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Copyright © 2012 Jo DavisTitre original anglais : Black MoonCopyright © 2015 Éditions AdA Inc. pour la traduction françaiseCette publication est publiée en accord avec Penguin Group (USA) Inc.Tous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite sous quelque forme que ce soit sans la permission écrite de l’éditeur, sauf dans le cas d’unecritique littéraire. Éditeur : François DoucetTraduction : Annie PatenaudeRévision linguistique : Féminin plurielCorrection d’épreuves : Nancy Coulombe, Catherine Vallée-DumasConception de la couverture : Mathieu C. DandurandPhoto de la couverture : © ThinkstockMise en pages : Sébastien MichaudISBN papier 978-2-89752-912-3ISBN PDF numérique 978-2-89752-913-0ISBN ePub 978-2-89752-914-7Première impression : 2015Dépôt légal : 2015Bibliothèque et Archives nationales du QuébecBibliothèque Nationale du Canada Éditions AdA Inc.1385, boul. Lionel-BouletVarennes, Québec, Canada, J3X 1P7Téléphone : 450-929-0296Télécopieur : [email protected] DiffusionCanada : Éditions AdA Inc.France : D.G. DiffusionZ.I. des Bogues

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Participation de la SODEC.Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) pour nos activités d’édition.

Gouvernement du Québec — Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres — Gestion SODEC. Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Tyler, J. D. [Black moon. Français]Lune noire(La meute Alpha ; 3)Traduction de : Black moon.ISBN 978-2-89752-912-3I. Patenaude, Annie, 1976- . II. Titre. III. Titre : Black moon. Français. IV. Collection : Tyler, J. D. Meute Alpha ; 3.

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À ma meilleure amie de toujours, Debra Stevens. Tu as toujours été là avec moi, pour célébrerpendant les moments le plus fous et me soutenir pendant les plus difficiles. Tu me comprends

comme personne d’autre, et tu me donnes la force et le courage de persévérer quand tout ce dontj’ai envie est de me rouler en petite boule et d’abandonner.

Tu me fais rire jusqu’à ce que les larmes cessent de couler, et tu me rends heureuse d’exister. Monmonde est bien plus joyeux avec toi à mes côtés.

Je t’aime, mon amie.

Remerciements

Je tiens spécialement à remercier :Ma famille, et particulièrement mes enfants et mes parents, pour leur soutien inébranlable. Je vous

aime.Les renards — Tracy Garrett, Suzanne Ferrell, Addison Fox, Jane Graves, Julie Benson, Lorraine

Heath, Sandy Blair, Alice Burton et Kay Thomas. J’ignore comment j’y serais arrivée sans vous et jene pense même pas à me priver de votre aide. Apportez-moi du vin !

Mon agente, Roberta Brown — ma meneuse de claque, mon amie et mon roc. Il me tarde de voirquelles surprises nous attendent.

Mon éditrice, Tracy Bernstein, pour son soutien et ses encouragements au moment où ma viepersonnelle est devenue très difficile. Tu es un diamant qui permet à ses auteurs de briller, et je t’ensuis reconnaissante.

Mon assistante personnelle, Carla Gallway, pour son enthousiasme et son travail acharné. Et monéquipe de rue, les Alpha Bitches (fondée par Clara), pour avoir été mon petit clan d’admiratrices etavoir passé le mot à celles qui aiment les séduisants métamorphes autant que moi !

Le département d’art graphique, pour leurs magnifiques couvertures, et tous les autres de la NewAmerican Library, pour rendre mon travail si agréable et facile. Vous êtes les meilleurs !

Et les lectrices, pour avoir ouvert la porte aux métamorphes de la meute alpha et les avoir adoptés.Puissions-nous avoir beaucoup d’autres aventures ensemble…

Les ténèbres ne peuvent pas éclaircir les ténèbres : seule la lumière peut faire cela.— Martin Luther King Jr

Prologue

Kalen avait 13 ans quand sa grand-mère lui avait appris qu’il était né sous une lune noire.Cela ne lui avait pas semblé extraordinaire, et pour être bien honnête, Kalen ne voulait pas en

entendre parler. Il était déjà un monstre, alors pourquoi en rajouter ? Son père utilisait déjà n’importequel prétexte pour le battre, et Kalen n’allait certainement pas lui en donner un de plus. Qui plus est,on était samedi : la journée la plus occupée de son père à l’atelier où il travaillait comme mécanicienautomobile, et cela permettait à Kalen de jouir de glorieuses heures de liberté. Une journée entièresans cris ni coups de poing. Pas de nouvelles contusions. Dès que Kalen pourrait se précipiter pourrencontrer ses amis, il en profiterait.

Il se tortilla, quand il sentit les vieilles mains noueuses de sa grand-mère saisir l’une des siennes.Qui diable se souciait de cette histoire de lune ? Il résista à l’envie suicidaire de rouler des yeux. Àpeine.

— Une lune noire est déjà un événement rare en astrologie, mais tu es né au cours du plus rare desquatre types d’événements lunaires : un mois sans nouvelle ni pleine lune.

Kalen réprima un soupir et essaya de paraître intéressé.— Ouais, et alors ?Il aimait sa grand-mère, et elle l’aimait en retour, mais bon. Ses copains étaient probablement déjà

partis en vélo sans lui.— Sommes-nous obligés de parler de science maintenant ? demanda-t-il.Les yeux bleu pâle d’Ida May se posèrent sur les siens.— Écoute-moi, mon garçon. Tu es assez vieux pour comprendre ce que j’ai à te dire, car mon

séjour en ce monde ne durera pas éternellement, dit-elle d’une voix douce qui contredisait sonexpression grave.

Toutes les pensées de Kalen à propos de ses amis et d’un samedi ensoleillé de farnientedisparurent quand la peur s’ancra dans son estomac.

— Es-tu malade ? demanda-t-il d’une petite voix. Qu’est-ce que…— Peu importe. As-tu développé ta magie ?Rougissant, il donna un coup de pied avec le coin de sa chaussure de tennis élimée sur le tapis.— Pas beaucoup depuis la dernière fois où papa m’a surpris.Il déglutit, se souvenant de la scène terrible. De sa mère, qui avait une fois de plus refusé

d’intervenir auprès de son père. De la façon dont il l’avait suppliée d’appeler sa grand-mère, aumoins. Mais elle s’était contentée de rester là, le visage sinistre, alors qu’il était recroquevillé sur le

sol de la salle de séjour, hurlant de douleur et de peur pendant que son père lui donnait des coups depied.

Les lèvres de sa grand-mère s’amincirent.— Tu dois continuer à développer tes compétences, quel que soit le danger que cela représente. Un

jour, tu auras besoin de chaque once de l’incroyable pouvoir que tu as hérité de mes ancêtres. Tuconnaîtras des jours sombres, mon garçon, et je ne serai plus là pour t’aider à les traverser.

— Ne parle pas comme ça, dit-il d’une voix rauque. Je t’en prie. J’ai besoin de toi, grand-mère, etnon de cette magie stupide.

Elle ignora son plaidoyer.— Tu seras le plus grand sorcier que le monde connaîtra, et ton pouvoir dépassera l’entendement.

Cela signifie que des personnes chercheront à maîtriser ton pouvoir, ou à te le voler.Kalen tenta de calmer son cœur qui battait la chamade. Le plus grand sorcier du monde ? Des jours

sombres ? Il réprima la plaisanterie fine qu’il avait sur le bout de la langue. D’une part, parce que sagrand-mère avait adopté un ton grave, et, d’autre part, parce qu’elle ne se trompait jamais quand ils’agissait du surnaturel.

« Merde. »— OK. Si cela est vrai, qu’est-ce que cela a à voir avec la lune noire ?— Tout.Elle fit une pause.— La lune est une protection, un présage de force intérieure et de bien pour notre espèce. Un

sorcier né lors d’une absence de nouvelle ou de pleine lune court un grand danger d’être attiré par lamagie noire. D’utiliser ses pouvoirs pour faire le mal. Tu comprends ? demanda-t-elle.

— Je… Je crois, mentit-il.Pas vraiment. La portée de ce qu’elle lui disait était si vaste et écrasante qu’il ne pouvait la saisir.

Il mit un doigt dans un trou au genou de son jeans en lambeaux.— Alors, qu’est-ce que je suis censé faire à ce sujet ? Qui m’aidera si… si tu n’es plus là ?Sa gorge se noua presque de douleur à la seule pensée de la disparition de sa grand-mère bien-

aimée. Elle l’aimait et prenait soin de lui du mieux qu’elle le pouvait. Elle était la seule âme dans lemonde à le faire, et elle ne pouvait pas l’abandonner.

— Voilà pourquoi je t’ai demandé de venir ici, mon garçon… Pour que je puisse te donner quelquechose d’important.

Elle marcha d’un pas lent et raide vers un vieux buffet, puis ouvrit un tiroir. Elle en retira une petiteboîte en bois, et retourna s’asseoir à côté de Kalen. Elle lui remit la boîte, et lui fit signe de la tête del’ouvrir.

Curieux, il souleva le petit couvercle à charnière et regarda à l’intérieur.— Wow, dit-il en touchant l’objet de métal froid.

C’était un pendentif en argent en forme de pentagramme, de quatre centimètres de diamètre, attachéà une chaînette également en argent. Excité, il souleva le collier et étudia le tourbillon gravé dans lependentif.

— Une amulette pour sorcier ? demanda-t-il.— Exactement.— Génial ! Elle est pour moi ?— Oui. Elle appartient à ma famille depuis des générations. Selon la légende, elle aurait été

consacrée par des druides pour protéger son porteur contre tout mal, quelle qu’en soit la source.Encore une fois, elle hésita, puis une ombre de tristesse passa dans ses yeux bleus.— Ce pendentif aurait dû avoir été remis à ta mère, mais elle n’a pas hérité du don. Et puis, ta

mère a épousé ton père, et il lui a fait renoncer à la magie et à toi… Eh bien, cela n’a pasd’importance, maintenant. Il est à toi. J’aurais peut-être dû te le remettre plus tôt, mais je pensais quetu étais trop jeune pour comprendre la responsabilité découlant de sa possession. Tu devras enprendre bien soin.

Et elle le lui donnait aujourd’hui parce que le temps lui était compté.Le pendentif bougea dans la main de Kalen.— Alors, je dois le porter à mon cou ? C’est tout ?— Mets-le et ne le retire jamais de ton cou, Kalen, l’avertit-elle en lui saisissant le genou avec ses

doigts osseux. Pas même pour prendre une douche, dormir, jouer au ballon ou faire du vélo. Pouraucune raison. Jamais. Est-ce clair ?

— Oui, madame, dit-il d’une voix rauque.Il tâtonna le fermoir, souleva le collier, mit les mains derrière le cou et réussit à l’attacher au bout

de quelques essais.— Voilà. Mission accomplie. Je suis à l’abri de tous les salauds du monde.Il essaya de lui faire un sourire espiègle, dans l’espoir d’alléger l’atmosphère.Sa grand-mère lui rendit son sourire, et malgré l’ombre qui flottait dans ses yeux, elle semblait

assez heureuse, maintenant.— Va, petit trublion. Va rejoindre tes amis, dit-elle en poussant un rire rauque. Tu trembles presque

d’impatience.Kalen se leva en vitesse, saisit la boîte et donna à sa grand-mère un rapide baiser comme elle se

relevait.— Merci ! Je te promets de ne pas l’enlever !Il se réjouit de nouveau devant la perspective de profiter de son samedi alors que la visite

contraignante prenait fin. Il courut jusqu’à la porte d’entrée et l’ouvrit brusquement. Puis, il s’arrêta.Il se retourna pour faire face à la femme qu’il aimait plus que quiconque sur terre, se précipita verselle et jeta impulsivement les bras autour de sa taille. Il la rapprocha de lui et respira son doux

parfum.— Je t’aime, grand-mère.— Je t’aime tant, mon garçon. Je t’aimerai toujours, lui dit-elle en lui embrassant le haut de la tête.

Va, maintenant, amuse-toi. Le temps presse !Lui souriant, il se retourna et se précipita dehors, puis descendit les marches du porche, le cœur

léger. Il penserait aux mauvaises choses plus tard. Tout irait bien. N’est-ce pas ?Cela aurait pu être le cas. Si seulement il avait tenu sa promesse.Et si seulement il avait su que la chaleur persistante de l’amour de sa grand-mère, qui

l’enveloppait comme une couverture confortable alors qu’il s’éloignait d’elle en pédalant, devrait luidurer pour le reste de sa vie.

Chapitre 1

Kalen Black se tenait à l’écart de son équipe, submergé par la culpabilité. Impuissant devant sahonte.

À cet instant, le prince fée qui résidait avec la meute alpha, Sariel, pourrait mourir. En plus, lapartenaire d’Aric Savage avait presque été tuée peu de temps auparavant par la sorcière Béryl, à quiAric avait arraché la gorge, éliminant ainsi toute possibilité d’obtenir des renseignements d’elle.

Le danger qui les entourait tous augmentait de jour en jour. D’heure en heure. Un traître marchaitparmi les amis et les collègues de Kalen, se noyant lentement dans l’obscurité qui lui bloquait lespoumons et prenait possession de son âme.

« Et tout est de ma putain de faute… parce que ce traître, c’est moi », se dit-il.Alors qu’Aric s’occupait de Rowan et que le prince était transporté à l’infirmerie, Kalen baissa la

tête. Il essaya de trouver du réconfort dans le fait que la partenaire d’Aric allait bien, mais cela nefonctionna pas. Puis, il aurait voulu rentrer sous terre quand Nick Westfall, le commandant del’équipe, envoya tout le monde dans la salle de conférences et demanda :

— Comment cette salope de Béryl a-t-elle pu sortir du bloc E ?— C’est moi qui l’en ai fait sortir, dit-il d’une voix brisée. Mon Dieu, je suis tellement désolé…— Pourquoi ? Est-ce qu’elle t’a séduite, ou était-ce Malik ?Kalen subit le supplice de la goutte pendant les questions qui suivirent sa confession et les vraies

réponses qu’il y fournit. Au cours de sa misérable vie, Kalen avait subi des sévices et deshumiliations. L’isolement. La faim. Plus d’horreurs que la plupart des gens avaient eu à faire face.

Mais rien ne fut pire que la presque réalisation de ses rêves : une maison, un travail, une espèce defamille, et, surtout, être accepté par des personnes qui étaient aussi différentes que lui. Presque. Avantque Malik, roi des Unseelies et père maléfique de Sariel, n’ait décidé que Kalen Black — sorcier etnécromancien pouvant se transformer en panthère — était exactement le type de puissant allié dont ilavait besoin dans sa quête de domination du monde.

Et il avait alors commencé à s’infiltrer dans l’esprit de Kalen. Une suggestion maléfique à la fois.En face d’eux tous, Kalen admit la vérité.— Pas elle. Malik, murmura-t-il.Il résista à l’envie de se tortiller sous le regard dur de Nick.— Il a maîtrisé ton esprit assez longtemps pour que tu la fasses sortir ?— Oui, monsieur. Je pense que Béryl m’a jeté un sort à la maison où nous l’avons prise. Mes

défenses… s’affaiblissent. Je ne pourrai pas l’empêcher d’entrer dans ma tête très longtemps.

La sorcière avait mis un doigt ensanglanté au centre du front de Kalen et avait murmuré « Abyssusabyssum invocat ».

L’enfer appelle l’enfer.— Doux Jésus, lança Aric d’un ton suintant un dégoût horrifié.Le loup roux n’était pas plus dégoûté de lui que Kalen ne l’était de lui-même. Même si le sort

qu’on lui avait jeté n’était pas la faute de Kalen, et qu’il ignorait que Béryl allait essayer de tuer leprince fée, cela importait peu. Il était coupable. Il aurait dû être plus fort, même sans la protection deson pentagramme en argent. Celui qu’il avait donné à Mackenzie Grant, son amante ponctuelle,quelques semaines auparavant, et à laquelle il avait fait jurer de ne jamais l’enlever de son cou.

Nick jura et se frotta les yeux.— Bien. Nous allons nous pencher sur la question. Au moins, maintenant, nous connaissons le nom

humain de Malik : Evan Kerrigan. Grant est à ses trousses et recueille des renseignements. Avec unpeu de chance, nous aurons son emplacement et un profil complet bientôt.

Nick parlait du général Jarrod Grant, le père de Mackenzie. Kalen se demanda ce que ferait cethomme, s’il apprenait ce que Kalen avait fait à sa précieuse fille. Il doutait que le général le sache,puisque Kalen était encore en un seul morceau.

Lorsque Mackenzie entra dans la pièce, ses yeux bleus rencontrèrent brièvement ceux de Kalen, etils furent si remplis de douleur qu’il en eut le souffle coupé. Kalen ne put sentir autre chose que ledégoût de lui-même. Alors qu’elle détournait rapidement le regard, il étudia la belle femme médecin,dévorant avidement celle qu’il ne pourrait plus jamais avoir, qu’il ne laisserait jamais entrer dansson esprit ou son cœur. La femme qu’il devait protéger à tout prix de Malik.

Et de lui-même.— Je suis désolée de vous interrompre, mais nous savions que vous voudriez avoir des nouvelles

de Sariel. Nous croyons qu’il est hors de danger.Des murmures de soulagement retentirent dans la pièce.— Mais il était déjà affaibli par des problèmes de santé découlant de sa présence dans notre

monde, alors sa guérison sera longue. Son état étant maintenant stable, je voulais vous apprendre labonne nouvelle, ajouta le médecin.

— Merci, Mac, dit Nick, ramenant Kalen au présent.La docteure retourna à Nick son sourire fatigué, puis sortit.« Sans me regarder de nouveau », pensa-t-il.— Bien, poursuivit Nick. Je dois parler à Kalen. Nous allons faire une pause pour le moment et

nous allons discuter de ce gâchis plus tard, conclut Nick.Il hocha la tête en direction de Kalen, lui indiquant de le suivre. Il s’exécuta en se demandant s’il

pourrait battre cet homme dans un combat. Nick était grand et musclé, et marchait en tenant ses largesépaules vers l’arrière, la tête haute, avec grâce et confiance. Oui, cet homme avait confiance en lui,

mais il avait aussi le pouvoir et les compétences pour se défendre. Kalen l’avait vu s’attaquer à desdizaines de sluaghs enragés, d’énormes créatures à l’allure de chauve-souris au service de Malik. Illes avait descendus comme des mouches et avait craché sur leurs carcasses. Cet homme n’avait pasbesoin de sorcellerie. Il pouvait certainement disposer de Kalen avec sa seule force brute.

Non pas que Kalen se défendrait. Quoi que le loup blanc lui réserve, il le méritait.Une fois dans son bureau, Nick referma la porte, se dirigea vers sa table et posa une fesse dessus.

En soupirant, il passa une main dans ses courts cheveux noirs aux mèches argentées aux tempes, puisse croisa les bras.

— Assieds-toi.Kalen s’exécuta sans commentaire et attendit.— Dis-moi exactement ce qui est arrivé avant que tu sois contraint de libérer Béryl. N’oublie

aucun détail, ajouta-t-il.Ce n’était pas une scène qu’il voulait revivre. Jamais.Mais le regard d’acier des yeux bleu profond de Nick indiqua à Kalen qu’il ne pourrait pas dire

autre chose que la vérité. Il inspira profondément.— J’étais dans mes quartiers, il y a environ une heure, quand ce bâtard a commencé à me fouiller

dans la tête.Ils savaient tous les deux que le bâtard en question était Malik.— Il m’a dit qu’il ne m’abandonnerait jamais, comme tout le monde dans ma vie l’avait fait.— Il est intelligent, dit-il d’un ton suintant le dégoût. Il isole le petit vulnérable de la meute, jouant

ainsi les mentors.— Je ne suis pas un enfant.Sa jeunesse était un point sensible chez lui. Elle l’avait toujours été, depuis qu’il avait été chassé

de la maison à l’âge de 14 ans. Cela lui semblait remonter à une éternité. Il avait dû gratter et souffrirpour obtenir chaque morceau qui avait soulagé sa faim. Pour chaque nuit qu’il n’avait pas passéedans une ruelle sale sous une boîte de carton.

Il n’avait pas l’impression d’avoir 23 ans… il lui semblait en avoir 100.— Crois-moi, tu l’es, malgré toute cette puissance que ce salaud Unseelie tente d’exploiter en toi.

Ne te sens pas insulté, dit-il sérieusement. Ce que je veux dire, c’est qu’en toi, Malik a trouvé unjeune sorcier très puissant sur le point de devenir tout ce qu’il est censé être. Aussi fort que tu puissesêtre, Kalen, tu es très loin d’avoir atteint le niveau que tu auras dans quelques années, puis dansquelques décennies. C’est comme quand le premier entraîneur a vu Michael Jordan en action et s’estdit : « Mon Dieu, cet enfant sera le plus grand joueur de la NBA un jour. »

En dépit de lui-même, Kalen renâcla.— Toute une comparaison.— Mais elle est pourtant réaliste. Le roi Unseelie sait que tu es une étoile montante, et il te veut

dans son équipe. Je ne peux pas laisser cela se produire. Comprends-tu ?« Tu seras le plus grand sorcier que le monde connaîtra, et ton pouvoir dépassera l’entendement.

Cela signifie que des personnes chercheront à maîtriser ton pouvoir, ou à te le voler. »Kalen eut une boule dans la gorge en repensant à la prédiction fantomatique de sa grand-mère, et il

la repoussa aussitôt.— Veux-tu que je parte, maintenant ? Ou vas-tu me tuer maintenant pour qu’on en finisse ?— Commence donc par finir de me raconter comment Malik a réussi à te manipuler.Le fait que Nick n’avait pas répondu à la question ne lui échappa pas.— Il m’a promis le pouvoir. Il m’a dit que tout ce que je devais faire était de m’abandonner à lui. Il

était… très séduisant.— D’une manière sexuelle ?Kalen se sentit mal, et essaya de se maîtriser.— Ouais. Le salaud m’a touché et, tout à coup, j’ai voulu croire ses salades. Mon Dieu, Nick, dit-il

d’une voix étranglée. Qu’est-ce qui ne va pas avec moi ?— Une putain ne peut pas se refaire, mon petit, dit la voix suffisante de Malik dans sa tête.

