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Math S2 PeiP Chapitre 1 Cours d’intégration Michel Rumin Objectifs : — Faire quelques rappels sur l’intégrale de Riemann des fonctions d’une variable. — Définir la notion d’intégrale multiple pour les fonctions de 2 et 3 variables. — Donner les techniques de calculs principales : théorème de Fubini, changements de variables classiques (utilisés notamment en physique). 1 Rappels en dimension 1 1.1 Sommes de Riemann et intégrale Soit f : I =[a, b] R une fonction continue (éventuellement continue par morceaux si f a un nombre fini de sauts). Étant donné un entier n 1, on échantillonne f régulièrement, par exemple aux points x k = k n qui se trouvent dans I . Définition 1.1. On définit la somme de Riemann de f associée à l’échantillonage {x k } par S n (f )= 1 n X {x k = k n I } f (x k ) . Géométriquement, S n (f ) représente l’aire (algébrique) situé entre l’axe des abscisses et le graphe de la fonction en escalier f n qui est constante égale à f (x k ) sur chaque intervalle [x k ,x k+1 [ de largeur 1 n (et nulle si x k / I ).

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Math S2 PeiPChapitre 1

Cours d’intégration

Michel Rumin

Objectifs :— Faire quelques rappels sur l’intégrale de Riemann des fonctions d’une variable.— Définir la notion d’intégrale multiple pour les fonctions de 2 et 3 variables.— Donner les techniques de calculs principales : théorème de Fubini, changements de

variables classiques (utilisés notamment en physique).

1 Rappels en dimension 1

1.1 Sommes de Riemann et intégrale

Soit f : I = [a, b]→ R une fonction continue (éventuellement continue par morceaux si fa un nombre fini de sauts).

Étant donné un entier n ≥ 1, on échantillonne f régulièrement, par exemple aux points

xk =k

nqui se trouvent dans I.

Définition 1.1. On définit la somme de Riemann de f associée à l’échantillonage {xk}par

Sn(f) =1

n

∑{xk= k

n∈I}

f(xk) .

Géométriquement, Sn(f) représente l’aire (algébrique) situé entre l’axe des abscisses etle graphe de la fonction en escalier fn qui est constante égale à f(xk) sur chaque intervalle

[xk, xk+1[ de largeur1

n(et nulle si xk /∈ I).

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2 1 RAPPELS EN DIMENSION 1

a bxk xk+1

y= f(x)

y= fn(x)

Lorsque n est grand, le pas d’échantillonnage1

nest petit, et ces fonctions fn sont de

bonnes approximations de f là où f est continue, car f oscille peu sur des intervalles depetite longueur.

On a le théorème important suivant, qui donne une définition de l’intégrale de Riemannde f , ainsi qu’un moyen de l’estimer numériquement (voir cours du S1).

Théorème 1.2. Si f : [a, b] → R est continue par morceaux, alors les sommes deRiemann Sn(f) convergent vers un nombre réel limite lorsque n tend vers +∞.

On appelle intégrale de f sur [a, b] cette limite, et on la note∫ b

a

f(x)dx .

1.2 Deux interprétations de l’intégrale

Intégrale et aire. D’après l’interprétation faite ci-dessus des sommes Sn(f), l’intégrale∫ b

a

f(x)dx se « voit » comme l’aire algébrique située entre le graphe de f et l’axe des abscisses

(comptée + si f est positive, − sinon).

-

+

+

y=f(x)

a b

Si f est positive, on a :∫ b

a

f(x)dx = Aire{

(x, y) ∈ R2 | a ≤ x ≤ b et 0 ≤ y ≤ f(x)}. (1)

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1.2 Deux interprétations de l’intégrale 3

Cette propriété est évidement très utile car nous avons une intuition de ce qu’est l’aired’un domaine du plan et de ses propriétés principales. Mais cette idée sera beaucoup moinsintéressante pour construire et comprendre l’intégrale de fonctions de 2 et 3 variables. Eneffet, une intégrale d’une fonction de 2 variables s’interprétera à l’aide d’un volume d’undomaine de R3 (pas toujours facile à voir !), et pire, l’intégrale d’une fonction de 3 variablessera liée à un « hypervolume » en dimension 4, et là on ne voit plus rien !

En résumé, mathématiquement, il faut plutôt considérer (1) comme un moyen de calculd’un objet 2D : l’aire d’un domaine du plan, à l’aide d’un objet 1D : l’intégrale d’unefonction sur un intervalle, plutôt que l’inverse. 1

L’intégrale comme mesure, ou « pesée », d’une fonction. L’autre interprétation del’intégrale, qui se généralisera bien en toute dimension, est liée physiquement à la notion depesée d’une barre I = [a, b] constitué d’un matériau de densité variable f(x). Cela signifieque la masse δm de d’une petite longueur δx autour de x est

δm ≈ f(x)δx . (2)

Problème. Comment mesurer la masse totale de la barre I = [a, b] ?

On peut découper la barre I en des tas de petits morceaux de taille δx = 1/n, par exemplesuivant les [xk = k

n, xk+1 = k+1

n[ (avec éventuellement 2 morceaux incomplets aux bouts de

I). La masse de I doit être bien sûr 2 la somme des masses des morceaux, c’est à dire d’après(2)

masse(I) =∑

δmk ≈∑xk∈I

f(xk)

n= Sn(f) .

C’est précisément la définition des sommes de Riemann de f , et le théorème 1.2 nous assureque ce procédé de découpage et d’échantillonage converge vers l’intégrale de f pour n→ +∞ :

masse(I) =

∫ b

a

f(x)dx .

Cette idée de découpage et d’échantillonage se généralisera bien pour les fonctionsde plusieurs variables. Pour peser une plaque ou un solide de densité variable f , on peutle découper en petit morceaux, estimer la masse de chaque morceau en prenant une valeurde f sur celui-ci, et faire la somme des résultats.

1. Cette formule est un cas particulier du théorème de Fubini, que l’on verra plus loin.2. Est-ce vraiment clair ? Par exemple, la masse du noyau n’est pas la somme des masses de ces protons

et de ces neutrons ! :-O

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4 1 RAPPELS EN DIMENSION 1

1.3 Propriétés élémentaires de l’intégrale simple

Il découle directement de la définition par sommes de Riemann et le théorème 1.2, quel’intégrale vérifie les propriétés suivantes (les fonctions sont supposées continues par mor-ceaux) :

Proposition 1.3. 1. Croissance. Si f ≤ g, alors∫ baf(x)dx ≤

∫ bag(x)dx.

2. Additivité par découpage, ou relation de Chasles.Si a ≤ b ≤ c et f : [a, c]→ R, alors

∫ caf(x)dx =

∫ baf(x)dx+

∫ cbf(x)dx.

3. Calibrage.∫ bacdx = c(b− a).

4. Linéarité. Si f et g : [a, b]→ R et k ∈ R, alors∫ b

a

(f(x) + kg(x))dx =

∫ b

a

f(x)dx+ k

∫ b

a

g(x)dx .

Démonstration. Laissée en exercice. Les propriétés 1 et 4 sont satisfaites directement auniveau des sommes de Riemann, tandis que 2 et 3 demandent une petite vérification.

Remarques. • La propriété 1 est très utile pour estimer les intégrales « incalculables ».Par exemple, on a pour x ≥ 0 :∫ x

0

dt

et + 1≤∫ x

0

dt

et= 1− e−x ,

x2

2− x ≤

∫ x

0

(t+ sin(t2))dt ≤ x2

2+ x .

• Si b ≤ a, on pose par convention∫ baf(x)dx = −

∫ abf(x)dx. Dans ce cas, la relation de

Chasles est satisfaite pour tous les a, b et c, quelque soit leur ordre.

• On peut montrer que l’intégrale est l’unique application qui satisfait les propriétés 1,2 et 3. Ce sont celles que l’on attend de la mesure d’une quantité comme la masse (ou lacharge) totale d’une barre de densité f :

— croissance : la masse croît avec la densité,— relation de Chasles : la masse totale est préservée par découpage,— calibrage : la masse d’une barre I = [a, b] de densité constante c est c(b− a).

Les propriétés 2 et 3 déterminent l’intégrale sur les fonctions en escalier, et la propriété 1 per-met d’encadrer aussi précisément que souhaité l’intégrale d’une fonction continue quelconquepar celles de fonctions en escalier.

Ces propriétés élémentaires auront des équivalents directs pour l’intégrale multiple desfonctions de 2 et 3 variables. Ce n’est pas le cas des propriétés suivantes, spécifiques à ladimension 1.

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1.4 Intégrale, primitive et dérivée 5

1.4 Intégrale, primitive et dérivée

En dimension 1, intégration et dérivation sont en quelque sorte des opérations inversesl’une de l’autre.

Théorème 1.4. « Théorème fondamental de l’analyse ».

1. Soit f : I = [a, b]→ R (ou C) une fonction continue. Alors la fonction

F : x ∈ I 7→ F (x) =

∫ x

a

f(t)dt

est dérivable sur I et on a F ′(x) = f(x). On dit que F est une primitive de f surI.

2. Si G : I → R est une (autre) primitive de f sur I, c’est-à-dire si G est dérivablesur I avec G′ = f , alors G− F est constante. Plus précisément, on a pour x ∈ I,

G(x) = G(a) +

∫ x

a

f(t)dt .

Démonstration. Rappels, voir cours S1.

