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Coup de bélier et cheminée d'équilibre Frédéric Élie, mai 2014 La reproduction des articles, images ou graphiques de ce site, pour usage collectif, y compris dans le cadre des études scolaires et supérieures, est INTERDITE. Seuls sont autorisés les extraits, pour exemple ou illustration, à la seule condition de mentionner clairement l’auteur et la référence de l’article. Lorsque, dans une conduite, on fait varier brusquement le débit d'un liquide par une action quelconque (telle la fermeture d'une vanne, par exemple), un régime instationnaire apparaît dans le tronçon amont de la conduite. Ce régime est principalement caractérisé par la propagation d'ondes hydrauliques qui véhiculent une énergie élastique non négligeable (ondes de pression), suffisamment parfois pour apporter des dommages aux installations. Ces phénomènes sont assez courants (vous avez sans doute quelques fois remarqué qu'en fermant brutalement un robinet d'eau chez vous vous entendiez des tressautements dans les tuyaux), mais lorsqu'il s'agit de circuits destinés à l'alimentation de centrales hydrauliques (usines hydro-électriques notamment) produisant des centaines et des milliers de kilowatts, avec des débits d'écoulement très importants (plusieurs dizaines de mètres cubes par seconde), ces inconvénients doivent impérativement être évités. Une des techniques consiste à recourir à des dispositifs anti-bélier, parmi lesquels on notera les cheminées d'équilibre: celles-ci consistent à transformer les ondes de pression très énergétiques en oscillations en masse où l'énergie est amortie. Cet article présente, moyennant quelques calculs d'hydraulique, le phénomène du coup de bélier et le principe des cheminées d'équilibre. Brebis à la montée vers le col de Restefond-La Bonnette, versant vallée de l'Ubaye photo: Frédéric Élie (août 2008) ©Frédéric Élie – http://fred.elie.free.fr , mai 2014 page 1/19 Moi, je ne m'approche pas, Méson: il y a plein de brebis, donc le bélier n'est pas loin !!! Tu as peur de prendre un coup de bélier, Photon? Hi! Hi! hi!...

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Coup de bélier et cheminée d'équilibre

Frédéric Élie, mai 2014

La reproduction des articles, images ou graphiques de ce site, pour usage collectif, y compris dans le cadre des études scolaires etsupérieures, est INTERDITE. Seuls sont autorisés les extraits, pour exemple ou illustration, à la seule condition de mentionner

clairement l’auteur et la référence de l’article.

Lorsque, dans une conduite, on fait varier brusquement le débit d'un liquide par une actionquelconque (telle la fermeture d'une vanne, par exemple), un régime instationnaire apparaît dansle tronçon amont de la conduite. Ce régime est principalement caractérisé par la propagationd'ondes hydrauliques qui véhiculent une énergie élastique non négligeable (ondes de pression),suffisamment parfois pour apporter des dommages aux installations. Ces phénomènes sontassez courants (vous avez sans doute quelques fois remarqué qu'en fermant brutalement unrobinet d'eau chez vous vous entendiez des tressautements dans les tuyaux), mais lorsqu'ils'agit de circuits destinés à l'alimentation de centrales hydrauliques (usines hydro-électriquesnotamment) produisant des centaines et des milliers de kilowatts, avec des débits d'écoulementtrès importants (plusieurs dizaines de mètres cubes par seconde), ces inconvénients doiventimpérativement être évités. Une des techniques consiste à recourir à des dispositifs anti-bélier,parmi lesquels on notera les cheminées d'équilibre: celles-ci consistent à transformer les ondesde pression très énergétiques en oscillations en masse où l'énergie est amortie.Cet article présente, moyennant quelques calculs d'hydraulique, le phénomène du coup de bélieret le principe des cheminées d'équilibre.

Brebis à la montée vers le col de Restefond-La Bonnette, versant vallée de l'Ubayephoto: Frédéric Élie (août 2008)

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Moi, je ne m'approche pas, Méson: il y a plein de brebis, donc le bélier n'est pas loin !!!

Tu as peur de prendre un coup de bélier, Photon?

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SOMMAIRE

1 – Définition du coup de bélier dans une conduite2 – Définition de la cheminée d'équilibre, oscillations en masse3 – Coup de bélier lors d'une fermeture instantanée: formule d'Allievi

3.1 – Description qualitative3.2 - Surpression et célérité de l'onde d'un coup de bélier avec fermeture instantanée

(relation d'Allievi)3.3 - Surpression en cas d'une fermeture non instantanée (relation de Michaud)3.4 - Modélisation « localisée » de la propagation 1D dans la conduite: en fermeture

instantanée et en fermeture lente4 – Cheminée d'équilibre, régime d'oscillations en masse5 – Oscillations entretenues: condition de ThomaRéférences

********

1 – Définition du coup de bélier dans une conduite

Lorsque, dans une conduite, on fait varier brusquement le débit par une action quelconque, un régimeinstationnaire apparaît à l'extrémité aval de la conduite (on dit que l'on a affaire à un régime transitoireen charge).Un cas typique est celui où la conduite est le circuit d'amenée d'eau depuis une retenue (barrage, lac)jusqu'aux turbines de la salle des machines d'une usine hydro-électrique qui produit de l'électricité.Dans ces installations hydro-électriques, l'opération qui consiste à faire varier le débit dans la conduitepeut résulter de deux exigences d'utilisation: ouverture suffisante et la plus rapide possible pourrépondre à un appel de puissance instantanée, et à l'inverse, coupure du circuit d'arrivée en cas derisque d'emballement des turbines. Mais on observe, dans les expériences quotidiennes, les coups debélier lorsque l'on ferme trop rapidement un circuit d'eau dans une habitation, accompagné d'un bruit devibration bien caractéristique. La charge supplémentaire qu'apporte ce régime transitoire à la charged'utilisation normale du circuit est largement supérieure à celle-ci; elle peut même conduire à desdétériorations dans le circuit.

