Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

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UNIVERSITE GASTON BERGER UFR DE SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES DROIT CONSTITUTIONNEL ET INSTITUTIONS POLITIQUES 1ère Année du 1er cycle Cours du Professeur Babaly SALL Textes, documents et exercices à l’usage des travaux dirigés Réunis et élaborés par Madame Marième Sy TALL et Messieurs Abdou Fatah NIANE et Lamine SAMB 1

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UNIVERSITE GASTON BERGERUFR DE SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES

DROIT CONSTITUTIONNEL ET INSTITUTIONS POLITIQUES

1ère Année du 1er cycleCours du Professeur Babaly SALL

Textes, documents et exercices à l’usage des travaux dirigés Réunis et élaborés par Madame Marième Sy TALL et

Messieurs Abdou Fatah NIANE et Lamine SAMB

ANNEE UNIVERSITAIRE 2004-2005

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REGLEMENT DES ETUDES ET DES EXAMENS

1. L’affectation d’un étudiant dans un groupe de travaux dirigés (T. D.) est irrévocable, sauf autorisation accordée pour le Directeur de l’UFR, dans des conditions exceptionnelles, sur proposition du chef de section.1

2. La présence des étudiants aux séances de T. D est obligatoire. Nul ne peut se présenter aux épreuves écrites terminales de juin-juillet ou d’octobre s’il n’a satisfait à cette condition.

- Tout étudiant ayant totalisé quatre absences non justifiées ou huit même justifiées, sur l’ensemble des séances de T. D de l’année ne pourra se présenter aux épreuves terminales écrites de juin-juillet et d’octobre.

- Sont admises comme pièces justificatives des absences :

a) - dans le cas de maladie, un certificat médical adressé au service pédagogique, dans les trois jours de la première absence ;

b) - dans le cas d’absence pour d’autres motifs, une pièce officielle envoyée au service pédagogique, dans un délai d’une semaine.

1 Livret de l’étudiant.

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PLAN DE COURS

DROIT CONSTITUTIONNEL ET INSTITUTIONS POLITIQUES

INTRODUCTION GENERALE

Section 1. - Les notions de base du Droit constitutionnel

§1. - La notion de droitA. Définition et caractèresB. Droit et pouvoir

§2. - La notion de pouvoir politiqueA. Le phénomène du pouvoir dans la sphère politiqueB. L’évolution du phénomène

Section 2. - Le droit constitutionnel et les institutions politiques

§1. - Le droit constitutionnel ressortit au droit publicA. - Les origines de la notion de droit publicB. - La définition et les caractères du droit publicC. - Les autres branches du droit public

§2. - Le droit constitutionnel transcende le droit publicA. - La matièreB. - L’évolutionC. - L’objet de la matière

PREMIERE PARTIE

THEORIE GENERALE DU DROIT CONSTITUTIONNEL ET DES INSTITUTIONS POLITIQUES

TITRE 1. - LES ELEMENTS FONDAMENTAUX DU DROIT CONSTITUTIONNEL : L’ETAT ET SON POUVOIR

CHAPITRE 1. - LE PHÉNOMÈNE ÉTATIQUE : NOTION, ORIGINES ET FORMES

Section 1. - La notion d’Etat

§1. - L’approche sociologiqueA. - Le territoireB. - La populationC. - Le gouvernement

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§2. - L’approche juridiqueA - La personnalitéB - La souveraineté

Section 2. - Les origines de l’Etat

§1. - Les théories du contratA - ExposéB - Critiques

§2. - La théorie du conflitA - ExposéB - Critiques

§3. - La théorie de la fondationA - ExposéB - Critiques

Section 3. - Les formes de l’Etat

§1. L’Etat unitaireA - La signification du principe d’unitéB - La mise en oeuvre du principe d’unité

1 - La déconcentration2 - La décentralisation3 - La régionalisation : L’Etat régional

§2. - Le fédéralismeA - Les unions d’EtatsB - Les confédérations d’Etats

1 - La notion d’association2 - L’intérêt de l’association

C - Les fédérations d’Etats

1 - Le principe d’autonomie2 - Le principe de participation

CHAPITRE 2. - LE POUVOIR DE L’ETAT : JUSTIFICATION ET DÉVOLUTION

Section 1. - La justification du pouvoir

§1. - Les théories de la souveraineté A - Les souverainetés de droit divinB - La souveraineté nationaleC - La souveraineté populaire

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§2. - La mise en oeuvre des théories de la souveraineté

A - L’utopie et le réalismeB - La synthèse ou l’amalgame des théories démocratiques de la souveraineté

Section 2. - La dévolution du pouvoir

§1. - Le mode de dévolution normale du pouvoir : les élections

A- Le droit de suffrage1 - L’étendue du droit de suffrage

2 - Les différentes modalités du droit de suffrageB - Les modes de scrutin

1 - Présentationa - Les scrutins majoritairesb - Les scrutins proportionnelsc - Les scrutins mixtes

2 - Répercussions sur les modes de gouvernement

§2. - La dévolution exceptionnelle du pouvoir : les modes de transmission violente du pouvoir

A- Les révolutions

1 - Causes explicatives2 - Conséquences

B - Les coups d’Etats militaires1 - Les causes 2 - Les conséquences institutionnelles de l’irruption des militaires dans la sphère politique

CHAPITRE III. - L’EXERCICE DU POUVOIR DE L’ETAT : FONDEMENT JURIDIQUES ET MANIFESTATIONS POLITIQUES

Section 1. - Le fondement juridique du pouvoir dans l’Etat :

La Constitution

§1. - La notion de constitution A- Les constitutions matérielles et les constitutions formellesB - Les constitutions souples et les constitutions rigidesC - Les constitutions écrites et les constitutions coutumières

§2. L’établissement et la révision des ConstitutionsA - L’établissement des constitutions

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B - La révision des constitutions

Section 2. - Les manifestations politiques du pouvoir§1. Les principales fonctions de l’Etat

A- La fonction législativeB - La fonction exécutiveC - La fonction juridictionnelle

§2. Les forces politiquesA- les partis politiques

1 - Notion2 - Fonctions

B - Les groupes de pression1 - La Notion 2 - Typologie

TITRE II - LES PRINCIPES DIRECTEURS DU DROIT CONSTITUTIONNEL

CHAPITRE 1. - LE PRINCIPE DE LA CONSTITUTIONNALITÉ DES NORMES

Section 1. - Le sens du principe de la constitutionnalité

§1. Le contrôle de constitutionnalité des lois et les controverses doctrinalesA - L’admission du principeB - Le rejet du principe

§2. Les principes généraux du contrôle de constitutionnalité des lois

A- Les organes de contrôle

1 - Le contrôle assuré par un organe politique2 - Le contrôle assuré par un organe juridictionnel

B - Les sources du contrôle : le bloc de constitutionnalitéC - Le champ du contrôle d’application

1 - Le contrôle obligatoire2 - Le contrôle facultatif

D - La sanction attachée à la déclaration d’inconstitutionnalité

Section 2. - La portée du principe de constitutionnalité

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§1. Les différentes techniques de contrôle et leurs conséquencesA- le contrôle par voie d’action

1 - Caractères fondamentaux2 - Autorités compétentes3 - Procédure et délai du contrôle4 - Organes compétents pour connaître du contrôle5 - Effets de la décision du Juge constitutionnel

B - Le contrôle par voie d’exception1 - Particularités de ce type de contrôle 2 - Effets

§2 - Les hypothèses d’échec des techniques de contrôle de constitutionnalitéA- Les causes de l’échec du contrôle de constitutionnalité des lois

1 - Les causes structurelles2 - Les causes conjoncturelles

B - Les conséquences de l’échec du contrôle de constitutionnalité Des lois

1 - La défiance politique2 - La justification de la défiance politique

CHAPITRE II : LE PRINCIPE DE LA SÉPARATION DES POUVOIRS

Section 1. - Les origines et la signification du principe

§1. Les origines du principeA- Les précurseurs de MontesquieuB - Montesquieu et son oeuvre

§2. La signification du principeA- Le sens classique du principeB - Le sens classique contemporain du principe

Section 2. - La mise en oeuvre du principe

§1. La portée contemporaine du principeA- Les différentes formes de séparation des pouvoirs

1 - La séparation des gouvernants2 - La séparation des gouvernants et des juges

B - Les principales implications du principe1 - La technique souple de séparations des pouvoirs2 - La technique rigide de séparation des pouvoirs

§2. Les déviations dans la mise en oeuvre du principeA - Confusion du pouvoir au profit de l’exécutif : le césarisme B - Confusion du pouvoir au profit du législatif : le régime d’assemblée

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DEUXIEME PARTIE

PRINCIPAUX REGIMES DEMOCRATIQUES CONTEMPORAINS

CHAPITRE 1. - LE RÉGIME POLITIQUE BRITANNIQUE

Section 1. - L’organisation institutionnelle

§1. Le pouvoir exécutifA- La couronne britanniqueB - Le gouvernement ou cabinet britannique

§2. Le pouvoir législatifA- La chambre des communautésB - La chambre des lords

Section 2. Le fonctionnement du système britannique

§1. Les origines du bipartisme§2. L’influence du bipartisme sur le fonctionnement du système

CHAPITRE II. - LE RÉGIME POLITIQUE FRANÇAIS

Section 1. - Aperçu historique§1. - L’Ancien régime

A- Les fondements de l’Ancien régimeB - Les institutions de l’AncienC - La consolidation de l’apport révolutionnaire

§2. - La Révolution de 1789A - Son sensB - Son apport

§3. - La maturation du régime parlementaire

A- Les conditions de naissance du régimeB - Les éléments constitutifs du régime

Section 2. - L’organisation des pouvoirs publics en France

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§1. - Le pouvoir exécutifA- Le Président de la RépubliqueB - Le premier ministre et le gouvernement

§2. Le pouvoir législatifA- Le statut du parlementB - Les fonctions parlementaires

1 - Le vote de la loi2 - Le contrôle du gouvernement

Section 3. - Les rapports entre les pouvoirs publics en France

§1. La lecture présidentialiste du régimeA- La France sous de GaulleB - La France sous Mitterrand

§2. La lecture parlementariste du régimeA- Le sens de la cohabitationB - Les conséquences de la cohabitation

CHAPITRE III. - LE RÉGIME POLITIQUE DES ETATS-UNIS D’AMÉRIQUE

Section 1. L’organisation du pouvoir

§1. - Le pouvoir exécutifA- Le Président de la RépubliqueB - La main mise du Président sur l’exécutif

§2.- Le pouvoir législatifA- La chambre des ReprésentantsB - Le Sénat

§3. - Le pouvoir judiciaireA- La Cour SuprêmeB - Les autres juridictions

Section 2. - Le fonctionnement du pouvoir

§1. - Les relations exécutif-législatifA- En théorie, une séparation des pouvoirsB - En pratique, une collaboration

§2. - Le couple président-congrèsA- Le parlementarisme de couloirsB - L’arbitrage de la Cour Suprême

CHAPITRE IV. - LA DEMOCRATISATION A L’EST ET EN AFRIQUE

Section 1. - Le régime politique Russe

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§1. L’organisation du pouvoir politique russe§2. Le fonctionnement du pouvoir politique

Section 2. - Les régimes politiques africains

§1. - L’importance de l’Exécutif§2. - Déclin ou renaissance des parlements ?

CALENDRIER DES SEANCES DE TRAVAUX DIRIGES

I ère séance : Présentation générale de la matière et méthodologie, autre document distribué : la nouvelle constitution du Sénégal ;

2ème séance : Réflexions sur le droit constitutionnel. La méthodologie du commentaire de texte ;

3ème séance : L’Etat ;

4ème séance : L’Etat et la Nation ;

5ème séance : L’Etat unitaire ;

6 ème séance : L’Etat fédéral ;

7ème séance : Les théories de la souveraineté ;

8ème séance : Les systèmes électoraux ;

9 ème séance : La révision des Constitutions ;

10 ème séance : Bilan du semestre et préparation du galop d’essai ; quelques recommandations de travail - Méthodologie ;

11 ème séance : La procédure législative ;

12 ème séance : La séparation des pouvoirs ;

13 ème séance : Le régime parlementaire ;

14 ème séance : Le régime présidentiel ;

15 ème séance : Le contrôle de Constitutionnalité des lois ;

16 ème séance : La Vème République ;

17 ème séance : Bilan du semestre et préparation de la première session d’examen.

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INTRODUCTION GENERALE

Les mots qui composent la matière paraissent très familiers aux citoyens des Etats

démocratiques. L’explication se trouve dans l’importance de la notion de constitution dans les

Etats modernes. En effet la Constitution occupe une place fondamentale dans l’Etat

contemporain parce qu’elle en est effectivement la base. Il s’y ajoute que la notion revêt aussi

une dimension médiatique assez forte dans la mesure où tout ce qui se rapporte à la

constitution fait aujourd’hui l’objet d’une sollicitation intense par l’actualité.

Mais derrière cette impression première, il y a une réalité qu’il nous faut découvrir.

Pour ce faire, il y a lieu de revisiter un certain nombre de notions de base de la discipline.

SECTION I - LES NOTIONS DE BASE DU DROIT CONSTITUTIONNEL

Le droit constitutionnel est le droit de la Constitution. La Constitution est à la base de

l’Etat. Donc le droit constitutionnel est le droit de l’Etat. S’il y a deux notions qui symbolisent

le mieux l’Etat dans la réalité de tous les jours ; ce sont bien le droit et le pouvoir. Nous allons

les envisager tour à tour.

La notion de droit :

A - Sens et caractère du mot droit

Le mot droit renvoie, dans une approche générale, à un ensemble de règles juridiques

applicables à une structure sociale donnée. Mais cette approche générique de la notion ne rend

pas exactement compte de tous les sens qu’elle peut revêtir en fonction de la diversité des

situations à couvrir. Il en est ainsi par exemple de la situation où la personne dispose de la

possibilité d’agir d’une certaine manière ou de ne pas le faire. Cette situation recouvre une

faculté, un pouvoir que le droit (mode d’organisation sociale) reconnaît à la personne et qui

est appelée prérogative. Chaque société reconnaît à ses membres une pluralité de prérogatives,

c’est-à-dire des possibilités quasi infinies de réaliser leur volonté dans le cadre de leurs

rapports mutuels sous réserve de conformité au droit. L’ensemble de ces possibilités sont

désignées par le terme « droits subjectifs » ; ce sont des droits qui s’exercent sur des choses

où à l’encontre d’autres personnes. Le sens du mot droit ainsi décliné renvoie à la prérogative

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reconnu à un individu à l’encontre d’un autre individu. Mais la marque de ce premier type de

droit est la pluralité parce que non seulement il est conféré à tous les membres du groupe

social mais aussi il implique différentes possibilités d’être ou d’avoir au profit de ceux-ci. Il

s’agit donc ici de la première situation dans laquelle on peut envisager la notion de droit. Mais

il en est une autre où un autre type de comportement est en cause, celui à caractère général qui

serait exigible de toute personne dans une hypothèse donnée. C’est le second sens du mot

droit : celui que l’on appelle le droit objectif et qui nous retiendra dans le cadre de ce cours.

Le sens de ce mot est le même que celui qu’on a donné à prime abord avec la précision

qu’ici les règles s’appliquent sous l’autorité d’une institution collective. Il s’en suit une

définition plus précise du droit objectif, à savoir : un ensemble de règles qui ordonnent,

défendent ou imposent quelque chose sous l’autorité d’une institution commune, soit à tous

les membres du groupe soit à certains d’entre eux seulement, lorsqu’ils se trouvent dans une

situation particulière.

De cette définition se dégagent deux choses qui requièrent notre attention : la première

est l’obligation qui ressort des termes « ordonner, défendre et imposer », la seconde est

l’autorité qui découle des notions d’obligation, de contrainte et d’autorité. Celles-ci sont

inséparables du mot sanction qui est la première marque du droit.

La sanction est une institution juridique, un instrument du droit qui permet de

différencier les règles juridiques des autres règles sociales ; la morale et la religion ont

vocation aussi à régir les individus dans leur comportement. Contrairement à la sanction

religieuse ou morale, la sanction juridique n’est pas seulement hypothétique, virtuelle,

mythique ou intime elle est à la fois extérieure et sociale, donc collectivisée. Elle est donc

socialisée car elle relève d’une autorité spécialement revêtue du pouvoir d’intervenir pour la

faire appliquer à chaque fois que la prescription juridique n’a pas été respectée.

La création par les hommes d’institutions représentatives de leur volonté et dotées

d’un pouvoir de répression est une chose à la fois … et quasi naturelle. En effet, l’émergence

des règles juridiques munies de sanction est une conséquence logique de la détermination par

les communautés humaines d’un certain nombre d’objectifs à atteindre sous la conduite d’une

autorité collective. Il y a donc une relation étroite entre les notions de droit et de pouvoir.

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B - Droit et pouvoir

Si l’on reprend la définition précédente, on en déduit que le droit en soi n’a aucun

sens ou ne revêt aucune réalité s’il n’est pas fondé sur la notion de Pouvoir ; c’est d’ailleurs ce

qui apparaît dans la notion elle-même. En effet avoir le droit de faire quelque chose : c’est le

pouvoir d’accomplir cette chose conformément à sa volonté, c’est avoir la capacité de se

comporter d’une certaine manière. Ce pouvoir d’accomplir la chose ne sera effectif que si elle

n’est pas entravée par quelqu’un d’autre ou par quelque chose d’autre. Autrement dit la liberté

n’existe dans le groupe que si une institution puissante est capable d’en garantir la viabilité.

Cette institution puissante est représentée aujourd’hui sous la forme institutionnelle : c’est

l’Etat. L’étroitesse de la relation entre ces notions de droit, Pouvoir et Etat va produire

différents concepts aujourd’hui à la mode comme l’Etat de droit, le droit de l’Etat ou le

pouvoir du droit. Ce qu’on peut donc retenir c’est que l’Etat est à l’origine du droit parce que

c’est lui qui, soit le sécrète directement soit le reconnaît. Mais le pouvoir de l’Etat ne naît pas

ex nihilo ; il se fonde sur le groupe qu’il entend régir et dont il assure la direction ; toutes

raisons qui font qu’il est appelé pouvoir politique.

2 - La notion de pouvoir politique.

Cette notion est une composition de deux mots : pouvoir et politique que nous allons

envisager tour à tour.

a- La notion de pouvoir dans la sphère politique. Le mot pouvoir revêt plusieurs

sens dont un seul nous intéresse ici : c’est celui qui évoque soit l’emprise de quelqu’un sur

quelqu’un d’autre, soit l’emprise d’une chose sur une autre. Le lieu de réalisation par

excellence de la notion est le monde animal ou humain.

Dans la sphère animale, l’emprise est fondée sur la contrainte alors que dans la sphère

humaine, elle emporte parfois le consentement. C’est essentiellement cette deuxième sphère

qui recouvre notre champ d’intérêt parce que c’est en son sein que la notion de pouvoir

renvoie au phénomène d’autorité. Le phénomène du pouvoir dans la sphère humaine est

dominé par le couple commandant obéissance.

La meilleure illustration en est l’image du policier qui règle la circulation. Derrière ses

injonctions, il y a autre chose que la simple force répressive que sa fonction emporte : c’est

l’objectif ou l’idéal d’une vie en mouvement bien réglée qui réunit à la fois agents de

circulation et automobilistes.

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Cet idéal est conçu ou à tout le moins formalisé par le pouvoir politique. On peut

définir celui-ci comme étant l’institution représentative du groupe chargée de traduire en actes

la volonté de vie commune de ses membres. En d’autres termes, le pouvoir politique est un

ensemble d’individus ou d’institutions choisis et mis en place par la communauté pour donner

corps à la solidarité, par l’encadrement des activités et des hommes. Dans cette perspective,

l’institution est dotée du pouvoir de commandement qui est la faculté de poser les règles et de

se faire obéir en ayant recours, en cas de besoin à la contrainte. Dans les sociétés

contemporaines, le pouvoir politique prend le visage de l’Etat. C’est donc l’Etat qui

représente les sociétés humaines et qui est investi de l’autorité de décider ou d’agir en leur

nom. Toutefois, la confusion entre l’Etat et le Pouvoir n’est pas totale dans la mesure où l’Etat

bien qu’étant émanation du groupe peut parfois poursuivre d’autres objectifs et même entrer

en conflit avec le groupe. Voilà pourquoi, la notion de pouvoir très souvent confondu avec

celle de gouvernant ou de dirigeant, renverrait plutôt chez certains auteurs aux gouvernés

(pouvoir populaire). La réunion des deux notions : gouvernants et gouvernés donne le Pouvoir

National.

L’expression symbolise l’entité humaine qui se trouve à l’intérieur des limites

géographiques d’un Etat. Le pouvoir national renvoie donc au pouvoir politique appliqué à un

territoire donné. Cette notion a évolué dans le temps.

B - L’évolution du phénomène de pouvoir

Le phénomène de pouvoir revêt quand il s’exerce dans le cadre de l’Etat une

dimension politique. Le pouvoir ainsi qualifié revêt essentiellement trois caractères : il est

contraignant, parce que reposant sur la force qu’il fait intervenir en cas de besoin ; il est

global, dans la mesure où il régit toute la société ; il est enfin initial, étant à la base de

l’organisation sociale. Mais ce pouvoir politique n’a pas toujours revêtu les mêmes caractères,

pas plus qu’il n’eût pas la même nature tout le long de l’histoire des sociétés humaines. Ce

pouvoir a varié dans le temps et dans le sens d’un plus grand raffinement. A ce propos, les

anthropologues ont établi la typologie suivante : les hommes ont tout d’abord connu un

pouvoir diffus, ensuite un pouvoir individualisé et enfin le pouvoir institutionnalisé que l’on

retrouve dans les Etats modernes. S’agissant tout d’abord du pouvoir diffus ou anonyme, c’est

le type de pouvoir qui existe dans toutes les sociétés anti-étatiques de sociétés dites primitives

ou archaïques. On parle à ce propos de pouvoir diffus ou anonyme parce qu’il y a une

indifférenciation entre ceux qui gouvernent et ceux qui sont gouvernés ; autrement dit tout le

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monde obéit et commande à la fois. Le ressort de fonctionnement de ce type de société réside

pour l’essentiel dans les croyances et coutumes et la seule préoccupation de ses membres est

la survie. Mais ce type de rapports politiques se compliquent à mesure qu’augmentent et se

diversifient les besoins sociaux. D’où l’instauration d’un pouvoir plus raffiné.

- Le pouvoir individualisé

Il caractérise les sociétés féodales c’est-à-dire des structures correspondant à des

entités géographiques appelées seigneuries ou fiefs au sein desquelles s’établissent des

relations hiérarchisées entre des seigneurs (chefs religieux ou militaires) et des vassaux qui

représentent tout le reste de la population. Les seigneurs font eux-mêmes acte d’allégeance à

l’égard un roi à qui ils doivent obéissance et aide en échange de sa protection. Dans ce type

d’organisation sociale, le pouvoir politique est dit individualisé parce qu’il se confond avec la

personne de celui qui l’exerce. Le chef compte sur sa force, son prestige ou la crainte qu’il

inspire pour perpétuer son règne. Seulement ce type de pouvoir est par nature instable, fragile

dans la mesure où le jour où l’élément qui le structure disparaît, le chef lui-même tombe. Le

rapport politique disparaît avec le chef, c’est pourquoi les hommes vont imaginer un autre

type de rapports plus sereins. C’est l’avènement du pouvoir institutionnalisé.

- Le Pouvoir institutionnalisé

C’est le modèle de structuration par excellence des Etats modernes. Le vocable Etat

moderne, recouvre le type d’organisation politique qui apparaît à la fin du 15ème et au début du

16ème siècle et qui permet aux hommes de stabiliser leurs rapports sociaux. Derrière ce concept

il y a une réalité, c’est le processus qui a conduit à l’unification des anciennes seigneuries par

la création d’un certain nombre d’institutions royales (armée, administration fiscale…). Ce

qu’il faudrait retenir dans le cadre de ce processus d’avènement de l’Etat, c’est le mode

d’organisation de la transmission de pouvoir. On a institutionnalisé la façon d’accéder et de

demeurer au pouvoir. Le processus a commencé au sein même des familles régnantes dans la

mesure où la succession d’un chef n’était plus synonyme de période d’instabilité, de guerres

de rivalité.

Dans ce cas précis, on a parlé de pouvoir institutionnalisé pour signifier

l’établissement de règles claires et stables qui non seulement aménagent la procédure

d’accession au pouvoir mais aussi et surtout différencient celui qui exerce le pouvoir de celui

qui en est le détenteur originel. Le pouvoir appartient au peuple et celui qui gouverne n’en est

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investi que pour une période déterminée, et pour les besoins d’une cause précise. La

conséquence directe et immédiate de ce processus fera la stabilité dans la succession et dans la

gestion du pouvoir. Cette conséquence se reflète dans les écrits des historiens de la royauté

française par la mise en exergue de deux concepts : l’indisponibilité de la Couronne royale et

la continuité de son exercice. D’où le terme « le Roi est mort ! Vive le Roi ! Indisponibilité et

continuité deviennent deux caractéristiques majeures du pouvoir politique que la matière de

droit constitutionnel va recueillir et enrichir pour en faire le fondement des institutions

politiques modernes.

SECTION II - L’ETUDE DE DROIT CONSTITUTIONNEL.

L’enseignement du droit constitutionnel découle de l’apparition de règles stables et

claires pour la conquête et la gestion du pouvoir public. Le droit constitutionnel, comme tel

est inséparable de la notion de droit public. L’évocation de celles-ci renvoie nécessairement à

à une autre catégorie du droit, qu’on lui oppose trait pour trait. C’est le droit privé dont il ne

sera pas question dans ce cours. Il en est ainsi pour deux principales raisons :

………………………………………….

1 - c’est un droit qui postule l’égalité entre les protagonistes de la règle de droit ;

2 - c’est un droit qui sous-tend une relation fondée sur un accord de volontés libres.

Mais à la vérité, l’opposition entre droit public et droit privé n’est fondée que sur des

raisons pratiques et pédagogiques. C’est pourquoi au fur et à mesure que les sociétés évoluent

et se complexifient, la différenciation s’estompe. Il n’empêche qu’il faut toujours essayer

d’étudier le droit constitutionnel au regard de cette distinction principale (Droit-privé).

L’étude de notre matière révèle aujourd’hui que le droit constitutionnel appartient au droit

public, mais cependant dans bien des aspects, il le dépasse largement.

Parag. 1 - Le droit constitutionnel appartient au droit public.

Avant d’en arriver à la définition de ce droit, il est nécessaire de parler de ses origines.

A- Les origines de la notion de droit public.

On s’accorde dans la doctrine pour faire remonter l’apparition du droit public à

l’époque romaine notamment lorsque deux légistes Ulpien et Paul remplissaient auprès du roi

un rôle de consultance et de conseil juridique. Cette activité les amena pour des raisons

méthodologiques et pédagogiques à inventer un mode d’archivation des demandes qui leur

étaient soumises par le roi lui-même. Ils distinguèrent entre deux types de demandes, celle qui

se rapportaient à l’institution royale (elle-même) et les autres qui concernaient les sujets entre

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eux, dans leurs rapports mutuels. C’est de là qu’est née la distinction droit public et droit

privé.

B - Définition et caractères de la notion de droit public

La notion de droit public renvoie à cette partie du droit qui traite de tout ce qui est

relatif aux institutions publiques (du groupe) à la fois dans leurs rapports intrinsèques et avec

d’autres personnes (physiques ou morales). De cette définition emporte trois remarques qui

sont autant de marques distinctes de la notion de droit public :

1 – celle-ci ne recouvre en principe dans son acceptation que les seules personnes

publiques ;

2 - le droit public ne s’intéresse qu’aux choses qui touchent l’ensemble du groupe ; et

à elles seules en principe (la notion d’intérêt général)

3 - Dans la mesure où il se rapporte qu’à l’intérêt général, le droit public postulerait

nécessairement l’existence de rapports inégalitaires entre acteurs publics et acteurs privés. Le

droit public postulerait nécessairement l’existence de rapports inégalitaires entre acteurs

publics et acteurs privés. Le droit public tout an régissant les premiers cités leur confèrent en

même temps des « moyens exorbitants du droit commun » : exemples : la possibilité

d’imposer aux autres acteurs des décisions sans leur aval préalable.

C - D’autres branches du droit public

A côté du droit constitutionnel, on retrouve deux principales branches ou sous branches qui

ont vocation aussi, comme le droit constitutionnel, à régir certains aspects des activités

publiques : il s’agit du droit administratif et du droit financier.

Le droit administratif recouvre l’ensemble des règles publiques qui régissent l’action

de l’administration. Celle-ci est définie comme étant l’ensemble des structures qui

sont mises au service du gouvernement pour exécuter ses décisions quotidiennes. Il y a

ensuite le droit financier (finances publiques) qui est l’ensemble des règles juridiques

qui se rapportent aux activités financières des collectivités publiques. Droit

constitutionnel, droit administratif et finances publiques constituent des sous-branches

du droit interne (ensemble des règles relatives aux activités de l’Etat à l’intérieur de

ses frontières). A ce droit interne, on oppose le droit international. Le droit

international se rapporte aux relations entre Etats ou entre Etats et Organisations

Internationales ou entre Organisations Internationales elles-mêmes. Cette subdivision

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du droit public en branches et sous branches est à la fois quelque chose de subtil et

relatif.

Parag. 2 - Le droit constitutionnel transcende le droit public

Un constant s’impose d’emblée : l’importance du droit constitutionnel est telle

aujourd’hui qu’il irrigue et vivifie le droit public qui l’a pourtant fondé. L’explication de cet

état de chose réside à la fois dans l’objet de la matière et dans son évolution en rapport avec

celle de la vie politique contemporaine.

A- La matière du droit constitutionnel

D’un point de vue sémantique, le droit constitutionnel se confond avec son objet,

c’est-à-dire la Constitution. La constitution représente l’ensemble des normes contenues ou

qui se rapportent au texte fondamental placé au sommet de la hiérarchie des règles juridiques

dans l’Etat et dont la modification intervient par une procédure spéciale. Le droit

constitutionnel a pour vocation d’étudier ces normes. Mais ainsi défini, le droit constitutionnel

suscite relativement à son rôle et à sa nature deux positions opposées. La première position

tendrait à voir dans le droit constitutionnel une activité d’interprétation et de systématisation

des normes constitutionnelles. On serait alors en présence d’une science : celle du droit

constitutionnel. A l’opposé de cette première position, il y a celle qui dit que le droit

constitutionnel renvoie à une simple activité de description des normes constitutionnelles. Le

droit constitutionnel équivaudrait alors à la dogmatique juridique, avec comme principal

fondement la neutralité. La seconde position a prévalu pendant longtemps parmi les auteurs et

les hommes politiques, mais elle est aujourd’hui totalement dépassée sous l’influence d’un

certain nombre de facteurs.

B - L’évolution du droit constitutionnel

L’insuffisance et la fragilité de la seconde position est apparue très tôt dans le milieu

des années 50, lorsqu’on s’est rendu compte que le cantonnement de la connaissance des

normes constitutionnelles à leur seule production, sans tenir compte des conditions de celle-ci,

représentait une vaine entreprise. Le droit constitutionnel est né vers 1834, lorsqu’une

ordonnance royale créa la faculté de droit à Paris, avec une Chaire de droit constitutionnel

conférée à un certain : Pelligrino Rossi. En effet, ce que l’expérience allait révéler c’est que

non seulement les règles atteignaient rarement leur but (structurer totalement le pouvoir) mais

18

Page 19: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

aussi et surtout elles ignoraient les ressorts non apparents de ce pouvoir politique, à savoir les

hommes et les stratégies de pouvoir. Cette faille commence à être comblée seulement à partir

du moment où le droit constitutionnel se donne comme ambition d’étudier scientifiquement,

c’est-à-dire de façon rigoureuse et constante, l’organisation et le fonctionnement des

Institutions politiques de l’Etat.

Dès lors, il a pu englober dans un même mouvement à la fois les normes, la façon de

les produire et l’incidence de cette production sur les dirigeants et dans leurs rapports mutuels.

Dès lors le droit constitutionnel fait corps avec la science politique pour mériter l’appellation

de science sociale. Depuis lors le droit constitutionnel n’a plus perdu cette dimension qu’on

lui connaît aujourd’hui, même si la science politique s’en est détachée pour acquérir le titre de

discipline autonome.

Certes la rivalité entre les deux tend à se rétrécir pour confiner à l’aspect strictement

juridique des rapports politiques. Mais ce que le droit constitutionnel a tendance à perdre dans

ses rapports avec la science politique, il le récupère sur les autres disciplines du droit par le

canal de deux choses :

- la première est la recherche de la légitimation des comportements politiques dans les

normes constitutionnelles ;

- la seconde est l’activité débordante et le prestige nouveau dont bénéficie le Juge

constitutionnel.

En conclusion, nous dirons que plus qu’une simple référence à la Constitution, le droit

constitutionnel apparaît comme une discipline globalisant, seule apte à rendre compte des

multiples enjeux notamment politiques qui secouent les sociétés contemporaines ; d’où son

caractère central dans l’Etat moderne.