1. D’après Chasles, on a F (x + h) − F (x) =∫ x+h

xf(t)dt. D’où, en écrivant hf(x) =∫ x+h

xf(x)dt, on a

F (x+ h)− F (x)

h− f(x) =

1

h

∫ x+h

x

(f(t)− f(x))dt ,

d’où, ∣∣∣∣F (x+ h)− F (x)

h− f(x)

∣∣∣∣ ≤ sup|t−x|≤h

|f(t)− f(x)| −→ 0 pour h→ 0 ,

par continuité de f en x.

2. On a F ′ = G′ = f , d’où (G−F )′ = 0 et G−F est constante = C sur I par le théorèmedes accroissements finis. Pour x = a, on obtient C = G(a)− F (a) = G(a).

Cet énoncé permet de calculer les intégrales des fonctions dont on connaît une primitive.Par exemple :

• k ≥ 1, (xk)′ = kxk−1 =⇒∫ b

a

xk−1dx =1

k[xk]ba,

• sin′ = cos =⇒∫ b

a

cosxdx = [sinx]ba,

• (lnx)′ =1

xsur ]0,+∞[ =⇒

∫ b

a

dx

x= ln b− ln a, pour 0 < a ≤ b,

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• etc... Voir cours S1.

Les corollaires suivants du théorème fondamental 1.4 sont très importants car ils sont àla base des principales méthodes de calcul des intégrales : revoir le cours du S1 et le débutde la feuille 1 de TD pour quelques applications.

Corollaires 1.5. 1. Intégrale d’une dérivée. Si f est de classe C1 sur [a, b], alors∫ b

a

f ′(x)dx = f(b)− f(a) ,

2. Intégration par parties. Pour f et g de classe C1 sur [a, b]∫ b

a

f(x)g′(x)dx = −∫ b

a

f ′(x)g(x)dx+ f(b)g(b)− f(a)g(a) ,

3. Changement de variables. Si ϕ : [a, b]→ R est de classe C1 et f est continue surl’intervalle ϕ([a, b]) alors on a :∫ b

a

f(ϕ(x))ϕ′(x)dx =

∫ ϕ(b)

ϕ(a)

f(y)dy .

Autrement dit, si y = ϕ(x) est la nouvelle variable, alors « dy = ϕ′(x)dx ».

Démonstration. 1. f est une primitive de f ′ et le théorème 1.4 s’applique.

2. (fg)′ = f ′g + fg′ par Leibniz. Alors par 1,

∫ b

a

(fg)′(x)dx = f(b)g(b)− f(a)g(a) =

∫ b

a

(f(x)g′(x) + f ′(x)g(x))dx .

3. On considère la fonction ψ : x ∈ [a, b] 7−→∫ ϕ(x)

ϕ(a)

f(y)dy. On a

ψ(x) = (F ◦ ϕ)(x)− (F ◦ ϕ)(a) avec F (x) =

∫ x

a

f(t)dt .

D’où, ψ′(x) = ϕ′(x)F ′(ϕ(x)) = ϕ′(x)f(ϕ(x)), et en intégrant

∫ b

a

ψ′(x)dx = ψ(b)− ψ(a) =

∫ ϕ(b)

ϕ(a)

f(y)dy =

∫ b

a

ϕ′(x)f(ϕ(x))dx .

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2 Fonctions de plusieurs variables et domaines réguliers

On rentre maintenant dans le vif du sujet. On voudrait d’abord décrire et apprendre àreprésenter les domaines du plan R2 et de l’espace R3 sur lesquels on va intégrer des fonctionsde 2 (resp. 3) variables.

Ce problème de domaine ne se posait pas vraiment en dimension 1 : on y intègre lesfonctions définies sur des intervalles. Par contre, les domaines de R2 et R3 peuvent êtrebeaucoup plus compliqués en général !

Quelques dessins.

2.1 Domaines réguliers

On va travailler avec des parties (ou domaines) D qui sont définies par un nombre fini deconditions. Ils se présentent sous la forme :

D = {(x, y) ∈ R2 tels que f1(x, y) ≥ 0 et f2(x, y) ≥ 0 et · · · fn(x, y) ≥ 0} dans R2 ,

D = {(x, y, z) ∈ R2 tels que f1(x, y, z) ≥ 0 et f2(x, y, z) ≥ 0 et · · · fn(x, y, z) ≥ 0} dans R3.

Les signes des inégalités, ni les constantes, n’ont pas vraiment d’importance (quitte à rem-placer les fi par gi = c− fi, on a fi ≤ c⇔ gi ≥ 0).

Voici quelques exemples dans le plan :

D1 = {(x, y) ∈ R2 , x+ y ≤ 1} ,D2 = {(x, y) ∈ R2 , 0 ≤ y , 0 ≤ x ≤ 3 , x+ 2 ≥ 2y} ,D3 = {(x, y) ∈ R2 , x2 + 2x ≤ y ≤ x+ 2} ,D4 = {(x, y) ∈ R2 , 1 ≤ x2 + y2 ≤ 4 , x+ y ≥ 0} .

On constate que ces domaines sont délimités par une collection finie des courbes du typey = f(x) ou x = f(y) qui correspondent aux cas d’égalité dans les inégalités.

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8 2 FONCTIONS DE PLUSIEURS VARIABLES ET DOMAINES RÉGULIERS

En pratique, pour dessiner un domaine

D = {(x, y) ∈ R2 , f1(x, y) ≥ 0 , f2(x, y) ≥ 0 , · · · , fn(x, y) ≥ 0} ,

on procède de la façon suivante.

1. Pour chaque i de 1 à n, on trace la courbe fi(x, y) = 0. Elle délimite 2 parties duplan fi(x, y) ≥ 0 et fi(x, y) ≤ 0.

2. On repère la partie fi(x, y) ≥ 0, par exemple en testant si un point donné y est ounon. On la hachure (par exemple).

3. On prend l’intersection des domaines hachurés obtenus.

En théorie, ce procédé pourrait ne pas marcher à tous les coups pour des fonctions peurégulières ou présentant certaines dégénérescences 3. De plus, les domaines définis ainsi nesont pas nécessairement bornés : par exemple le demi-plan D1 ci-dessus ne l’est pas, et onne pourra pas définir simplement une intégrale dans un tel cas.

Pour éviter ces problèmes, on se restreindra à une catégorie de domaines que l’on appelleraréguliers ici.

Remarque 2.1. Attention, la terminologie qui suit n’est pas du tout universelle. Elle sertseulement à fixer les idées dans ce cours, et à donner des énoncés mathématiquement justessans rentrer dans des détails trop techniques !

Définition 2.2. On dit qu’un domaine D de R2 est régulier si D se décompose (sedécoupe) en une réunion finie de domaines élémentaires E du type

E = {(x, y) ∈ R2 , a ≤ x ≤ b , f(x) ≤ y ≤ g(x)} (3)ou E = {(x, y) ∈ R2 , a ≤ y ≤ b , f(y) ≤ x ≤ g(y)} , (4)

avec f et g continues sur [a, b].

Les domaines élémentaires se présentent :— soit en piles au dessus des abscisses pour (3),— soit en tranches pour (4).

Exemples.

3. Cela pose rarement de problème en pratique, en tout cas pas dans les exercices ni les contrôles ;-)

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2.2 Fonctions continues de plusieurs variables 9

De la même façon dans R3.

Définition 2.3. On dit qu’un domaine D de R3 est régulier si D se décompose (sedécoupe) en une réunion finie de domaines élémentaires E du type (à permutation descoordonnées près)

E = {(x, y, z) ∈ R3 , (x, y) ∈ ∆ régulier , f(x, y) ≤ z ≤ g(x, y)} ,

avec f et g continues sur ∆.

Remarque 2.4. Le domaine plan ∆ est en quelque sorte l’ombre du domaine D vu du dessus.

Par exemple : les cubes, pyramides, boules sont élémentaires. Ainsi, la boule

B = {(x, y, z) ∈ R3 , x2 + y2 + z2 ≤ R2 }

se présente aussi sur la forme

B = {(x, y, z) ∈ R3 , (x, y) ∈ ∆ disque de centre (0, 0) de rayon R ,

f(x, y) = −√R2 − x2 − y2 ≤ z ≤ g(x, y) =

√R2 − x2 − y2 } .

2.2 Fonctions continues de plusieurs variables

Comme dans le cas de l’intégrale de Riemann sur un intervalle, on ne peut pas intégrern’importe quelle fonction sur un domaine régulier de R2 et R3. On travaillera avec desfonctions continues.

Définition 2.5. Soit D une partie de R2 et f : D → R. On dit que f est continue sur Dsi quelque soit (x0, y0) fixé dans D, on a f(x, y)→ f(x0, y0) lorsque (x, y) ∈ D est tel quex tend vers x0 et y tend vers y0.

La définition de continuité pour les fonctions de 3 variables est du même genre. Cetteclasse de fonction est stable par les opérations usuelles.

Proposition 2.6. 1. Les fonctions polynomiales des coordonnées sont continues surR2 (ou R3),

2. Les sommes, produits de fonctions continues sur D sont continues sur D,3. Si f : D → I ⊂ R et g : I → R sont continues, alors la composée g ◦ f : D → R l’est

aussi.

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10 3 DÉFINITION DE L’INTÉGRALE MULTIPLE

Exemples 2.7. • (x, y) 7→ exy − 2 sin(x+ y) +√x2 + y2 est continue sur R2,

• (x, y) 7→ 1

x2 + y2est définie et continue sur le domaine (régulier) D = {(x, y) ∈

R2 , 1 ≤ x2 + y2 ≤ 100},

Dans les exemples concrets, et en TD, les fonctions sont fabriquées par somme, produit,composition à partir des coordonnées et les fonctions classiques (ex, sin, etc), et sont continuessur leur domaine de définition. On se contentera de vérifier qu’elles sont bien définies ! Onn’aura pas besoin d’approfondir ces notions dans ce cours d’introduction à l’intégration.