Figure 1 – dispositif simplifié favorable à l'apparition d'un coup de bélier

La figure 1 illustre la configuration où apparaît le coup de bélier: un réservoir est relié à une conduitelongue sur laquelle est montée une vanne. Lorsque la vanne est ouverte, un régime permanent de débitconstant Q0 est installé dans la conduite. Si l'on ferme rapidement la vanne, une surpression variableapparaît dans la conduite pendant une durée finie, génératrice d'ondes élastiques se propageant en elle.

Nous verrons que selon la vitesse avec laquelle la fermeture de la vanne est réalisée, on aura desrégimes transitoires différents. Le paramètre important est le rapport

durée de la fermeture de la vanne----------------------------------------------------------durée d'aller-retour de l'onde dans le circuit

Si ce rapport est très faible (fermeture quasi-instantanée), la surpression dans le circuit atteint un

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maximum important par suite des interférences constructives entre les ondes aller et les ondes retour. Sice rapport est élevé (fermeture lente), la variation progressive du débit est analogue à une succession,en nombre infini, de fermetures partielles qui ont chacune pour effet de générer des surpressions qui sesuccèdent et qui sont différentes de la situation d'une fermeture instantanée, ce qui conduit à unesurpression globale moins importante que pour la fermeture instantanée.Le premier cas (fermeture instantanée) fait l'objet du modèle d'Allievi, le second (fermetureprogressive) fait l'objet du modèle de Michaud. Nous les étudierons par la suite.

2 – Définition de la cheminée d'équilibre, oscillations en masse

Une manière de réduire les surpressions dans une conduite consécutives à la fermeture d'une vanne depied, consiste à transformer les ondes de pression dans la conduite par des oscillations en masse dansun dispositif connecté à la conduite. C'est la fonction de la cheminée d'équilibre: colonne verticaleouverte, avec une surface libre, connectée en dérivation à la conduite, en amont de la vanne de pied(figure 2).

figure 2 – cheminée d'équilibre

Lorsque les ondes de surpression partent de la vanne de pied vers le réservoir, elles rencontrent unepremière surface libre au niveau de la cheminée d'équilibre et ne se propagent pas plus avant vers laretenue ou le réservoir. Leur énergie est transmise à la masse d'eau contenue dans la cheminée, etcomme elle a une surface libre, cette masse va osciller également sous l'action de cette énergie etabsorber ainsi les ondes de surpression de la conduite. Le phénomène est comparable à une oscillationdans un tube en U où l'une des branches est le réservoir et l'autre la cheminée.Nous verrons que la cheminée joue un rôle d'amortissement des ondes de surpression si sa section estsupérieure à une valeur minimale: c'est la condition de Thoma.

3 – Coup de bélier lors d'une fermeture instantanée: formule d'Allievi

3.1 - Description qualitative

Voir la figure 3.

La conduite, de longueur L, est supposée horizontale, de sorte que la variation de pression due à lapesanteur n'intervienne pas: la pression P est alors la même dans toute la conduite; elle est égale à lapression P0 du régime permanent augmentée de la surpression ΔP due à la fermeture de la vanne depied:

P=P0 P

La vitesse de l'eau dans la conduite est constante: U (m/s), car l'écoulement est permanent.Les événements suivants se succèdent juste après la fermeture de la vanne de pied:

– L'instant initial t = 0 est celui où la fermeture instantané est réalisée. Juste avant cet instant lavitesse V du fluide est U: V = U.

– A la fermeture t = 0, la vitesse V s'annule à la section correspondant à la vanne de pied, maiselle ne s'annule pas simultanément dans toutes les sections de la conduite.

– La vitesse V s'annule aux sections successives vers l'amont (i.e. vers le réservoir) avec unecélérité c.

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figure 3 – coup de bélier dans une conduite: étapes successives du champ de vitesse après fermeturede la vanne de pied (c: vitesse de propagation de l'onde, c'est-à-dire vitesse avec laquelle se déplace le

front qui sépare la zone où V = U de celle où V = 0)

– Si s est une section où V = 0, entre s et la vanne de pied on a V = 0, mais entre s et le réservoiron a encore V = U.

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– Entre s et la vanne de pied où V = 0, la pression augmente à cause de la conservation del'énergie le long des lignes de courant (relation de Bernoulli). Cette augmentation de pression vas'emmagasiner d'une part dans la compression du volume d'eau dans le tronçon considéré, etd'autre part dans la dilatation élastique de la paroi de la conduite sur ce même tronçon. Tout sepasse comme si l'ensemble (eau + conduite) se comporte comme un ressort comprimé sousl'action de la surpression d'une masse d'eau.

– A l'instant t = L/c, le front d'onde atteint la surface libre en amont (c'est-à-dire la surface libre duréservoir). A la surface libre, l'onde se réfléchit et change de signe, donc elle devient une ondede dépression qui retourne dans la conduite: l'eau circule en retour avec la vitesse V = -U.