19

Page 20: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

PREMIERE PARTIE :

THEORIE GENERALE DU DROIT CONSTITUTIONNEL

L’objet du droit constitutionnel est de rendre compte des fondements du jeu politique

ou de l’ordre politique. Mais pour atteindre cet objectif, il est nécessaire de commencer par

déblayer le terrain pour une tentative d’identification des notions de base. Cela nous mène à

évoquer dans un titre 1er les éléments fondamentaux du droit constitutionnel à savoir l’Etat et

son pouvoir.

TITRE I – LES ELEMENTS FONDAMENTAUX DU DROIT CONSTITUTIONNEL : L’ETAT ET SON POUVOIR

L’Etat apparaît comme étant un cadre singulier d’établissement et de développement

des rapports humains. Et plus précisément, l’Etat est l’institution de représentation du groupe

ou de la société et en tant que telle il bénéficie de la POTESTAS (terme qui renvoie à la

puissance ou à la souveraineté) que l’on peut définir comme le pouvoir de décider et d’agir au

nom et pour le groupe. L’importance de ce qui est sous-entendu ici commande d’aller

successivement à la rencontre dans un premier temps du phénomène étatique lui-même et

dans un second temps du pouvoir dont il bénéficie et des modalités de son exercice.

CHAPITRE I – LE PHÉNOMÈNE ÉTATIQUE : NOTIONS, ORIGINE ET FORMES

La singularité de l’institution étatique peut être établie à trois égards. En considération

de la notion d’Etat tout d’abord, par rapport aux origines de l’Etat ensuite, et eu égards aux

différentes formes que l’Etat peut emprunter enfin.

SECTION I - LA NOTION D’ETAT

Parag. 1 – L’approche sociologique

L’approche sociologique de l’Etat renvoie à la démarche qui vise à identifier à travers

un certain nombre d’éléments qui, à chaque fois qu’ils sont présents, permettent de dire que

l’Etat est constitué. C’est pourquoi d’ailleurs on les appelle les éléments constitutifs de l’Etat.

20

Page 21: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

Il s’agit du territoire, de la population et du pouvoir politique. On peut définir l’Etat comme

étant un groupement humain, établi sur un espace géographique délimité, et soumis à une

seule autorité politique.

A – Le territoire

Le territoire est le lieu sur lequel s’établit une population. On peut dire aussi que c’est

le cadre de détermination géographique de l’Etat. Il est donc cette portion de terre qui sert à

délimiter géographiquement ce dernier. Sans territoire il ne saurait y avoir d’Etat. Le territoire

occupe une place primordiale dans la reconnaissance de l’Etat. Il est composé de trois

espaces : l’espace terrestre, maritime et aérien.

1 – L’espace terrestre

Il est déterminé par le tracé de frontières. Celles-ci peuvent être de deux types : les

frontières naturelles et celles artificielles. Les premières sont représentées par les montagnes

ou par le tracé des cours d’eau. S’agissant des montagnes, la ligne de partage entre les espaces

des différents Etats passe par le sommet de celles-ci. C’est ce que l’on appelle la ligne des

crêtes. S’agissant des cours d’eau, le tracé de la ligne frontalière passe par le milieu du cours

ou des cours. Ce type de tracé est appelé Thalweg. Quant aux secondes, (les frontières

artificielles), le tracé de la frontière se fait sur la base d’un accord de volonté entre les Etats

concernés ou avec eux et se faisant, l’on peut retenir qu’il n’y a aucune condition particulière

relative à la taille ou à la forme du territoire. En d’autres termes, il n’y a aucun chiffre requis

en la matière pour l’identification d’un Etat. De la même façon, s’agissant de la forme, aucune

exigence particulière n’est de mise pour la reconnaissance d’un Etat.

2 – L’espace maritime

La notion d’espace maritime est une notion relativement récente dans la mesure où,

pendant longtemps, la doctrine des Etats (position qui exprime une idée de l’Etat sur un

problème donné) était fondée sur le principe selon lequel la mer comme l’air ne saurait

constituer des territoires, car on ne pouvait être propriétaire de la mer ou de l’air. Mais au fur

et à mesure que les conquêtes territoriales se faisaient et que des conflits de plus en plus

nombreux en découlaient, il a fallu s’entendre sur la délimitation de ces espaces d’évolution

de la souveraineté. En ce qui concerne l’espace maritime, cela s’est fait par pallier : dans un

premier temps, on a admis que la souveraineté de l’Etat pouvait se déployer en partant de ses

côtes vers le large jusqu’à la portée d’un coup de canon : c’est ce qu’on appelle 3 miles

marins (1,6 km). Mais par la suite, cette distance a été portée à 12 miles et cela, depuis la

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convention sur le droit de la mer de Montego Bay en Jamaïque en 1982. A côté de la mer

territoriale, on reconnaît à l’aide d’une zone d’exercice de droit économique de 200 miles

marins. Cette zone économique exclusive repose sur le plateau continental. Au-delà de ces

200 miles marins, c’est la haute mer qui est régie par le principe de la liberté à la fois de

navigation et d’exploitation.

3 – L’espace aérien

On peut le définir comme étant la zone qui surplombe le territoire de l’Etat, en-deça de

l’espace atmosphérique. Cet espace revêt pour l’Etat une grande importance pour des raisons

de sécurité et pour autant, il est tout aussi important sinon capital pour les Etats enclavés, de

pouvoir traverser l’espace aérien d’autres Etats, pour ne pas être coupés du monde, d’où de

nombreux et incessants conflits par le passé. C’est ce type de conflits que la convention de

Chicago de 1944 a entendu éviter depuis cette date. Cette convention réglemente le survol des

espaces aériens en distinguant entre les périodes de guerre et les périodes de paix. En période

de paix, le principe de liberté de survol est largement admis et consacré ; en période de guerre

cette liberté est restreinte.

B – La population

La population est l’élément fondamental au même titre que le territoire dans la

constitution de l’Etat ou d’un Etat. Sans sujets ou objets des normes de l’Etat, il ne saurait y

avoir d’Etat. Cet élément essentiel qu’est la population peut être définie comme étant l’entité

qui regroupe l’ensemble des individus qui se trouvent à l’intérieur des limites territoriales que

l’on retrouve sur le territoire de l’Etat. L’idée de composantes humaines renvoie à la

consistance de la population de l’Etat. Mais celle-ci n’est pas homogène du point de vue de sa

structuration.

1 – La structure de la population

Ce que l’on appelle la population de l’Etat se subdivise entre étrangers et nationaux.

Ces deux composantes se différencient autant du point de vue conceptuel que des statuts qui

leur sont conférés par le droit. En effet, ceux que l’on appelle les nationaux de l’Etat, ce sont

les individus qui en ont la nationalité, c’est-à-dire ceux qui sont unis à cet Etat par un lien à la

fois politique et juridique. S’agissant des étrangers, ce sont les personnes qui se trouvent dans

le territoire de l’Etat mais qui relèvent de la nationalité d’un autre Etat. Il y a lieu de

distinguer entre les étrangers ordinaires et les diplomates qui revêtent un statut particulier. Les

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Page 23: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

premiers sont redevables d’un certain nombre de droits et de devoirs à l’égard de l’Etat

d’accueil. Ils bénéficient notamment de ce que le droit unitaire appelle le « Standard

minimum », c’est-à-dire d’un minimum de droits qui sont mis à la charge de l’Etat d’accueil

vis à vis des étrangers. Mais globalement, ils sont soumis au droit commun du pays hôte.

En revanche les seconds c’est-à-dire les diplomates, bénéficient, compte tenu de leur

statut de représentants d’un autre pays, d’un certain nombre de textes notamment

internationaux (convention de Vienne). Ces textes prévoient notamment une immunité de

juridiction et un privilège d’exécution au profit de ces représentants diplomatiques.

2 – Le concept de nation

A – Définition et éléments constitutifs de la nation

Les auteurs s’entendent pour définir la nation comme étant un regroupement de tous

les individus qui ont avec l’Etat un lien politique que certains fondent sur des éléments divers.

Il y a donc une définition consensuelle de la nation. Cependant deux positions s’y ajoutent

quant aux éléments constitutifs de la nation.

La première soutient que ce sont des éléments d’ordre subjectif qui fondent le lien

avec l’Etat. Exemple : la position de Edmond Michelet qui a écrit au milieu du 19ème siècle un

ouvrage sur l’histoire de la France. Il décrit la nation comme étant une communauté

spirituelle. Autrement dit, pour Michelet, la nation apparaît comme une volonté de vivre

ensemble qui découle d’une communion d’esprit.

Pour d’autres auteurs ces éléments seraient plutôt d’ordre objectif (et c’est la deuxième

position). Parmi ces auteurs, on retrouve des italiens comme Mancini ou l’Allemand Fitchte

qui définit la nation comme étant une composition d’éléments liés à la race, à la langue, au

territoire c’est-à-dire à tout élément qui relève du déterminisme. De fait, ces deux positions

doctrinales reflètent des positions politiques nationales des Etats européens qui, tout au long

du 19ème siècle, se sont affrontés dans le cadre d’une expression de leur identité nationale. A

cet égard, on peut dire que l’Allemagne et l’Italie furent considérées comme les tenants de la

thèse objective de la nation tandis que la France était censée incarner la thèse subjective. La

thèse objective a abouti à une conception restrictive de la nation parce qu’elle est basée sur

l’idée selon laquelle la nation serait exclusivement fondée sur une conjonction d’éléments

……… la langue, la race, la religion, la culture. S’agissant de la thèse subjective, elle

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débouche sur une conception extensive de la nation. C’est d’ailleurs elle qui va prévaloir

parce qu’elle fait appel au volontarisme et à la communion spirituelle pour fonder la nation.

C’est cette conception qui porte sur le commun vouloir de vie commune des membres du

groupe. En vérité, la perception que l’on a aujourd’hui de la nation serait plutôt mixte dans la

mesure où l’on associe toujours les éléments subjectifs aux éléments objectifs pour expliquer

le lien qui unit l’Etat à ses nationaux et cette position contemporaine est demeurée presque

invariable depuis la fameuse conférence que, Ernest Renan avait donnée à la Sorbonne en

1882 et à l’occasion de laquelle il définissait la nation comme étant un groupe humain dont

les individus se sentent unis les uns aux autres par des liens à la fois matériels et spirituels.

Cette position de Renan, si elle connaît une aussi grande postérité, c’est parce qu’elle recèle

un certain humanisme qui permet l’adaptation des positions nationales à l’évolution des idées

et des hommes : il s’agit aujourd’hui des grands flux migratoires.

B – Les rapports entre l’Etat et la Nation

Sur ce point précis, il y a deux thèses différentes qui s’affrontent, la thèse de la

coïncidence d’un côté et la thèse de la non-coïncidence de l’autre. S’agissant de la première

thèse, elle a longtemps prévalu dans les pays d’Europe Occidentale notamment en France ou

en Allemagne. L’idée qui la sous-tend est la suivante : l’existence d’une formation

sociologique antérieure qui, compte tenu de son individualité, doit déboucher sur la

constitution d’un Etat. Ici, l’Etat apparaît comme la consécration (juridique notamment) de

l’idée nationale. L’Etat a donné raison en France à la doctrine de la souveraineté nationale ou

principe de souveraineté nationale qui revêt une double portée du point de vue interne ou du

point de vue externe.

Au plan interne, cette thèse de la coïncidence entre l’Etat et la Nation a permis,

substituer notamment ; sous la révolution de 1789, de l’idée de collectivité humaine (nation

ou peuple) à celle de divinité comme fondement du pouvoir.

Au plan externe, la thèse a favorisé l’indépendance de communautés par rapport à

d’autres qui les englobaient. Cette interprétation est reflétée par deux principes que l’on

rencontre fréquemment dans le droit interne : ce sont d’abord les principes de nationalité et

ensuite le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes qui se traduit dans les faits

par le droit à l’autodétermination. La thèse de la coïncidence postule un certain dialectique

dans les rapports Etat/Nation. Il en est ainsi parce qu’elle implique que chaque Nation doit

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donner naissance à un Etat et que chaque Etat suppose nécessairement l’existence d’une

nation. C’est la théorie de l’Etat- nation. Mais cette théorie d’Etat-nation s’est révélée tout

autant fausse que dangereuse. Fausse, parce qu’elle ne s’est pas traduite dans les réalités,

dangereuse car elle a eu des conséquences graves sur l’humanité. C’est pourquoi elle a été

dominée par la thèse de la non-coïncidence. Cette dernière a été retrouvée bien après dans la

tradition anglo-saxonne. On la justifie par la nécessité de désolidariser l’Etat de la Nation en

se fondant sur deux arguments précis : le premier repose sur l’idée selon laquelle, en posant

l’identité sur l’Etat-nation on confond deux choses différentes : une réalité c’est-à-dire le

gouvernement et une idée c’est-à-dire la nation et le deuxième argument qui suppose ……. la

césure entre l’Etat et la Nation, ferait disparaître la cause des conflits entre Etats en

dépolitisant la question de la nationalité. Le triomphe de la thèse de la non-coïncidence serait

fondé sur la nécessité de pacifier les relations internes. C’est ce qui explique la création de

l’ONU à éclater.

Mais si on considère les autres continents comme l’Afrique par exemple, on peut dire

qu’il n’y a jamais eu de coïncidence entre l’Etat et la Nation. On serait plutôt en présence

d’une antériorité de l’Etat qui, du fait des circonstances particulières de sa formation (legs

colonial) n’a jamais pu déboucher sur une nation. En Afrique, on parle plutôt d’Etats

plurinationaux qui reflètent l’échec de nos dirigeants politiques qui, au moment des

indépendances, misaient sur la formation progressive de la nation africaine. Cet échec est

aujourd’hui reflété par des exemples de conflits qui découlent de l’existence d’un renouveau

national.

Finalement, on peut dire que le renouveau de l’idée ou du fait national ne constitue

pas pour autant une remise en cause de la thèse de la non-coïncidence. Il implique seulement

l’idée selon laquelle le concept de nation demeure une projection qui recouvre une meilleure

harmonie dans la vie en communauté. En attestent d’ailleurs aujourd’hui les grandes nations

qui sont à l’œuvre dans les regroupements inter-étatiques. On peut d’ailleurs se demander si

ces moments n’impliquent pas à terme la disparition des gouvernements.

C – Le gouvernement ou la puissance publique

On peut définir le gouvernement comme étant l’institution centrale qui, dans une

société, prend en charge la réalisation des objectifs définis. Son importance se mesure à la

discipline qu’il assure dans la vie du groupe, par l’exercice d’un commandement. Le

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gouvernement joue un rôle primordial dans les sociétés contemporaines. Ceci apparaît

nettement à travers ses caractères et ses moyens.

1 – Les caractères du pouvoir politique

Le premier caractère du gouvernement c’est d’être un pouvoir public et neutre c’est-à-

dire exercé au profit de tous. Il n’y a pas d’exclusion dans la répartition de ses bienfaits (on ne

tient compte ni de la naissance, ni de l’appartenance politique). Le deuxième caractère du

gouvernement, c’est d’être un pouvoir civil et temporel. Cela signifie que la base de cette

organisation politique est la société elle-même ; et la préoccupation de ce pouvoir politique

tourne essentiellement autour de la vie matérielle du groupe. Le troisième caractère c’est que

le gouvernement est un pouvoir exclusif et irrésistible. Son exclusivité se rapporte à ses

ambitions par rapport au groupe et aussi à sa place dans la société. Quant à son irrésistibilité,

elle est relative à sa force contraignante. Dans sa fonction de représentant du groupe, il est

porteur des décisions à prendre au nom du groupe. A cette fin, le pouvoir politique dispose de

moyens particuliers.

2 – Les moyens du pouvoir politique

Le gouvernement est le siège d’un déploiement de forces de divers ordres. De ce point

de vue, on peut d’abord dire du pouvoir politique qu’il est une force de contrainte ou un

pouvoir de répression ou de coercition. Cela signifie que le pouvoir politique est un ensemble

de moyens physiques qui permettent de venir à bout d’une existence individuelle de la part

des membres du groupe. Seul le pouvoir politique a le monopole de la contrainte légale ou

légitime.

En second lieu, on peut dire que le pouvoir est une force de persuasion en ce que le

gouvernement est une institution qui suscite l’adhésion du groupe. En d’autres termes, eu

égard à sa mission d’intérêt général, l’institution emporte la reconnaissance ou le

consentement des membres du groupe.

Troisièmement, le pouvoir politique est un instrument d’allocation de ressources. En

effet, il est une institution de distribution ou des ressources nationales. En d’autres termes, la

mission du pouvoir politique est de rechercher et de trouver les moyens de survie du groupe.

L’ensemble de ces moyens font ainsi du pouvoir politique et de l’institution qui le porte à

savoir l’Etat, un instrument à triple dimensions : symbolique, rationnelle et institutionnelle.

Ainsi, on peut dire que l’Etat est une institution particulière au sens juridique du terme.

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Parag.2 – L’approche juridique de l’Etat

L’Etat n’est pas seulement une chose matérielle c’est-à-dire un territoire, une

population et un gouvernement, mais aussi il est un phénomène intellectuel à nul autre pareil.

Cette idée est bien synthétisée par Raymond Carré de Malberg qui disait de l’Etat que c’est un

être de droit en qui se résume la collectivité nationale. Il faut cependant aller plus loin pour

essayer de donner une idée plus précise de l’Etat par l’identification par exemple d’un certain

nombre de caractères qui lui seraient propres. Mais ces derniers découlent d’une certaine

définition de l’Etat.

A – Définition de l’Etat

L’Etat est une institution qui conçoit le droit pour le mettre en œuvre au nom et au

profit de la société toute entière. En ce sens, il constitue l’unité organisationnelle et

intellectuelle du pouvoir du groupe. En d’autres termes, ce que l’on appelle Etat se confond

avec le statut juridique de la direction politique du groupe. C’est dans cette perspective que

Léon Duguit et Maurice Hauriou assimilaient respectivement l’Etat aux gouvernants et à

l’idée d’entreprise publique. Mais dire que l’Etat est à la fois créateur de droit et droit lui-

même c’est-à-dire statut juridique, c’est reconnaître qu’il entretient avec le droit des relations

équivoques. Et cette ambivalence des rapports entre l’Etat et le droit a suscité de nombreuses

positions doctrinales ou différents courants de pensée. On en évoque généralement trois (03) :

d’abord l’école qui soutient que l’Etat ne crée pas le droit. Selon les tenants de cette pensée,

le droit s’impose à l’Etat. Cette école de pensée comporte 3 variantes doctrinales : la première

est appelée la théorie du droit spontané, la deuxième variante c’est la théorie du droit

naturel et la troisième, la théorie du droit objectif.

La deuxième école de pensée, l’Etat et le droit se confondent. Ici, nous avons deux

variantes doctrinales : la première c’est la théorie de la pyramide normative (selon Hans

Kelsen qui conçoit l’Etat selon un être agent de normes) et la deuxième correspond à la

théorie marxiste du droit qui appréhende celui-ci comme étant le reflet de la domination des

bourgeois sur les prolétaire.

La troisième école de pensée est celle qui soutient que l’Etat crée le droit. Ce courant

de pensée est appelé aussi l’école du droit positif. Il repose sur le postulat que le droit n’est

envisageable que dans et avec l’Etat. Cette école comprend deux variantes : le positivisme

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sociologique (le droit provient du peuple) et le positivisme étatique (l’Etat a une grande

maîtrise dans l’élaboration du droit).

B – Les caractères de l’Etat

Deux caractéristiques fondamentales fondent la spécificité de l’Etat : c’est tout

d’abord sa personnalité et ensuite sa souveraineté.

1°/- L’Etat est une personne (au sens du droit)

De nombreux auteurs ont eu recours à différentes formules pour essayer de saisir

l’Etat dans ses rapports avec le groupe. C’est d’abord Jean Jacques Rousseau qui a dit de

l’Etat qu’il représente la somme des intérêts individuels (théorie du contrat social). C’est aussi

Charles Eisenmann qui assimile l’Etat à la personnification juridique de la nation. C’est enfin

Raymond Carré de Malberg pour qui l’Etat est un être de droit en qui se résume la collectivité

nationale.

De ces différents propos émerge une seule idée qui fait de l’Etat un être à part, une

entité douée de vie et son existence sera consacrée par le droit avec la reconnaissance de statut

juridique d’où le concept de personnalité morale que l’on accorde à l’Etat et duquel découle

un certain nombre de conséquences ou caractéristiques majeures.

La première caractéristique, c’est la permanence et la continuité de l’institution. Celle-

ci est permanente parce que l’Etat, en tant que symbole de la volonté du groupe à vivre en

commun, a vocation à l’éternité. Mais l’Etat est aussi une institution continue car l’institution

étatique est un cadre investi par des organes, par des hommes donc pour servir de relais entre

deux moments ou deux phases de son existence.

La deuxième caractéristique de l’Etat, c’est qu’il dispose d’un patrimoine qui est une

universalité de grande maîtrise dans l’élaboration du droit. La personnalité juridique en droit

est un centre d’intérêt juridiquement protégé. Donc l’Etat a la possibilité de s’exprimer dans la

continuité et la permanence. Le patrimoine, c’est l’existence d’un certain nombre de moyens

qui permettront à l’institution d’exister. L’on distingue deux sortes de souveraineté : la

souveraineté interne qui, l’Etat est l’institution la plus importante dans une société et la

souveraineté externe (calque souvent l’importance de l’Etat, il est considéré sur le même pied

d’égalité d’un autre Etat.

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Dire que l’Etat a un patrimoine va signifier deux choses essentielles : la première c’est

que les biens de l’Etat ne doivent pas être confondus avec ceux des gouvernants. La seconde,

c’est que ce sont des biens qui lui permettent de vivre et de faire face à ses propres

responsabilités. La notion de personnalité de l’Etat a fait l’objet de critiques dont la plus

importante a consisté à dire que la personnalité de l’Etat est une fiction parce qu’on ne peut

dire de l’Etat que c’est ‘un être doué de vie car il n’existe que des émanations de l’Etat.

2 – La souveraineté de l’Etat.

Pour comprendre l’importance de la souveraineté dans la vie de l’Etat, il faut remonter

aux combats des légistes qui, dans les temps d’émergence et d’affirmation de l’Etat, voulaient

libérer les rois de la triple tutelle qui pesait sur eux et qui émanait de l’Eglise, de la féodalité

et de l’empire romano-germanique. Tutelle que les légistes symbolisaient par l’adage suivant :

«Omni potestas nissi a deo » (il n y a de point de pouvoir qui ne vienne de Dieu). Le pouvoir

de décider et d’agir découlait alors de ce pouvoir divin.

Mais après la révolution de 1789, c’est le peuple qui devient le dépositaire de ce

pouvoir. Cette notion de souveraineté revêt un double sens en tant qu’elle se rapporte soit au

fondement du pouvoir c’est-à-dire à la souveraineté dans l’Etat soit au statut du pouvoir de

l’Etat : c’est ce que l’on appelle la souveraineté de l’Etat.

Dire que l’Etat est une entité souveraine, signifie qu’il n’est subordonné à aucune autre

institution. Cela renvoie à une chose simple et immédiate : l’Etat définit lui-même ses règles

d’organisation et de compétence : « l’Etat a la compétence de ses compétences » comme le dit

Laband. Cette signification revêt deux aspects : un aspect interne et un autre externe.

Au plan interne, il y a lieu d’évoquer la plénitude et l’exclusivité des compétences de

l’Etat, cela veut dire qu’à l’intérieur de sa sphère nationale, la liberté de l’Etat est totale (mais

en droit, la notion de liberté totale est relative). En ce sens, l’Etat a des attributions qu’il

exerce seul sans se référer à d’autres pouvoirs. Ces attributions impliquent en principe tout ce

qui est nécessaire à l’accomplissement de sa mission. En somme, on note une concentration

des pouvoirs qui renvoie elle-même, à la possibilité pour l’Etat d’édicter ses règles de droit

dont il va fixer les conditions de mise en œuvre et garantir dans le respect au besoin par la

force. Cette concentration des pouvoirs au profit de l’Etat implique un pouvoir qui soit à la

fois absolu, initial, exclusif et suprême.

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La non-subordination de l’Etat au plan externe renvoie à un principe d’égalité

souveraine. Elle postule l’existence d’un pouvoir suprême et indépendant sur la scène

internationale. Cette notion de souveraineté a été magnifiée par Jean Bodin qui l’a systématisé

théoriquement dans son ouvrage intitulé : « De la République ». Mais cette suprématie et

cette indépendance de l’Etat revêtent une signification précise et un certain nombre

d’implications.

En premier lieu, l’indépendance postule la liberté et la capacité de l’Etat à conduire les

relations internationales de la communauté qu’il représente, avec d’autres collectivités.

En second lieu, cette non subordination postule l’égalité des Etats dans cet ordre

juridique. En troisième lieu, la liberté implique néanmoins un devoir de coopération qui est

seul à même de réaliser l’équilibre nécessaire dans la confrontation ou l’articulation entre de

nombreuses souveraineté, d’où l’importance des accords et traités internationaux. Le droit

international que ces accords internationaux véhiculent, peut donc limiter la souveraineté de

l’Etat. Mais il ne s’agit pas toujours une simple qui plus est résulté de la volonté de ces

mêmes Etats. Dès lors le droit international constitue parfois une entrave à l’indépendance et à

l’existence même de l’Etat en tant qu’institution représentative des groupements sociaux.

C’est donc …... lui qu’il faudrait agir pour préserver les idéaux de paix et de justice

internationales.

SECTION II – LES ORIGINES DE L’ETAT

Les écrits sur les origines de l’Etat constituent le plus souvent une sorte de réponse

globale à deux types de question :

1 – D’où vient l’Etat ?

2 – De quoi procède-t-il ?.

Les réponses à ces questions revêtent une certaine importance dans la mesure où elles

sou-tendent des positions idéologiques des Etats sur le problème de leurs rapports avec les

citoyens. Aujourd’hui, toutes ces réponses s’articulent autour d’un dénominateur commun qui

est  la nécessité d’inscrire le fondement sociopolitique de l’Etat dans un acte positif, c’est-à-

dire qu’on s’intéresse sur ce qui fonde l’Etat. Donc ici, il importe de préciser que l’Etat repose

sur un acte qui est le / un produit des hommes. Deux types de réponse que peuvent être

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envisagée dans ce cas. La première consiste à dire que l’Etat procède d’un fait naturel : c’est

la théorie de l’émergence naturelle de l’Etat et la deuxième consiste à dire que l’Etat est le

fruit d’un contrat entre les individus : c’est la fameuse théorie du contrat social.

Parag. 1 – Les théories de l’émergence naturelle

L’idée de base ici, est que l’Etat est le résultat d’un processus naturel qui s’inscrit dans

le cadre de l’évolution de l’espèce humaine. En guise d’illustration, on peut choisir deux

écoles : l’école du marxisme-léninisme et celle de la fondation.

A – L’école marxiste-léniniste ou la thèse du conflit

Le marxisme-léninisme soutient que l’apparition de l’Etat est dans l’ordre normal des

choses parce que celui-ci représente l’instrument de domination d’un groupe d’individus sur

une autre ou d’une classe sociale sur un autre. Autrement dit, l’Etat serait le résultat d’un

processus historique qui reflète l’état des rapports de forces sociales différentes à un moment

donné de l’histoire. Cette conception de l’origine de l’Etat peut être rapprochée à une autre

théorie qui apparaît dans les écrits de Léon Duguit dont le fondement réside dans la

distinction entre gouvernants et gouvernés. Dans cette théorie duguiste de l’Etat, celui-ci est

appréhendé comme étant une puissance de contrainte irréductible dans le groupe que l’on

place entre les mains des gouvernants (pour le bien de tous). L’école de la fondation se

décline autrement.

B – La conception de l’école de la fondation

A chaque fois qu’on évoque la théorie de la fondation, on pense à Maurice Hauriou

qui a enseigné dans la première moitié du 20ème siècle à l’Université de Toulouse. L’idée

majeure de cette théorie consiste à dire que l’Etat repose en grande partie sur la coutume. La

coutume pour Hauriou, c’est la conjonction d’un certain nombre d’éléments qui conduisent à

l’émergence d’une institution sociale commune à plusieurs hommes. Ainsi, pour lui, l’Etat est

une institution fondée sur l’accord coutumier. La fondation selon Hauriou est un processus

articulé autour de deux éléments précis que sont un gouvernement organisé ou en voie de

l’être qui assure la direction du groupe et une comite permanente nationale désireuse de se

réaliser sous la forme d’un Etat. Selon Hauriou, la construction de l’Etat s’articule

historiquement autour d’une succession d’événements comme la constitution d’une

communauté nationale qui conduit à la création d’un gouvernement central et à l’entreprise

d’une chose publique. Cette chose publique c’est l’existence de l’Etat, c’est aussi un ensemble

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de moyens affectés à cette entreprise. Cependant, une partir de la doctrine s’accorde sur le fait

que l’origine de l’Etat est à chercher dans les contrats.

Parag. 2 – Les théories du contrat

L’idée de base, c’est le contrat social qui est un pacte autour duquel des hommes se

sont unis, en confiant leur sort à une seule autorité commune. Mais la nature, la consistance

comme la portée de ce pacte différent selon les auteurs. Précisément, on note trois type de

contrat ou de pacte : il y a le contrat civil, le contrat politique et le contrat social.

- Le contrat civil

Il lie les individus entre eux à l’effet de constituer une société politique. Cette idée de

contrat civil a été exposée pour la première fois par Thomas Hobbes. On en trouve des

développements substantiels dans son ouvrage, le Léviathan, qui date de 1651. Les termes du

contrat civil sont les suivants : il y a une renonciation totale de la part des individus à leur

liberté, au profit d’une autorité sociale communément reconnue qui, en retour, assure

protection de bonheur. La portée de ce pacte civil, selon Hobbes, c’est ce que l’on appelle

aujourd’hui le totalitarisme c’est-à-dire l’émergence d’un mode de gouvernement tyrannique.

La thèse de Thomas Hobbes de la société politique va séduire jusqu’à faire des émules

(disciples). Parmi ceux-ci, on peut citer John Locke qui va s’employer à polir les excès de la

thèse « du Maître ». Il va le faire dans le cadre d’une nouvelle théorie, celle du contrat

politique.

- Le contrat politique

Cette thèse se trouve exposée dans son ouvrage : Essai sur le gouvernement civil qui

date de 1960. John Locke va partir de l’enseignement de Hobbes relatif à l’existence d’un

accord des membres du groupement autour de la constitution d’un organe politique qui sera

chargé de les représenter. C’est précisément cette fonction de représentation politique qui fait

la puissance de l’autorité centrale commune (le gouvernement). Toutefois, ce caractère

n’implique nullement, comme dans la thèse de Hobbes, l’absence d’une alternative à

l’obéissance pour les citoyens. En effet, John Locke va envisager la possibilité pour ces

citoyens de se retrouver contre le pouvoir si celui-ci devenait tyrannique (c’est la raison pour

laquelle on considère John Locke comme étant le père du libéralisme).

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La portée de ce contrat, c’est l’implication de la possibilité de contrôle politique du

pouvoir. C’est ce qui va donner naissance au libéralisme politique. Mais, de toutes les thèses

du contrat, celle de Jean Jacques Rousseau apparaît comme la mieux élaborée et la plus

approfondie parce qu’il va s’employer à construire une base théorique beaucoup plus large et

plus affinée à la société politique.

- Le contrat social

Cette notion se trouve exposée dans l’œuvre de J. J. Rousseau intitulées : Du contrat

social ou principe de droit politique (1762). Le postulat de base, c’est que la vie en société

résulte d’un accord de volonté entre des individus qui, auparavant, vivaient dans une situation

de totale anarchie qu’il appelle l’état de nature. Mais pour Rousseau, il s’agit tout simplement

d’une hypothèse de travail (hypothèse d’école) de laquelle il est parti pour élaborer sa théorie

sur le gouvernement des hommes et des choses. Cette thèse du contrat social postule la

rencontre entre plusieurs citoyens, lesquels seraient porteurs, chacun, d’une liberté qui serait

différente de celle de toutes les autres libertés et cette liberté ne saurait être fondue dans une

autre. Cette thèse sur le fondement contractuel de la société politique, va connaître une grande

postérité car elle va permettre l’éclosion de l’idée de liberté dans les rapports entre l’Etat et le

peuple.

L’origine de l’Etat était objectivée, il importe maintenant d’étudier les formes de

l’Etat.

SECTION III – LES FORMES DE L’ETAT

On appelle forme de l’Etat, le modèle d’organisation sur lequel il repose, de façon à

répondre aux attentes qu’il suscite dans les rapports avec les citoyens. Ce modèle va varier en

fonction des préoccupations de l’Etat ou des gouvernants du moment. En la matière, on

évolue de la forme la plus simple à la forme composée. La forme simple donne lieu à l’Etat

unitaire et la forme composée à l’Etat composé.

Parag.1 – L’Etat unitaire

Actuellement, l’Etat unitaire est la forme la plus répandue, notamment sur notre

continent. Dans le cadre de l’Etat unitaire il y a une articulation du pouvoir politique autour

des principes d’unité et de centralisation. Mais ce pouvoir politique va connaître pour sa mise

en œuvre, des variantes qui tendraient à assouplir le degré d’unité et de centralisation.

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S’agissant tout d’abord du principe d’unité, on lui connaît une signification et plusieurs

justifications possibles.