N’oublie pas que tu m’appartiens.Kalen repoussa le Unseelie avec grand effort.Le commandant se leva de son bureau, se dirigea vers la chaise de Kalen et lui saisit l’épaule.— Il n’y a rien de mal chez toi. Comme le reste d’entre nous, tu essaies de lutter contre un

Unseelie, mais pour toi, c’est pire, parce qu’il a pris un intérêt personnel dans ton recrutement. Celasignifie qu’il fera tout pour obtenir ce qu’il veut. Des créatures comme lui se servent de la séductioncomme d’une arme.

— Je sais. Tout comme je sais qu’il ne fait que jouer avec moi, mais cela ne rend pas la chose plussimple.

— Comment ça ?Nick recula pour se rasseoir sur son bureau.— Il a envoyé Béryl dans ma chambre, ou plutôt, son illusion, puisqu’elle était toujours enfermée,

et à cet instant, j’étais perdu, dit-il lamentablement. Elle m’a séduit, mais quand ce fut fini, elle a toutsimplement disparu. Et ce qui est le plus étrange, c’est que j’étais toujours habillé et que je n’étaismême pas complètement dur. Aucune preuve de sexe du tout. C’était si réel sur le moment, et pourtantil ne s’était rien passé ! Je suis en train de devenir fou, merde.

Il enfouit ses mains dans ses cheveux et se tint la tête comme s’il essayait de retenir sa folie àl’intérieur.

— Je l’ai appelé maître, et j’ai aimé son approbation. Non, je me suis vautré dans son approbation,et j’aurais tout fait pour lui plaire. Alors, j’imagine que tu as raison sur le fait que je suis jeune, n’est-ce pas ?

— Mon Dieu.Le regard de Nick lui perça le cœur.— Qu’est-il arrivé ensuite ? poursuivit-il.Kalen posa les mains sur ses genoux, les poings serrés.— Il m’a ordonné de faire sortir Béryl de sa cellule. Il a dit qu’elle avait une mission à accomplir

avant son départ et qu’elle n’avait jamais été censée rester avec nous. Je ne savais pas qu’il voulaitqu’elle meure, mais j’aurais dû m’en douter. Puis, je l’ai fait sortir, l’ai fait monter au niveau du rez-de-chaussée dans l’ascenseur, où elle a attaqué Sariel. Rowan et Aric se sont jetés sur elle, et Aricl’a tuée.

Le commandant resta silencieux pendant si longtemps que la peur forma une boule dans le ventre deKalen. Il finit par rassembler son courage et lui demanda une fois de plus :

— Vas-tu m’abattre ?— Est-ce que tu te laisserais faire, si je te disais oui ?Kalen hocha la tête et sentit une lourdeur dans son estomac.— Oui.— Pourquoi ? dit Nick en penchant la tête.— Parce que tu es un précog et que cela signifie que tu peux parfois voir l’avenir. En plus de cela,

tu es le commandant et un homme bon et juste. Alors, si l’avenir est meilleur sans moi, si ma mortgarantit la sécurité de l’équipe et celle d’autres innocents…

Il ne put finir sa pensée.— À genoux, sorcier.Le ton du commandant fut froid, et ses yeux devinrent bleus comme le nord de l’Arctique. Les

jambes tremblantes, Kalen glissa de sa chaise et s’agenouilla sur le tapis à poil court. Il posa lesmains sur ses cuisses vêtues de jeans et regarda ses ongles noirs polis, qui s’y enfoncèrentdouloureusement. Son cœur tonna dans sa poitrine, menaçant de rompre son sternum.

Puis, Nick fit le tour de son bureau et ouvrit le tiroir du haut. Il prit le plus gros pistolet que Kalenavait jamais vu. Sa bouche devint sèche alors qu’il regardait d’un air hébété le loup alphas’approcher pour se placer derrière lui.

Il sentit le bout dur du pistolet s’enfoncer derrière sa tête. Alors, il allait mourir à genoux. Uneexécution rapide et indolore.

« Oh, mon Dieu. Prenez mon âme avant que Malik puisse la réclamer, et protégez Mackenzie, aussi.Voilà tout ce que je demande », pensa-t-il.

— Je suis désolé, gamin.Kalen ferma les yeux. Le temps s’arrêta.Le coup de feu fendit l’air.La foudre avant la tempête.

— Dre Grant ?Mackenzie poussa une mèche de cheveux rebelle derrière son oreille et leva les yeux de la

paperasse sur son bureau pour voir Noah, qui se tenait à la porte. Le bel infirmier blond affichait uneexpression heureuse alors qu’il entrait dans son bureau.

— Quoi de neuf ? demanda-t-elle.— Bleu s’est enfin réveillé, dit-il en parlant de Sariel.« Bleu » était le nom que le personnel du camp avait donné au prince fée, en raison de ses longs

cheveux bleus magnifiques et de ses ailes de la même couleur. Le prince avait fini par révéler sonvéritable nom à Kira, la partenaire de Jaxon Law. Kira s’était révélée être une bénédiction dans lesmois qui avaient suivi, car elle avait travaillé auprès des créatures du bloc R, ou unité deréadaptation, où Sariel se trouvait autrefois.

— Voilà de bonnes nouvelles ! s’exclama-t-elle en souriant à Noah. Est-ce que la docteure Malloryle sait ?

Mélina Mallory était sa collègue et une excellente docteure, et Mac la considérait comme une amie.Elle dirigeait également l’infirmerie ainsi que leurs recherches sur les métamorphes et autres êtresparanormaux.

— Elle est avec lui, en ce moment. Ses signes vitaux semblent bons, du moins par rapport à ce quenous savons des fées. Le prince a retrouvé un peu de couleur sur son visage, mais il n’a toujours pasd’appétit. Normalement, cela ne m’inquiéterait pas parce qu’il n’est pas étonnant que des patientsn’aient pas faim après avoir été grièvement blessés, sauf que Bleu n’a jamais bien mangé depuis sonarrivée au camp.

— Nous devrons le surveiller, dit-elle avec inquiétude. S’il perd ne serait-ce qu’un gramme, jeveux en être informée.

— D’accord, déclara Noah.Une partie de sa gaieté naturelle revint.— Mais il est de retour parmi nous, et c’est ce qui compte.— Oui, c’est vrai.Elle se leva et s’étira.— Va dire à Bleu que j’irai le voir dans très peu de temps. J’ai d’autres dossiers à régler avant.— Oui, madame !Sur ces mots, l’infirmier disparut. Mac ne pouvait s’empêcher d’apprécier cet homme. Noah était

un paquet d’énergie ambulant. Il vivait dans le camp, aimait son travail et prenait rarement descongés. Il était dans son élément quand il prenait soin des membres de l’équipe, lesquels se faisaientsouvent blesser au cours de bataille contre des êtres paranormaux voyous. Il avait égalementcommencé à travailler avec Kira et Sariel à la réhabilitation de créatures innocentes comme ChopChop — le gremlin résident — et même le prince lui-même, qui n’avaient personne d’autre pour les

aider à vivre dans ce qui était, pour eux, un monde étrange.Noah était adorable, et un infirmier fantastique.Après avoir mis de l’ordre dans ses papiers, elle sortit de son bureau et passa devant les salles

d’examen, dans la direction opposée des chambres des patients. Elle se dirigea vers le hall d’entréede l’infirmerie, passa devant la réceptionniste et continua dans le couloir principal menant au reste ducamp.

Quand elle fut bien seule, elle toucha le pendentif accroché autour de son cou au bout de sa longuechaîne. Le poids du disque était réconfortant. Elle pouvait sentir les arêtes en relief qui formaient lepentagramme dans le cercle, et le pendentif sembla se réchauffer dans sa main. C’était presquecomme s’il cherchait à la rassurer sur le fait qu’il ferait toujours ce que Kalen avait dit : la protégerde tout mal.

Y compris de Malik. Le salaud Unseelie avait envoyé un sluagh les attaquer en ville, Kalen et elle,quelques semaines auparavant, et Mac avait été égratignée par la bête. Cela avait en quelque sortepermis à Malik d’ouvrir un portail dans son esprit, et le bâtard l’avait vraiment effrayée. Kalen avaitrapidement donné son amulette bien-aimée à Mac, sa seule possession qui lui tenait à cœur. Laprotection enchantée que sa grand-mère lui avait donnée appartenait maintenant à Mac.

Oh, mais Kalen lui avait donné tellement plus que cela. Ses pas ralentirent, et elle s’arrêta, pour sesouvenir.

Des gémissements haletants et des draps enchevêtrés. Des cheveux noirs en bataille tombant sur sesyeux verts soulignés au khôl comme il se couchait sur elle. La pénétrant, la possédant.

Lui faisant l’amour.Et puis, tout était terminé, et il était retourné dans sa coquille, isolé, affirmant qu’il ne pourrait y

avoir rien d’autre entre eux. Il lui avait donné le pendentif, lui avait fait promettre de ne jamaisl’enlever, puis avait mis des kilomètres de distance émotionnelle entre eux. Ils pourraient aussi bienvivre sur des planètes différentes, tant le gouffre était grand.

Pourquoi ?Un fort craquement surprit Mac, et la fit sursauter. Le bruit résonna dans le couloir et, quand il

s’assourdit, elle comprit ce dont il s’était agi.Un coup de feu.Le cœur battant la chamade, elle courut dans la direction du bruit. Kalen avait utilisé son pouvoir

de sorcier pour protéger le camp contre les intrus, mais un sluagh ou quelque autre créature avait-ilpu réussir à entrer ? L’une des créatures du bloc R était-elle devenue sauvage ?

Mais non, le son provenait de l’autre côté de l’aile de réhabilitation, plus loin que les quartiersd’habitation du personnel. Les hommes de l’équipe sortirent tous de leurs chambres, arrivèrent detoutes les directions et la dépassèrent en courant. Elle continua à courir et finit par se rendre comptequ’ils se dirigeaient vers le bureau de Nick. Elle ne pouvait pas imaginer quelle chose terrible avait

pu se produire.Jusqu’au moment où elle vit Nick, un pistolet fumant à la main, debout comme une statue derrière le

corps de Kalen, couché face contre terre.Puis, les yeux de Mac roulèrent dans leur orbite, et elle ne vit plus rien.

« Il ne m’a pas descendu. Putain de merde, je suis vivant. »Kalen regarda l’endroit brûlé dans le tapis juste à côté de sa jambe pendant environ cinq secondes

avant de tomber au sol. Son corps refusa tout simplement de coopérer, et il était là, en état de choc,croyant à peine qu’il respirait.

— Je voulais savoir si tu irais jusqu’au bout, déclara Nick tranquillement. Je suis désolé.— Putain, dit-il d’une voix rauque.— Ta dernière pensée a été consacrée à la sécurité des autres, et non pas à la tienne. Tu étais prêt à

mourir pour le plus grand bien de tout le monde, et cela signifie que Malik n’a pas gagné. Tu esfondamentalement un homme bon, et c’est la raison pour laquelle il y a de l’espoir.

— Nick, je me bats, mais je vais mourir de toute façon, n’est-ce pas ?Il avait déjà posé cette question, et il reçut la même réponse.— Je ne sais pas.— Et tu ne voudrais pas me le dire, même si tu le pouvais.— C’est ça.Dieu, quel foutu gâchis ! Il ne savait pas comment réagir, mais des bruits de pas et d’éclats de voix

qui exprimaient du souci flottaient dans le couloir. Kalen poussa un profond soupir, humilié que lesgars, et Rowan, fussent là pour assister à cette scène, et en apprendre davantage sur le petit « test »de Nick sur sa dignité.

— Merde, rattrapez-la !Rattrapez-la ? Kalen se redressa rapidement, juste à temps pour voir Zander attraper Mackenzie

dans ses bras et la soulever contre sa poitrine. Kalen se leva et, avant de réfléchir à ce qu’il faisait,ravit la docteure des bras de Zan en grognant, et la tint contre lui. Il lança un regard noird’avertissement à l’homme.

Zan leva les paumes dans les airs.— Calme-toi, mec. Tu ne voulais quand même pas que je la laisse tomber par terre ?Il fit un effort pour se calmer. Zan avait seulement essayé de l’aider. Mais à l’intérieur, sa panthère

enrageait de voir Mac… leur collègue… dans les bras d’un autre homme. Il n’avait jamais ressentiquelque chose du genre dans sa vie. Ce fut pour lui une sacrée source de confusion.

— Non. Désolé, réussit-il à dire. Je vais juste…— Tu peux me reposer, dit Mac.Inquiet, il regarda le beau visage de Mac. De grands yeux bleus bordés de cils noirs le regardèrent.

Elle battit des cils pour chasser ses larmes. Kalen eut mal au ventre, sachant qu’elle pleurait à cause

de lui, et pour plus d’une raison.— Ce n’était pas tout à fait à quoi ça ressemblait, expliqua Kalen.— Repose-moi par terre. Je t’en prie, le supplia-t-elle doucement.À contrecœur, il obéit, mais cela ne l’empêcha pas de l’examiner de la tête aux pieds.— Tu vas bien ? Es-tu blessée ?— Non.En jetant un regard autour d’elle, elle vit les gars rassemblés, les joues pâles comme du lait.— Je vais bien. Maintenant, dites-moi ce qui s’est passé, dit-elle en déglutissant bruyamment.— Nick m’a fait passer un test. J’ai réussi. Fin de l’histoire.Elle fronça les sourcils vers Nick.— Quel genre de test consiste à tirer sur l’un de tes hommes ?Nick s’adressa au groupe en donnant une explication précise.— Kalen était prêt à me laisser l’exécuter si je jugeais qu’il nuisait à l’équipe. Cela signifie que

nous pouvons espérer qu’il puisse être sauvé de l’emprise de Malik, alors nous allons nous battrejusqu’à la fin. Des objections ?

Personne n’en exprima. Un à un, chaque homme et sa partenaire jurèrent leur loyauté enversl’équipe. Et cette loyauté incluait Kalen. Comme il les regardait tous, un à un, il ne put plus respirer.Personne ne l’avait déjà défendu. Personne n’avait jamais voulu de lui. Pas même ses propresparents, les personnes qui auraient dû le défendre et l’aimer le plus. L’idée que ces personnes, quiétaient arrivées récemment dans sa vie, l’épauleraient, même s’il risquait de les laisser tomber, ledépassait.

Il put à peine parler.— Je jure que je ferai de mon mieux pour ne pas vous décevoir tous.Ou bien il mourrait en essayant. Soudain, son chaos intérieur se calma et son but devint clair : il se

battrait contre Malik avec toute son énergie. Et le moment venu, il ferait le bon choix.Quoi qu’il puisse être.— Excusez-moi, dit fermement Mackenzie. Mais je pense que je vais être malade.Elle se retourna et se précipita dans une salle de bain pour dames dans le couloir près du bureau de

Nick. Il l’aurait suivie, mais Nick lui bloqua le chemin.— Tu devrais probablement la laisser seule, en ce moment.Ce n’était pas une suggestion. Réprimant à nouveau la violente réaction de sa panthère, il hocha

sèchement la tête et se dirigea dans la direction opposée en mettant, le plus rapidement possible,autant de distance entre lui-même et les autres qu’il le pouvait.

Tout comme il l’avait fait toute sa vie.— Mac ?

— Par ici.

Penchée au-dessus du lavabo, Mac finit de se rincer la bouche, puis ferma l’eau. Jetant un regardsur Mélina, elle prit des serviettes en papier du distributeur, se sécha le visage et les jeta à lapoubelle.

— Tu vois ? Je vais bien, dit Mac.— Je ne crois pas, non.Mélina scruta minutieusement le visage de Mac, et ne sembla pas aimer ce qu’elle y vit.— Viens avec moi à l’infirmerie. Je veux te faire un bilan de santé.— Je n’ai pas besoin…— Je ne te demande pas ton avis. Les médecins font les pires patients, grommela-t-elle. Allons-y.Il n’y avait pas place à la discussion avec son amie quand elle avait une idée derrière la tête, alors

Mac céda. Malgré son petit gabarit et sa ressemblance à un elfe avec ses courts cheveux noirs,Mélina était tout à fait capable de faire peur à n’importe quel membre de l’équipe. Elle était unemilitante dure.

Et ça, c’était quand elle était de bonne humeur.Son amie n’avait pas toujours été ainsi. Mais c’était le cas depuis que son partenaire, Terry,

l’ancien commandant de la meute alpha, avait été tué dans une embuscade plusieurs mois auparavant.Elle avait eu du mal à accepter Nick en tant que nouveau chef à la place de son partenaire, et Nick etelle n’étaient pas toujours du même avis. Mais ils avaient trouvé un certain modus vivendi fondé surle respect mutuel.

Mélina conduisit Mac dans une salle d’examen et pointa une table couverte du papier blancfroissant tant détesté.

— Assieds-toi.Consciencieusement, Mac obéit et se soumit à un examen médical complet. Mélina vérifia ses yeux,

ses oreilles, son nez et sa gorge. Elle vérifia ses réflexes. Tout semblait normal, mais elle n’étaittoujours pas satisfaite.

— Je n’aime pas du tout le fait que tu te sois évanouie, dit-elle avec un froncement de sourcils.— Pour l’amour de Dieu, je pensais que Nick avait tué Kalen ! Il faut que tu me comprennes !— Depuis combien de temps te sens-tu patraque ? Ne pense pas que je ne l’ai pas remarqué.Ah oui ? Mac cligna des yeux vers son amie, d’un air protecteur.— Je ne sais pas. Quelques jours, peut-être.— Combien de fois as-tu vomi ?Mac la regarda, silencieuse.« Merde, merde. »— D’accord, dit Mélina d’une voix traînante en soulevant les sourcils. Voici ce qui va se passer.

Noah va venir te faire une prise de sang pour un bilan complet de routine. Ensuite, tu vas aller fairepipi dans un gobelet. Puis, tu reviendras ici, et tu t’assoiras pour m’attendre. OK ?

— Oui, répondit-elle en soupirant.— Bonne fille.Mélina lui tapota le genou et sortit. Peu de temps après, Noah entra, lui stérilisa le creux du coude,

et prit trois fioles de sang. Il appuya ensuite une boule de coton sur l’endroit où l’aiguille avaitpénétré la peau, puis lui mit un pansement.

En lui faisant un sourire, il pointa la direction de la salle de bain.— Va faire ton truc.Elle détestait uriner dans un gobelet. Dans le meilleur des cas, c’était risqué de viser juste. Mais

elle y arriva, et peu de temps après, elle fut de retour dans la salle d’examen.Là où les aiguilles de l’horloge accrochée sur le mur avançaient avec une lenteur insupportable.Dix longues minutes passèrent. Mac commença à gigoter quand Mélina arriva en portant une liasse

de papiers. Son amie ferma la porte et se tourna lentement vers elle. L’expression sérieuse sur levisage de Mélina lui envoya un éclair de terreur jusqu’au bout des orteils.

— Qu’est-ce qu’il y a ? haleta-t-elle, saisissant le bord de la table. Qu’est-ce qui ne va pas ?— Mac, ma chérie. Nous devons parler.

Chapitre 2

—Quoi ? Suis-je malade ? demanda Mac, le cœur battant douloureusement.

— Non, non, ce n’est pas ça, répondit son amie en s’appuyant de la hanche sur le comptoir.Mackenzie… tu es enceinte.

Ces mots soufflèrent à travers elle comme un ouragan. Et la laissèrent à bout de souffle.— Quoi ?— Tu m’as bien entendue. Enceinte, en cloque…— Oh, mon Dieu. Mais… mais comment ?Saisissant à quel point cette question était stupide, elle rougit.— Ce que je veux dire, c’est que des métamorphes non accouplés ne peuvent pas faire d’enfant à

leur partenaire ! N’est-ce pas ? demanda Mac.La voix de Mélina fut calme, spéculative.— Un métamorphe, hein ? Mais de qui parlons-nous ici ? Je comprends que l’identité du père ne

me regarde pas, mais je ne parlerai pas de ce que tu voudras bien me dire.Mac se tut, mais brièvement. Même si leur conversation n’était pas confidentielle, elle savait avec

certitude que son amie n’en dirait pas un mot à personne.— C’est Kalen, dit-elle d’une voix rauque.Elle rechercha le moindre signe de censure sur le visage de Mélina. Elle ne trouva rien d’autre que

de l’inquiétude.Au lieu de cela, l’autre femme jeta les documents sur le comptoir et étira le bras pour prendre la

main de Mac. Un geste surprenant et bienvenu.— C’est ce que je soupçonnais, compte tenu de la façon bizarre dont vous agissez quand vous êtes

près l’un de l’autre. Chérie, Kalen est un sorcier d’abord et avant tout, et sa panthère noire vient endeuxième. Il n’a jamais été pleinement humain, et cela le rend très différent des autres. En outre, il y aencore tellement de choses que nous ignorons sur les métamorphes, et sur l’influence de leur situationparticulière. Nous ne pouvons rien tenir pour acquis.

Les paroles de son amie touchèrent une corde sensible, et elle hocha la tête.— Kalen m’a dit à peu près la même chose quand nous avons été… ensemble.— Il y a combien de temps de cela ?— Environ un mois. Peu de temps après qu’Aric eut été fait prisonnier, lors de la nuit où Kalen et

moi avons été attaqués par ce sluagh. Je ne me souviens pas de la date exacte.— Je peux l’obtenir de Nick. Il documente tous les incidents impliquant l’équipe.