– A t = 2L/c, donc après le temps L/c depuis la première réflexion, l'onde de dépression rencontrela vanne de pied (restée fermée), et s'y réfléchit sans changer de signe. La pression diminuealors dans la conduite (toujours selon la relation de Bernoulli) et l'onde de dépression se dirigevers l'amont (le réservoir).

– A t = 3L/c, cette onde de dépression se réfléchit à la surface libre du réservoir en changeant designe, ce qui donne une onde de compression qui retourne vers l'aval (la vanne de pied).

– Et ainsi de suite. Ces alternances sont théoriquement infinies pour un fluide parfait, mais pour unfluide réel, les effets de frottement dus à la viscosité (pertes de charge) dissipent l'énergie et lesondes s'amortissent très rapidement.

3.2 - Surpression et célérité de l'onde d'un coup de bélier avec fermeture instantanée (relationd'Allievi)

Soit (s0) la section au niveau de la vanne de pied.L'onde se propage avec la célérité c, que nous allons calculer. Pendant la durée dt, cette onde parcourtla distance: dx = c dt, et rencontre la section (s) voisine de (s0), distante de dx.Si l'on désigne par s la surface de la section de la conduite, supposée constante, la masse d'eaucontenue dans le tronçon (s0s) est:

d m= sdx= s c dt

où ρ masse volumique de l'eau. Soit V(x,t) la vitesse de l'eau dans la conduite au niveau de la section(s). La masse dm a une impulsion dp = d(mV) qu'elle acquiert sous l'action de la force due à lasurpression ΔP: F = sΔP. Le principe fondamental de la dynamique donne:

dpdt

=F

Or:dpdt

=ddt

mV =dmdtVm

dVdt

La vitesse d'écoulement étant constante V = U, on a dV/dt = 0 et:

dpdt

=dmdtU=c sU=s P

d'où la surpression en (s):

P=c U (1)

Par ailleurs, cette surpression s'obtient en appliquant le théorème de l'énergie: l'énergie cinétique de lamasse d'eau est égale à la somme des travaux de compression de l'eau et de déformation de laconduite. La conduite est circulaire, de diamètre D. Une variation de pression ΔP à températureconstante entraîne dans le fluide une variation de volume:

vv

=T P

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où χT coefficient de compressibilité de l'eau. Cette même variation ΔP entraîne une variation del'épaisseur e de la conduite:

ee

=1E

P

où E est le module d'Young.

Il s'ensuit que le travail de compression est: W e=12T P² x s et le travail de déformation de la

conduite est: W T=12

P²Ee

D x s

L'énergie cinétique est, quant à elle: 12mV²=

12 s x U² , et donc:

12

s xU²=W eW T=12 P² x sT

DE e

d'où la surpression:

P=U

1T

DE e

(2)

Il est usuel d'exprimer ΔP en hauteur d'eau H:

H m= P g

=U

g² TDE e

(2bis)

La comparaison de (2) et (1) donne la célérité:

c=c0

1D

T E e (3)

où c0=1

Test la célérité du son dans l'eau (réf. [5]). (3) est la formule d'Allievi.

AN: conduite en acier: E = 20000 daN/mm², eau: 1/χT = 20000 daN/cm²Si D = 2 m, e = 2 cm, alors: c = 1 km/sSi U = 5 m/s, alors ΔP = 500 m de hauteur d'eau (50 bars): c'est énorme !

3.3 - Surpression en cas d'une fermeture non instantanée (relation de Michaud)

Une vanne n'est jamais fermée sur une durée infiniment petite: l'opération de fermeture prend une duréefinie T.Pour modéliser le phénomène, on assimile la fermeture progressive de la vanne à une succession de nfermetures partielles instantanées, séparées les unes des autres d'une durée T/n. Au cours de chaquefermeture partielle la section de la conduite diminue de s/n (où s est la section initiale):

– La première fermeture partielle entraîne la propagation vers l'amont (le réservoir) d'une onde desurpression d'amplitude ΔP1 = ΔP/n, où ΔP représente la surpression qu'aurait la conduite en casde fermeture instantanée complète, donnée par (1): P=c U

– L'onde de surpression se réfléchit avec changement de signe à la surface libre du réservoir aubout du temps L/c.

– Au bout du temps de retour, soit L/c, c'est-à-dire au bout du temps total 2L/c depuis la première

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fermeture partielle, une onde de dépression atteint l'extrémité aval, c'est-à-dire la section (s0) oùse trouve la vanne de pied (cf. figure 3).

– En (s0) l'onde de dépression, issue de la première fermeture partielle, se réfléchit vers l'amontsous forme d'une onde de dépression. Et c'est la même chose pour les autres ondes dedépression issues des fermetures partielles suivantes.

– Si la durée de fermeture est telle que T > 2L/c, la première onde de dépression d'amplitude ΔP1= ΔP/n arrive sur la vanne (s0) alors qu'elle n'est pas complètement fermée: cette onde sesuperpose alors à l'onde de surpression issue des fermetures partielles effectuées pendant ladurée T. Il s'ensuit que la surpression dans les tronçons voisins de la vanne est plus petite quecelle qu'aurait engendrée une fermeture instantanée. Nous verrons au paragraphe 3.4 que lasurpression est égale à:

P=2 LTU (4)

C'est la relation de Michaud.– Si T < 2L/c (fermeture rapide quoique non instantanée), lorsque la première onde de dépression

revient sur la vanne, celle-ci est déjà complètement fermée. En conséquence, la surpression nepeut pas diminuer par interférences destructives avec les autres ondes issues des fermeturespartielles: elle conserve sa valeur maximale donnée par (1). Tout se passe comme si lafermeture était instantanée, cependant les effets d'élasticité de paroi en moins.