3 Définition de l’intégrale multiple

3.1 L’intégrale double

Soit D un domaine régulier du plan et f : D → R une fonction continue.

Pour définir l’intégrale de f on va procéder comme en dimension 1, par découpage etéchantillonage en adaptant les sommes de Riemann du chapitre 1.

On considère que f est la densité par unité de surface de la plaque D, c’est-à-dire que

δm/δS ≈ f(x) , (5)

et on veut estimer la masse totale de D.

Pour n ≥ 1 entier donné, on peut découper le plan en des carrés (pleins) de largeur1

n

Ck,l ={

(x, y) ∈ R2 ,k

n≤ x <

k + 1

n,l

n≤ y <

l + 1

n

}.

Quand n est grand, la densité f oscille peu sur le petit carré Ck,l et reste approximative-ment constante. On évalue (échantillonne) cette valeur par f(Mk,l) avec par exemple

Mk,l =(kn,l

n

)∈ Ck,l .

Comme la surface du carré Ck,l est1

n2, la masse du petit carré est donc d’après (5)

δmk,l ≈1

n2f(Mk,l) .

On a ainsi une estimation de la masse totale de D par

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3.2 L’intégrale triple 11

masse(D) =∑

δmk,l ≈1

n2

∑Mk,l∈D

f(Mk,l) = Sn(f) . (6)

La somme Sn(f) obtenue est l’équivalent en « 2D » des sommes de Riemann utiliséepour les intervalles ; à comparer avec la définition 1.1. La différence est le poids de chaqueéchantillon. Le coefficient 1/n en 1D est la longueur de chaque intervalle de la subdivision,et est remplacé en 2D par la surface 1/n2 du carré Ck,l.

On peut montrer que cette idée de pesée par découpage possède bien une limite quand ondécoupe D en des morceaux infiniment petits (n→ +∞).

Théorème 3.1 (Définition de l’intégrale double).

Soit f : D → R est continue sur le domaine régulier D du plan. Les sommes deRiemann Sn(f) convergent vers un nombre réel limite lorsque n tend vers +∞.

On appelle intégrale double de f sur D cette limite, et on la note∫∫

D

f(x, y)dxdy.

Même si l’intuition nous porte à croire à ce résultat, sa démonstration mathématique esthors de portée technique à ce niveau. Elle s’appuie sur les notions de borne sup, de suite deCauchy et d’uniforme continuité qui ne sont pas au programme.

On va plutôt se consacrer à présenter les techniques de calculs de cette nouvelle intégrale.

3.2 L’intégrale triple

L’intégrale d’une fonction de 3 variables f : D → R sur un domaine de R3 se définit selonles mêmes principes que ci-dessus. Pour n ≥ 1, l’espace se découpe en cubes

Ck,l,m ={

(x, y, z) ∈ R3 ,k

n≤ x <

k + 1

n,l

n≤ y <

l + 1

n,m

n≤ y <

m+ 1

n

}.

Sur chaque cube, on échantillonne la densité f au point

Mk,l,m =(kn,l

n,m

n

)∈ Ck,l,m .

Le volume de chaque petit cube Ck,l,m de côté1

nest

1

n3. La masse totale du domaine avec

la densité par unité de volume f est approchée par la somme de Riemann « 3D »

Sn(f) =1

n3

∑Mk,l,m∈D

f(Mk,l,m) .

On a de nouveau un résultat de convergence de ces approximations pour n→ +∞.

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12 4 PREMIÈRES PROPRIÉTÉS

Théorème 3.2 (Définition de l’intégrale triple). Soit f : D → R continue sur le domainerégulier D de R3. Les sommes de Riemann Sn(f) convergent vers un nombre réel limitelorsque n tend vers +∞.

On appelle intégrale triple de f sur D cette limite, et on la note∫∫∫

D

f(x, y, z) dxdydz.

4 Premières propriétés

4.1 L’intégrale double et l’aire

La notion d’intégrale double introduite conduit à une définition de l’aire pour les domainesréguliers du plan. En effet, soit D domaine régulier de R2 et considérons la fonction f

constante égale à un sur D.

Avec les notation du §3.1, les sommes de Riemann correspondantes s’écrivent

Sn(1) =1

n2

∑Mk,l∈D

1 =∑

Mk,l∈D

Aire(Ck,l) = Aire(Dn =

⋃Mk,l∈D

Ck,l)

(7)

C’est l’aire de la réunion Dn des carrés pleins dont le coin inférieur gauche Mk,l est dans D.

En quelque sorte, les domaines Dn sont des approximations de D « à la précision »1

n.

Comme « Dn → D » et que l’on sait aussi par le théorème 3.1 que

Sn(1) = Aire(Dn)→∫∫

D

dxdy ,

il est naturel de considérer cette intégrale comme mesurant l’aire de D.

Définition 4.1. Soit D un domaine régulier de R2. Alors l’aire de D est donnée par

Aire(D) =

∫∫D

dxdy .

On montre que cela est cohérent avec la notion d’aire des domaines élémentaires « enpiles » que l’on sait calculer avec des intégrales simples, cf. (1).

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4.1 L’intégrale double et l’aire 13

Théorème 4.2. Soit D un domaine élémentaire en piles

D = {(x, y) ∈ R2 , a ≤ x ≤ b , f(x) ≤ y ≤ g(x)} .

Alors on a :

Aire(D) =

∫∫D

dxdy =

∫ b

a

(g(x)− f(x))dx

=

∫ b

a

longueur(Dx)dx ,

(8)

où Dx = {(x, y) , f(x) ≤ y ≤ g(x)} est la tranche de D d’abscisse x.

On a un énoncé équivalent en échangeant x et y pour des domaines élémentaires qui seprésentent « en tranches » horizontales.

Pour D = {(x, y) ∈ R2 , a ≤ y ≤ b , f(y) ≤ x ≤ g(y)}, on a

Aire(D) =

∫∫D

dxdy =

∫ b

a

(g(y)− f(y))dy

=

∫ b

a

longueur(Dy)dy ,

(9)

où Dy = {(x, y) , f(y) ≤ x ≤ g(y)} est la tranche horizontale de D d’ordonnée x.

Idée de la démonstration. On calcule les sommes de Riemann 2D de f sur D en regroupant

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14 4 PREMIÈRES PROPRIÉTÉS

les sommes en piles (points Mk,l = (k/n, l/n) de même abscisse). D’après (7), on a

Sn(1) =1

n2

∑Mk,l∈D

1

=1

n

∑a≤xk=k/n≤b

( 1

n

∑f(xk)≤yl=l/n≤g(xk)

1), (10)

où la somme Sn,k =1

n

∑f(xk)≤yl=l/n≤g(xk)

1 est la somme de Riemann 1D de la fonction constante

= 1 sur l’intervalle [f(xk), g(xk)]. Elle converge donc pour n→ +∞ vers∫ g(xk)

f(xk)

1dy = g(xk)− f(xk) = longueur(Dxk) .

On a alors dans (10),

Aire(D) =

∫∫D

dxdy ← Sn(1) ∼ 1

n

∑a≤xk=k/n≤b

(g(xk)− f(xk))

→∫ b

a

(g(x)− f(x))dx .

Notons que ceci n’est qu’une esquisse de preuve, car techniquement il y a une convergencede somme double à étudier. L’idée de voir cette somme de Riemann 2D comme une doublesomme de Riemann 1D est intéressante malgré tout.

On note en particulier que (8) et (9) donnent deux méthodes de calcul de l’aire de D, sile domaine s’écrit à la fois en piles et tranches. On peut choisir l’intégrale à calculer, et ellesne sont pas toujours de la même difficulté !

Exemples. Soit D = {(x, y) ∈ R2 , y2 + 2y ≤ x ≤ y + 2}.

En utilisant (9), on a

Aire(D) =

∫ 1

−2

(x+ 2− x2 − 2x)dx

=

[−x

3

3− x2

2+ 2x

]1

−2

= −1

3− 1

2+ 2− 8

3+ 2 + 4

=9

2.

Par contre le calcul en pile (verticale) par (8) est beaucoup moins simple, car

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4.2 Volume et intégrale 15

— il fait apparaître des racines carrées : il faut résoudre y2 + 2y = x pour trouver lesbornes d’intégration.

— De plus l’équation des piles change pour −1 ≤ x ≤ 1 et 1 ≤ x ≤ 3.Conclusion : avec les intégrales multiples, il vaut mieux réfléchir un peu avant de choisir

une méthode de calcul !

4.2 Volume et intégrale

On reprend les discussions précédentes dans R3.

Soit D un domaine régulier de R3 et considérons de nouveau la fonction f constante égaleà 1 sur D. Avec les notations du §3.2, les sommes de Riemann s’écrivent

Sn(f) =1

n3

∑Mk,l,m∈D

1 =∑

Mk,l,m∈D

Volume(Ck,l,m) = Volume(Dn =

⋃Mk,l,n∈D

Ck,l,n)

(11)

C’est le volume de la réunion des cubes pleins Ck,l,m dont le coin Mk,l,m est dans D. Ces Dn

remplissent D à la limite, et comme Sn(f) = Volume(Dn)→∫∫∫

Ddxdydz, on pose

Volume(D) =

∫∫∫D

dxdydz . (12)

Le résultat suivant permet d’exprimer ce volume par une intégrale double pour les do-maines élémentaires.

