Cours de Finances Publiques

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ECOLE NATIONALE SUPERIEURE DES POSTES ET TELECOMMUNICATIONS COURS DE INSTITUTIONS FINANCIERES ET FINANCES PUBLIQUES PAR M. DJEUKOU JOSEPH DOCTEUR EN DROIT PUBLIC

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ECOLE NATIONALE SUPERIEUREDES POSTES ET TELECOMMUNICATIONS

COURS DE

INSTITUTIONS FINANCIERES ET FINANCES PUBLIQUES

PAR M. DJEUKOU JOSEPH DOCTEUR EN DROIT PUBLIC

CYCLE DES INSPECTEURS DES POSTES ET TELECOMMUNICATIONS NIVEAU II, ANNEE ACADEMIQUE 2011/2012

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Présentation cours de finances publiques

Enseignant : Dr DJEUKOU Joseph

I – Considérations générales

Les finances publiques s’entendent de l’ensemble des règles qui organisent la création des ressources et en assurent leur répartition au sein de l’Etat. Il s’agit d’un ensemble générique à l’intérieur duquel on range entre autres, le Droit fiscal, le Droit de l’endettement, le Droit de la comptabilité publique et le Droit budgétaire.

C’est sur ces deux derniers points que porte le cours de Finances publiques que nous dispenserons cette année.

Pour l’étudiant du niveau indiqué, l’enseignement des finances publiques est intéressant au moins pour trois raisons :

- D’abord, il lui permet de savoir d’où proviennent les ressources que l’Etat utilise pour satisfaire les besoins des populations.

- Ensuite, il concourt à imprégner l’apprenant des règles et mécanismes suivant lesquels ces ressources sont utilisées.

- Enfin, l’enseignement favorise une meilleure compréhension par l’étudiant, des instruments de contrôle de l’utilisation des ressources étatiques.

Il s’agit donc d’un enseignement important, dont la maîtrise par l’étudiant est nécessaire et de nature à soutenir au mieux l’appréhension de la vie financière de l’Etat.

Par ailleurs, au-delà des aspects liés à certaines considérations historiques des finances publiques, l’ossature du cours s’articule autour de quatre titres suivants :

Les concepts et grands principes du droit budgétaire L’élaboration de la loi de finances L’exécution de la loi de finances Et le contrôle de l’exécution du budget.

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Plan du cours

Introduction générale

§ 1 – L’objet des finances publiques§ 2 – L’évolution des finances publiques § 3 – Les bases juridiques des finances publiques

Partie I : Les concepts et grands principes du droit budgétaire

Chapitre I : Loi de finances et budget de l’Etat

Section I : Le concept de budget de l’Etat§ 1 – L’évolution de la notion de budget de l’Etat § 2 – Les composantes du budget de l’Etat

Section II : La notion de la loi de finances § 1 – La définition de la loi de finances § 2 – La typologie de la loi de finances

Chapitre II : Les grands principes du droit budgétaire

Section I : Le principe de l’annualité§ 1 – La signification du principe§ 2 – La justification du principe§ 3 – L’interrogation au principe

Section II : Le principe de l’unité budgétaire § 1 – La signification du principe § 2 – La justification du principe§ 3 – L’interrogation au principe

Section III : Le principe de l’universalité budgétaire§ 1 – La signification du principe § 2 – L’interrogation au principe

Section IV : Le principe de spécialité des crédits§ 1 – La signification du principe § 2 – L’interrogation au principe

Section V : Le principe de l’équilibre budgétaire§ 1 – La théorie classique de l’équilibre budgétaire § 2 – La remise en cause de l’équilibre

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Partie II : L’élaboration de la loi de finances

Chapitre I : La préparation de la loi de finances

Section I : Les autorités chargées de la préparation de la loi de finances§ 1 – Les ministres dépensiers § 2 – Le ministre des finances§ 3 – Le premier ministre§ 4 – Le Président de la République

Section II : La prévision des masses budgétaire§ 1 – L’évaluation des recettes publiques§ 2 – L’évaluation des dépenses publiques

Chapitre II : L’autorisation parlementaire

Section I : L’examen et le vote de la loi de finances§ 1 – L’examen de la loi de finance § 2 – Le vote de la loi de finance

Section II : La portée juridique de l’autorisation parlementaire§ 1 – En matière de recettes publiques § 2 – En matière de dépenses publiques

Partie III : L’Exécution de la loi de finance

Chapitre I : Les agents chargés de l’exécution de la loi de finances :Le principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables

Section I : Les ordonnateurs § 1 – Les pouvoirs de l’ordonnateur § 2 – Les catégories d’ordonnateur

Section II : Les comptables publics § 1 – Les attributions des comptables publics § 2 – Les différentes catégories des comptables publics

Section III : Les exceptions à la règle de la séparation des ordonnateurs et des comptables publics § 1 – En matière d’exécution des recettes publiques § 2 – En matière d’exécution des dépenses publiques

Chapitre II : Les règles relatives à l’exécution de la loi de finances

Section I : La réalisation des recettes et dépenses publiques§ 1 – L’exécution de la dépense publique § 2 – L’exécution des recettes publiques

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Section II : La comptabilisation des recettes et des dépenses § 1 – Les solutions possibles : le système de l’exercice et le système de gestion.§ 2 – Le système retenu au Cameroun

Partie IV : Le contrôle de l’exécution de la loi de finances

Chapitre I : Les différents types de contrôle

Section I : Le contrôle administratif§ 1 – Le contrôle financier§ 2 – Le contrôle des comptables publics§ 3 – Le contrôle des services spécialisés de l’Etat

Section II : Le contrôle juridictionnel§ 1 – La chambre des comptes de la Cour suprême§ 2 – Les tribunaux régionaux des comptes

Section III : Le contrôle parlementaire§ 1 – Le contrôle en cours d’exécution de la loi de finance § 2 – Les commissions d’enquêtes§ 3 – Le contrôle à posteriori : le vote de la loi de règlement

Chapitre II : La sanction des irrégularités

Section I : Le régime de responsabilité des comptables publics§ 1 – L’étendue de la responsabilité des comptables publics§ 2 – Les garanties de la responsabilité des comptables publics

Section II : Le régime de responsabilité des ordonnateurs § 1 – Les sanctions traditionnelles § 2 – Les sanctions du conseil de discipline budgétaire et financière

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INTRODUCTION

L’étude des problèmes financiers des collectivités publiques relève de la

science des finances encore appelée Finances publiques, ou même droit budgétaire.

§.1 L’objet des finances publiques

Le domaine des finances publiques présente des contours flous. La doctrine

(les auteurs) a tenté de dégager le champ d’application et par conséquent l’objet des

finances publiques. Il existe à ce sujet trois critères essentiels : organique, matériel et

celui tiré de la nature des moyens mis en œuvre.

A. Le critère organique

Il s’attache au statut juridique de la personne morale. Ainsi seront rattachées

au droit des finances publiques les activités financières de l’Etat et des autres

collectivités et organismes publics. On conclut que l’activité financière des

organismes privés obéira au droit des finances privées.

B. Le critère matériel

C’est celui que semble défendre Paul Marie GAUDEMET pour qui les finances

publiques constituent « la branche du droit public qui a pour objet l’étude des règles

et des opérations relatives aux deniers publics ». C’est aussi la position de Gaston

JEZE qui présente les finances publiques comme « L’étude des moyens par lesquels

l’Etat se procure les ressources nécessaires à la couverture des dépenses publiques

et en répartir la charge entre tous les citoyens ». On fait valoir que la définition de M.

GOUDEMET est imprécise en raison de la difficulté juridique à définir la notion de

deniers publics.

C. Le critère de la nature des moyens juridiques mis en œuvre

L’idée ici, c’est qu’on parlera des finances publiques seulement dans les cas

où la personne morale utilise ses prérogatives de puissance publique. Dans le cas

contraire, il s’agit de finances privées. Cette distinction permet d’identifier les activités

financières des personnes morales publiques et à les opposer aux activités

financières des personnes morales privées.

De tous ces critères, celui le plus répandu est le critère matériel. Le prof.

François DURUEL, le résume ainsi : « Les finances publiques ont pour objet l’étude

des problèmes financiers concernant les personnes publiques, des mécanismes qui

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s’y rapportent et des règles juridiques qui les régissent, en d’autres termes, elles

couvrent l’étude des moyens et des mécanismes par lesquels les collectivités

publiques déterminent leurs dépenses, les couvrent et en répartissant les charges

entre les citoyens ».

§.2 L’évolution historique des finances publiques

Datant du XIXe siècle, la théorie des finances classiques, s’oppose à celle qui

s’est développée après 1919 s’appliquant aux finances modernes.

A. les finances publiques classiques

Nées dans le cadre de l’Etat libéral, c'est-à-dire intervenant le mois possible

dans la vie économique (Etat gendarme), les finances classiques sont simplement

destinées à financer les activités essentielles de l’Etat : diplomatie, défense, police et

justice. Elles présentent selon les théoriciens de l’époque, quatre caractéristiques.

- Elles sont tout d’abord limitées quant à leur domaine d’intervention et ont,

par conséquent, un volume réduit.

- Elles sont neutres et insensibles. On veut par là dire qu’elles ne sont pas

destinées à atteindre des objectifs financiers, pas plus qu’elles ne doivent se porter

au secours des secteurs en difficulté.

- Seul l’impôt est légitime.

Les autres catégories de ressources sont inconciliables avec les nécessités

de l’Etat libéral. Les revenus du domaine sont négligeables, de même que les

manipulations monétaires sont exclues et l’emprunt très peu utilisé.

- Le budget de l’Etat doit être équilibré. Les dépenses doivent être égales aux

recettes définitivement acquises, c'est-à-dire aux impôts effectivement perçus.

Réaliser l’équilibre budgétaire est plus qu’une règle, presque un dogme.

Quoique très largement irréaliste au moment même où elle était admise, la

théorie des finances classiques, ne cadre plus avec l’Etat devenu interventionniste.

B. Les finances publiques modernes

Deux évènements précipitent la fin de l’Etat libéral et consacrent l’avènement

de l’Etat interventionniste (Etat providence). Il s’agit de la première guerre mondiale

et de la grande crise économique de 1929.

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L’Etat interventionniste va engendrer la naissance d’une nouvelle approche

des finances publiques qui auront des caractéristiques inverses aux précédentes à

savoir :

- l’augmentation en volume des finances publiques. Le volume des dépenses

publiques va s’enfler et ne cesser de croître, et l’Etat va se procurer les ressources

par tous les moyens.

- Les finances publiques ne sont plus neutres. Désormais, les recettes comme

les dépenses sont utilisées pour orienter l’activité du pays. On se préoccupe, avant

toute décision financière, de son incidence économique et sociale. Par exemple,

l’Etat peut prélever l’impôt pour lutter contre l’inflation, des dépenses

d’investissement, type « grands travaux » peuvent être mises en œuvre pour lutter

contre le chômage et déclencher une reprise des affaires.

- L’équilibre budgétaire n’est plus un dogme.

Si l’équilibre est souhaitable, il n’est plus indispensable. On préfèrera même le

plus souvent le déséquilibre budgétaire pourvu qu’il y ait équilibre de l’économie.

§.2 Les bases juridiques des finances publiques

Au Cameroun, les sources formelles des finances publiques sont essentiellement

constituées par la Constitution, la loi et les règlements. La Cour Suprême statuant

comme Conseil constitutionnel, chargé du contrôle de la constitutionnalité des lois

n’a pas pu à ce jour rendre des décisions interprétant les dispositions relatives au

droit budgétaire, ce qui explique la place négligeable de la jurisprudence.

A. La Constitution

La loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin

1972, comporte des dispositions, certes laconiques, relatives aux finances publiques.

C’est ainsi que l’article 26 donne compétence au Parlement concernant le

budget, la création des impôts et la détermination de l’assiette, du taux et des

modalités de recouvrement de ceux-ci rappelant ainsi le principe de consentement à

l’impôt. L’article 16 dans son alinéa 2 (b), donne compétence à l’Assemblée

nationale pour le vote du budget de l’Etat et consacre les douzièmes provisoires en

disposant que : « Au cours de l’une de ses sessions, l’Assemblée nationale vote le

budget de l’Etat. Au cas où le budget n’aurait pas été adopté avant la fin de l’année

budgétaire en cours, le Président de la République est habilité à reconduire, par

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douzième, le budget de l’exercice précédent jusqu’à l’adoption du nouveau budget ».

Les articles 18 al 3 (a) et 23 al 3 (a) limitent le pouvoir d’initiative et d’amendement

de l’Assemblée Nationale et du Sénat en matière de diminution des ressources ou

d’aggravation d’une charge.

Comme innovation, la Constitution de 1996 institue la juridiction des comptes

comprenant la Chambre des comptes de la Cour Suprême et les juridictions

inférieures de comptes, chargées de contrôler et de statuer sur les comptes publics

et ceux des entreprises publiques et parapubliques.

B. la loi

La Constitution détermine le domaine d’intervention de la loi en matière

financière. En dehors de lois de finances annuelles, le législateur a édicté de

nombreux textes dont l’importance en matière financière n’est plus à démontrer. Il

s’agit de :

- La loi n°2007/006 du 26 décembre 2007 portant régime financier de l’Etat.