3.4 – Modélisation « localisée » de la propagation 1D dans la conduite: en fermeture instantanéeet en fermeture lente

Comme dans tout phénomène ondulatoire, une modélisation localisée des propagations des grandeursphysiques est possible sous la condition qu'on se limite à l'hypothèse des grandes fréquences. Ladescription « localisée » consiste à mettre en relation ces grandeurs entre deux points A et B du circuit,par l'intermédiaire d'une matrice où intervient l'impédance du circuit. Une impédance est le rapport entreune grandeur intensive (comme ici la pression P) et une grandeur extensive (comme ici le débitvolumique Q) (1):

Z= PQ

=cUU s

=cs

d'après (1)

(L'analogie électrique est: grandeur intensive = tension E, grandeur extensive = courant i; donc Z = E/i).Nous verrons que l'intérêt de cette méthode est multiple:

– Prévoir le comportement de la surpression en une section du circuit, en particulier à la section de

1 Une grandeur intensive est telle que la grandeur A de l'union de deux systèmes S1 U S2 n'est pas égale à la somme de lagrandeur dans chacun d'eux: A (S1 U S2) ≠ A(S1) + A(S2); pour une grandeur extensive, par définition, c'est le cas:A (S1 U S2) = A(S1) + A(S2). La pression à la sortie de deux tronçons qui se rencontrent dans une conduite n'est pas lasomme de leurs pressions, c'est la même; en revanche le débit à la sortie de deux tronçons qui se rencontrent dans uneconduite est égale à la somme des débits issus de ces tronçons: en effet les volumes d'eau qui pénètrent dans la conduites'ajoutent.

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Ça y est: c'est parti pour un nouveau tour dans les équations de mécanique des fluides, vous allez vous régaler !

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la vanne de pied.– En déduire ce qui se passe lors de la fermeture, selon qu'elle est lente ou rapide.– Prévoir les phénomènes de résonance.– Déduire la formule de Michaud pour la fermeture lente.

Pour cela, nous appliquons à un écoulement 1D les équations de Navier-Stokes (fluide visqueux)auxquelles on adjoindra les lois de comportement (ou équations d'état) du fluide et d'élasticité de laconduite:

(a) ∂ V∂ t

V⋅grad V = f−grad P ∇ ² V (2)

(b) ∂

∂ tV⋅grad div V=0 (conservation de la masse)

(c) équation de compressibilité du fluide: d

=T d P

(d) variation de la section s de la conduite sous la pression P: d ss

=DE e

d P (D: diamètre, e: épaisseur

du tuyau, E: module d'Young)

Pour un écoulement unidirectionnel (1D), horizontal, suivant Ox ( V=V ex ) les équations (a) et (b) seréécrivent:

(a bis) ∂V∂ t V∂V∂ x =−

∂ P∂ x

∂ ²V∂ x²

(b bis) ∂

∂ tV

∂ x

∂V∂ x

=0

Compte tenu de (c): ∂

∂ t=T

∂ P∂ t

que l'on injecte dans (b bis); en introduisant la vitesse du son c0

dans le fluide, telle que:

c0 ²=1

T (5)

il vient pour (b bis):

∂P∂ t

V∂P∂ x

c0 ²∂V∂ x

=0 (6)

On introduit la charge spécifique: H S=V²2 g

P

gd'où

d H S

dx=

1g [V ∂V

∂ x

1

∂P∂ x ]

Or la quantité: V∂V∂ x

∂P∂ x

=∂

∂ x 12

V²P=∂ P*∂ x

=gd H S

dxoù P* est la pression totale

P*=12V²P

En première approximation, sur un parcours dans la conduite de longueur L, la quantité ∂P */∂ x peutêtre assimilée à une variation de pression totale par unité de longueur:

2 Remarque: en toute rigueur, il existe un terme supplémentaire dans le 2e membre de (a): 13 grad div V qui est

souvent négligé même si l'on n'a pas div V=0 comme pour un fluide incompressible. En fait, il est ignoré parce que

les effets qu'il représente sont intégrés aux lois de fermeture sur P. D'autre part div V=0 n'a de sens que pour un

écoulement au moins 2D où V=V x e xV y e y donc ∂V x

∂ x

∂V y

∂ y=0 : la déformation suivant Ox est compensée

par une déformation suivant Oy, dimension qui est posée comme négligeable ici.