— Oh, bien sûr.Et leur patron connaîtrait bientôt son secret, si ce n’était pas déjà le cas. Difficile de garder des

secrets d’un précog.Mélina se tut pendant quelques instants, consulta ses notes, les résultats de test de Mac et ses

renseignements personnels, ainsi que le calendrier de papier qu’il y avait sur le comptoir danschaque salle d’examen.

— Seulement d’après les dates de ton dernier cycle, je pense que ta grossesse date de quatre oucinq semaines. Nous en saurons plus au fur et à mesure. Et comme nous ne savons presque rien sur lesgrossesses résultant de l’accouplement des métamorphes et des humains, j’aimerais recevoir unecopie des rapports de ta gynécologue-obstétricienne, des copies de tes échographies, des trucscomme ça.

Mac mit la main sur son ventre.— Qu’est-ce qu’on fera si le médecin voit que le bébé est spécial en quelque sorte ? Où dénichera-

t-on une gynécologue-obstétricienne qui ne sera pas allergique au paranormal et qui pourra garder lesecret ?

— Nick trouvera la réponse à cette question aussi. Une étape à la fois, d’accord ?Mac eut le tournis. Mon Dieu, son monde avait changé en l’espace d’une matinée. Celui de Kalen

aussi, mais il ne le savait pas encore.« Mon Dieu, Kalen. »Qui ne voulait plus rien avoir à faire avec Mac.Ses yeux se remplirent de larmes brûlantes, et elle cligna des yeux rapidement pour essayer de les

éloigner. Sa gorge brûlait, et elle respira malgré la douleur qui écrasait ses poumons.— Je ne sais pas si je pourrai y arriver.— Beaucoup de femmes moins bien préparées et beaucoup moins capables que toi ont pensé la

même chose, dit sèchement son amie. Tu vas t’en sortir.Une larme glissa quand même sur la joue de Mac.— Kalen va paniquer. Il m’a déjà éloignée de lui.— Ça sera difficile, déclara Mélina d’un ton coléreux. Il a participé à la conception de cet enfant,

alors il devra y faire face.Mac émit un rire rempli de larmes en dépit d’elle-même.— Aussi simple que ça, hein ? Bien sûr.Son amie fronça les sourcils.— Tu penses honnêtement qu’il ne prendra pas ses responsabilités ?— Ce n’est pas ça. Il se passe quelque chose qui lui bousille le cerveau, et il ne veut pas que je

l’aide.— Rien à voir avec le pendentif qu’il t’a donné ?

Mélina regarda d’un air interrogateur le disque d’argent, puis ses yeux revinrent sur le visage deson amie.

— Je pense que cela a tout à voir avec le pendentif, dit-elle en le prenant dans sa paume, où il futchaud et réconfortant. Il me l’a donné pour ma protection.

— Contre quoi ?— Plutôt contre qui.Mac s’arrêta, puis se racla la gorge.— Plus tôt, avant que j’aille leur annoncer que Sariel allait probablement s’en sortir, j’ai espionné

un peu à l’extérieur de la porte de la salle de conférences.— Et alors ? Ils ne nous parlent jamais de leurs opérations, à moins que nous devions les soigner

ou répondre à des questions médicales.L’autre femme fit une grimace.— Alors, nous obtenons des réponses comme nous le pouvons. Continue.— Celui qui est après Kalen est le père Unseelie de Sariel, Malik.— Est-ce le même qui a encouragé Kalen à libérer Béryl ?— Ils le croient aussi. Ce salaud tente de rallier Kalen à sa cause pour qu’il puisse utiliser son

pouvoir pour des raisons terribles.— Si Malik est si puissant, pourquoi ne s’attaque-t-il pas à Sariel lui-même ? Pour utiliser la

puissance de son fils à son avantage, ou carrément pour le tuer ?— Je ne sais pas, mais il doit y avoir une raison, sinon il l’aurait déjà fait, spécula Mac. Si Sariel

le sait, il ne me l’a pas confié.— À moi non plus.L’autre femme secoua la tête.— Mais tu as des soucis plus pressants. Quand vas-tu parler à Kalen du bébé ?— Tu pars du principe que je vais le faire.— Ce n’est pas le cas ?En regardant au loin, elle se sentit écrasée.— Je n’en suis pas sûre. Cet imbécile ne pouvait pas se sauver de moi assez vite après notre

escapade, alors comment penses-tu qu’il réagira à la nouvelle d’être père ? Soit il va déguerpir duWyoming comme si toute la meute était à ses trousses, ou pire… il va se sentir obligé d’être avec moiet de prendre soin de notre enfant.

— Tu n’as pas une très haute opinion de ton copain.— Kalen n’est pas mon copain, dit-elle sèchement. Il a été on ne peut plus clair à ce sujet.— Eh bien, ce n’est pas si simple, si tant est que cela ne l’ait jamais été.Mélina soupira et eut soudainement l’air fatiguée, montrant une fissure inhabituelle dans son

armure.

— Donne-lui l’occasion de se reprendre.La colère émanait du corps de Mac, la drainant de son énergie et la laissant découragée.— Peut-être que je le ferai, finalement. Mais je dois d’abord comprendre ce que je ressens à

propos du fait d’avoir son… notre enfant.— Ce n’est pas fou.Mélina la surprit de nouveau en lui faisant une accolade chaleureuse et réconfortante. Ce fut tout ce

qu’il fallait pour que Mac pleure à chaudes larmes. C’était comme si sa poitrine avait craqué etsaignait de partout. La plus petite des deux femmes fut, à ce moment, la plus forte des deux.

De loin.Kalen tomba du lit et se releva, les yeux à moitié fermés, au milieu de la pièce, essayant de reprendreses esprits. Selon l’inclinaison de la lumière du soleil filtrant à travers les stores, il était tard l’après-midi. Il aurait cru qu’il devait être minuit.

Après la matinée stressante qu’il avait vécue, il s’était évanoui à la seconde où il s’était étendu surson lit. Même Monsieur le Unseelie maléfique n’aurait pas été en mesure de percer son épuisementmental, s’il avait essayé.

Le silence radio le rendait mal à l’aise. Il ne durerait pas longtemps. Le salaud était probablementtapi en l’attendant, comme une araignée prête à injecter son venin au pire moment possible. Mon Dieuqu’il méprisait être l’outil d’un ennemi, car il n’avait pas la moindre idée de la façon de lecombattre.

Il alla à la salle de bain, et sentit qu’il avait 1000 ans. Après être passé aux toilettes, il se lava lesmains, s’éclaboussa de l’eau sur le visage pour se réveiller, puis se dirigea vers la salle à manger. Iln’avait pas très faim, mais cela n’aiderait pas sa cause de se terrer dans sa chambre en s’isolant desgars. Il leur avait promis de combattre Malik, et c’est ce qu’il voulait faire.

Quelques minutes plus tard, il entra dans la salle à manger et regarda autour de lui. La plupart desmembres de l’équipe étaient là, installés autour de plusieurs tables où le repas était servi pour tout lemonde. Mackenzie était présente aussi, assise avec Mélina, Jax, Kira et Sariel. Il hésita, incertain, etil sentit la chaleur envahir son corps à la vue de sa belle docteure.

— Elle n’est pas à toi, siffla Malik d’un ton joyeusement sombre.— Tu es là, espèce d’enfoiré, murmura-t-il dans un souffle tendu. Tu n’as pas une portée de chatons

à noyer ou quelque chose du genre à faire ?Pas de réponse. Juste des doigts froids qui passèrent lentement sur sa joue, son cou, puis lui

serrèrent l’épaule pour l’avertir, creusant douloureusement dans le muscle et l’os avant de lerelâcher. Kalen inspira en prenant conscience que le contact avait été absolument physique. Malgréles protections que Kalen avait installées sur le camp de la meute alpha, le Unseelie pouvaitréellement l’atteindre à distance s’il le voulait. Ou nuire à l’un de ses amis.

« Espèce de salopard. »

Mais pas Mackenzie. Jamais. Il s’en assurerait.Secoué, il s’assit en face de Hammer, le géant calme de l’équipe, et essaya de se détendre. Le gros

homme chauve poussa simplement un poli : « Hé, quoi de neuf ? », puis continua à manger comme s’ils’agissait de son dernier repas.

Kalen commença à se relaxer. Contrairement à d’autres, Hammer ne forçait jamais la conversation,ne soulignait pas les défaillances de Kalen, ne se moquait pas de lui ni ne se mêlait de ses affaires, etpour ces seules raisons, il aimait cet homme. Comme Hammer ne semblait pas vraiment attendre uneréponse, Kalen ne lui en donna pas. Au lieu de cela, son regard tomba sur le plat de lasagne au centrede la table, et il réprima une nausée soudaine.

Il aimait la lasagne. Habituellement. Mais aujourd’hui, la sauce rouge grumeleuse ressemblait à dusang ; les nouilles ondulées et la ricotta, à de la cervelle. Tout comme ce à quoi aurait ressemblé satête, si Nick n’avait pas bougé le canon de son pistolet. Ravalant sa bile, il découpa un carré delasagne, le mit dans son assiette et saisit un bout de pain dans le panier à côté du plat principal.

Le premier morceau de la lasagne gluante descendit avec difficulté, mais il s’étouffa presque avecle second. Il posa sa fourchette sur la table et repoussa son assiette, se résignant à grignoter le pain.

— Tu vas bien ?Il leva les yeux. Hammer l’étudiait intensément en mâchant.— Ouais, ça va.— Ce putain de salopard te joue dans la tête à nouveau ?— Pas pour le moment. Je suis juste un peu tendu.— C’est compréhensible.Hammer n’eut pas l’air de croire cette explication simpliste, mais il hocha quand même la tête.— N’hésite pas à demander de l’aide, mec. N’essaie pas de le combattre seul. Nous sommes une

équipe. Il faut t’en souvenir.— Je pensais justement au fait que tu ne te mêlais jamais de mes affaires, essaya-t-il de plaisanter.— Ce n’est pas pareil. Tout ce qui blesse l’un d’entre nous fait mal à tout le monde.Comme s’il avait besoin de le rappeler.— Je sais, dit-il.Son appétit ayant maintenant complètement disparu, il jeta les restes du pain dans son assiette.— Entre l’équipe et Malik, je ne suis pas près de l’oublier, non plus, ajouta-t-il.— Hé, il ne s’agit pas que de toi… Nous sommes tous vulnérables aux menaces extérieures. Voilà

pourquoi nous travaillons, nous nous entraînons et vivons en équipe. Voilà pourquoi nous sommesdans un bâtiment éloigné qui est protégé comme une putain de forteresse.

— Et si tout cela ne suffisait pas ? Que se passerait-il ?L’autre homme le regarda en silence pendant un long moment.— Ça doit suffire, décréta Hammer.

Mais ce n’était pas le cas.— J’ai découvert que Malik pouvait atteindre chacun d’entre nous à sa guise. Malgré les

protections que j’ai mises sur ce lieu.Cet aveu le submergea à nouveau de honte.— Quoi ? Comment ?Le visage d’Hammer laissa paraître un pincement de peur avant qu’il ne disparaisse.— Il m’a touché il y a quelques minutes, dit Kalen.L’autre homme se redressa et scruta autour de lui.— Non, il n’est pas physiquement ici. Mais il a projeté une certaine forme astrale de lui-même

vers moi assez longtemps pour m’aviser qu’il pouvait m’atteindre quand il le voulait. Ou n’importequi aussi, expliqua Kalen.

— Un avertissement, dit Hammer tout bas d’un ton fâché.— Oui.— C’est du bluff. Il faut que ça le soit.— Comment ? demanda Kalen.— Penses-y. Si Malik pouvait réellement te blesser gravement sur le plan physique, ou quelqu’un

d’autre ici, il l’aurait déjà fait.— Peut-être, concéda Kalen.L’idée lui donna un peu d’espoir.— Et s’il le pouvait, pourquoi ne se serait-il pas attaqué directement à Sariel, peut-être en te tuant

au passage, en prime ? Je pense que c’est de la poudre aux yeux, Kalen. Si ce fils de pute était si fort,il n’aurait pas besoin de toi, et il n’aurait pas tant besoin de tuer son propre fils.

— C’est logique, admit Kalen.Mon Dieu, il espéra qu’Hammer avait raison.— Quelque chose vient de me venir à l’esprit, dit Hammer.Le gros homme posa ses coudes sur la table et regarda Kalen.— Peut-il nous entendre parler ? Peut-il m’entendre, en ce moment ?— Merde, dit le sorcier d’un souffle, abasourdi par la question.Il se concentra sur ses derniers contacts avec le Unseelie, les railleries de la créature, et il secoua

la tête.— Je ne pense pas. Il ne semble réagir qu’à mes pensées, ou lorsque je lui parle directement. Ou

enfin, il peut se projeter dans ma tête et me déboussoler à l’improviste. Il aime attaquer mesémotions, mais je ne l’ai jamais senti écouter mes conversations avec les autres. S’il pouvait le faire,je suis sûr qu’il pourrait me rend fou.

— Tu veux dire que c’est un peu comme lorsque tu es dans une pièce avec quelqu’un qui parle autéléphone, tu ne peux seulement entendre que son bout de la conversation ?

— Exactement. Pour une raison quelconque, il semble que Malik ne peut entendre que moi.— Intéressant. Voilà quelque chose d’utile. Mais bien que ce soit bon, tu devras essayer de

maîtriser tes pensées, ou de les bloquer complètement. Imagine un mur ou une merde du genre entreton esprit et le sien. Pourvu que ça fonctionne.

— Je vais essayer.Il n’entretenait pas beaucoup d’espoir quant à son succès, mais ça valait le coup d’essayer.— Est-ce que Nick a eu de la chance dans sa traque d’« Evan Kerrigan » ?Que le Unseelie se promène parmi le public non averti, se faisant passer pour un riche

entrepreneur, était une source de crainte réelle pour l’équipe. De faire participer des êtres humainsinnocents dans leurs combats était toujours une perspective effrayante, à éviter à tout prix.

— Pas encore. Ses contacts et lui doivent faire preuve de prudence pour ne pas éveiller sessoupçons.

— J’ai le sentiment qu’il ne se cachera pas éternellement, spécula Kalen d’un ton sinistre. Si nousne le mettons pas sous surveillance avant qu’il vienne pour jouer, ça va être mauvais.

Hammer renâcla.— Une poignée d’entre nous contre un roi Unseelie et son armée de géantes chauves-souris

enragées ? Pas de problème… c’est dans le sac.Ces « géantes chauves-souris enragées » étaient des sluaghs… des Seelies déchus qui s’étaient

tournés vers le mal et vivaient pour servir Malik. Mon Dieu, ils allaient tous être massacrés. À moinsque Kalen fasse un miracle.

— Il n’y aura pas de miracles, mon garçon. Il n’y aura que la voie que toi et moi traceronsensemble. Lorsque tu apprendras à embrasser ton pouvoir, à m’accepter en tant que ton maître,nous allons gouverner l’univers.

— Tu parles du côté sombre de mon pouvoir, siffla Kalen. Je ne vais pas l’utiliser pour blesser desinnocents.

— Tu le feras, mon petit. Tu n’as pas le choix.— Va te faire foutre.— Kalen ?Hammer se pencha en avant, l’air inquiet.— Est-ce lui ?Se sentant à nouveau malade, Kalen se recula de sa chaise.— Je dois y aller. Merci pour la discussion.Sans donner une chance à l’autre homme de lui répondre, il se dirigea vers la porte. Dans le

couloir, il s’appuya le dos contre le mur, inspira profondément et expira lentement. Pour se calmer.— Ça va ?Mackenzie l’avait suivi, et elle se planta devant lui, les mains enfouies dans les poches de sa

blouse, son inquiétude visible dans ses yeux bleus. Mon Dieu, il ne méritait pas d’être l’objet de lapréoccupation qu’elle affichait sur son doux visage.

Comme il cherchait une réponse, il remarqua que ses paupières étaient rougies. Un peu bouffies.Elle avait le visage fatigué, le corps tendu, et il devint immédiatement en état d’alerte.

— J’ai connu des jours meilleurs, doc. Maintenant, je te retourne la question. Qu’est-ce qui ne vapas ?

Une certaine émotion, qui pouvait être du remords, ou de la tristesse, traversa ses traits, puisdisparut.

— Tu es sérieux ? Qu’est-ce qui va bien ? Tu vois, je peux être évasive, moi aussi.Son ton était agressif, ce qui était nouveau pour cette femme habituellement heureuse et pétillante.

Son cœur se serra.— C’est ma faute, dit-il doucement en s’éloignant du mur pour s’approcher d’elle et lui toucher la

joue. J’ai mis cette inquiétude sur ton visage. Bébé, je suis tellement désolé…Elle recula pour éviter son contact, et ce geste perça le ventre de son amant comme une lame.— Non. Tu n’as pas le droit de m’appeler comme ça, dit-elle sèchement. Tu ne peux pas m’appeler

« bébé » et faire comme si je comptais pour toi. Je ne suis pas ton problème, tu te rappelles ?Le poignard dans son ventre se tordit.— Je n’ai jamais dit que tu n’étais pas mon problème ou que je me fichais de toi. Je ne voulais pas

que ça ait l’air de ça.C’était tout le contraire, en fait.Elle croisa les bras sur sa poitrine dans une position protectrice.— C’est ce qui m’avait semblé. Quoi qu’il en soit, est-ce que ça change quelque chose ?Il détourna les yeux, le cœur serré.— Peut-être pas. Mais de toute façon, de rester loin de moi est la meilleure chose que tu puisses

faire pour le moment.— Pourquoi ? En raison de ce Unseelie, Malik ? C’est lui qui a essayé d’entrer dans ma tête il y a

quelques semaines, et maintenant il est après toi, non ?Ses yeux revinrent se planter droit dans les siens.— Comment sais-tu son nom ?Elle le foudroya du regard.— Je garde les oreilles ouvertes. Je n’ai pas le choix, si je veux comprendre quoi que ce soit

d’important ici.— Quoi, tu as espionné notre réunion plus tôt ?En guise de réponse, elle se contenta de hausser un sourcil, son expression le mettant au défi

d’essayer de la comprendre. Il ne l’avait jamais vue se mettre en colère si vite… en fait, il ne savaitpas qu’elle pouvait se mettre en colère. Et il n’aimait pas en être la cause.

— Très bien. Alors, tu sais contre qui je me bats.— Nous nous battons tous contre lui ! Il n’y a pas que toi !— Tu es la deuxième personne aujourd’hui à me le rappeler.— Alors, tu devrais commencer à nous écouter avant de réussir à tous nous faire tuer.Il soupira de frustration.— Travailler avec une équipe n’est pas aussi facile qu’il n’y paraît. Du moins, pas pour moi. J’ai

été seul pendant près de la moitié de ma vie, et l’expérience m’a appris à la dure que la seulepersonne sur laquelle je peux compter, c’est moi-même. Je ne peux pas changer ce conditionnementdu jour au lendemain.

Les yeux de la docteure s’adoucirent un peu, et une partie de sa tension quitta sa posture.— Tu as eu une vie difficile. Je comprends. Mais elle n’a pas exactement été un jardin de roses

pour les autres mecs, non plus. Ni pour moi, d’ailleurs.— Toi ? dit-il en clignant des yeux. Pourquoi ? Que veux-tu dire ?Elle lança un rire triste et secoua la tête.— Tu ne t’es jamais demandé pourquoi j’ai abandonné un cabinet de psychologie privé lucratif

pour travailler ici, au milieu de nulle part, dans un endroit qui n’existe même pas pour le reste dumonde ?

— Parce que ton père… et notre patron… le tout-puissant général Jarrod Grant, a affecté son bébéà une belle sinécure ?

Ce fin commentaire eut exactement l’effet désiré.Il l’énerva.— Non, ce n’est pas la raison, crétin, siffla-t-elle, le feu étant revenu dans ses yeux bleus

étincelants. Tu sais, tu devrais réfléchir un peu, car tu pourrais apprendre des choses sur les gens quiveulent être tes amis. Je te suggère de le faire avant qu’il ne soit trop tard.

— Oui, tout le monde a de bons conseils à donner, cracha-t-il. Et peut-être que je ne veux pasd’amis ou que je n’en ai pas besoin.

— Tu sais quoi ? Je vais te reparler lorsque tu seras d’humeur à agir comme un adulte.Avec un regard acerbe, elle tourna les talons et marcha dans le corridor le plus rapidement

possible pour mettre le plus de distance entre eux. Voilà ce qu’il avait voulu. N’est-ce pas ?— Merde. Mackenzie, attends ! cria-t-il en faisant un pas en avant.Son chemin fut bloqué par un loup roux au sourire narquois, qui avait apparemment vu trop de

l’échange.— Bravo, le goth. Quels autres plans as-tu pour l’emmerder encore plus ? Arracher les têtes de ses

poupées Barbie ?De toutes les foutues personnes qui auraient pu assister à cette chicane avec la docteure, ce gars-là

était, et de loin, celui qu’il aurait fait des kilomètres pour éviter. Aric Savage et lui ne s’étaient

jamais entendus depuis la nuit où Kalen avait rencontré l’équipe dans le cimetière en dehors de laville. Kalen enquêtait alors sur une série de meurtres et était en train de déterrer un cadavre pour enobtenir des renseignements quand il avait pris conscience de la présence des métamorphes. Aprèsune bataille courte mais féroce, ils avaient réussi à restreindre Kalen, et Jax avait triché enl’assommant.

Après avoir emmené Kalen dans le camp pour un interrogatoire, l’équipe avait conclu que Kalenétait innocent. Il avait appris que l’équipe enquêtait sur les mêmes meurtres, et qu’elle était sur lapiste d’Orson Chappell, le président de NewLife Technology. Cet homme se servait de sesscientifiques pour qu’ils mènent des recherches sur l’épissage de l’ADN humain avec celui desmétamorphes, et il voulait surtout des métamorphes ayant des capacités psychologiques comme cellesdes membres de l’équipe. Chappell et ses hommes assassinaient des innocents dans le processus… etc’est pourquoi les autorités locales avaient trouvé ces pauvres corps mutilés.