Cette loi fixe les conditions d’élaboration, de présentation, d’exécution et de contrôle

de l’exécution de la loi de finances. elle est d’application progressive pour une

période n’excédant pas cinq (05) ans, à compter du 1er janvier 2008, et entrera en

vigueur dans son intégralité le 1er janvier 2013 date à laquelle l’ordonnance

n°62/OF/04 du 7 février 1962 sera abrogée.

- La loi n°2009/010 du 10 juillet 2009 portant régime financier des collectivités

locales décentralisées.

Ces deux textes constituent l’ossature du système budgétaire camerounais.

D’autres textes de loi ont une portée limitée comme la loi n°74/18 du 5

décembre 1974 relative au contrôle des ordonnateurs et gérants des crédits publics

et des entreprises d’Etat modifiée par la loi n°76/4 du 8 juillet 1976.

C. Les textes réglementaires

Le pouvoir réglementaire en matière financière est essentiellement dérivé de

la loi.

C’est ainsi que la loi n°2007/006 fixant régime financier précise que le régime

de la comptabilité publique est fixée par un décret portant réglement de la

comptabilité publique.

Cette même loi ouvre la faculté au pouvoir réglementaire de modifier les

crédits ouverts dans la loi de finances à travers les virements de crédits, les décrets

d’avance et l’annulation de crédits.

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L’organisation et le fonctionnement du Conseil de discipline budgétaire et

financière, organe chargé de la sanction des irrégularités et fautes de gestion des

ordonnateurs du budget est fixé par un texte réglementaire (Décret n°2008/028 du 17

janvier 2008).

Les règlements constituent donc avec les lois les véritables sources du droit

budgétaire.

PLAN DU COURS

Le présent cours porte exclusivement sur les finances publiques de l’Etat,

même si certaines règles et principes étudiés s’appliquent aussi aux finances des

collectivités territoriales décentralisées et des Etablissements publics administratifs. Il

est articulé autour des quatre (04) titres suivants :

TITRE I : LES CONCEPTS ET GRANDS PRINCIPES DU DROIT

BUDGETAIRE

TITRE II : L’ELABORATION DE LA LOI DE FINANCES

TITRE III : L’EXECUTION DE LA LOI DE FINANCES

TITRE IV : LE CONTRÔLE DE L’EXECUTION DE LA LOI DE FINANCES

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TITRE I : LES CONCEPTS ET GRANDS PRINCIPES DU DROIT BUDGETAIRE

Au centre des finances publiques de l’Etat, se trouve les concepts de budget

ou de loi de finances qu’il faut au préalable clarifier. Leur élaboration et leur

exécution reposent un certain nombre de principes essentiels qui remontent depuis

les finances classiques.

CHAPITRE I : LOI DE FINANCES ET BUDGET DE L’ETAT

Autrefois, les expressions « budget » et « loi de finances » étaient

synonymes : on les emploie encore l’une pour l’autre. En réalité, les notions sont

distinctes.

Section I : Le concept de budget de l’Etat

§.1 L’évolution de la notion de budget de l’Etat

Initialement, le droit financier a été construit autour de la notion de budget. Il

résultait de l’article 1er de l’ordonnance n°62/OF/04 du 07 février 1962 portant régime

financier de la République Fédérale du Cameroun que : « Le budget de l’Etat prévoit

et autorise en la forme législative les charges et les ressources de l’Etat dont il

détermine la nature et le montant.

- Il fixe en termes financiers les objectifs administratifs et sociaux de la

République du Cameroun.

- Il est arrêté annuellement par l’Assemblée nationale dans le cadre de la loi

de finances ».

Il se dégageait de cette définition les caractéristiques suivantes du budget de

l’Etat :

- c’est un acte de prévision, c'est-à-dire une évaluation a priori des recettes et

des dépenses de l’année à venir ;

- c’est un acte d’autorisation, c'est-à-dire une décision du Parlement donnant au

gouvernement pouvoir de percevoir les recettes et d’effectuer les dépenses

publiques.

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- Il est un acte périodique, car il est arrêté annuellement ;

- Il est voté par le Parlement dans le cadre de la loi de finances. Il en résulte

que le budget n’est qu’un élément de la loi de finances.

La loi 2007/006 du 26 décembre 2007 portant régime financier de l’Etat donne

une nouvelle définition de la notion de budget. Aux termes de son article 5 (al 2),

« Le budget décrit les ressources et les charges de l’Etat autorisées par la loi de

finances sous forme de recettes et de dépenses, dans le cadre d’un exercice

budgétaire ». Il en ressort que le budget n’est plus que la partie descriptive de loi de

finances comportant une évaluation des ressources attendues et des affectations de

crédits projetés.

§.2 Les composantes du budget de l’Etat

Suivant l’article 5 (7) de la loi n°2007/006 du 29 décembre 2007, « Le budget

de l’Etat est constitué du budget général, des budgets annexes et des comptes

spéciaux du Trésor ».

A. Le budget général

C’est le document unique qui dans la loi de finances, retrace toutes les

recettes et toutes les dépenses de l’Etat.

B. Les budgets annexes

Ils retracent les seules opérations de services de l’Etat non dotés de la

personnalité morale résultant de leur activité de production des biens ou de

prestations de services donnant lieu à paiement de prix, quand elles sont effectuées

à titre principal par ces services.

La création d’un budget annexe et l’affectation d’une recette à un budget

annexe ne peuvent résulter que d’une disposition de la loi de finances.

C. Les comptes spéciaux du Trésor (CST)

Ils retracent les recettes et dépenses affectées ainsi que les opérations de

caractère temporaire.

Les CST ne peuvent être ouverts que par une disposition de la loi de finances

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Section II : La notion de loi de finances

La loi n°2007/006 du 26 décembre 2007 portant régime financier de l’Etat

contrairement à l’ordonnance n°62/OF/04 du 07 février 1962, donne une définition de

la notion de loi de finances, et précise sa diversité.

§.1 Définition de la loi de finances

Il résulte de l’article 2 (1) de la loi n°2007/006 du 26 décembre 2007 que : « La

loi de finances prévoit et autorise chaque année, l’ensemble des ressources et

charges de l’Etat en déterminant leur nature, leur montant, leur affectation et en

fixant leur équilibre ». La loi de finances est à la fois un acte de prévision, un acte

d’autorisation et un acte périodique (annuel). Elle présente aussi l’ensemble des

programmes concourant à la réalisation des objectifs de développement

économique, social et culturel du pays.

§.2 La typologie de loi de finances

La loi n°2007/006 du 26 décembre 2007 à travers son article 4 précise qu’ont

le caractère de loi de finances : la loi de finances de l’année, les lois de finances

rectificatives, la loi de règlement, la loi prévue à l’article 4 de la dite loi.

A. La loi de finances de l’année

Encore appelée loi de finances initiale, c’est elle qui est votée par le Parlement

en début d’exercice budgétaire et qui prévoit et autorise, pour une période de 12

mois allant du 1er janvier au 31 décembre de l’année, l’ensemble des charges et des

ressources de l’Etat. Elle comprend deux parties distinctes déterminées à l’article 18

de la loi n°2007/006.

B. Les lois de finances rectificatives

Encore appelées collectifs budgétaires, les lois de finances rectificatives

peuvent, en cours d’année, modifier les dispositions de la loi de finances de l’année.

Elles ratifient les modifications apportées par décret aux crédits ouverts par la

dernière loi de finances.

C. La loi de règlement

C’est la loi de constatation de la dernière loi de finances exécutée.

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D. La première partie de la loi de finances

Adoptée et promulguée au cas où la deuxième partie n’a pu être adoptée dans

les délais prévus la première partie de la loi de finances de l’année a aussi la

caractère d’une loi de finances.

CHAPITRE II : LES GRANDS PRINCIPES DU DROIT BUDGÉTAIRE

Traditionnellement, le droit budgétaire repose sur un certain nombre de rites

ou règles (annualité, unité, universalité, spécialité, équilibre).

La raison d’être de ces principes nés des finances publiques classiques est

facile à appréhender.

Politiquement, ils permettent au Parlement de contrôler dans les moindres

détails l’activité financière de l’Etat.

Au plan technique, ils constituent de méthodes claires et honnêtes de

présentation des documents budgétaires et visent à assurer une gestion claire et

méthodique des finances publiques.

Dans la pratique, l’application de ces règles a été relativisée. En effet, le rôle

économique et social joué par les finances de l’Etat a fait apparaître les obstacles

techniques que l’existence de ces règles met à la réalisation des tâches nouvelles de

la puissance publique. Ainsi l’évolution a consisté à adapter ces règles qui

demeurent une condition essentielle d’une gestion rigoureuse des finances publiques

aux nouvelles fonctions économiques des finances publiques de l’Etat.

Section I : Principe de l’annualité budgétaire

§.1 La signification du principe

De façon simple le principe peut ainsi s’énoncer : la loi de finances est établie

chaque année pour un an. Ainsi, la règle présente un triple aspect :

- la loi de finances (budget) doit être présentée et votée avant le début de

chaque année. C’est le principe de l’antériorité.

- L’autorisation concernant les dépenses et les recettes n’est valable que pour

un an.

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- Le gouvernement doit s’en tenir à l’exécution annuelle, c'est-à-dire que

l’exécution des dépenses et des recettes doit s’opérer entre le 1er janvier et le

31 décembre.

§.2 Justification du principe

Au plan politique, la règle de l’annualité qui découle du principe de

consentement de l’impôt, a pour raison d’être de permettre au Parlement d’exercer

un contrôle régulier sur les finances publiques.

Au plan économique, le budget s’inscrit dans un contexte économique qu’il

contribue à modifier. Une prévision des conséquences économiques de la gestion

budgétaire est difficile à établir de façon précise au-delà de l’année.

§.3 Les dérogations au principe

Certaines décisions budgétaires ont une portée soit inférieure, soit supérieure

à un an.

A. Les dérogations budgétaires dont la portée est inférieure à un an

Elles sont constituées par les douzièmes provisoires, les lois de finances

rectificatives et les modifications des crédits ouverts par voie réglementaire.

1) Les douzièmes provisoires

Ils trouvent leur fondement dans l’article 16 (2) de la Constitution de 1996 d’où

il ressort que « Au cas où le budget n’aurait pas été avant la fin de l’année

budgétaire en cours, le Président de la République est habilité à reconduire par

douzième, le budget de l’exercice précédent jusqu’à l’adoption du nouveau budget ».

Concrètement, par ordonnance, le Président de la république, dans cette hypothèse,

reconduit le budget antérieur à raison d’un douzième pour chaque mois de retard.

2) Les lois de finances rectificatives ou collectifs budgétaires

Elles interviennent en cours d’exercice pour modifier la loi de finances de

l’année.

Les lois de finances rectificatives sont présentées dans les mêmes formes que

les lois de finances initiales. Elles bouleversent l’équilibre financier initial et sont

utilisées comme instrument juridique d’action conjoncturelle.

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3) Les modifications des crédits ouverts par voie réglementaire

a) Les décrets d’avance

En cas d’urgence, des décrets d’avance peuvent ouvrir des crédits

supplémentaires sans modifier l’équilibre budgétaire arrêté par la dernière loi de

finances, en annulant des crédits ou en constatant de nouvelles recettes (Article 54

(1) loi 2007/006).

Ces décrets d’avance sont pris dans le cadre d’un plafond cumulé de crédits

ouverts qui ne peut excéder 5% des crédits ouverts par la loi de finances de l’année.

Les modifications ainsi apportées aux crédits par décret d’avance doivent être

soumis au Parlement pour ratification dans le prochain projet de loi de finances

afférent à l’année en cours.

b) L’annulation de crédits

L’article 55 (1) de la loi 2007/006 indique qu’un crédit peut être annulé par

décret pris sur rapport du Ministre chargé des finances afin de préserver l’équilibre

financier tel que défini par la dernière loi de finances afférente à l’année concernée,

ou parce qu’il est devenu sans objet. Tout décret d’annulation est transmis, pour

information au Parlement dès sa signature.

c) Le virement de crédits

Ils sont prévus à l’article 53 de la loi n°2007/006. Il s’agit des modifications

apportées à l’affectation des crédits budgétaires et non pas à leur montant.

B. Les dérogations dont la période excède un an

Elles constituent les exceptions les plus importantes au principe de l’annualité.

1) Les reports de crédits

Normalement, la règle de l’annualité interdit les reports de crédits d’une année

sur l’autre. C’est dans ce sens qu’il résulte de l’article 56 (1) de la loi n°2007/006 que

« Sous réserve des dispositions concernant les autorisations d’engagement, les

crédits ouverts au titre d’une année ne créent aucun droit au titre des années

suivantes ». En conséquence les crédits non utilisés à la fin d’un exercice sont

réputés être annulés.

Le report de crédits qui conduit à la prolongation de la validité de crédits qui

sont votés pour un an constitue une exception au principe de l’annualité. La loi

n°2007/006 prévoit le report de crédits dans deux hypothèses : les crédits de

paiement ouverts sur un programme et les crédits ouverts au titre d’un fonds de

concours (article 56 (4) et (5)).

