstanciée puisque la Haute juridiction ne considère comme circonstances exceptionnelles que les seules périodes des batailles, de l’exode de mai-juin 1940 et de la Libération.

Il faut, par ailleurs, que l’Administration ait été dans l’impossibilité d’agir légalement. Ainsi, dans l’affaire Dames Dol et Laurent, la législation sur les pouvoirs de police et celle sur l’état de siège ne permettent pas de prendre des mesures aussi restrictives des libertés. Il n’est donc pas possible de préserver l’ordre public en utilisant les règles de la légalité traditionnelle.

Il faut, enfin, qu’un intérêt public suffisamment important ait été mis en danger. Il peut s’agir de la défense nationale, ou plus fréquemment du rétablissement de l’ordre et de la continuité des services publics essentiels à la vie nationale.

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La diversification du champ des circonstances

exceptionnelles

Si elles sont, au début, synonymes d’état de guerre, les circonstances exceptionnelles vont progressivement recouvrer une multitude d’autres situations. Ainsi, ces circonstances sont, à l’origine, pour le juge administratif, essentiellement caractérisées par des périodes de guerre. Le juge considère, en effet, que la guerre est la circonstance exceptionnelle par excellence, d’où le qualificatif de « théorie des pouvoirs de guerre ». Cette théorie va, cependant, trouver matière à s’appliquer à des périodes autres que les guerres. Ainsi, le juge l’applique-t-il d’abord aux périodes d’après-guerre (CE, 27/06/1924, Chambre syndicale des patrons confiseurs et chocolatiers).Plus révélateur de l’extension du champ des circonstances exceptionnelles est l’arrêt reconnaissant comme situations exceptionnelles les périodes de menace de grève générale (CE, 18/04/1947, Jarrigion). Une éruption volcanique a même été considérée comme une circonstance exceptionnelle justifiant des mesures restrictives des libertés publiques (CE, 18/05/1983, Rodes).

La rareté des crises explique qu’aucun arrêt récent ne soit venu enrichir cette liste. Mais, la notion de circonstances exceptionnelles est suffisamment souple et flexible pour accueillir toute nouvelle situation. Tel est d’ailleurs l’intérêt d’une telle notion. Elle peut s’appliquer à n’importe quel type de situation. Sa définition ne peut donc être que fonctionnelle : chaque fois qu’il n’est pas possible d’assurer la sauvegarde de l’intérêt public sans violer la légalité, il y a circonstances exceptionnelles.

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L’extension des pouvoirs de l’Administration

L’application de cette jurisprudence se traduit par un assouplissement des règles de forme et de fond.

S’agissant de la première hypothèse, l’Administration peut ne pas appliquer les règles de forme et de procédure qui accordent pourtant des garanties essentielles aux administrés. Ainsi, dans l’affaire Heyriès, le Président de la République suspend l’application de la règle de la communication préalable du dossier avant toute sanction disciplinaire. Cet arrêt est d’autant plus intéressant qu’il s’agit de la suspension d’une règle législative par un acte administratif. Le Conseil d’Etat juge donc valables, durant ces périodes, l’empiètement des autorités administratives sur les pouvoirs du législateur. Il en va, a fortiori, de même lorsqu’une autorité administrative empiète sur les compétences d’une autre autorité administrative. Plus intéressante est la jurisprudence sur « les fonctionnaires de fait » (CE, sect., 5/03/1948, Marion). Il peut arriver, en période troublée, que l’Administration soit dans l’impossibilité d’accomplir sa mission et que des citoyens se substituent à elle. Le juge administratif considère, alors, que, bien que pris par une personne privée, les décisions adoptées revêtent un caractère administratif, à condition bien sûr qu’elles soient prises dans l’intérêt général.

S’agissant de l’assouplissement des règles de fond, l’autorité administrative peut prendre des actes portant des atteintes graves aux libertés, atteintes qui seraient jugées illégales en temps normal, mais qui sont validées en période troublée. L’Administration peut même prendre, en toute légalité, des mesures qui seraient en période normal qualifiées de voie de fait et qui relèveraient de la compétence au juge judiciaire. Le caractère exceptionnel des circonstances peut donc conserver à l’acte sa nature d’acte administratif et par voie de conséquences préserver la compétence du juge administratif.

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Le contrôle du juge administratif

Le juge administratif contrôle tout d’abord si les trois conditions d’application de ce régime sont bien remplies. Par ailleurs, le juge vérifie, lorsqu’il s’agit de mesures de police administrative, ce qui est fréquemment le cas, que la mesure est bien justifiée par un trouble de l’ordre public et qu’elle est bien adaptée à la gravité de ce trouble. Cette appréciation se fait bien sur au regard de la nature exceptionnelle des circonstances. Ainsi, une mesure peut être jugée adaptée à la gravité d’un trouble de l’ordre public pendant une période de circonstances exceptionnelles, alors qu’elle aurait été jugée excessive en temps normal.