A – Le principe de l’unité

1 – Signification du principe d’unité

Le principe d’unité de l’Etat renvoie à la notion de centralité de la production et de la

diffusion de la décision politique. En conséquence, l’Etat unitaire, c’est l’Etat centralisé au

sein duquel règne un seul pouvoir politique qui se situe au centre et chargé de produire et de

diffuser la volonté de l’Etat vers la périphérie. Cette notion d’unicité du pouvoir politique

emporte des conséquences précises du point de vue de l’organisation et du fonctionnement

des institutions publiques. En effet, dans cette perspective, il n’existe qu’un seul parlement,

qu’un seul gouvernement, qu’une seule organisation judiciaire du territoire. Ici pour

l’ensemble, on ne reconnaît pas les spécificités locales. En somme l’Etat unitaire, c’est l’Etat

au sein duquel la mise en œuvre du pouvoir politique obéit à une relation univoque entre un

centre (initiateur des décisions) et une périphérie (réceptacle des décisions).

2 – Justification du principe d’unicité

Il y a diverses justifications. Cependant, on peut en dresser un catalogue qui serait

fondé sur l’histoire des communautés politiques, plus particulièrement celle de la société

française. D’un point de vue historique, la centralisation de l’Etat monarchique a coïncidé

avec la période où le pouvoir royal cherchait à asseoir son autorité à l’égard d’un certain

nombre d’institutions concurrentes comme les seigneurs locaux ou les féodalités locales.

L’héritage de cette centralisation sera entretenue et raffermie par les successeurs du pouvoir

royal c’est-à-dire les révolutionnaires, pour des raisons liées à des principes de cohésion

nationale, de solidarité et de générosité entre les différents membres. Aujourd’hui, le principe

d’unité se justifie essentiellement par l’efficacité et la sécurité qu’il est censé procurer dans la

production et l’exécution de la décision politique.

A raison ou à tort, on pense aujourd’hui que le notion de république se déploie mieux

dans le cadre de l’Etat unitaire que dans le cadre de l’Etat composé. Mais la question que l’on

continue de se poser c’est de savoir si le rendement politique est réellement plus élevé dans

une situation de centralisation du pouvoir. Dans l’optique de donner une réponse plus ou

moins précise, il faudrait étudier le déploiement de ce principe d’unité.

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B – La mise en œuvre du principe d’unité

L’assouplissement de la mise en œuvre du principe d’unité va donner lieu à deux

formes d’aménagement technique du pouvoir : la déconcentration et la décentralisation.

1 – La déconcentration

C’est la forme d’aménagement typique de la centralisation. Elle conduit à la création

de relais territoriaux par le déploiement de l’action publique. C’est la définition habituelle de

la déconcentration. Il s’agit d’une technique consistant à placer des agents publics à différents

niveaux du territoire, en leur conférant un pouvoir de décision qui reste néanmoins

subordonné au pouvoir central. De cette définition se dégagent trois éléments qu’on peut

considérer comme étant constitutifs de la déconcentration ou du pouvoir déconcentré.

- L’existence d’agents locaux du pouvoir central

- La dotation d’un pouvoir de décision à ces agents.

Un pouvoir de décision subordonnée au pouvoir central. C’est un pouvoir hiérarchique

lequel implique la possibilité à une personne de donner des ordres et le devoir pour une autre d’y

obéir. Cette technique de gestion est exclusivement tournée vers la satisfaction des besoins de

l’administration. Il s’agit précisément de l’efficacité de l’action administrative. Autrement dit, la

technique permet certes de désengorger le pouvoir central mais elle ne résout nullement le

problème du nécessaire pris en compte de l’avis des destinataires de la décision publique. C’est

pourquoi dans la plupart des Etats, la déconcentration est associée à la décentralisation, comme

c’est le cas au Sénégal. Du reste, elles sont toutes deux des types–idéaux et dans la pratique l’on

ne rencontre pratiquement que des situations intermédiaires, mais à présent précisons le contenu

de la décentralisation.

2 – La décentralisation

Cette technique suppose l’institutionnalisation d’un certain nombre d’entités ou de

groupements fonctionnels au profit desquels est reconnu un pouvoir de gestion sur lequel ne

pèse qu’un simple contrôle. Ce système de gestion participe de la philosophique

démocratique, de la répartition du pouvoir dans l’Etat. En effet, le pouvoir de décision est

confié aux intéressés eux-mêmes par la conception et la mise en œuvre du bien public. C’est

pourquoi, on distingue d’une part la décentralisation fonctionnelle qui suppose la création

d’établissements publics tels que les hôpitaux, les Universités etc.… et d’autre part la

décentralisation locale ou territoriale (collectivités locales) qui signifie la création par l’Etat

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de collectivités locales en leur conférant une autonomie de gestion de leurs propres affaires.

Toutefois, cette autonomie de gestion va de pair avec le contrôle de l’Etat qu’on nomme

contrôle de tutelle. Formellement, on peut identifier quatre éléments qui sont constitutifs de

la décentralisation :

1. L’existence d’une personnalité juridique propre, différente de celle de l’Etat.

2. Cette personnalité juridique repose sur des affaires propres à la collectivité. En

d’autres termes, on peut, dans le cadre de cette collectivité, identifier un intérêt

local différent de l’intérêt national.

3. La prise en charge de la réalisation de cet intérêt local grâce à la mise en place

d’organes propres (C’est le contrôle de tutelle).

Mais la satisfaction de cet intérêt doit passer par le maintien d’un droit de regard du

pouvoir central.

4. . Cette technique de gestion administrative revêt une certaine dimension

politique dans la mesure où une importante liberté de manœuvre est reconnue à

la collectivité locale. Cette liberté politique relative est fondée sur le souci de

satisfaire l’exigence de la diversité que constitue le moteur de toute société.

Cependant, dans les faits, il est toujours apparu que la participation effective des

intéressés à la gestion de leurs propres affaires est insuffisante. Les raisons en sont diverses et

variées. Il serait trop long de les énumérer et il suffit de s’arrêter sur deux constats qui

pourraient résumer toutes les autres insuffisances. En effet, une des limites des systèmes de

décentralisation, c’est la faiblesse des moyens financiers de toutes collectivités locales.

Egalement la lourdeur du contrôle de tutelle que le pouvoir central exerce généralement ; mais

pas exclusivement sur les actes des collectivités décentralisées fragilise le dit système. On

peut mesurer le poids de ces deux insuffisances dans le cas de l’expérience sénégalaise. Celle-

ci est chapelet bâtie sur trois niveaux : le niveau régional qui repose sur le chapelet de lois

prises le 22 mars 1996 portant code des collectivités locales (loi 96-06 du 22 mars 1996), le

niveau communal qui repose sur le code de l’administration communale (loi du 30 juin 1966)

et au niveau rural qui découle de la loi du 17 juin 1964 dite loi sur le domaine national.

Chacun de ces niveaux est géré par un organe délibérant (qui prend des décisions) et un

organe exécutif (chargé de les exécuter).

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Page 37: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

C’est peut-être l’insuffisance des systèmes de décentralisation qui pousse aujourd’hui

dans plusieurs Etats à élargir le champ de la décentralisation à la région. Cet élargissement est

devenu un phénomène à la mode en Afrique notamment, mais qui reste malgré tout sur ce

plan, très en retrait par rapport à l’Europe ; laquelle connaît des expériences qu’on peut

qualifier d’anciennes et très diversifiées, citons simplement un exemple de régionalisation ou

de décentralisation poussée : l’Italie. En Italie c’est la constitution du 27 octobre 1947 qui

fonde l’adhésion à la philosophie de l’autonomie locale et de la protection des minorités

géographiques et culturelles. Cela se traduit notamment par l’aménagement d’un titre entier

consacré à la mise en place de régions, de provinces et de communes, chacune de ces entités

étant dotée d’un exécutif et d’un législatif locaux. Cette forme de miniaturisation est surtout

remarquable dans le cadre des régions autonomes (--«  des mini Etats). Ce sont des régions de

taille plus ou moins vastes qui ont donné naissance à l’Etat régional.

L’Etat régional est un système d’organisation de l’Etat unitaire au sein duquel les

collectivités territoriales disposent d’une autonomie réelle organisée, garantie par les textes

fondamentaux (la constitution nationale par exemple) comme c’est le cas en Espagne et en

Italie. On ne peut escompter donc une réelle prise en compte des spécificités locales ou une

vraie participation à la base, dans le cadre de l’Etat unitaire simple. C’est pourquoi d’ailleurs,

la formule de l’Etat régional bien qu’elle soit très limitée, connaît un grand succès. Pourtant,

ces dernières années ont vu les Etats régionaux connaître à des revendications régionalistes

tellement fortes qu’elles ont été relayées par les forces politiques. C’est dire que ce système

l’Etat régional comporte des limites qui sont inhérentes à la technique de la décentralisation

elle-même. En effet, la décentralisation, si approfondie soit-elle, reste une simple variante du

principe unitaire qu’il est nécessaire de remettre en cause à chaque fois qu’il y a de fortes

tensions entre les communautés qui composent l’Etat. Cela a été le cas de la Belgique qui, en

1992 –93, est passée d’un Etat unitaire à la qualité d’Etat composé.

Parag. 2 – Les Etats composés

L’expression « Etats composés » est choisie pour rendre compte des nombreuses

situations où deux ou plusieurs Etats sont regroupés pour réaliser une certaine unité politique.

Cependant, celle-ci, peut se manifester diversement par la soumission de leurs populations et

territoires respectifs, soit à un seul, soit à plusieurs pouvoirs politiques. Cette diversité de

formes d’association se traduit aujourd’hui par l’existence de deux types d’Etats composés : il

s’agit d’une part de la confédération d’Etats et d’autre part de la fédération d’Etats.

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A – La confédération d’Etats

On appelle confédération d’Etats, une association d’Etats, qui, pour fortifier leurs

relations, créent sur la base d’un accord international, des organes communs auxquels ils

confient certaines de leurs compétences. Elle est fondée sur le désir de se prémunir quelque

part de quelque chose.

De cette définition, se dégagent plusieurs éléments qui font la spécificité de la

confédération d’Etats :

- Il s’agit d’une association d’Etats. Celle-ci renvoie à une rencontre entre entités

pourvues de la personnalité juridique internationale désireuses de faire quelque chose

ensemble ex : confédération de la Sénégambie créée en 1982 et la confédération helvétique en

Suisse du 14ème siècle à la fin de la première moitié du 19ème siècle (1848) lorsque cette

confédération s’est transformée en fédération.

- Le but de l’association : la fortification des relations. Dans le cadre de la

confédération : il s’agit le plus souvent d’une volonté d’intensification des courants d’échange

économique ou politique entre plusieurs Etats. Mais cela peut être aussi une volonté commune

de se préserver mutuellement d’attaques extérieures. On peut citer le cas des cantons suisses

qui se sont regroupés pour assurer leur sécurité au 14ème siècle contre l’invasion d’armées

voisines. Mais cette volonté de fortification des relations entre deux ou plusieurs pays est

toujours articulée à des liens historiques de voisinage, de communauté de culture ou de

langue.

- Il s’agit également d’une rencontre qui se réalise au plan du droit en se traduisant

par la signature d’un accord international. A la base de toute confédération, il y a

un traité parce que les Etats sont formellement indépendants les uns des autres.

- La réalité de l’association se traduit par la mise en commun d’un certain nombre

de compétences. Celles-ci vont être confiées à des organes communs : il s’agit

d’une harmonisation de politiques sectorielles pour pouvoir faire front ensemble

devant certains événements : c’est d’onc l’idée de fortification dans certaines

domaines qui fonde la confédération, laquelle n’est pas stable parce que d’un point

de vue naturel ou logique, l’une des parties arrivera à prendre le dessus sur l’autre

ou les autres.

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B – La fédération d’Etats

Il est un constat majeur que l’on peut faire aujourd’hui : c’est l’actualité et la primauté

de la forme fédérale des Etats sur la forme unitaire. On peut prendre l’exemple de la Belgique

qui en 1993 est devenue un Etat fédéral. La question qu’on peut se poser dès lors est de savoir

qu’est-ce qui justifie cet engouement autour de la forme fédérale de l’Etat. La réponse peut

être simple et immédiate. C’est parce que cette forme de l’Etat est censée pouvoir mieux

résoudre les préoccupations qui sous-tendent les regroupements d’Etats. On en a une

confirmation de la Suisse et des Etats-Unis, qui tous deux, ont évolué de la confédération à la

fédération d’Etats. Dans ce type d’organisation fédérale de l’Etat, il y a le souci de la

performance des collectivités politiques de l’Etat notamment par la mise en œuvre d’une

philosophie, d’une association plus intégrée et plus poussée. C’est ce que traduit le concept de

fédéralisme. Il importe cependant d’étudier la manière par laquelle les Etats en arrivent à ce

type d’association ou encore les processus de réalisation du fédéralisme. Il y a le fédéralisme

par association, intégration ou agrégation que l’on peut qualifier comme étant un ensemble

d’Etats désireux de mettre en commun leurs moyens tout en conservant leur indépendance. En

guise d’exemple, on peut citer les treize premières colonies britanniques d’Amérique du Nord

qui se sont rassemblées à la fin du 18ème siècle pour former les Etats-Unis. Autre exemple

historique : les 10 cantons suisses qui vont unir leur volonté à partir du 14 ème siècle pour

donner naissance à la fédération helvétique. A cette forme de l’Etat fédéral s’oppose le

fédéralisme par dissociation, désintégration ou désagrégation qui évoque l’idée d’un Etat

unitaire qui se décompose en plusieurs entités auxquelles est confiée l’autonomie politique et

juridique. On peut citer comme exemple l’ancienne URSS qui était auparavant un empire

appelé : la Russie et que l’on va décomposer en plusieurs Etats après le révolution d’octobre

1910. On peut donc considérer que la fédération est une concrétisation d’une idée de

rencontre ou de séparation. Mais, il y a lieu de considérer d’autres éléments que l’on peut

regrouper sous la notion de fédéralisme tendant à conférer plus de liberté aux intéressés.

On peut essayer de comprendre ce qu’est la fédération d’Etats en partant de l’idée de

fédéralisme qui en est la notion de base. Ceci permet de ne pas confondre fédération d’Etat et

fédéralisme.

1 – La notion de fédéralisme

Le mot lui-même renvoie à la philosophie de l’association entre plusieurs Etats ayant

en commun un certain nombre de caractéristiques et désireux de réaliser quelque chose

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Page 40: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

ensemble. De ce point de vue, on ne trouve pas de différence fondamentale entre la

confédération et la fédération d’Etats. Ce qui permet plutôt de différencier les deux, c’est le

mode de réalisation ou de concrétisation de cette idée de fédéralisme.

A ce propos, on pourrait définir l’Etat fédéral sous la forme d’une technique

d’association d’entités politiques en une entité de même nature mais beaucoup plus vaste

parce que dotée de compétences générales. De manière plus synthétique on peut dire que

l’Etat fédéral est un ensemble d’Etats fédérés qui ont consenti un transfert de leur

souveraineté internationale au profit de leur regroupement unitaire. On est alors en présence

d’un Etat composé d’entités politiques secondaires qui participent à son organisation et à son

fonctionnement par des procédures garantissant au plus haut niveau, leur autonomie. A travers

ces différentes définitions on saisit la substance de l’Etat qui est l’association de volontés pour

produire une nouvelle volonté politique. Ce qui se traduit au plan juridique et politique par

l’existence de deux sphères d’organisation politique et juridique constitutionnellement

garanties mais néanmoins intrinsèquement liées. C’est ce qui inspire l’évocation d’un principe

de superposition que l’on ajoute aux autres principes (autonomie et participation) et qui est à

la base du fédéralisme.

En définitive, on pourrait n’évoquer qu’un seul ordre juridique dans la mesure où la

constitution fédérale impose aux entités fédérées un certain nombre de limites censées

pouvoir concrétiser leur autonomie. Cette prééminence de l’ordre juridique fédérale est

illustrée par le principe de répartition des compétences entre les deux types d’entités. A ce

propos, retenons qu’il y a différentes formes de répartition des pouvoirs dans les rapports

entre l’Etat fédéral et les Etats fédérés.

- La première forme c’est celle qui consiste à conférer une compétence générale aux

entités fédérées, en ne laissant à l’Etat fédéral le soin d’intervenir que dans un certain

nombre de domaines limités : c’est le cas des Etats-Unis.

- La deuxième forme c’est celle qui consiste au contraire à attribuer la compétence

générale à l’Etat fédéral en ne laissant aux entités fédérées le soin d’intervenir que dans

certains domaines : c’est le cas de la Belgique.

- La troisième forme est à mi-chemin entre les deux premières. C’est celle-là qui

consiste à déterminer des domaines de compétences propres à chaque entité en plus d’un

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champ d’intervention partagé ou commun entre les deux : c’est le cas de la République

Fédérale d’Allemagne (RFA).

Le choix d’un mode de répartition donné obéit à un certain nombre d’éléments plutôt

relatifs à l’histoire et au processus de réalisation de l’idée du fédéralisme. L’idée qu’il importe

de retenir en définitive c’est qu’il s’agit tout simplement d’un aménagement d’espaces

d’évolution au profit des différentes catégories d’entités par la constitution fédérale et dans le

but de permettre au pluriel de se fondre en une unité. On en mesure les effets dans la mise en

œuvre des principes du fédéralisme.

2 – Les principes du fédéralisme

La consécration du fédéralisme serait liée au souci des pères fondateurs de la

fédération américaine de concilier la recherche de meilleures conditions de vie et la liberté

qu’ils ont arrachée à l’Etat britannique. Cette consécration tient dans un juste milieu avec

l’avènement d’une forme d’association politique reposant sur deux piliers que sont

respectivement la participation à la réalisation de l’ensemble fédéral et la sauvegarde malgré

tout de l’autonomie des composantes. Le premier principe dit de participation témoigne de la

présence de l’entité fédérale et de l’adhésion à un projet commun en voie d’édification ou de

réalisation. C’est un principe qui permet à l’entité fédérée de désigner des représentants par la

constitution des organes fédéraux et par l’élaboration de leurs décisions. Ce sont là

essentiellement les deux niveaux de manifestation de ce principe de participation. S’agissant

du premier niveau, l’entité fédérée contribue à l’organisation des institutions fédérales en

envoyant ses représentants siéger à son nom propre au sein de celles-ci. Mais la représentation

de l’entité fédérée ne se fait pas nécessairement au sein des trois pouvoirs qui composent

l’Etat. Il suffit en effet pour remplir l’exigence de fédéralisme de s’en tenir au bicamérisme ou

bicaméralisme législatif. Cette notion consiste à prévoir à côté de la chambre populaire qu’on

retrouve dans les Etats unitaire, une seconde appelée chambre des Etats, chambre haute ou

sénat, destinée à accueillir les représentants des collectivités fédérées et qui est spécialement

choisie à cet effet. On a un exemple patent dans le cadre de la constitution américaine dans

laquelle l’article 1er dans sa section une, institue le congrès au sein duquel on retrouve le

Sénat.

Le deuxième niveau de participation réside dans l’association des entités fédérées au

processus de révision des normes ou règles constitutionnelles qui régissent l’ensemble fédéral.

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Pour illustrer ce propos, on reste dans le cadre de la constitution américaine où l’article 5

institue deux voies ou procédures de révision de la constitution. Selon la première, l’initiative

peut provenir des deux chambres avec une majorité de 2/3. Pour la seconde, l’initiative

pourrait provenir des Etats eux-mêmes avec toujours une majorité de 2/3. Dans les deux cas,

la révision n’est validée que si la 2/3 du congrès y est favorables et les entités fédérales sont

entièrement associées du début à la fin de la procédure.

Au regard de ces deux niveaux de participation, il est clair que chaque entité fédérée

est invitée à contribuer à l’édification de l’œuvre commune. S’il en est ainsi c’est parce que

chaque entité dispose d’une part d’autonomie qui lui permet de concevoir quelque chose de

spécifique ou de propre.

Le principe de l’autonomie se résume dans la latitude dont disposent les entités

fédérées en vue de concevoir et assurer la mise en œuvre de leur propre ordre juridique. Cela

signifie donc que ces entités fédérées sont dotées d’une constitution qui régit l’organisation et

le fonctionnement des trois pouvoirs que l’on a traditionnellement dans l’Etat. Mais ces ordres

juridiques spécifiques coexistent avec l’ordre juridique de l’Etat fédéral auquel ils sont en

définitive soumis. La constitution fédérale impose souvent par exemple aux entités fédérées

de revêtir la forme républicaine comme c’est le cas pour la Russie. C’est dire que la latitude

qui est conférée aux entités fédérées connaît des limites qui sont inhérentes à la notion de

fédéralisme mais il faut préciser que cette autonomie tout autant que ses limites sont garanties

au niveau le plus élevé de la hiérarchie juridique de l’Etat fédéral. Le respect de telles

dispositions est assuré par un tribunal fédéral dont la saisine reste en général largement

ouverte au profit des représentants des différentes catégories d’entités. C’est cette

consécration et cette garantie constitutionnelle de l’existence des entités fédérées d’une part et

des modalités de leurs relations avec l’entité fédérale d’autre part qui permettent de

différencier l’Etat fédéral de l’Etat unitaire fortement décentralisé. Mais depuis quelques

années, la pertinence de cet élément de distinction se trouve fortement relativisée ou remise en

cause du fait de la conjonction de deux facteurs. Ce sont d’une part, l’approfondissement des

expériences de décentralisation à l’intérieur des Etats unitaires et d’autre part une évolution

tendant à restreindre la portée des principes ou lois du fédéralisme. En d’autres termes, il y

aurait une sorte d’évolution des principes du fédéralisme que les auteurs appréhendent comme

étant révélateurs d’une crise. Mais en quoi y aurait-il crise du fédéralisme ?

42

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L’évolution des principes du fédéralisme incite aujourd’hui à parler d’une crise dans la

mise en œuvre de l’idée de fédéralisme. Cette crise tient d’une part à l’uniformisation des

comportements (culturelles et politiques) et au rétrécissement des champs de compétences au

profit du centre.

S’agissant de l’uniformisation des comportements, c’est un élément de la nouvelle

culture médiatique qui tend à marginaliser de plus en plus les entités fédérées dans leur

existence politique au profit de l’Etat fédéral. Pour ce qui est du rétrécissement des champs de

compétence, il est consécutif aux modalités d’intervention des différentes entités dans la

mesure où on constate souvent dans le cadre du fonctionnement des Etats fédéraux que

l’intervention première de l’entité fédérale réduit la compétence ou la portée de l’intervention

des entités fédérées à chaque fois qu’il y a une concurrence dans la prise de décision.

Toutefois, il y a lieu de relativiser cette crise dans la mesure où, tout d’abord, si on relève un

certain recul des principes du fédéralisme, on constate aussi l’engouement réel pour la

formule de l’Etat fédéral. Ensuite, il y a aujourd’hui un renouvellement et un élargissement de

la formule de l’Etat fédéral.

En effet, la tendance est à la création d’un fédéralisme de type nouveau au plan

régional. C’est le cas en Europe (Union Européenne), en Amérique (Mercosur) et en Afrique

(CEDEAO, UEMOA, Union Africaine). Mais il ne s’agit pas à proprement parler d’une

disparition du modèle classique de l’Etat. D’où l’intérêt persistant d’une étude sur le mode de

dévolution et la justification du pouvoir de l’Etat dans le cadre de la formule classique.

43

Page 44: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

CHAPITRE II – LE POUVOIR DE L’ETAT : JUSTIFICATION ET DEVOLUTION

L’institution étatique remplit une fonction primordiale à l’égard du groupe. Elle veille

à sa bonne organisation et à son fonctionnement harmonieux. Pour ce faire, elle dispose à la

fois d’une grande autonomie et d’une réelle puissance : C’est le pouvoir politique. Celui-ci

fait l’objet de modes de transmission variés. Mais dans tous les cas, il échoit à un groupe

d’individus restreints auquel les citoyens doivent en principe obéissance : ce sont les

gouvernants. Mais ce devoir d’obéissance n’existe que dans la mesure où les gouvernants

disposent de la légitimité c’est-à-dire de la reconnaissance du groupe qui délègue lui-même

son pouvoir ou sa souveraineté.

Section I - La justification du pouvoir de l’Etat

Plusieurs théories ont été avancées par différents auteurs pour justifier l’obéissance au

pouvoir de l’Etat. Mais ces théories différentes autant dans leur énoncé que du point de vue de

leurs conséquences pratiques.

Parag. 1 – Les théories de la souveraineté

Il y a deux types de souveraineté qui se seraient même succédées dans le temps selon

qu’on impute l’origine du pouvoir à Dieu ou aux hommes. Dans le premier cas, on parle de

théories théocratiques du pouvoir et dans le second on évoque les théories démocratiques du

pouvoir.

Les premières ont donné naissance à la souveraineté de droit divin alors que les

secondes ont, quant à elles, donné naissance respectivement aux théories de la souveraineté

nationale et de la souveraineté populaire.

A – La souveraineté du droit divin

Selon l’adage des anciens romains : point de pouvoir qui ne vienne de Dieu. Cet adage

signifie que la souveraineté dans l’Etat appartient à Dieu. En d’autres termes, le pouvoir de

commander des hommes provient et se réfère à Dieu. Mais cette position de principe connaît

deux modes de réalisation différents.

En effet, selon une première frange d’auteurs chrétiens, non seulement le pouvoir en

lui même est d’origine divine mais aussi son bénéficiaire fait l’objet d’une détermination

divine, (c’est la théorie du droit divin surnaturel). Pour d’autres en revanche, le pouvoir

44

Page 45: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

provient certes de Dieu, mais il ne fait nullement l’objet d’une quelconque détermination

quant aux titulaires. Il appartiendra aux intéressés eux-mêmes de se choisir un guide avec

l’aide de la providence (c’est la théorie du droit divin providentiel). A ces deux constructions

théoriques s’opposent les théories démocratiques.

B – Les théories démocratiques

Elles sont composées de la souveraineté nationale et de la souveraineté populaire.

La souveraineté nationale véhicule l’idée selon laquelle le pouvoir politique émane de

la nation. La nation étant définie comme cette entité collective et abstraite qui symbolise

l’ensemble du groupe dans le processus de sa réalisation historique. On traduit dans un certain

nombre d’instruments juridiques ou textes comme l’article 3 de la Déclaration Universelle des

Droit de l’Homme de 1789. …………. L’importance du concept de nation apparaît dans

l’article 3 pré-cité qui dispose : le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans

la nation, nul corps, nul individu, ne peut exercer d’autorité qui en émane expressément.

La souveraineté populaire quant à elle, repose sur le principe selon lequel, le pouvoir

suprême émane du peuple et de lui seul c’est-à-dire de l’ensemble des individus qui forment

le corps social.

Cette notion de peuple revêt cependant deux connotations. Une connotation générale

tout d’abord, dans la mesure où par peuple, il faut entendre la communauté des citoyens dans

son ensemble : c’est la volonté générale du groupe. Une connotation particulière …. Parce

que cette volonté générale, là n’est en fait que la somme des volontés individuelles des

membres du corps social. La filiation ou le fondement de cette théorie réside dans la pensée

de Jean Jacques Rousseau exprimée dans son ouvrage : « Le contrat social ». Ce type de

souveraineté a eu un écho dans le cadre de la Constitution du 24 juin 1793 mais il ne sera pas

jamais appliqué pour des raisons contextuelles et pratiques dans la mesure où cette théorie

implique la participation de tous les citoyens à l’exercice du pouvoir politique, ce qui

impossible sauf dans le cadre de petites entités politiques. Se pose alors la question de la mise

en œuvre des théories de la souveraineté.

Parag. 2 – La mise en œuvre de ces théories de la souveraineté

Les théories de la souveraineté présentent une mise en perspective des rapports

gouvernants / gouvernés. C’est une façon de concevoir l’existence de l’autorité politique en

45

Page 46: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

elle-même. Il faudrait envisager ensuite la façon dont ces rapports gouvernants / gouvernés

sont mis en œuvre. Sur ces points précis, le constat qu’on a fait dans la doctrine et dans les

Etats, c’est que les tentatives de mise en œuvre isolées de ces différentes théories ont conduit

à des situations pour le moins difficiles ou en tout cas non souhaitables. Aussi est-on conduit

aujourd’hui à réaliser une synthèse entre les différentes théories.

A – Les conséquences des théories de la souveraineté

La mise en application de chacune de ces trois théories aboutit à un certain nombre de

conséquences parfois contradictoires. Dans le cadre de la théorie de la souveraineté de droit

divin tout d’abord, on pourrait déboucher sur la mise en place d’un pouvoir absolu qui ne

souffrirait pas de critiques de la part des citoyens. La raison fondamentale en est que le

détenteur du pouvoir ne se croit comptable qu’à l’égard de Dieu. C’est pourquoi cette théorie

a été fortement combattue tout au long des 16ème et 17ème siècles par les monarchomaques. En

ce qui concerne la théorie de la souveraineté nationale, elle se distingue en premier lieu par

ses caractères conduits par la permanence et l’unité qui affectent le concept de nation lui-

même (l’indivisibilité de la République, l’aliénabilité et l’imprescriptibilité). Cette théorie de

la souveraineté nationale débouche sur la mise en place d’un gouvernement représentatif et

sur l’institution de l’électorat fonction. Pour ce qui est enfin de la théorie de la souveraineté

populaire, il postule l’avènement de la République qui est un type de gouvernement fondé sur

le respect de l’égalité entre les citoyens. Ce type de gouvernement est le plus souvent

susceptible de réaliser la liberté politique dans le groupe. Les théoriciens libéraux allient

République et démocratie. Cette théorie postule l’avènement du suffrage universel et la

réalisation de l’électorat droit. Mais il y a une différence de mise en oeuvre de cette théorie de

la souveraineté populaire à tel point qu’elle est tenue pour une utopie. C’est compte-tenu de

ces différences qu’on a évolué d’un gouvernement direct à un gouvernement semi-direct

représentatif allié ………. à l’existence d’un mandat impératif et des procédés d’intervention

directe du peuple dans la gestion du pouvoir. Ces procédés sont l’initiative, le veto et le

référendum.

B – La synthèse des théories de la souveraineté

Cette synthèse correspond à la combinaison ou l’association des deux types de

souverainetés démocratiques dans la désignation de l’origine du pouvoir politique dans les

Etats modernes. Cet amalgame conceptuel se traduit dans les faits par le recours à la fois à des

procédés ou techniques de gouvernement représentatif et de gouvernement semi-représentatif

46

Page 47: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

direct. Exemple : quand on désigne le représentant du peuple pour exercer le pouvoir politique

au quotidien mais en prévoyant en même temps des modalités d’intervention ponctuelle du

peuple par référendum, veto ou initiative populaire. Aujourd’hui, on peut dire que c’est le

triomphe du type de régime de démocratie indirecte dans la mesure où dans la plupart des

Etats c’est le système de gouvernement représentatif qui prévaut mais ceci n’équivaut pas à

une exclusion du peuple du processus de décision politique. Il en est ainsi parce que le peuple

est à la fois la base et la finalité du pouvoir politique.

SECTION II – LA DEVOLUTION DU POUVOIR

La transmission du pouvoir politique du peuple au gouvernement intervient par le

canal des élections parce que l’élection constitue le procédé qui est à la fois le plus

démocratique et le plus pacifique. Elle constitue le principe de base de la démocratie.

Cependant le régime démocratique n’a pas totalement triomphé partout. Du reste même dans

les Etats qui pratiquent le régime démocratique ; il existe des moments de reflux où le mode

d’exercice normal du pouvoir politique dégénère ou d’autres moments où ce pouvoir politique

fait l’objet d’une transmission non pacifique (instabilités, troubles politiques). Dans ces

moments-là on est en présence d’une dévolution anormale du pouvoir.

Parag.1 – La dévolution normale du pouvoir politique : l’élection

Les élections, c’est le procédé par lequel le citoyen est invité à participer à la

désignation de ses représentants politiques ou à prendre une décision qui est relative à la vie

du groupe. Ainsi définie, l’élection apparaît comme étant le fondement de la légitimité

politique des gouvernants. Par l’élection donc, le citoyen exerce son droit de suffrage qui

toutefois peut se réaliser de diverses manières.

A – Le droit de vote

Le droit de suffrage est synonyme du droit de vote et il revêt deux sens principaux. La

première signification est d’être un acte par lequel on donne son opinion sur un problème

donné ou sur une solution donnée. La deuxième signification du droit de vote est le statut que

revêt l’acte de voter lui-même et le statut en droit renvoie toujours à un régime juridique.

Dans le cadre du régime juridique du droit de vote, on va s’intéresser de près à

l’étendue de ce droit de vote et à ses différentes variétés.

47

Page 48: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

1° - L’étendue du droit de suffrage

Le principe de base du fonctionnement du système démocratique est le suffrage

universel. C’est un suffrage qui se définit surtout de façon négative par opposition au suffrage

restreint. C’est un système de gouvernement dans lequel le droit de suffrage ne serait pas

limité par des considérations liées soit à la naissance de l’individu, à sa classe et à sa fortune,

donc à son statut social, soit à son niveau d’instruction. Exemple : comme aux USA, dans les

pays du Sud, jusqu’à l’avènement du 15ème amendement (1870) où on refusait de reconnaître

le droit de vote aux noirs américains. Autre exemple : Sous la restructuration en France où

une loi conditionnait le droit de vote (1833) dans les colonies françaises au paiement d’une

somme de 300 F de l’époque (c’est le suffrage censitaire). Le suffrage universel est

aujourd’hui le système politique dans lequel le droit de suffrage subit le moins de restriction

possible car il n’existe pas de suffrage totalement universel. Exemple : Dans la constitution

sénégalaise, il est dit à l’article 3 in fine : « Tous les nationaux sénégalais âgés de 18 ans et

jouissant de leurs droits, sont électeurs dans les conditions fixées par la loi ». Mais il y a lieu

de noter que l’évolution du droit de suffrage se fait dans le sens d’un élargissement constant.