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2) L es autorisations d’engagement

Encore appelées autorisation de programme, les autorisations d’engagement

constituent la limite supérieure des dépenses pouvant être engagées au cours d’une

période n’excédant pas trois (03) ans (article 15 (2) loi 2007/006). Concrètement, ce

sont les crédits d’investissement permettant de réaliser des programmes

d’équipement s’échelonnant sur plusieurs années. L’autorisation d’engagement

permet ainsi à l’ordonnateur d’engager financièrement l’Etat sur plusieurs années

pour la totalité des opérations à réaliser, mais elle ne permet pas d’opérer le

paiement. Les crédits de paiement ne sont effectivement débloqués chaque année

que au fur et à mesure des travaux effectués dans l’exercice budgétaire. Ces crédits

de paiement peuvent être reportés sur l’exercice suivant.

Section II : Le principe de l’unité budgétaire

Le principe de l’unité budgétaire trouve son fondement à l’article 5 (5) de la loi

n°2007/006 qui énonce que « Toutes les recettes et toutes les dépenses sont

retracées dans un document unique intitulé Budget général ». Il s’agit d’un principe

qui est assorti des exceptions.

§.1 Signification du principe de l’unité

La règle de l’unité budgétaire présente un double volet : un volet matériel et un

volet formel.

- Au sens matériel, le principe de l’unité signifie que le budget englobe toutes

les recettes et toutes les dépenses de l’Etat.

- Au sens formel, il oblige des recettes et des dépenses à figurer dans un

document unique.

Ces deux aspects sont en fait complémentaires.

§.2 Justification du principe de l’unité

Au plan politique, la règle de l’unité permet le contrôle efficace du Parlement

sur le gouvernement. En effet, en réunissant dans un document unique toutes les

recettes et toutes les dépenses, on permettrait aux parlementaires de prendre

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connaissance du montant et de la composition du budget. A partir de cette vue

d’ensemble, ceux-ci pourraient émettre les jugements politiques sur les dépenses

engagées par le gouvernement.

Au plan technique, le principe assure une présentation claire du budget. Si

les recettes et dépenses se trouvent disséminées dans de multiples documents, il est

impossible d’avoir une vue d’ensemble de la situation financière. Le gouvernement

peut ainsi masquer un déséquilibre budgétaire en présentant un compte principal en

équilibre et en disposant le déficit dans les comptes secondaires.

§.3 Les dérogations au principe de l’unité

La distinction doit être faite entre les atténuations formelles et les véritables

exceptions au principe.

A. Les aménagements au principe

Au sens formel, toutes les recettes et dépenses de l’Etat devraient figurer

dans un compte unique. Sur ce plan, la règle de l’unité n’est plus appliquée de façon

rigide. Elle comporte en pratique certains aménagements qui ne portent pas atteinte

au principe lui-même. A côté du budget général, la loi de finances regroupe deux

autres catégories de compte. Les budgets annexes et les comptes spéciaux de

Trésor.

1) Les budgets annexes

Ils retracent les seules opérations des services de l’Etat non dotés de la

personnalité morale résultant de leur activité de production de biens ou de

prestations de services donnant lieu à paiement de prix, quand elles sont effectuées

à titre principal par ces services. La création d’un budget annexe et l’affectation d’une

recette à un budget annexe ne peuvent résulter que d’une disposition de la loi de

finances.

Les opérations de budget annexes sont prévues, autorisées et exécutées

dans les mêmes conditions que celles du budget général.

2) Les comptes spéciaux du Trésor

Les comptes spéciaux du Trésor retracent les recettes et dépenses affectées

ainsi que les opérations à caractère temporaire. Ils ne peuvent être ouverts que par

une disposition expresse d’une loi de finances. Il existe cinq catégories de comptes

spéciaux du Trésor.

18

Page 19: Cours de Finances Publiques

- Les comptes d’affectation spéciale : Ils retracent, dans les conditions prévues

par la loi de finances, des opérations financées au moyen de recettes

particulières qui sont par nature en relation directe avec les dépenses

concernées.

- Les comptes d’exploitation : Ils retracent les opérations à caractère industriel

et commercial effectuées à titre accessoire par les services de l’Etat non dotés

de la personnalité morale.

- Les comptes d’opérations monétaires : ils retracent les opérations de recettes

et de dépenses à caractère monétaire, notamment les charges liées à

l’émission de monnaie et aux opérations de change.

- Les comptes de règlement avec les gouvernements étrangers : Ils retracent

des opérations faites en application d’accords internationaux approuvés par la

loi.

- Les comptes de concours financiers : Ils retracent les prêts et avances

consentis par l’Etat. Un compte distinct doit être ouvert pour chaque débiteur

ou catégories de débiteur.

B. Les exceptions au principe de l’unité : les budgets autonomes

Les budgets autonomes constituent en l’état actuel de droit positif la seule

exception au principe de l’unité.

Par définition, le budget autonome est le budget d’une personne morale de

droit public dotée de la personnalité juridique et de l’autonomie financière.

Il y a budget autonome à deux conditions :

- la loi prévoit que la personne morale de droit public justifie de la personnalité

juridique ;

- et qu’elle possède l’autonomie financière.

La conséquence est que les opérations de dépenses et de recettes de cette

personne figurant dans un budget autonome distinct du budget de l’Etat.

Par exemple, le budget de la commune est préparé par le maire, voté par le

conseil municipal et à nouveau exécuté par le maire. De même, à l’Université le

budget est préparé par le Recteur, voté par le conseil d’administration et exécuté par

le Recteur de l’Université. Il y a 3 intérêts qui s’attachent aux budgets autonomes :

- ils ne figurent pas dans la loi de finances ;

- le parlement ne prend aucune décision financière à leur égard ;

- ils sont gérés par les autorités autres que les autorités de l’Etat.

19

Page 20: Cours de Finances Publiques

Cependant, cette autonomie a un caractère relatif ; car les personnes morales

sont soumises à l’autorité de tutelle, de sorte que si le budget échappe au parlement,

il doit néanmoins être approuvé par le gouvernement. Enfin, les budgets autonomes

obéissent à la procédure ordinaire de contrôle de finances publiques.

Section III : Le principe de l’universalité budgétaire

La règle de l’universalité est assez proche de celle de l’unité. Mais les deux

principes ne se confondent pas.

§.1 La signification du principe de l’universalité

La règle de l’universalité traduit l’expression de deux règles essentielles du

droit budgétaire.

A. La règle du produit

Elle se trouve ainsi formulée à l’article 5 al 4 de la loi n°2006/007 : « Dans le

budget de l’Etat, il est fait recette du montant intégral des produits sans contraction

des recettes et des dépenses ».

Encore appelée règle de la non contraction des recettes et des dépenses ou

de la non compensation, elle impose l’obligation de n’inscrire les recettes et les

dépenses au budget que dans leur montant intégral.

Ainsi, un service de perception des impôts doit indiquer en dépenses les frais

de recouvrement, et en recettes les impôts recouvrés et ne pas se contenter de

présenter les recettes nettes.

Si cette règle permet une gestion financière claire et sincère, elle se révèle

parfois gênante dans la réalisation d’opérations courantes.

B. La règle de la non affectation

Elle interdit que certaines recettes servent à couvrir certaines dépenses. C’est

le sens de l’article 5 al 2 de la loi n°2007/006 qui dispose que « L’ensemble des

recettes assure l’exécution de l’ensemble de dépenses ». Ainsi, l’ensemble des

recettes encaissées par le Trésor pour le compte de l’Etat doit se confondre en une

masse unique couvrant sans distinction de provenance les dépenses de l’Etat. Elle

se traduit par au niveau comptable de l’unité de caisse.

20

Page 21: Cours de Finances Publiques

Cette règle évite que l’égalité soit rompue entre les divers services publics. Si

l’affectation était admise, certaines dépenses ne pourraient être réalisées du fait des

rentrées insuffisantes alors que pour d’autres, il serait possible de dépenser plus que

nécessaire du fait des rentrées supérieures aux prévisions.

§. Les exceptions au principe de l’Universalité

La plupart des exceptions au principe de l’universalité touche la règle de la

non affectation. Elles sont constituées par :

Les taxes parafiscales.

Elles sont perçues dans un intérêt économique et social au profit d’une

personne morale de droit public ou privé autre que l’Etat, les collectivités territoriales

décentralisées et les établissements publics administratifs.

Les fonds de concours

Ils sont constitués par des fonds à caractère non fiscal versés par les

personnes morales ou physiques pour concourir à des dépenses d’intérêt public et

par les produits, des dons et legs attribués à l’Etat. L’emploi de ces fonds doit être

conforme à l’intention de la partie versante.

Le rétablissement de crédits

L’article 48 de la loi 2007/006 prévoit deux cas rétablissements de crédits :

- la restitution au Trésor des sommes payées indûment ou à titre provisoire sur

crédits budgétaires ;

- les recettes consécutives à des cessions entre services de l’Etat ayant donné

lieu à paiement sur crédits budgétaires.

Dans les deux cas, les crédits correspondants sont réinscrits non en recettes

au budget général mais au chapitre budgétaire qui avait effectué le paiement.

Les budgets annexes

Les recettes que leur procurent les biens et services qu’ils produisent leur sont

affectées.

Les comptes spéciaux du Trésor

La nature des comptes spéciaux du Trésor exige qu’une affectation soit

réalisée au niveau de chaque compte spécial.

Section IV : Le principe de spécialité des crédits

21

Page 22: Cours de Finances Publiques

Cette règle concerne non seulement la présentation mais aussi, et surtout,

l’exécution des dépenses publiques.

§.1 Signification de la règle

La règle de la spécialité de crédits veut que les crédits ouverts par la loi de

finances soient affectés à des dépenses déterminées. Ainsi, les crédits budgétaires

ne sont pas accordés en bloc pour n’importe quel usage, ils sont spécialisés par

chapitre. Le chapitre représente un ministère, un organe constitutionnel, un groupe

homogène de services ou d’unités administratives mettant en œuvre des

programmes ou un ensemble d’opérations de nature spécifique. Au sein de chaque

chapitre, les crédits sont présentés par sections, programmes, actions, articles et

paragraphes.

L’utilisation des fonds ayant été autorisée de manière si détaillée par le

parlement, il en résulte des conséquences suivantes :

- l’engagement des dépenses au-delà des crédits ouverts est interdit, dans la

mesure où les crédits ont un caractère limitatif ;

- l’imputation d’une dépense ne s’effectue que sur le chapitre qui doit

régulièrement le supporter ;

- la dotation d’un chapitre ne peut être complétée par l’excédent non utilisée

d’un autre chapitre. En conséquence, les reliquats non utilisés d’un chapitre

doivent être annulés.

La règle de la spécialité des crédits dans sa rigueur peut être gênante pour

l’administration, c’est la raison pour laquelle elle connaît des assouplissements.

§.2 Les dérogations au principe de la spécialité des crédits

Certaines ne constituent que de simples assouplissements au principe tandis

que d’autres, à l’instar des crédits non spécialisés forment des exceptions au

principe.

A. Les assouplissements au principe

Ils sont constitués par les virements de crédits et les crédits évaluatifs

1) Les virements de crédits

22

Page 23: Cours de Finances Publiques

Ils conduisent à modifier la nature ou la destination de la dépense prévue par

la loi de finances. Ils consistent à faire passer sur un chapitre des crédits inutilisés au

titre d’un autre chapitre.

Il résulte de l’article 53 de la loi n°2007/006 que :

- Des virements de crédits peuvent être effectués de chapitre à chapitre par

décret du Premier Ministre.

- Des virements de crédits peuvent être effectués à l’intérieur d’un même

chapitre, d’une section à une autre, d’un programme à un autre, par arrêté du

Ministre chargé des finances, sur proposition de l’ordonnateur.

2) Les crédits évaluatifs

Ce sont les crédits relatifs aux charges et au remboursement de la dette de

l’Etat, aux réparations civiles, à la mise en jeu des garanties accordées par l’Etat et

aux catastrophes et calamités naturelles.

Les dépenses auxquelles s’appliquent les crédits évaluatifs s’imputent, si

nécessaire, au-delà de la dotation inscrite. Dans ce cas, le gouvernement informe le

Parlement des motifs de dépassement et des perspectives d’exécution pour le reste

de l’année.

B. Les exceptions au principe : les crédits non spécialisés

Il s’agit des crédits dont la destination ne peut être fixée à l’avance.

1) Les crédits globaux

Les crédits globaux sont ceux destinés à couvrir les dépenses éventuelles. Il

s’agit des dépenses prévues dans leur principe, mais dont la répartition précisée par

unité paraît impossible ou prématurée au moment du vote de la loi de finances (Ex.

les frais de réception des personnalités étrangères).

Les crédits globaux dérogent à la règle de la spécialité, puisqu’ils ne sont pas

affectés à la dépense ayant un objet déterminé. Les crédits les concernant figurent

dans la rubrique des charges communes du Ministère des finances.