Mais Chappell n’était pas le grand patron. Ils avaient été choqués de découvrir que Malik, sefaisant passer pour le riche Evan Kerrigan, était le véritable pouvoir derrière la création horribled’une race de super soldats métamorphes. Il avait séduit Chappell, maintenant décédé, et biend’autres pour qu’ils exécutent ses ordres.

Tout comme il essayait maintenant de séduire Kalen pour qu’il se joigne à lui.Mais cela n’était pas son problème le plus urgent, à ce moment précis. Il sentit sa lèvre se

retrousser comme il dévisageait Aric. Dès le premier jour, le maître du feu et de la télékinésie l’avaitharcelé et s’était moqué de lui à chaque occasion. Comment cet enfoiré avait réussi à séduire unepartenaire intelligente et magnifique comme Rowan Chase, qui avait travaillé pour la police de LosAngeles, dépassait l’entendement de Kalen.

Il essaya de garder sa voix égale, mais il trahit sa colère.— Va te faire foutre, Aric. Ce qui se passe entre Mackenzie et moi n’est l’affaire de personne, et

surtout pas la tienne.— Tu vois, c’est là où tu as tort, répondit le loup roux en faisant un sourire sauvage à Kalen tout en

lui agrippant fermement l’épaule. Mac est…— Lâche-moi.Aric ignora son avertissement.— Mac est mon amie. Tout le monde l’aime, et aucun de nous ne restera sans bouger à te regarder

la blesser.Kalen entendit à peine ces paroles quand le visage d’Aric s’embrouilla. En un instant, ses

souvenirs revinrent à la surface. De terribles fantômes du passé, des mains d’autres hommes, dontbeaucoup avaient été brutales. Prenant ce qu’elles voulaient. Et Kalen qui leur permettait ces touchersnon désirés pour pouvoir mettre de la nourriture dans son estomac vide et brûlant.

Plus jamais.

Mackenzie était la seule qui avait ce droit. Ses mains étaient comme le ciel.— Ne me touche pas, dit-il d’une voix rauque.À l’intérieur, sa panthère s’agita et gronda de colère.— Il est ton ennemi, mon petit, le cajola Malik. Ne le vois-tu pas ? Il n’a rien fait d’autre que de

te blesser, de rire de toi, comme tous les autres l’ont fait dans le passé. Il te jetterait à la rue, s’ille pouvait. Ne lui donne pas ta fidélité… il ne la mérite pas. Montre-lui ta puissance, mon garçon !N’accepte pas le mépris d’un être si indigne de toi ! Montre-lui ce que cela signifie que des’attaquer à un sorcier !

Les lèvres d’Aric bougeaient, mais ce furent les mots de Malik qui résonnèrent dans sa tête. Ilssemblaient vrais, et sa colère bouillit en une rage à peine dissimulée. Sous sa peau, ses émotionsbouleversantes se tordirent comme des serpents, prirent de l’expansion et explosèrent.

Avec un grognement, il leva l’avant-bras pour se dégager de l’emprise de l’autre homme, puis lepoussa vers l’arrière. Pris par surprise, le loup roux fut pris au dépourvu lorsque Kalen leva unemain, paume vers le haut, et lança un sort en latin, libérant une sphère bleue d’énergie pure.

L’explosion frappa Aric dans la poitrine et le souleva de terre pour le propulser contre le mur dufond assez fort pour casser le plâtre. Son visage afficha la surprise comme l’énergie vibrait, sediffusant dans son torse et ses membres, ce qui provoqua des secousses dans tout son corps avant dese disperser. L’homme tomba à genoux, mais brièvement. Il releva brusquement la tête, et ses lèvresse retroussèrent pour mettre à nu ses crocs, qui s’allongèrent.

— Tu veux jouer comme ça, gros minet ? Attends un peu.Comme Aric se relevait, Kalen s’attendit à moitié à ce qu’il se transforme en loup. Il ne fut pas

préparé à ce que l’autre homme lève une main, acceptant ainsi le défi de Kalen, et lui lance unpanache de feu près du visage. Il entendit un cri dans le couloir, qu’il identifia comme étant la voixeffrayée de Mac, alors qu’il levait la main pour renvoyer le feu vers son ennemi juré.

Le loup changea de tactique, et le feu disparut. Avant que Kalen ne puisse réagir, il sentit son corpss’élever, ses pieds décoller du sol. Ce salopard utilisait son don de télékinésie pour se battre, et defaçon très efficace. Le corps de Kalen se retourna pour être dos au loup, ce qui l’empêchait presquede lui jeter un sort. Puis, son corps claqua contre le mur, du côté droit. Il sentit la douleur dans sa têteet son bras, et il entendit et ressentit un craquement écœurant.

— Ah !L’agonie l’envahit, puis il fut projeté de nouveau.— Comme ça, mon minet ? ricana Aric. Comment te sens-tu ?— Qu’est-ce qui se passe ici, bordel ? tonna la voix de Nick. Savage, repose-le par terre !— À tes ordres !Kalen chuta brutalement. Il s’écrasa au sol, essayant de respirer malgré sa terrible douleur et, à

mesure que sa tête éliminait lentement la contrainte imposée par Malik, il ressentit de la honte.

Qu’avait-il fait ?Des mains le roulèrent soigneusement sur le dos, et il se retrouva à cligner des yeux vers le visage

inquiet de Nick. Le regard du commandant alla vers le bras droit de Kalen.— Peux-tu te relever ? Remuer les doigts ?Il essaya, et un éclair blanc de douleur lui traversa le bras. Un cri lui échappa.— Non.Nick dévisagea Aric, qui se tenait sur le côté, la mâchoire serrée.— Tu lui as cassé le bras. Tu ferais mieux d’avoir une foutue bonne raison pour t’être attaqué à

l’un de tes propres frères.— D’abord, il n’est pas mon frère. Les autres, oui. Mais pas cet animal de cirque, dit-il avec un

mépris non dissimulé.Cette fois, l’agonie frappa Kalen dans un endroit complètement différent, et il lutta pour ne pas le

montrer alors que l’homme continuait.— Deuxièmement, je n’ai pas à avoir de bonne raison. Il m’a attaqué en premier.Le regard de Nick se retourna vers Kalen.— Est-ce vrai ?Apparemment, le précog ne pouvait pas tout « voir ». Kalen déglutit.— Oui.Une petite foule s’était rassemblée, certains des autres gars en marmonnant, d’autres en sifflant. Il

fut mortifié de voir que Mac se tenait avec les autres, le regardant avec horreur. Visiblement, elleavait assisté à toute la scène.

— Pourquoi ? cracha le commandant.Une question qui semblait si simple.— Parce qu’il ne voulait pas me lâcher.Une réponse si lamentable.Immédiatement, Nick comprit, et la colère commença à s’effacer de son visage.— Mauvais souvenirs ?— Oui, murmura-t-il.Des souvenirs terribles menacèrent de le submerger de nouveau.— Tout ce que je sentais, c’étaient ses mains, et qu’il ne voulait pas me lâcher, et cela m’a

rappelé…Il ne put pas finir. Mais il n’eut pas à le faire.Comprenant enfin l’affaire, Aric poussa un juron.— Je pensais seulement qu’il faisait l’idiot, surtout après la façon dont il venait de parler à Mac.

Je ne savais pas, dit Aric à Nick.Quoi que Nick eût pu dire fut oublié pour le moment alors que Zander Cole, le guérisseur de

l’équipe, s’agenouillait à côté de Nick, le forçant à lui faire de la place.— Merde, c’est une mauvaise cassure. Heureusement pour toi, je peux te réparer ça tout de suite.Il fit à Kalen un sourire encourageant, que ce dernier ne put lui retourner.— Si tu le dis.— C’est vrai. La mauvaise nouvelle, c’est que je dois d’abord réaligner l’os, sinon il restera

croche. Tu es prêt ?— Fais-moi mal.Zan leva le bras de Kalen et lui lança un regard d’excuse. Travaillant rapidement, il tira le membre

blessé de toutes ses forces pour ramener les deux bouts de l’os en place. Kalen cria, et des tachessombres dansèrent devant ses yeux. La nausée poussa la bile dans sa gorge, et il s’évanouit presque.Ce fut par pure chance qu’il réussit à s’empêcher soit de vomir, soit de perdre connaissance.

Lorsque les doigts de Zan s’enroulèrent à l’endroit où l’os avait traversé la peau, Kalen haleta, etla sueur coula le long de ses tempes dans ses cheveux. Puis, la chaleur enveloppa le point de cassure,et l’horrible brûlure lancinante diminua progressivement. La chaleur lui fit du bien, et bientôt ladouleur disparut. Vérifiant son bras, il vit que sa peau était couverte de sang séché, mais le bras étaitrevenu comme neuf.

— Merci, Z, dit-il en faisant un sourire blême à l’homme.— Pas de problème. Viens.Il se releva, et tendit une main à Kalen.Il la prit et se releva maladroitement en évitant tout contact visuel avec quiconque alors qu’il

attendait le jugement de Nick. Il arriva rapidement.— Je comprends ce qui est arrivé ici, dit le commandant d’une voix basse et sévère. Tout le monde

sait que vous deux, en plus de vos propres problèmes, vous vous détestez depuis le premier jour.Mais je ne suis pas un enseignant de maternelle, et nous ne sommes pas dans une aire de jeux où vouspouvez vous battre pour éviter de résoudre vos problèmes. Est-ce clair ?

Kalen grimaça.— Oui, monsieur.— Ouais, dit Aric d’une voix traînante, qui lui valut un regard dur de Nick.Il se racla la gorge.— Je veux dire, oui, monsieur.— Trouver un terrain d’entente dans vos temps libres. Je dois m’occuper d’une équipe. Je n’ai pas

le temps pour ces imbécillités, ni personne d’autre, d’ailleurs. Si cela se produit de nouveau, vousserez suspendus tous les deux. Indéfiniment.

— Quoi ! cria Aric. Ce n’était pas ma faute ! Il…— Et maintenant, tu sais pourquoi, rappela Nick.Il avait rapidement perdu sa patience légendaire.

— Tu sais lire les signes chez tes coéquipiers mieux que cela, Aric. Je sais que tu en es capable.Tu aurais dû interpréter son langage corporel, et si tu l’avais fait, tu aurais su que quelque choseclochait. Ensuite, tu l’aurais lâché comme il le demandait et calmé le jeu avec un peu plus decompassion. Tu es un meilleur coéquipier et frère que ça.

Aric jeta un coup d’œil vers Rowan et vit qu’elle avait plissé les lèvres pour exprimer sadésapprobation. Ses pommettes saillantes se colorèrent, et il baissa la tête de honte.

— Tu as raison, Nicky. Je suis désolé.— Ce n’est pas à moi que tu dois des excuses.Il ne voulait pas parler à Kalen du tout. Tout le monde pouvait le voir. Cela lui fit plus de mal que

Kalen ne voulait l’admettre. Mais Aric s’était rapproché de lui et hocha la tête.— Je suis désolé, sorcier. J’ai perdu la tête.— Kalen.— Quoi ?Aric fronça le sourcil de confusion.— Tu m’appelles toujours le goth, le minet, le joli garçon, et ainsi de suite. Je m’appelle Kalen,

dit-il calmement.— C’est vrai, dit Aric en ricanant. Bien sûr, Kalen, peu importe.Nick secoua la tête.— Très bien, tout le monde, le spectacle est terminé. Allons nous coucher.Kalen n’avait jamais entendu une meilleure suggestion. Comme le groupe se séparait, certains des

gars lui donnèrent une tape dans le dos ou lui dirent un mot d’encouragement ou deux pour le soutenir.Mais aucun, remarqua-t-il, ne s’arrêta pour vraiment lui parler. Pour l’atteindre.

Personne ne l’avait jamais fait. Pourquoi serait-ce différent, maintenant ?Même Mac était partie sans lui parler. Elle n’avait aucune raison de rester après la façon dont il lui

avait parlé. Aric avait raison : Kalen avait été trop en colère pour écouter.Maintenant, il était seul dans le couloir vide, et avait tant besoin de compagnie. Il donnerait

presque tout pour connaître la joie de l’amitié facile que partageaient ces gars-là. Sans oublier unebelle partenaire comme Jax et Aric avaient trouvé. Il lui sembla que ces rêves devaient rester àjamais hors de sa portée.

— N’as-tu rien à dire à ce sujet ? demanda-t-il à Malik amèrement.Le salaud ne répondit pas, cependant. À ce moment, il aurait donné n’importe quoi pour avoir de la

compagnie, même celle du salopard Unseelie, parce qu’alors, il n’aurait pas été aussi seul.Ce qui était, sans aucun doute, exactement ce que Malik avait prévu.Et ce fut la pensée la plus effrayante de toutes.

Chapitre 3

Kalen tourna dans son lit, se tordant dans ses draps enchevêtrés.La nuit était trop chaude, et sa chambre, étouffante. Il avait abaissé le thermostat dans son

appartement, mais cela n’avait pas aidé. Ses draps de coton s’accrochaient à sa misérable peausurchauffée et collante. Pendant des heures, il avait combattu pour atteindre l’oubli, mais elle étaitrestée insaisissable. Il était agité.

Si seul.— Tu n’arrives pas à dormir ?— Tu es tout un détective, dit-il d’un ton sarcastique au damné Unseelie. Qu’est-ce que ça peut te

faire ? Et les fées ne dorment pas non plus ?Un profond soupir retentit quelque part à l’extérieur, dans l’ombre.— Je m’en soucie davantage que tu le crois, et j’ai rarement besoin de sommeil. Viens avec moi,

mon garçon. Je veux te montrer quelque chose.Un frisson glissa sous la peau de Kalen, malgré cette chaleur si inconfortable. Le Unseelie semblait

presque… amical. Était-ce une nouvelle approche pour essayer de gagner la confiance de Kalen ?— Non, merci. Je ne veux rien voir de ce que tu as à me montrer.— Tu changeras d’avis quand tu l’auras vu.— Tu en es sûr, hein ?— Ce dont je suis certain, c’est que tu es seul. Que tu es fatigué, si fatigué de marcher dans la

vie sans personne à tes côtés qui te comprenne.— Et tu penses que tu me comprends ? demanda Kalen d’un ton abrupt.— Oui. Je te connais mieux que tu ne le penses.— Qu’est-ce que ça veut dire ?— Je vais te montrer. Viens.— Va au diable.Un sombre petit rire amusé flotta dans l’air.— Ce n’est pas une menace efficace. Alors que tu te creuses la tête pour trouver une insulte plus

originale, sors du lit et rejoins-moi. Tu n’as rien à perdre. Dans ton for intérieur, tu sais que j’airaison.

Ces mots le remplirent de désespoir. Qu’il reconnaisse la tactique du Unseelie, à savoir de trouverle point de faiblesse dans la proie pour l’attaquer, n’avait aucune importance. Il avait aussi raison surle point faible de Kalen.

Il avait été seul, et à la dérive, depuis la mort de sa grand-mère, peu de temps après le jour où ellelui avait donné le pendentif. Depuis, il avait eu du mal à faire fi de la haine, de l’indifférence et duridicule qu’il vivait tous les jours. Il avait du mal à dire ce qui lui faisait le plus mal.

La grand-mère de Kalen n’étant plus un obstacle, l’abus de son père avait empiré à pas de géant.Surtout envers la mère de Kalen. Lors de cette dernière nuit terrible, Dave Black avait commencé à labattre pour une petite infraction, et à la vue de son corps recroquevillé sous ses coups, criant, il yavait eu un déclic dans l’âme de Kalen. Il s’était transformé en panthère pour la première fois et avaitsauté sur son père avec la ferme intention de lui arracher la gorge. Seuls les cris de sa mère pourl’arrêter avaient sauvé ce bâtard du sort qu’il lui réservait.

Quand Kalen avait repris sa forme humaine, sa satisfaction de voir la terreur chez son cher vieuxpère avait été brève. L’expression de la peur chez le bâtard s’était rapidement transformée en unepure haine bouillonnante. Il avait ordonné à son fils de quitter la maison immédiatement, et lui avaitinterdit de prendre quoi que ce soit avec lui.

La mère de Kalen n’avait pas dit un mot, et n’avait pas tenté de le sauver. Et le cœur de Kalens’était alors brisé.

Ce fut sa première expérience avec la haine. Il y avait eu beaucoup de ridicule… Aric n’avait pasété le premier à le traiter de monstre, de faire comme si Kalen ne méritait pas de respirer le même airque les gens ordinaires. Une récente altercation avec un groupe d’imbéciles au Cross-eyed Grizzlylui revint péniblement à l’esprit. Et Mackenzie avait été aussi témoin de cet incident.

Mais maintenant qu’il y pensait, l’indifférence était peut-être ce qui était le pire. Il repensa auxannées de marche le long des autoroutes achalandées et des routes secondaires solitaires. Tout lemonde passait à côté de lui, mais personne ne se souciait de savoir où se dirigeait ce vagabond ni cequi l’avait mené à sa descente aux enfers. Jamais une main ne s’était tendue pour l’accueillir.

Jusqu’à ce que Nick Westfall lui offre un emploi avec la meute alpha et un endroit où rester. Peut-être…

— Mon garçon, ne fais pas de sentiment à propos du geste du commandant, ricana Malik. Tusais aussi bien que moi que cet homme t’aurait montré la porte il y a des semaines, si tu n’avaispas été utile à son équipe. Essaie donc de le nier !

Il ne le put pas, et la souffrance le submergea à nouveau.— Je ne suis rien d’autre qu’un outil pour toi aussi. Tu n’es pas différent de Nick, si on y pense.— J’ai quelque chose de bien plus important à t’offrir, jeune sorcier. Quelque chose que tu

recherches depuis longtemps et qu’il ne pourra jamais te donner. Viens voir, mon cher. Quand tul’auras vu, tu seras libre de partir si tu le souhaites.

— Je ne te crois pas, dit-il les dents serrées. Tu vas probablement me retenir prisonnier ou quelquechose du genre.

— Non, je n’ai pas besoin de prendre une mesure aussi radicale.

Encore une fois, il sentit qu’il y avait dans ses paroles un fond de vérité. Le sang de Kalen seglaça, car la peur prit profondément racine au fond de son âme. Qu’est-ce que Malik pouvait bienavoir qui le rendait si sûr que Kalen se joindrait à lui ? Qu’est-ce que Kalen voulait tant qui le feraitpasser du côté obscur, comme sa grand-mère l’avait craint ?

— L’acceptation, répondit doucement Malik. Et un lien d’appartenance.Kalen sentit son pouls jusque dans sa gorge.— Tu ne peux pas me donner ces choses. Tu es maléfique, et tu mens.— Je ne suis ni l’un ni l’autre… Je suis simplement mal compris, comme toi. Permets-moi de le

prouver.La tentation était trop grande. Kalen se leva du lit et s’habilla, les mains tremblantes. Il était

heureux que Malik ne puisse pas les voir. Après avoir enfilé le jeans et le t-shirt qu’il portait plus tôt,il mit ses bottes et sortit de ses quartiers.

Le plus silencieusement possible, il emprunta le couloir menant à la salle de loisirs du camp. Unefois là, il franchit la porte menant à l’extérieur et se trouva bientôt dans la zone herbeuse à l’arrièrede l’immeuble où les gars jouaient au football et à d’autres jeux pour passer leur temps libre.

Sûr d’avoir réussi à s’enfuir sans avoir été repéré, il se dirigea jusqu’à la lisière de la forêt. Unefois protégé des regards par le couvert des arbres et l’obscurité environnante, il prit une profondeinspiration et se détendit en appelant sa panthère.

La bête répondit avec un rugissement, heureuse d’être libre. Cela faisait beaucoup trop longtemps.Il toucha le sol à quatre pattes, leva le nez en l’air. Les parfums étaient beaucoup plus forts lorsqu’ilprenait cette forme, et l’odeur de la terre, plus piquante. Riche. Il sentit des animaux, aussi, de petitesbêtes qui feraient de savoureuses collations, mais il résista à l’envie de chasser. Ce soir, il avait unbut différent.

Sa panthère courut, exultant à l’idée de s’étirer les pattes. De la simplicité d’être libre. Il s’étaitsouvent demandé s’il aurait été préférable de vivre dans cette forme pour toujours, de tourner le dosà l’humanité. Ce pourrait être si facile.

Et puis, peut-être pas. Sa partie humaine implorait l’acceptation, et malheureusement, Malik avaitraison. Il était curieux de voir ce qu’il avait à offrir. Encore plus curieux, il ne sentait aucune menacephysique imminente de la part du Unseelie. Pourquoi ?

Cette question le tarabusta pendant toute sa course. Il ne savait pas où il allait, mais il suivitsimplement l’attraction qui lui disait que c’était la bonne direction. Plus il s’approchait de Malik,plus la force l’attirait.

Il aurait dû percevoir l’endroit où il dépasserait la limite des protections qu’il avait installéesautour du camp de l’équipe, mais il ne le sentit pas. Il courut pendant des kilomètres, profondémentdans la forêt nationale de Shoshone, bien au-delà de la zone où tout chasseur ou toute autocaravaneoserait s’aventurer.

Il arriva enfin dans une clairière, où se trouvait une cabane nichée au milieu des arbres. Elle n’étaitni petite ni pittoresque, non plus. La structure était faite de billots, et un porche couvert entouraitl’avant et les deux côtés. L’endroit ressemblait à un grand pavillon de chasse qu’un millionnairepourrait posséder, ce qui était logique, Malik se faisant passer pour le riche Evan Kerrigan.