Théorème 4.3. Soit ∆ un domaine régulier du plan, f : ∆→ [0,+∞[ continue, et

D = {(x, y, z) ∈ R3 , (x, y) ∈ ∆ , 0 ≤ z ≤ f(x, y)}

le domaine élémentaire situé entre le plan z = 0 et la surface S d’équation z = f(x, y).Alors on a

Volume(D) =

∫∫∆

f(x, y)dxdy . (13)

Cela donne une interprétation « géométrique » de la notion d’intégrale double par unvolume. Elle permet de calculer le volume du domaine D, si on sait calculer l’intégraledouble associée !

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16 4 PREMIÈRES PROPRIÉTÉS

On démontre (13) suivant le même principe que le théorème 4.2 en regroupant les cubesdans les sommes de Riemann 3D en piles au dessus de ∆. La pile au dessus de (x, y) ∈ ∆

est de hauteur f(x, y), et la somme de Riemann 2D restante tend vers l’intégrale double def sur ∆.

Exercice 4.4. Calculer le volume d’un parallélépipède de cotés a, b, c avec cette méthode.

Exercice 4.5. Soit ∆ = {(x, y) ∈ R2 , x2 + y2 ≤ 1}. Interpréter géométriquement l’intégrale

I =

∫∫∆

√1− x2 − y2 dxdy .

Que vaut-elle ?

4.3 Propriétés élémentaires de l’intégrale multiple

On passe en revue les propriétés les plus simples (mais utiles) de l’intégrale multiple.

1. linéarité. Soit D ⊂ R2 (ou R3) un domaine réguler, et f , g : D → R continues,k ∈ R. Alors on a∫∫

D

(f + g)(x, y)dxdy =

∫∫D

f(x, y)dxdy +

∫∫D

g(x, y)dxdy

et

∫∫D

kf(x, y)dxdy = k

∫∫D

f(x, y)dxdy .

2. positivité, croissance. Soient f , g : D → R continues avec f ≤ g sur D, alors∫∫D

f(x, y)dxdy ≤∫∫

D

g(x, y)dxdy .

En particulier, les inégalités suivantes sont toujours satisfaites

(minD

f)× Aire(D) ≤∫∫

D

f(x, y)dxdy ≤ (maxD

f)× Aire(D) ,

et

∣∣∣∣∫D

f(x, y)dxdy

∣∣∣∣ ≤ ∫D

|f(x, y)|dxdy .

3. croissance par rapport au domaine. Si D1 ⊂ D2 et f : D2 → R est positive,alors ∫∫

D1

f(x, y)dxdy ≤∫∫

D2

f(x, y)dxdy .

4. Ces propriétés sont aussi satisfaites pour l’intégrale triple, en remplaçant Aire(D)par Volume(D) dans 2.

Démonstration. Ces propriétés sont satisfaites au niveau des sommes de Riemann associées,et passent donc directement à la limite pour les intégrales. Par exemple, on a Sn(f + g) =

Sn(f) + Sn(g) et Sn(f) ≤ Sn(g) si f ≤ g.

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4.3 Propriétés élémentaires de l’intégrale multiple 17

Découpage des domaines. Pour les calculs d’intégrales, on peut découper des domainescompliqués en des morceaux plus simples. L’intégrale sur le tout est la somme des intégralesdes morceaux, à condition que le découpage ait lieu le long de courbes en 2D, ou de surfacesen 3D.

Figure avec centre de gravité d’une figure 1Aire(D)

∫∫Dydxdy = hauteur du centre de gravité

(voir § 4.3).

Théorème 4.6 (Additivité de l’intégrale double par découpage). Soit f : D → R unefonction continue sur un domaine régulier D ⊂ R2.

On suppose que D = D1 ∪ D2 avec D1 et D2 réguliers et D1 ∩ D2 contenu dans unecourbe γ de la forme y = ϕ(x) ou x = ϕ(y). Alors, on a∫∫

D=D1∪D2

f(x, y)dxdy =

∫∫D1

f(x, y)dxdy +

∫∫D2

f(x, y)dxdy .

Démonstration. Au niveau des sommes de Riemann, on a

Sn(f,D1) + Sn(f,D2) = Sn(f,D) + Sn(f,D1 ∩D2) , (14)

c’est-à-dire que l’on compte une fois de trop les points Mk,l = (k/n, l/n) qui appartiennentà D1 ∩D2. On doit montrer que cette contribution Sn(f,D1 ∩D2)→ 0 pour n→ +∞.

Pour chaque abscisse xk = k/n donnée, il y a au plus un point Mk,l = (k/n, l/n) ∈ γ ⊂D1 ∩D2, si γ est un graphe y = ϕ(x) (le Mk,l avec l = nϕ(k/n) si c’est un entier). De plusD1 ∩D2 est contenu dans une bande verticale [a, b] × R, c’est-à-dire que seuls les entiers ktels que a ≤ xk = k/n ≤ b comptent. Cela fait au maximum (b− a)n+ 1 points de type Mk,l

dans D1 ∩D2. On a donc

|Sn(f,D1 ∩D2)| =∣∣ 1

n2

∑Mk,l∈D1∩D2

f(Mk)∣∣

≤ max |f |n2

Cardinal({(k, l) ,Mk,l ∈ D1 ∩D2})

≤ C(b− a)n+ 1

n2=C(b− a)

n+C

n2−→ 0 pour n→ +∞ .

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18 4 PREMIÈRES PROPRIÉTÉS

On a donc le résultat souhaité et (14) donne le théorème à la limite.

Remarque 4.7. Cette preuve montre que quelque soit f sur γ∫∫γ

f(x, y)dxdy = 0 ,

si γ est une courbe du type graphe. Autrement dit, l’intégrale double ne voit pas une courbedu plan, ou encore, une courbe est négligeable pour l’intégrale double. 4 En particulier pourf = 1 sur γ on obtient que

Aire(γ) = 0 .

L’énoncé correspondant en 3D est le suivant.

Théorème 4.8 (Additivité de l’intégrale triple par découpage). Soit f : D → R unefonction continue sur un domaine régulier D ⊂ R3.

On suppose que D = D1 ∪ D2 avec D1 et D2 réguliers et D1 ∩ D2 contenu dans unesurface S localement de la forme z = ϕ(x, y) (à permutation des coordonnées près). Alorson a ∫∫∫

D=D1∪D2

f(x, y)dxdy =

∫∫∫D1

f(x, y)dxdy +

∫∫∫D2

f(x, y)dxdy .

Démonstration. La démonstration suit les mêmes lignes que en 2D. On démontrer que

Sn(f,D1 ∩ D2) → 0 ; grâce au facteur1

n3dans Sn tandis que D1 ∩ D2 contient au plus

Cn2 points d’échantillonnage Mk,l,n = (k/n, l/n,m/n), comme on le voit en considérant lespiles en z.

Remarque 4.9. Il en découle que si S est une surface régulière de R3, alors∫∫∫S

f(x, y, z)dxdydz = 0 ,

et en particulier pour f = 1 sur D, on obtient

Volume(S) = 0 .

L’intégrale triple ne voit donc pas les surfaces. Elles sont négligeables pour l’intégrale triple.

4. Comme peut l’être l’est un point pour l’intégrale simple (longueur nulle)

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4.4 Une illustration physique : intégrale et centre de gravité 19

Intégrale et mesure. Une dernière remarque sur les propriétés que nous venons de voir.Comme en dimension 1 (voir §1.3), elles caractérisent l’application intégrale. C’est la seuleexpression définie pour les fonctions continues sur les domaines réguliers, qui soit :

— croissante lorsque la densité f croît,— additive par découpage,— calibrée, par exemple, par

∫∫Cdxdy = l2 pour les carrés pleins de coté l dans R2,

ou∫∫∫

Cdxdydz = l3 pour les cubes en dimension 3.

C’est intuitivement ce que l’on attend de la mesure de le masse totale d’un domaine dedensité f . La construction la plus puissante de l’intégrale (Lebesgue ∼ 1900) s’appuie en faitsur ces propriétés (cf. L3).

4.4 Une illustration physique : intégrale et centre de gravité

Les intégrales multiples se rencontrent très fréquemment dans les calculs en physique. Ona vu par exemple que si D est un domaine régulier du plan ou de l’espace, alors

Aire(D) =

∫∫D

dxdy et Volume(D) =

∫∫∫D

dxdydz .

Plus généralement, si D a une densité de masse (ou de charge) ρ = dm/dvol (ou ρ =

dq/dvol), alors la masse (charge) totale de D est donnée par l’intégrale

M(D) =

∫∫D

dm =

∫∫D

ρ(x, y)dxdy ou

∫∫∫D

ρ(x, y, z)dxdydz dans R3 .

Une autre notion fondamentale en mécanique du solide est celle de centre de gravité G(ou d’inertie) d’un domaine D.

• Si D ⊂ R2 est de densité ρ, les coordonnées de G = (xG, yG) sont données par lesintégrales

xG =1

M(D)

∫∫D

xρ(x, y)dxdy et yG =1

M(D)

∫∫D

yρ(x, y)dxdy (15)

• Si D ⊂ R3, on a G = (xG, yG, zG) avec

xG =1

M(D)

∫∫∫D

xρ(x, y, z)dxdydz , yG =1

M(D)

∫∫∫D

yρ(x, y, z)dxdydz ,

zG =1

M(D)

∫∫∫D

zρ(x, y, z)dxdydz .