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II – Les actes de Gouvernement

actes de Gouvernement sont des actes qui apparaissent plus politiques qu’administratifs, et qui de ce fait échappent à tout contrôle du juge. Ces actes intéressent les rapports entre les pouvoirs publics, et la conduite des relations internationales de la France. Cependant, le Conseil d’Etat a progressivement réduit cette catégorie juridique en admettant que certains actes sont détachables tant des relations entre pouvoirs publics que des relations diplomatiques.

La notion d’actes de Gouvernement

Les actes de Gouvernement correspondent aux actes des autorités administratives qui ne sont susceptibles d’aucun recours, tant devant les tribunaux administratifs que les tribunaux judiciaires. Entendue extensivement à la fin du dix-neuvième siècle, cette notion va voir son champ d’application se réduire de façon drastique. Ainsi, au tout début du droit administratif, la théorie des actes de Gouvernement ne paraît pas anormale. Elle consiste à refuser tout recours contre certains actes touchant à la « haute politique ». Ce qui caractérise l’acte de Gouvernement à cette époque est le mobile politique de l’acte. Par exemple, en 1822, le Conseil d’Etat qualifie de la sorte une décision du ministre des finances au motif que, intéressant le statut de la famille Bonaparte, elle touche à une question relevant exclusivement du Gouvernement (CE, 1/05/1822, Laffite).

Suite au bouleversement induit par la loi de 1872 opérant le passage de la justice retenue à la justice déléguée, le Conseil d’Etat abandonne le critère tiré du mobile politique (CE, 19/02/1875, Prince Napoléon). Désormais, au terme des analyses du professeur Chapus, les actes de Gouvernement sont ceux « qui apparaissent comme des actes politiques en raison des matières dans lesquelles ils sont accomplies ». Cette nouvelle définition substitue à un critère subjectif, à savoir l’intérêt politique, un critère objectif lié à la nature de la matière traitée, ce qui réduit considérablement le domaine des actes de Gouvernement.

Cette théorie se justifie par le souci d’éviter un gouvernement des juges. En effet, si le Conseil d’Etat acceptait de contrôler ce type d’acte, il serait conduit à substituer sa propre appréciation à celle de l’auteur de l’acte : d’un contrôle de légalité, l’on glisserait vers un contrôle d’opportunité.

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Le régime juridique des actes de Gouvernement

Les actes de Gouvernement bénéficient d’une totale immunité juridictionnelle, tant devant les juridictions administratives que devant les juridictions judiciaires. Elle se traduit dans les arrêts par différentes formules telles que « la requête doit être rejetée comme portée devant une juridiction incompétente », ou encore « la décision n’est pas détachable de la conduite des relations internationales ». Cette immunité s’explique par le fait que le juge ne souhaite pas interférer soit dans les rapports constitutionnels entre pouvoirs publics, soit dans la conduite des relations internationales de la France.

Cette immunité touche aussi bien le contentieux par voie d’action que celui par voie d’exception. Quant à celui de la responsabilité, les conséquences de l’acte de Gouvernement ne peuvent donner lieu à réparation ; cette position a été confirmée par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH, 14/12/206, Markovic c/ Italie). Il faut, cependant, noter qu’il est possible d’obtenir l’indemnisation des préjudices causés par une convention internationale (CE, ass., 30/03/1966, Cie. Générale d’énergie radio-électrique).

Afin d’étendre son contrôle, le juge administratif a progressivement introduit la notion d’acte détachable. Il s’agit d’acte qui ont un lien avec les rapports entre pouvoirs publics ou la conduite des relations internationales, mais ce rapport n’est qu’indirect, lointain. Ces actes sont des actes administratifs soumis au contrôle du juge administratif.

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Les domaines d’élection des actes de Gouvernement

Ces actes peuvent se ranger en deux catégories : ceux qui se rattachent aux rapports entre les pouvoirs publics, et ceux qui se rattachent à la conduite des relations internationales de la France.

1 / S’agissant des premiers, l’on retrouve les actes qui intéressent les rapports entre le Gouvernement et le Parlement. A titre d’exemple, le Conseil d’Etat s’est déclaré incompétent pour connaître du décret du président de la République prononçant la dissolution de l’Assemblée nationale (CE, 20/02, 1989, Alain), ou encore du décret de promulgation des lois (CE, 29/11/1968, Tallagran). Les rapports d'ordre constitutionnel entre le président de la République et le gouvernement sont aussi le terrain d'élection des actes de Gouvernement : ainsi, la décision du président de la République de modifier la composition du Gouvernement (CE, 29/12/1999, Lemaire). Il en va de même pour certains actes de l'exécutif dans ses rapports avec le Conseil constitutionnel, tel que le refus du Premier Ministre d'invoquer l'urgence lors de l'examen d'une loi par le Conseil constitutionnel (CE, 9/10/2002, Meyet et Bouget), ou la décision de nommer un membre du Conseil constitutionnel (CE, ass., 9/04/1999, Mme. Ba). Plus généralement, le juge administratif qualifie de la sorte la décision de mise en application de l’article 16 de la Constitution (CE, ass., 2/03/1962, Rubin de Servens) ou celle déclarant l’état d’urgence (CE, ass., 24/03/2006, Rolin).