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∂P*∂ x

≈ P *L

La théorie et l'expérience montrent que sur une longueur L, les effets de frottement entraînent unediminution de la pression, ou perte de charge, qui dépend de L, du diamètre D de la conduite et de larugosité de paroi h/D (h: hauteur moyenne des aspérités), selon une loi générale de perte de charge:

P*L

=12

V²1D

Re ,hD

(7)

où Λ = Λ(Re, h/D) est le coefficient de perte de charge paramétré par le nombre de ReynoldsRe=V D / et la rugosité h/D, objet du diagramme de Moody (figure 4), réf. [1].

figure 4 – Diagramme de Moody

Quelques expressions de Λ:

– Re < 2000 (laminaire): =64Re

– 2000 < Re < 105: =0,3164

Re1/4 (Blasius) régime turbulent lisse

– 105 < Re < 108: =0,00320,221

Re0,237 (Nikuradse) régime turbulent lisse

– Re = Rec = 2000 (critique): 1

=[2 lnRe

2,51 ]2

(Kirschmer-Prandtl-Karman)

– Re > 2000: 1

=−2 ln h

3,7D

2,51Re (Colebrook) régime turbulent rugueux

(a bis) s'écrit alors:

∂V∂ t

V ∂V∂ x

∂ P∂ x =

∂ ²V∂ x²

d'où:

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Λ Λ

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∂V∂ t

∂ P*∂ x

=∂ ²V∂ x²

(8)

En stationnaire ( ∂V /∂ t=0 ) on aurait donc ∂P*∂ x

= g∂ H S

∂ x=

∂ ²V∂ x²

qui est égal à (7). Le second

membre de (8) est donc, en régime non stationnaire, le terme de perte de charge, donc:

∂V∂ t

V∂V∂ x

∂ P∂ x

=12V²

1D

Re ,h /D (9)

On dispose finalement des équations (6) et (9).

On néglige maintenant les pertes de charge et on introduit le débit Q = sV; (6) et (9) deviennent:

Q=sV∂P∂ t

V∂P∂ x

c0 ²∂V∂ x

=0

∂V∂ t

V∂V∂ x

1

∂P∂ x

=0

Or: d Qd t

=s∂V∂ x V∂V∂ x =−

s

∂ P∂ x

soit:

sdQdt

∂ P∂ x

=0 (10)

Comme ∂V∂ x

=1s

∂Q∂ x

on a aussi: ∂P∂ t

sV

∂Q∂ x

c0 ²∂V∂ x

=0

On néglige le terme de convection V ∂Q /∂ x (linéarisation) d'où:

sc0 ²

∂P∂ t

∂Q∂ x

=0 (11)

(10) et (11) sont ici les équations de base pour l'écoulement 1D dans la conduite horizontale, sans pertede charge. Pour une modélisation à constantes localisées, on introduit:

– la capacité spécifique: C0=s

c0 ²

– l'inertance spécifique: L0=

set les équations (10) et (11) se réécrivent comme les courants et les tensions dans un circuit électrique:

L0dQdt

∂P∂ x

=0

C0∂ P∂ t

∂Q∂ x

=0 (12)

Les fonctions P et Q ont pour transformées de Laplace P et Q avec par définition:

Q x , t =TL−1 Q=∫ Q x ,ueu t du

P x ,t =TL−1 P=∫ P x ,ueu tdu

ce qui donne:

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L0u Q∂ P∂ x

=0

C0u P∂ Q∂ x

=0 (13)

P=−1C0u

∂ Q∂ x

L0u Q−1C 0u

∂ ² Q∂ x²

=0 ce qui donne l'équation d'onde pour le débit:

∂ ² Q∂ x²

−L0C 0u² Q=0 (13bis)

(13bis) s'intègre pour Q , et de manière analogue pour P , en:

Q x =acosh u L0C 0 x b sinh uL0C 0 xP x =a ' cosh uL0C 0 x b ' sinhu L0C0 x

(14)

Déterminons les coefficients a, b, a', b' de (14). Pour cela, appliquons les équations (14) aux points A etB, où B correspond à l'entrée de la conduite (x = 0), et A correspond à la vanne de pied (x = L); leséquations (13), compte tenu de (14), permettent de relier la pression et le débit par l'intermédiaire de

l'impédance Z0= L0

C0

: en posant K=uL0C0 il vient:

Q x =acosh K xb sinh K xP x =−Z 0b cosh K x−Z 0a sinh K x

En x = 0 les égalités précédentes donnent:Q0=a

P 0=−Z0bOr (13) donne aussi en x = 0:

L0u Q 0∂ P 0

∂ x=L0uab ' K=0

C0u P 0∂ Q 0

∂ x=C0u a'b K=0

Comme a= Q 0 et b=−P0

Z 0les coefficients a' et b' peuvent aussi s'exprimer à l'aide de

P 0 , Q 0 :

b '=−L0u

Ka=−

L0u

uL0C0

a=−Z0a=−Z 0Q 0

a '=−KC 0u

b=−uL0C0

C 0u=−Z 0b= P 0

en remplaçant dans (14), on a pour tout x:

P x= P 0cosh K x−Z 0Q 0 sinh Kx

Q x=−P 0

Z0

sinh K x Q 0cosh K x (14 bis)

En exprimant (14 bis) en x = L (vanne), on obtient en particulier la relation entre les grandeurs d'entrée(x = 0) et celles au niveau de la vanne:

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P L=cosh K L P 0−Z0 sinh K L Q 0

Q L=−1Z 0

sinh K L P 0cosh K L Q 0(15)

que l'on peut représenter sous forme matricielle:

P LQ L=

cosh uL0C0 L −Z0 sinhuL0C0 L

−1Z0

sinh uL0C0 L cosh u L0C0 L P 0Q 0 (15 bis)