2) Les fonds secrets ou fonds spéciaux

Ce sont les crédits accordés en bloc selon la nature du régime soit au chef de

l’Etat, soit au chef du gouvernement ou même aux deux, pour raison d’Etat. Ils

peuvent les répartir entre leurs Ministres.

Ces crédits n’ont aucune affectation particulière. Chaque autorité les utilise à

sa guise et aucun contrôle n’est effectué sur leur gestion.

Section V : Le principe de l’équilibre budgétaire

23

Page 24: Cours de Finances Publiques

Il s’agit d’une règle doctrinale chère aux finances classiques mais qui par la

suite a été remise en cause.

§.1 La théorie classique de l’équilibre budgétaire

La conception de l’équilibre des auteurs libéraux est extrêmement simple :

selon eux, le budget de l’Etat doit être voté et exécuté en équilibre des recettes et

des dépenses. L’égalité mathématique entre les recettes et les dépenses était la

règle d’or de la gestion budgétaire. Les financiers classiques transposaient dans le

domaine des finances publiques le principe élémentaire des finances privées d’après

lequel un particulier ne doit pas dépenser plus qu’il n’encaisse de peur de courir à la

ruine.

Cependant, le dogme de l’équilibre a été battu en brèche lorsqu’on s’est

aperçu :

- que les budgets étaient présentés et votés en équilibre mais que leur

exécution se soldait le plus souvent par un déficit ;

- que l’équilibre des budgets présentés était le plus souvent artificiel, car bien

souvent les dépenses extraordinaires étaient exclues de ces budgets pour en

faciliter l’équilibre (lequel devait être financé par l’emprunt).

Ces observations conduisirent à mettre en doute la valeur du dogme de

l’équilibre budgétaire.

§.2 La remise en cause de l’équilibre budgétaire

Le développement de l’interventionnisme de l’Etat a conduit à la remise en

cause du principe classique de l’équilibre favorisant ainsi l’éclosion des théories de

déséquilibre. Elles sont au nombre de trois : la théorie du budget classique, la théorie

du déficit systématique et la théorie de l’impasse.

A. La théorie du budget classique

Elle est née de l’observation que l’économie d’un pays est traversée

périodiquement des phases de récession et de prospérité. A la base de cette théorie

de budgets cycliques se trouve l’idée suivante : il convient de réaliser des excédents

budgétaires dans les années de prospérité et dans les périodes de dépression on

24

Page 25: Cours de Finances Publiques

pourra admettre des déficits ; ces déficits étant financés par les excédents réalisés

dans les années prospères.

Un avantage de cette théorie est de permettre de régulariser le cycle

économique. La théorie de budgets classiques est assez séduisante, cependant de

grandes difficultés d’application pratique se présentent.

Ces difficultés tiennent d’abord à l’irrégularité des cycles économiques.

Rien .ne dit que la durée de la période de prospérité sera égale à la durée de la

période de dépression ; rien ne dit que le montant des excédents réalisés les bonnes

années permettra de compenser le déficit des années de crise.

Par ailleurs, la théorie du budget cyclique pose de problèmes comptables et

politiques assez délicats. Le problème comptable est celui de savoir comment

comptabiliser les excédents qui auront été réalisés dans les années de prospérité ?

Mais le problème politique est plus grave. C’est celui de la défense des excédents

réalisés dans les bonnes années contre les appétits multiples qui se manifestent dès

que les excédents budgétaires se réalisent.

La théorie du budget cyclique n’est pas une véritable entorse à la règle de

l’équilibre puisque le principe des budgets cycliques est de réaliser l’équilibre entre

les recettes et les dépenses non pas chaque année budgétaire prise

individuellement, mais pour l’ensemble des années comprises dans le cycle

économique.

B. La théorie du déficit systématique

Cette théorie a été développée notamment sous l’influence de KEYNES. En

effet pour certains financiers particulièrement audacieux, le déficit ne serait pas un

mal, il aurait un effet bénéfique.

- Le déficit ne serait pas un mal

Il ne peut pas appauvrir le pays, puisque, si l’Etat effectue un supplément de

dépenses, il y aura quelques particuliers pour en profiter.

- Le déficit serait avantageux pour l’Etat

En effet le supplément de dépenses aura pour effet s’injecter dans le pays un

pouvoir d’achat supplémentaire qu’il s’agisse des dépenses de fonctionnement ou

des dépenses d’investissement. Il doit donc constituer un stimulant pour l’économie.

Cependant, cette thèse se heurte à certaines objections.

25

Page 26: Cours de Finances Publiques

- Le déficit systématique par la charge d’emprunt qu’il impose et

l’alourdissement de la dette publique auquel il conduit accroît les frais généraux de la

nation et la met en mauvaise posture dans la compétition internationale.

- D’autre part, par l’effet inflationniste et par la dégradation monétaire

auxquels il risque d’aboutir, le déficit systématique est dangereux pour l’économie

d’un pays.

C’est pour cela que cette théorie de déficit systématique n’a guère reçu

d’application pratique.

C. La théorie de l’impasse

L’impasse ne s’appréhende aisément qu’en la comparant au déficit. C’est ainsi

que le déficit budgétaire est l’excédent de l’ensemble des dépenses du budget

général sur l’ensemble des recettes budgétaires, le déficit budgétaire est pris en

charge par le Trésor public.

L’impasse désigne l’excédent des dépenses budgétaires (y compris

l’amortissement de la dette publique) et des charges résultant de la gestion des

comptes particuliers du Trésor sur l’ensemble des recettes budgétaires. L’impasse

est financée par des emprunts, des ressources de trésorerie, et éventuellement par

les avances de l’institut d’émission. Schématiquement, l’impasse est constituée des

charges du Trésor et du déficit budgétaire.

Malgré l’existence des différentes théories de déséquilibre, l’équilibre

budgétaire reste un idéal, car constitue un principe de gestion rigoureuse des

finances publiques.

26

Page 27: Cours de Finances Publiques

TITRE II : L’ELABORATION DE LA LOI DE FINANCES

L’élaboration de la loi de finances est une œuvre collective du gouvernement

et du Parlement. Le gouvernement le prévoit, tandis que le Parlement l’autorise par

son vote.

Elle apparaît comme une opération complexe en raison des techniques qui

l’entourent, mais d’une grande importance politique car elle fait intervenir les plus

grands organes de l’Etat.

CHAPITRE I : LA PRÉPARATION DE LA LOI DE FINANCES

La préparation de la loi de finances renvoie à la définition des organes

chargés au sein de l’exécutif de la prévision et à la détermination des recettes et des

dépenses.

Section I : Les autorités chargées de la préparation de la loi de finances

Au sein de l’exécutif, la préparation des lois de finances incombe à des

autorités définies par la loi. L’article 33 de la loi n°2007/006 du 26 décembre 2007

portant régime financier dispose que : « Sous l’autorité du Président de la

République, le Premier Ministre coordonne la préparation des projets de lois de

finances, assurée par le Ministre chargé des finances, en concertation avec les

organes constitutionnels, les Ministres ou les responsables des services

concernés ». La préparation du projet de lois de finances fait donc intervenir :

- les chefs de département ministériels ;

- le Ministre chargé des finances ;

- le Premier Ministre ;

- le Président de la République.

§.1 Les Ministres dépensiers

Chaque Ministre dit dépensier ou organe constitutionnel (Conseil économique

et social, Assemblée Nationale, …) est chargé du travail de préparation des

27

Page 28: Cours de Finances Publiques

prévisions de dépenses pour son département ou services. Il centralise les

demandes de crédits qui lui sont adressées par les chefs des services extérieurs,

donne son avis sur ces diverses demandes, y ajoute les demandes propres à

l’administration centrale et arrête le projet du budget des dépenses de son ministère

qu’il adresse au Ministre chargé des finances.

§.2 Le Ministre des finances

La préparation des projets des lois de finances est assurée par le Ministre des

finances. Il est aidé en cela par la Direction générale du budget (décret n°2008/365

du 8 novembre 2008 portant organisation eu Ministère des finances) qui est chargé

de la prévision des évolutions budgétaires, du cadrage budgétaire, de la collecte et

de l’exploitation des informations relatives à la préparation du budget, de

l’élaboration des projets de lois de finances de l’Etat.

§.3 Le Premier Ministre

Avant la nouvelle loi de 2007, fixant le régime financier de l’Etat, le Premier

Ministre n’avait aucune responsabilité particulière en matière budgétaire. Aux termes

de l’article 33 de cette loi, il coordonne désormais la préparation des projets de lois

de finances.

A ce titre, il notifie les arbitrages aux Ministres ou aux responsables des

services concernés.

§.4 Le Président de la République

L’ensemble du processus de préparation des lois de finances est placé sous

l’autorité du Président de la République. Ceci est tout à fait normal dans le système

constitutionnel du Cameroun où c’est le Président de la République qui définit la

politique de la nation et partage l’initiative de lois avec les membres du Parlement.

Dans la pratique, le Président de la République édicte chaque année une

circulaire relative à la préparation de la loi de finances de l’année à venir.

Adressée au Premier Ministre, vices Premiers Ministres, Ministres d’Etat,

Ministres, Secrétaires d’Etat et Gouverneurs de régions, cette circulaire expose les

28

Page 29: Cours de Finances Publiques

orientations générales de la politique budgétaire pour l’exercice à venir et précise les

dispositions à prendre sur le plan technique à l’effet de garantir les objectifs

macroéconomiques définis.

Cette circulaire dans un souci de rationalisation établit un calendrier de la

préparation du projet de loi de finances de l’année. Les dates proposées par le chef

de l’Etat varient d’une année à l’autre mais les grands moments de la préparation du

projet de lois de finances de l’année restent :

- détermination par le Ministre des finances pour le compte du chef de l’Etat de

l’enveloppe globale des recettes escomptées pour l’exercice à venir ;

- la discussion avec chaque Ministre intéressé de l’enveloppe de mesures

nouvelles accordées à son département ;

- la mise en forme de l’avant projet de budget ;

- l’adoption du budget en Conseil des Ministres ;

- le dépôt du projet de lois de finances sur le bureau de l’Assemblée Nationale.

Section II : La prévision des masses budgétaires

C’est l’aspect technique du travail budgétaire, qui consiste en l’évaluation

prévisionnelle d’une part des recettes publiques et, d’autre part des dépenses

publiques.

§.1 L’évaluation des recettes publiques

Les méthodes d’évaluation des recettes ont évolué depuis la période

classique. Les méthodes d’évaluation automatiques longtemps préconisées sont

abandonnées pour des méthodes à la fois plus précises et souples.

A. Les méthodes d’évaluation automatiques

Elles consistent en la règle de la pénultième année corrigée par le système dit

de majoration.

1) la règle dite de la pénultième année

Cette règle fut introduite en France par M. DE VILLELE pour le budget 1828.

Son principe est simple. Il faut prendre pour base de l’évaluation des recettes, le

résultat du dernier exercice connu c'est-à-dire l’avant dernière année. Ainsi pour la loi

29

Page 30: Cours de Finances Publiques

de finances 2010, la base de l’évaluation des recettes est le résultat de l’exercice

2008.

Cette règle permet d’avoir une évaluation sinon exacte, du moins rapprochée

de la réalité. On a reproché à ce système de donner une évaluation trop faible des

ressources et, par là, d’exiger un effort fiscal excessif du contribuable.

2) Le système de majoration

Il fut introduit en France par Léon SAY en 1882 pour corriger la règle de la

pénultième année. Il prend pour base le résultat de la pénultième année auquel, il est

ajoutée une majoration d’une somme fixée automatiquement et égale à la moyenne

des augmentations des recettes réalisées les cinq dernières années. Ce système fut

abandonné cependant rapidement.

B. Les méthodes d’évaluation directe

Ces méthodes sont aussi dites souples dans la mesure où elles n’ignorent pas

complètement les résultats des exercices clos. Seulement dans les calculs on tient

compte des facteurs économiques et législatifs. Trois éléments fondamentaux

interviennent dans le calcul prévisionnel : les derniers chiffres des rendements

fiscaux, l’accroissement du produit national brut au cours de l’année suivante, les

effets de modification de la législation intervenue en cours d’année.

§.2 L’évaluation des dépenses publiques

L’évaluation des dépenses publiques est une opération directe puisqu’elle

traduit les besoins exprimés par les ministères dépensiers et corrigés par le Ministre

des finances. Dans la prévision des dépenses publiques on distingue les services

votés et les mesures nouvelles.

A. Les service votés

Les services votés représentent le minimum de dotation que le gouvernement

juge indispensable pour poursuivre l’exécution des services publics dans les

conditions qui ont été approuvées l’année précédente par le parlement. Dans la

pratique, les services votés sont considérés comme la reprise pure et simple des

autorisations budgétaires de l’année précédente. Ils représentent les dotations de

crédits que réclament l’ensemble des services publics pour fonctionner dans les

mêmes conditions qu’auparavant.

30

Page 31: Cours de Finances Publiques

Puisqu’il s’agit de la reconduction des mesures antérieures, l’évaluation des

services votés est relativement simple. Le seul travail consiste à actualiser ces

dépenses indispensables pour tenir compte de l’augmentation de certaines

dépenses (par exemple, la hausse du traitement des personnels de l’Etat en cours

d’année qui aura des répercussions sur l’année suivante) ; soit la suppression de

certaines charges autorisées les années précédentes.