2 / En ce qui concerne les actes se rattachant à la conduite des relations internationales, sont généralement qualifiés d’actes de Gouvernement, les actes préparatoires à la conclusion d’un traité, les mesures d’exécution ou encore de ratification. Il faut y rajouter les actes diplomatiques unilatéraux tels que l’envoi de diplomates ou le rappel d’ambassadeur. Il en va de même de la circulaire du ministre de l’éducation nationale relative à la coopération universitaire avec l’Irak et interdisant aux irakiens de s’inscrire dans les universités françaises (CE, 23/09/1992, GISTI et MRAPP), de la décision du président Chirac de reprendre les essais nucléaires en Polynésie (CE, ass., 29/09/1995, Ass. Greenpeace France), ou encore de la décision d’autoriser les avions militaires anglais et américains à survoler l’espace aérien français pour mener des opérations en Irak (CE, 30/12/2003, Comité contre la guerre en Irak).

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Les limites aux actes de Gouvernement : la théorie des

actes détachables

Progressivement, le Conseil d’Etat a élaboré la théorie des actes détachables : ces actes n’entretiennent avec les relations entre les pouvoirs publics ou la conduite des relations internationales qu’un rapport lointain et indirect. Ils demeurent donc des actes administratifs soumis au contrôle du juge administratif. Il est possible de donner, s’agissant de ces deux domaines, une illustration positive et négative de ce qu’est l’acte détachable.

1 / En ce qui concerne les actes touchant aux rapports entre pouvoirs publics, la décision de confier une mission à un parlementaire que celui-ci doit accomplir auprès d’une Administration n’est pas un acte de Gouvernement en raison du fait qu’il s’agit du premier acte d’une mission administrative (CE, 25/09/1998, Mégret). Cet acte est donc détachable des rapports entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Cette décision s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence du Conseil constitutionnel analysant la mission confiée à un membre du Parlement comme extérieure à sa fonction parlementaire. Il s’agit, ainsi, non d’une intervention du pouvoir exécutif dans le domaine législatif, mais d’une association d’un membre du pouvoir législatif au pouvoir exécutif. La juridiction administrative est donc compétente pour connaître de cet acte.

En revanche, la nomination d’un membre du Conseil constitutionnel est un acte de Gouvernement (CE, ass., 9/04/1999, Mme. Ba). Avec cette décision le Conseil d’Etat précise la définition de la catégorie des actes de Gouvernement pris dans l’ordre interne. Ainsi, ces actes sont ceux qui touchent les rapports constitutionnels entre pouvoirs publics, et non seulement les rapports entre l’exécutif et le législatif. Doivent donc y figurer les rapports entre le président de la République et le Conseil constitutionnel tels qu’ils sont organisés par la Constitution, ce dernier ayant une place spécifique dans nos institutions : juge des élections et des scrutins politiques, régulateur des rapports entre le législatif et l’exécutif, et juge de la constitutionnalité des lois et des traités.

2 / S’agissant des mesures touchant à la conduite des relations internationales de la France, il importe de déterminer si la mesure est tournée vers l’ordre interne ou vers l’ordre international.

Ainsi, les mesures relatives aux forces aériennes stratégiques (CE, 8/12/1995, Lavaurs et autres) constituent des actes détachables de la conduite des relations internationales bien qu’elles concernent des éléments important de la défense nationale, ce qui devrait favoriser la qualification d’acte de Gouvernement. Cependant, il ne s’agit pas de l’existence de ces forces, mais de leurs conditions d’engagement et de leur organisation. Il s’agit donc de mesures secondaires et qui concernent l’organisation franco-française des ces forces ; elles sont donc tournées vers l’ordre interne. Le lien avec les relations internationales de la France est, par conséquent, lointain et le Conseil d’Etat estime que ces mesures présentent le caractère d’actes administratifs.

A l’inverse, la décision du président Chirac de reprendre les essais nucléaires constitue un acte de Gouvernement. En effet, la possession de l’arme nucléaire n’est pas neutre sur le plan diplomatique. Peu de pays en sont détenteurs, et les postulants à l’acquisition de cette arme font l’objet des plus vives attentions de la part des grandes puissances. De par la puissance qu’elle fournie au pays, l’arme nucléaire se veut un élément de dissuasion particulièrement convaincant. Sa possession dote donc le pays qui la possède d’un poids diplomatique important. De plus, cette dissuasion ne peut véritablement fonctionner que si l’arme est efficace, donc crédible. Les essais nucléaires apparaissent, alors, fondamentaux pour valider pleinement cette technique de défense.

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Ainsi, la reprise des essais nucléaires peut être interprétée comme un acte tourné vers les relations internationales : il s’agit donc d’un acte de Gouvernement.