Aux Etats-Unis, c’est le 26ème amendement (1971) qui abaisse la majorité électorale à 18 ans.

2° - Les différentes variétés du droit de suffrage

Le droit de suffrage ou droit de vote revêt des formes variables. Il y a le suffrage direct

et le suffrage indirect. Le suffrage direct c’est le système de votation (comme on dit en

Suisse) qui permet à l’électeur de choisir directement c’est-à-dire sans intermédiaire, les

représentants du groupe. A contrario, le suffrage indirect est le système dans lequel cette

désignation se fait par l’intermédiaire de personnes spécialement choisies à cet effet : ce sont

les notables politiques ou les grands électeurs qu’on retrouve toujours par exemple en France

dans la désignation des membres du Sénat français, ce fut également le cas au Sénégal sous

l’ancienne constitution.

Il y a ensuite une deuxième distinction entre le vote individuel et le vote plural. Dans

le cadre du vote individuel, chaque homme ou chaque individu correspond à une voix alors

que dans le système de vote plural on permet à l’individu de disposer de plusieurs voix sur la

base de conditions fixées par la loi et généralement à son statut social ou fonctionnel. Dans

cette hypothèse de vote plural, le suffrage s’entend d’un vote social et il correspond à un

système de gouvernement dans lequel l’individu vote en fonction de sa situation ou de sa

place dans le groupe. On distingue aussi contre le vote facultatif et le vote obligatoire. Dans le

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Page 49: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

vote facultatif, le citoyen est libre de participer ou non aux consultations électorales. Ce vote

est en adéquation avec le système de gouvernement direct où l’électorat est un droit. Dans le

système de vote obligatoire, la participation du citoyen aux consultations électorales est

requise sous peine de sanction. Ici l’électorat est une fonction comme dans le cadre du

système de gouvernement représentatif : Exemple de la Belgique. En la matière, il faut

toujours faire la différence entre le vote public et le vote secret. Le vote public est un système

dans lequel le choix de l’électeur se manifeste au vu et au su de tout le monde tandis que le

vote secret est un système qui permet au citoyen de faire son choix sans que celui-ci soit

révélé au public. Dans le système de gouvernement démocratique, ce procédé constitue une

garantie de la liberté de l’électeur et par voie de conséquence, de la sincérité du scrutin quel

qu’il soit.

B – Les modes de scrutin

Le mode de scrutin peut être défini comme étant un système, ou une technique ou

l’ensemble des techniques qui permettent de déterminer les élus à partir du vote des électeurs.

Le choix d’un mode de scrutin revêt une grande importance dans la mesure où il est révélateur

dans un régime politique de la façon dont un pays est gouverné et mais aussi des rapports que

ce système de gouvernement entretient avec la démocratie. Le choix et le déroulement d’un

mode de scrutin, on en convient aujourd’hui largement dans les Etats démocratiques, doit être

articulé autour de trois principes majeurs que sont la liberté du vote, la sincérité du scrutin et

enfin l’égalité du vote. L’importance de ces trois principes dans l’évaluation d’un scrutin ou

d’un mode de scrutin à l’aune de l’exigence démocratique, implique deux choses. La première

c’est qu’il faut veiller à la consécration théorique des trois principes par tout système qui se

veut démocratique. La deuxième c’est de veiller à ce que dans l’organisation matérielle du

scrutin, ces trois principes ne soient dénaturés par des données techniques. Exemple : le

gerrymandering qui consiste à tailler ou .à découper sur mesure des circonscriptions

électorales par les candidats qui auraient la majorité au pouvoir. Il est aussi appelé la

technique de la salamandre.

1° - Présentation des modes de scrutin

On oppose généralement dans l’étude de ces modes de scrutin, le scrutin majoritaire et

le scrutin proportionnel. Entre ces deux pôles, s’intercalent de nombreux systèmes, de vote

qui sont qualifiés de mixte parce qu’ils empruntent à l’un et à l’autre leurs avantages

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Page 50: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

respectifs en essayant de les cumuler. Dès lors, il importe de préciser les contenus de ces trois

modèles.

a – Le scrutin majoritaire

Il se définit comme étant la technique de représentation ou le procédé de répartition

qui permet d’attribuer les sièges mis en compétition aux candidats ou à la liste ayant reçu à

l’issue des confrontations le plus grand nombre de voix. Ce type de scrutin peut se réaliser de

différentes façons. Il est uninominal lorsqu’il oppose plusieurs candidats qui se présenteraient

individuellement devant les électeurs. C’est là un mode de scrutin qui ne se réalise

généralement que dans le cadre de petites et moyennes circonscriptions. Mais il peut aussi

opposer plusieurs candidats regroupés des différentes listes sur la base d’une affinité

idéologique ou politique. D’où son appellation de scrutin de liste ou scrutin plurinominal.

Dans le cadre de ce type de scrutin, des possibilités sont offertes aux électeurs de procéder

eux-mêmes à différentes combinaisons entre les listes.

Dans ce cas là on dit que le panachage et le vote préférentiel existent. Lorsqu’on les

refuse, on est en présence d’un scrutin de liste bloqué. Le scrutin majoritaire peut être à un ou

à deux tours. Il est à un tour lorsque la majorité relative suffit pour être élu. En d’autres

termes, le (s) siège (s) sont attribués aux candidats en tête quelle que soit son avance sur les

autres. Il est à deux tours quand l’élection n’est acquise du 1er coup qu’à la majorité absolue

ou à la majorité qualifiée. On parle de la majorité absolue lorsqu’il s’agit de considérer la

moitié des votants plus une voix ; tandis que dans le cadre de la majorité qualifiée, il est

question d’un pourcentage plus important de la majorité des voix que l’on combine

généralement avec l’autre pourcentage des inscrits. A défaut de ce type de majorité, il est

procédé à un second tour entre les candidats arrivés en tête soit en fonction de leur rang ou du

pourcentage de voix qu’ils ont recueilli (ballottage).

b – Le scrutin proportionnel

C’est une technique qui consiste à répartir des sièges en compétition entre les

différentes listes en présence au prorata des voix que chacune d’elles a recueillies dans le

cadre de cette compétition. D’un point de vue historique, ce mode de scrutin serait né en

Belgique, à la fin du 19ème siècle (créé par Hondt). C’est un mode de scrutin qui est loin d’être

simple. Il pose en effet, de nombreux problèmes dont deux sont d’une grande acuité. Il s’agit

respectivement de la détermination du chiffre ou nombre de référence c’est-à-dire un nombre

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Page 51: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

uniforme et identique qui permet d’envisager ou d’accepter l’élection de tout candidat (c’est

le quotient électoral) et d’autre part la répartition des restes de voix après la première

opération de distribution. Le quotient électoral c’est le nombre de voix qui donne droit à un

siège. Autant de fois ce chiffre est contenu dans le total de voix recueillies par une liste autant

de candidats élus obtient cette liste. On recense trois variétés de quotient électoral : quotients

uniforme, local et national.

Le quotient est dit uniforme ou fixe lorsqu’il désigne la quantité de voix pré-

déterminées au plan national et qui serait nécessaire pour avoir droit à un siège. On parle par

ailleurs de quotient local lorsqu’on divise le nombre total de suffrages exprimés par le nombre

de sièges à pourvoir au plan local. Enfin le quotient est dit national lorsqu’on vise le quotient

qui est obtenu en divisant le total des suffrages valablement exprimés au plan national, par le

nombre de sièges à pourvoir. Ce quotient dit national est réputé plus conforme à l’esprit de

justice qui fonde le système de la représentation proportionnelle. Mais le choix du quotient

national ne remplit réellement cette fonction que dans le cadre de la représentation

proportionnelle intégrale. Celle-ci est un système de répartition dans lequel, les restes sont

distribués sur la base d’un nouveau quotient déterminé après division du nombre de voix non

utilisés au plan national par le nombre de sièges restants. Mais, il s’agit d’un procédé qui est

rarement utilisé.

Le plus courant, c’est la représentation proportionnelle approchée qui postule la mise

en œuvre de trois techniques principales de répartition des restes. Ce sont les techniques de la

répartition au plus fort reste, à la plus forte moyenne. Selon la méthode du plus fort reste, elle

consiste à attribuer les sièges restants aux listes ayant le plus grand nombre de suffrages

inutilisés. Cette technique de répartition est réputée favorable aux petits partis.

S’agissant de la technique de répartition à la plus forte moyenne, elle est réalisée

comme son nom l’indique sur la base de la plus forte moyenne. Celle-ci est le résultat du

rapport entre un nouveau chiffre répartiteur et le nombre de suffrages obtenus par chaque

liste. Le nouveau chiffre répartiteur correspond au nombre de sièges recueillis par chaque liste

après la première répartition, plus un siège fictif.

Par ce procédé, on attribue à la distribution des sièges restants, un par un, jusqu’à

épuisement. Ce système de répartition est réputé plus favorable aux grands partis.

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Page 52: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

Il y a ensuite la technique d’Hondt qui permet de déterminer, grâce à une seule

opération, le nombre de sièges auxquels chaque liste aurait droit en divisant ces suffrages

obtenus par chaque liste par 1,2,3,4 ou plus selon le nombre de siéges en compétition. Les

résultats ainsi obtenus sont rangés par ordre décroissant jusqu’à concurrence du nombre de

sièges à pourvoir. C’est le dernier suffrage que constitue le chiffre de répartiteur ou le

quotient (système-belge). Il existe d’autres techniques qui permettent de répartir par ailleurs

les sièges restants mais elles sont moins utilisées parce que plus compliquées. A côté des

scrutins majoritaire et proportionnel il y a le système mixte.

c – Le système mixte

C’est l’ensemble des systèmes électoraux fondés sur la combinaison du système

majoritaire avec le système proportionnel. La finalité des systèmes mixtes c’est la

maximisation des avantages que comportent le scrutin proportionnel et le scrutin majoritaire.

L’exemple type des systèmes mixtes, c’est la technique de vote qui est en vigueur en

République Fédérale d’Allemagne de laquelle nous nous sommes inspirés. En Allemagne,

l’électeur dispose de deux voix, la première sert à désigner la moitié des députés du

Bundestag au suffrage uninominal majoritaire dans le cadre des Landers., l’autre permet

d’élire la moitié de ces députés à la représentation proportionnelle sur une liste nationale

présentée par chaque parti politique. Au Sénégal, c’est la même logique qui prévaut sauf que

l’électeur ne dispose ici que d’une voix. Mais la grande question qu’on n’arrête pas de se

poser dans les grandes démocraties, c’est de savoir : qu’est-ce qui fonde le choix d’un mode

de scrutin donné ?

2 – Répercussion des modes de scrutin sur le système politique

Chaque mode de scrutin comporte des avantages et des inconvénients perceptibles à

certains niveaux dont celui du nombre de partis existants et celui du système politique lui-

même. D’impressionnants travaux de recherche ont été consacrés à la question mais c’est

surtout l’étude de Maurice Duverger au début des années 50 sur : « l’influence des systèmes

électoraux sur la vie politique » qui retient l’attention. Il a dégagé ce que d’autres auteurs

appelleront par la suite les lois sociologiques de Maurice Duverger. Celui-ci relativisera cette

appellation. Ces lois sociologiques sont au nombre de trois. La première suggère que

l’adoption du scrutin majoritaire uninominal à un tour conduit « nécessairement » à un

système bipartisan (Système politique au sein duquel ce sont deux grandes formations qui se

partagent le pouvoir en s’y succédant comme en Grande-Bretagne ou aux USA par exemple).

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Page 53: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

Ce mode de scrutin est généralement caractérisé par ce que l’on appelle le vote utile

des électeurs (l’électeur pense qu’il n’est pas utile de donner sa seule voix à un parti qui a peu

de chance d’accéder au pouvoir). Ce mode de scrutin comporte des avantages à savoir la

clarté et la simplicité qui sont les gages d’une stabilité gouvernementale et qui ouvrent la

possibilité à l’alternance. Cependant ces avantages sont contrebalancés par l’injustice et

l’inéquité notamment à l’égard des petits partis qui sont de fait privés de représentation

parlementaire. La deuxième loi de Duverger enseigne que le système majoritaire à deux tours

favoriserait contrairement au premier, un multipartisme modéré en ce qui qu’il permet au

premier group de se compter au premier tour c’est-à-dire de voter par leur sensibilité politique

réelle avant de voter utile au second tour. D’où une chance pour les petits partis de subsister

grâce à la logique des alliances qu’ils pourraient essentiellement nouer au second tour.

Exemple : la France, sous la Vème République, lors des scrutins législatifs, système électoral

sénégalais. Les avantages attendus ici c’est qu’il y aura une stabilité gouvernementale du fait

d’une bipolarisation de la vie politique (Exemple : la gauche et la droite). Mais ces avantages

sont contrebalancés par des inconvénients qui tiennent aux tractations (alliances) politiques et

qui conduisent à des alliances contre nature du point de vue idéologique.

La 3ème loi c’est celle qui dit que l’instauration de la représentation proportionnelle

permettrait de déboucher sur le multipartisme. L’explication ici c’est que dans la mesure où

les électeurs seraient assurés de voir effectivement leurs suffrages au décompte final du

nombre de siège devant revenir à leur liste préférée, ils donneraient libre cours à leurs

préférences idéologiques ou partisanes. Le principal avantage est le renforcement de la

présence des partis notamment au sein du Parlement. Les inconvénients résident en ce que ce

mode de scrutin entraîne le dispersion de l’électorat et par voie de conséquence l’éclatement

de la représentation parlementaire, d’où le risque d’instabilité politique c’est-à-dire des

situations où les partis politiques exercent une emprise sur le système, ce qui se traduit par des

tractations politiciennes permanentes. Exemple : 3ème ou 4ème République en France.

Mais il y a lieu de nuancer ces enseignements de Duverger en ce que tout d’une part,

les conséquences du choix d’un mode de scrutin ne sont jamais uniformes ou linéaires, et que

d’autre la tendance dans les faits est au rééquilibrage entre les effets induits des principaux

modes de scrutin par le succès grandissant des scrutins ou systèmes mixtes. Cependant la

dévolution du pouvoir ne se fait pas toujours de manière pacifique.

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Page 54: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

B – Les modes de scrutin

Le mode de scrutin peut être défini comme étant un système, ou une technique ou

l’ensemble des techniques qui permettent de déterminer les élus à partir du vote des électeurs.

Le choix d’un mode de scrutin revêt une grande importance dans la mesure où il est révélateur

dans un régime politique de la façon dont un pays est gouverné et mais aussi des rapports que

ce système de gouvernement entretient avec la démocratie. Le choix et le déroulement d’un

mode de scrutin, on en convient aujourd’hui largement dans les Etats démocratiques, doit être

articulé autour de trois principes majeurs que sont la liberté du vote, la sincérité du scrutin et

enfin l’égalité du vote. L’importance de ces trois principes dans l’évaluation d’un scrutin ou

d’un mode de scrutin à l’aune de l’exigence démocratique, implique deux choses. La première

c’est qu’il faut veiller à la consécration théorique des trois principes par tout système qui se

veut démocratique. La deuxième c’est de veiller à ce que dans l’organisation matérielle du

scrutin, ces trois principes ne soient dénaturés par des données techniques. Exemple : le

gerrymandering qui consiste à tailler ou à découper sur mesure des circonscriptions

électorales par les candidats qui auraient la majorité au pouvoir. Il est aussi appelé la

technique de la salamandre.

1° - Présentation des modes de scrutin

On oppose généralement dans l’étude de ces modes de scrutin, le scrutin majoritaire et

le scrutin proportionnel. Entre ces deux pôles, s’intercalent de nombreux systèmes, de vote

qui sont qualifiés de mixte parce qu’ils empruntent à l’un et à l’autre leurs avantages

respectifs en essayant de les cumuler. Dès lors, il importe de préciser les contenus de ces trois

modèles.

a – Le scrutin majoritaire

Il se définit comme étant la technique de représentation ou le procédé de répartition

qui permet d’attribuer les sièges mis en compétition aux candidats ou à la liste ayant reçu à

l’issue des confrontations le plus grand nombre de voix. Ce type de scrutin peut se réaliser de

différentes façons. Il est uninominal lorsqu’il oppose plusieurs candidats qui se présenteraient

individuellement devant les électeurs. C’est là un mode de scrutin qui ne se réalise

généralement que dans le cadre de petites et moyennes circonscriptions. Mais il peut aussi

opposer plusieurs candidats regroupés des différentes listes sur la base d’une affinité

idéologique ou politique. D’où son appellation de scrutin de liste ou scrutin plurinominal.

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Page 55: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

Dans le cadre de ce type de scrutin, des possibilités sont offertes aux électeurs de procéder

eux-mêmes à différentes combinaisons entre les listes.

Dans ce cas là on dit que le panachage et le vote préférentiel existent. Lorsqu’on les

refuse, on est en présence d’un scrutin de liste bloqué. Le scrutin majoritaire peut être à un ou

à deux tours. Il est à un tour lorsque la majorité relative suffit pour être élu. En d’autres

termes, le (s) siège (s) sont attribués aux candidats en tête quelle que soit son avance sur les

autres. Il est à deux tours quand l’élection n’est acquise du 1er coup qu’à la majorité absolue

ou à la majorité qualifiée. On parle de la majorité absolue lorsqu’il s’agit de considérer la

moitié des votants plus une voix ; tandis que dans le cadre de la majorité qualifiée, il est

question d’un pourcentage plus important de la majorité des voix que l’on combine

généralement avec l’autre pourcentage des inscrits. A défaut de ce type de majorité, il est

procédé à un second tour entre les candidats arrivés en tête soit en fonction de leur rang ou du

pourcentage de voix qu’ils ont recueilli (ballottage).

b – Le scrutin proportionnel

C’est une technique qui consiste à répartir des sièges en compétition entre les

différentes listes en présence au prorata des voix que chacune d’elles a recueillies dans le

cadre de cette compétition. D’un point de vue historique, ce mode de scrutin serait né en

Belgique, à la fin du 19ème siècle (créé par Hondt). C’est un mode de scrutin qui est loin d’être

simple. Il pose en effet, de nombreux problèmes dont deux sont d’une grande acuité. Il s’agit

respectivement de la détermination du chiffre ou nombre de référence c’est-à-dire un nombre

uniforme et identique qui permet d’envisager ou d’accepter l’élection de tout candidat (c’est

le quotient électoral) et d’autre part la répartition des restes de voix après la première

opération de distribution. Le quotient électoral c’est le nombre de voix qui donne droit à un

siège. Autant de fois ce chiffre est contenu dans le total de voix recueillies par une liste autant

de candidats élus obtient cette liste. On recense trois variétés de quotient électoral : quotients

uniforme, local et national.

Le quotient est dit uniforme ou fixe lorsqu’il désigne la quantité de voix pré-

déterminées au plan national et qui serait nécessaire pour avoir droit à un siège. On parle par

ailleurs de quotient local lorsqu’on divise le nombre total de suffrages exprimés par le nombre

de sièges à pourvoir au plan local. Enfin le quotient est dit national lorsqu’on vise le quotient

qui est obtenu en divisant le total des suffrages valablement exprimés au plan national, par le

55

Page 56: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

nombre de sièges à pourvoir. Ce quotient dit national est réputé plus conforme à l’esprit de

justice qui fonde le système de la représentation proportionnelle. Mais le choix du quotient

national ne remplit réellement cette fonction que dans le cadre de la représentation

proportionnelle intégrale. Celle-ci est un système de répartition dans lequel, les restes sont

distribués sur la base d’un nouveau quotient déterminé après division du nombre de voix non

utilisés au plan national par le nombre de sièges restants. Mais, il s’agit d’un procédé qui est

rarement utilisé.

Le plus courant, c’est la représentation proportionnelle approchée qui postule la mise

en œuvre de trois techniques principales de répartition des restes. Ce sont les techniques de la

répartition au plus fort reste, à la plus forte moyenne. Selon la méthode du plus fort reste, elle

consiste à attribuer les sièges restants aux listes ayant le plus grand nombre de suffrages

inutilisés. Cette technique de répartition est réputée favorable aux petits partis.

S’agissant de la technique de répartition à la plus forte moyenne, elle est réalisée

comme son nom l’indique sur la base de la plus forte moyenne. Celle-ci est le résultat du

rapport entre un nouveau chiffre répartiteur et le nombre de suffrages obtenus par chaque

liste. Le nouveau chiffre répartiteur correspond au nombre de sièges recueillis par chaque liste

après la première répartition, plus un siège fictif.

Par ce procédé, on attribue à la distribution des sièges restants, un par un, jusqu’à

épuisement. Ce système de répartition est réputé plus favorable aux grands partis.

Il y a ensuite la technique d’Hondt qui permet de déterminer, grâce à une seule

opération, le nombre de sièges auxquels chaque liste aurait droit en divisant ces suffrages

obtenus par chaque liste par 1,2,3,4 ou plus selon le nombre de siéges en compétition. Les

résultats ainsi obtenus sont rangés par ordre décroissant jusqu’à concurrence du nombre de

sièges à pourvoir. C’est le dernier suffrage que constitue le chiffre de répartiteur ou le

quotient (système-belge). Il existe d’autres techniques qui permettent de répartir par ailleurs

les sièges restants mais elles sont moins utilisées parce que plus compliquées. A côté des

scrutins majoritaire et proportionnel il y a le système mixte.

c – Le système mixte

C’est l’ensemble des systèmes électoraux fondés sur la combinaison du système

majoritaire avec le système proportionnel. La finalité des systèmes mixtes c’est la

56

Page 57: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

maximisation des avantages que comportent le scrutin proportionnel et le scrutin majoritaire.

L’exemple type des systèmes mixtes, c’est la technique de vote qui est en vigueur en

République Fédérale d’Allemagne de laquelle nous nous sommes inspiré. En Allemagne,

l’électeur dispose de deux voix, la première sert à désigner la moitié des députés du

Bundestag au suffrage uninominal majoritaire dans le cadre des Landers., l’autre permet

d’élire la moitié de ces députés à la représentation proportionnelle sur une liste nationale

présentée par chaque parti politique. Au Sénégal, c’est la même logique qui prévaut sauf que

l’électeur ne dispose ici que d’une voix. Mais la grande question qu’on n’arrête pas de se

poser dans les grandes démocraties, c’est de savoir : qu’est-ce qui fonde le choix d’un mode

de scrutin donné ?

2 – Répercussion des modes de scrutin sur le système politique

Chaque mode de scrutin comporte des avantages et des inconvénients perceptibles à

certains niveaux dont celui du nombre de partis existants et celui du système politique lui-

même. D’impressionnants travaux de recherche ont été consacrés à la question mais c’est

surtout l’étude de Maurice Duverger au début des années 50 sur : « l’influence des systèmes

électoraux sur la vie politique » qui retient l’attention. Il a dégagé ce que d’autres auteurs

appelleront par la suite les lois sociologiques de Maurice Duverger. Celui-ci relativisera cette

appellation. Ces lois sociologiques sont au nombre de trois. La première suggère que

l’adoption du scrutin majoritaire uninominal à un tour conduit « nécessairement » à un

système bipartisan (Système politique au sein duquel ce sont deux grandes formations qui se

partagent le pouvoir en s’y succédant comme en Grande-Bretagne ou aux USA par exemple).

Ce mode de scrutin est généralement caractérisé par ce que l’on appelle le vote utile

des électeurs (l’électeur pense qu’il n’est pas utile de donner sa seule voix à un parti qui a peu

de chance d’accéder au pouvoir). Ce mode de scrutin comporte des avantages à savoir la

clarté et la simplicité qui sont les gages d’une stabilité gouvernementale et qui ouvrent la

possibilité à l’alternance. Cependant ces avantages sont contrebalancés par l’injustice et

l’inéquité notamment à l’égard des petits partis qui sont de fait privés de représentation

parlementaire. La deuxième loi de Duverger enseigne que le système majoritaire à deux tours

favoriserait contrairement au premier, un multipartisme modéré en ce qui qu’il permet au

premier group de se compter au premier tour c’est-à-dire de voter par leur sensibilité politique

réelle avant de voter utile au second tour. D’où une chance pour les petits partis de subsister

grâce à la logique des alliances qu’ils pourraient essentiellement nouer au second tour.

57

Page 58: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

Exemple : la France, sous la Vème République, lors des scrutins législatifs, système électoral

sénégalais. Les avantages attendus ici c’est qu’il y aura une stabilité gouvernementale du fait

d’une bipolarisation de la vie politique (Exemple : la gauche et la droite). Mais ces avantages

sont contrebalancés par des inconvénients qui tiennent aux tractations (alliances) politiques et

qui conduisent à des alliances contre nature du point de vue idéologique.

La 3ème loi c’est celle qui dit que l’instauration de la représentation proportionnelle

permettrait de déboucher sur le multipartisme. L’explication ici c’est que dans la mesure où

les électeurs seraient assurés de voir effectivement leurs suffrages au décompte final du

nombre de siège devant revenir à leur liste préférée, ils donneraient libre cours à leurs

préférences idéologiques ou partisanes. Le principal avantage est le renforcement de la

présence des partis notamment au sein du Parlement. Les inconvénients résident en ce que ce

mode de scrutin entraîne le dispersion de l’électorat et par voie de conséquence l’éclatement

de la représentation parlementaire, d’où le risque d’instabilité politique c’est-à-dire des

situations où les partis politiques exercent une emprise sur le système, ce qui se traduit par des

tractations politiciennes permanentes. Exemple : 3ème ou 4ème République en France.

Mais il y a lieu de nuancer ces enseignements de Duverger en ce que tout d’une part,

les conséquences du choix d’un mode de scrutin ne sont jamais uniformes ou linéaires, et que

d’autre la tendance dans les faits est au rééquilibrage entre les effets induits des principaux

modes de scrutin par le succès grandissant des scrutins ou systèmes mixtes. Cependant la

dévolution du pouvoir ne se fait pas toujours de manière pacifique.

B – Les modes de scrutin

Le mode de scrutin peut être défini comme étant un système, ou une technique ou

l’ensemble des techniques qui permettent de déterminer les élus à partir du vote des électeurs.

Le choix d’un mode de scrutin revêt une grande importance dans la mesure où il est révélateur

dans un régime politique de la façon dont un pays est gouverné et mais aussi des rapports que

ce système de gouvernement entretient avec la démocratie. Le choix et le déroulement d’un

mode de scrutin, on en convient aujourd’hui largement dans les Etats démocratiques, doit être

articulé autour de trois principes majeurs que sont la liberté du vote, la sincérité du scrutin et

enfin l’égalité du vote. L’importance de ces trois principes dans l’évaluation d’un scrutin ou

d’un mode de scrutin à l’aune de l’exigence démocratique, implique deux choses. La première

c’est qu’il faut veiller à la consécration théorique des trois principes par tout système qui se

veut démocratique. La deuxième c’est de veiller à ce que dans l’organisation matérielle du

58

Page 59: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

scrutin, ces trois principes ne soient dénaturés par des données techniques. Exemple : le

gerrymandering qui consiste à tailler ou à découper sur mesure des circonscriptions

électorales par les candidats qui auraient la majorité au pouvoir. Il est aussi appelé la

technique de la salamandre.

1° - Présentation des modes de scrutin

On oppose généralement dans l’étude de ces modes de scrutin, le scrutin majoritaire et

le scrutin proportionnel. Entre ces deux pôles, s’intercalent de nombreux systèmes, de vote

qui sont qualifiés de mixte parce qu’ils empruntent à l’un et à l’autre leurs avantages

respectifs en essayant de les cumuler. Dès lors, il importe de préciser les contenus de ces trois

modèles.

a – Le scrutin majoritaire

Il se définit comme étant la technique de représentation ou le procédé de répartition

qui permet d’attribuer les sièges mis en compétition aux candidats ou à la liste ayant reçu à

l’issue des confrontations le plus grand nombre de voix. Ce type de scrutin peut se réaliser de

différentes façons. Il est uninominal lorsqu’il oppose plusieurs candidats qui se présenteraient

individuellement devant les électeurs. C’est là un mode de scrutin qui ne se réalise

généralement que dans le cadre de petites et moyennes circonscriptions. Mais il peut aussi

opposer plusieurs candidats regroupés des différentes listes sur la base d’une affinité

idéologique ou politique. D’où son appellation de scrutin de liste ou scrutin plurinominal.

Dans le cadre de ce type de scrutin, des possibilités sont offertes aux électeurs de procéder

eux-mêmes à différentes combinaisons entre les listes.

Dans ce cas là on dit que le panachage et le vote préférentiel existent. Lorsqu’on les

refuse, on est en présence d’un scrutin de liste bloqué. Le scrutin majoritaire peut être à un ou

à deux tours. Il est à un tour lorsque la majorité relative suffit pour être élu. En d’autres

termes, le (s) siège (s) sont attribués aux candidats en tête quelle que soit son avance sur les

autres. Il est à deux tours quand l’élection n’est acquise du 1er coup qu’à la majorité absolue

ou à la majorité qualifiée. On parle de la majorité absolue lorsqu’il s’agit de considérer la

moitié des votants plus une voix ; tandis que dans le cadre de la majorité qualifiée, il est

question d’un pourcentage plus important de la majorité des voix que l’on combine

généralement avec l’autre pourcentage des inscrits. A défaut de ce type de majorité, il est

59

Page 60: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

procédé à un second tour entre les candidats arrivés en tête soit en fonction de leur rang ou du

pourcentage de voix qu’ils ont recueilli (ballottage).

b – Le scrutin proportionnel

C’est une technique qui consiste à répartir des sièges en compétition entre les

différentes listes en présence au prorata des voix que chacune d’elles a recueillies dans le

cadre de cette compétition. D’un point de vue historique, ce mode de scrutin serait né en

Belgique, à la fin du 19ème siècle (créé par Hondt). C’est un mode de scrutin qui est loin d’être

simple. Il pose en effet, de nombreux problèmes dont deux sont d’une grande acuité. Il s’agit

respectivement de la détermination du chiffre où nombre de référence c’est-à-dire un nombre

uniforme et identique qui permet d’envisager ou d’accepter l’élection de tout candidat (c’est

le quotient électoral) et d’autre part la répartition des restes de voix après la première

opération de distribution. Le quotient électoral c’est le nombre de voix qui donne droit à un

siège. Autant de fois ce chiffre est contenu dans le total de voix recueillies par une liste autant

de candidats élus obtient cette liste. On recense trois variétés de quotient électoral : quotients

uniforme, local et national.

Le quotient est dit uniforme ou fixe lorsqu’il désigne la quantité de voix pré-

déterminées au plan national et qui serait nécessaire pour avoir droit à un siège. On parle par

ailleurs de quotient local lorsqu’on divise le nombre total de suffrages exprimés par le nombre

de sièges à pourvoir au plan local. Enfin le quotient est dit national lorsqu’on vise le quotient

qui est obtenu en divisant le total des suffrages valablement exprimés au plan national, par le

nombre de sièges à pourvoir. Ce quotient dit national est réputé plus conforme à l’esprit de

justice qui fonde le système de la représentation proportionnelle. Mais le choix du quotient

national ne remplit réellement cette fonction que dans le cadre de la représentation

proportionnelle intégrale. Celle-ci est un système de répartition dans lequel, les restes sont

distribués sur la base d’un nouveau quotient déterminé après division du nombre de voix non

utilisés au plan national par le nombre de sièges restants. Mais, il s’agit d’un procédé qui est

rarement utilisé.

Le plus courant, c’est la représentation proportionnelle approchée qui postule la mise

en œuvre de trois techniques principales de répartition des restes. Ce sont les techniques de la

répartition au plus fort reste, à la plus forte moyenne. Selon la méthode du plus fort reste, elle

60

Page 61: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

consiste à attribuer les sièges restants aux listes ayant le plus grand nombre de suffrages

inutilisés. Cette technique de répartition est réputée favorable aux petits partis.

S’agissant de la technique de répartition à la plus forte moyenne, elle est réalisée

comme son nom l’indique sur la base de la plus forte moyenne. Celle-ci est le résultat du

rapport entre un nouveau chiffre répartiteur et le nombre de suffrages obtenus par chaque

liste. Le nouveau chiffre répartiteur correspond au nombre de sièges recueillis par chaque liste

après la première répartition, plus un siège fictif.

Par ce procédé, on attribue à la distribution des sièges restants, un par un, jusqu’à

épuisement. Ce système de répartition est réputé plus favorable aux grands partis.