Si l'on assimile le tronçon de conduite entre l'entrée x = 0 (point B) et la vanne x = L (point A) à un circuitéquivalent électrique, où la pression P correspond à la tension, et le débit Q correspond au courant, lamatrice de la relation (15 bis) est la matrice de transfert [T] d'un quadripôle dont l'entrée est B et la sortieest A; on peut même vérifier que l'on peut représenter la relation entre l'état hydrodynamique d'unesection A et celui d'une section B de la conduite par un quadripôle en « T », où les tensions V2 et V1

jouent le rôle respectivement de P(A) et P(B), et les courants i2 et i1 jouent le rôle respectivement deQ(A) et Q(B) (figure 5).

figure 5 – représentation par un quadripôle en T du tronçon de la conduite entre l'entrée 1 et la vanne 2

La relation de transfert entre les sections 1 (entrée B, x = 0) et 2 (vanne A, x = L) s'exprime par:

V 2

I 2=[T ] V 1

−I 1

(avec les conventions de signes sur le sens des courants), où l'on montre que la matrice de transferts'exprime à l'aide des impédances Z1, Z2, Z3 par:

[T ]=[T 11 T 12

T 21 T 22] avec:

T 11=1Z3

Z2

T 12=Z 1Z 3Z1 Z3

Z2

T 21=1Z 2

T 22=1Z1

Z 2

Les impédances sont déterminées en comparant les Tij avec les éléments de la matrice de (15 bis),compte tenu de la correspondance V 2≡ P L , V 1≡ P 0 , I 2≡ Q L , I 1≡ Q 0 :

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T 11=1Z 3

Z 2

=cosh K L

T 12=Z 1Z 3Z1 Z3

Z2

=−Z 0 sinhK L

T 21=1Z 2

=−1Z0

sinhK L

T 22=1Z 1

Z 2

=cosh K L=T 11

Z 2=−Z 0

sinh KL

Z 3=−Z0cosh KL −1

sinhKL

Z1=−Z 0

cosh KL −1sinhKL

=Z3

et l'on vérifie que les impédances Z1, Z2, Z3 satisfont bien la deuxième relation:

T 12=Z 1Z 3Z1 Z3

Z2

=−Z 0 sinhK L

On peut maintenant déduire la valeur de l'impédance mécanique du circuit à la section A (vanne) à partirdes valeurs des impédances Z1, Z2, Z3 ci-dessus, qui interviennent dans le quadripôle en T. Pour cela onconsidère le circuit fermé en B (ce qui revient à poser V1 = 0, c'est-à-dire pression P(B) = 0), le circuit dela figure 5 devient alors celui de la figure 5bis:

figure 5bis – calcul de l'impédance en 2 circuit fermé en 1

On a donc, d'une part: V 2=Z3 I 2Z2 I 1I 2 et d'autre part: Z1 I 1=−Z 2 I 1I 2 donc:

I 1=−Z 2

Z 1Z 2

I 2 d'où: V 2=Z 3Z 2−Z2 ²

Z1Z 2 I 2=Z A I 2 où ZA est l'impédance cherchée. En

remplaçant Z1, Z2, Z3 par leurs valeurs, on trouve:

Z A=−Z 0 tanh u L0C 0L (16)

La vitesse de fermeture de la vanne a des conséquences sur l'impédance mécanique du circuit en A(vanne). En effet, (16) prend les expressions approchées suivantes lorsque:

– la fermeture est lente: u << 1 →

Z A≈−Z 0uL0C0 L=−L0u L soit: Z A≈−Lsu (17)

– la fermeture est rapide: u >> 1 →

Z A≈−Z 0 soit: Z A≈−c0

s (18)

L'expression de l'impédance mécanique au niveau de la vanne (16) permet d'autre part de prédire lesconditions de résonance dans le circuit due à la fermeture, et les trépidations du circuit sont les effets decette résonance. Jusqu'à présent, rien n'a été supposé pour la variable conjuguée du temps u quiintervient dans la transformée de Laplace. En supposant maintenant que les perturbations du circuitdues à la fermeture sont harmoniques, on a: u = - jω (où ω est la pulsation, ω = 2πf où f fréquence).

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Alors:

– en fermeture lente, (17) devient: Z A≈ j Ls ; l'impédance mécanique ZA est donc de type

inertielle (c'est-à-dire proportionnelle à jω: ZA = Mjω, où M joue le rôle d'une inertie, c'est-à-direune masse linéique M = ρL/s);

– dans le cas général, (16) s'écrit, en régime harmonique (puisque: – tanh (jω) = j tan(ω)):

Z A= j Z0 tan L0C0 L

ce qui montre que le débit Q(A) et la pression P(A) sont toujours en quadrature. La résonanceZ A=∞ (intensité de pression très élevée) a lieu pour les modes de vibration tels que:

L0C0 L=

c0

L=2n1

2, n=0, 1, 2...

Ainsi, les résonances sont favorisées pour les tronçons de circuits longs, entre l'entrée et la vanne, et lesperturbations à basses fréquences apparaissent plus facilement (et elles sont plus gênantes car moinsvite atténuées) que pour les circuits courts.

Reste à évaluer la surpression dans le circuit engendrée par la fermeture de la vanne. Pour cela, onutilise l'équation (10) à laquelle on donne une expression approchée: si Δt est la durée avec laquelle la

fermeture se produit, et en supposant une loi de fermeture linéaire, dQdt

≈−Q0

t (10) devient

approximativement:

s

Q0

tP−P0

x≈0

La surpression ΔP = P – P0 s'écrit donc: P= xQ0

s t

Or Q0=s U 0 donc: P x =P0 xU 0

tLa pression est maximale en x = L (vanne):

Pmax=P0 LU 0

t (19)

Ceci montre qu'un temps de fermeture quasi-nul (fermeture instantanée), Δt → 0, entraîne une pressionmaximale très importante: les effets d'élasticité des parois de la conduite interviennent, ce qui conduit àla formule d'Allievi (3) vue au § 3.2.