Et puis… Il pensa que ce chalet était trop loin de la civilisation pour faire partie de la couverturehumaine de Malik. En fait, il y avait quelque chose de différent à propos de ce lieu. Quelque chosequi appartenait à un autre monde. Il sentit une vibration dans ses terminaisons nerveuses, un peucomme un courant, mais qui ne lui causait aucun malaise. Immédiatement, il en identifia la source…c’était de la magie noire.

Et cela ne provenait pas seulement du chalet et de la zone environnante. Non, cet endroit étaitmagique en lui-même. Une belle illusion créée par un maître des arts sombres, cachée de tous sauf deceux à qui Malik voulait la montrer. Il ne put s’empêcher d’admirer l’habileté derrière le maintien dela façade.

— Mais est-ce une façade si tu peux la voir et la toucher, mon garçon ? Je peux disparaître àvolonté, alors ne suis-je donc pas réel ?

Kalen reprit sa forme humaine, et ses vêtements réapparurent sur son corps. Un pouvoir assezpratique qu’aucun des autres gars ne possédait.

— Je ne sais pas. Pourquoi ne disparais-tu pas pour de bon, et nous verrons ? murmura-t-il.Un rire amusé accueillit les mots laconiques de Kalen, et une silhouette sombre avança sur le

porche depuis l’intérieur. Éclairé par la lumière provenant de la porte du chalet, l’homme — ouplutôt, le Unseelie déguisé en homme — était très grand.

— Viens à l’intérieur, jeune sorcier, déclara Malik en lui faisant signe de s’avancer. Prenons unverre pour guérir notre insomnie.

L’autre homme se retourna et entra. Méfiant, Kalen le suivit. Ce n’était pas parce que le Unseeliedégageait un faux sentiment de normalité que cela signifiait que Kalen était stupide. Ses années dansla rue lui avaient appris qu’un geste amical était toujours accompagné d’une demande de faveur.

Et rien à propos de cette créature n’était normal.Il monta les marches du perron à la suite de Malik et jeta un coup d’œil étonné à l’intérieur. D’une

certaine façon, il s’attendait à une froideur austère et au « mal » estampillé sur chaque surface. Maisl’intérieur était l’incarnation d’une luxueuse chaleur rustique. Des meubles en cuir noir et d’épaistapis parsemaient le salon. Une grande cheminée en pierre ornait la majeure partie du mur du fond, etun bar avait été aménagé en face du mur adjacent.

— C’est raffiné, commenta-t-il sèchement comme Malik faisait le tour du bar.— N’est-ce pas ? Tu t’attendais probablement à une grotte lugubre pleine de chauves-souris.Le Unseelie prit une bouteille de cognac qui semblait dispendieuse et retira deux verres à whisky

en cristal de la tablette. En souriant légèrement, il versa quelques centimètres d’alcool dans chacun,

puis le guida dans le salon. Il en tendit un à Kalen.— Je t’en prie, assieds-toi.Kalen resta debout pendant quelques battements de plus, étudiant la créature qui pourrait passer

pour un humain. Un homme exceptionnellement beau. La forme qu’il avait prise en tant qu’EvanKerrigan faisait quelques centimètres de plus que son 1,80 m, et il était bien musclé sans êtredécoupé au couteau. Ses cheveux noirs, qui lui arrivaient aux épaules, encadraient un visage anguleuxaux yeux bleu nuit et à la forte mâchoire. Ce ne fut pas étonnant que la créature eût réussi à séduiretout le monde qui avait traversé son chemin.

Il ressemblait à tout sauf à un monstre.Il y avait un côté sexuel inné qui émanait de Malik. Bien que, en dépit de l’approche séduisante du

Unseelie, Kalen pût honnêtement dire que Malik ne voulait pas vraiment le séduire d’une manièresexuelle… même s’il ne pouvait expliquer pourquoi. Le regard fixe de l’homme sur lui l’énervaitquand même.

— Qu’avais-tu de si extraordinaire à me montrer ? demanda Kalen, qui voulait aller droit au but.— D’abord, je voudrais te parler. Assieds-toi, je te prie.Malik s’assit dans un grand fauteuil à oreilles près de la cheminée, en étirant ses longues jambes

devant lui pour les croiser aux chevilles. Mine de rien, en sirotant son cognac, il présentait l’imaged’un homme charmant et raffiné.

Cela ne pouvait pas durer.Lentement, Kalen se baissa pour s’asseoir dans le canapé en face du Unseelie et renifla l’alcool. À

l’aide de sa magie, il put détecter qu’aucun sort n’avait été jeté sur la boisson. Il prit une gorgée et vitqu’elle était sans danger. Mais il savait qu’il ne pouvait pas se détendre.

— C’est du bon, dit-il.— Je ne te réserve que le meilleur.— Tu parles comme si tu le pensais.— C’est le cas.— Pourquoi ?— Parce que j’ai attendu ce moment pour ce qui me semble avoir été une éternité.Ces yeux perçants se plongèrent dans les siens.Kalen se tortilla dans son siège tellement il fut mal à l’aise.— De la façon dont tu dis ça… c’est presque comme si tu me connaissais.— Aussi bien que je me connais moi-même, répondit doucement le Unseelie.Quelque chose à propos de cette déclaration, le ton de Malik, fit dresser tous les poils de son

corps.— Ce n’est pas possible.— C’est aussi possible que le chalet où tu es très confortablement assis, où aucun chalet ne devrait

être.— Vas-tu toujours me parler comme ça ? En devinette ? J’ignore ce que je pensais faire en venant

ici.Son instinct de conservation lui fit relever la tête. Il commença à se lever, désireux de sortir de là,

mais Malik lui tendit une main.— Écoute-moi. Tu ne veux pas avoir de réponses à tes questions ?Naturellement que oui. Désespérément. Il doutait qu’il soit facile de les extirper de cet enfoiré,

mais il se rassit, à contrecœur.— Bien. Alors, pourquoi veux-tu faire du mal à des innocents ?Malik affecta une expression solennelle, comme un médecin qui s’apprête à apprendre à quelqu’un

qu’il a une maladie en phase terminale.— L’innocence est une illusion qui dépasse tout ce que ma magie pourrait créer. Les seules

créatures innocentes sont les nouveau-nés, et tous finissent par succomber à la tentation. Il n’y aaucune exception à cette règle.

— Tu as tort. Ma mère était innocente, réfuta-t-il fermement.Un éclair de colère embrasa les yeux du Unseelie, qui le masqua rapidement.— Non. Ta mère était faible. Elle ne t’a pas protégé contre le ver que tu appelles « père ».Il prit une inspiration.— Comment sais-tu cela ?— Elle craignait pour elle-même davantage qu’elle ne se souciait de protéger son enfant, ce qui

fait d’elle l’une des plus odieuses créatures de son espèce. J’ai vu comment elle se recroquevillaitalors qu’il te battait à mort, à maintes reprises. J’ai vu comment elle a fini par remettre ton sort entreles mains de David Black, et qu’elle lui a permis de te jeter à la rue comme un sac d’ordures.

— Et pourquoi diable n’es-tu pas intervenu, si tu te souciais tant de moi ? demanda-t-il en fixant leUnseelie du regard.

— Je devais attendre. Le temps n’était pas venu.— Attendre quoi ?— Que tu prennes ta place en tant que mon apprenti. Que tu règnes à mes côtés.— J’ai été un sans-abri, espèce de salopard, siffla-t-il. J’ai dû vendre mon corps pour survivre. Tu

aurais pu te manifester beaucoup plus tôt… comme quand j’étais un adolescent apeuré, qui n’avaitpersonne vers qui se tourner sur terre !

— Je ne pouvais pas t’approcher, mon garçon, répondit brutalement Malik d’une mine renfrognée.La vieille femme s’en était assurée.

— Grand-mère ?Le Unseelie attendit qu’il comprenne par lui-même.— L’amulette. Elle m’avait dit qu’elle me protégerait du mal, quelle qu’en soit la force. Attends.

Est-ce qu’elle parlait particulièrement de toi ? Connaissais-tu ma grand-mère ?Kalen se rapprocha du bord de son siège et serra son verre à whisky si fort que ses jointures

blanchirent. Il essaya de réprimer la panique qui commençait à étreindre ses poumons. Merde, qu’est-ce que tout cela signifiait ?

— Oui, je connaissais Ida. Elle a été un caillou dans mon soulier pendant des siècles.— Attends. Quoi ?Kalen prit une généreuse gorgée de son cognac, tout en essayant de comprendre la conversation.— Des siècles ? Tu… Tu mens.— À peine. Ida May Ventura était une Seelie de 423 ans, et très puissante, en plus. Eh bien, jusqu’à

ses derniers jours, en tout cas.Les yeux écarquillés, Kalen regarda Malik, sans voix. Pendant un long moment, il ne put rien faire

d’autre que de réfléchir à ce que le Unseelie disait réellement. Le choc le tint immobile.— Es-tu en train de me dire… que je suis une fée ?— Jusqu’à ta dernière goutte de sang. Les sorciers ne sont pas de simples humains qui ont reçu le

simple don de la sorcellerie.— Oh, mon Dieu.Son esprit tournoya, essayant d’assimiler cette révélation.— Tu appartiens à une race rare. Très peu de fées sont assez puissantes pour devenir sorciers,

déclara Malik, avec un léger sourire. Même moi, je ne suis pas sorcier.— Voilà pourquoi tu me veux, et pourquoi mon pouvoir t’est si précieux.— Je ne nierai pas que deux fées… un roi et son commandant en second… seront imparables, et

que je pourrai atteindre mes objectifs beaucoup plus rapidement avec toi que sans toi. Mais ce n’estpas la seule raison pour laquelle je désire ta présence.

— Pourquoi, alors ?Malik secoua la tête.— Tu n’es pas prêt à l’entendre encore. Bientôt.D’accord, ce morceau manquant du puzzle devrait attendre.— Comment as-tu connu ma grand-mère ? Quel est ton lien avec ma famille ? demanda-t-il,

essayant une autre tactique.— Les fées ne se comptent pas par millions, répondit-il doucement. Nous nous étions rencontrés.— Ouais, mais tu as dit que grand-mère était une Seelie. Tu es un Unseelie. Je doute sérieusement

que vous fréquentiez les mêmes cercles.— C’est vrai. Cependant, nos chemins se sont croisés tout de même, car nous avons fait valoir des

opinions opposées sur certaines questions devant nos tribunaux royaux.— Bien. Je te crois pour l’instant. Alors, pourquoi a-t-elle vécu sa vie en se présentant comme une

humaine ?

Le fait qu’elle ne lui avait pas confié son plus grand secret lui fit profondément mal. Très mal. Il serendit compte de son erreur quand Malik utilisa immédiatement cette émotion à son avantage.

Laissant son fauteuil, le Unseelie vint s’asseoir à côté de Kalen sur le canapé. Malik se tournalégèrement pour lui faire face, puis il posa son verre de cognac sur la table basse et une main sur lacuisse de Kalen. Le contact fut étonnamment chaud. Normalement, il aurait reculé, exigé qu’il retiresa main, comme il l’avait fait avec Aric. Mais soudain, il croisa le regard de l’autre homme. Lachaleur se prolongea dans ses membres, comme un miel doux, favorisant un sentiment de paix.D’appartenance. De compagnonnage.

Tout ce qu’il avait désiré pendant ces nombreuses années froides.— J’ignore pourquoi Ida a fait les choix qu’elle a faits, mon garçon. Je ne sais pas pourquoi elle

t’a menti.Bordel. C’était vrai. Sa grand-mère bien-aimée lui avait menti à propos de quelque chose

d’énorme… ils étaient tous deux des fées.— Peut-être qu’elle voulait me protéger de quelque chose…— Peut-être. Mais t’a-t-elle vraiment protégé ?— Non, lui dit-il en baissant les yeux vers l’alcool ambré dans sa main.— Non, répéta Malik. Elle ne l’a pas fait. Tout ce qu’elle a réussi à faire a été de t’éloigner de

moi, celui qui aurait pu prendre soin de toi après sa mort. Qui aurait pu te nourrir et te donner un toit.Te prendre en charge. T’enseigner correctement les arts…

— Les arts sombres. Elle voulait me protéger des arts sombres, dit-il.— Comme tu es naïf. Je sais que tu te sens obligé de défendre ta grand-mère bien-aimée.Encore une fois cette pression. Ce sentiment d’appartenance.— Il n’y a pas d’arts sombres, mais des usages sombres. Et nous avons déjà établi que personne

n’est innocent, quel que soit son côté.— Peut-être.Une autre pensée lui vint.— Pourquoi n’ai-je pas d’ailes, comme Sariel, si je suis une fée ?Malik haussa les épaules.— Je ne sais pas. Peut-être que tu as hérité ce trait de ta mère.Kalen eut la nette impression qu’il ne disait pas toute la vérité.— Hum. Tu dis que ma grand-mère était une fée, mais elle ressemblait à n’importe quelle vieille

femme.— Un simple charme. Si elle l’avait désactivé, je doute qu’elle soit apparue plus vieille que tu ne

l’es en ce moment.— Alors, comment pouvait-elle mourir ? Les fées ne sont-elles pas immortelles ?— Jusqu’à un certain point, oui. Je devine que sa force vitale était liée à l’amulette. Quand elle te

l’a donnée, elle a accepté sa mort. Elle a également pu tomber malade parce qu’elle avait utilisé soncharme pendant trop longtemps, pour vivre comme un être humain qui vieillit et tombe malade. C’estune spéculation. Qui sait ?

— J’ai donné l’amulette. Vais-je mourir, maintenant ?— Non, répondit fermement Malik. Tu ne mourras pas. Si ta force vitale était liée à l’amulette, elle

ne l’est plus maintenant. Le lien a été rompu la nuit où tu as désobéi à ta grand-mère en la retirant.Il avait toujours eu le sentiment qu’il avait fait une terrible gaffe quand il avait retiré l’amulette de

son cou la première fois. Pas la nuit où il avait fait l’amour avec Mackenzie dans la chambre d’hôtel,mais bien des années auparavant. Il avait à peine 18 ans et avait couché avec une femme beaucoupplus âgée que lui et qui avait admiré l’amulette. Et comme un idiot, il avait ignoré l’avertissement desa grand-mère. Il avait mis en marche quelque chose de terrible et d’irrévocable cette nuit-là.

— Quoi ?Il regarda Malik, abasourdi.— Tu me surveillais là aussi ?— Oui.Ses lèvres formèrent un sourire.— Tu étais un jeune homme qui essayait d’impressionner cette femme plus âgée que tu baisais en la

laissant la porter. Dès qu’elle a quitté ta main, je me suis assuré de rompre son emprise sur toi pourtoujours. Elle protégera son porteur maintenant, comme ta grand-mère avait dit, mais sans épuiser laforce vitale de la personne si elle est retirée ou donnée.

— Donc, il y a quelques semaines, tu m’as forcé à donner l’amulette à mon… mon amieMackenzie. Mais tu l’as fait en sachant que je ne serais pas blessé, si je la retirais.

Sauf par Malik lui-même, bien sûr.— Comme je te l’ai dit, je savais qu’un jour, tu m’appartiendrais.Il fit une pause.— J’aurais pu te sauver de cette vie rude il y a des années, quand tu as retiré l’amulette la première

fois, mais je n’ai pas agi assez rapidement.Kalen plissa les yeux.— Je croyais que tu ne m’avais pas sauvé parce que je n’étais pas prêt.— Tu ne l’étais pas. Mais je l’aurais fait quand même.Il soupira.— Voilà. Je viens de te confesser l’un de mes défauts, ajouta-t-il.Kalen n’en fut pas si sûr. Malik mentait-il, ou disait-il la vérité ? Ou essayait-il de le confondre

avec des demi-mensonges, et des demi-vérités ? Mon Dieu, si tel était le cas, Malik réussissait.La pièce manquante du puzzle, la partie de l’histoire que Malik ne lui disait pas, le harcelait

comme un mal de dents. Mais il savait qu’il n’en apprendrait pas plus sur le sujet ce soir, même s’il

poussait. Au lieu de cela, il ramena la conversation sur l’objectif initial de sa visite.— Tu voulais me montrer quelque chose. Pour me prouver que tu me comprenais et que tu resterais

à mes côtés.— En effet.Malik l’étudia attentivement en silence.Puis, Kalen poussa un rire sans humour.— Pardonne-moi, mais je ne crois pas à tes imbécillités.— Pourquoi pars-tu du principe qu’il s’agit d’imbécillités, comme tu le dis ?— Vraiment ?Il resta bouche bée devant le Unseelie incrédule.— Parce que tu tues des gens, admit Kalen.— Toi aussi, et il en va de même pour toute ton équipe, en fait, rappela Malik. Je suppose que ça

fait de toi un être maléfique.— Eh bien, non, bien sûr que non ! C’est toi le méchant !— Moi ? Pourquoi ?— Es-tu sérieux ? Voyons, tu gardes des métamorphes et des humains dans des cages afin que les

scientifiques qui travaillent pour toi — ou pour Kerrigan — puissent comprendre comment fairel’épissage de leur ADN et créer des super soldats métamorphes !

— Je ne garde pas mes sujets de test dans des cages. Ils sont tous volontaires.— Je ne peux pas croire que tu puisses dire ça sérieusement.Il secoua la tête, se releva brusquement, puis s’éloigna de quelques mètres pour se distancer de lui.— J’ai vu de mes propres yeux deux des membres de l’équipe maintenus dans des cages. Ils

avaient été torturés et avaient fait l’objet d’expérimentations, dont l’un pendant des mois ! précisaKalen.

Malik se leva et eut l’air troublé.— Ah. Tu fais référence aux malheureuses décisions d’Orson Chappell et du Dr Gene Bowman. Ils

sont devenus un peu fanatiques dans leur approche.— Sans blague, se moqua Kalen. Et tu ne les as pas séduits ou forcés à commettre ces crimes

odieux au nom de la science, j’imagine.— Ce n’est pas le cas, mais je ne m’attends pas à ce que tu me croies.— Non. Tu devais savoir ce qui se passait.— Que tu me crois ou non ne change rien. Et cela ne change certainement pas mon objectif, qui, je

dois le dire, est honorable.— Créer cette race parfaite de super métamorphes.— Oui.Les yeux du Unseelie s’illuminèrent d’excitation.

— Et si nous pouvions parfaire un soldat dont les capacités surnaturelles dépasseraient de lointoutes les armes humaines connues ? Et si l’homme n’était plus au sommet de la pyramide de la vieintelligente sur terre ? Peux-tu imaginer participer à la mise en œuvre du plus grand changementfondamental apporté à la civilisation dans l’histoire de l’univers ? Les soldats travailleraient pour toiet moi, et la planète appartiendrait aux fées, aux métamorphes, aux vampires, et à toutes les autrescréatures qui vivent dans l’ombre depuis des siècles. Comme toi et moi avons été forcés de le faire.

— Ça ne se réalisera jamais. Au cours de l’histoire, des hommes puissants ont tenté desimbécillités du genre, et ils ont fini avec la tête au bout d’une pique.

— Des hommes ont essayé. Mais jamais un roi Unseelie.Fatigué, il se frotta les yeux.— Allez, il est temps de me montrer ce que tu voulais me faire voir, Malik. Montre-le-moi, sinon

je fous le camp.— J’y arrivais justement avant notre petit débat sur ce qui constitue le mal. Et je sais que des

sacrifices sont nécessaires pour le plus grand bien commun.Il leva la main avant que Kalen ne puisse exprimer un autre argument.— Nous allons mettre le sujet des super métamorphes de côté pour ce soir. Suis-moi, ajouta-t-il.— Où va-t-on, maintenant ? murmura-t-il.Mais l’autre homme ne répondit pas. Kalen suivit le Unseelie dans la maison, retournant dans son

esprit tout ce que Malik venait de lui dire. Il ne pouvait toujours pas comprendre, eh bien, tout ça.Bordel de merde, il était une fée. Comme Sariel, le fils demi-Seelie et demi-Unseelie de Malik et

un bon ami de l’équipe. Il pourrait faire confiance à cet homme pour qu’il réponde à quelquesquestions posées discrètement. Dès que Sariel aurait récupéré, et qu’il passerait outre au fait queKalen avait été séduit afin de libérer la sorcière, qui l’avait presque tué sur les ordres de son papa.Ouais, le prince fée serait heureux d’avoir une conversation intime avec Kalen. Ils deviendraientsûrement copains.

Naturellement. Les choses allaient certainement se dérouler comme ça.Kalen fut distrait de ses pensées quand Malik arriva à une porte dans la cuisine. La porte donnait

sur un escalier qui descendait. Vers un sous-sol sombre et effrayant, semblait-il.Kalen hésita.— Tu veux que je descende là-bas avec toi ? J’ai vu un film comme ça, et le héros stupide n’a pas

trouvé une fin heureuse.— Je ne vais pas te faire de mal. Je t’en donne ma parole.— Je suis sûr que cette promesse vaut la peine d’être encadrée et accrochée au mur.Malik descendit les marches, agitant une main au passage. Plusieurs lumières s’allumèrent, et au

moins Kalen pu voir jusqu’au bas de l’escalier. Après avoir poussé un soupir, il suivit le Unseelie.S’il commettait une erreur, ce serait probablement sa dernière.

Kalen ne fut pas du tout préparé à voir ce qu’il y vit.Au centre du sous-sol, suspendu les bras au-dessus de la tête, se trouvait un homme qu’il reconnut.

Un grand fils de pute qu’il n’avait rencontré qu’une seule fois auparavant…Cette nuit-là, il y avait quelques semaines, quand le gars et ses enfoirés de copains avaient attaqué

Kalen au Cross-eyed Grizzly.Billy plein de bière.

Chapitre 4

—Bordel, qu’est-ce qui se passe ici ?

Les yeux de Kalen passèrent de l’homme effrayé au Unseelie.— Pourquoi cet idiot est-il ligoté dans ton sous-sol ?L’idiot en question regarda Kalen, puis Malik, les yeux exorbités de peur. La forte puanteur d’urine

atteignit son nez. Elle flottait dans la pièce, et une tache sombre était visible à l’entrejambe du jeanssale de l’homme.