Il y a ensuite la technique d’Hondt qui permet de déterminer, grâce à une seule

opération, le nombre de sièges auxquels chaque liste aurait droit en divisant ces suffrages

obtenus par chaque liste par 1,2,3,4 ou plus selon le nombre de siéges en compétition. Les

résultats ainsi obtenus sont rangés par ordre décroissant jusqu’à concurrence du nombre de

sièges à pourvoir. C’est le dernier suffrage que constitue le chiffre de répartiteur ou le

quotient (système-belge). Il existe d’autres techniques qui permettent de répartir par ailleurs

les sièges restants mais elles sont moins utilisées parce que plus compliquées. A côté des

scrutins majoritaire et proportionnel il y a le système mixte.

c – Le système mixte

C’est l’ensemble des systèmes électoraux fondés sur le combinaison du système

majoritaire avec le système proportionnel. La finalité des systèmes mixtes c’est la

maximisation des avantages que comportent le scrutin proportionnel et le scrutin majoritaire.

L’exemple type des systèmes mixtes, c’est la technique de vote qui est en vigueur en

République Fédérale d’Allemagne de laquelle nous nous sommes inspiré. En Allemagne,

l’électeur dispose de deux voix, la première sert à désigner la moitié des députés du

Bundestag au suffrage uninominal majoritaire dans le cadre des Landers., l’autre permet

d’élire la moitié de ces députés à la représentation proportionnelle sur une liste nationale

présentée par chaque parti politique. Au Sénégal, c’est la même logique qui prévaut sauf que

l’électeur ne dispose ici que d’une voix. Mais la grande question qu’on n’arrête pas de se

poser dans les grandes démocraties, c’est de savoir : qu’est-ce qui fonde le choix d’un mode

de scrutin donné ?

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Page 62: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

2 – Répercussion des modes de scrutin sur le système politique

Chaque mode de scrutin comporte des avantages et des inconvénients perceptibles à

certains niveaux dont celui du nombre de partis existants et celui du système politique lui-

même. D’impressionnants travaux de recherche ont été consacrés à la question mais c’est

surtout l’étude de Maurice Duverger au début des années 50 sur : « l’influence des systèmes

électoraux sur la vie politique » qui retient l’attention. Il a dégagé ce que d’autres auteurs

appelleront par la suite les lois sociologiques de Maurice Duverger. Celui-ci relativisera cette

appellation. Ces lois sociologiques sont au nombre de trois. La première suggère que

l’adoption du scrutin majoritaire uninominal à un tour conduit « nécessairement » à un

système bipartisan (Système politique au sein duquel ce sont deux grandes formations qui se

partagent le pouvoir en s’y succédant comme en Grande-Bretagne ou aux USA par exemple).

Ce mode de scrutin est généralement caractérisé par ce que l’on appelle le vote utile

des électeurs (l’électeur pense qu’il n’est pas utile de donner sa seule voix à un parti qui a peu

de chance d’accéder au pouvoir). Ce mode de scrutin comporte des avantages à savoir la

clarté et la simplicité qui sont les gages d’une stabilité gouvernementale et qui ouvrent la

possibilité à l’alternance. Cependant ces avantages sont contrebalancés par l’injustice et

l’inéquité notamment à l’égard des petits partis qui sont de fait privés de représentation

parlementaire. La deuxième loi de Duverger enseigne que le système majoritaire à deux tours

favoriserait contrairement au premier, un multipartisme modéré en ce qui qu’il permet au

premier group de se compter au premier tour c’est-à-dire de voter par leur sensibilité politique

réelle avant de voter utile au second tour. D’où une chance pour les petits partis de subsister

grâce à la logique des alliances qu’ils pourraient essentiellement nouer au second tour.

Exemple : la France, sous la Vème République, lors des scrutins législatifs, système électoral

sénégalais. Les avantages attendus ici c’est qu’il y aura une stabilité gouvernementale du fait

d’une bipolarisation de la vie politique (Exemple : la gauche et la droite). Mais ces avantages

sont contrebalancés par des inconvénients qui tiennent aux tractations (alliances) politiques et

qui conduisent à des alliances contre nature du point de vue idéologique.

La 3ème loi c’est celle qui dit que l’instauration de la représentation proportionnelle

permettrait de déboucher sur le multipartisme. L’explication ici c’est que dans la mesure où

les électeurs seraient assurés de voir effectivement leurs suffrages au décompte final du

nombre de siège devant revenir à leur liste préférée, ils donneraient libre cours à leurs

préférences idéologiques ou partisanes. Le principal avantage est le renforcement de la

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Page 63: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

présence des partis notamment au sein du Parlement. Les inconvénients résident en ce que ce

mode de scrutin entraîne le dispersion de l’électorat et par voie de conséquence l’éclatement

de la représentation parlementaire, d’où le risque d’instabilité politique c’est-à-dire des

situations où les partis politiques exercent une emprise sur le système, ce qui se traduit par des

tractations politiciennes permanentes. Exemple : 3ème ou 4ème République en France.

Mais il y a lieu de nuancer ces enseignements de Duverger en ce que tout d’une part,

les conséquences du choix d’un mode de scrutin ne sont jamais uniformes ou linéaires, et que

d’autre la tendance dans les faits est au rééquilibrage entre les effets induits des principaux

modes de scrutin par le succès grandissant des scrutins ou systèmes mixtes. Cependant la

dévolution du pouvoir ne se fait pas toujours de manière pacifique.

B – Les modes de scrutin

Le mode de scrutin peut être défini comme étant un système, ou une technique ou

l’ensemble des techniques qui permettent de déterminer les élus à partir du vote des électeurs.

Le choix d’un mode de scrutin revêt une grande importance dans la mesure où il est révélateur

dans un régime politique de la façon dont un pays est gouverné et mais aussi des rapports que

ce système de gouvernement entretient avec la démocratie. Le choix et le déroulement d’un

mode de scrutin, on en convient aujourd’hui largement dans les Etats démocratiques, doit être

articulé autour de trois principes majeurs que sont la liberté du vote, la sincérité du scrutin et

enfin l’égalité du vote. L’importance de ces trois principes dans l’évaluation d’un scrutin ou

d’un mode de scrutin à l’aune de l’exigence démocratique, implique deux choses. La première

c’est qu’il faut veiller à la consécration théorique des trois principes par tout système qui se

veut démocratique. La deuxième c’est de veiller à ce que dans l’organisation matérielle du

scrutin, ces trois principes ne soient dénaturés par des données techniques. Exemple : le

gerrymandering qui consiste à tailler ou à découper sur mesure des circonscriptions

électorales par les candidats qui auraient la majorité au pouvoir. Il est aussi appelé la

technique de la salamandre.

1° - Présentation des modes de scrutin

On oppose généralement dans l’étude de ces modes de scrutin, le scrutin majoritaire et

le scrutin proportionnel. Entre ces deux pôles, s’intercalent de nombreux systèmes, de vote

qui sont qualifiés de mixte parce qu’ils empruntent à l’un et à l’autre leurs avantages

respectifs en essayant de les cumuler. Dès lors, il importe de préciser les contenus de ces trois

modèles.

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Page 64: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

a – Le scrutin majoritaire

Il se définit comme étant la technique de représentation ou le procédé de répartition

qui permet d’attribuer les sièges mis en compétition aux candidats ou à la liste ayant reçu à

l’issue des confrontations le plus grand nombre de voix. Ce type de scrutin peut se réaliser de

différentes façons. Il est uninominal lorsqu’il oppose plusieurs candidats qui se présenteraient

individuellement devant les électeurs. C’est là un mode de scrutin qui ne se réalise

généralement que dans le cadre de petites et moyennes circonscriptions. Mais il peut aussi

opposer plusieurs candidats regroupés des différentes listes sur la base d’une affinité

idéologique ou politique. D’où son appellation de scrutin de liste ou scrutin plurinominal.

Dans le cadre de ce type de scrutin, des possibilités sont offertes aux électeurs de procéder

eux-mêmes à différentes combinaisons entre les listes.

Dans ce cas là on dit que le panachage et le vote préférentiel existent. Lorsqu’on les

refuse, on est en présence d’un scrutin de liste bloqué. Le scrutin majoritaire peut être à un ou

à deux tours. Il est à un tour lorsque la majorité relative suffit pour être élu. En d’autres

termes, le (s) siège (s) sont attribués aux candidats en tête quelle que soit son avance sur les

autres. Il est à deux tours quand l’élection n’est acquise du 1er coup qu’à la majorité absolue

ou à la majorité qualifiée. On parle de la majorité absolue lorsqu’il s’agit de considérer la

moitié des votants plus une voix ; tandis que dans le cadre de la majorité qualifiée, il est

question d’un pourcentage plus important de la majorité des voix que l’on combine

généralement avec l’autre pourcentage des inscrits. A défaut de ce type de majorité, il est

procédé à un second tour entre les candidats arrivés en tête soit en fonction de leur rang ou du

pourcentage de voix qu’ils ont recueilli (ballottage).

b – Le scrutin proportionnel

C’est une technique qui consiste à répartir des sièges en compétition entre les

différentes listes en présence au prorata des voix que chacune d’elles a recueillies dans le

cadre de cette compétition. D’un point de vue historique, ce mode de scrutin serait né en

Belgique, à la fin du 19ème siècle (créé par Hondt). C’est un mode de scrutin qui est loin d’être

simple. Il pose en effet, de nombreux problèmes dont deux sont d’une grande acuité. Il s’agit

respectivement de la détermination du chiffre ou nombre de référence c’est-à-dire un nombre

uniforme et identique qui permet d’envisager ou d’accepter l’élection de tout candidat (c’est

le quotient électoral) et d’autre part la répartition des restes de voix après la première

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Page 65: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

opération de distribution. Le quotient électoral c’est le nombre de voix qui donne droit à un

siège. Autant de fois ce chiffre est contenu dans le total de voix recueillies par une liste autant

de candidats élus obtient cette liste. On recense trois variétés de quotient électoral : quotients

uniforme, local et national.

Le quotient est dit uniforme ou fixe lorsqu’il désigne la quantité de voix pré-

déterminées au plan national et qui serait nécessaire pour avoir droit à un siège. On parle par

ailleurs de quotient local lorsqu’on divise le nombre total de suffrages exprimés par le nombre

de sièges à pourvoir au plan local. Enfin le quotient est dit national lorsqu’on vise le quotient

qui est obtenu en divisant le total des suffrages valablement exprimés au plan national, par le

nombre de sièges à pourvoir. Ce quotient dit national est réputé plus conforme à l’esprit de

justice qui fonde le système de la représentation proportionnelle. Mais le choix du quotient

national ne remplit réellement cette fonction que dans le cadre de la représentation

proportionnelle intégrale. Celle-ci est un système de répartition dans lequel, les restes sont

distribués sur la base d’un nouveau quotient déterminé après division du nombre de voix non

utilisés au plan national par le nombre de sièges restants. Mais, il s’agit d’un procédé qui est

rarement utilisé.

Le plus courant, c’est la représentation proportionnelle approchée qui postule la mise

en œuvre de trois techniques principales de répartition des restes. Ce sont les techniques de la

répartition au plus fort reste, à la plus forte moyenne. Selon la méthode du plus fort reste, elle

consiste à attribuer les sièges restants aux listes ayant le plus grand nombre de suffrages

inutilisés. Cette technique de répartition est réputée favorable aux petits partis.

S’agissant de la technique de répartition à la plus forte moyenne, elle est réalisée

comme son nom l’indique sur la base de la plus forte moyenne. Celle-ci est le résultat du

rapport entre un nouveau chiffre répartiteur et le nombre de suffrages obtenus par chaque

liste. Le nouveau chiffre répartiteur correspond au nombre de sièges recueillis par chaque liste

après la première répartition, plus un siège fictif.

Par ce procédé, on attribue à la distribution des sièges restants, un par un, jusqu’à

épuisement. Ce système de répartition est réputé plus favorable aux grands partis.

Il y a ensuite la technique d’Hondt qui permet de déterminer, grâce à une seule

opération, le nombre de sièges auxquels chaque liste aurait droit en divisant ces suffrages

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Page 66: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

obtenus par chaque liste par 1,2,3,4 ou plus selon le nombre de siéges en compétition. Les

résultats ainsi obtenus sont rangés par ordre décroissant jusqu’à concurrence du nombre de

sièges à pourvoir. C’est le dernier suffrage que constitue le chiffre de répartiteur ou le

quotient (système-belge). Il existe d’autres techniques qui permettent de répartir par ailleurs

les sièges restants mais elles sont moins utilisées parce que plus compliquées. A côté des

scrutins majoritaire et proportionnel il y a le système mixte.

c – Le système mixte

C’est l’ensemble des systèmes électoraux fondés sur le combinaison du système

majoritaire avec le système proportionnel. La finalité des systèmes mixtes c’est la

maximisation des avantages que comportent le scrutin proportionnel et le scrutin majoritaire.

L’exemple type des systèmes mixtes, c’est la technique de vote qui est en vigueur en

République Fédérale d’Allemagne de laquelle nous nous sommes inspiré. En Allemagne,

l’électeur dispose de deux voix, la première sert à désigner la moitié des députés du

Bundestag au suffrage uninominal majoritaire dans le cadre des Landers., l’autre permet

d’élire la moitié de ces députés à la représentation proportionnelle sur une liste nationale

présentée par chaque parti politique. Au Sénégal, c’est la même logique qui prévaut sauf que

l’électeur ne dispos ici que d’une voix. Mais la grande question qu’on n’arrête pas de se poser

dans les grandes démocraties, c’est de savoir : qu’est-ce qui fonde le choix d’un mode de

scrutin donné ?

2 – Répercussion des modes de scrutin sur le système politique

Chaque mode de scrutin comporte des avantages et des inconvénients perceptibles à

certains niveaux dont celui du nombre de partis existants et celui du système politique lui-

même. D’impressionnants travaux de recherche ont été consacrés à la question mais c’est

surtout l’étude de Maurice Duverger au début des années 50 sur : « l’influence des systèmes

électoraux sur la vie politique » qui retient l’attention. Il a dégagé ce que d’autres auteurs

appelleront par la suite les lois sociologiques de Maurice Duverger. Celui-ci relativisera cette

appellation. Ces lois sociologiques sont au nombre de trois. La première suggère que

l’adoption du scrutin majoritaire uninominal à un tour conduit « nécessairement » à un

système bipartisan (Système politique au sein duquel ce sont deux grandes formations qui se

partagent le pouvoir en s’y succédant comme en Grande-Bretagne ou aux USA par exemple).

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Ce mode de scrutin est généralement caractérisé par ce que l’on appelle le vote utile

des électeurs (l’électeur pense qu’il n’est pas utile de donner sa seule voix à un parti qui a peu

de chance d’accéder au pouvoir). Ce mode de scrutin comporte des avantages à savoir la

clarté et la simplicité qui sont les gages d’une stabilité gouvernementale et qui ouvrent la

possibilité à l’alternance. Cependant ces avantages sont contrebalancés par l’injustice et

l’inéquité notamment à l’égard des petits partis qui sont de fait privés de représentation

parlementaire. La deuxième loi de Duverger enseigne que le système majoritaire à deux tours

favoriserait contrairement au premier, un multipartisme modéré en ce qui qu’il permet au

premier group de se compter au premier tour c’est-à-dire de voter par leur sensibilité politique

réelle avant de voter utile au second tour. D’où une chance pour les petits partis de subsister

grâce à la logique des alliances qu’ils pourraient essentiellement nouer au second tour.

Exemple : la France, sous la Vème République, lors des scrutins législatifs, système électoral

sénégalais. Les avantages attendus ici c’est qu’il y aura une stabilité gouvernementale du fait

d’une bipolarisation de la vie politique (Exemple : la gauche et la droite). Mais ces avantages

sont contrebalancés par des inconvénients qui tiennent aux tractations (alliances) politiques et

qui conduisent à des alliances contre nature du point de vue idéologique.

La 3ème loi c’est celle qui dit que l’instauration de la représentation proportionnelle

permettrait de déboucher sur le multipartisme. L’explication ici c’est que dans la mesure où

les électeurs seraient assurés de voir effectivement leurs suffrages au décompte final du

nombre de siège devant revenir à leur liste préférée, ils donneraient libre cours à leurs

préférences idéologiques ou partisanes. Le principal avantage est le renforcement de la

présence des partis notamment au sein du Parlement. Les inconvénients résident en ce que ce

mode de scrutin entraîne le dispersion de l’électorat et par voie de conséquence l’éclatement

de la représentation parlementaire, d’où le risque d’instabilité politique c’est-à-dire des

situations où les partis politiques exercent une emprise sur le système, ce qui se traduit par des

tractations politiciennes permanentes. Exemple : 3ème ou 4ème République en France.

Mais il y a lieu de nuancer ces enseignements de Duverger en ce que tout d’une part,

les conséquences du choix d’un mode de scrutin ne sont jamais uniformes ou linéaires, et que

d’autre la tendance dans les faits est au rééquilibrage entre les effets induits des principaux

modes de scrutin par le succès grandissant des scrutins ou systèmes mixtes. Cependant la

dévolution du pouvoir ne se fait pas toujours de manière pacifique.

67

Page 68: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

B – Les modes de scrutin

Le mode de scrutin peut être défini comme étant un système, ou une technique ou

l’ensemble des techniques qui permettent de déterminer les élus à partir du vote des électeurs.

Le choix d’un mode de scrutin revêt une grande importance dans la mesure où il est

révélateur dans un régime politique de la façon dont un pays est gouverné et mais aussi des

rapports que ce système de gouvernement entretient avec la démocratie. Le choix et le

déroulement d’un mode de scrutin, on en convient aujourd’hui largement dans les Etats

démocratiques, doit être articulé autour de trois principes majeurs que sont la liberté du vote,

la sincérité du scrutin et enfin l’égalité du vote. L’importance de ces trois principes dans

l’évaluation d’un scrutin ou d’un mode de scrutin à l’aune de l’exigence démocratique,

implique deux choses. La première c’est qu’il faut veiller à la consécration théorique des trois

principes par tout système qui se veut démocratique. La deuxième c’est de veiller à ce que

dans l’organisation matérielle du scrutin, ces trois principes ne soient dénaturés par des

données techniques. Exemple : le gerrymandering qui consiste à tailler ou à découper sur

mesure des circonscriptions électorales par les candidats qui auraient la majorité au pouvoir. Il

est aussi appelé la technique de la salamandre.

1° - Présentation des modes de scrutin

On oppose généralement dans l’étude de ces modes de scrutin, le scrutin majoritaire et

le scrutin proportionnel. Entre ces deux pôles, s’intercalent de nombreux systèmes, de vote

qui sont qualifiés de mixte parce qu’ils empruntent à l’un et à l’autre leurs avantages

respectifs en essayant de les cumuler. Dès lors, il importe de préciser les contenus de ces trois

modèles.

a – Le scrutin majoritaire

Il se définit comme étant la technique de représentation ou le procédé de répartition

qui permet d’attribuer les sièges mis en compétition aux candidats ou à la liste ayant reçu à

l’issue des confrontations le plus grand nombre de voix. Ce type de scrutin peut se réaliser de

différentes façons. Il est uninominal lorsqu’il oppose plusieurs candidats qui se présenteraient

individuellement devant les électeurs. C’est là un mode de scrutin qui ne se réalise

généralement que dans le cadre de petites et moyennes circonscriptions. Mais il peut aussi

opposer plusieurs candidats regroupés des différentes listes sur la base d’une affinité

idéologique ou politique. D’où son appellation de scrutin de liste ou scrutin plurinominal.

68

Page 69: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

Dans le cadre de ce type de scrutin, des possibilités sont offertes aux électeurs de procéder

eux-mêmes à différentes combinaisons entre les listes.

Dans ce cas là on dit que le panachage et le vote préférentiel existent. Lorsqu’on les

refuse, on est en présence d’un scrutin de liste bloqué. Le scrutin majoritaire peut être à un ou

à deux tours. Il est à un tour lorsque la majorité relative suffit pour être élu. En d’autres

termes, le (s) siège (s) sont attribués aux candidats en tête quelle que soit son avance sur les

autres. Il est à deux tours quand l’élection n’est acquise du 1er coup qu’à la majorité absolue

ou à la majorité qualifiée. On parle de la majorité absolue lorsqu’il s’agit de considérer la

moitié des votants plus une voix ; tandis que dans le cadre de la majorité qualifiée, il est

question d’un pourcentage plus important de la majorité des voix que l’on combine

généralement avec l’autre pourcentage des inscrits. A défaut de ce type de majorité, il est

procédé à un second tour entre les candidats arrivés en tête soit en fonction de leur rang ou du

pourcentage de voix qu’ils ont recueilli (ballottage).

b – Le scrutin proportionnel

C’est une technique qui consiste à répartir des sièges en compétition entre les

différentes listes en présence au prorata des voix que chacune d’elles a recueillies dans le

cadre de cette compétition. D’un point de vue historique, ce mode de scrutin serait né en

Belgique, à la fin du 19ème siècle (créé par Hondt). C’est un mode de scrutin qui est loin d’être

simple. Il pose en effet, de nombreux problèmes dont deux sont d’une grande acuité. Il s’agit

respectivement de la détermination du chiffre ou nombre de référence c’est-à-dire un nombre

uniforme et identique qui permet d’envisager ou d’accepter l’élection de tout candidat (c’est

le quotient électoral) et d’autre part la répartition des restes de voix après la première

opération de distribution. Le quotient électoral c’est le nombre de voix qui donne droit à un

siège. Autant de fois ce chiffre est contenu dans le total de voix recueillies par une liste autant

de candidats élus obtient cette liste. On recense trois variétés de quotient électoral : quotients

uniforme, local et national.

Le quotient est dit uniforme ou fixe lorsqu’il désigne la quantité de voix pré-

déterminées au plan national et qui serait nécessaire pour avoir droit à un siège. On parle par

ailleurs de quotient local lorsqu’on divise le nombre total de suffrages exprimés par le nombre

de sièges à pourvoir au plan local. Enfin le quotient est dit national lorsqu’on vise le quotient

qui est obtenu en divisant le total des suffrages valablement exprimés au plan national, par le

69

Page 70: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

nombre de sièges à pourvoir. Ce quotient dit national est réputé plus conforme à l’esprit de

justice qui fonde le système de la représentation proportionnelle. Mais le choix du quotient

national ne remplit réellement cette fonction que dans le cadre de la représentation

proportionnelle intégrale. Celle-ci est un système de répartition dans lequel, les restes sont

distribués sur la base d’un nouveau quotient déterminé après division du nombre de voix non

utilisés au plan national par le nombre de sièges restants. Mais, il s’agit d’un procédé qui est

rarement utilisé.

Le plus courant, c’est la représentation proportionnelle approchée qui postule la mise

en œuvre de trois techniques principales de répartition des restes. Ce sont les techniques de la

répartition au plus fort reste, à la plus forte moyenne. Selon la méthode du plus fort reste, elle

consiste à attribuer les sièges restants aux listes ayant le plus grand nombre de suffrages

inutilisés. Cette technique de répartition est réputée favorable aux petits partis.

S’agissant de la technique de répartition à la plus forte moyenne, elle est réalisée

comme son nom l’indique sur la base de la plus forte moyenne. Celle-ci est le résultat du

rapport entre un nouveau chiffre répartiteur et le nombre de suffrages obtenus par chaque

liste. Le nouveau chiffre répartiteur correspond au nombre de sièges recueillis par chaque liste

après la première répartition, plus un siège fictif.

Par ce procédé, on attribue à la distribution des sièges restants, un par un, jusqu’à

épuisement. Ce système de répartition est réputé plus favorable aux grands partis.

Il y a ensuite la technique d’Hondt qui permet de déterminer, grâce à une seule

opération, le nombre de sièges auxquels chaque liste aurait droit en divisant ces suffrages

obtenus par chaque liste par 1,2,3,4 ou plus selon le nombre de siéges en compétition. Les

résultats ainsi obtenus sont rangés par ordre décroissant jusqu’à concurrence du nombre de

sièges à pourvoir. C’est le dernier suffrage que constitue le chiffre de répartiteur ou le

quotient (système-belge). Il existe d’autres techniques qui permettent de répartir par ailleurs

les sièges restants mais elles sont moins utilisées parce que plus compliquées. A côté des

scrutins majoritaire et proportionnel il y a le système mixte.

c – Le système mixte

C’est l’ensemble des systèmes électoraux fondés sur le combinaison du système

majoritaire avec le système proportionnel. La finalité des systèmes mixtes c’est la

70

Page 71: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

maximisation des avantages que comportent le scrutin proportionnel et le scrutin majoritaire.

L’exemple type des systèmes mixtes, c’est la technique de vote qui est en vigueur en

République Fédérale d’Allemagne de laquelle nous nous sommes inspiré. En Allemagne,

l’électeur dispose de deux voix, la première sert à désigner la moitié des députés du

Bundestag au suffrage uninominal majoritaire dans le cadre des Landers., l’autre permet

d’élire la moitié de ces députés à la représentation proportionnelle sur une liste nationale

présentée par chaque parti politique. Au Sénégal, c’est la même logique qui prévaut sauf que

l’électeur ne dispos ici que d’une voix. Mais la grande question qu’on n’arrête pas de se poser

dans les grandes démocraties, c’est de savoir : qu’est-ce qui fonde le choix d’un mode de

scrutin donné ?

2 – Répercussion des modes de scrutin sur le système politique

Chaque mode de scrutin comporte des avantages et des inconvénients perceptibles à

certains niveaux dont celui du nombre de partis existants et celui du système politique lui-

même. D’impressionnants travaux de recherche ont été consacrés à la question mais c’est

surtout l’étude de Maurice Duverger au début des années 50 sur : « l’influence des systèmes

électoraux sur la vie politique » qui retient l’attention. Il a dégagé ce que d’autres auteurs

appelleront par la suite les lois sociologiques de Maurice Duverger. Celui-ci relativisera cette

appellation. Ces lois sociologiques sont au nombre de trois. La première suggère que

l’adoption du scrutin majoritaire uninominal à un tour conduit « nécessairement » à un

système bipartisan (Système politique au sein duquel ce sont deux grandes formations qui se

partagent le pouvoir en s’y succédant comme en Grande-Bretagne ou aux USA par exemple).

Ce mode de scrutin est généralement caractérisé par ce que l’on appelle le vote utile

des électeurs (l’électeur pense qu’il n’est pas utile de donner sa seule voix à un parti qui a peu

de chance d’accéder au pouvoir). Ce mode de scrutin comporte des avantages à savoir la

clarté et la simplicité qui sont les gages d’une stabilité gouvernementale et qui ouvrent la

possibilité à l’alternance. Cependant ces avantages sont contrebalancés par l’injustice et

l’inéquité notamment à l’égard des petits partis qui sont de fait privés de représentation

parlementaire. La deuxième loi de Duverger enseigne que le système majoritaire à deux tours

favoriserait contrairement au premier, un multipartisme modéré en ce qui qu’il permet au

premier group de se compter au premier tour c’est-à-dire de voter par leur sensibilité politique

réelle avant de voter utile au second tour. D’où une chance pour les petits partis de subsister

grâce à la logique des alliances qu’ils pourraient essentiellement nouer au second tour.

71

Page 72: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

Exemple : la France, sous la Vème République, lors des scrutins législatifs, système électoral

sénégalais. Les avantages attendus ici c’est qu’il y aura une stabilité gouvernementale du fait

d’une bipolarisation de la vie politique (Exemple : la gauche et la droite). Mais ces avantages

sont contrebalancés par des inconvénients qui tiennent aux tractations (alliances) politiques et

qui conduisent à des alliances contre nature du point de vue idéologique.

La 3ème loi c’est celle qui dit que l’instauration de la représentation proportionnelle

permettrait de déboucher sur le multipartisme. L’explication ici c’est que dans la mesure où

les électeurs seraient assurés de voir effectivement leurs suffrages au décompte final du

nombre de siège devant revenir à leur liste préférée, ils donneraient libre cours à leurs

préférences idéologiques ou partisanes. Le principal avantage est le renforcement de la

présence des partis notamment au sein du Parlement. Les inconvénients résident en ce que ce

mode de scrutin entraîne le dispersion de l’électorat et par voie de conséquence l’éclatement

de la représentation parlementaire, d’où le risque d’instabilité politique c’est-à-dire des

situations où les partis politiques exercent une emprise sur le système, ce qui se traduit par des

tractations politiciennes permanentes. Exemple : 3ème ou 4ème République en France.

Mais il y a lieu de nuancer ces enseignements de Duverger en ce que tout d’une part,

les conséquences du choix d’un mode de scrutin ne sont jamais uniformes ou linéaires, et que

d’autre la tendance dans les faits est au rééquilibrage entre les effets induits des principaux

modes de scrutin par le succès grandissant des scrutins ou systèmes mixtes. Cependant la

dévolution du pouvoir ne se fait pas toujours de manière pacifique.

B – Les modes de scrutin

Le mode de scrutin peut être défini comme étant un système, ou une technique ou

l’ensemble des techniques qui permettent de déterminer les élus à partir du vote des électeurs.

Le choix d’un mode de scrutin revêt une grande importance dans la mesure où il est révélateur

dans un régime politique de la façon dont un pays est gouverné et mais aussi des rapports que

ce système de gouvernement entretient avec la démocratie. Le choix et le déroulement d’un

mode de scrutin, on en convient aujourd’hui largement dans les Etats démocratiques, doit être

articulé autour de trois principes majeurs que sont la liberté du vote, la sincérité du scrutin et

enfin l’égalité du vote. L’importance de ces trois principes dans l’évaluation d’un scrutin ou

d’un mode de scrutin à l’aune de l’exigence démocratique, implique deux choses. La première

c’est qu’il faut veiller à la consécration théorique des trois principes par tout système qui se

veut démocratique. La deuxième c’est de veiller à ce que dans l’organisation matérielle du

72

Page 73: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

scrutin, ces trois principes ne soient dénaturés par des données techniques. Exemple : le

gerrymandering qui consiste à tailler ou à découper sur mesure des circonscriptions

électorales par les candidats qui auraient la majorité au pouvoir. Il est aussi appelé la

technique de la salamandre.

1° - Présentation des modes de scrutin

On oppose généralement dans l’étude de ces modes de scrutin, le scrutin majoritaire et

le scrutin proportionnel. Entre ces deux pôles, s’intercalent de nombreux systèmes, de vote

qui sont qualifiés de mixte parce qu’ils empruntent à l’un et à l’autre leurs avantages

respectifs en essayant de les cumuler. Dès lors, il importe de préciser les contenus de ces trois

modèles.

a – Le scrutin majoritaire

Il se définit comme étant la technique de représentation ou le procédé de répartition

qui permet d’attribuer les sièges mis en compétition aux candidats ou à la liste ayant reçu à

l’issue des confrontations le plus grand nombre de voix. Ce type de scrutin peut se réaliser de

différentes façons. Il est uninominal lorsqu’il oppose plusieurs candidats qui se présenteraient

individuellement devant les électeurs. C’est là un mode de scrutin qui ne se réalise

généralement que dans le cadre de petites et moyennes circonscriptions. Mais il peut aussi

opposer plusieurs candidats regroupés des différentes listes sur la base d’une affinité

idéologique ou politique. D’où son appellation de scrutin de liste ou scrutin plurinominal.

Dans le cadre de ce type de scrutin, des possibilités sont offertes aux électeurs de procéder

eux-mêmes à différentes combinaisons entre les listes.

Dans ce cas là on dit que le panachage et le vote préférentiel existent. Lorsqu’on les

refuse, on est en présence d’un scrutin de liste bloqué. Le scrutin majoritaire peut être à un ou

à deux tours. Il est à un tour lorsque la majorité relative suffit pour être élu. En d’autres

termes, le (s) siège (s) sont attribués aux candidats en tête quelle que soit son avance sur les

autres. Il est à deux tours quand l’élection n’est acquise du 1er coup qu’à la majorité absolue

ou à la majorité qualifiée. On parle de la majorité absolue lorsqu’il s’agit de considérer la

moitié des votants plus une voix ; tandis que dans le cadre de la majorité qualifiée, il est

question d’un pourcentage plus important de la majorité des voix que l’on combine

généralement avec l’autre pourcentage des inscrits. A défaut de ce type de majorité, il est

73

Page 74: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

procédé à un second tour entre les candidats arrivés en tête soit en fonction de leur rang ou du

pourcentage de voix qu’ils ont recueilli (ballottage).

b – Le scrutin proportionnel

C’est une technique qui consiste à répartir des sièges en compétition entre les

différentes listes en présence au prorata des voix que chacune d’elles a recueillies dans le

cadre de cette compétition. D’un point de vue historique, ce mode de scrutin serait né en

Belgique, à la fin du 19ème siècle (créé par Hondt). C’est un mode de scrutin qui est loin d’être

simple. Il pose en effet, de nombreux problèmes dont deux sont d’une grande acuité. Il s’agit

respectivement de la détermination du chiffre ou nombre de référence c’est-à-dire un nombre

uniforme et identique qui permet d’envisager ou d’accepter l’élection de tout candidat (c’est

le quotient électoral) et d’autre part la répartition des restes de voix après la première

opération de distribution. Le quotient électoral c’est le nombre de voix qui donne droit à un

siège. Autant de fois ce chiffre est contenu dans le total de voix recueillies par une liste autant

de candidats élus obtient cette liste. On recense trois variétés de quotient électoral : quotients

uniforme, local et national.