B. Les mesures nouvelles

Les mesures nouvelles encore appelées autorisations nouvelles représentent

l’incidence financière des actions nouvelles déterminées à partir des priorités

gouvernementales qu’un ou plusieurs services comptent entreprendre au titre d’un

exercice budgétaire donné. Il ne s’agit donc ni de simples correctifs apportés aux

services votés, ni de l’incidence financière de l’actualisation des services votés.

C’est sur les mesures nouvelles que porte l’essentiel de la discussion entre le

Ministre des finances et ses pairs. L’état récapitulatif de ces mesures nouvelles sera

établi par le Ministre des finances qui le soumettra à la sanction du Conseil de

Ministre qui tranchera en dernier ressort avant que le projet global du budget ne soit

soumis à l’Assemblée Nationale.

CHAPITRE II : L’AUTORISATION PARLEMENTAIRE

Dans le processus d’élaboration de la loi de finances, la prise de la décision

définitive relève traditionnellement de la compétence du Parlement. Elle porte le nom

d’autorisation. Elle comporte un double aspect : elle est d’abord une décision du

Parlement portant sur les recettes et les dépenses de l’Etat ; elle est ensuite un

pouvoir donné au gouvernement d’exécuter les dispositions votées.

L’autorisation parlementaire, préalable à l’exécution du budget se traduit par

l’examen et le vote de la loi de finances.

Section I : L’examen et le vote de la loi de finances

A la différence de la préparation, l’examen et le vote de la loi de finances, qui

constituent la phase juridiquement décisive, sont largement réglementés par les

textes.

31

Page 32: Cours de Finances Publiques

§.1 L’examen de la loi de finances

La procédure d’examen comporte, comme pour toute loi, un examen en

commission puis en séance publique. L’examen en commission relève de la

Commission des finances. La particularité au niveau de lois de finances tient au fait

que les délais de dépôt des projets de loi de finances à examiner est fixé par la loi, et

que le pouvoir d’amendement de parlementaire est limité.

A. Le délai de dépôt des projets de la loi de finances

Le projet de loi de finances de l’année, y compris les annexes obligatoires,

doit être déposé sur le bureau du parlement au plus tard, quinze (15) jours avant le

début de la session.

Le dépôt du projet de loi de règlement et de ses annexes quant à lui, doit

intervenir au plus tard le 30 septembre de l’année suivant celle de l’exercice auquel il

se rapporte.

Ces délais semblent simplement indicatifs car ils ne sont pas assortis de

sanction. En pratique d’ailleurs, le gouvernement les respecte rarement.

B. Les restrictions au droit d’amendement des parlementaires

Pendant la discussion, les parlementaires ont le droit d’apporter des

amendements au projet soumis par le gouvernement mais ce droit d’amendement

est soumis à des restrictions. A la suite de l’article 18 al 3 de la Constitution, l’article

44 de la loi 2007/006 prescrit que « Aucune proposition d’amendement à une loi de

finances ne peut être présentée par un parlementaire si elle a pour effet, soit une

diminution des ressources publiques, soit l’aggravation des charges publiques sans

réduction à due concurrence d’autres dépenses ou création de recettes nouvelles

d’égale importance ».

§.2 Le vote de la loi de finances

Les règles particulières concernent les délais et les modalités de vote

A. Les délais de vote de la loi de finances

Le Parlement dispose d’un délai de vingt (20) jours, à compter de l’ouverture

de la session budgétaire pour se prononcer définitivement sur la loi de finances.

Toutefois, au moment du dépôt des textes, le gouvernement peut déclarer l’urgence,

32

Page 33: Cours de Finances Publiques

et ramener ce délai à dix (10) jours. L’urgence doit être motivée par des évènements

à caractère exceptionnel qui ont empêché le fonctionnement normal des institutions.

Si ces délais sont expirés et que la première partie de la loi de finances a été

définitivement adoptée, cette partie est promulguée.

Malgré ces délais, il est prévu que « Si la loi de finances de l’année n’est pas

adoptée avant le début de l’exercice, le Président de la République peut, par voie

d’ordonnance, reconduire, par douzième, le budget de l’exercice précédent jusqu’à

l’adoption du nouveau budget » (article 42, loi n°2007/006).

B. Les modalités de vote de la loi de finances

Contrairement à ce qui se passe pour une loi ordinaire, le vote de la loi de

finances doit se faire dans un certain ordre.

La loi de finances de l’année et la loi de règlement sont votées séparément.

Le vote de l’une ne conditionne pas celui de l’autre.

La première partie de la loi de finances de l’année est discutée et votée par

article.

La deuxième partie ne peut être discutée par le parlement qu’après l’adoption

de la première partie. Le vote des dépenses s’effectue par chapitre après examen en

deux temps, l’ensemble des programmes d’une part, les moyens détaillés par section

et par paragraphe d’autre part.

Les crédits des budgets annexes et des comptes spéciaux sont votés par

budget annexe et par compte spécial.

Section II : La portée juridique de l’autorisation parlementaire

La portée juridique de la loi de finances différe selon qu’il s’agit des recettes

publiques ou des dépenses publiques.

§.1 En matière de recettes publiques

A l’égard des recettes prévues, l’autorisation est un véritable acte d’autorité

donnant l’ordre aux fonctionnaires de procéder au recouvrement des impôts

existants.

33

Page 34: Cours de Finances Publiques

Mais les services ne peuvent pas percevoir des impôts non prévus par la

législation en vigueur. Ce principe est rappelé traditionnellement par chaque loi de

finances.

En ce qui concerne les recettes non fiscales (produits du domaine par

exemple), l’autorisation a un caractère moins impératif puisque certaines recettes

dépendent de la réalisation de l’activité déterminée. Mais dans tous les cas, les

responsables des services sous peine de sanctions doivent recouvrer l’intégralité des

recettes résultant de l’application de la législation en vigueur.

§.2 En matière de dépenses publiques

L’autorisation ne comporte pas obligation sauf pour certaines dépenses

obligatoires. Lorsque les crédits sont alloués par le Parlement, le Ministre

ordonnateur n’est pas obligé de procéder à leur utilisation.

Mais l’autorisation ne permet au ministère d’utiliser les crédits que

conformément à l’objet pour lequel ils ont été accordés. La règle de la spécialité des

crédits demeure toujours en vigueur.

34

Page 35: Cours de Finances Publiques

TITRE III : L’EXECUTION DE LA LOI DE FINANCES

Assurée par le gouvernement, l’exécution de la loi de finances se traduit par la

réalisation des opérations de recettes et de dépenses publiques. Elle doit se dérouler

conformément à l’autorisation budgétaire telle que donnée par le Parlement, sous

réserve des modifications qui peuvent résulter des décisions prises en matière de

gestion des crédits.

Cette exécution se déroule conformément à une organisation financière

reposant sur un principe, celui de la séparation des ordonnateurs et des comptables,

et obéit à certaines règles, connues sous le nom des règles de la comptabilité

publique

CHAPITRE I : LES AGENTS CHARGÉS DE L’EXÉCUTION DE LA LOI DE FINANCES : LE PRINCIPE DE LA SÉPARATION DES ORDONNATEURS ET DES

COMPTABLES PUBLICS

L’exécution de la loi de finances comporte deux phases essentielles. D’abord

une phase administrative au cours de laquelle est précisée la décision de dépenser

ou de recevoir une recette. Cette phase est exercée par l’ordonnateur. Ensuite une

phase comptable, au cours de laquelle est effectuée le paiement de la dépense ou le

recouvrement de la recette. Elle est confiée à un comptable. Ces deux fonctionnaires

appartiennent à des hiérarchies administratives distinctes et exercent des attributions

différentes.

La règle de la séparation des ordonnateurs et des comptables publics est

clairement affirmée à l’article 46 (2) de la loi n°2007/006 du 26 décembre 2007

portant régime financier de l’Etat en ces termes : « Les fonctions d’ordonnateur et de

comptable public sont et demeurent séparées et incompatibles tant pour ce qui

concerne l’exécution des recettes que l’exécution des dépenses ». Par la division du

travail qu’elle assure entre des deux catégories d’agent, cette règle au plan

technique, permet une meilleure exécution des opérations financières.

Section I : Les ordonnateurs

Les ordonnateurs sont des agents publics des différentes administrations qui,

en sus de leurs fonctions découlant de l’appartenance à la fonction publique,

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Page 36: Cours de Finances Publiques

bénéficient d’un statut particulier leur donnant des pouvoirs de décision dans le

domaine financier. La loi n°2007/006 du 26 décembre 2007 fixant régime financier de

l’Etat définit clairement leurs fonctions et établit leur typologie.

§.1 Les pouvoirs de l’ordonnateur

Les ordonnateurs prescrivent l’exécution des recettes et des dépenses.

En matière de recettes, ils émettent des titres de perception. En matière de

dépenses, ils jugent de l’opportunité des dépenses de l’Etat, qu’ils engagent,

liquident et ordonnancent. Ils ont la responsabilité de la bonne exécution des

programmes.

Les ordonnateurs sont en outre, astreints à la production d’un compte

administratif annuel retraçant leurs actes de gestion et d’un rapport de performance

sur les programmes dont ils ont la charge.

§.2 Les catégories d’ordonnateurs

La classification des ordonnateurs n’est pas identique en matière des

dépenses publiques et des recettes publiques.

A. Les catégories d’ordonnateurs en matière de recettes publiques

Il existe deux (02) catégories d’ordonnateurs chargés de l’exécution des

recettes publiques. L’ordonnateur principal et les ordonnateurs délégués.

L’ordonnateur principal c’est le Ministre chargé des finances.

Les ordonnateurs délégués   sont :

- les chefs de département ministériels ou assimilés, pour les recettes

produites par leurs administrations ;

- les responsables des administrations fiscales (impôts, douanes).

Les chefs de département ministériel peuvent constituer, sous leur

responsabilité, les régisseurs de recettes (l’agent habilité à effectuer certaines

opérations de recettes pour le compte et sous le contrôle d’un comptable public).

B. Les catégories d’ordonnateurs en matière des dépenses publiques

Le législateur (camerounais) distingue trois (03) catégories d’ordonnateurs en

matière de dépenses publiques : les ordonnateurs principaux, les ordonnateurs

secondaires et les ordonnateurs délégués.

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Page 37: Cours de Finances Publiques

1) Les ordonnateurs principaux

Ils sont constitués par les chefs de départements ministériels ou assimilées et

les présidents des organes constitutionnels (Président de l’Assemblée Nationale,

Président du Conseil économique et social par exemple).

2) Les ordonnateurs secondaires

Ce sont les responsables des services déconcentrés de l’Etat qui reçoivent les

autorisations de dépenses des ordonnateurs principaux.

3) Les ordonnateurs délégués

Il s’agit des responsables désignés par les ordonnateurs principaux ou

secondaires pour des matières expressément définies. Cette délégation prend la

forme d’un acte administratif de l’ordonnateur principal ou secondaire.

Section II : Les comptables publics

Suivant l’article 58 (1) de la loi n°2007/006 du 26 décembre 2007 portant

régime financier de l’Etat, « les comptables publics sont des agents régulièrement

préposés aux comptes et/ou chargés du recouvrement, de la garde et du maniement

des fonds et valeurs ».

Ils sont nommés par le Ministre en charge des finances, ou avec son

agrément.

§.1 Les attributions des comptables publics

Les comptables publics sont seuls chargés :

- de percevoir les produits de toute nature, dont le recouvrement a été

régulièrement autorisé au profit de l’Etat, des collectivités publiques et

établissements publics ;

- de payer les dépenses régulièrement ordonnancées par les ordonnateurs ;

- d’assurer la garde et la gestion des fonds et valeurs de l’Etat, des

collectivités et établissements publics ;

- de rendre compte annuellement des comptes qui comprennent toutes les

opérations qu’ils sont tenus par les lois et règlements de rattacher à leur

gestion.

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Page 38: Cours de Finances Publiques

§.2 Les différentes catégories des comptables publics

Les comptables publics sont constitués des comptables patents et des

comptables de fait.

A. Les comptables publics patents

Est comptable public patent, toute personne régulièrement proposé aux

comptes et chargé de maniement des derniers ou valeurs. Relèvent de cette

catégorie :

- les comptables du Trésor (Directeur général du trésor, les Trésoriers

payeurs généraux, les Receveurs et percepteurs du finances, les Agents

comptables nommés auprès des Etablissements publics administratifs) ;

- les comptables des domaines ;

- les receveurs municipaux, dans la mesure où les recettes municipales sont

gérées par des personnels autres que les comptables du trésor.

B. Les comptables de fait

Est comptable de fait toute personne qui, n’ayant pas la qualité de comptable

ou n’agissant pas en cette qualité, s’ingère dans les opérations de recettes et de

dépenses, de maniement des valeurs, des deniers publics.

Le comptable de fait est soumis à toutes les obligations d’un comptable

patent du point de vue des opérations faites par lui et de sa responsabilité

personnelle et pécuniaire.