Un temps de fermeture fini, Δt > 0, conduit à une valeur beaucoup plus faible de Pmax, et la surpressionse déduit de (19) selon la relation de Michaud (4):

P=2 L t

U 0 (20)

Le facteur 2 provient du fait que l'onde de compression a le temps de faire un aller-retour lors d'unefermeture lente: L est remplacée par 2L.

4 – Cheminée d'équilibre, régime d'oscillations en masse

Pour réduire les contraintes importantes qu'apporte aux structures les coups de bélier lors de variationsplus ou moins brusques du débit d'écoulement dans une conduite, on installe au plus près de la vannede fermeture une cheminée à surface libre destinée à absorber les ondes élastiques qu'ellesconvertissent en oscillations en masse du liquide présent dans la cheminée et au contact de la conduite.

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Pour modéliser les oscillations en masse dans une cheminée d'équilibre, on adopte les hypothèsessuivantes, avec les notations de la figure 6:

figure 6 – schéma de principe d'une cheminée d'équilibre

– la vanne de fermeture est pratiquement située en A;– à la fermeture de A, l'eau en écoulement dans la conduite a pour seule issue la cheminée, et

lorsqu'elle s'y engage, elle a pour effet de faire monter le niveau depuis N0 jusqu'au niveau N, decote z;

– le niveau initial de la cheminée N0 correspond à la ligne de charge associée au débit Q0 depuisl'entrée B de la galerie et qui se réduit le long de celle-ci par suite des pertes de charge;

– le niveau maximum atteint dans la cheminée est Nmax, de cote zmax;– le niveau N1 dans la cheminée correspond au niveau sans perte de charge, donc il est le même

que celui de la surface libre du réservoir;– le niveau maximum zmax est calculé en disant que l'énergie potentielle de la tranche N0Nmax est

égale à l'énergie cinétique de l'eau dans la conduite au moment de la fermeture de la vanne A;– lorsque Nmax est atteint, l'énergie potentielle se convertit en énergie cinétique et l'eau dans le

tronçon N0Nmax redescend vers la conduite, et le cycle recommence;– il en résulte que l'ensemble réservoir + conduite + cheminée est soumis à des oscillations en

masse du liquide, à la façon de ce que l'on observe dans un tube en U.

On note:• s et s' sections de la conduite et de la cheminée, toutes deux invariables;• L = AB longueur de la conduite;• u et v = dz/dt vitesses moyennes dans la conduite et dans la cheminée;

Dans un premier temps, on néglige les pertes de charge, donc N0 = N1.On verra à la fin les équations générales avec prise en compte des pertes de charge.

• La variation de pression P dans une section de la conduite est égale à la variation de pressionhydrostatique dans la cheminée due au dénivelé z. Dans la conduite, un tronçon AB d'eau estdonc soumis à la force de poussée:

F=−P s=− g z s

• L'accélération de la masse d'eau m contenue dans le tronçon est donc donnée par le principefondamental de la dynamique:

mdudt

=F

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• Or m= s L d'où: Lgdudt

z=0

• La conservation du débit volumique Q entre la conduite et la cheminée (équation de continuité)

s'exprime par: Q=s u=s ' v=s 'dzdt

; en remplaçant dans l'équation précédente, celle-ci donne

l'équation du mouvement pour z dans la cheminée:

d² zdt²

gLss 'z=0 (21)

La colonne d'eau oscille donc comme un oscillateur harmonique de période:

T=2 Lg s 's (22)

et d'amplitude zmax constante que nous déterminons par le théorème de l'énergie cinétique comme annoncé auparavant:

• Énergie potentielle de la colonne d'eau entre N0 et Nmax:

E p=∫0

zmax

dV g z

où dV volume élémentaire d'un tronçon d'épaisseur dz: dV = s'dz, d'où:

E p=12

s ' z² max

• Énergie cinétique du tronçon AB:

E c=12mu²=

12

s Lu²

à l'instant de la fermeture u = U0 vitesse constante dans la conduite, d'où:

E p=Ec12 s ' z²max=

12

s LU 0 ²

d'où l'amplitude des oscillations en masse dans la cheminée d'équilibre:

zmax=U 0 Lg ss '

(23)

Remarque: en comparant (22) et (23) on voit que:

zmax=U 0T

2=U 0

(24)

La relation (24) montre que si zmax et U0 sont connues, la fréquence d'oscillation f = ω/2π s'en déduit.La période d'oscillation et l'amplitude varient en sens inverse: une cheminée d'équilibre large a unepériode grande et une amplitude faible, et l'on cherchera à avoir s' beaucoup plus grand que s.

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Application numérique:L = 10 km (conduite forcée)s = 10 m²s' = 100 m² (s'/s = 10)U0 = 2 m/s (75 km/h)on obtient: T = 10 mn, zmax = 20 m.