Le quotient est dit uniforme ou fixe lorsqu’il désigne la quantité de voix pré-

déterminées au plan national et qui serait nécessaire pour avoir droit à un siège. On parle par

ailleurs de quotient local lorsqu’on divise le nombre total de suffrages exprimés par le nombre

de sièges à pourvoir au plan local. Enfin le quotient est dit national lorsqu’on vise le quotient

qui est obtenu en divisant le total des suffrages valablement exprimés au plan national, par le

nombre de sièges à pourvoir. Ce quotient dit national est réputé plus conforme à l’esprit de

justice qui fonde le système de la représentation proportionnelle. Mais le choix du quotient

national ne remplit réellement cette fonction que dans le cadre de la représentation

proportionnelle intégrale. Celle-ci est un système de répartition dans lequel, les restes sont

distribués sur la base d’un nouveau quotient déterminé après division du nombre de voix non

utilisés au plan national par le nombre de sièges restants. Mais, il s’agit d’un procédé qui est

rarement utilisé.

Le plus courant, c’est la représentation proportionnelle approchée qui postule la mise

en œuvre de trois techniques principales de répartition des restes. Ce sont les techniques de la

répartition au plus fort reste, à la plus forte moyenne. Selon la méthode du plus fort reste, elle

74

Page 75: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

consiste à attribuer les sièges restants aux listes ayant le plus grand nombre de suffrages

inutilisés. Cette technique de répartition est réputée favorable aux petits partis.

S’agissant de la technique de répartition à la plus forte moyenne, elle est réalisée

comme son nom l’indique sur la base de la plus forte moyenne. Celle-ci est le résultat du

rapport entre un nouveau chiffre répartiteur et le nombre de suffrages obtenus par chaque

liste. Le nouveau chiffre répartiteur correspond au nombre de sièges recueillis par chaque liste

après la première répartition, plus un siège fictif.

Par ce procédé, on attribue à la distribution des sièges restants, un par un, jusqu’à

épuisement. Ce système de répartition est réputé plus favorable aux grands partis.

Il y a ensuite la technique d’Hondt qui permet de déterminer, grâce à une seule

opération, le nombre de sièges auxquels chaque liste aurait droit en divisant ces suffrages

obtenus par chaque liste par 1,2,3,4 ou plus selon le nombre de siéges en compétition. Les

résultats ainsi obtenus sont rangés par ordre décroissant jusqu’à concurrence du nombre de

sièges à pourvoir. C’est le dernier suffrage que constitue le chiffre de répartiteur ou le

quotient (système-belge). Il existe d’autres techniques qui permettent de répartir par ailleurs

les sièges restants mais elles sont moins utilisées parce que plus compliquées. A côté des

scrutins majoritaire et proportionnel il y a le système mixte.

c – Le système mixte

C’est l’ensemble des systèmes électoraux fondés sur le combinaison du système

majoritaire avec le système proportionnel. La finalité des systèmes mixtes c’est la

maximisation des avantages que comportent le scrutin proportionnel et le scrutin majoritaire.

L’exemple type des systèmes mixtes, c’est la technique de vote qui est en vigueur en

République Fédérale d’Allemagne de laquelle nous nous sommes inspirés. En Allemagne,

l’électeur dispose de deux voix, la première sert à désigner la moitié des députés du

Bundestag au suffrage uninominal majoritaire dans le cadre des Landers., l’autre permet

d’élire la moitié de ces députés à la représentation proportionnelle sur une liste nationale

présentée par chaque parti politique. Au Sénégal, c’est la même logique qui prévaut sauf que

l’électeur ne dispose ici que d’une voix. Mais la grande question qu’on n’arrête pas de se

poser dans les grandes démocraties, c’est de savoir : qu’est-ce qui fonde le choix d’un mode

de scrutin donné ?

75

Page 76: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

2 – Répercussion des modes de scrutin sur le système politique

Chaque mode de scrutin comporte des avantages et des inconvénients perceptibles à

certains niveaux dont celui du nombre de partis existants et celui du système politique lui-

même. D’impressionnants travaux de recherche ont été consacrés à la question mais c’est

surtout l’étude de Maurice Duverger au début des années 50 sur : « l’influence des systèmes

électoraux sur la vie politique » qui retient l’attention. Il a dégagé ce que d’autres auteurs

appelleront par la suite les lois sociologiques de Maurice Duverger. Celui-ci relativisera cette

appellation. Ces lois sociologiques sont au nombre de trois. La première suggère que

l’adoption du scrutin majoritaire uninominal à un tour conduit « nécessairement » à un

système bipartisan (Système politique au sein duquel ce sont deux grandes formations qui se

partagent le pouvoir en s’y succédant comme en Grande-Bretagne ou aux USA par exemple).

Ce mode de scrutin est généralement caractérisé par ce que l’on appelle le vote utile

des électeurs (l’électeur pense qu’il n’est pas utile de donner sa seule voix à un parti qui a peu

de chance d’accéder au pouvoir). Ce mode de scrutin comporte des avantages à savoir la

clarté et la simplicité qui sont les gages d’une stabilité gouvernementale et qui ouvrent la

possibilité à l’alternance. Cependant ces avantages sont contrebalancés par l’injustice et

l’inéquité notamment à l’égard des petits partis qui sont de fait privés de représentation

parlementaire. La deuxième loi de Duverger enseigne que le système majoritaire à deux tours

favoriserait contrairement au premier, un multipartisme modéré en ce qui qu’il permet au

premier group de se compter au premier tour c’est-à-dire de voter par leur sensibilité politique

réelle avant de voter utile au second tour. D’où une chance pour les petits partis de subsister

grâce à la logique des alliances qu’ils pourraient essentiellement nouer au second tour.

Exemple : la France, sous la Vème République, lors des scrutins législatifs, système électoral

sénégalais. Les avantages attendus ici c’est qu’il y aura une stabilité gouvernementale du fait

d’une bipolarisation de la vie politique (Exemple : la gauche et la droite). Mais ces avantages

sont contrebalancés par des inconvénients qui tiennent aux tractations (alliances) politiques et

qui conduisent à des alliances contre nature du point de vue idéologique.

La 3ème loi c’est celle qui dit que l’instauration de la représentation proportionnelle

permettrait de déboucher sur le multipartisme. L’explication ici c’est que dans la mesure où

les électeurs seraient assurés de voir effectivement leurs suffrages au décompte final du

nombre de siège devant revenir à leur liste préférée, ils donneraient libre cours à leurs

préférences idéologiques ou partisanes. Le principal avantage est le renforcement de la

76

Page 77: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

présence des partis notamment au sein du Parlement. Les inconvénients résident en ce que ce

mode de scrutin entraîne le dispersion de l’électorat et par voie de conséquence l’éclatement

de la représentation parlementaire, d’où le risque d’instabilité politique c’est-à-dire des

situations où les partis politiques exercent une emprise sur le système, ce qui se traduit par des

tractations politiciennes permanentes. Exemple : 3ème ou 4ème République en France.

Mais il y a lieu de nuancer ces enseignements de Duverger en ce que tout d’une part,

les conséquences du choix d’un mode de scrutin ne sont jamais uniformes ou linéaires, et que

d’autre la tendance dans les faits est au rééquilibrage entre les effets induits des principaux

modes de scrutin par le succès grandissant des scrutins ou systèmes mixtes. Cependant la

dévolution du pouvoir ne se fait pas toujours de manière pacifique.

Parag.2 – Les modes de transmission violente du pouvoir : les révolutions et les coups d’Etat

a – les révolutions

La révolution comme mode d’accession au pouvoir est aujourd’hui une forme

surannée, dépassée, bien que certains dirigeants continuent à qualifier leur coup de force de

révolutionnaire. C’est pourquoi nous n’étudierons cette modalité que de façon rapide.

La révolution signifie le renversement par la violence de l’ordre politique établi et son

remplacement par un nouvel ordre (révolutions 1789 ou de 1917). Ce renversement a des

causes et des conséquences.

1 Les causes explicatives des révolutions

Elles sont généralement de trois ordres : politique, économique et parfois culturel. En

effet, les révolutions politiques sont souvent fondées sur une revendication de la liberté

politique. Les causes économiques évoquent généralement la paupérisation des populations

rurales, la famine ou de façon générale l’état de récession économique dont serait victime

l’Etat de façon générale. Les causes sont enfin culturelles, lorsque la révolution a pour objet

de mettre fin à un phénomène d’acculturation qui frapperait les populations. Ces causes

donnent lieu à un certain nombre de conséquences.

2 – Les conséquences des révolutions

77

Page 78: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

Elles peuvent être résumées à l’établissement d’un ordre politique nouveau. Dans cet

établissement, il y a en fait deux choses : l’action de table rase que l’on fait en détruisant tout

ce qui était là et qui symbolisait l’ordre ancien (les organes et les textes) et la mise en place de

nouvelles institutions (organes et textes). Il s’agit donc véritablement de l’avènement d’un

nouveau pouvoir politique qui s’entend de nouvelles classes politiques, d’un nouveau pouvoir

local et de nouvelles mentalités. Mais le phénomène le plus courant et le plus fréquent

aujourd’hui notamment en Afrique, ce sont les coups d’Etat militaires.

b – Les coups d’Etat

D’un point de vue sémantique on serait tenté d’en faire la distinction entre les coups

d’Etat civils et coup d’Etat militaire. Celui-ci est un renversement par la violence du pouvoir

civil et son remplacement par l’autorité militaire. Les coups d’Etat ont des causes et des

conséquences.

1 – Les causes exploratives des coups d’Etat

On en recense deux : causes économiques ou politiques.

S’agissant des causes économiques, on peut évoquer des situations de marasme

économique pouvant donner lieu au déclenchement des révolutions militaires. Le marasme

économique c’est le décalage que l’on note souvent entre la faiblesse des performances

économiques de l’Etat et à la fois l’urgence et l’ampleur des besoins économiques en matière

de nourriture par exemple. Dans ces causes économiques, les auteurs de ces coups d’Etat

s’élisent en justiciers venant sanctionner la faillite des élites politiques. A côté des causes

économiques, il y a les causes politiques. Ce sont des revendications à titre libertaire dans la

mesure où les interventions sont motivées par la volonté de libérer le peuple de l’oppression

politique. En certaines occasions, les militaires interviennent en assumant une fonction

arbitrale pour éviter, soutiennent-ils, le chaos politique ou pour rompre l’immobilisme

politique comme ce fut le cas au Niger avec le Colonel Baré Maynassara (janvier 1996). Mais

derrière ces revendications, il y a en réalité le dessein inavoué de prendre la place des civils.

Evidemment, l’entrée en scène politique des militaires donne lieu à des conséquences d’ordre

institutionnel et politique.

78

Page 79: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

2 – Les conséquences des coups d’Etat

Elles sont surtout institutionnelles dans la mesure où elles se traduisent par la mise en

place de mécanismes et procédés permettant le plus souvent aux nouveaux venus d’asseoir et

de consolider leur place. On voit ici un scénario se dérouler en trois phases : la première c’est

la table rase des organes politiques et des textes. La deuxième correspond la mise en place des

institutions provisoires de substitution. La troisième phase c’est l’adoption d’actes fondateurs

des nouveaux régimes politiques qui suivent l’arrivée au pouvoir des militaires (c’est

l’avènement de nouvelles constitutions). Cette adoption s’accompagne le plus souvent de la

création de nouveaux partis politique et de l’organisation de nouvelles élections. On peut donc

dire de façon générale que cette dernière phase de normalisation politique n’est qu’un leurre,

une simple façade démocratique dans la mesure où ce sont en général des régimes

monocratiques qui sont souvent incapables de densifier à la fois leur assise et leur pratique

politique. Il y a donc ici un risque d’instabilité politique c’est-à-dire une situation dans

laquelle l’exercice du pouvoir politique normal est affecté tant dans ses assises que dans ses

formes classiques de manifestation populaire.

CHAPITRE III – L’EXERCICE DU POUVOIR DE L’ETAT : FONDEMENT JURIDIQUE ET MANIFESTATIONS POLITIQUES

Le pouvoir de l’Etat signifie la faculté ou la prérogative qui serait conférée par le

souverain (peuple) à l’Etat pour gérer les affaires de la société. Cette prérogative est assurée

par des organes publiques dont les tâches qui leur sont imparties font l’objet d’une répartition

suivant un certain nombre de principes ou de règles à caractères soit politique ou juridique,

soit les deux à la fois. Ces textes qui fondent le pouvoir sont contenus dans la constitution qui

servirait ainsi de référence à ce même pouvoir dans ses différentes formes de manifestation. Il

y a lieu de s’intéresser donc tout d’abord à la Constitution.

SECTION I – LE FONDEMENT JURIDIQUE DU POUVOIR : LA CONSTITUTION

Parag.1 – La notion de constitution

Pour bien mesurer l’importance de la Constitution dans l’Etat, il faut se reporter à la

Déclaration Universelle des Droits de l’Homme qui est une œuvre majeure que les

révolutionnaires français ont voulu dédier à l’humanité tout entière notamment en son article

79

Page 80: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

16 qui dispose que l’objet de la Constitution est d’assurer la garantie des droits des citoyens

dans l’Etat en assignant des limites au pouvoir de cet Etat par une certaine disposition des

organes ou pouvoirs publiques. Au regard de ces dispositions, ce qui est énoncé c’est plus

qu’un principe ou une philosophie politique, c’est véritablement un mode d’existence de

l’Etat moderne sur droit. C’est à ce propos que les auteurs ont pu établir un lien entre les

notions de constitution, de constitutionnalisme et d’Etat de droit.

S’agissant du constitutionnalisme, c’est une notion qui serait née dans la Grèce antique

et qui se rapportait alors au corps des lois anciennes qui servaient de fondement à l’action de

l’Etat et qui ne pouvaient de ce fait être modifiés par les lois ordinaires.

Quant à l’Etat de droit, c’est la philosophie politique selon laquelle l’Etat serait fondé

sur le respect des règles de droit articulées selon le principe hiérarchique sur la base duquel il

y aurait une pyramide dont le sommet serait la constitution. Pour ce qui est enfin de dernière,

d’un point de vue historique, elle désignait l’ensemble des règles fondamentales dont l’objet

était de limiter les prérogatives du pouvoir royal. Cette différence de contexte va donner lieu à

différentes formes de constitution que l’on peut en fonction des contextes et des réalités,

opposer entre elles.

a – Les constitutions matérielles et les constitutions formelles

Au sens matériel, la constitution s’entend du contenu des règles qui ont à la fois pour

objet l’organisation et le fonctionnement des pouvoirs publics, les normes qui leur sont

applicables notamment dans leurs rapports avec les particuliers. C’est une définition large de

la constitution matérielle dans la mesure où les règles dont il est question peuvent être écrites

ou non, contenues dans un texte unique ou éparpillées dans plusieurs textes.

Au sens formel, la constitution c’est l’ensemble des règles qui obéissent pour leur

adoption et leur révision à une procédure spécifique.

b – Les constitutions souples et les constitutions rigides

Les constitutions souples sont les constitutions dont les règles n’obéissent pour leur

adoption ou modification à aucune procédure particulière différente de celle-ci, exemple : les

Constitutions de la Grande-Bretagne, de l’Israël, de la Chine (Constitution de 1782). Les

constitutions rigides désignent celles qui aménagent une procédure spécifique, solennelle pour

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l’adoption et la modification des règles qu’elles contiennent (art. 89 de la constitution

française et article 103 de la Constitution sénégalaise du 22 janvier 2001.

c – Les constitutions écrites et les constitutions coutumières

A prime à bord, la notion de constitution renvoie toujours aux règles fondamentales

qui régissent dans l’Etat, l’organisation et le fonctionnement des pouvoirs publiques et qui se

trouvent consignés par ailleurs dans un document solennel et unique : c’est la constitution

écrite. Or toutes les Constitutions ne sont pas écrites. En effet dans certains pays comme la

Grande-Bretagne, les règles essentielles d’organisation et de fonctionnement des pouvoirs

publics ne sont écrites nulle part. Elles font simplement l’objet d’une convention entre les

acteurs du pouvoir politique. Mais il y a lieu de préciser pour ce pays que les conventions

dont il s’agit sont des conventions vieilles de plusieurs siècles. Par ailleurs, toutes les

constitutions ne sont pas qu’écrites car même dans les pays à constitution écrite, des règles

constitutionnelles importantes peuvent naître parfois de façon coutumière. Ici, le plus souvent,

la coutume vient se greffer sur la règle écrite. Tout comme on peut noter dans les pays à

constitution coutumière, la subsistance de règles constitutionnelles écrites à côté d’une

majorité de règles coutumières. La place de la coutume dans la constitution revêt une grande

importance pour les auteurs au point de susciter parfois de larges débats doctrinaux. Mais ce

débat est lui-même induit par la mise en parallèle des avantages et inconvénients des modèles

écrits ou coutumiers de constitution.

Parag.2 – L’établissement et la révision des constitutions

Au moment de la création ou de la refondation de l’Etat, on procède à l’élaboration

d’une constitution. Il s’agit d’un acte inédit qui est l’œuvre du pouvoir constituant originaire

(le PCO). Mais une fois qu’on juge nécessaire de changer les règles d’organisation ou de

fonctionnement de l’Etat au cours de son Existence, on fait alors appel à un pouvoir

constituant dérivé (le PCD).

a – L’élaboration des constitutions

Elaborer ou établir une constitution c’est mettre en place à la fois des institutions et les

règles fondamentales devant régir la vie du groupe. C’est l’œuvre du PCO qui se situe soit

avant ou après les révolutions ou coups d’Etat. Cette œuvre du PCO peut prendre diverses

formes notamment selon trois modalités : l’octroi des constitutions (chartes royales),

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élaboration de la nouvelle constitution par un individu ou un groupe d’individus, l’élaboration

par une assemblée ad-hoc avec ou sans référendum.

- L’octroi des constitutions.

Ce système consiste de la part du monarque à élaborer lui-même une constitution pour

l’octroyer à ses sujets. Il s’agit ici d’une modalité autoritaire d’élaboration de la constitution

dans la mesure où celle-ci est le fait d’un homme qui l’impose par la suite aux citoyens, mais

cet homme n’est rien d’autre que le dirigeant que la providence a donné à un groupe.

L’exemple type se trouve dans la charte de 1814 que le Roi français Louis XVIII a octroyé à

ses sujets au moment où il a fallu restaurer la monarchie après la révolution de 1789.

- L’élaboration de la constitution par un individu ou à un groupe d’individus

Il s’agit d’un processus en deux étapes : la première c’est l’élaboration de la

constitution par les gouvernants (l’exécutif : on peut confier au ministère de la Justice le soin

de mettre en place une nouvelle constitution). La deuxième étape verra l’approbation de ce

projet par le peuple lui-même par voie référendaire. Il s’agit certes ici d’une modalité

démocratique mais qui peut renfermer une dimension plébiscitaire assez dangereuse pour le

système démocratique lui-même.

En effet, ce risque de manipulation apparaît nettement dans la mesure où la rédaction

de la constitution s’est faite en dehors du peuple alors que pour son adoption, son association

étroite avec son promoteur conduit à plébisciter beaucoup plus celui-ci qu’a notifier le texte

en tant que tel. Exemple : Ratification de la constitution sénégalaise de janvier 2001 et celle

napoléonienne de l’an 8.

- L’élaboration de la constitution par une Assemblée Ad-hoc avec ou sans référendum final

Cette modalité comprend deux variantes. La première correspond à la désignation

d’une Assemblée spécialement chargée d’élaborer la constitution. Exemple : les conventions

américaines dont il est fait état dans la constitution de 1789. La deuxième variante est celle

qui débouche sur la mise sur pied d’une Assemblée chargée d’élaborer un texte qui sera

ensuite soumise au référendum. Exemple : constitution de la IVème République française (celle

d’octobre 1946).

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Page 83: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

b - La révision des constitutions

Les constitutions sont certes faites pour durer mais elles n’en doivent pas moins faire

l’objet de révision, autrement dit il y a nécessité de réviser périodiquement la constitution

pour adapter le droit aux faits sociaux. Toutefois le problème se pose de savoir quel type

d’organe mettre en place pour procéder à cette opération et aussi quelles sont les limites qu’on

devrait lui poser ? Les réponses à ces questions tiennent lieu de préalable dans l’étude de la

révision des conditions. Le premier préalable est relatif au principe de la modification : cette

constitution est-elle révisable ou modifiable ? La question mérite d’être posée dans la mesure

où on peut être confronté à une situation dans laquelle une constitution interdit la modification

de façon générale ou la modification de certaines de ses dispositions. Tout comme il est

possible par ailleurs qu’il n’y ait aucune indication sur le caractère modificatif ou non d’une

constitution ou de certaines de ses dispositions. Dans ce cas là que faut-il faire ? Doit-on

s’interdire de modifier cette constitution ou non ? Dans ce cas précis on va être confronté à un

blocage qui pourrait se régler par la violence comme ce fut le cas lorsque Napoléon Bonaparte

organisa le coup d’Etat du 18 Brumaire An 8 pour faire tomber le pouvoir. Autrement dit si

aucune disposition n’est prévue par la révision du texte fondamental, le peuple ou ses

représentants pourraient y pourvoir. Mais cette thèse de non-révision des constitutions a

rarement prévalu dans les faits. Aujourd’hui, la révision est largement prévue et mise en

œuvre par un organe spécifique et selon une ou des procédures (s) préalablement indiquée (s).

Mais il y a aussi un certain nombre de limitations qui sont apportées à l’action de ce P.C.D..

Elles sont de nature diverse et peuvent tenir au temps comme à l’objet de la révision. Mais à

part ces limitations, la révision est largement consacrée par un certain nombre de voies ou

procédures. A ce propos, on parle de procédure de révision. Celle-ci comprend deux grandes

phases : l’initiative et l’approbation ou la modification. S’agissant de la phase de l’initiative,

elle fait l’objet d’une détermination de celles parmi les autorités publiques et politiques qui

doivent prendre la décision d’initier la procédure de révision. S’agissant de l’approbation, elle

fait intervenir le souverain, le détenteur de la prérogative finale dans le groupe, c’est-à-dire le

peuple mais entre la décision de réviser et la révision définitive, peuvent s’intercaler d’autres

actes. C’est l’association de ces différentes phases qui fonde la procédure de révision

proprement dite. Mais cette procédure doit obéir à deux paramètres : le premier est de devoir

éviter une grande complication de cette procédure de modification. Le deuxième est de se

garder d’une trop grande facilité dans la mise en œuvre de cette procédure de révision. En

d’autres termes, la procédure de révision doit être fondée sur un juste milieu qui va assurer la

pérennité de la constitution. Cela étant la procédure de révision comporte trois modalités

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Page 84: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

principales. Mais dans la détermination de ces trois modalités : il n’y a pas nécessité de faire

distinction entre la phase de la discussion sur la révision et l’approbation de ce texte à

proprement parler. La première modification consisterait à faire appel au parlement avec ou

sans formation spécifique et avec ou sans procédure de révision spéciale. La deuxième

modalité tient à la mise sur pied d’une association spécialement désignée à cet effet (Ad hoc)

comme cela peut être le cas dans le système américain. La troisième modalité est

l’intervention du peuple par voie référendaire. S’agissant du Sénégal, on peut dire qu’il y a

une combinaison dans les 1ères et 3ème modalités dans le cadre de l’article 103. Pour conclure

cette interrogation sur l’élaboration et la révision des constitutions, on peut dire qu’elles

constituent des moments essentiels où le peuple se réapproprie sa prérogative de souverain

dans le cadre des systèmes de gouvernement représentatif. Autrement dit, aujourd’hui, on a

des systèmes de gouvernement dans lesquels le pouvoir qui est exercé par les gouvernants

n’est que délégué. Mais il l’est dans un but précis qui est d’atteindre les objectifs qui sont

définis par le peuple lui-même. Reste maintenant à connaître les modalités d’organisation

concrètes du pouvoir politique ou des gouvernants de façon générale, pour y arriver. La

réponse à cette question se trouve dans les manifestations politiques du pouvoir.

SECTION II – LES MANIFESTATIONS POLITIQUES DU POUVOIR

Le pouvoir politique n’existe donc que par et pour le peuple. Il découle de cette

considération générale une nécessité ou un devoir d’organisation conséquente et à la mise en

œuvre efficiente de ce pouvoir. L’organisation du pouvoir politique va se rapporter à la

répartition des tâches de l’Etat en termes de fonction alors que la mise en œuvre efficiente de

ce pouvoir va être possible grâce à l’appui d’un certain nombre de forces organisées.

Parag. 1 – Les fonctions de l’Etat

Il est classique depuis Montesquieu de distinguer trois catégories de fonctions dans

l’Etat : la fonction législative, la fonction exécutive et la fonction juridictionnelle.

a- La fonction législative

Elle a trait à la conception et à la mise en forme des décisions générales qui intéressent

le devenir du groupe. S’agissant de leurs modalités de réalisation, ces décisions générales et

abstraites font l’objet d’actes-règles par lesquels l’organe formule une disposition normative

propre à modifier le droit objectif. C’est grâce à cette fonction législative que l’on crée les

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Page 85: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

lois. Comme nous l’avons vu précédemment la loi peut être définie suivant deux conceptions :

organico-formelle et matérielle. Par ailleurs on rencontre différents types de lois.

b - La fonction exécutive

Cette fonction se confond avec la fonction administrative qui est assurée par le

gouvernement et qui se matérialise dans la mise en œuvre de la règle générale et abstraite.

Elle consiste dans l’exercice d’un certain nombre d’attributions générales tenant à la mise en

œuvre de la force armée et à la mise en œuvre du pouvoir réglementaire, de même que dans

la gestion et le contrôle de l’appareil administratif. Toutefois, dans la cadre de son exercice, la

fonction pose le problème classique de l’autonomie du gouvernement par rapport au

parlement. Ce problème est résolu de façon tout aussi classique par le recours à la

classification des régimes politiques. C’est ainsi que le régime parlementaire postule une

relation de dépendance entre les deux alors que le régime présidentiel est censé être fondé sur

un rapport d’indépendance entre les deux. Mais en la matière il y a lieu de distinguer entre la

théorie et la réalité.

c - La fonction juridictionnelle

Outre la question liée à sa définition, cette fonction pose essentiellement le problème

de ses rapports avec la fonction exécutive. S’agissant de la définition, on peut dire que la

fonction juridictionnelle est le fait d’un certain nombre d’organes de l’Etat qualifiés de

judiciaires, de trancher les litiges qui surviennent entre les personnes dans le groupe. Cette

action d’arbitrage revêt une importance capitale dans la mesure où elle conditionne la

présentation de la liberté politique dans le groupe d’où la question fondamentale de savoir

comment organiser l’exercice de cette fonction de façon à garantir à son organe la neutralité

nécessaire ? La réponse à cette question a été formulée suivant deux niveaux. A un premier

niveau il s’est agi de consacrer par la constitution ou par la loi l’existence du pouvoir ou de

l’autorité qui en aurait la charge et à un deuxième niveau, il a fallu garantir à cette autorité ou

aux organes bénéficiaires, un statut. Une fois les fonctions de l’Etat précisées, il importe

d’étudier les forces politiques en présence.

Parag. 2 – Les forces politiques

Ce sont respectivement les partis politiques et les groupes de pression et il n’est pas

sans intérêt de préciser leurs contenus pour éviter les confusions.

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Page 86: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

a - Les partis politiques

Il y a lieu de voir la définition, les modes de structuration et éventuellement leurs

origines. S’agissant de la définition, on s’accorde aujourd’hui largement dans la doctrine pour

identifier le ou les partis politiques sur la base de quatre critères qui ont été dégagés par des

auteurs américains du nom de Lapalombara et Wiener : le critère de l’organisation durable, de

la structuration nationale comme locale, la volonté de prendre le pouvoir et le soutien

populaire par le canal des élections notamment.

S’agissant de leurs modes de structuration, on évoque gratuitement la démarche

classique qui fut proposée au début des années « 50 ». Maurice Duverger tendant à distinguer

entre les partis de masse et les partis de cadre. Les premiers se caractérisent par la

centralisation des organes et du mode de fonctionnement alors que les seconds seraient

articulés autour d’une organisation très souple ou très large. Mais cette approche est très

fortement remise en cause dans les faits. En effet, aujourd’hui, le constat est que tous les

partis politiques sont organisés de façons rationalisées avec une liaison certaine entre la base

et le sommet. Concernant enfin l’origine des partis politiques, on peut là aussi se rapporter

aux premiers résultats des recherches de Duverger consistant à distinguer entre les partis

d’origine parlementaire (Angleterre) et ceux d’origine extraparlementaire. Les partis d’origine

étant ceux nés en Angleterre à la suite de l’extension du suffrage universel et de la mise sur

pied des premiers comités électoraux devant constituer les intermédiaires entre les élus et

leurs électeurs. Les partis d’origine extra parlementaire sont ceux qui sont nés en dehors de

cette relation avec le Parlement.

Les fonctions des partis politiques

Il y a lieu de distinguer les fonctions classiques des fonctions dites modernes.

S’agissant des premières, elles sont au nombre de trois : la fonction de formation de l’opinion,

la fonction de sélection de candidats que devrait opérer le parti politique et enfin la fonction

d’encadrement des élus que doivent remplir tous les partis politiques. Ces trois fonctions

correspondent aux tâches qui sont imparties aux partis politiques. S’agissant des fonctions

modernes, on peut les résumer en deux tendances : celle d’intégration politique et sociale que

remplissent les partis politiques de façon générale et celle de redistribution sociale (le rôle du

parti politique est de procurer des avantages à ses militants et de promouvoir une meilleure

répartition sociale des biens de la communauté).

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Page 87: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

Certes les groupes de pressions sont moins bien connus que les partis politiques mais

sont tout aussi présents dans la vie politique nationale.

b - Les groupes de pression

1 – La notion de groupe de pression

Cette notion revêt une caractéristique majeure qui est son élasticité. Celle-ci n’exclue

pas cependant toute tentative de définition. En effet, on peut voir dans le groupe de pression

une structure composée d’individus ayant en commun certains intérêts qu’ils entendent faire

prévaloir à la fois par des relations suivies et une action de pression sur les autorités habilitées

à prendre des décisions à leur égard. Mais il existe différents types de groupes de pression.

2 - La typologie des groupes de pression

Pour avoir une idée de ces types de groupes de pression, on peut envisager les

différentes façons grâce auxquelles on peut les distinguer. La première pour ce faire c’est de

s’intéresser tout d’abord à la nature des intérêts qu’ils défendent (matériels, idéologiques ou

spirituels). La deuxième ce serait en fonction du nombre et de la position sociale détenue par

les membres du groupe de pression (groupe de pression de masses et groupe de pression de

cadres). Une troisième variété est de s’intéresser à la nature des activités qui sont entreprises

par le groupe de pression et qui peuvent être publiques ou privées. La quatrième façon

consiste à s’intéresser aux stratégies qu’ils déploient ou aux types d’action de pression qu’ils

mettent en œuvre. Une cinquième et dernière possibilité est d’investir les types de rapports

qu’ils développent avec les pouvoirs publics, c’est-à-dire en fonction de l’audience qu’ils ont

avec les pouvoirs officiels (groupes de pressions consultées et groupe de pressions ignorées).

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Page 88: Cours de Droit Constitutionnel Du Professeur Baba Ly Sall 2001-2002

T I T R E II  LES PRINCIPES DIRECTEURS

DU DROIT CONSTITUTIONNEL

Pour les révolutionnaires de 1789, le but de toute association politique, c’est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme (cf. : article 2 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen). Cette idée fait écho à la position des pionniers américains qui déclaraient dans leur constitution que l’association politique n’a de sens que par rapport à la conservation de ces droits naturels de l’homme or celle-ci n’est possible que s’il existe une constitution susceptible de pouvoir garantir, par une procédure adéquate de contrôle les actes des gouvernants et assurer l’équilibre des pouvoirs par une séparation effective. Ce sont là les deux piliers fondamentaux des systèmes démocratiques modernes.

CHAPITRE I – LE PRINCIPE DE LA CONSTITUTIONNALITE DES NORMES DANS L’ETAT

Le principe réside dans l’idée toute simple qu’il existe une Constitution qui sert de référence à toutes les règles juridiques dans l’Etat. Cela signifie précisément que la validité de ces règles se mesure à leur conformité à la Constitution. Pourtant, cette idée à la fois simple et logique a eu beaucoup de mal à s’imposer dans la majorité des Etats modernes. En effet, son acceptation a été graduelle. C’est aux Etats-Unis que pour la première fois l’idée a été admise comme principe de fonctionnement de l’Etat à l’occasion de la décision rendue par un Juge nommé Marshall en 1803 dans une affaire qui opposait un ancien Président des USA à un fonctionnaire (Madison contre Marbury). On en viendra à cette position beaucoup plus tard s’agissant de l’Europe, précisément au lendemain de la deuxième guerre mondiale. Mais pour cela il a fallu réfuter l’argument majeur selon lequel, censurer la loi équivalait à remettre en cause la décision du peuple. Il s’y ajoute que pendant longtemps, on a entretenu au sein du Parlement une méfiance certaine à l’égard des Juges qui, en tant qu’un symbole d’une institution indépendante, étaient les seuls à pouvoir assurer ce contrôle de la régularité des lois à l’égard de la constitution. La question qui se pose dès lors est de savoir jusqu’à quel point on reste attaché à ce principe et par ailleurs selon quelles modalités devrait-on le mettre en œuvre ?

SECTION I – LA SIGNIFICATION DU PRINCIPE DE LA CONSTITUTIONNALITE DES LOIS

Assurer ou garantir le principe de la constitutionnalité des lois dans l’Etat, c’est appliquer le système du contrôle effectif de la conformité des lois au texte de la constitution suivant un certain nombre de principes généraux consacrés aujourd’hui par les Etats démocratiques.