Section III : Les exceptions à la règle de la séparation des ordonnateurs et des comptables publics

La règle de la séparation des ordonnateurs et des comptables s’est montrée

en certains aspects d’une rigueur excessive. C’est la raison pour laquelle elle connaît

des assouplissements tant en matière de recettes que de dépenses.

§.1 En matière d’exécution des recettes publiques

Le principe est écarté en matière fiscale par certaines considérations

pratiques telles que la rapidité ou la simplicité du recouvrement.

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Page 39: Cours de Finances Publiques

L’impôt direct, les taxes sur le chiffre d’affaires, les droits d’enregistrement et

du timbre ou taxes assimilées, les droits de douane sont établies, liquidés et

recouvrés par une administration fiscale spécialisée. Les services des comptables

directs du Trésor n’interviennent pas. Dans ces administrations fiscales, une division

du travail cependant est établie. Il existe des comptables spéciaux (les Receveurs

des impôts, Receveurs des douanes) chargés du recouvrement de l’impôt assis par

les agents d’assiette.

§.2 En matière d’exécution des dépenses publiques

L’application de la règle de la séparation comporte deux exceptions.

A. Les fonds spéciaux ou fonds secrets

Ils sont mis à la disposition du gouvernement pour financer des dépenses de

propagande, de contre espionnage, de police politique, etc.

Les ordonnateurs manient directement ces fonds.

B. Les régies d’avances

La législation ouvre la possibilité d’instituer les régisseurs d’avances qui

reçoivent, avant service fait, d’un comptable public, des sommes limitées quant à

leur montant et quant à la durée de leur utilisation. On facilite ainsi le paiement des

dépenses courantes de faible ampleur (menues dépenses de matériel, personnel

payé à la vacation, recours urgent). Le régisseur de la caisse d’avance est nommé

par décision du Ministre des finances sur proposition du Ministre intéressé.

En fin d’exercice, la caisse d’avance est clôturée et le reliquat de fonds

reversé au Trésor.

CHAPITRE II : LES RÈGLES RELATIVES À L’EXÉCUTION DE LA LOI DE FINANCES

La loi de finances votée par le Parlement doit être exécutée. Le

Gouvernement chargé de son exécution procède à la réalisation des recettes et des

dépenses publiques puis à leur comptabilisation.

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Page 40: Cours de Finances Publiques

Section I : La réalisation des recettes et dépenses publiques

Bien que les principes généraux de l’exécution budgétaire s’appliquent aux

dépenses comme aux recettes et que les ordonnateurs et les comptables chargés de

l’exécution soient compétents pour ces deux types d’opérations, il est préférable

d’examiner séparément l’exécution des dépenses et l’exécution des recettes car

elles soulèvent, toutes de même, quelques problèmes spécifiques.

§.1 L’exécution de la dépense publique

Au-delà de la procédure d’exécution des dépenses publiques, le régime

juridique des dettes de l’Etat présente des singularités.

A. La procédure d’exécution des dépenses publiques

L’exécution des dépenses publiques consiste en quatre opérations

successives : l’engagement, la liquidation, l’ordonnancement et le paiement. Les trois

premières conformément au principe de la séparation des administrateurs et des

comptables, forment la phase administrative, tandis que le quatrième relève de la

phase comptable.

1. La phase administrative

Constituée de trois étapes distinctes : l’engagement, la liquidation et

l’ordonnancement, la phase administrative est de la responsabilité exclusive de

l’ordonnateur.

a) L’engagement

C’est l’acte par lequel l’Etat est juridiquement engagé. C’est un acte

fondamental car c’est lui qui rend l’Etat débiteur.

L’engagement est en principe volontaire et prend alors la forme d’un acte

juridique par lequel l’administrateur crée une obligation pour la personne publique. Il

peut s’agir d’un acte unilatéral (nomination d’un agent, organisation d’une réception,

réalisation d’une expropriation) ou d’un contrat (passation de marché de travaux,

marché des fournitures, commandes, etc.).

Mais l’engagement peut aussi simplement constater l’existence d’une dette

née d’ailleurs d’un fait juridique engageant la responsabilité de la collectivité publique

et mettant à sa charge l’obligation d’indemniser la victime.

40

Page 41: Cours de Finances Publiques

Dans ce cas, l’engagement n’est pas le fait générateur de la dette. Celui-ci

résulte, selon le cas, d’un fait dommageable ou d’une décision de réparation.

L’ordonnateur se contente ici de tirer la conséquence de l’évènement extérieur sur

lequel il n’a aucune prise.

Pour des raisons pratiques, les opérations d’engagement sur le budget de

l’Etat au titre d’un exercice budgétaire sont arrêtées au plus tard le 30 novembre.

b) La liquidation

Elle a pour objet de vérifier la réalité de la dette et d’arrêter le montant de la

dépense. Effectuée par l’ordonnateur, la liquidation n’intervient qu’après constatation

du service fait.

Le service fait consiste à vérifier que le créancier de l’Etat a exécuté

préalablement les obligations mises à sa charge et en a apporté la preuve. Un

fonctionnaire ne peut être payé qu’après avoir effectué son travail ; un marché de

fourniture ne peut être réglé qu’après livraison des marchandises. La créance contre

l’Etat ne devient liquide et, par la suite, exigible qu’après service fait. Il s’agit d’une

règle de bonne gestion financière puisqu’elle protège l’Etat contre la mauvaise

exécution des obligations mises à la charge de ses créanciers.

L’objet de la liquidation est d’ordre purement financière à savoir l’évaluation du

montant final des dépenses occasionnées par la décision dont l’engagement a été

l’expression comptable.

c) L’ordonnancement

L’ordonnancement ou mandatement consiste pour l’autorité administrative qui

a engagé la dépense, constaté le service fait et liquidé la créance, à donner l’ordre

au comptable de payer le créancier. Il se matérialise dans un titre remis au créancier

et permettant à celui-ci d’obtenir le paiement de sa créance auprès de la caisse du

comptable assignataire.

L’ordonnancement est soumis à des règles strictes :

- il doit comporter toutes les pièces indispensables pour permettre au

comptable de vérifier lors du paiement la régularité de la dépense ;

- il doit énoncer l’exercice, le chapitre et s’il y a lieu, l’article auquel s’applique

la dépense ;

- il doit être soumis, avant signature, au visa du Contrôleur financier qui vérifie

la régularité de l’imputation et, en même temps, la dotation du chapitre

intéressé.

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Page 42: Cours de Finances Publiques

Les opérations d’ordonnancement au titre d’un exercice budgétaire sont

arrêtées le 31 décembre de la même année.

2. La phase comptable

Elle se résume au paiement, acte par lequel l’Etat se libère de sa dette.

Le paiement est effectué par un comptable. En principe, la dépense est

payable sur la caisse du comptable du Trésor du lieu de résidence de l’ordonnateur.

Ce comptable est alors le comptable assignataire de la dépense.

Le rôle du comptable public comporte un double aspect : d’une part, il doit

avant de payer, effectuer une opération consistant à contrôler la régularité des

opérations précédentes ; d’autre part, en cas de dépense régulière, il effectue une

opération de caisse en procédant au paiement effectif de la dépense.

Le rôle de « payeur » consiste pour le comptable à vérifier au vu du titre de

paiement accompagné des pièces justificatives la régularité de l’opération de

dépenses depuis l’engagement. Il contrôle donc la qualité de l’ordonnateur, l’exacte

imputation au chapitre, la disponibilité des crédits, la validité de la créance

(intervention des contrôles, justification du service fait, etc.). Si la dépense lui paraît

régulière, il accepte d’honorer le titre de paiement. Mais le comptable a parfaitement

le droit de refuser de payer les ordonnancements ou mandatements qu’il estime

irréguliers. L’ordonnateur doit alors procéder aux régularisations qui s’imposent.

Dans les cas où celles-ci s’avèrent impossibles, l’ordonnateur peut passer outre

l’opposition du comptable et le contraindre à payer grâce à son droit de réquisition.

Il ne peut cependant pas exercer celui-ci lorsque le refus du comptable est justifié

par l’absence de crédits ou des visas du contrôle financier. Le droit de réquisition a

pour effet de transférer la responsabilité du comptable à l’ordonnateur ; cependant, le

comptable public avertit au préalable le Ministère des finances avant de donner suite

aux ordres de l’ordonnateur.

Comme cassier, le comptable doit procéder à un règlement libératoire, c’est-à-

dire verser les sommes nécessaires au désintéressement du créancier après avoir

effectué certaines vérifications. Auparavant, le comptable doit s’enquérir du fait qu’il

n’y ait pas opposition, c’est-à-dire que cette somme ne soit pas réclamée par un

tiers. En l’absence d’opposition, le comptable peut accorder son visa (« vu, bon à

payer ») sur le titre de paiement. Il procède alors au versement des fonds, après une

vérification d’identité (pour ne pas verser les fonds à une personne autre que le

créancier) et en exigeant une quittance régulière de la part du bénéficiaire. Le

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Page 43: Cours de Finances Publiques

règlement matériel des dépenses obéit à des modalités particulières : le virement à

un compte bancaire ou postal est obligatoire pour toutes les dépenses supérieurs à

un certain montant. Le règlement en numéraire ne peut intervenir que dans des cas

limités.

B. Le régime juridique des dettes de l’Etat

Les dettes de l’Etat sont soumises à un régime juridique particulier, tout à fait

exorbitant du droit commun. Ce régime se caractérise essentiellement par les deux

traits suivants : l’impossibilité de mettre en œuvre une procédure d’exécution contre

les personnes publiques et l’existence de la prescription quadriennale.

1) L’absence de voies d’exécution forcée

Il n’existe pas de voies d’exécution contre les biens des personnes publiques.

Celles-ci se trouvent donc dans une situation juridique plus favorable que les simples

particuliers. Elles peuvent refuser de payer leurs dettes et aucun moyen de droit ne

peut les y obliger.

Cette règle exorbitante a été justifiée par le fait que les biens des personnes

publiques sont au service de l’intérêt général et que les droits de chaque particulier

doivent s’effacer devant l’intérêt de tous. En réalité, il semble que cette règle ait un

motif pratique. Les voies d’exécution exigeant parfois l’utilisation de la force publique,

il serait paradoxal que l’administration utilise contre elle-même sa propre force.

2) La déchéance quadriennale

Les dettes de l’Etat s’éteignent au bout de quatre (04) ans, si elles n’ont pas

été réglées entre temps. C’est le principe de la prescription quadriennale formulée en

ces termes à l’article 251 de l’ordonnance n°62/OF/04 du 07 février 1962 : « Sont

prescrites et définitivement éteintes au profit de l’Etat, sans préjudice des

déchéances spéciales prononcées par les lois et règlements ou consenties par des

marchés et des conventions, outre les créances qui, n’ayant pas été acquittées avant

l’exercice auquel elles appartiennent, n’auraient pu, à défaut de justifications

suffisantes, être liquidées, ordonnancées et payées dans un délai de quatre année à

partir de l’ouverture de l’exercice ».

Ce principe permet d’accélérer l’apurement des comptes de l’Etat et de

sauvegarder les derniers publics.

La déchéance quadriennale peut être néanmoins interrompu dans les

hypothèses suivantes :

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Page 44: Cours de Finances Publiques

- quand le créancier a présenté dans les délais une demande de règlement

accompagnée de toutes les pièces justificatives ;

- quand le créancier a engagé une action en justice ;

- quand le non paiement de la créance dans les délais déterminés résulte du

fait de l’administration à la suite d’un pourvoi de cette dernière.

§.2 L’exécution des recettes publiques

En matière de recettes publiques, l’autorisation budgétaire contenue dans la

loi de finances crée une véritable obligation à l’encontre des autorités administratives

qui doivent procéder à la perception des recettes sous peine d’engager leur

responsabilité.

L’exécution des recettes s’opère selon les mêmes principes (séparation des

ordonnateurs et des comptables) que pour les dépenses. Mais les recettes publiques

obéissent à certaines règles particulières qui tiennent pour la plupart, à ce que

l’essentiel des recettes autorisées dans la loi de finances sont des recettes fiscales.

A. La phase administrative

Elle relève en principe de l’ordonnateur et sa portée est de faire naître une

créance de l’Etat, d’en déterminer le montant, et d’en ordonner le recouvrement par

l’émission d’un titre de perception. Elle comporte trois étapes :

1) Le fait générateur de la créance

Il correspond à la phase de l’engagement pour la dépense. En matière fiscale,

on appelle cette première phase l’opération « d’assiette ». Elle consiste à déterminer

la matière imposable qui doit être imputé à chaque contribuable et à évaluer son

montant.

2) La liquidation

La liquidation consiste à chiffrer exactement le montant de la recette.

En matière fiscale, il s’agira d’appliquer un taux et de calculer le montant de la

dette de chaque contribuable. Elle est effectuée par l’administration fiscale ou,

directement, par le contribuable lui-même, ou encore, en cas de contestations, par le

juge.