La période d'oscillation T est de l'ordre de plusieurs minutes pour les cheminées d'équilibre employéesdans les ouvrages d'installations hydro-électriques (barrages) tandis que les périodes des coups debélier sont de l'ordre de quelques secondes. En effet, en ordre de grandeur la célérité dans l'eau est:

c0≈1

T

et la longueur d'onde de l'ordre de L d'où une période du coup de bélier T '≈L/c=LT ;A.N.: ρ = 1000 kg/m3, 1/χT = 2.109 Pa, L = 10000 m → T = 7 secondes.Ces différences de valeurs pour les périodes d'oscillation en masse et du coup de bélier justifient le faitd'avoir considéré les deux phénomènes séparément.

Les cheminées d'équilibre sont donc des ouvrages assez imposants (voir photos ci-après).

Cheminée d'équilibre St-Georges de Commiers

Cheminée d'équilibre d'un circuit d'irrigation,Cimelta, Madagascar

Cheminée d'équilibre à Montevideo

Cheminée d'équilibre de St-Alban, Québec

La prise en compte des pertes de charge pour prédire les oscillations dans la cheminée d'équilibre estun peu plus compliquée.

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D'après la relation (7), et en utilisant la charge spécifique:

H S= P * g

il vient:• perte de charge dans la conduite:

P1 *

g=H S1=

u²2 g

LD

1Re1,

h1

D

où l'indice 1 se rapporte à la conduite (D: diamètre);• perte de charge dans la cheminée:

P2*

g=H S2=

v²2g

L 'D'

2Re2,

h2

D'

où l'indice 2 se rapporte à la cheminée (D': diamètre, L': longueur) et v = dz/dt.• L'équation (21) doit alors être remplacée pour tenir compte de ces forces de frottement:

s Ldudt

=− g z s P1* s P2* s '

s Lgdudt

=−z sH S1 sH s2 s '

Lgdudt

z−H S1− s 's H S2=0

à laquelle on adjoint l'équation de continuité modifiée par la présence d'un débit résiduel dû à l'action des turbines QR:

su=s 'dzdt

QR soit: u=s 'sdzdt

QR

s

Finalement l'équation différentielle du mouvement de la surface libre dans la cheminée, z(t), est nonlinéaire dont la résolution est difficile en général:

Lgs 'sd²zdt²

1sLg

dQR

dtz−

u²2 g

LD

1−1

2 g dzdt 2L 'D'

2=0

u=s 'sdzdt

QR

s

(25)

5 – Oscillations entretenues: condition de Thoma

Si l'installation alimente un réseau de consommation électrique à puissance constante, via unalternateur, elle doit disposer d'un système de régulation de la vitesse d'écoulement. Or lorsque leniveau monte dans la cheminée d'équilibre, la pression hydrostatique à sa base augmente, ce quientraîne une augmentation de la puissance fournie à la turbine, qui tourne plus vite, donc à l'alternateur.Le système de régulation est tel que si la vitesse de rotation de la turbine augmente, il ferme l'admissionau niveau de la vanne de pied.La fermeture produit une élévation du niveau dans la cheminée encore plus importante, et comme on l'avu au §4, une augmentation de l'amplitude des oscillations.Lorsque le niveau dans la cheminée redescend, au bout de la période T, la pression à la base diminueet le régulateur ouvre la vanne. Et le cycle recommence.Le régulateur de débit a donc pour effet de transformer les oscillations en masse dans la cheminée enoscillations entretenues. Mais celles-ci doivent être stables, donc suffisamment amorties, pour quel'ensemble de l'installation hydro-électrique puisse délivrer une puissance constante.Sans entrer dans les détails (cf. [6] et [7]) il existe une condition sur la surface de la section de la

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cheminée d'équilibre pour la stabilité de l'installation hydro-électrique, donc pour que les oscillationssoient suffisamment amorties:

s 'U 0 ²

2 gLH 0

sH S1

(26)

où H0 est la hauteur de chute du régime (c'est-à-dire la hauteur de chute d'eau qui apporte la puissancespécifiée aux turbines). L'inégalité (26) est la condition de D. Thoma (3), qui fixe le diamètre minimal dela cheminée d'équilibre pour obtenir la stabilité. Elle n'est valable que pour les installations hydro-électriques fonctionnant en réseaux séparés (ce qui est devenu rarement le cas aujourd'hui où lesinstallations fonctionnent en interconnexions). Mais elle offre un premier ordre de grandeur pratique pourun avant-projet d'installations.

Références:

[1] Michel Hug (sous la direction de): Mécanique des fluides appliquée aux problèmes d'aménagementet d'énergétique – Eyrolles, 1975

[2] R. Ginocchio: Aménagements hydro-électriques – Eyrolles, 1959

[3] L. Escaude: Hydraulique générale – Privat, 1943

[4] P. Chapouthier: Cours d'hydraulique de l'École Nationale des Ponts et Chaussées – ENPC, 1956

[5] Frédéric Élie: Acoustique non linéaire, saturation extraordinaire et propagation paramétrique – sitehttp://fred.elie.free.fr, mai 2009

[6] A. Stucky: Chambres d'équilibre – École Polytechnique de l'Université de Lausanne, 1950

[7] M. Bouvard: A propos de la condition de Thoma dans les cheminées cylindriques à étranglementoptimum – Rev. La Houille Blanche, n° spécial A/1952 – article publié par SHF et disponible sur le sitehttp://www.shf-lhb.org

3 L'ingénieur D. Thoma établit ce critère de stabilité à l'occasion de la mise en service, en 1908, de la station hydro-électriquede Heimbach (Ruhr, Allemagne), suite au constat que, dès la mise en route, le système des turbines et des régulateursmanqua de stabilité.

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