— Je vois que tu te souviens de Billy, déclara Malik d’un ton mielleux, comme s’ils renouaient desliens d’amitié autour d’un bon dîner de homard bien arrosé. Il a eu la gentillesse de se joindre à nouspour une brève réunion.

— Écoute, je ne sais pas à quoi tu joues, mais Billy a la trouille de sa vie. N’est-ce pas, Billy ?— Ou-ouais ! Je n’ai rien contre vous, les gars !— Tu vois ? Je suis sûr que c’est ce que tu voulais et que tu es satisfait. Laisse-le partir, et je vais

effacer tout ça de son esprit. Il ne se souviendra de rien de tout cela.— Quel serait le but de l’exercice, alors ? Il doit savoir ce qu’il a fait de mal, dit Malik.« Avant que je le tue » était implicite, mais Kalen fut immédiatement et terriblement sûr que c’était

ce que Malik avait prévu faire.— Il le sait. N’est-ce pas, Billy ? demanda Malik.L’homme retrouva sa voix et hocha la tête avec insistance.— Euh… ouais ! Ouais ! Je reconnais le p’tit gars là. Il était au Grizzly, un soir.Il rit nerveusement comme s’il racontait une blague.— On ne voit pas souvent des gars comme lui dans notre coin de pays et on voulait juste s’amuser

un peu, voilà tout ! Je jure qu’on ne lui aurait pas fait mal !— Comme si tu avais pu, répondit Malik, qui se moqua de lui avec mépris. Espèce de limace

grasse d’être humain.— Hu-humain ?Il regarda autour de lui, l’air confus.— Malik, je t’en prie. Laisse-le partir, l’implora Kalen.— Il doit payer, mon cher.— Pour quoi ? Parce que ses copains et lui s’en sont pris à moi ? Ce n’est pas la première fois que

cela arrivait, et tu ne peux pas aller tuer tout le monde qui essaie de me chier dessus….Il se tut, voyant l’expression féline sur le beau visage de Malik. Le triomphe. Et en ce moment, il

comprit deux choses.Tout d’abord, le malheureux Billy ne sortirait pas vivant de ce sous-sol.Deuxièmement, Malik avait déjà tué en son nom. Quand ? Combien de personnes ? Chaque

personne depuis que Malik le suivait, depuis qu’il était un jeune sans-abri ?— Oui, répondit le Unseelie à ses pensées. Tous. Et ils étaient délicieux.— Bon Dieu.Kalen se passa une main dans les cheveux, sentant une nausée. Impuissant. Il ne pouvait pas penser

à ça maintenant.— Tu ne peux pas faire cela.— Mais si je le peux. Plus important encore, tu ne m’arrêteras pas.— Tu crois ? Je suis tout aussi puissant que toi, et je suis tout à fait capable…— Mais tu ne le feras pas. Mon garçon, voilà pourquoi je t’ai fait venir ici… pour te montrer que,

en fait, il n’y a aucune différence entre toi et moi.Il saisit l’épaule de Kalen, et leurs fronts furent si près qu’ils se touchèrent presque. Kalen ne put

se dégager de lui alors que Malik continuait.— Tu veux que ce salaud meure pour ce qu’il t’a fait, dit doucement Malik. Il symbolise tous ceux

qui t’ont blessé encore et encore tout au long de ta vie. Tu veux lui faire payer, n’est-ce pas ?— Non ! Tuer est mal.— Tu as été battu, ou pire, par des hommes comme lui alors que tu étais à peine un enfant. Avant

d’avoir tes pleins pouvoirs. Ai-je raison ?— Ouais, dit-il amèrement.— Juste une fois, tu veux ressentir l’effet que ça fait que de montrer à l’un d’eux ce que cela

signifie d’être complètement à ta merci.— Oui.Il lâcha le mot en dépit de sa volonté de le nier.L’homme attaché commença à chialer, des larmes et de la morve coulant sur ses joues charnues.— Personne n’est innocent, Kalen, lui rappela Malik pour l’apaiser. Il a violé et assassiné, a laissé

beaucoup de personnes battues et brisées. Y compris sa femme et ses trois enfants. Comme le salaudque tu as appelé « père ». Regarde.

D’une simple pression, Malik envoya plusieurs des souvenirs de Billy dans la tête de Kalen. Il lesvit comme de vieilles images granuleuses d’un film maison, mais les scènes étaient réelles. Le salaudsaisissant une serveuse du Grizzly, la forçant à lui faire une pipe derrière le bar, sachant qu’elle nedirait rien, sinon il irait raconter sa propre histoire dans toute la ville, ruinant ainsi sa réputation.D’autres scènes de Billy et de ses amis qui enterraient un cadavre à l’extérieur de la ville. Quelqu’unqu’ils avaient tué parce qu’il devait à l’un d’eux moins de 100 dollars.

Mais ses enfants furent les pires. Il avait abusé de ses enfants horriblement, les battant avec sa

ceinture et les brûlant avec des cigarettes et de l’eau chaude. La semaine dernière, la petit avaitrenversé quelque chose sur le tapis encrassé, et le bâtard avait forcé l’enfant à boire la moitié d’unebouteille de produit nettoyant à tapis. Dans leur cabane de merde de l’arrière-pays, son fils avaitfailli mourir. L’homme avait promis à sa femme effrayée qu’il les tuerait tous, si elle parlait de cela àquiconque.

L’incrédulité et l’horreur de ce que Malik avait envisagé de faire ce soir-là étaient devenues un vifdésir. Ces sentiments furent transformés en une terrible rage bouillonnante, qui demandait justice pourceux que Billy avait blessés. Tués. En particulier ses enfants. Et ce ne serait que justice. Personned’autre ne s’occuperait de ce salaud.

— Ne vois-tu pas ? demanda Malik.— Ouais. C’est un tas de merde.Le pouvoir bondit dans ses veines. Le besoin de sang chanta en lui.— Que dois-je faire avec lui, mon garçon ?— Montre-lui à quoi l’enfer ressemble vraiment, déclara Kalen froidement. Puis, tue-le.

À des kilomètres de là, dans l’obscurité de ses quartiers, Nick, qui faisait les cent pas dans sachambre, fut arrêté net par une vision terrible.

Il était agité ce soir, tout comme il l’était toujours quand l’un des siens souffrait. Et cet homme étaità l’agonie.

— Kalen, murmura-t-il d’une voix rauque. Non.Mais il ne put arrêter ce qui se passait. Il ne pourrait pas trouver la cachette de Malik sans l’aide

de Kalen, et le sorcier y était déjà.La tempête de Kalen était à l’horizon maintenant, et le tonnerre grondait. La foudre commençait tout

juste à éclairer le ciel. Il allait vivre avec les choix qu’il avait faits ce soir, et ceux qu’il s’apprêtait àfaire, pour le reste de ses jours.

Même s’ils étaient peu nombreux.La vision s’intensifia.— Montre-lui à quoi l’enfer ressemble vraiment. Puis, tue-le.— Oh, mon Dieu. Non ! Ne fais pas ça !Mais il était trop tard. Le Unseelie avait enfin réussi à enfoncer ses serres dans Kalen, et la

séduction avait commencé. Kalen glissait progressivement dans la fosse de l’enfer.Que Dieu leur vienne tous en aide !

— Non, non, je vous en prie ! Je… Je vais quitter la ville ! Ma femme et mes enfants ne me verrontplus jamais !

Malik sourit, et ses canines s’allongèrent pour dépasser sur sa lèvre inférieure.— C’est ce qui arrivera, de toute façon.Sur ces mots, le Unseelie commença à se transformer. Kalen eut à peine le temps de remarquer que

Malik avait désactivé son charme avant que ses vêtements disparaissent et qu’il commence à croître.Sa peau sombre prit une teinte pourpre grisâtre, et ses cheveux noirs et raides s’allongèrent encascade jusqu’à sa taille. Ses oreilles devinrent longues et pointues, et ses traits devinrent plusanguleux.

Il fit rapidement au moins plus de deux mètres. Mais ses ailes furent les plus effrayantes etimpressionnantes. Contrairement aux belles ailes de plumes bleu électrique de Sariel, les siennesétaient sombres et coriaces, presque noires. Elles couvraient presque toute la largeur du sous-sol,soit près de cinq mètres.

L’ensemble de l’image que représentait Malik, sans son déguisement, était cruellement magnifique.Tout droit sorti d’un cauchemar.

Et maintenant, il était le cauchemar de Billy. L’homme leva les yeux vers son bourreau, la boucheouverte, mais resta muet. Il apprenait maintenant, à la fin de son existence, quel être pitoyable etinsignifiant il faisait dans la grande toile du monde. À quel point il était impuissant. Un insecte sanscerveau qu’on allait écrabouiller.

Kalen fut presque désolé pour lui. Sauf quand il repensait à ce que ce salaud avait fait à sespropres enfants.

— Je ne viens pas de l’enfer, Billy, déclara Malik d’une voix beaucoup plus faible et plusgraveleuse qu’auparavant. Je suis l’enfer. J’existais bien avant que l’homme marche debout, etpendant trop longtemps, j’ai regardé beaucoup d’êtres humains évoluer, sans être beaucoup plusintelligents que les primates qui les ont précédés. Tu es un exemple d’homme inférieur. Tu me suis, lesinge ?

Le singe resta muet tellement il était tétanisé, les yeux horrifiés rivés sur le Unseelie.Malik tendit la main, étendit l’index et descendit une griffe acérée sur la joue charnue de Billy. Un

mince filet de sang coula de la coupure, sur sa mâchoire et son cou.— Et en tant que morceau d’immondice incontesté, indigne d’être libre parmi les humains les plus

faibles, je ne peux pas te permettre de vivre. Toi-même, malgré ta capacité cognitive limitée, tu peuxcomprendre cela maintenant, j’en suis sûr.

Totalement en transe, Billy hocha la tête.— Très bien.Le Unseelie alla si vite que Kalen eut à peine le temps de voir ce qui se passa ensuite. Il étendit le

bras et enfonça ses griffes profondément dans le ventre de Billy. L’homme poussa un cri aigu deterreur pure, qui rebondit sur les murs et devint un gargouillis alors que Malik poussait le bras vers lehaut pour l’éviscérer efficacement.

Puis, Malik saisit les cheveux en bataille de Billy de son autre main et tira sa tête en arrière. Lestendons du cou de l’homme furent exposés, et le Unseelie se lécha les lèvres d’anticipation. Et puis,il baissa la tête et frappa, déchirant la gorge vulnérable de son captif. Il but son sang avec grand bruit

en grognant de satisfaction.Se nourrissant de sa proie.« Les forts se nourrissent des faibles, et ils survivent. »Telle fut la pensée de Kalen alors qu’il regardait la scène, obsédé par la vue de la puissante

créature musclée mangeant à sa faim. Pourquoi n’était-il pas horrifié ? Apeuré ? Mais il ne le fut toutsimplement pas. Il y avait une sombre beauté primitive dans la scène qui se déroulait devant lui. Ellefaisait appel à son sang, à la puissance sombre qui vivait en lui. Il sentit un délicieux resserrementdans son aine, qui fit raidir sa queue.

« Abyssus abyssum invocat », lui avait chuchoté Béryl quelques jours auparavant. L’enfer appellel’enfer.

Maintenant, il savait pourquoi. La sorcière avait préparé Kalen pour cette nuit. Pour rejoindreMalik et embrasser son destin. Il ne serait plus jamais impuissant, comme il l’avait été à 14 ans. Plusjamais il n’aurait à subir les railleries des personnes comme Aric. Il ne serait plus jamais seul. Parceque Malik le comprenait.

Le Unseelie leva la tête, essuya le sang de ses lèvres, et sourit.— Je t’ai dit que je te comprenais, mon cher.Il lâcha le mort et fit signe à Kalen de s’approcher.— Viens ici.Kalen obéit, et vint si proche qu’il dut lever la tête vers ce magnifique visage aux traits ciselés.— Oui ?L’autre homme leva un bras et, avec une griffe de la main opposée, se trancha le poignet. Du sang

noir comme un merlot jaillit instantanément.— Bois, lui ordonna-t-il.Kalen hésita, puis prit le poignet avec incertitude, son cœur battant fort dans sa poitrine. Une voix

lointaine le supplia de ne pas le faire, l’avertit que ce geste serait irrévocable. Qu’il le lierait auUnseelie jusqu’à la mort de l’un d’eux, ou des deux.

— Bois, et ne sois plus jamais seul, déclara doucement Malik.Kalen tira la langue pour goûter l’épais liquide. Le goût explosa sur sa langue, doux et riche

comme le meilleur vin rouge. Un éclair de plaisir atteint son ventre, ses membres, sa bite, et il gémiten suçant plus fermement.

Dieu, que c’était bon ! Si foutrement raffiné. Il en voudrait davantage, et ferait tout pour l’obteniraussi souvent que son compagnon le lui permettrait.

— Arrête.L’ordre atteignit à peine sa conscience.Kalen cligna des yeux vers Malik et lui rendit son bras. À contrecœur. Il se lécha les lèvres.— Je t’en prie…

Malik lui caressa les cheveux, l’étudia presque amoureusement.— Il y en aura beaucoup plus. Ne t’inquiète pas. Nous sommes liés maintenant, et mon sang sera ta

récompense quand tu me feras plaisir.— Et si ce n’est pas le cas ?— Tu ne veux pas le savoir. Il suffit de t’assurer que cela ne se produise pas.Il hocha la tête, et la peur s’infiltra dans son âme. Qu’avait-il fait ? Un brouillard persistant de

luxure avait anéanti la prudence dont il savait qu’il aurait dû faire preuve. Il se sentit coupabled’avoir rejoint l’ennemi.

— Je ne suis pas l’ennemi, mon garçon. Est-ce que quelqu’un en veut à un lion qui tue des gazellespour s’en nourrir ?

— Non, bien sûr que non. Mais…— Je veux débarrasser la terre des salopards comme Billy, dit-il en agitant une griffe vers le

cadavre. Et je dois manger, comme tout le monde. En tant que Unseelie de race pure, je doisconsommer de la chair animale et du sang pour survivre, et si cela signifie de supprimer des hommesparfois violents et dangereux comme celui-ci dans le processus, où est le mal ?

Il ne pouvait pas lui donner tort, dans ce cas. Billy avait été un sacré salaud. Et maintenant, il étaitde la nourriture. Probablement la première fois qu’il avait une utilité quelconque.

— Et maintenant ? demanda Kalen. Vais-je vivre ici avec toi ?Soudainement, l’idée l’inquiéta. Les gars de l’équipe étaient aussi ses amis — enfin, sauf Aric. La

plupart d’entre eux l’avaient fait se sentir chez lui. N’est-ce pas ?— Pas encore. Tu dois retourner à ton camp. Pour l’instant, c’est là où tu m’es le plus utile. Tu vas

exercer ta magie sur eux, à partir de demain.— Je ne vais pas leur faire du mal, dit-il en se raidissant. À aucun d’entre eux.Malik soupira.— Ne te bats pas contre l’obscurité, mon cher. Tu ne peux pas gagner, maintenant que tu as accepté

mon lien. Et pourquoi le voudrais-tu ? Ne sens-tu pas le pouvoir t’inonder, te caresser la bite commeles lèvres d’une femme ? L’extase ne sera que meilleure lorsque tu accepteras notre lien etabandonneras tes inhibitions.

Il réprima un gémissement.— Que devrai-je faire ?— Bon garçon, lui dit-il pour l’encourager. D’abord, ne parle à personne de notre association.

Exerce-toi sur l’un de tes coéquipiers. Commence petit. Trouve une faiblesse et exploite-la,discrètement. Ils ne doivent pas penser que tu es derrière l’incident. Tu seras surpris de voir à quelpoint il est merveilleux de manier une telle arme.

— Et alors ?— Fais ce que je dis, et tu reviendras me voir bientôt. Je vais te dire ce qu’il faut faire ensuite,

après que tu auras commencé à exercer tes dons supérieurs sur les autres.— C’est tout ?— Pour l’instant. Déjà impatient ?Il détourna les yeux, incapable de répondre. Il était trop tard, et Kalen eut peur de ce qu’il avait

déjà déclenché. Mais l’attrait était si grand qu’il ne savait pas comment s’en libérer. Il ne savait pass’il le voulait. Mais une chose était claire.

— Je ne ferai pas de mal à Mackenzie. Jamais, dit-il d’un ton bas et dangereux. Elle est à moi, et jevais nous tuer tous les deux avant que cela se produise.

Le Unseelie sourit, montrant ses crocs.— Garde la femme. Je n’en ai rien à foutre ! Elle est une simple humaine, et ne s’inscrit pas dans

mes plans, de toute façon.— Très bien.Une fois cette question réglée, Malik redevint un bel homme courtois. Il fut entièrement habillé, et

on n’aurait jamais pu se douter de ce qui venait de se produire. Sauf si quelqu’un voyait son dîner àdemi-mangé qui pendait au milieu de la pièce.

Ensemble, ils retournèrent à l’étage, où ils partagèrent tranquillement un verre de cognac de plusavant que Kalen ne prenne congé au petit matin.

Transformé en panthère, il fila vers le camp. Malik avait raison sur une chose : l’obscurité couraitdans ses veines. Exigeait d’être développée. Il trouva un endroit herbeux agréable sous le clair delune, s’arrêta en glissant, puis reprit sa forme humaine. À genoux, il empoigna son érection, sa queuequi lui faisait mal, et fit un mouvement de va-et-vient.

Et un autre. Se cambrant le dos, il écarta les genoux et se donna à la nuit. Au plaisir enivrant quidevait être libéré depuis les deux dernières heures. Sa paume glissa sur une peau lisse, électrifiantses terminaisons nerveuses. Jusqu’au gland spongieux et sa bout mouillé. Jusqu’à la base de sa queue.

L’autre main massait les couilles, jouait avec elles. Elles se raidirent, se soulevèrent. Il devaitjouir. Mais il avait besoin de quelque chose de plus.

À la seconde où il imagina la bouche de Mackenzie glissant le long de sa queue, la suçant et laléchant, il était perdu. Avec un cri, il jouit, et de grands jets blancs tombèrent sur le sol froid, jusqu’àce qu’il soit vanné et épuisé.

Enfin, il serait capable de dormir. Et il en avait tant besoin.« Tu seras le plus grand sorcier que le monde connaîtra, et ton pouvoir dépassera l’entendement. »Demain, il devait essayer de réaliser la prédiction de sa grand-mère.

Mac sut qu’il y avait quelque chose de différent à propos de Kalen à la seconde où elle le repéra,appuyé contre le mur de la salle de jeux. Par contre, elle n’arrivait pas à comprendre ce dont ils’agissait.

Sa forme animale, une panthère noire, était généralement secondaire à son état de sorcier, mais

aujourd’hui, Kalen semblait encore plus félin que d’habitude. Il avait une épaule appuyée contre lemur, les bras croisés, et regardait certains membres de la bande s’activer. Aric et Zander étaient surle côté et jouaient bruyamment au football de table. Jax et Hammer jouaient à un jeu de guerre sur laWii, et Sariel, Kira, Rowan et Micah regardaient une émission de téléréalité sur la chasse auxfantômes dont ils semblaient ne jamais se lasser.

Et Kalen les observait, avec une expression presque… sournoise. Peut-être même insolente. Cettevision lui glaça le sang, bien que ça pouvait être le fruit de son imagination. Elle espérait que ce soitle cas. Il se pourrait qu’il ait été échaudé par l’incident dans la salle à manger de la veille au soir. Ilne lui avait jamais semblé être du type rancunier, mais que savait-elle de lui vraiment, au-delà de leuraventure commune et d’une nuit chaude dans un motel ?

Ouais, elle ne voulait pas y repenser. Pas alors qu’elle avait de beaucoup plus gros soucis. Ou depetits soucis, comme celui qui lui donnait actuellement la nausée le matin.

Plantée dans la porte, elle se dit qu’elle devrait se trouver un autre endroit pour se détendrependant sa pause. Mais ce plan fut évincé lorsque les yeux de Kalen rencontrèrent les siens, et qu’illui sourit en lui faisant signe du doigt de venir à lui.

Prise au dépourvu, elle resta immobile. La communication entre eux avait été plus que tenduedepuis qu’il l’avait abandonnée. Et maintenant, il semblait détendu, avec ses yeux vert jadescintillants et presque ludiques. Elle composa son expression en ce qu’elle espérait être une froideindifférence, puis se dirigea vers lui.

— Comment va Sariel ? demanda-t-il en la regardant.À l’intérieur, elle se calma un peu. Une partie d’elle-même avait espéré qu’il voulait faire amende

honorable, aussi stupide que cela semblât. Elle prit une grande inspiration pour réprimer sadéception.

— Son rétablissement progresse lentement. Il ne mange toujours pas très bien, mais à part ça, ildevrait être parmi nous dans quelques jours.

— Penses-tu qu’il voudrait me voir ? Je dois m’excuser auprès de lui.Il avait l’air sincère.— Je ne sais pas, mais je pourrais lui demander pour toi si tu veux.— Je t’en serais reconnaissant, oui.— D’accord, mais ne te fais pas trop d’illusions. Il s’est replié sur lui-même depuis l’attaque de

Béryl, et je doute que tu sois sa personne préférée, en ce moment.Il grimaça.— Aïe. Je le mérite, je suppose.— Tu supposes ?Elle fronça les sourcils et regarda Kalen dans les yeux.— Est-ce que tu vas bien ? ajouta-t-elle.

— Bien sûr, ma chérie. Pourquoi me le demandes-tu ?Serrant les dents, elle résista à l’envie de lui crier d’arrêter de l’appeler par des noms gentils

après ce qui s’était passé entre eux. Après qu’il s’était éloigné d’elle en lui brisant le cœur. Au lieude cela, elle se força à penser comme un médecin et étudia ses yeux. Quelque chose clochait.