Si la densité ρ est constante, on dit que D est homogène, et les expressions se simplifient.On obtient alors

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20 5 LE THÉORÈME DE FUBINI

xG =1

Aire(D)

∫∫D

x dxdy resp.1

Volume(D)

∫∫D

x dxdydz dans R3

et des expressions similaires pour yG et zG.

Vous verrez que le centre de gravité G a des propriétés physiques très importantes. Uned’entre elles est utile pour avoir l’intuition de sa position : le domaine D reste à l’équilibres’il est posé sur son centre de gravité. 5

Pour revenir aux notions mathématiques que nous avons abordées ici, le centre de gravitése comporte très bien par découpage des domaines. Le centre de gravité du tout est alors lebarycentre des centres de gravités des morceaux. On a plus précisément :

Proposition 4.10. Si le domaine D se découpe en la réunion de domaines D1, D2, · · ·Dn,alors

M(D)xG = M(D1)xG1 +M(D2)xG2 + · · ·+M(Dn)xGn , (16)

et des expressions similaires pour yG et zG.

Démonstration. C’est une conséquence immédiate du découpage de l’intégrale

M(D)xG =

∫∫D

xρ(x, y)dxdy =n∑i=1

∫∫Di

xρ(x, y)dxdy =n∑i=1

M(Di)xGi.

On peut ainsi déterminer le centre de gravité de domaines constitués de figures géomé-triques simples, en tout cas en principe pour l’instant, car il nous faut d’abord avoir desoutils de calculs d’intégrales multiples efficaces sur ces figures.

Notez enfin la similitude des formules (15) et (16), valable pour un système fini de masses.En effet, (16) s’écrit aussi

xG =1

M(D)

n∑i=1

xGiM(Di) ,

et la formule (15) n’est que la version continue de cette expression, où l’on aurait découpé Den une infinité de morceaux infinitésimaux Di de masse dmi ' ρdxdy, tout à fait dans l’espritde découpage et d’échantillonage des sommes de Riemann qui nous on permis d’introduirela notion d’intégrale multiple.

5 Le théorème de Fubini

Le théorème de Fubini est un outil clé pour le calcul d’intégrales multiples. Il permet decalculer des intégrales doubles à l’aide d’intégrales simples, et les triples à l’aide de doubles.

5. C’est une « expérience de pensée » car G n’est pas toujours situé dans D, par exemple si D est unpneu ou un boomerang !

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5.1 Fubini dans le plan 21

5.1 Fubini dans le plan

Théorème 5.1 (Fubini « en piles »). Soit f : D ⊂ R2 → R continue sur un domaineélémentaire « en piles » du type

D = {(x, y) ∈ R2 , a ≤ x ≤ b , ϕ(x) ≤ y ≤ ψ(x)} ,

avec ϕ, ψ continues et ϕ ≤ ψ.

Alors la fonction g : x ∈ [a, b]→∫ ψ(x)

ϕ(x)

f(x, y)dy est continue et on a

∫∫D

f(x, y)dxdy =

∫ b

a

(∫ ψ(x)

ϕ(x)

f(x, y)dy)dx .

Autrement dit, pour calculer l’intégrale double surD, on commence par calculer l’intégralesimple sur chaque tranche verticale (pile) Dx de D, et on intègre de nouveau les valeursobtenues pour x ∈ [a, b].

Une idée de la démonstration. On procède comme dans le théorème 4.2 de calcul des airesen piles (qui est un cas particulier du théorème de Fubini avec f = 1 sur D).

Soient Mk,l = (xk, yl) = (k/n, l/n) les points d’échantillonnage de f . On écrit la sommede Riemann de f en regroupant les points par abscisse xk donnée :

Sn(f) =1

n2

∑Mk,l∈D

f(Mk,l)

=1

n

∑{k , a≤xk≤b}

( 1

n

∑{l , ϕ(xk)≤yl≤ϕ(xk)}

f(xk, yl)).

Pour chaque k fixé, la somme entre ( ) est la somme de Riemann de la fonction fxk : y 7→f(xk, y) sur l’intervalle y ∈ [ϕ(xk), ψ(xk)] (la tranche de D d’abscisse xk). On doit donc avoir

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22 5 LE THÉORÈME DE FUBINI

pour n grand

Sn(f) ≈ 1

n

∑{k , a≤xk≤b}

(∫ ψ(xk)

ϕ(xk

f(xk, y)dy)

=1

n

∑{k , a≤xk≤b}

g(xk) = Sn(g)

−→∫ b

a

g(x)dx pour n→ +∞ .

Cas particulier important. Un cas particulier important de ce théorème se produitlorsque D est un rectangle plein D = [a, b] × [c, d] et que la fonction f est à variablesséparables, c’est-à-dire

f(x, y) = g(x)h(y) .

On a alors ϕ(x) = c, ψ(x) = d constantes et∫∫D

f(x, y)dxdy =

∫ b

a

(∫ d

c

g(x)h(y)dy)dx

=(∫ b

a

g(x)dx)(∫ d

c

h(y)dy).

Exemples.

• Calculer I =

∫∫C

xy dxdy sur sur le carré plein C = [0, 1] × [0, 1]. D’après le principe

précédent de séparation des variables, on a

I =

∫∫C

xy dxdy =(∫ 1

0

xdx)(∫ 1

0

ydy)

=1

4.

• Calculer J =

∫∫C

(x+ y)2dxdy sur C = [0, 1]× [0, 1]. On a

J =

∫∫C

(x2 + y2 + 2xy)dxdy

=

∫∫C

x2dxdy +

∫∫C

y2dxdy + 2

∫∫C

xydxdy

(par linéarité de l’intégrale, cf §4.3)

=(∫ 1

0

x2dx)(∫ 1

0

1dy)

+(∫ 1

0

1dx)(∫ 1

0

y2dy)

+2

4(séparation des variables)

=1

3+

1

3+

1

2=

7

6.

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5.1 Fubini dans le plan 23

• Si le domaine d’intégration n’est pas un rectangle, on ne peut pas aller aussi vite ! Pourappliquer le théorème de Fubini, il faut commencer par dessinerD pour déterminer les bornesde chaque pile Dx d’abscisse donnée (i.e. les fonctions ϕ et ψ de l’énoncé).

Calculer K =

∫∫D

y dxdy pour D = {(x, y) ∈ R2 , 0 ≤ y ≤ x , x+ y ≤ 2}.

D est un triangle plein. On trouve les tranches verticales en s’aidant du dessin.— Pour 0 ≤ x ≤ 1, on a Dx = [0, x]⇔ ϕ(x) = 0 et ψ(x) = x,— et pour 1 ≤ x ≤ 2, on a Dx = [0, 2− x]⇔ ϕ(x) = 0 et ψ(x) = 2− x .

D’où,

K =

∫ 1

0

(∫ x

0

ydy)dx+

∫ 2

1

(∫ 2−x

0

ydy)dx

=

∫ 1

0

x2

2dx+

∫ 2

1

(2− x)2

2dx

=[x3

6

]1

0−[(2− x)3

6

]2

1=

1

3.

Remarque 5.2. On a vu dans le paragraphe 4.4 que l’intégrale yD =1

Aire(D)

∫∫D

ydxdy

s’interprète comme l’ordonnée du centre de gravité du domaine D. On a obtenu yD = 13pour

ce triangle d’aire 1.

On peut aussi intégrer en tranches horizontales en échangeant les rôles de x et y.

Théorème 5.3 (Fubini « en tranches »). Soit f : D → R continue sur

D = {(x, y) ∈ R2 , a ≤ y ≤ b , ϕ(y) ≤ x ≤ ψ(y)} ,

avec ϕ ≤ ψ continues sur [a, b].

Alors la fonction g : y ∈ [a, b]→∫ ψ(y)

ϕ(y)

f(x, y)dx est continue, et on a

∫∫D

f(x, y)dxdy =

∫ b

a

(∫ ψ(y)

ϕ(y)

f(x, y)dx)dy .

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24 5 LE THÉORÈME DE FUBINI

Exemples. • On reprend l’intégrale K ci-dessus sur le triangle D. Pour 0 ≤ y ≤ 1 latranche horizontale Dy d’ordonnée y est

Dy = [y, 2− y]⇐⇒ ϕ(y) = y et ψ(y) = 2− y .

D’où

K =

∫∫D

ydxdy =

∫ 1

0

(∫ 2−y

y

ydx)dy

=

∫ 1

0

y(2− 2y)dy =[y2 − 2y3

3

]1

0

=1

3,

again, mais avec des calculs un peu plus courts.

• On insiste de nouveau sur le fait que certaines intégrales doubles peuvent être bien plusfaciles à calculer avec l’une ou l’autre des versions du théorème de Fubini.

Par exemple, la « tôle ondulée »

D = {(x, y) ∈ R2 , 0 ≤ y ≤ h , sin y ≤ x ≤ sin y + b} ,

est un domaine élémentaire en tranches, qui pourrait aussi se découper en domaines élémen-taires en piles, mais de manière beaucoup plus compliquée.

Si on intègre la surface en tranches (f = 1), on a

Aire(D) =

∫∫D

1dxdy =

∫ h

0

(∫ sin y+b

sin y

1dx)dy

=

∫ h

0

bdx = bh .

En fait D est une déformation du rectangle R = [0, b]×[0, h] par une application « glissementde terrain »

G : (x, y) 7→ (x+ sin y, y) .