Parag.1 – Les principes généraux du contrôle de constitutionnalité L’exercice de ce contrôle fait l’objet d’un certain nombre de règles qui se rapportent à

la fois aux organes et aux sources du contrôle.

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a – Les organes du contrôle de constitutionnalitéOn répertorie deux types d’organes qui revêtent soit la nature politique soit la nature

juridictionnelle. Dans le premier, on parle d’organe politique et dans le second cas d’organe juridictionnel.

1 - Contrôle assuré par un organe politiqueRares sont aujourd’hui les démocraties où les Etats qui consacrent ce type de contrôle.

Il est symbolisé par un certain nombre de cas ou d’exemples relevant plutôt du passé. En effet, le cas le plus récent est celui de la Chine Populaire dont la constitution de 1982 consacre le type de contrôle politique. Les autres exemples que l’on peut citer, en remontant le passé, sont respectivement celui de l’ex-URSS où c’est le Présidium du Soviét. Suprême qui assurait le contrôle de constitutionnalité des lois et celui de la France où, sous l’influence des idées de l’Abbé Sieyès le constituant mit pour la première fois en place un type de contrôle des lois mais de nature politique parce qu’assuré par un Sénat conservateur auquel il revenait de sanctionner les lois inconstitutionnelles. Ce précédent va inspirer par la suite le constituant du second empire qui confia la même tâche au Sénat. Mais cette fonction ne fut jamais réellement exercée par ces organes parce qu’on était en présence d’une institution qui était à la fois juge et parti. Aussi, ce type de contrôle était d’une efficacité douteuse compte tenu du fait par ailleurs que non seulement l’indépendance des membres n’était pas garantie mais aussi et surtout qu’il y avait une confusion entre le contrôle de légalité et celui de l’opportunité. Ce type de contrôle conduit donc à une sorte de néant juridique en la matière ou à tout le moins à des solutions inefficaces. En ce qui concerne la France, c’est cette situation qui va durer jusqu’au début de la IVème République, moment à partir duquel, on va adopter la solution ou formule juridictionnelle.

2 – Le contrôle assuré par un organe juridictionnelCe contrôle postule deux possibilités. La première consiste à confier ce contrôle de la

régularité des lois au Juge ordinaire alors que pour la deuxième possibilité, la préférence irait vers un organe spécial. Dans le premier cas (le contrôle est assuré par un Juge ordinaire), on est en présence du prototype ou de logique américaine de contrôle de la constitutionnalité des lois. C’est un système dans lequel les justiciables peuvent se référer au Juge de droit commun en cas de doute sur la constitutionnalité d’une loi. S’il est saisi, le Juge ordinaire peut soit trancher lui-même soit faire remonter le problème au Tribunal qui est situé au-dessus dans la hiérarchie. Dans le cadre de la seconde possibilité, on se retrouve avec la logique du modèle européen qui reste caractérisée par la mise en place d’un tribunal spécial appelé Cour Constitutionnelle ou Conseil constitutionnel chargé d’assurer ce contrôle. Exemples : France, Autriche, République Fédérale d’Allemagne. Il revient à ces tribunaux le soin de contrôler la conformité des lois à la constitution et de procéder, le cas échéant, à l’annulation de celles qui se révéleraient inconstitutionnelles. Dans ce cas précis, le déclenchement de la procédure de contrôle peut être confié soit aux organes politiques soit aux organes juridictionnels soit aux deux à la fois. C’est cette logique de combinaison de plusieurs organes de saisine qui a été adoptée par le Sénégal. Mais, la question que l’on se pose est de savoir sur la base de quelles normes le juge va apprécier l’ampleur de la violation.

b – Les sources du contrôlePar source du contrôle de constitutionnalité des lois, il faut comprendre toutes les

règles juridiques qui vont servir de fondement à ce type de contrôle : bloc de constitutionnalité. Dans ce bloc, on trouve généralement trois, quatre à cinq types de règles ou

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d’actes selon les systèmes juridiques et les Etats. S’agissant de la France, par exemple, on parlerait de quatre, le doute existerait sur le cinquième, au Sénégal on en était à quatre mais maintenant on est à trois. Le premier acte qu’on trouve c’est le texte de la constitution lui-même. Ce texte comprend toutes les dispositions qui sont contenues dans les articles de la constitution. Autrement dit, la loi doit se conformer à la constitution tant dans sa forme que dans son fond. Le deuxième type de règles est celles qui sont contenues dans le préambule de la constitution, c’est ce qu’il y a avant les articles, c’est-à-dire l’ensemble des dispositions qui revêtent un caractère juridique selon certains auteurs et qui sont placés au début des textes constitutionnels et expriment l’adhésion d’un groupement politique à une philosophie donnée ou à un mode de vie déterminé. Ce type de règles est apparu très récemment c’est-à-dire au lendemain de la deuxième guerre mondiale. Mais il pose un problème particulier : celui de savoir si le contenu du préambule revêtait réellement ou non une valeur contraignante c’est-à-dire est-ce que c’est du droit ou non ? Depuis la décision du conseil constitutionnel français du 16 juillet 1971 sur la liberté d’association, il est convenu que les dispositions contenues dans le préambule peuvent revêtir un caractère contraignant. Ce que l’on trouve dans le préambule en France notamment, ce sont les droits et libertés qui sont consacrés dans le texte de 1789 et ce que l’on appelle les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (PFRLR) et en troisième lieu ce que le juge lui-même appelle les principes économiques et sociaux particulièrement nécessaires à notre temps. Au Sénégal aussi, le Juge constitutionnel fait du préambule une source effective et pertinente du contrôle de constitutionnalité. Le troisième acte ce sont les ordonnances qui sont les actes législatifs qui ont servi notamment en France-et l’appellation nous vient de là-bas - à mettre en place des institutions de la République au sortir de la deuxième guerre mondiale. Aujourd’hui, ces ordonnances sont prévues par l’article 106 de la Constitution de janvier 2001, titre 13 se rapportant aux dispositions transitoires ou passagères. Par ailleurs, il y a d’autres types d’actes qu’on appelle les lois organiques sur la base desquelles on peut apprécier parfois la régularité d’une loi par rapport à la constitution. Ce sont des actes législatifs relatifs à l’organisation et au fonctionnement des pouvoirs publics et qui font l’objet d’une procédure d’adoption spécifique et / ou de contrôle. Selon les circonstances, il peut arriver que cette régularité par rapport à la Constitution soit mesurée sur la base d’autres textes : c’est le cas des traités. Les rapports entre le traité et la loi ont pendant longtemps préoccupé les commentateurs, notamment en France qui se sont toujours demandés s’il fallait intégrer, au regard de la position fluctuante du Juge, le traité dans le bloc de constitutionnalité. Aujourd’hui avec l’intégration de l’Euro, on penche de plus en plus vers une réponse positive. Mais, il n’y a pas que la loi comme acte susceptible d’être soumis au contrôle.

Parag.2 – Le champ d’application et la sanction du contrôle de constitutionnalité

a – Le champ d’application du contrôle de constitutionnalité des loisLe champ d’application du contrôle de constitutionnalité des lois, c’est le domaine

d’exercice de ce contrôle ou encore les actes qui sont l’objet de ce contrôle. Il y a lieu ici de distinguer entre les actes qui sont soumis à contrôle obligatoire et les actes qui n’y sont pas soumis, c’est-à-dire ceux qui sont soumis à un contrôle facultatif.

1 – Les actes soumis à contrôle obligatoire Avant l’entrée en vigueur de la nouvelle constitution de janvier 2001, on avait au

Sénégal, deux types d’actes soumis au contrôle obligatoire. Avec la nouvelle constitution, on n’en a plus qu’un, il s’agit du règlement intérieur de l’Assemblée nationale article 62 in fine.

2– Les actes soumis à contrôle facultatif

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Il y en avait deux avant la nouvelle constitution. Ils sont maintenant au nombre de trois : la loi organique article 78, la loi ordinaire article 74 et le traité article 97 et article premier de la loi organique du 30 mai 1992 qui organise le conseil constitutionnel. Cela signifie que le Conseil Constitutionnel peut vérifier la régularité des engagements internationaux par rapport à la constitution sur la base d’une saisine des dispositions de l’article 74.

b – La sanction du contrôle de constitutionnalité.Il y a précisément deux types de sanction qui peuvent découler du contrôle de

constitutionnalité des lois. La première peut être qualifiée de radicale et définitive qui … porté à une deuxième forme de sanction qui serait quant à elle à la fois relative et provisoire. S’agissant du premier type de sanction, il équivaut à l’annulation de la disposition contestée et effectivement jugée contraire à la constitution. L’annulation en droit, est un terme qui est consacré à l’élimination d’une disposition ou d’un ensemble de dispositions du circuit normatif ou du système juridique. On parle d’annulation ab initio (à l’origine) et erga omnes (à l’égard de tous) des dispositions contestées.

On fait comme si la chose contestée n’a jamais existé. Mais, s’agissant d’une disposition déjà existante, l’annulation peut n’être que partielle c’est-à-dire n’affecter qu’une partie de cette disposition. Le deuxième type de sanction c’est celui qui concerne l’exception de constitutionnalité ou de légalité (par excès de langage car ces deux termes sont différents en réalité). L’exception de constitutionnalité correspond à la situation où l’annulation ne vaudrait que pour les protagonistes et relativement au fait qui les ont opposés devant le Juge tel que cela advient parfois aux USA. Mais à l’instar de la plupart des principes, la constitutionnalité des lois a une portée qu’il convient d’apprécier.

SECTION II – LA PORTEE DU PRINCIPE DE LA CONSTITUTIONNALITE DES LOIS

Il y a lieu de distinguer d’emblée entre les techniques de contrôle elles-mêmes et la portée qu’elles peuvent avoir notamment en cas d’échec.

Parag.1 – Les différentes techniques de contrôleIl y a le contrôle par voie d’action et le contrôle par voie d’exception que l’on oppose

généralement.

a – Le contrôle par voie d’action (CVA)Il peut être défini comme étant une voie de droit ouverte au profit de certaines

autorités, pour contester la validité constitutionnelle de certaines lois auprès d’un juge qui, le cas échéant, pourrait procéder à l’élimination radicale du texte mis en cause. Cette définition englobe plusieurs éléments qui fondent les spécificités de cette modalité de contrôle et les effets que celles-ci induisent.

1 - Les spécificités du contrôle par voie d’actionElles se rapportent à un certain nombre de caractéristiques principales. La première

c’est que le CVA est un procédé direct en ce sens que l’action qui est reconnue à ces organes se rapporte directement aux dispositions mises en cause. Le deuxième c’est que le CVA est un procédé offensif dans la mesure où il permet de s’attaquer directement à la disposition mise en œuvre. C’est enfin un procédé immédiat en ce sens qu’il peut produire des résultats qui

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seraient simultanés à l’attaque. Mais les particularités du CVA résident par ailleurs dans les organes ou autorités qui en sont bénéficiaires. Il s’agit d’un nombre généralement limité. Seulement, dans cette restriction, on peut parler de système fermé, restreint ou semi-restreint. En d’autres termes, le mode de saisine du juge qui doit prendre la décision finale peut être fermé ou restreint. En fait, la fermeture ou semi-fermerture est souvent fonction de la nature des autorités de saisine. En réalité, la plupart du temps, il appartient aux organes politiques, les élus (ex : France et Sénégal) d’enclencher le contrôle par voie d’action. Les particularités du CVA se rapportent ensuite à la procédure et au délai ouvert par ce type de contrôle. S’agissant des modalités de saisine du Juge, elles sont généralement déterminées dans les textes qui organisent l’instance juridictionnelle elle-même. S’agissant du CC sénégalais, c’est la loi du 30 mai 1992 qui en parle. Elle précise que la saisine du Juge se fait par lettre faisant l’objet d’un dépôt auprès du greffe du CC. Cette procédure concerne aussi le moment du dépôt qui se situe après le vote législatif avant la promulgation et la publication. S’agissant du délai c’est-à-dire le moment auquel le CVA doit s’exercer, il est prévu dans les dispositions de l’article 74 de la Constitution, un délai de six jours avant la promulgation. Les particularités du CVA se rapportent enfin à l’organe compétent pour juger. Il s’agit le plus souvent d’un Juge spécial qui est dénommé soit Cour, soit Conseil Constitutionnel. Il s’agit donc de créer l’organe avec une composition spécifiée pour délibérer les conflits d’ordre constitutionnel.

2 – Les effets du CVALes effets se résument tout simplement dans la portée de la décision de sanctionner la

non-conformité d’une disposition ou d’un ensemble de disposition à la constitution. Ici, dans la mesure où on a défini le CVA comme étant un procédé énergique, il va de soi qu’il va conduire à des résultats à la dimension de ce caractère. Il s’agit d’une disparition ab initio (totale) et erga omnes (définitive). Le CVA est donc un procédé direct et immédiat. Il s’oppose à un autre type de contrôle appelé par voie d’exception.

b – Le Contrôle par Voie d’Exception (CVE)Contrairement à la modalité précédente, le CVE est une voie de droit ouverte à tout

citoyen ou justiciable, pour demander dans le cadre d’un procès, l’arbitrage du Juge constitutionnel au sujet de l’application d’un texte dont il conteste la validité. Il s’agit d’une action contingente avec à la fois des particularités et des effets limités.

1 – Les particularités du CVEContrairement au CVA, le CVE est un procédé de contrôle indirect, médiat, défensif et

ouvert. Il est indirect ou médiat parce qu’il intervient à l’occasion d’un autre litige ou contestation. Il concerne seulement une action relative à une disposition de la loi. Ce qui est donc en cause ici c’est une disposition ou un ensemble de dispositions qui ont fait l’objet d’une mise en œuvre dans le cadre de laquelle elles sont contestées. En d’autres termes, il peut s’agir d’une situation révélatrice de dysfonctionnement d’un instrument juridique. Il va s’agir au cas échéant, d’une action de correction de la défaillance d’un élément du système juridique. Mais cette action de correction a comme pendant une autre action défensive, celle-ci émane de la victime du dysfonctionnement juridique. En l’occurrence, tout citoyen qui serait confronté à la situation en cause. Il y a aussi des effets qui découlent de la décision du juge constitutionnel. La reconnaissance de la non-conformité des dispositions ou du texte contesté a pour principal effet de les tenir en échec à l’égard du demandeur et dans le cadre du litige pendant.

2 – Les effets du CVE

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A la vérité, une telle décision donne lieu à des conséquences aux effets élargis compte tenu du rôle de la jurisprudence dans le règlement des conflits.

Parag.2 - L’échec des techniques du CCLLe CCL est un moyen qui est conçu pour garantir la finalité de la constitution dans

l’Etat de droit. Aussi est-il rare aujourd’hui de trouver un Etat qui ne le consacre pas dans le texte fondamental. Pourtant sa bonne mise en œuvre n’est pas toujours assurée pour diverses raisons, ce qui donne parfois lieu à des conséquences graves pour la stabilité de l’Etat.

a – Les causes de l’échec des techniques du CCLIl y a des causes structurelles et des causes conjoncturelles.

1 – Les causes structurellesEn la matière, c’est surtout le type de contrôle politique qui retient l’attention. On peut

rappeler la consistance de ce contrôle politique qui se déroulerait selon le scénario suivant : lorsqu’un organe législatif qui a voté la loi est chargé lui-même d’en vérifier la conformité par rapport à la constitution, ou bien ce contrôle est confié à un organe de même nature que celui qui a voté la loi. C’est la consécration de l’adage : « Qui se ressemble s’assemble » ou bien lorsque cet organe qui a voté la loi est chargé en même temps de mettre en place une structure qui émanerait de surcroît de lui pour assurer le contrôle de constitutionnalité. Le résultat ici est l’existence d’un contrôle vain qui serait en même temps sélectif et discriminatoire. Il en sera ainsi la plupart du temps parce que tout simplement l’organe de contrôle ne censurera en fait que les dispositions qu’on voudrait bien le voir censurer. Les autres dispositions essentielles seront toujours à l’abri parce que constituant un enjeu pour l’organe législatif et qui se retrouve ici dans une situation de Juge et de partie. Les exemples historiques c’est le jury constitutionnaire que l’Abbé Sieyès avait mis en place en 1795 ou le Conseil de la République sous la IVème République et enfin le présidium du Soviét. Suprême dans l’ancienne URSS.

2 – les causes conjoncturellesCe sont les blocages occasionnels qui découlent d’un contexte déterminé. On en

dénombre principalement deux. La première cause ou blocage c’est l’offensive médiatique contre les juges et les décisions qu’ils rendent (l’affaire du New Deal aux USA) ; on appelle cela le spectre du gouvernement des Juges (c’est quand le juge en fait plus qu’on lui en demande) ce qui a un effet psychologique démobilisateur et qui aboutit à un phénomène d’autocensure des Juges eux-mêmes. La deuxième cause ou blocage, ce sont les réactions négatives des autorités politiques qui mettent en œuvre les prérogatives qui leur sont légalement conférées pour anéantir les décisions juridictionnelles. Ce sont là des attitudes qui pourraient emporter des conséquences politiques.

b – Les conséquences de l’échec du CCLIl y a une conséquence majeure qui découle généralement des situations d’échec dans

la mise en œuvre des techniques de contrôle : c’est la défiance politique à l’égard des pouvoirs publics. Défiance qui trouve parfois, de temps en temps aujourd’hui et beaucoup plus souvent par le passé, une consécration doctrinale chez de grands auteurs.

1 – La défiance politiqueC’est une action de contestation ou de désapprobation politique du gouvernement dans

sa façon de conduire les affaires publiques. C’est de la part du titulaire originel de la souveraineté une attitude qui consiste à faire remarquer le décalage entre ses aspirations et ses modalités de prise en charge par ses représentants. Théoriquement, cette action de

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contestation publique du pouvoir n’est pas admise aujourd’hui pour la bonne raison qu’il existe dans les Etats modernes des instances et des procédures grâce auxquelles le débat s’instaure soit par la prise de la décision soit par sa mise en œuvre. Mais, dans les faits, ce type d’action est toujours consécutif à une situation d’échec ou d’inefficacité des procédures formelles ou officielles de contrôle. Dès lors, tout se passe comme si le mandant reprend ou tente de reprendre l’initiative c’est-à-dire son pouvoir souverain y compris parfois de façon violente. Cette action de révolte politique peut trouver grâce, aux yeux de certains théoriciens.

2 – Les justifications doctrinales de la défaillance politiqueL’intervention du peuple est appréhendée comme étant la forme ultime de sanction de

la violation du droit de la part des gouvernants. On parle ici de « sanction inorganisée » que l’on oppose aux sanctions organisées. Parmi les sanctions inorganisées, on a le droit à la résistance à l’oppression qui est un droit fondamental si l’on considère le concept des droits de l’homme en y intégrant les droits civils et politiques, en d’autres termes, si on fait perpétuer la tradition politique des révolutionnaires de 1789. En effet l’article 2 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen dispose : le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression » De même, le Constituant de 1793 fait état des mêmes préoccupation, (cf. article 4 de la Constitution de 1793).

En outre, la Séparation des Pouvoirs est, à bien des égards, un rempart contre l’oppression.

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CHAPITRE II – LE PRINCIPE DE LA SEPARATION DES POUVOIRS.

Il n’y a pas d’Etat aujourd’hui qui ne se réclame dans son organisation et dans son fonctionnement du principe de la séparation des pouvoirs. Depuis 1789, (avec la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC) en son article 16), c’est ce principe qui fonde la distinction entre les Etats dits libéraux et les Etats dictatoriaux ou autoritaires. Ce principe, on le doit à Montesquieu qui, lors de son séjour en Angleterre rapporta un certain nombre d’enseignements après l’observation du fonctionnement de la société politique anglaise. Ces enseignements consignés dans son ouvrage majeur « De l’Esprit des Lois … » peuvent être résumés de la façon suivante : les gouvernements modérés n’existent que là ou le pouvoir est partagé entre des organes rivaux.

De Montesquieu à nos jours, on a conféré une signification théorique précise au principe. Cependant, dans sa mise en œuvre, on va voir apparaître un décalage important par rapport à l’idée de base.

SECTION I – LA SIGNIFICATION DU PRINCIPELe principe revêt un double sens à la fois classique et contemporain.

Parag.1 – Le sens classiqueAu regard de la finalité que Montesquieu assignait au principe, c’est-à-dire la

préservation de la liberté politique dans la société, il s’agissait de neutraliser la capacité de nuisance du pouvoir politique, seul à même de pouvoir porter gravement atteinte aux droits et libertés du Citoyen. La justification ici, c’est que la fonction de représentation politique qu’assure l’Etat lui procure des moyens sans commune mesure avec ceux qu’une autre institution sociale peut détenir sur la base de sa fonction de représentation politique. L’Etat est le détenteur exclusif ou principal du pouvoir de légitimation et de contrainte sociale. Il en découle qu’il pourrait dans certaines circonstances porter atteinte à la liberté même du citoyen. Comment faire alors pour l’en empêcher ? La réponse, c’est le recours au procédé ou mécanisme de la division de la force de l’Etat (ou principe d’éclatement du pouvoir) et sa répartition entre différents organes concurrents, parce que chargés chacun en ce qui le concerne d’une tâche ou fonction précise (il s’agit de l’organe législatif et de l’organe exécutif ; Montesquieu tenait le pouvoir juridique pour nul parce qu’il n’intervient que rarement dans les affaires politiques). Mais l’acceptation du principe a connu une évolution.

Parag.2 – Le sens contemporainAujourd’hui, l’opposition de principe (ou la rivalité) qui avait été suscité entre les

organes politiques n’est pas tout à fait adéquate, à cause de l’importance accrue du rôle des partis politiques. Cet élément introduit une nouvelle situation qui est la subordination d’un organe à un autre organe pour les nécessités et la pérennisation du pouvoir. C’est ce que l’on appelle le phénomène majoritaire. Le résultat en est un déséquilibre persistant susceptible de porter atteinte à la garantie dont le citoyen peut bénéficier dans la situation normale de concurrence entre les deux pouvoirs (comme le pensait Montesquieu). D’où la nécessité de trouver un nouveau contre pouvoir susceptible de rétablir l’équilibre. Celui-ci se trouverait du côté de l’instance judiciaire. On peut avancer trois arguments pour soutenir cette position.

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- Le premier consiste à dire que la fonction judiciaire a pris de l’importance au fil du temps. En effet, il était aussi important de juger que de prendre des décisions pour le groupe et de les exécuter.

- Le second argument c’est que cette fonction de juger ne se limitait pas à la société civile mais elle s’étendait aussi au pouvoir politique lui-même. Il en était ainsi parce que la rivalité qui était suscitée entre les deux principaux organes politiques allait donner lieu à des conflits parfois graves dont le règlement devient impératif pour ne pas bloquer le fonctionnement de l’Etat. C’est en tenant compte de l’importance de la fonction de juger que l’on a mis en place dans les systèmes démocratiques, un statut indépendant qui fera émerger alors le juge ou les tribunaux au niveau des autres pouvoirs et on l’a fait pour garantir la stabilité sociale. Cette logique fonctionnelle va combler le dysfonctionnement qui serait consécutif à une entente entre le législatif et l’exécutif au détriment du citoyen.

SECTION II - LA MISE EN ŒUVRE DU PRINCIPE DE LA SEPARATION DES POUVOIRS

Affirmer la nécessité d’éclater le pouvoir de l’Etat c’est poser le problème de son organisation concrète ou de sa distribution entre différents pouvoirs.

Parag.1 – La portée du principe de la séparation des pouvoirsa – Les différentes formes de séparation des pouvoirsOn peut envisager deux formes de séparation du pouvoir de l’Etat. Il y a une première

forme de séparation qui se réalise au sein du politique c’est-à-dire entre les gouvernants proprement dits et il y a une deuxième forme de séparation qu’on envisagerait entre le politique et le judiciaire.

1 – La séparation des gouvernantsSon fondement théorique réside dans les enseignements de Thomas Hobbes sur le

contrat politique qui serait à la base de toute société politique. Hobbes distinguait entre ces représentants directs du groupe dont le rôle consiste à prendre des décisions générales et d’autres représentants de même nature chargés quant à eux de mettre en œuvre ces décisions. La différence entre ces deux types de représentant politique réside dans le fait que les premiers siègent par intermittence alors que les seconds sont au contraire organisés en formation quotidienne pour résoudre les besoins naturels et immédiats du groupe. Donc, chez Hobbes, la séparation des fonctions ou pouvoirs est sous-tendue par la technicité, par l’impératif matériel, par l’idée d’opportunité. C’est la même logique de séparation des gouvernants qui va prévaloir chez Montesquieu, mais le fondement va différer car chez cet auteur, la séparation entre ceux qui décident et ceux qui mettent en œuvre ces décisions est une nécessité absolue si on veut garantir la liberté du citoyen. Des deux conceptions de la séparation des pouvoirs, c’est celle de Montesquieu qui va finir par triompher. L’idée de séparation des pouvoirs en elle-même connaîtra, d’ailleurs par la suite, un nouvel approfondissement avec les modalités de séparation d’organes relevant d’un même pouvoir. C’est ainsi qu’on aura dans certains Etats, deux organes législatifs ou deux têtes au sein de l’exécutif. (Exemple : Etat-Unis et Grande-Bretagne).

2 – La séparation entre les gouvernants et les JugesL’idée de cette séparation réside dans la proclamation de l’indépendance du Juge par

rapport au pouvoir politique. Cette proclamation existe dans tous les textes fondamentaux des Etats. Elle est consécutive à la nécessité de spécialisation du Juge. Dans le fonctionnement des Etats, cependant, il y a parfois un grand décalage entre cette affirmation et sa réalisation

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effective. Il en est ainsi parce que le pouvoir judiciaire y est conçu comme étant un succédané du pouvoir exécutif. En effet on relève le plus souvent une dépendance étroite du Juge à l’égard de l’exécutif du point de vue de ses moyens et de son statut, ce qui va entraîner comme conséquence majeure l’enlèvement au principe de toute sa valeur originelle.

b – Les implications du principe de la séparation des pouvoirsLa mise en œuvre du principe de la séparation des pouvoirs va donner lieu à deux

modalités de gestion des rapports politiques au sein du groupe, c’est-à-dire à deux principales techniques de gestion des relations entre l’exécutif et le législatif. Il s’agit d’une part de la technique souple de séparation des pouvoirs et d’autre part de la technique rigide de séparation des pouvoirs. Chacune de ces techniques comporte un certain nombre d’éléments qui lui sont propres.

1 – La séparation souple des pouvoirsElle correspond au régime parlementaire. Le régime parlementaire est ce type de

régime qui permet de réaliser une collaboration étroite entre les principaux organes politiques de l’Etat mutuellement dépendants par l’institution d’un cabinet ministériel. Le régime parlementaire trouve ses origines dans l’Angleterre de la fin du 17ème siècle au début du 18ème

siècle, période pendant laquelle on va procéder à la limitation progressive de l’intervention du roi dans les domaines législatifs et la gestion quotidienne du pouvoir. Mais pour identifier ce type de régime, il faut nécessairement faire recours aux quatre éléments suivants : le dualisme de l’exécutif (deux pôles de mise en œuvre des décisions : un Chef de l’Etat et un chef de gouvernement). l’irresponsabilité du chef de l’Etat (on ne peut pas mettre en cause la responsabilité du chef de l’Etat devant les tribunaux), la responsabilité ministérielle (les fautes du chef de l’Etat son endossées par l’équipe ministérielle) et le droit de dissolution (le Parlement peut mettre fin à l’existence du gouvernement mais le Chef de l’Etat peut lui aussi renvoyer le Parlement). La combinaison de ces différents éléments va donner lieu à la mise en place d’une équipe gouvernementale autonome, qui gouverne en rapport avec le Parlement. Chacun de ces organes a le cas échéant et en cas de conflit, les moyens de mettre fin à l’existence de l’autre.

2 – La séparation rigide des pouvoirsCette technique donne lieu au régime présidentiel. Celui-ci est défini comme étant le

régime qui réalise l’indépendance entre les différents organes politiques sur la base d’une stricte égalité entre eux. A certains égards, on peut dire que le Régime présidentiel se présente comme étant l’antithèse du Régime parlementaire. Du point de vue de ses origines, le régime présidentiel serait le finit d’une démarcation (d’une révolte même) des premiers colons américains à l’égard du modèle qu’ils avaient connu dans leur patrie qu’est l’Angleterre. Concrètement, le régime présidentiel reste à la fois un anti modèle du juge parlementaire de peu à la fois ses modalités de fonctionnement et en même temps son imitation du point de vue de ses principes d’organisation. C’est pourquoi, il y a eut une reproduction de l’institution royale anglaise avec l’institutionnalisation du Président de la fédération américaine qui a « tous les aspects d’un monarque élu ». Le Régime présidentiel présente les principaux traits de caractères suivants : le premier : c’est la consécration d’une spécialisation fonctionnelle de chacun des organes politiques (l’idée consiste à cantonner chaque organe théoriquement dans un domaine d’activité précis, d’où l’incorporation d’une incompatibilité entre les fonctions parlementaire et exécutive ; le deuxième l’inexistence d’une prérogative de destruction spécifique permettant à chacun des organes de mettre fin à l’autre, le troisième et dernier élément : c’est l’élection du Chef de l’Etat au suffrage universel direct. Au regard de ces différents éléments, on peut dire qu’on est en présence d’un régime présidentiel lorsque

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l’articulation des rapports entre les pouvoirs tend à réaliser l’équilibre politique et plutôt en présence d’un Régime parlementaire, lorsque cette articulation tend à réaliser l’égalité entre les pouvoirs. De fait dans un cas comme dans l’autre, il ne s’agit que de simples principes qui peuvent être infirmés dans les faits.

Parag.2 – Les déviations dans la mise en œuvre du principeLa mise en œuvre du principe de la séparation des pouvoirs peut parfois donner lieu à

un certain nombre de déviations tantôt favorables à l’exécutif tantôt au législatif.

a – La confusion des pouvoirs au profit de l’exécutif : le césarismeLe césarisme est un régime politique dont l’organisation et le fonctionnement

rappellent la gestion napoléonienne. C’est un régime de type populaire avec la mise en œuvre de mécanismes de consultation exclusivement tournés vers la célébration du culte de la personnalité du principal dirigeant de l’Etat. Ainsi, l’essentiel des pouvoirs va être concentré entre les mains du chef de l’Etat. La conséquence qui en découle c’est une subordination de l’organe législatif par divers mécanismes fondés sur la personnalisation du pouvoir et sur le phénomène majoritaire. A titre d’exemple, on peut citer l’Espagne sous le Général Franco. Ainsi, s’agissant de la portée de ce type de régime, on n’a plus qu’un seul pouvoir en réalité : le pouvoir exécutif.

A l’opposé et comme le note Georges Burdeau, « si la collaboration des pouvoirs est marquée par la suprématie des Chambres législatives, on tend à une forme adoucie de gouvernement d’assemblée.

b – La confusion des pouvoirs au profit du législatif : le Régime d’Assemblée (RA)

Le Régime d’Assemblée est celui dans lequel l’essentiel des pouvoirs est exercé par l’Assemblée, directement ou indirectement. L’exemple type de ce système se trouve dans la Troisième ou la Quatrième République française, en Italie jusqu’à une période relativement récente avant qu’on y ait introduit une dose de système majoritaire. Dans les troisième et quatrième Républiques, les chutes ministérielles étaient tellement fréquentes qu’on en était arrivé à une instabilité politique permanente. Pour caractériser la puissance parlementaire de l’époque, les auteurs utilisaient la notion de souveraineté parlementaire. L’explication réside dans un contexte où l’exécutif en arrive à perdre l’utilisation de ses moyens de défense à cause d’un certain nombre de faits.

DEUXIEME PARTIE

Jusqu’à la fin des années 80, on pouvait parler de deux types de régime démocratique opposés quant à leurs visions des rapports politiques à la fois internes et internationaux. L’idée était tellement ancrée dans la doctrine que des auteurs éminents comme Maurice Duverger leur consacraient des développements substantiels. Dans ce cadre là, on était en présence de deux modèles opposés de philosophie et de pratiques politiques. Ce sont d’une part le modèle libéral (Occident) à et d’autre part le modèle socialiste ou démocratique.

Aujourd’hui le triomphe du 1er modèle est largement acquis à tel point qu’il n’existe plus de prototype du 2ème modèle. Nous ne nous intéresserons ici donc qu’à la démocratie libérale, le modèle socialiste ou démocratique marxiste.

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La démocratie, c’est le pouvoir du peuple, c’est à dire le pouvoir de plusieurs personnes que l’on peut opposer au pouvoir d’une seule personne. Et ce rapport au pouvoir donne lieu à différentes classifications des régimes politiques. La notion de régime politique elle-même tend à rendre compte de la manière dont les pouvoirs publics sont organisés dans un Etat.

Toutefois, il y a une ligne de partage qui n’est pas toujours bien dessinée et qui donne lieu à bien des variantes dans le cadre d’un même modèle. C’est pourquoi on parle de démocratie réelle, de démocratie fictive ou encore de démocratie pluraliste et démocratie de autoritaire.