— Tes pupilles sont dilatées.— Et alors ?— Les pupilles dilatées sont généralement un signe de maladie, de commotion cérébrale, ou

d’usage de drogues. T’es-tu heurté la tête ? Es-tu malade ?— Non, non. Je viens de fumer de l’herbe dans ma chambre.Il lui fit un clin d’œil.— Tu connais maintenant mon secret, ajouta-t-il.Elle lui donna une tape sur le bras alors qu’il éclatait de rire.— Ce n’est pas drôle, Kalen. Je veux que tu viennes avec moi à l’infirmerie pour que je t’examine.— J’ai une meilleure idée… viens plutôt déjeuner avec moi.— Quoi ?Son cœur traître sauta un battement.— Tu as à peine fait attention à moi ces derniers temps, et maintenant tu veux passer du temps avec

moi à la cafétéria ?— Non. Je veux t’inviter à déjeuner. Tu sais, dans un vrai restaurant en ville, où nous pourrions

parler sans que deux dizaines de nos amis bien intentionnés écoutent chaque mot de notreconversation.

Jetant un regard autour de la pièce, elle repéra justement plusieurs de ces amis bien intentionnésfaire rapidement semblant de ne pas les espionner.

— Je ne sais pas si c’est une bonne idée.— Je t’en prie ? demanda-t-il en faisant une moue sexy.Qu’il soit damné pour être aussi irrésistible.— L’examen de santé, puis le déjeuner. C’est ça ou rien.— Vous êtes dure en affaires, madame, lui répondit-il en lui lançant un regard moqueur.— Très bien. Tapote-moi où tu voudras. Ensuite, nous irons manger.— Je ne suis toujours pas sûr que ce soit une bonne idée. D’aller manger à l’extérieur.— Mais tu vas le faire de toute façon.Maintenant, il affichait un air béat.Elle voulut le frapper de nouveau.— Ne pousse pas le bouchon. Allez.En route vers l’infirmerie, elle fit de son mieux pour éviter de lorgner ouvertement dans sa

direction. Elle avait un faible pour les gars qui ressemblaient à des vedettes du rock, même s’il

n’avait probablement jamais touché à une guitare électrique de sa vie. Mais elle était très attirée parcet homme.

— As-tu déjà fait partie d’un groupe de rock ? se sentit-elle obligée de lui demander.Il la dévisagea d’un regard perçant.— Je t’ai parlé de mes parents. Ils m’ont traité comme de la merde et m’ont jeté à la rue. Tu penses

qu’ils auraient payé pour une guitare et des leçons ?Elle rougit d’embarras.— Non, mais beaucoup de gars qui sont maintenant bien connus ont commencé avec rien. Je me

posais la question, tout simplement.Ils marchèrent pendant quelques instants avant qu’il réponde.— Comme beaucoup d’enfants, j’avais de grands rêves comme ça. Peut-être que si je m’étais

investi complètement dans la musique, j’aurais réussi. Ou peut-être pas. Certaines choses sontdestinées à ne pas réussir.

— Et certaines choses réussissent, comme de te trouver ici et de faire partie de l’équipe.Il leva les épaules dans ce qui aurait pu sembler être un haussement d’épaules.— Bien sûr. J’ai de la chance, n’est-ce pas ?— La plupart des membres de l’équipe s’estiment heureux d’être ici, oui, dit-elle ostensiblement.— Tu en es sûre ?— Je connais ces hommes, alors oui, j’en suis sûre. Pourquoi parles-tu comme ça ? Tu es d’une

humeur bizarre, aujourd’hui.Il lui fit un sourire désarmant.— Ne fais pas attention à moi. Ce doit être le manque de sommeil de la nuit dernière.— Combien de fois est-ce arrivé ?— Une nuit ici et là. Ce n’est pas important.— Laisse-moi en juger.— Oui, madame.— D’où diable vient le ton sarcastique ? On dirait qu’Aric et toi avez changé de corps.— Fais-moi plaisir : ne me compare pas à ce type, dit-il sèchement. Nous n’avons rien en commun.— Alors, laisse tomber ce ton et sois toi-même.— Je ne suis pas sûr de savoir ce que cela signifie.— Je pense que tu me comprends, mais si tu insistes pour faire l’idiot, je ne peux pas faire grand-

chose à ce sujet.— Qui a dit que je faisais l’idiot ? Je n’ai même pas un diplôme d’études secondaires, répondit

Kalen.— Est-ce une autre tentative pour que j’aie pitié de toi ?Il n’avait pas besoin de savoir que cela fonctionnait ; elle avait injecté autant de sévérité dans sa

voix qu’elle avait pu.— Non. Je dis ça comme ça.Apparemment, elle n’obtiendrait pas de réponses satisfaisantes. Ce crétin s’amusait beaucoup trop

à la faire tourner en bourrique. Alors, elle décida de maintenir la conversation sur un plan strictementprofessionnel pour le moment. S’il voulait avoir une conversation significative au déjeuner, il devraitfaire un effort.

Réprimant un soupir de frustration, elle passa avec lui devant Noah, qui se trouvait à la réception.À voir Kalen avec elle, l’infirmier lui lança un regard inquiet, mais elle hocha la tête pour lui fairesavoir que tout allait bien… et espérait que c’était le cas.

Elle le mena vers une salle d’examen et ferma la porte.— Sur la table, je te prie.Dos à la table, il se hissa dessus, et s’assit sur le papier blanc. Les mains sur les cuisses, il haussa

un sourcil sombre et sourit.— Faites de moi ce que vous voulez, doc.Elle était sur le point de lui répondre : « Ça va, j’ai déjà donné », mais elle se retint. À peine. Au

lieu de cela, elle saisit un tensiomètre et enroula le brassard autour d’un de ses biceps. Elle gonflal’appareil pour obtenir une lecture de la tension.

— Ta tension est un peu élevée, dit-elle. Est-ce que tu as eu des maux de tête, des étourdissements,rien de préoccupant ?

— Non, rien.Elle replaça l’appareil sur son crochet du mur et prit un bâton en bois dans le bocal sur le

comptoir.— Dis « ah ».— Ahhh.En utilisant sa lampe-stylo, elle lui regarda le fond de la gorge.— Pas de rougeur, dit-elle en jetant le bâton dans la poubelle.Ensuite, elle vérifia comment ses yeux suivaient son doigt, puis utilisa un petit maillet en

caoutchouc pour tester ses réflexes.— Tout est normal, mais je voudrais que Noah vienne te faire un prélèvement pour faire quelques

tests…— Non ! aboya-t-il.Le mot avait éclaté comme un coup de feu dans la pièce.Une panique aiguë traversa son visage avant qu’il ne fasse un effort visible pour la maîtriser.— C’est tout à fait inutile. Je suis en excellente santé.— Cela ne devrait avoir aucune importance alors, si nous prenons un peu de sang pour être sûrs,

lui répondit-elle d’un ton égal, malgré sa surprise quant à sa réaction.

— Non, ça n’arrivera pas. Ne t’ai-je jamais dit que j’avais horreur des aiguilles ?Se laissant glisser de la table, il se dirigea vers la porte.— Tu m’as examiné, je vais bien, et nous avons terminé. Prête pour le déjeuner ?Elle fut tentée de se désister, pour de nombreuses raisons. Mais elle était curieuse de savoir ce qui

clochait chez lui. Si elle était honnête, elle était très inquiète, aussi. Pourrait-il commencer à se sentirmal parce qu’il ne l’avait pas prise pour partenaire ? Si oui, il n’en montrait pas les symptômes.Autant que cela l’inquiétait et allait à l’encontre de son code de déontologie en tant que médecin, ilétait sans doute préférable de laisser tomber les autres tests pour l’instant. Mais elle devrait finir parobtenir son sang. D’une façon ou d’une autre.

— Bien. Laisse-moi prendre mon sac à main.— Tu n’as plus d’argument pour me convaincre de poursuivre l’examen ?— Ça changerait quelque chose ?— Probablement pas.— Eh bien, c’est la raison pour laquelle je n’insiste pas.Elle ne manqua pas de remarquer le soulagement qui traversa brièvement son visage comme ils

quittaient la salle d’examen, et elle se demanda ce qu’il cachait. Quoi qu’il en soit, cela devaitexpliquer ses pupilles dilatées. Consommait-il de la drogue ? Tout était possible, même si elledétestait penser au pire. Elle était certaine d’une chose… ses pupilles dilatées étaient une réponsephysique indiquant un problème peut-être grave. Cela ne faisait nul doute.

Après avoir récupéré son sac, elle le plaça en bandoulière sur son épaule et le rejoignit dans lecorridor. Ensemble, ils revinrent dans l’entrée.

— Noah, peux-tu dire à Mélina que je serai partie pendant quelques heures ? Kalen m’invite àdéjeuner.

Le blond fit une grimace.— Ça sera agréable…— Oui, c’est pour ça que je suis la patronne.Noah se mit à rire.— Bon point. Au moins, c’est calme aujourd’hui…Il se mit rapidement une main sur la bouche. Chaque infirmier et médecin savaient qu’il ne fallait

jamais tenter le diable en prononçant le mot « calme ».— Désolé !— Tant que le karma se venge sur toi et pas moi, tout ira bien.Elle le salua de la main, puis sortit de la pièce avec Kalen à ses côtés.— Où allons-nous ?— Pas au Grizzly, dit-il pensivement.— Mon Dieu, non ! La dernière fois, ça ne s’est pas si bien passé.

— Que dirais-tu d’un resto italien ? Il y a un petit resto à Cody qui sert des spaghettisimpressionnants. Je l’ai trouvé quand je suis arrivé ici et que j’avais un peu d’argent dans les poches.

— Ça m’a l’air bien. Je n’ai pas mangé de pâtes depuis des lustres.Son estomac gronda, lui rappelant qu’elle avait repoussé son petit déjeuner en raison d’une

méchante crise de nausée. Elle pria seulement pour que son corps coopère maintenant et que sanausée soit terminée pour la journée.

— Ça te dérange de conduire ?— Quoi ? Nick ne te laisse toujours pas emprunter un autre VUS ? le taquina-t-elle.— Après avoir laissé un sluagh mettre en pièces le dernier que j’ai emprunté ? Ça ne risque pas,

non. Il ne me laissera même pas finir de poser la question avant de crier non.— Eh bien, ce n’est pas juste. Les dégâts n’étaient pas vraiment ta faute.Il fit un bruit de mécontentement, et elle réfléchit une seconde.— Tu pourras t’acheter ton propre véhicule maintenant que tu as un emploi rémunéré avec l’équipe.— J’y compte bien. Dès que j’aurai mis ce qu’il faut de côté pour un acompte. Peut-être que je vais

chercher quelque chose de cool comme une Mustang Boss 302, avec toutes les options.Il eut l’air tellement excité qu’elle ne put s’empêcher de sourire.— Tu n’as pas de goût luxueux, à ce que je vois.— Bien sûr que non.Au moment où ils entrèrent dans sa voiture, Mac au volant, une partie de l’étrange tension entre eux

avait diminué un peu. Jetant un regard vers lui, elle remarqua que les vibrations de malice, ouquelque chose comme ça, qu’elle avait détectées dans la salle de jeux semblaient avoir disparu. Ilressemblait à Kalen de nouveau ; ses yeux verts s’étaient éclaircis et son visage était plus détendu.

Mais comme il croisait son regard et lui rendait son sourire, elle vit que ses pupilles étaient encorebeaucoup trop dilatées. Il choisit de ne pas en reparler, et elle mit sa voiture en marche et entreprit lalongue route qui les mènerait loin du camp.

Elle aurait suffisamment de temps pour comprendre ce qui se passait avec lui.Et elle ne s’arrêterait pas tant qu’elle ne connaîtrait pas ses secrets.

Chapitre 5

—Du vin ?

Mac secoua la tête.— J’aimerais bien, mais je ferais mieux d’éviter parce que j’ai encore une demi-journée de travail

devant moi.— Tu es une fille sage, n’est-ce pas ? Tu ne fais jamais rien de fou ou de spontané ?Elle put penser à une occasion. Cependant, elle choisit de ne pas se laisser prendre, en dépit de

son appât évident.— Pas trop souvent. Je suppose que ça vient avec le fait d’être la fille d’un général.— Je suppose qu’il était dur.— Il est dur. Tu n’as aucune idée.Elle grimaça intérieurement en pensant à la façon dont elle allait annoncer la nouvelle de sa

grossesse à son père. Bien qu’elle eût aimé pouvoir l’appeler pour lui annoncer la nouvelle etraccrocher en vitesse, cela ne serait pas possible. Pas pour Jarrod Grant. Il s’attendrait à ce que safille lui fasse face comme une femme, et non pas qu’elle se cache comme une enfant.

Cela signifiait qu’elle devrait prendre un avion pour aller lui rendre visite. Bientôt.— Hé, où es-tu ? demanda Kalen, la sortant ainsi de ses sombres pensées.— Je ne faisais que penser à mon père.Ce n’était pas un mensonge.— D’avoir été élevée par lui n’a pas été une sinécure, mais il est un bon père et un grand homme.

J’ai appris tout ce que je sais de lui.— Tu l’aimes, dit-il d’un ton mélancolique.— Plus que tout.« À part cet enfant. Ton enfant », pensa-t-elle.— Tu as de la chance d’avoir encore un parent qui t’aime beaucoup. J’en ai deux, s’ils sont encore

en vie, et ils sont à peu près aussi inutiles que possible. S’ils ne sont pas déjà morts, je serais ravi deles tuer tous les deux seulement pour le plaisir de le faire.

Elle le regarda d’un air surpris. Il n’avait jamais parlé contre eux aussi franchement, etcertainement pas avec une telle colère.

— Cela ne doit pas être une émotion saine, dit-elle doucement. As-tu vu un conseiller ?Il lui retourna son regard, et commença à le nier.— Il va brûler en enfer le jour où… Attends. Ouais. À bien y penser, je suppose qu’on pourrait

dire que je consulte, en quelque sorte. Quelqu’un qui m’aide un peu, en s’assurant que je ne me senteplus jamais comme une victime à nouveau.

Elle fit une pause.— Qui vois-tu ? Peut-être que je connais ce médecin.— Ai-je dit qu’il s’agissait d’un médecin ?La voilà à nouveau. Cette ombre funeste sur son visage et dans ses yeux, une sale vibration qui lui

envoya un frisson désagréable dans le dos. De qui pouvait-il s’agir ? Est-ce qu’il voyait une autrefemme ? Qu’il baisait la nuit pour éloigner la douleur quand il n’arrivait pas à dormir ?

Sa terrible nausée revint.— Tu as dit que tu as été élevée par ton père. Qu’est-il arrivé à ta mère ? demanda-t-il pour

changer de sujet.Heureusement, il ne vit pas l’effet de ses pensées bouleversantes.— Elle est morte d’une leucémie quand j’avais 10 ans.— Je suis désolé.Ses yeux s’attendrirent.— Merci. Ça a été difficile pour nous, mais surtout pour lui. Mes souvenirs d’elle sont lointains

maintenant, mais pas pour lui. Elle était l’amour de sa vie. Mon père n’a plus jamais été le même, etil ne se remaria jamais. Il s’est jeté à corps perdu dans la marine, mais il m’a aimée et a fait en sorteque je le sache.

La serveuse arriva pour prendre les commandes, et fut plus insistante et sourit plus que nécessaireà Kalen. Mac essaya de se contenir. Après son départ, Kalen continua à poser des questions sur lepassé de Mac.

— Comment diable ton père a-t-il fait pour t’élever seul et quand même avoir le temps de devenirun général ?

— Je restais avec ma tante, sa sœur aînée, Gena, chaque fois qu’il était envoyé en mission. Elleétait capable de faire tout le maternage qu’il ne pouvait pas faire, m’aider à traverser les annéesdouloureuses de l’adolescence quand une fille a besoin d’une femme forte dans sa vie. Au fil des ans,il partait de moins en moins, et maintenant il ne bouge presque plus de Washington.

— Es-tu restée en contact avec ta tante ?— Elle est décédée il y a deux ans. Une crise cardiaque à l’âge de 56 ans.Elle étudia son verre d’eau, puis avala pour contrer la brûlure soudaine dans sa gorge.— À bien des égards, elle a été ma mère. Dans mes souvenirs, c’est elle qui était là pour panser

les genoux écorchés, passer à travers les douleurs de croissance, les problèmes de copains et lesdisputes avec les meilleurs amis. C’est elle qui m’a emmenée acheter ma robe de bal, qui m’a faitcoiffer, qui a pris des photos quand mon cavalier s’est présenté…. Le jour de son décès a été le jourle plus triste de ma vie.

L’une des mains de Kalen traversa la table pour couvrir les siennes.— Tu as connu ta part de perte. Je donnerais tout pour changer cela pour toi, mais je suis un

sorcier, pas un dieu.— Je te suis reconnaissante de ta sollicitude, plus que tu ne le crois.Il fit une pause.— Alors, tu as toujours voulu être médecin ?— Depuis que je suis gamine. J’avais l’habitude d’obliger papa et tante Gena à s’asseoir pendant

des heures pendant que je les « réparais » avec ma trousse de médecin en plastique. Il m’a fallu desannées avant que je comprenne qu’il était impossible de réparer tout le monde, quels que soient lesefforts que j’y mettais.

Merde, elle n’avait pas voulu s’exprimer ainsi. Et bien sûr, la curiosité de Kalen fut davantagepiquée.

— Hier, tu m’as demandé si je m’étais demandé pourquoi j’avais abandonné une très bonnepratique pour venir ici, au milieu de nulle part, pour me consacrer à l’étude de créaturesparanormales. Eh bien, la réponse est oui, je me le suis demandé.

Sa main était chaude et réconfortante sur la sienne, son expression ouverte et encourageante.Contrairement à l’étranger au sourire en coin tendu de plus tôt, cet homme se souciait d’elle. C’étaitcet homme qui avait captivé son cœur.

Elle inspira profondément.— Je suppose que ce n’est pas grave si je te le dis, puisque tu peux faire une simple recherche sur

mon nom dans Google et tu auras facilement l’histoire.— Je vais le faire si tu préfères ne pas en parler.— Non, ça va, dit-elle en lui faisant un sourire tremblant. Je suis une psychologue, et assez bonne,

d’après moi. J’avais du succès professionnellement, et j’étais comblée, voire totalement heureuse etépanouie.

— Pas de petit ami ? sonda-t-il.— Personne de sérieux. J’étais ouverte à l’idée de trouver quelqu’un de spécial, mais c’était

tellement difficile puisque j’étais mariée à ma carrière. Ma pratique allait si bien que j’ai commencéà faire preuve de complaisance. J’avais oublié avec qui je faisais affaire : des personnes ayant desproblèmes. De graves problèmes. Quelques-uns de mes patients étaient extrêmement perturbés, maisje n’étais pas trop inquiète. J’étais bonne, tu comprends ?

Il remarqua l’autodérision dans son ton.— Que s’est-il passé ?— J’ai été attaquée par un patient, dans mon bureau, dit-elle à voix basse. Le souvenir me glace

encore le sang. Il n’y a pas eu de signes précurseurs. Une minute, nous avions une conversationagréable et tout semblait bien aller, et la minute suivante, il a sauté par-dessus mon bureau, m’a

plaquée au sol et m’a étranglée presque à mort.— Mon Dieu, dit Kalen d’une voix rauque, les yeux écarquillés. Comment as-tu réussi à le

repousser ?— Je ne l’ai pas fait. Je me suis évanouie, et je me suis crue morte. Je pensais à mon père et à quel

point il serait éploré de perdre son seul enfant, surtout comme ça. Je me suis réveillée à l’hôpital etj’ai appris que ma secrétaire avait entendu l’agitation et était entrée dans mon bureau pour voir ce quise passait. Quelques patients dans la salle d’attente et elle ont maîtrisé l’homme et ont appelé del’aide.

— Mon Dieu, fit Kalen.Son visage reflétait l’horreur qu’elle avait ressentie à l’époque.— Je ne peux pas imaginer à quel point cela a dû être terrible pour toi, ajouta-t-il.— Cela l’a été. Je ne suis plus jamais retournée à la pratique privée. Juste l’idée d’être

responsable de la santé mentale d’autrui, et d’avoir toute cette rage contenue qui explose sur moi denouveau… Je ne pouvais pas y faire face, alors j’ai abandonné. Je suis retournée à l’école pourdevenir assistante médicale, et puis mon père m’a aidée à obtenir cette sinécure au camp quand il aouvert, comme tu l’as deviné.

Il rougit.— Je m’excuse. Je ne voulais pas dire que tu ne méritais pas ton poste ou que tu l’as eu par

favoritisme. J’ai été idiot.— Oui, tu l’as été. Mais, je l’accepte.Elle lui fit un petit sourire, lui faisant savoir qu’elle ne lui en voulait pas. Ou presque.— Alors, pourquoi as-tu été si méchant ?— C’est compliqué, dit-il, le regard tombant sur la table.À ce moment, la serveuse revint avec leur nourriture et posa les assiettes en déshabillant Kalen du

regard.— Je peux faire autre chose ?La pression artérielle de Mac augmenta ; sa colère couvait.Mais il regarda à peine la femme, puis secoua la tête.— Non, merci, répondit-il poliment.Comprenant le message, la serveuse alla voir ses autres clients. La tension de Mac descendit aussi

vite qu’elle était montée après avoir vu la jeune fille le dévorer des yeux. Il était peut-être ridiculed’être jalouse d’un homme qui l’avait rejetée, mais Mac ne pouvait pas maîtriser ses émotions. Enraison de ses nouvelles poussées hormonales, un certain sorcier avait eu de la chance de ne pas avoirrépondu aux charmes de la potiche.

— Mackenzie ? Hé, où es-tu partie ?— Hein ? Oh, désolée. Je réfléchissais.