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Page 45: Cours de Finances Publiques

3) L’établissement du titre de perception

Toute créance liquidée fait l’objet d’un titre de perception qui est peut être

constitué par un ordre de recette, un extrait de décision de justice, un acte formant

titre, un arrêté de débet.

En matière fiscale au Cameroun, l’émission d’un titre exécutoire, constituée

par l’avis de mise en recouvrement (impôts directs, TVA et taxes assimilées) ou le

titre de perception (droits d’enregistrement, du timbre et taxes assimilées) n’intervient

que lorsque le contribuable ne s’acquitte pas volontairement de sa dette dans les

délais.

B. La phase comptable

C’est la phase en recouvrement ou de l’encaissement. Elle incombe, en

principe, au comptable du Trésor et doit faire l’objet d’une imputation, c’est-à-dire

d’une justification de l’entrée en caisse. En matière fiscale, le recouvrement est

effectué par le Receveur des impôts ou le Receveur des douanes.

Le règlement est effectué par le versement d’espèces, remise de chèques,

effets bancaires, par versement ou virement à l’un des comptes ouvert au nom du

Trésor public.

Section II : La comptabilisation des recettes et des dépenses

L’autorisation parlementaire est accordée annuellement. Or l’exécution des

dépenses se déroule en plusieurs phases qui peuvent dépasser le cadre annuel.

Une dépense engagée au cours d’une année peut être soldée au cours de l’année

suivante. Ainsi, une question se pose : à quel exercice convient-il de rattacher les

crédits ouverts en 2007, engagés en 2007, mais payés en 2008 ? Deux systèmes

ont été successivement retenus.

§.1 Les solutions possibles : le système de l’exercice et le système de gestion

La comptabilisation annuelle des recettes et des dépenses peut être réalisée

suivant le système de l’exercice ou le système de gestion.

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Page 46: Cours de Finances Publiques

A. Le système de l’exercice

Il consiste à imputer recettes et dépenses uniquement sur la loi de finances en

vertu de laquelle elles ont été autorisées.

Dans notre exemple, le rattachement se fera donc à l’exercice 2007. On ne

tient donc pas compte du rattachement matériel des opérations, le système reposant

sur l’exercice pour lequel elles ont été autorisées, quelle que soit la date de leur

réalisation effective.

L’avantage du système de l’exercice est de permettre une exécution

budgétaire la plus conforme à l’autorisation parlementaire. Son inconvénient est de

retarder la clôture de l’exercice au dernier acte se rattachant à l’exécution du budget.

Ce système a nécessité sur le plan budgétaire, l’ouverture d’une période

complémentaire qui s’ajoute à l’année considérée au cours de laquelle les dépenses

et les recettes sont matériellement payées ou encaissées.

B. Le système de gestion

Il consiste à rattacher au titre de l’année considérée, uniquement les recettes

et les dépenses, effectivement payées ou encaissées entre le 1er janvier et le 31

décembre, au fur et à mesure de leur paiement ou encaissement. Au 31 décembre,

l’année budgétaire est considérée comme terminée, aucune opération ne peut plus

être prise en compte, après cette date, au titre de l’année écoulée. Ce système

prend en considération l’exécution matérielle des opérations, quelle que soit la loi de

finances qui les a autorisées.

Cette méthode présente l’avantage de la simplicité en évitant des

rattachements à différents exercices mais a l’inconvénient de ne pas être rigoureuse

et de permettre une présentation arbitraire des comptes.

§.2 Le système retenu au Cameroun

Le législateur camerounais prévoit dans la loi n°2007/006 du 26 décembre

2007 portant le régime financier de l’Etat, le système de gestion dans le cadre de la

comptabilité budgétaire des recettes et des dépenses, et le système de l’exercice

dans le cadre de la comptabilité générale de l’Etat.

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Page 47: Cours de Finances Publiques

A. Le système de gestion applicable dans la comptabilité budgétaire des recettes et des dépenses

Il résulte de l’article 62 (1) de la loi n°2007/006 que « la comptabilité

budgétaire retrace les opérations d’exécution du budget de la phase de

l’engagement à la phase de paiement. Elle est tenue par l’ordonnateur et le

comptable, chacun en ce qui le concerne ».

Le système de gestion retenue se traduit dans la phase comptable ainsi qu’il

suit :

- Les recettes sont prises en compte au titre du budget de l’année au cours de

laquelle elles sont encaissées par le comptable public.

- Les dépenses sont prises en compte au titre du budget de l’année au cours

de laquelle elles sont prises en charge par le comptable public.

Toutefois, les recettes et les dépenses peuvent être comptabilisées au cours

d’une période supplémentaire à l’exercice dont la date limite est fixée au 28 février

de l’année suivante, dans les conditions précisées par voie réglementaire (Article 62

al 3).

B. Le système de l’exercice applicable à la comptabilité générale de

l’Etat

La comptabilité générale de l’Etat aux termes de l’article 63 (1) de la loi

n°2007/006, « est fondée sur le principe de la constatation des droits et obligations

conformément au plan comptable général ».

Elle obéit au système de l’exercice en ce sens que « les opérations sont

prises en compte au titre de l’exercice auquel elles se rattachent, indépendamment

de leur date de paiement ou d’encaissement » (Article 63 al 2).

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Page 48: Cours de Finances Publiques

TITRE IV : LE CONTRÔLE DE L’EXECUTION DE LA LOI DE FINANCES

Le contrôle de la bonne exécution des finances publiques est indispensable

pour assurer une bonne gestion des services publics.

Il est également essentiel, au point de vue politique. La loi de finances

s’analyse en une série d’autorisations données par le parlement. Pour que le vote du

budget ait un sens, il faut qu’il existe des mécanismes destinés à imposer au

gouvernement, le respect de ces autorisations.

Enfin, les contrôles dévoilant les irrégularités budgétaires et financières

doivent permettre de les sanctionner afin de réduire, dans toute la mesure du

possible, le nombre des infractions commises.

Différents types de contrôles sont été mis en place, et lorsqu’ils révèlent des

irrégularités, des sanctions pourraient être prises contre les agents chargés des

opérations.

CHAPITRE I : LES DIFFÉRENTS TYPES DE CONTRÔLE

On distingue trois types de contrôle sur l’exécution de la loi de finances : l’un

est réalisé par l’administration elle-même, l’autre opéré par des juridictions, le

troisième est exercé par le parlement.

Section I : Le contrôle administratif

Ce contrôle peut prendre trois aspects : le contrôle financier exercé sur les

dépenses engagées, le contrôle exercé par les comptables publics sur les opérations

effectuées par l’ordonnateur avant le paiement de la dépense, le contrôle assuré par

les services spécialisés de l’Etat.

§.1. Le contrôle financier

En principe, aucune opération ne peut être engagée sans le visa préalable du

Contrôleur financier.

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Page 49: Cours de Finances Publiques

Placés sous la supervision et le contrôle de la Direction Générale du Budget

du Ministère des finances, les contrôles financiers sont crées auprès des

départements (contrôle financier centraux), des circonscriptions administratives

régionales (contrôles financiers régionaux), départementaux et des établissements

publics administratifs (contrôle financiers spécialisées). Ils peuvent être crées, en

tant que de besoin auprès des collectivités territoriales décentralisées et des

arrondissements.

Le contrôle financier est un contrôle a priori qui s’exerce par l’intermédiaire de

deux visas.

D’abord, le contrôleur vise toutes des propositions d’engagement des

dépenses effectuées par l’ordonnateur. Il fait porter son examen sur la régularité

budgétaire et administrative et non l’utilité et l’opportunité de la dépense. Ce contrôle

de régularité porte sur les points suivants : l’imputation budgétaire de la dépense ; la

disponibilité des crédits ; l’exactitude de l’évaluation ; la conformité avec la

réglementation.

Si le visa est refusé, l’ordonnateur ne peut engager la dépense que sur avis

conforme du Ministre des finances.

Le second visa est apposé sur les ordonnancements et garantit au comptable

l’existence de l’engagement préalable et des crédits permettant de payer. Si ce visa

fait défaut, le comptable refusera de payer.

Le contrôle financier est lourd et entraîne d’importants retards. Pourtant il est

efficace car il intervient avant même la prise de décision et permet d’éviter les

erreurs financières graves.

§.2 Le contrôle exercé par les comptables publics.

Le contrôle du comptable portera d’abord sur la réalité de l’ordonnancement et

sur la qualité qui l’enjoint de payer. Il vérifiera ensuite la présence des visas attestant

que le contrôle financier a bien eu lieu.

Le comptable contrôlera ensuite la validité de la créance (y compris

notamment au regard de l’application de la prescription quadriennale). Enfin, le

comptable s’assurera du caractère libératoire du paiement qu’il est invité à effectuer.

49

Page 50: Cours de Finances Publiques

Si l’un de ces contrôles s’avère être négatif, le comptable suspend le paiement

et renvoie alors le dossier à l’ordonnateur pour qu’il rectifie l’irrégularité constatée.

S’il payait néanmoins, sa responsabilité personnelle serait engagée.

L’ordonnateur peut néanmoins passer outre la décision du comptable et le

requérir. La réquisition a pour effet de décharger le comptable de sa responsabilité et

corrélativement de faire porter cette responsabilité sur l’ordonnateur. Le comptable

doit toutefois persister dans son refus en cas d’indisponibilité des crédits, d’absence

de service fait ou de visa du Contrôleur financier.

Il appartient ensuite au comptable, requis ou assuré par ces contrôles que la

dette de la collectivité est réelle et fondée, d’assurer le paiement en apposant son

visa : « Vu, bon à payer », il doit auparavant encore vérifier qu’il n’y a pas d’actions

ayant pour objet d’arrêter le paiement. C’est en particulier le cas lorsque le créancier

de l’Etat est lui-même débiteur envers des tiers qui disposent sur lui de créances

privilégiées. Les tiers doivent faire opposition au paiement entre les mains du

comptable (et non de l’ordonnateur) avant que le visa ne soit effectivement apposé.

§.3 Le contrôle assuré par les services spécialisés compétents de l’Etat

L’article 73 de la loi n°2007/006 du 26 décembre 2007 fixant régime financier

de l’Etat, charge les services spécialisés de l’exécutif du « contrôle de régularité et

de performance ainsi que des missions d’audit de la gestion des administrations

publiques, des entreprises publiques, des établissements publics, ainsi que des

entités privées ayant reçu une subvention, un aval ou caution de l’Etat ou toute autre

personne morale de droit public ».

En attendant les textes réglementaires qui doivent les attributions,

l’organisation et le fonctionnement de ces services spécialisés, ainsi que les

modalités de ce contrôle comme le prévoit l’article 74 de la loi précitée, le Ministre

des finances possède en son sein des services chargés de ce type de contrôle, de

même le contrôle supérieur de l’Etat qui a vocation à exercer un contrôle sur les

finances publiques.

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Page 51: Cours de Finances Publiques

Section II : Le contrôle juridictionnel

Le contrôle juridictionnel telle que conçu par le législateur concerne

essentiellement les comptes publics et est exercé par la juridiction des comptes

constitués par la Chambre des comptes de la Cour Suprême et les tribunaux

régionaux des comptes.

§.1 La chambre des comptes de la Cour Suprême

Instituée par la loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la

Constitution, son organisation et son fonctionnement précisées par la loi n°2003/005

du 21 avril 2003, et la loi n°2006/016 fixant l’organisation et le fonctionnement de la

Cour Suprême.

A. Les attributions contentieuses de la Chambre des comptes

La Chambre des comptes contrôle et juge les comptes de l’Etat et des

entreprises publiques et parapubliques.

Il s’agit d’un contentieux objectif. Pour paraphraser un adage célèbre, la

Chambre des comptes « juge les comptes et non les comptables », la Chambre

vérifie la régularité des opérations décrites dans la comptabilité sans prendre en

considération le comportement du comptable.

La Chambre des comptes ne juge pas que les comptables publics mais aussi

les comptables de fait. Elle ne juge pas la gestion des ordonnateurs.

Comme juge de cassation, la Chambre des comptes de la Cour Suprême

statue souverainement sur les décisions rendues en dernier ressort par les

juridictions inférieures des comptes à savoir les Tribunaux régionaux des

comptes.

B. Attributions non contentieuse de la Chambre des comptes

Accessoirement à sa mission de contrôle et de jugement des comptes, la

Chambre des comptes est compétente pour :

- donner son avis sur les projets de loi de règlement présentés au parlement ;

- élaborer et publier le rapport annuel des comptes présentés au chef de

l’Etat ;

- connaître de toute matière qui lui est expressément attribuée par la loi.

51

Page 52: Cours de Finances Publiques

§.2 Les Tribunaux régionaux des comptes

Les Tribunaux régionaux des comptes dont l’organisation et le fonctionnement

sont fixés par la loi n°2006/017 du 29 décembre 2006, sont des juridictions

inférieures de comptes au sens de l’article 41 de la Constitution. Il est crée un

Tribunal régional des comptes par région dont le siège est fixé au chef lieu de ladite

région. Toutefois, suivant les nécessités de service, le ressort d’un Tribunal régional

des comptes peut s’étendre sur plusieurs régions.