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5.2 Fubini dans l’espace 25

Cette application fait glisser les tranches horizontales y donné en conservant leur longueur,et donc en préservant l’aire, car l’aire est l’intégrale des longueurs des tranches.

Exercice 5.4. Retrouver que l’aire d’un triangle est (base × hauteur )/2.

5.2 Fubini dans l’espace

On a des énoncés similaire pour l’intégrale triple dans R3, en découpant les domaines enpiles ou en tranches.

Théorème 5.5 (Fubini en piles dans l’espace). Soit f : D → R continue sur le domaineélémentaire D « en piles » au dessus de ∆ ⊂ R2 régulier

D = {(x, y, z) ∈ R3 , (x, y) ∈ ∆ , ϕ(x, y) ≤ z ≤ ψ(x, y)} .

Alors on a ∫∫∫D

f(x, y, z)dxdydz =

∫∫∆

(∫ ψ(x,y)

ϕ(x,y)

f(x, y, z)dz)dxdy .

Début d’idée de preuve. L’idée est que l’on peut de nouveau regrouper les sommes de Rie-mann 3D par points Mk = (xk, yl, zm) en piles au dessus de chaque (xk, yl). La somme dechaque pile converge vers ∫ ψ(x,y)

ϕ(x,y)

f(x, y, z)dz ,

qu’il faut sommer de nouveau sur ∆.

On a aussi une version en tranches.

Théorème 5.6 (Fubini en tranches dans l’espace). Soit f : D → R continue sur undomaine régulier D de R3 tel que :

— on a : a ≤ z ≤ b pour tout (x, y, z) ∈ D,

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26 5 LE THÉORÈME DE FUBINI

— et pour chaque z ∈ [a, b], la tranche horizontale

Dz = {(x, y) ∈ R2 , (x, y, z) ∈ D}

est un domaine régulier.Alors on a : ∫∫∫

D

f(x, y, z) dxdydz =

∫ b

a

(∫∫Dz

f(x, y, z)dxdy)dz .

Application au volumes. Lorsque f = 1, on sait par (12) que

Volume(D) =

∫∫D

dxdydz .

Les énoncés précédents donnent donc deux méthodes de calculs des volumes.

Corollaire 5.7. — Volume en piles, on retrouve (13)

Volume(D) =

∫∫∆

(ψ(x, y)− ϕ(x, y))dxdy . (17)

— Pour le volume en tranches, on obtient

Volume(D) =

∫ b

a

(∫∫Dz

dxdy)dz =

∫ b

a

Aire(Dz)dz . (18)

Exemples. • Calculer I =

∫∫∫C

zdxdydz sur le cube D = [0, 1]3. Ici le domaine est en

pile de hauteur constante au dessus du carré C = [0, 1]2 ⊂ R2. D’après le théorème 5.5, on a

I =

∫∫C

(∫ 1

0

zdz)dxdy =

∫∫C

1

2dxdy =

1

2Aire(C) =

1

2.

Remarque 5.8. Comme Volume(D) = 1, I est par définition la hauteur zD du centre degravité de D (cf. §4.4).

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5.2 Fubini dans l’espace 27

• Calculer le volume de T = {(x, y, z) ∈ R3 , x ≥ 0 y ≥ 0 , z ≥ 0 , x+ y + z ≤ 1}.

T est un tétraèdre plein de base le triangle ∆ = {(x, y) ∈ R2 , x ≥ 0 y ≥ 0 , x + y ≤ 1}et de sommet (0, 0, 1).

Si on procède en piles, on a ϕ(x, y) = 0 ≤ z ≤ 1− x− y = ψ(x, y) sur T et par (17),

Volume(T ) =

∫∫∆

(1− x− y)dxdy

=

∫ 1

0

(∫ 1−x

0

(1− x− y)dy)dx

=

∫ 1

0

((1− x)2 − (1− x)2

2

)dx =

[(1− x)3

6

]1

0

=1

6=

1

3Aire(base)× hauteur .

C’est un volume connu depuis l’Antiquité !

Si on procède par tranche avec (18), on constate que pour 0 ≤ z ≤ 1 donné, la sectionTz = {(x, y) ∈ R2 , x ≥ 0 , y ≥ 0 , x + y ≤ 1 − z} est un triangle rectangle d’aire (1−z)2

2,

d’où par (18),

Volume(T ) =

∫ 1

0

Aire(Tz)dz =

∫ 1

0

(1− z)2

2dz =

1

6.

Exercice 5.9. Avec la même idée, en tranches, montrer que le volume d’un cône (éventuelle-

ment oblique) de hauteur h s’appuyant sur une disque de rayon R est1

3πR2h.

• Calcul du volume d’une boule de rayon R.

On considère la boule B = {(x, y, z) ∈ R3 , x2+y2+z2 ≤ R2}. Pour z donné dans [−R,R],la tranche de hauteur z de B est

Bz = {(x, y) ∈ R2 , x2 + y2 ≤ R2 − z2} ,

c’est-à-dire le disque de centre (0, 0) de rayon r =√R2 − z2, dont l’aire (calculable par

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28 6 CHANGEMENTS DE VARIABLES

l’intégrale simple∫ R−R 2√r2 − x2dx) 6 vaut πr2. On a donc par (18),

Volume(B) =

∫ R

−RAire(Bz)dz =

∫ R

−Rπ(R2 − z2)dz

= π(

2R3 − 2R3

3

)Volume(B) =

4

3πR3 .

C’est un résultat très classique, mais pas si évident finalement !

6 Changements de variables

On étudie l’effet des changements de variables « classiques » dans les intégrales multiples.Ces techniques seront utiles en physique notamment.

6.1 Le principe général

Le cadre général du problème est le suivant. On a une fonction continue

f : D −→ R(x, y) 7−→ f(x, y)

définie sur un domaine régulier D de R2 (ou de R3). On se donne en plus des nouvellesvariables, ou coordonnées, (x′, y′) avec un changement de variable

ϕ : ∆ −→ D

(x′, y′) 7−→ ϕ(x′, y′) = (x, y)

qui est une bijection entre ∆ et D.

Par exemple, on peut effectuer une rotation, ou passer en coordonnées polaires

R+ × [0, 2π] −→ R2

(r, θ) 7−→ (x, y) = (r cos θ, r sin θ) .

La fonction f devient g = f ◦ ϕ dans les nouvelles coordonnées (x′, y′)

g : ∆ −→ R(x′, y′) 7−→ f(ϕ(x′, y′)) = f(x, y)

6. Pourquoi ?

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6.1 Le principe général 29

Problème. On voudrait exprimer l’intégrale∫∫

D

f(x, y) dxdy à l’aide d’une intégrale

sur ∆ dans les nouvelles coordonnées (x′, y′).

Le principe est le suivant. On découpe ∆ en petits carré Ck,l de côté 1/n et des points ded’échantillonage Mk,l ∈ Ck,l. Dans ce cas D = ϕ(∆) est découpé dans des petits domainesDk,l = ϕ(Ck,l) avec des points Pk,l ∈ Dk,l. Les Dk,l ne sont plus des carrés en général.Par exemple pour les coordonnées polaires, les Dk,l sont des petits secteurs angulaires decouronne.

On peut néanmoins considérer ce découpage de D =⋃Dk,l comme donnant un échan-

tillonnage précis de f si la taille des Dk,l est petite. La somme de Riemann généraliséenaturelle associée à ce découpage est

Sn(f,D) =∑k,l

f(Pk,l) Aire(Dk,l) , (19)

car la « masse » de chaque morceau Dk,l avec la densité f est approximativement

δmk,l ≈ f(Pk,l) Aire(Dk,l) .

Si les Dk,l sont des carrés, on retrouve une somme de Riemann 2D standard. On a toujoursle résultat de convergence suivant.

Proposition 6.1. Si f est continue sur D, alors la suite

Sn(f,D) =∑k,l

f(Pk,l) Aire(Dk,l)

converge vers∫∫

D

f(x, y) dxdy lorsque n→ +∞.

Idée de preuve. En fait, Sn(f,D) est exactement l’intégrale sur D d’une fonction étagée fnqui est constante = f(Pk,l) sur chaque morceau Dk,l. Comme la taille des morceaux tendvers 0, cette fonction fn est (uniformément) proche de f lorsque n→ +∞. On a alors

|Sn(f,D)−∫∫

D

f(x, y)dxdy| =∣∣∣∫∫

D

(fn − f)(x, y)dxdy∣∣∣

≤ maxD|fn − f | × Aire(D)→ 0.

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30 6 CHANGEMENTS DE VARIABLES

On interprète maintenant le suite Sn(f,D) comme une somme de Riemann sur ∆. On a

Sn(f,D) =∑k,l

f(ϕ(Mk,l) Aire(Dk,l)

=1

n2

∑k,l

(f ◦ ϕ)(Mk,l)Aire(ϕ(Ck,l))

Aire(Ck,l),

car les Ck,l sont des carrés d’aire 1n2 .

On voit apparaître en facteur de g = f ◦ ϕ un termeAire(ϕ(Ck,l))

Aire(Ck,l)qui mesure la façon

dont l’application ϕ déforme les aires des petits carrés Ck,l. On peut montrer que lorsque ϕest de classe C1, ce quotient à une limite lorsque les carrés se resserrent autour d’un point(x′, y′) (pour n→ +∞).

Définition 6.2. On appelle jacobien de ϕ cette limite, et on la note jac(ϕ)(x′, y′) .