TITRE UNIQUE – LE MODELE TRIOMPHANT : LA DEMOCRATIE LIBERALE

La démocratie libérale est fortement marquée par ses origines occidentales et comme telle, elle est structurée autour d’un certain nombre de valeurs que sont l’affirmation de prérogatives et de droit reconnus aux individus qui doivent être sauvegardés en face de l’Etat, l’existence du pluralisme et enfin la nécessité d’une équilibre des pouvoirs. Ce sont ces valeurs que partagent les principaux régimes politiques occidentaux comme le régime américain, le régime français et le régime britannique.

CHAPITRE I – LE REGIME POLITIQUE FRANÇAIS

Pour bien comprendre ce régime tant dans son organisation que dans son fonctionnement, il est nécessaire de remonter le cours de l’histoire.

Section I – Rappel historiqueIl ne s’agira pas ici de rendre compte du débat doctrinal qui a opposé de grands auteurs

français sur les cycles constitutionnels ou politiques qui affectent l’histoire de la France mais beaucoup plus modestement de découper cette histoire en trois grandes phases, en essayant de coller de plus près deux principaux tournants dans l’évolution de ce régime politique.

Parag.1 – L’Ancien régimeOn appelle Ancien Régime toute la période d’avant 1789. Cette appellation est à

dessein parce qu’elle tend à rendre compte de la rupture qui est intervenue en 1789. L’Ancien Régime a fait l’objet de beaucoup d’études relatives notamment à son avènement et à sa disparition.

A – Les fondements de l’Ancien RégimeDepuis le 16ème siécle avec la fédération des Seigneuries, les rois de France étaient

parvenus méthodiquement à étendre leur autorité sur ce qu’il conviendra d’appeler plus tard le royaume de France composé de différentes seigneuries proches du pouvoir et à la tête desquelles il y avait ces Chefs féodaux.

De façon corrélative, la royauté était aussi arrivée à asseoir son autorité aux plans philosophique et politique. Elle était devenue une monarchie de type héréditaire et de droit divin. Cela signifie que le Roi tenait son pouvoir de Dieu lequel l’a définitivement confié à la famille régnante. Cette position revêtait un intérêt double dans la mesure où elle permettait au roi non seulement de s’affranchir de l’autorité ecclésiastique pour laisser libre cours à sa recherche d’absolu mais aussi de s’imposer définitivement aux seigneurs locaux.

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B – Les institutions de l’Ancien RégimeEn théorie, dans un système féodal, il y a au sommet de la pyramide un souverain, un

roi qui se subordonne plusieurs autres autorités, les seigneurs qui lui font allégeance.Cette logique était aussi de mise entre les seigneurs et leurs vassaux. La loyauté

reposait donc sur une organisation intellectuelle rationnelle qui permettait d’assurer un fonctionnement harmonieux des institutions politiques et sociales à différents niveaux.

Dans les faits, le système va finir par reposer sur la confusion des pouvoirs au profit du roi dans la mesure où celui-ci concentrait tout entre ses mains à savoir le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et même le pouvoir judiciaire, grâce à son droit d’évocation de plus en plus fréquent des décisions rendus par les Parlements.

Cette concentration du pouvoir n’était contrebalancée par aucune action positive dans le fonctionnement de l’Etat. Au contraire, la population (notamment dans sa troisième composante le Tiers était confronté à toutes sortes de privations. Et c’est le conjonction entre les forces du tiers état et celles des deux autres composantes (la bourgeoisie et la noblesse) qui fera tomber le Roi.

Parag. 2 – L’avènement et la consolidation de la RévolutionPour trouver les bases de la Révolution de 1789, il faut remonter au siècle des lumières

et plus précisément aux théoriciens de l’époque qui se sont employés tout au long du XVIII° siècle à dégager une nouvelle orientation politique du pouvoir. Et ce sont ces idées là qui ont joué le rôle de fervent de La révolution de 1789.

A – La Révolution et son apportL’origine immédiate et événementielle de la Révolution correspond à la décision prise

par le Roi le 05 mai 1789 de réunir les Etats Généraux pour réfléchir sur les problèmes de l’époque et leur trouver des solutions. Le Roi va être rapidement débordé parce qu’assailli de demandes à la fois nombreuses et variées émanant des Etats généraux qui vont se transformer rapidement en assemblée libérale.

Cela a été favorisé par la coalition entre la bas-clergé et le Tiers-Etat. Cette coalition va donner naissance à une nouvelle constitution porteuse d’idées qui animaient le peuple. A partir de ce moment, il y a eu assimilation entre Constitution et garantie des droits et libertés du Citoyen. Et le résultat apparaît sous la forme de deux textes : la Déclaration de 1789 et la Constitution de 1791.

L’apport de ces deux textes peut être résume comme suit :Pour la Déclaration : 1 - Déclaration de droit civile et de liberté politique de l’homme : un certain nombre

de prérogatives intemporelles et universelles accordées par la nature à l’homme et qu’il faudrait défendre ;

2 – Principes devant structurer les gouvernements : le premier est celui de la souveraineté nationale c’est-à-dire l’affirmation d’une autorité provenant de la nation caractérisés par son inaliénabilité, son imprescriptibilité est son indivisibilité et qu’on oppose à la royauté. Le deuxième principe c’est celui de la séparation des pouvoirs (cf. art. 16) de la déclaration.

Pour la Constitution de 1791

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Elle est relative à la mise en œuvre des principes qui viennent d’être déclarés d’une part et d’autre part d’une mise en place d’instituions tendant à limiter la puissance de la Monarchie. Avec le Déclaration des droits et leur mise en œuvre, les citoyens cessaient d’être soumis à l’arbitraire royal en même temps qu’ils étaient mis à l’abri d’une répression qui pourrait provenir de l’Etat. Désormais, la liberté est la règle.

B – La consolidation du processus révolutionnaireOn peut dire que de fait, la nouvelle dynamique libertaire s’accommodait de

l’institution symbolique de l’oppression de par la passé (la royauté). Mais celle-ci allait être rapidement éliminée et la République proclamée au 20 septembre 1792. A partir de cette date, une ère nouvelle s’ouvrait et allait se poursuivre avec la mise en place d’une autre Constitution porteuse d’un régime beaucoup plus conforme aux idées prônées naguère par Jean Jacques Rousseau.

On est en présence d’un régime d’assemblée qui permettait au peuple de s’exprimer de façon beaucoup plus directe dans l’exercice du pouvoir. Mais cette période est surtout caractérisée par le chaos dans la mesure où prédominait un mouvement d’alternance entre un suffrage généralisé et un suffrage restreint et ceci jusqu’en 1814 avec la chute de Napoléon 1er.

Mais curieusement, c’est sous le règne de Napoléon 1er que l’essentiel des textes qui fondent l’ordre libéral fut adopté. Parmi ces textes, on retient par exemple le code civil de 1804.

Malheureusement, ce mouvement ne va s’enraciner qu’à partir de sa chute et la restauration de la Monarchie avec cependant de fortes limitations constitutionnelles. Celles-ci étaient contenues dans une charte au terme de laquelle le gouvernement était soumis au roi tout en fonctionnant sur la base du pluralisme. Autrement dit, c’est un régime parlementaire à l’anglaise qui était mis en place. Mais en vérité, jusque-là, dans la pratique, on évoluait encore hors norme parlementaire, en deçà des principes structurant ce type de régime.

En effet, le peuple n’était souverain que de nom car le droit de suffrage était très restreint. Ceci précipitera d’ailleurs la fin du régime. Avec la Révolution prolétarienne de 1848 et la seconde proclamation de la République le 20 février 1848, de nouvelles institutions vont apparaître avec le rétablissement du suffrage universel et l’avènement d’une autre constitution le 04 novembre 1948 qui va organiser le pouvoir sur le modèle américain mais dépourvu de ses principes philosophiques c’est-à-dire l’équilibre et la collaboration des pouvoirs. Il s’agit d’un Gouvernement de stricte répartition des pouvoirs tendant à leur immobilisation. C’est ce qui est à l’origine du coup d’Etat de Louis Napoléon Bonaparte le 08 décembre qui va mettre en place un nouvel empire caractérisé par un pouvoir exécutif et à tendance populaire dans la mesure où c’est un type de régime qui est fondé sur le plébiciste.

Il en sera ainsi jusqu’en 1870 avant que ne s’instaure la seconde République à la suite de laquelle l’Empereur capitulera pour laisser place à son gouvernement provisoire, qui va signer l’Armistice sous le Commandement de Tiers chargé de conduire la pays jusqu’à la mise en place de nouvelles institutions. Cet intermédiaire durera de 1872 à 1875 et sera marqué à la fois par une sorte d’instabilité, d’attente et de maturation d’un certain nombre de principes qui donneront naissance au régime parlementaire.

Parag. 3 – La maturation du régime parlementaire

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A – Les conditions de naissance du régime parlementaireD’un point de vue historique, ce qu’il faut retenir dans le cas de la France, ce sont

deux faits marquants : la défaite de Sedan et la capitulation de l’empereur, l’empire se retrouvait orphelin et désemparé, (tout le pouvoir entre les mains de l’Empereur). Toutefois, la réaction des députés parisiens sera à la fois prompte et dommageable. Dans le contexte de l’époque, on allait mettre en place un gouvernement provisoire mais non représentatif, ce qui engendre le chaos politique.

Dans cette situation de chaos, il y avait un deuxième fait marquant, c’est la querelle qui opposait différentes branches royales prétendant au trône sous l’arbitrage des députés. La non-entente a abouti à la politique de la terreur, c’est-à-dire une solution d’attente consistant à confier le pouvoir à des régents et en l’aménageant plus précisément par deux textes : celui de 1871 et celui de mars 1873, textes qui confiaient le pouvoir exécutif pour sept (7) ans, au Maréchal Mac mahon. Mais avant ces 7 ans un amendement allait transformer la destinée de ce régime.

B – Eléments constitutifs du régime parlementaireCet amendement provenait d’un député M. Wallon et consistait à légitimer le choix du

chef de l’Exécutif par une élection des Chambres réunies en congrès à la majorité absolue. Et cet amendement av être concrétisé dans ses différents aspects par trois lois successives qui vont asseoir le régime parlementaire. Ce sont ces trois lois qui vont être qualifiées de Constitution de 1873.

La première date de 1873 ; La deuxième loi date du 25 février 1875 ; La troisième loi date du 16 juillet 1876.

Elle se rapporte aux rapports entre pouvoirs publics c’est-à-dire d’une part un exécutif dual dépendant et d’autre part un parlement composé d’un Sénat et d’une Chambre des députés. C’est de cette loi que date la responsabilité politique du gouvernement devant les chambres. La philosophie de ce gouvernement était fondée sur le modération dans la mesure où les rapports politiques entre l’exécutif et le législatif étaient équilibrés. Mais on allait être en présence de deux mouvements plus ou moins contradictoires.

D’une part, on va assister à l’effacement progressif du Président de la République devant un gouvernement qui prend de plus en plus d’importance et d’autre part un affaiblissement progressif d’un exécutif au profit du Parlement par la mise en jeu de la responsabilité politique. Mac Mahon tentera de résister avant d’être vaincu et démissionné. Prenant la mesure de la puissance du Parlement, son successeur allait d’emblée déclarer sa soumission au Parlement affirmant du même coup la nature parlementaire du régime. Et cette soumission allait de pair avec un effacement dans la mise en œuvre du pouvoir exécutif au profit d’une équipe gouvernementale de laquelle émergeait un personnage qui assurait de fait le rôle de Chef. C’est ainsi qu’on verra apparaître un Premier Ministre ou un Président du Conseil non initialement prévu par la Constitution. Ce gouvernement est une institution de fait qu’on va transformer en 1934 en un véritable organe. Mais, il était soumis au Parlement. Et ces rapports entre l’exécutif et le législatif se fondent sur un certain nombre de moyens permettant de raffermir la domination du Parlement.

Par ailleurs, le régime était marqué par une certaine incohérence et une instabilité dans la mesure où il n’existait pas de majorité solide au Parlement. C’est ce qui va d’ailleurs favoriser en partie la défaite de la France devant l’Allemagne en 1940. Avec la libération on

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va installer un régime provisoire qui va durer jusqu’à l’adoption de la Constitution de la IVè République laquelle va rétablir la légitimité constitutionnelle. Ce régime durera jusqu’en 1958 lorsque le Général De Gaulle sera rappelé au Pouvoir. Ce rappel est dû à l’instabilité politique qui perdurait : 22 cabinets en 12 ans. C’est cette instabilité politique que va essayer de corriger la nouvelle Constitution de 1958.

SECTION II – L’ORGANISATION DES POUVOIRS PUBLICSPar pouvoirs, il faut entendre, conformément à la loi constitutionnelle du 3 juin 1958

qui charge le Général De Gaulle de rédiger une nouvelle constitution pour la France, l’ensemble des institutions issues du suffrage universel et desquelles dérive le pouvoir souverain (exécutif et législatif).

Parag.1 – Le pouvoir exécutifIl est composé du Président de la République et du Gouvernement qui dans la

Constitution de 1958 font l’objet de statuts différenciés.

A – Le Président de la RépubliqueAux termes de l’article 5, titre II de la Nouvelle Constitution, des prérogatives

importantes lui sont conférées ; sept prérogatives lui sont reconnues par la constitution ; dispositions qui font de lui la clé de voûte du système politique. Cette notion de «  clé de voûte » est de Michel Debré (ancien Premier Ministre du Général De Gaulle) et elle rend bien compte de l’importance de son statut et de ses pouvoirs (Bayeux, 16 juin 1946).

1 – Le statut du PrésidentPendant sa traversée du désert, le Président De Gaulle a tenu un discours dans lequel il

souhaitait pour la France un Président au-dessus de la mêlée politique. Mais ces idées ne triompheront que douze (12) ans après dans la mesure où c’est dans la Constitution de 1958 que l’on va imaginer un statut conséquent au chef de l’Etat fondé sur un mode d’élection nouveau et bénéficiant d’une protection réelle. Pour le mode d’élection, le Président est désigné dans un premier temps par un collège d’élus nationaux et locaux. Depuis le référendum du 06 novembre 1962, sa désignation se fait au suffrage universel direct pour un mandat de 7 ans. Cette durée de mandat est un héritage de la IIIè République.

Le Président bénéficie d’une protection juridique à la hauteur de sa stature, au titre de son rôle de garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire. Il incarne aussi l’esprit de la République et bénéficie d’une protection politique majeure en tant qu’institution arbitrale, située au-dessus des autres institutions et assumant un rôle de neutralité donc d’irresponsabilité politique sauf dans les hypothèses de haute trahison (article 68 de la Constitution française).

Cette irresponsabilité signifie que les actes accomplis dans le cadre de ses activités sont endossés par le Gouvernement qui, au besoin, en répond devant le Parlement. Quels sont ses pouvoirs ?

2 – Les pouvoirs du Parlement du PrésidentIls recouvrent deux choses : un domaine propre partagé.Le domaine propre : c’est surtout ce qui touche à la garantie de l’unité politique du

peuple et de la suprématie de l’Etat. On peut de manière négative appréhender ces prérogatives en disant que ce sont celles qui se rapportent à toutes les matières de la compétence du Président de la république autres que celles prévues à l’article 19 de la

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Constitution. Ii s’agit par exemple de la dissolution de l’Assemblée de la mise en œuvre des pouvoirs en temps de crise, de l’opportunité d’entrer en contact avec les représentants de la Nation, et enfin de la saisine du Peuple.

Le domaine partagé : il a trait aux matières où s’exercent naturellement les prérogatives relatives au fonctionnement quotidien de l’Etat, c’est-à-dire tout ce qu’il incombe à l’Etat de faire pour la continuité du service public, par exemples : s’agissant de la convocation du Parlement à une assemblée extraordinaire ou bien lorsque le Président de la République demande une nouvelle délibération à l’Assemblée. Ce sont-là des prérogatives qu’in enclenche à la demande du Premier Ministre.

B – Le Gouvernement Conformément au principe de la séparation des pouvoirs, il appartient à l’exécutif plus

précisément au Gouvernement, de mettre en œuvre les décisions générales issues du Parlement. Et à ce titre, il engage sa responsabilité devant l’Assemblée nationale. Dans le cadre de la détermination et de la conduite de la politique nationale par le Gouvernement, le Premier ministre joue un rôle fondamental.

Parag.2 – Le Pouvoir législatifIl est exercé par le Parlement et ses prérogatives sont prévues au titre IV de la

Constitution de 1958. Il est composé d’une part de l’Assemblée nationale et d’autre part du Sénat. Donc on est en présence d’un bicéphalisme qui n’en reflète pas pour autant le fédéralisme.

L’assemblée nationale fait l’objet d’une grande considération et c’est ce qui va se refléter dans son statut et dans son fonctionnement.

A – Le statut du ParlementLe premier élément, c’est le mode d’organisation. On est en présence d’un

bicéphalisme dans le cadre duquel on veut faire jouer au Sénat un rôle de modérateur, d’équilibre au profit des collectivités locales. C’est une chambre fort ancienne dans la mesure où, aussi bien sous le directoire, le premier et second empire comme sous la première et la deuxième Républiques, il a toujours eu deux Chambres.

L’Assemblée nationale regroupe des députés élus au suffrage universel direct sur la base d’un scrutin majoritaire à deux tours et leur chiffre avoisine les 600.

S’agissant des Sénateurs, ils sont au nombre de 322 à raison d’un sénateur pour 145000 habitants. Ils sont élus pour 09 ans renouvelables au tiers. Ils sont élus au suffrage universel indirect. Le mode de scrutin est double c’est-à-dire pour certains départements on applique le scrutin majoritaire à deux tours tandis que pour d’autres (plus de 5 sénateurs à désigner), on applique le scrutin proportionnel. Le Parlement français est régi par un règlement intérieur, symbole de l’Autonomie et de la puissance de l’Assemblée. Il a pour objet de régir l’organisation et le fonctionnement du Parlement à travers notamment de nombreuses commissions.

B – Le fonctionnement du ParlementLa Constitution de 1958 assigne au Parlement français un double rôle : le vote des lois

et le contrôle du Gouvernement.

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1 - Le vote des lois : Le parlement français vote les lois dans les matières qui sont limitativement énumérées à l’article 34. Cependant son action emprunte deux modalités différentes : soit fixer dans les détail les règles intervenant dans une matière déterminée, soit déterminer les principes fondamentaux qui gouvernent une matière (Défense nationale).

Cependant quelle que soit la modalité, elle laisse place à l’intervention de l’exécutif. S’agissant de la création de loi, elle obéit à une procédure appelée processus législatif. Il y a le phénomène de la navette législative qui impose que toute proposition ou projet de loi fasse l’objet d’un examen successif par les deux assemblées jusqu’à accord identique. Mais si l’accord ne se trouve pas facilement le dernier mot est donné à l’Assemblée nationale.

Cette procédure s’étale sur plusieurs phases. Il y a aussi différents types de lois ordinaires, organiques, ou relatives aux finances, comme au jeu politique lui-même qui font que le parlement intervient dans les activités du gouvernement.

2 - Le contrôle du GouvernementDans le cadre des rapports entre le Parlement et l’Exécutif, il y deux moyens qui sont

conférés à celui-là pour contrôler celui-ci : les moyens de contrôle ordinaire et les moyens de contrôle spécifiques au régime parlementaire.

Moyens ordinairesIl y en premier lieu les questions que les parlementaires peuvent adresser aux membres

du gouvernement et qui y répondent oralement lors des séances hebdomadaires. Il leur est par ailleurs loisible d’adresser des questions écrites au gouvernement ou à ses membres par l’intermédiaire du Président de l’Assemblée nationale. Ces procédés de contrôle entrent dans le cadre normal de la représentation politique. Le Parlement peut aussi constituer des commissions d’enquêtes ou de contrôle. Il s’agit ici d’un instrument dont la création et la mise en œuvre sont laissées à la discrétion des parlementaires c’est-à-dire des commissions peuvent être créées relativement à divers objets. Les commissions de contrôle proprement dites se rapportent à la gestion administrative, financière ou technique du Gouvernement. Mais quels qu’ils soient, l’utilisation de chacun de ces moyens peut déboucher sur une situation politique grave pour le gouvernement, celle qui consiste à son renvoi même si pour la mise en œuvre de cette prérogative majeure et ultime, il y a des moyens spécifiques plus adéquates.

Moyens de contrôle spécifiquesL’article 20 établit la responsabilité du gouvernement sur la base du faut que celui-ci

détermine et conduit la politique de la Nation. Les conditions de la mise en œuvre de cette responsabilité sont prévues aux articles 49 et 50 et sont le seul fait de l’Assemblée nationale.

Aux termes de l’article 49 alinéas 1, le Gouvernement peut engager sa responsabilité sur son programme ou sur une déclaration de politique générale. Cela intervient à la suite d’une délibération du Conseil des ministres et de la soumission de ce texte par le Premier ministre au Parlement. Si les députés veulent renverser le gouvernement, ils votent alors la motion de censure à la majorité des députés présents. Mais l’Assemblée nationale elle-même ne peut statuer que sous certaines conditions, que sont la signature de la motion par 1/10ème

des députés, sa soumission au vote 48 heures après et son adoption par la majorité composant l’Assemblée.

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Quoiqu’il en soit, l’Assemblée nationale détient en dernière instance les clés de la survie politique du Gouvernement c’est-à-dire en mettant en œuvre la motion de censure, le Parlement peut amener le gouvernement à démissionner même si celui-ci doit rester en place jusqu’à la nomination d’une nouvelle équipe. Mais en retour (art. 12), le président peut dissoudre l’Assemblée nationale. Cela signifie que le Gouvernement est l’organe intermédiaire entre le Président de la République et l’Assemblée nationale. Autrement dit peut servir, selon les cas, d’arme ou de bouclier dans les rapports entre le Parlement et l’Exécutif.

SECTION III – LES RAPPORTS ENTRE LES POUVOIRS PUBLICS

Les constituants de 58, lorsqu’ils donnèrent naissance à la Vème République, voulaient consacrer un régime parlementaire dualiste. L’œuvre de ces constituants allait revêtir une autre portée après le référendum de 1962. De la jonction de ces deux choses, il en est résulté deux lectures de la Constitution de 1968 : une lecture présidentielle et une lecture parlementaire.

Parag.1 – La lecture présidentielleLe Général De Gaulle n’a jamais fait mystère de son souhait de voir conférer à la

fonction de Chef d’Etat un statut conséquent, protecteur, éminent, à la hauteur de sa stature, à la dimension de la République elle-même. Et ses quelques mois d’expérience gouvernementale, l’en ont plus que jamais persuadé, il se sentait étroit dans les habits de la Constitution de 1946 ; ce qui allait conduire à la démission. Commence alors la traversée du désert. C’est seulement en 1958 que ces idées trouvèrent à se réaliser à trois points de vue.

1. – L’élection du Président de la République dans la mesure où De Gaulle réclamait que le Président, à défaut d’être élu par le peuple, le soit par un échantillon suffisamment représentatif de celui-ci.

2. – Les fonctions présidentielles : le Président De Gaulle va les rehausser par les notions de neutralité et d’arbitrage. Ce qui va lui permettre d’entrer en contact avec le peuple.

3. - La protection politique dont le président va faire l’objet : ce statut allait se densifier au sortir de la référendum du 06 novembre 1962 à l’occasion duquel, le Général De Gaulle réussira à faire admettre la nécessité de faire élire directement le Chef de l’Etat par le Peuple. Cette réforme a bénéficié il est vrai de circonstances politiques favorables parce qu’elle coïncida avec l’attentât du Petit-Clamart.

Ce rapprochement voulu par le Général est qualifié par certains auteurs de caprices d’un vieillard qui a souvent besoin d’un bain de jouvence populaire. Mais curieusement ce sont les institutions partisanes qui lui seront à la fois le maintien au pouvoir et les moyens de sa réalisation politique.

En effet, De Gaulle va bénéficier d’une majorité hétéroclite composée de son propre parti UNR et de quelques mouvements d’anciens résistants. C’est à partir de là que commence l’infléchissement du régime politique français. Ce mouvement va continuer avec les présidents qui lui succéderont. Ce phénomène est entre tenue par des mécanismes comme celui qui consiste à organiser simultanément les élections législatives et présidentielles.

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Parag.2 – La lecture parlementaireLa Constitution du 04 octobre 1958 a mis en place un régime parlementaire dualiste

c’est-à-dire d’un côté un pouvoir exécutif à deux têtes et de l’autre côté un pouvoir législatif qui a pour rôle de voter les lois et de contrôler le pouvoir précité. Mais l’importance politique de ce contrôle est telle que le gouvernement démissionne à chaque fois qu’il fait l’objet d’un désaveu par l’Assemblée nationale. Cela s’inscrit dans la logique du régime parlementaire dans la mesure où le Gouvernement en tant qu’émanation de la majorité parlementaire détermine et conduit la politique de la Nation dont la mise en œuvre engage sa responsabilité. Cette orientation politique est cela que nous avions en France jusqu’au présidentielles passées.

Jacques Chirac ne pouvait renvoyer L. Jospin que consécutivement à un désaveu parlementaire. Dans le cadre du régime parlementaire, le gouvernement et son Premier ministre bénéficient d’un certain nombre de prérogatives qui leur sont propres sur la base des responsabilités politiques qui leur incombent. C’est aussi sur la base de ces prérogatives que le gouvernement peut jouir d’une autonomie vis-à-vis du Président de la République.

Après ces deux périodes de cohabitation et celle plus récente entre 1997, et 2002, on peut dire que le système politique français est entrain de vivre une période de maturité et c’est que le Président Chirac lui-même disait après son élection.

CHAPITRE II – LE REGIME POLITIQUE BRITANNIQUE

Le régime politique britannique bénéfice du Label de société politique la plus policée et de plus vieille démocratie. Ce label, la Grande-Bretagne le doit à deux choses : une organisation institutionnelle particulière et surtout un fonctionnement spécifique de ses instituions politiques.

SECTION I – L’ORGANISATION INSTITUTIONNELLEL’œuvre majeure sur les institutions politiques écrite par Montesquieu, « De l’Esprit

des Lois » a été occasionnée par l’observation des mécanismes de fonctionnement du régime politique anglais. De ces mécanismes est tirée une logique de spécialisation des pouvoirs de l’exécutif d’une part et du législatif d’autre part.

Parag.1 – Le Pouvoir exécutifIl englobe deux entités distinctes : la couronne et le gouvernement proprement dit.

A – La couronneC’est le symbole du royaume, l’incarnation à la fois du pouvoir exécutif avec son faste

et son protocole et du règne d’une famille à la tête d’un royaume. Elle matérialise par ailleurs la souveraineté du peuple britannique, représentée par la Monarchie qualifiée parfois aussi de parlementaire pour souligner son adéquation avec la majorité au Parlement.

Cette incarnation est consacrée par les Parlements anglais depuis 1701 avec le vote d’une loi constitutionnelle. Cette légitimité fut renforcée par les lois de 1753 et 1757 sous la régence. Mais le roi règne tout en ne gouvernant pas. Il ne remplit que des fonctions politiques symboliques (nomination du 1er ministre, ouverture et fermeture des sessions parlementaires, convocation ou dissolution de l’Assemblée). Il garde cependant un certain

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nombre de prérogatives : critique ou appréciation de la politique gouvernementale, consultation politique, encouragement …).

B – Le GouvernementIl comprend deux organes : le Premier ministre et le Cabinet :

1 – Le Premier ministre Il est désigné à la suite des élections législatives et il est toujours le chef de la majorité

sortie des urnes. C’est pour cela qu’il bénéficie d’un soutien quasi absolu du Parlement. Mais de soutien n’est ni permanent, ni inconditionnel. Il a aussi un certain nombre de pouvoirs celui de la nomination et de la révocation des membres du gouvernement choisis parmi les députés de son parti. Il bénéficie en apparence d’une grande liberté d’action et de choix pour la désignation des membres de son équipe ; en réalité, il est limité par la logique partisane.

Il est rempli enfin d’un certain nombre de fonctions comme la représentation du gouvernement et la direction du cabinet.

2 – Le cabinetC’est le rouage essentiel de l’Exécutif. Ses ministres sont souvent des députés issus du

parti majoritaire au Parlement. Mais cela n’exclut pas la possibilité de choisir des membres venant d’autres horizons politiques (cabinet de coalition). La taille du cabinet varie selon qu’on est en temps de guerre ou de paix ou en fonction des turbulences politiques ou électorales. Mais en réalité ce qu’on appelle cabinet en Grande – Bretagne ce sont les ministères-clès dont les chefs portent le titre de Secretary of State (les finances, les affaires étrangères, la couronne, la défense) : tous les autres sont des ministères secondaires. Cela n’affecte nullement cependant l’efficacité du cabinet. Celui-ci se subdivise en commissions spécialisées dans divers domaines politiques. La coordination entre ces différentes commissions est assurée par le Secrétariat du cabinet. Les fonctions principales incombant au Cabinet sont elles aussi allégées. La première fonction consiste à prendre une décision sur les grands problèmes qui affectent la politique générale du royaume.

La seconde fonction, c’est d’assurer la responsabilité collective du gouvernement devant le Parlement, c’est l’organe fondamental dans le régime anglais (Cf. adage : « Parlement peut tout faire sauf changer la Reine en Roi ».

Parag.2 – Le pouvoir législatifLe Parlement britannique qui siège à Westminster est composé de deux chambres : la

Chambre des communes ou Chambre basse et la Chambre des Lords ou Chambre haute.

A – La Chambre des communesElle reflète dans sa formation, la composition du royaume lui-même dans ses quatre

parties que sont l’Angleterre, l’Ecosse, Irlande du Nord, le Pays de Galles. Ses députés sont élus pour cinq (05) ans au suffrage universel. Mais le caractère majeur de ce régime c’est la possibilité de dissolution qui affecte parfois cette chambre des communes avant l’expiration de ces 5 ans.

Le speaker joue un rôle de porte-parole du Parlement et remplit un certain nombre de fonctions. Dans leur fonctionnement, les communes tiennent quatre (04) sessions parlementaires par an mais qui sont tellement longues que le travail parlementaire en devient permanent. Les principales activités parlementaires sont : l’élaboration des lois, le contrôle budgétaire et le contrôle du gouvernement.

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Pour l’élaboration des lois, les communes sont organisées en plusieurs commissions subdivisées entre commissions spécialisées et non spécialisées. Les commissions spécialisées ont pour vocation d’étudier toutes les propositions de lois alors que la commission plénière est seule compétente pour l’étude des projets de budget.

S’agissant de l’activité de contrôle du gouvernement, est institué ce que l’on appelle la question-time qui est un intermède de 45 mn au début de chaque séance pendant laquelle des questions sont posées directement aux membres du gouvernement.

B – La Chambre des LordsC’est la chambre des nobles et comprend un millier de membre subdivisés en quatre

grandes catégories : les Lords temporels qui sont les plus nombreux (1171 en 1988). Parmi ceux-ci, il faut faire la différence entre les pairs et pairesses du royaume (Lords héréditaires) : les pairs à vue et enfin les lords légistes. De l’autre côté on a les Lods spirituels moins nombreux et qui sont des hommes d’Eglise. Pour son fonctionnement, la Chambre des Lords travaille de façon beaucoup moins soutenue que la Chambre des Communes. Elle n’a que 110 sitting days par an. Mais cela ne porte pas à conséquence majeure dans le fonctionnement du régime car elle ne remplit que le rôle d’initiateur des lois sauf celles ayant trait aux finances.

SECTION II – FONCTIONNEMENTLe système est désigné sous le terme de régime parlementaire dont la caractéristique

principale est de se fonder sur le principe de la souveraineté parlementaire. L’usage de ce terme est ici spécifique en ce sens qu’il rend compte de la toute puissance du Parlement qui est à l’origine du gouvernement et sui domine toute la vie politique britannique. Il est composé de deux grands partis. C’est ce que l’on appelle le bipartisme anglais. L’équilibre de ce système pour la garantie de la liberté politique est tel qu’il a été copié un peu partout dans le monde. Il faut donc essayer de déterminer ses origines avant de mesurer son influence sur le système politique lui-même.

Parag.1 – Les origines du bipartismeOn peut définir le bipartisme comme étant le système du parti où deux grandes

formations politiques dominent de façon durable le jeu politique en s’y succédant de façon régulière. A l’origine de ce système, il y a le scrutin majoritaire à un tour et son aspect déformant qui permet au parti sorti vainqueur des élections d’obtenir plus de sièges qu’il n’a eu de voix. Mais ce système est relativement récent, c’est seulement dans le courant du XIX° siècle qu’il a commencé à prendre forme. Cela va donner lieur par la suite à une opposition entre libéraux et travaillistes dans la course au pouvoir. Il faut préciser que la domination de ces deux grands partis laisse toujours subsister un troisième parti qui peut prendre de l’importance en fonction des circonstances ou périodes.

Parag.2 – L’influence du bipartisme sur le système politiqueLa domination du système par les deux grandes formations politiques a de

conséquences majeures sur le système lui-même. Ce sont les suivantes :- la stabilité politique qui renoue à une entente entre les deux grands partis sur

l’essentiel ;

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- l’alternance politique, c’est-à-dire la possibilité pour les électeurs britanniques de changer de majorité et de gouvernement pour exprimer leur mécontentement politique (shadows cabinet) ;

- l’homogénéité politique sous-tendue beaucoup plus par des principes coutumiers que par des dispositions formelles.

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