Le Tribunal régional des comptes est compétent pour contrôler et statuer sur

les comptes publics des collectivités territoriales décentralisées de son ressort et de

leurs établissements publics. Il connaît en outre de toute autre matière qui lui est

expressément attribuée par la loi.

Les Tribunaux régionaux des comptes rendent des jugements, qui peuvent

faire l’objet de recours en révision ou de pourvoi en cassation devant la Chambre

des comptes de la Cour Suprême.

En attendant la mise place des Tribunaux régionaux des comptes, la Chambre

des comptes de la Cour Suprême exerce leurs attributions. C’est dire que le contrôle

juridictionnel de tous les comptes publics relève actuellement de la Chambre des

comptes de la Cour Suprême en raison de l’ineffectivité des Tribunaux régionaux des

comptes.

Section III : Le contrôle parlementaire

Le parlement conserve un droit de contrôle lui permettant de suivre la manière

dont la loi de finances est exécutée. Le contrôle peut intervenir pendant l’exécution

de la loi de finances ou a posteriori à travers le vote de la loi de règlement.

§.1 Le contrôle en cours d’exécution de la loi de finances

Certains mécanismes de contrôle participent du contrôle général du parlement

sur le gouvernement : c’est le cas des questions qu’elles soient écrites ou orales. Le

législateur dans la loi n°2007/006 met l’accent sur le contrôle exercé par les

rapporteurs de la Commission des finances et les commissions d’enquêtes

parlementaires.

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Page 53: Cours de Finances Publiques

A. Le contrôle effectué par les rapporteurs de la Commission des financesLa commission chargée des finances désigne chaque année, à l’ouverture de

la première session ordinaire de l’année législative (mars) un rapporteur général pour

les recettes et des rapporteurs spéciaux chargés du contrôle des dépenses

publiques et du contrôle de l’usage des fonds publics, y compris des fonds de

développement publics.

Les rapporteurs spéciaux disposent du pouvoir de contrôle sur pièces et sur

place. Réserve faite des sujets à caractère secret touchant à la défense nationale, au

secret de l’instruction et au secret médical, aucun document ne peut leur être refusé.

§.2 Les commissions d’enquête

Il est permis au parlement dans la loi n°2007/006 de constituer des

commissions d’enquête sur un sujet intéressant les finances publiques. Dans le

temps, la mission de ces commissions d’enquête est limitée à six (06) mois, mais

cette durée peut être renouvelée en cas de besoin.

Les commissions d’enquête ont les mêmes pouvoirs que les rapporteurs

spéciaux chargés du contrôle des dépenses publiques. Elles peuvent se faire

assister des personnes de leur choix et procéder à des auditions. A l’exception du

Président de la République, les personnes dont l’audition est requise ne peuvent

refuser d’y déférer. En tout état de cause, toute entrave mise au fonctionnement

d’une commission est considérée comme un obstacle à l’exécution d’une mission de

service public.

Comme résultat de leur travail :

- les commissions d’enquête sont tenues de transmettre aux autorités

judiciaires, tout fait susceptible d’entraîner une sanction pénale dont elles

auraient connaissance ;

- elles peuvent saisir l’organe chargé de la discipline budgétaire et financière.

- Elles établissent à la fin des travaux un rapport, qui peut donner lieu à débat

sans vote au parlement.

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Page 54: Cours de Finances Publiques

§.3 Le contrôle a posteriori : le vote de la loi de règlement

L’intervention du parlement dans le contrôle a posteriori de l’exécution des lois

de finances apparaît logique dans un régime politique qui a confié le pouvoir

financier aux assemblées. Puisque celles-ci donnent les autorisations budgétaires,

elles doivent intervenir pour vérifier leur correcte exécution et sanctionner les

irrégularités. Ce contrôle est exercé aux cours de l’examen des projets de loi de

règlement des budgets exécutés dont le vote permet d’arrêter de façon définitive les

résultats de l’exécution d’une loi de finances d’une année déterminée.

La loi de règlement permet théoriquement au parlement d’être informé de la

réalité d’exécution du budget et de la comparer aux crédits initiaux et additionnels. Si

l’exécution est trop différente des autorisations données, le Parlement pourrait

engager la responsabilité du Gouvernement et ce devrait être tout d’intérêt des lois

de règlement.

En pratique, le Parlement n’accorde que peu d’intérêt à la discussion et au

vote de la loi de règlement, qui ne donne pas l’occasion d’un véritable contrôle de

l’exécution du budget. Les parlementaires préfèrent consacrer l’essentiel de leur

temps à la discussion et au vote de la loi de finances initiale, tandis que la loi de

règlement est, le plus souvent, adoptée sans débats approfondis.

CHAPITRE II : LA SANCTION DES IRRÉGULARITÉS

Pour être efficaces, les multiples contrôles qui s’exercent sur les finances

publiques devraient déboucher, en cas d’infraction, sur la mise en jeu de la

responsabilité personnelle des agents chargés de l’exécution des lois de finances.

Cette mise en jeu s’effectue de façon différente selon qu’il s’agit des irrégularités

commises par des comptables publics ou des ordonnateurs. Les premiers sont

soumis à un régime très strict. La responsabilité des ordonnateurs est en revanche,

beaucoup plus difficile à mettre en œuvre.

Section I : Le régime de responsabilité des comptables publics

Les comptables publics encourent, comme tout citoyen, une responsabilité

pénale et, comme tout fonctionnaire, une responsabilité disciplinaire. Ils encourent

54

Page 55: Cours de Finances Publiques

aussi une responsabilité pécuniaire comme agents qui manient les deniers publics et

sont chargés de contrôler la régularité de leur emploi. Cette responsabilité est

particulièrement étendue et l’Etat dispose des garanties à l’égard du comptable.

§.1 L’étendue de la responsabilité des comptables publics

Tout comptable public est personnellement et pécuniairement responsable de

sa gestion, c'est-à-dire qu’il est tenu de rembourser à l’Etat, sur ses deniers

personnels, les sommes qu’il aurait négligé de recouvrer ou qu’il aurait payé

indûment. Cette responsabilité porte sur :

- les deniers et valeurs dont ils ont la charge ;

- le recouvrement des titres exécutoires pris en charge ;

- les paiements effectués ;

- l’exactitude des écritures qu’ils tiennent.

Au surplus, les comptables sont également responsables des actes des

comptables subordonnés soumis à leur pouvoir hiérarchique. Il en va de même des

fautes de leurs prédécesseurs à moins qu’ils n’aient, dans les six mois de leur prise

de fonction, formulé par écrit des réserves précises sur la gestion de ceux à qui ils

ont succédé.

Ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu’en prouvant que leur faute

de service leur a été imposée par un comptable hiérarchiquement supérieur (dont la

responsabilité se substitue alors à la leur) ou par la force majeure, il en va de même

en cas de réquisition régulière.

Le comptable est tenu de réparer les conséquences dommageables dans tous

les cas où sa responsabilité peut ainsi être mise en cause, soit par une autorité

administrative, soit par un juge de compte. C’est ce que l’on appelle la mise en débet

qui résulte d’un arrêté de débet pris généralement par le Ministre chargé des

finances, ou d’un arrêt de débet rendu par le juge des comptes.

Le comptable a la possibilité, dans l’un et l’autre cas de demander une remise

gracieuse qui le décharge de tout ou partie de sa dette. Cette décision dépend du

seul Ministre des finances.

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Page 56: Cours de Finances Publiques

§.2 Les garanties de la responsabilité des comptables

Outre la garantie morale qui prend la forme du serment prêté par le comptable

au moment de son entrée en fonction, diverses garanties sont prises pour s’assurer

qu’en cas de mise en débet, le comptable soit en état d’assurer le paiement.

- Le comptable est soumis à l’obligation de cautionnement. Le cautionnement

peut être constitué en numéraire, en valeur et en immeubles. Il est restitué au

comptable à sa sortie de charge lorsqu’il a obtenu un arrêt de quitus de la juridiction

des comptes.

- Le Trésor bénéficie d’un privilège sur tous les biens meubles et immeubles

du comptable ainsi que ceux de sa femme, même séparée de biens, acquis depuis

son entrée en fonction.

En contre partie de sa garantie, le comptable perçoit une indemnité spéciale.

Section II : Le régime de responsabilité des ordonnateurs

A côté des sanctions traditionnelles applicables aux ordonnateurs, le

législateur a organisé des sanctions particulières susceptibles d’être prononcées

seulement par le Conseil de discipline budgétaire et financière.

§.1 Les sanctions traditionnelles

Les ordonnateurs sont à raison de leurs attributions responsables au plan civil,

pénal, disciplinaire et même politique.

- La responsabilité civile des ordonnateurs consiste à les faire condamner à

réparer pécuniairement la faute commise sur la base des articles 1382 et s du Code

civil.

- La responsabilité pénale peut être mise en jeu, tant à l’égard des

ordonnateurs principaux que des ordonnateurs délégués et secondaires. Il en va

ainsi en cas de malversations, des concussions (recevoir, exiger ou ordonner de

percevoir illégalement des taxes ou impôts non dus), prise illégale d’intérêts, trafic

d’influence, soustraction et détournement de fonds publics.

- Les poursuites disciplinaires ne peuvent évidemment être entreprises que

contre les agents publics (ce qui exclut les ordonnateurs principaux à savoir les

56

Page 57: Cours de Finances Publiques

Ministres). Prévus par les différents statuts de la fonction publique, cette

responsabilité permet à l’autorité hiérarchique de prononcer une sanction

disciplinaire contre un agent qui aurait commis une faute de service.

- La responsabilité politique ne concerne, pour les dépenses de l’Etat, que les

seuls Ministres. Elle peut théoriquement se traduire par la révocation du Ministre par

le Chef de l’Etat ou le vote d’une motion de censure par le Parlement.

Devant le peu d’efficacité de ces sanctions classiques, le législateur a mis en

place les sanctions prononcées par un organe spécialisé.

§.2 Les sanctions prononcées par le Conseil de discipline budgétaire et financière

Le Conseil de Discipline Budgétaire et Financière (CDBF), dont l’organisation

et le fonctionnement sont fixés par le décret n°2008/028 du 17 janvier 2008

sanctionne les irrégularités et fautes de gestions commises par les ordonnateurs et

gestionnaires des crédits de l’Etat, des collectivités territoriales décentralisées, des

entreprises et organismes publics et parapublics et toute autre personne agissant en

cette qualité.

- Les agents publics exerçant d’autres fonctions à titre principal, mais agissant

occasionnellement ou subsidiairement comme ordonnateurs ou gestionnaires des

crédits de l’Etat.

Les irrégularités ou fautes de gestion justiciables devant le conseil sont

constituées par :

- l’engagement d’une dépense sans avoir reçu délégation à cet effet ;

- l’engagement d’une dépense sans pièces justificatives suffisantes ;

- l’engagement d’une dépense sans visa, autorisation ou réquisition préalable

de l’autorité compétente ;

- l’engagement d’une dépense ou certification des pièces sans justifications

de l’exécution des travaux, des prestations de biens et de services ;

- le recrutement et l’emploi effectif d’un agent sans intervention du contrôle

budgétaire quand ce contrôle est prévu par les règlements ;

- le recrutement d’un agent en infraction à la réglementation du travail en

vigueur ;

- la modification irrégulière de l’affectation des crédits ;

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Page 58: Cours de Finances Publiques

- les appels à la concurrence, les lettres de commande et achats effectués en

infraction à la réglementation sur la passation des marchés publics ;

- l’utilisation à des fins personnelles des agents ou des biens de l’Etat et des

collectivités publiques lorsque ces avantages n’ont pas été accordés par les

lois et règlements.

Le CDBF peut être saisi par :

- Le Président de la République ;

- Le Premier Ministre

- le Ministre chargé du contrôle supérieur de l’Etat ;

- le Ministre supérieur hiérarchique de l’agent mis en cause ;

- toute autre autorité prévue par les textes en vigueur.

Les sanctions qui peuvent être prononcées par le CDBF sont pécuniaires et

administratives.

Par une série d’amendes, l’ordonnateur réparera pécuniairement son forfait. Il

peut être frappé d’une amende spéciale qui varie de 200 000 à 2 000 000 de F.CFA.

Il n’est pas exclu qu’à cette somme s’ajoutent, au titre de débet, le montant du

préjudicie réel subi par la personne publique ainsi qu’une amende spéciale de

procédure.

Comme sanction administrative, aux termes de l’article 14 nouveau de la loi

n°76/4 du 8 juillet 1976, tout agent reconnu fautif par le Conseil peut encourir l’un des

deux cas de déchéance suivants :

- l’interdiction d’assumer pendant un délai de cinq ans les fonctions

d’ordonnateur, de gestionnaire de crédits ou de comptable dans un service,

organisme public ou parapublic ou dans les entreprises d’Etat ;

- l’interdiction d’être responsable à quelque titre que ce soit, pendant un délai

de cinq à 10 ans, de l’administration de la gestion des services et entreprises

d’Etat.

Le CDBF statue par décisions, lesquelles ne sont pas susceptibles de recours

gracieux préalable mais, peuvent faire l’objet d’un recours en annulation devant la

juridiction administrative compétente.

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