La discussion conduit alors au résultat cherché.

Théorème 6.3 (Formule générale du changement de variables). Si ϕ est un changementde variable de classe C1, on a∫∫

D

f(x, y) dxdy =

∫∫∆

f(ϕ(x′, y′)) jac(ϕ)(x′, y′) dx′dy′ ,

avecjac(ϕ)(x′, y′) = lim

Ck,l→(x′,y′)

Aire(ϕ(Ck,l))

Aire(Ck,l).

Remarques 6.4. 1. Formellement dans un changement de variables, on a :

(x, y) = ϕ(x′, y′) =⇒ dxdy = jac(ϕ)(x′, y′)dx′dy′ .

2. La même discussion s’applique dans R3, en remplaçant les carrés par des cubes et lesaires pas des volumes.

L’expression générale du jacobien de ϕ n’étant pas au programme du L1, on va l’identifierà la main pour certains changements de variables classiques.

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6.2 Dilatations, symétries, isométries 31

6.2 Dilatations, symétries, isométries

Dilatations. Soient λ et µ deux réels non nuls de signe quelconque. On considère le chan-gement de variables

ϕ : R2 −→ R2

(x′, y′) 7−→ (x = λx′, y = µy′) .

Cette transformation dilate les abscisses d’un rapport λ et les ordonnées d’un rapport µ.

L’image d’un carré Cd de côté d est un rectangle de côtés |λ|d et |µ|d. On a donc

Aire(ϕ(Cd))

Aire(Cd)=|λ||µ|d2

d2= |λµ| .

D’où pour d→ 0, jac(ϕ) = |λµ|. D’après le théorème 6.3 on a donc :

Proposition 6.5 (Changement de variables pour une dilatation).∫∫D=ϕ(∆)

f(x, y) dxdy =

∫∫∆

f(λx′, µy′)|λµ| dx′dy′ .

Exercice 6.6. Démontrer cette formule directement avec le théorème de Fubini.

Exemples. • Pour a, b > 0 données, on veut calculer l’aire de l’ellipse (pleine)

Ea,b ={

(x, y) ∈ R2 ,x2

a2+y2

b2≤ 1}

Cette ellipse est l’image par la dilatation

ϕ : (x′, y′) 7−→ (x = ax′, y = by′)

du disque ∆ = {(x′, y′) ∈ R2 , x′2 + y′2 ≤ 1}, i.e. Ea,b = ϕ(∆). En effet, on a

(x, y) ∈ Ea,b ⇐⇒x2

a2+y2

b2≤ 1⇐⇒ x′2 + y′2 ≤ 1⇐⇒ (x′, y′) ≤ ∆ .

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32 6 CHANGEMENTS DE VARIABLES

D’après la proposition 6.5, appliquée à f = 1 sur Ea,b, on a donc

Aire(Ea,b) =

∫∫Ea,b

1dxdy =

∫∫∆

ab dx′dy′ = abAire(∆)

= πab .

On retrouve bien sûr l’aire du disque de rayon a lorsque a = b.

• Lorsque λ = µ, la dilatation ϕ : (x′, y′) 7→ (x = λx′, y = λy′) s’appelle une homothétiede rapport λ. Elle multiplie toutes les longueurs par λ et donc les surfaces par λ2 = jacϕ.

Exercice 6.7. En utilisant Fubini en tranches horizontales et les homothéties, montrer que levolume d’un cône solide C ⊂ R3 de base quelconque d’aire S et de hauteur h est

Volume(C) =S × h

3.

• Les symétries par rapport aux axes

S1(x, y) = (−x, y) et S2(x, y) = (x,−y)

sont des cas particuliers de dilatations avec λ = 1 et µ = −1 (resp. λ = −1 et µ = 1). On adonc jacS1,2 = 1 et le changement de variables∫∫

D

f(x, y)dxdy =

∫∫S1(D)

f(−x, y)dxdy =

∫∫S2(D)

f(x,−y)dxdy . (20)

Attention, contrairement au changement de variable sur l’intégrale de Riemann 1D∫ b

a

f(x)dx = −∫ −b−a

f(−x)dx , (21)

il n’y a pas de signe - dans (20) ! En fait, l’intégrale définie ici n’est plus une intégrale orientéeen 2D et 3D. Le jacobien d’un changement de variables est une limite de rapports de surface(ou de volume), et est donc toujours positif. Il est d’ailleurs tout à fait raisonnable quela mesure de la masse d’une surface ou d’un solide ne dépende pas de l’ordre dans lequelon découpe l’objet, et surtout ne change pas de signe dans un nouveau paramétrage ! C’estaussi le cas pour l’intégrale 1D et la pesée de l’intervalle I = [a, b]. La cohérence entre (21)et la présentation faite ici du changement de variable est que si s(x) = −x et I = [u, v]

quelconques, on a s([u, v]) = (−v,−u) de même longueur que I, et donc le jacobien de s

jac(s)(x) = limI→x

longueur(s(I))

longueur(I)= 1 et non − 1 !

Les deux approches sont bien compatibles puisque∫ b

a

f(x)dx =

∫[a,b]

f(x)dx =

∫s([a,b])=[−b,−a]

f(−x)dx =

∫ −a−b

f(−x)dx = −∫ −b−a

f(−x)dx .

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6.2 Dilatations, symétries, isométries 33

Les formules (20) sont très utiles si le domaine d’intégration D est symétrique par rapportà l’axe des x (S1(D) = D), ou l’axe des y (S2(D) = D), et que f est impaire en x :f(−x, y) = f(x, y) (resp. f(x,−y) = −f(x, y)).

En effet dans ces cas, on a∫∫D

f(x, y)dxdy =

∫∫S1(D)

f(−x, y)dxdy = −∫∫

D

f(x, y)dxdy

=⇒∫∫

D

f(x, y)dxdy = 0 ,

et la même chose en pour S2. Par exemple, on a immédiatement que∫∫Disque centre 0

x dxdy = 0 =

∫∫Disque centre 0

y dxdy ,

intégrales qui s’interprètent comme les coordonnées du centre de gravité du disque homogènede centre 0.

Remarque 6.8. Plus généralement, une conséquence utile de ce principe est que le centrede gravité d’un domaine homogène est toujours situé sur les axes ou plan de symétrie dece domaine.

Isométries. Les symétries précédentes sont des exemples d’isométries, c’est-à-dire detransformations du plan qui préservent les distance. Les isométries ϕ transforment en par-ticulier un carré de côté l en un autre carré de côté l, et on donc un jacobien = 1. On adonc

Proposition 6.9. Si ϕ est une isométrie, alors∫∫D=ϕ(∆)

f(x, y) dxdy =

∫∫∆

f(ϕ(x′, y′)) dx′dy′ .

Les exemples d’isométrie du plan sont : les rotations, les translations ((x, y) 7→ (x +

a, y + b)), les symétries orthogonales et leurs composées. Par exemple, l’application(x, y) 7→ (y, x) est la symétrie orthogonale suivant la diagonale x = y.Remarque 6.10. Cette discussion sur les isométries s’applique aussi en 3D pour l’intégraletriple. Les rotations de l’espace (autour d’un axe), les translations, les symétries orthogonalessuivant les plans sont des isométries, de jacobien = 1 et la proposition 6.9 est vraie en 3D.

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34 6 CHANGEMENTS DE VARIABLES

6.3 Calculs en coordonnées polaires

Les coordonnées polaires. Tout point (x, y) ∈ R2 peut s’écrire sous la forme

x = r cos θ et y = r sin θ avec r ≥ 0 et θ ∈ I = [0, 2π[ ou ]− π, π],

et de manière unique si (x, y) 6= 0. Le couple (r, θ) s’appellent les coordonnées polaires de(x, y).

Démonstration. En effet, on doit avoir r2 = x2 + y2 ⇔ r =√x2 + y2 si r ≥ 0. On a

r > 0 ⇔ (x, y) 6= (0, 0), et alors (xr)2 + (y

r)2 = 1 ⇔ (x

r, yr) est sur le cercle unité. Il existe

donc un angle θ unique dans I tel que xr

= cos θ et yr

= sin θ.

On note

ϕ : R+ × I −→ R2

(r, θ) 7−→ (x = r cos θ, y = r sin θ) .

On va calculer le jacobien de ϕ pour écrire les intégrales doubles en coordonnées polaires.

Calcul du jacobien. L’application ϕ transforme un rectangle R = [r1, r2]× [θ1, θ2] en unsecteur angulaire d’une couronne C = ϕ(R).

Proposition 6.11. 1. On a

Aire(C) =1

2(r2

2 − r21)(θ2 − θ1) . (22)

2. Le jacobien de ϕ au point (r, θ) est jac(ϕ) = r, autrement dit « dxdy = rdrdθ ».

Démonstration.

1. L’aire du secteur angulaire S d’angle [θ1, θ2] et de rayon r, est clairement proportionnelà θ = θ2 − θ1 : c’est-à-dire Aire(S) = Cθ. Pour θ = 2π, S est le disque complet et on a

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6.3 Calculs en coordonnées polaires 35

C2π = πr2, c’est-à-dire C = r2

2et Aire(S) = r2

2(θ2 − θ1). En écrivant la couronne C comme

différence de deux tels secteurs, on trouve (22).

2. On compare l’aire de C = ϕ(R) à l’aire de R pour des petits rectangles R = [r1, r2] ×[θ1, θ2] qui se resserrent autour de (r, θ). On a

Aire(ϕ(R))

Aire(C)=

(r22 − r2

1)(θ2 − θ1)

2(r2 − r1)(θ2 − θ1)=r1 + r2

2−→ r = jac(ϕ) .

Autre méthode. Le calcul du jacobien se retrouve plus facilement, sans passer par lecalcul exact (22), en dessinant C = ϕ(R) pour un « petit rectangle » de côte δr et δθ. C est« presque » un rectangle de côté δr et rδθ ; car les rayons partant de 0 sont presque parallèleset les arcs de cercles presque droits !

L’aire de C est donc approximativement rδrδθ. On a alors

Aire(C)

Aire(R)≈ rδrδθ

δrδθ= r = jacϕ .

Ce genre de technique des « petits déplacements », très populaire en physique, est ex-trêmement efficace avec un peu de pratique !

On peut écrire la formule du passage en coordonnées polaires.

Théorème 6.12 (Intégrales doubles en coordonnées polaires). Soit f continue sur undomaine régulier D = ϕ(∆) de R2 avec ∆ ⊂ R+ × I. Alors, on a :∫∫

D

f(x, y) dxdy =

∫∫∆

f(r cos θ, r sin θ) rdrdθ .

Cet énoncé est utile pour intégrer des fonctions sur des disques, des secteurs ou des cou-ronnes de centre (0, 0).

Exemples. • L’aire du secteur de couronne C = ϕ(R = [r1, r2]× [θ1, θ2]) étudiée ci-dessusest

Aire(C) =

∫∫R

rdrdθ =(∫ r2

r1

rdr)(∫ θ2

θ1

dθ)

(Fubini)

=1

2(r2

2 − r21)(θ2 − θ1) comme dans (22) .

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36 6 CHANGEMENTS DE VARIABLES

• Calculer I =

∫∫D(0,R)

(x2 + y2) dxdy où D(0, R) est le disque de centre (0, 0) de rayon

R. On a D(0, R) = ϕ([0, R]× [−π, π]), d’où

I =

∫∫[0,R]×[−π,π]

r2 rdrdθ =(∫ R

0

r3dr)(∫ π

−πdθ)

(Fubini)

=πR4

2.

Application physique. L’intégrale I intervient dans le calcul de l’énergie cinétique d’undisque homogène D(0, R) de masse M tournant à la vitesse angulaire ω = dθ

dt(toupie).

La densité ρ = MπR2 est constante. Pour un petit élément de surface δS = δxδy de D(0, R),

on a δm = ρδxδy. Si sa vitesse est v ≈ rω, son énergie cinétique est

δEc ≈1

2(δm)v2 =

1

2ρr2ω2δxδy .

L’énergie cinétique totale du disque est donc

Ec =∑

δEc ≈∑ 1

2ρr2ω2δxδy

=

∫∫D(0,R)

1

2ρω2(x2 + y2)dxdy =

1

2ρω2I

=1

4ρπR4ω2 =

1

4Mω2R2.

6.4 Les coordonnées cylindriques

Un point m = (x, y, z) de R3 peut s’écrire sous la forme

m = (x = r cos θ , y = r sin θ, z) avec r ≥ 0 et θ ∈]− π, π] .

Le triplet (r, θ, z) s’appelle les coordonnées cylindriques de m. On note

ϕ : R +×]− π, π]× R −→ R3

(r, θ, z) 7−→ (x, y, z) = (r cos θ, r sin θ, z) .

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6.4 Les coordonnées cylindriques 37

Théorème 6.13 (Passage en coordonnées cylindriques). Soient f : D ⊂ R3 → R unefonction continue sur D = ϕ(∆) domaines réguliers. On a alors∫∫∫

D

f(x, y, z) dxdydz =

∫∫∫∆

f(r cos θ, r sin θ, z) rdrdθdz .

Démonstration. On applique Fubini en tranches z = const (théorème 5.6)∫∫D

f(x, y, z) dxdydz =

∫ zmax

zmin

(∫∫Dz

f(x, y, z) dxdy)dz

et on passe en polaires sur chaque Dz (théorème 6.12),

=

∫ zmax

zmin

(∫∫∆z

f(r cos θ, r sin θ, z) rdrdθ)dz

=

∫∫∫∆

f(r cos θ, r sin θ, z) rdrdθdz par Fubini.

Cet énoncé est utile pour intégrer des fonctions sur des « solides de révolution » : c’est-à-dire invariants par rotation autour de l’axe des z. Les équations de ces domaines sont desfonctions de r2 = x2 + y2 et de z. Ils sont engendrés en faisant tourner C = D ∩ {y = 0}autour de l’axe des z.

Exemple. Calculer I =

∫∫C

(x2 + y2) dxdydz avec

D = {(x, y, z) ∈ R3 , 0 ≤ z ≤ 1 , x2 + y2 ≤ z2} .

D est un solide de révolution. Pour y = 0, on a x2 ≤ z2 et 0 ≤ z ≤ 1 qui est un triangle. Parconséquent D est le cône plein de sommet 0 et de base le disque D1 = {(x, y, 1) , x2 +y2 ≤ 1}

La tranche Dz de D est le disque de rayon z. On obtient en coordonnées cylindriques

I =

∫ 1

0

(∫∫Dz

r2 rdrdθ)dz =

∫ 1

0

π

2z4dz =

π

10.

Remarque 6.14. L’intégrale I s’appelle le moment d’inertie du solide D suivant l’axe Oz. Ilintervient dans le calcul de l’énergie cinétique de D tournant autour de Oz (cf. discussiondans §6.3).

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38 6 CHANGEMENTS DE VARIABLES

6.5 Calculs en coordonnées sphériques

(Une) définition. Un point m = (x, y, z) ∈ R3 est caractérisé par— sa distance à l’origine r =

√x2 + y2 + z2,

— sa longitude θ ∈]− π, π],— sa colatitude ϕ ∈ [0, π] (ϕ = 0 vers le pôle nord, ϕ = π vers le pôle sud).

On a z2 + (x2 + y2) = r2, d’où z = r cosϕ et√x2 + y2 = r sinϕ et finalement

x = r cos θ sinϕ

y = r sin θ sinϕ

z = r cosϕ .

Définition 6.15. Le triplet (r, θ, ϕ) s’appellent les coordonnées sphériques de m =

(x, y, z). On note

ψ : R+×]− π, π]× [0, π] −→ R3

(r, θ, ϕ) 7−→ (x, y, z) = (r cos θ sinϕ, r sin θ sinϕ, r cosϕ) .

Attention ! Il existe plusieurs conventions pour les coordonnées sphériques (mathé-maticiens, physiciens, astronomes ...) On suit ici la convention présentée par Wikipédia.Pour s’adapter au contexte, il vaut mieux se rappeler de la méthode plutôt que d’ap-prendre les formules par coeur !

Calcul du jacobien. On va calculer le jacobien de ψ à l’aide de la méthode des « petitsdéplacements » (cf. §6.3).

L’image par ψ d’un petit parallélépipède P de côtes δr, δθ et δϕ est presque un autre

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6.5 Calculs en coordonnées sphériques 39

parallélépipède de R3 de côtés dr, rδϕ et r sinϕδθ. On a alors

Volume(ψ(P ))

VolumeP≈ r2 sinϕdrdθdϕ

δrδθδϕ= r2 sinϕ = jacψ .

Autrement dit en coordonnées sphériques

dxdydz → r2 sinϕdrdθdϕ ,

et on a le résultat suivant.

Théorème 6.16 (Passage en coordonnées sphériques). Soit f : D ⊂ R3 → R unefonction continues sur D = ψ(∆) domaines réguliers. Alors on a∫∫∫

D

f(x, y, z) dxdydz =

∫∫∫∆

f(r cos θ sinϕ, r sin θ sinϕ, r cosϕ) r2 sinϕdrdθdϕ .

Cette formule est utile pour intégrer des fonctions sur des (secteurs angulaires de) boules.

Exemple. Calculer le volume d’un « parallélépipède sphérique »

D = ψ(P = [r1, r2]× [θ1, θ2]× [ϕ1, ϕ2]) .

On a

Volume(D) =

∫∫∫D

dxdydz =

∫∫∫P

r2 sinϕdrdθdϕ

=(∫ r2

r1

r2dr)(∫ θ2

θ1

dθ)(∫ ϕ2

ϕ1

sinϕdϕ)

=1

3(r3

2 − r31)(θ2 − θ1)(cosϕ1 − cosϕ2) .

Remarques :— On retrouve le volume de la boule (vu dans §5.2) pour r1 = 0, θ1 = −π = −θ2 et

ϕ1 = 0, ϕ2 = π.

Page 40: Cours d'intégration S2 PeiP - Université Paris-Saclayrumin/... · 2 1 RAPPELS EN DIMENSION 1 Lorsque nest grand, le pas d’échantillonnage 1 n est petit, et ces fonctions f n

40 6 CHANGEMENTS DE VARIABLES

— On retrouve aussi le jacobien de ψ en considérant la limite

P = [r1, r2]× [θ1, θ2]× [ϕ1, ϕ2]→ (r, θ, ϕ) .

On a en effet

Volume(D = ψ(P ))

Volume(P )=

(r32 − r3

1)(θ2 − θ1)(cosϕ1 − cosϕ2)

3(r2 − r1)(θ2 − θ1)(ϕ2 − ϕ1)

=(r2

2 + r21 + r1r2)(cosϕ1 − cosϕ2)

3(ϕ2 − ϕ1)

−→ r2 sinϕ = jacψ(r, θ, ϕ) .

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