— À quoi ?— À toi. Tu vas finir par me dire pourquoi tu as été aussi crétin avec moi dernièrement ?— Aïe, dit-il en grimaçant. Je suis désolé, pour ce que ça vaut.— Si tu as fait ça uniquement pour m’empêcher de te harceler, tu peux te détendre. Je ne t’ai pas

suivi en te suppliant de changer d’avis, et je ne le ferai pas non plus.Non pas qu’elle n’eût pas voulu laisser sa fierté de côté pour le faire.— C’est moi qui devrais mendier une deuxième chance, dit-il calmement. Tu vas me laisser faire

ça ? Dois-je me mettre à genoux ?Elle cessa de rouler ses spaghettis, et son cœur tomba dans sa poitrine.— Quoi ?— J’ai eu peur et je me suis éloigné de toi. J’ai fait beaucoup de gaffes, tu ne peux pas t’imaginer.Il posa sa fourchette et mit les deux coudes sur la table en se serrant les mains.— Pourquoi devrais-je te croire ? demanda-t-elle en parvenant à peine à garder sa voix stable.Elle aurait tant voulu l’agripper, le tirer par-dessus la table et l’embrasser jusqu’à ce qu’il

s’évanouisse par manque d’oxygène. Mais le bon sens lui dit de faire preuve d’un peu plus deretenue.

— Tu ne le devrais pas. Je suis un copain terrible, ma belle.— À cause de ton passé ? Tu sais que je ne te reprocherai jamais ça. Je ne suis pas comme ça, lui

dit-elle en reprenant sa main. Tu as fait ce que tu devais faire pour survivre.— Ce n’est pas du passé dont je suis inquiet.Elle lut l’angoisse sur son visage.— J’ai fait quelque chose que j’ai bien peur de ne pas pouvoir corriger. Je me bats contre une

force dont j’ignore comment triompher, ni même si cela est possible, ajouta-t-il.— Dis-moi.— Je…Sa lutte intérieure parut sur son visage, et ses yeux devinrent sombres.— Je suis allé…Soudain, il se prit la tête, grimaçant de douleur.— Kalen, qu’est-ce qui ne va pas ? demanda-t-elle à voix basse, en regardant autour d’eux pour

s’assurer que personne d’autre n’avait remarqué.Après quelques respirations profondes et rapides, il baissa les mains. Sa peau était pâle, et il eut

l’air secoué.— Je ne peux pas te le dire. Il ne me laissera pas faire.La peur la traversa comme de l’eau glacée.— Qui ? Malik ?Avec une réticence apparente, il hocha la tête.

— Oui.Commençant à assembler les pièces du puzzle, elle saisit le bord de la table.— On parle de celui qui te donne des conseils utiles, qui t’aide à te sentir davantage en maîtrise

de toi-même ? demanda-t-elle d’une voix faible.Devant son misérable hochement de tête, sa crainte s’intensifia.— Qu’est-ce que c’est que ces imbécillités à propos du fait qu’il ne veut pas te laisser me parler ?

Qu’est-ce qu’il t’a fait ?— Je ne peux pas te l’expliquer, en ce moment. J’aimerais pouvoir le faire.— Tu ne peux pas ou tu ne veux pas ?Un silence tendu fut sa réponse.— C’est à ce moment-ci que tu vas me demander de te faire confiance ?— Je ne peux rien te demander, ma belle. Mais j’espère que tu le feras.— Pourquoi le devrais-je ?— Parce que sans toi…En prenant une brusque inspiration, il se leva rapidement et mit une main sous son nez.— Désolé. Je reviens tout de suite.Mac regarda derrière lui comme il se retirait, sans doute pour aller aux toilettes des hommes.

S’écrasant dans sa chaise, elle laissa échapper un soupir et essaya de se calmer. Malik enfonçait sesgriffes plus profondément dans Kalen de jour en jour, et son sorcier perdait du terrain. C’était demauvais augure. Très, très mauvais. Nick connaissait-il l’étendue de l’alliance entre eux ? Il devait enavoir une idée. Mettrait-il sa menace de tuer Kalen à exécution ? Elle ne pouvait pas supporter d’ypenser.

Qu’en était-il à propos de ce que Kalen avait été sur le point de lui dire à propos de lui faireconfiance, de lui donner une autre chance ? Elle était presque certaine de deux choses : Malik l’avaitarrêté, et pour une bonne raison. Cela signifiait qu’il y avait quelque chose de particulier que cesalaud ne voulait pas qu’elle sache.

Pourquoi ne pas tout simplement empêcher Kalen de la fréquenter ? Maintenant qu’il avait Kalen,Malik ne la considérait peut-être pas comme une assez grande menace pour justifier son refus d’unpeu de plaisir à son nouvel apprenti.

— C’est carrément malade, murmura-t-elle en jouant avec les perles d’humidité sur son verred’eau.

Ces jours-ci, elle était hantée par la nuit qu’elle avait passée avec Kalen quelques semainesauparavant, quand l’horrible Unseelie lui était apparu dans un cauchemar pour tenter de l’attirer verslui. Parce qu’à présent, elle comprenait que cela avait été une ruse pour faire en sorte que le sorcierse sépare de son amulette, qu’il la donne à Mac pour sa protection.

Le laissant vulnérable aux désirs tordus de Malik.

Pourquoi Kalen ? Il n’était certainement pas le seul magicien puissant de l’univers. Pourquoi était-il, en particulier, si important pour le Unseelie ? Mac ne croyait pas que le choix de Malik avait étéaléatoire.

Elle ne devrait pas se soucier des problèmes de Kalen après la façon dont il l’avait laissé tomberet l’avait abandonnée. Mais ses problèmes concernaient toute l’équipe, et elle aussi à présent.

Bon, si elle était honnête avec elle-même, sa préoccupation pour le reste de l’équipe n’était pas laseule raison pour laquelle elle se faisait du souci. Si elle était moins brave — ou peut-être plusintelligente —, elle s’éloignerait de lui. Elle le laisserait à son sort.

Mais il était le père de leur enfant. Plus elle apprenait à le connaître, plus elle voyait clairementquel genre d’homme il pourrait être — il serait — quand il trouverait sa place. Sa paix intérieure. Ilpourrait être un merveilleux amant et ami.

Elle se rappela avec quelle passion il lui avait fait l’amour. Il n’y avait aucune tromperie dans sontoucher, seulement un besoin pur. Cette nuit-là, l’homme qui l’avait tenue dans ses bras était unhomme né pour aimer. Un homme qui avait reçu si peu dans la vie.

Levant les yeux, elle s’aperçut qu’il revenait, d’un pas lent mais sûr, en lui faisant un demi-sourirequand il la vit le regarder. Une vague de protection féroce lui coupa le souffle, et elle sut une chose…

Elle allait être la femme qui donnerait à cet homme l’amour qu’il méritait.Et elle allait prier fort afin que le sorcier n’écrase pas sa confiance dans son poing.

Kalen se précipita aux toilettes des hommes, en essayant d’endiguer le flot de sang qui coulait de sonnez. Sa tête lui faisait si mal, c’était comme si on lui enfonçait un pic à glace dans la tempe et lecerveau.

Penché sur le lavabo, il ouvrit l’eau. Il eut un haut-le-cœur en voyant le tourbillon de sang dans ledrain. Il trouva sarcastique qu’il puisse tuer une dizaine de sluaghs sans ciller devant leurs entraillesgluantes alors qu’un saignement de nez lui levait le cœur. Mais les coups de poignard dans sa têten’aidaient pas, par contre.

— Fils de pute, dit-il d’une voix rauque.Il mit les mains sous l’eau courante et s’en éclaboussa le visage, jusqu’à ce que le liquide devienne

clair. Peu à peu, les pointes de douleur dans son crâne diminuèrent, le laissant ébranlé. Fatigué.S’accrochant au comptoir, il respira profondément.

— Tu ne parleras pas de moi à ta femelle, mon garçon. Pas avant que notre plan soit bienengagé. Elle est trop molle pour comprendre ce qu’il faut faire et pourquoi.

— Toi et ta satané domination du monde, siffla-t-il de colère à lui-même, ce qui lui fit bouillir lesang.

Il aurait dû être plus fort. Résister davantage au mal de Malik.— Pourquoi t’ai-je vendu mon âme, salaud ? Juste pour que tu puisses dominer le monde, tuer tous

ceux qui te résistent ?

Il ne reçut aucune réponse. Mais il entendit un bruissement à sa droite, et quand il regarda autour delui, il gémit presque quand il vit un homme debout dans la porte, l’air incertain, le regardant commes’il avait perdu la tête. Merde.

— Désolé, murmura Kalen en direction de la sortie. Je ne me sens pas très bien, vous comprenez ?Le gars lui fit un pâle sourire.— Hé, ça arrive.Kalen sortit des toilettes en le frôlant pour retourner dans le restaurant, maudissant le moment

pourri que l’homme avait choisi. Il devait probablement penser que Kalen prenait de la drogue, oupire.

— Pourquoi te soucies-tu de l’opinion de ces faibles humains ? Il peut bien ricaner aujourd’hui,mais il est un être inférieur. Après que nous aurons pris le pouvoir de la terre, il devra se mettre àgenoux pour nous jurer son allégeance, sinon il mourra.

— Tais-toi, dit-il dans un souffle.— N’oublie pas combien tu vas savourer ta vengeance sur tous ceux qui t’ont causé du tort dans

le passé. Rappelle-toi à quel point ton cœur s’est réjoui de voir Billy souffrir pour sestransgressions terribles, et je sais que ce plaisir sera décuplé lorsque cette justice sera rendue parta propre main.

La voix hypnotique le berçait, la soif de pouvoir serpenta à travers son aine. Une image d’unsalopard qui tourmentait sa famille fut poussée dans sa tête. Puis, il le vit payer pour ses fautes.Ouais, il s’assurerait que des salauds comme lui ne feraient plus de mal à personne d’autre. MonDieu, ce serait si bien d’envelopper ses mains autour de ce cou gras et…

— Kalen !Quelqu’un le secoua doucement, et il se rendit compte que des doigts lui serraient légèrement le

bras. Il cligna des yeux et vit qu’il regardait fixement le visage inquiet de Mac.— Je suis désolé. Quoi ?— Où étais-tu, cette fois ? Je t’ai appelé deux fois.Soudain, il vit qu’il se tenait au milieu du restaurant, telle une statue, à quelques mètres de leur

table. Mon Dieu, il devait avoir l’air d’un fou pour tout le monde. Il remarqua une poignée de regardscurieux.

— Ah oui ? J’étais dans ma tête. J’essayais de me rappeler si j’avais laissé mon téléphoneportable dans la salle de bain, dit-il en élevant un peu la voix et en renâclant à l’intention despersonnes près de lui.

Il se tapota les poches pour appuyer son propos.— Je ne peux pas le trouver… oh, attends. Le voilà. Stupide, hein ?Son expression lui dit qu’elle savait ce qu’il faisait, mais elle ne poursuivit pas devant les autres

personnes à portée de voix. Elle lui prit la main et le ramena à leur table.

— Veux-tu un dessert ?— Non, sauf si tu en prends un. Tout ce que tu veux, ma belle.— Non, ça va.Il avait besoin de sortir de là. L’atmosphère était brusquement claustrophobe, et il devait

s’éclipser, maintenant. Il ne voulait pas s’éloigner de Mackenzie, mais du bâtiment. Il fit un signe àleur serveuse, demanda calmement et poliment l’addition. Ils attendirent en silence, en se regardantl’un l’autre jusqu’à ce qu’elle revienne, puis il paya, jouant temporairement à l’autruche.

À l’extérieur, Mackenzie lui prit la main pendant qu’ils marchaient jusqu’à la voiture.— Bon, dis-moi ce qui est arrivé là-bas. Pourquoi t’es-tu précipité aux toilettes ?— Saignement de nez.— Malik ?Kalen hocha la tête, et ses yeux bleus devinrent d’acier.— Il a fait ça pour t’empêcher de parler et de me dire que tu es allé le voir hier soir, n’est-ce pas ?

Ce salaud ! Nous allons trouver un moyen de le battre, mon chéri. Accroche-toi. Tu me comprends ?— Ouais.Bon Dieu, il espérait qu’elle ait raison.Et ce fut alors qu’il se rendit compte que le Unseelie n’était plus dans sa tête. Que cette terrible

soif sombre de sang et de vengeance semblait avoir disparu pour l’instant.— Il est parti. Je ne le sens plus.— Pour de bon ?En le regardant dans les yeux, elle perdit son étincelle d’enthousiasme.— Bien sûr que non. Ce serait trop facile.— C’est une lueur d’espoir, quand même.Aussi mince qu’elle soit.Il était sûr que l’actuel sursis, et celui plus tôt dans la voiture, avaient à voir avec la docteure. Il

devait comprendre pourquoi, précisément. Il rumina l’idée quand sa copine sortit du parc destationnement et s’engagea sur la route, et pendant plusieurs minutes après. Jusqu’à ce que sa douceodeur attire son attention comme cela avait été le cas lorsqu’ils s’étaient rendus au restaurant.

Vanille et roses. C’était l’arôme alléchant qui avait provoqué ses sens et fait bander sa queue. Enoutre, l’odeur lui sembla plus profonde qu’auparavant, plus riche en quelque sorte. Sa panthère seréveilla, s’étira et ronronna de joie devant ce parfum familier. La bête l’accueillit et désespérait dese rapprocher de la présence étonnante de sa partenaire une fois de plus.

« Partenaire ? »Rapidement, il imagina un solide mur d’acier autour de lui, essayant désespérément de sceller ses

pensées de Malik.Non, elle ne pouvait pas être sa partenaire. N’est-ce pas ? Pourquoi ce mot avait-il surgi dans sa

tête ? Comment pouvait-il en être sûr ? Il avait vu ce qui s’était produit avec Jax et Aric quand ilsavaient rencontré leur partenaire… Ils avaient été de plus en plus malades jusqu’à ce que prendreleur partenaire devienne une question de vie ou de mort. Mais Kalen n’avait pas vécu les chosesainsi. Il se sentait tout à fait bien — eh bien, à part l’influence terrible de Malik.

Certes, en tant que sorcier, il était différent. Alors, sa panthère pouvait se tromper à propos del’identité de sa partenaire.

À l’intérieur, il la sentit grogner de mécontentement contre ses pensées. Jamais son autre moitién’avait été aussi insistante, aussi sûre de ce qu’elle voulait. Sa panthère insistait, voulait semétamorphoser, frotter son odeur partout sur la femme, la mordre pour la marquer aux yeux de tous.Kalen imagina qu’il le faisait et que sa bite était profondément enfoncée dans le chaud fourreauhumide de sa belle. Pour la première fois, au lieu d’avoir à appeler sa panthère, Kalen dut seconcentrer pour la retenir.

La bête rugit, et il canalisa son énergie pour l’apaiser. Imaginant une piscine d’un bleu clairentourée d’une oasis tropicale, il envoya un rayon de lumière calmant sur son chat jusqu’à ce qu’il secalme. La panthère se coucha en boule à nouveau en poussant un soupir d’agacement. Ses besoinsn’étaient toujours pas satisfaits, mais elle avait été domptée une fois de plus.

— Tu es sûr que tu vas bien ? demanda-t-elle.Il s’était perdu dans sa tête à nouveau, et elle l’avait étudié pendant tout ce temps. Qu’est-ce

qu’elle voyait en lui, quand elle le regardait ? Un gâchis sans valeur ? Il bougea inconfortablement.— Ça va, maintenant.— Était-ce la première fois que ça t’arrivait ? lui demanda-t-elle en faisant un geste général vers

son visage.Il hocha la tête.— Ouais. On dirait qu’il a un truc dans sa manche pour me garder en ligne.— Vas-tu parler à Nick de cela et de ce qui s’est passé la nuit dernière ? demanda Mackenzie

doucement.— Je vais essayer. Et j’espère qu’il ne va pas me tirer dessus réellement.— Ce n’est pas drôle.— Je ne plaisantais pas.— Tu veux que j’aille le voir avec toi ?Ne pas avoir à affronter le patron seul était tentant. Mais l’envie de la protéger de la triste réalité

de sa situation était plus forte… même s’il était peut-être déjà trop tard.— Je te remercie pour l’appui moral, mais je ferais mieux de lui parler seul.— Bien. Sache que mon offre est permanente.— Merci. Voilà plus que je ne mérite de toi.— Oh, je ne sais pas.

Un doux sourire secret fit courber ses lèvres.Une étincelle de lumière rayonna dans l’obscurité.— Alors, tu ne m’obligeras pas à te supplier de me donner une autre chance ? Tu ne m’as jamais

répondu, tu sais.— Non, c’est vrai, convint-elle en se donnant le temps de réfléchir. Pour être honnête, je ne suis

pas sûre de la réponse à te donner puisque j’ignore d’où vient ce soudain revirement d’attitude.— Pour toi, ça peut sembler arriver de nulle part, mais ce n’est pas soudain pour moi, admit-il,

avec une douleur au ventre. Je ne voulais pas te quitter. Je… Je sais que je suis la pire chose quipuisse t’arriver, surtout en ce moment. Mais je ne peux pas m’empêcher de te vouloir.

Ses mots sortirent crûment, comme s’ils étaient du papier de verre. Au moins, il avait mis carte surtable, et c’était à elle de prendre sa décision. Mon Dieu, il avait tellement peur de l’horreur qu’ilpourrait apporter dans sa vie. Il avait encore plus peur de vivre seul, avec rien d’autre que latentation du mal pour compagnie.

— Vouloir quelqu’un n’équivaut pas à en avoir besoin, dit-elle doucement.Son ton était contemplatif et non accusateur.— Tout le monde peut vouloir quelque chose dont il n’a pas besoin, ou qui n’est pas bon pour lui.Ne pouvant pas réfuter cette affirmation, il n’essaya pas.Mackenzie se tut et plissa le front en se perdant dans ses pensées tout en conduisant. Kalen se

demanda si elle avait une mauvaise opinion de lui en raison de son choix de mots. Il ignorait tant desfemmes et du fonctionnement de leur cerveau.

Il avait été tellement perdu dans ses pensées sur le dilemme de la docteure qu’il lui fallut quelquesinstants pour se rendre compte qu’elle était sortie de la route principale et se dirigeait sur une routede boue et de gravier qui ne valait guère mieux qu’une piste dans les hautes herbes.

— Euh, où allons-nous ?— Tu vas voir.— Tu as enfin décidé de m’emmener au loin pour me descendre toi-même ? Pour éviter cette peine

à Nick ?— Tu es drôlement préoccupé par le fait de te faire descendre.« Parce que je le mérite », pensa-t-il.— Pas vraiment. Je suis seulement curieux de savoir où tu m’emmènes.En faisant un léger sourire, elle continua sur le sentier, jusqu’à ce que, enfin, elle s’arrête dans une

clairière herbeuse. À proximité se trouvaient un ruisseau et au-delà, un groupe d’arbres quiannonçaient le début de la forêt. L’endroit était magnifique, serein, et il le lui dit.

— C’est magnifique. Cet endroit semble si paisible.Elle haussa les épaules, mais sembla heureuse qu’il aime l’endroit.— C’est la raison pour laquelle je viens ici parfois, juste pour réfléchir. J’ai même apporté un petit

pique-nique quelques fois, avec une bouteille de vin.Cela lui sembla un peu solitaire et triste, mais il ne pouvait guère jeter la pierre pour ce qui est des

comportements solitaires, alors il garda son opinion pour lui-même.— Qu’en est-il de tes amies que j’ai rencontrées au bar ? Tu ne les as jamais emmenées ici ?— Amy et Shannon ? Non, ce sont de bonnes amies, mais cet endroit est à moi.— Mais tu m’y emmènes, rappela-t-il d’un air perplexe. Pourquoi moi et pas elles ?— Parce que c’est le genre d’endroit que l’on partage avec quelqu’un de spécial, dit-elle en le

fixant avec ces jolis yeux bleus.— Oh.Sa gorge menaça de se fermer définitivement.— Personne ne m’a jamais appelé ainsi, à l’exception peut-être de ma grand-mère.Bien sûr, dans sa bouche, cela ne signifiait pas du tout la même chose.Elle tendit la main et prit sa joue dans sa paume. Il ne put s’empêcher de se pencher vers elle

pendant qu’elle le caressait, son chat ronronnant de contentement en s’étirant.— Tu es spécial, répéta-t-elle doucement, les yeux de plus en plus humides. Tu es incroyable,

talentueux, intelligent et bienveillant. Et, oh oui, tu es d’une beauté rare, aussi. On aurait dû te direces choses tous les jours de ta vie, et je suis désolée que personne ne l’ait fait jusqu’à présent.

Avant qu’il ne puisse répondre, elle se pencha vers lui et appuya ses lèvres contre les siennes. Lecontact fut électrique ; un éclair de pur bonheur traversa chaque cellule de son corps. Ses lèvresétaient douces, suaves, en quête de plaisirs. Il ouvrit la bouche et alla à la rencontre de sa langueinquisitrice avec la sienne pour goûter sa douceur.

Il n’y avait pas eu de baisers dans sa vie. Pas de joie avant sa rencontre avec Mackenzie. Il nepourrait pas l’abandonner à nouveau. Il n’avait pas cette force.

Quand enfin ils se séparèrent, elle lui fit un doux sourire.— Et si on allait faire un tour ?— J’aimerais bien, réussit-il à dire.Ils sortirent et se rejoignirent à l’avant de la voiture, puis se tinrent automatiquement la main. Il la

laissa les conduire à travers la clairière et se contenta d’apprécier le paysage… surtout la femme àses côtés. Sa seule présence était un baume pour son âme troublée, et il se rendit compte que s’ilavait oublié de vérifier ses boucliers mentaux contre Malik au cours des dernières minutes, tout étaitencore calme dans sa tête. Il était convaincu qu’elle en était la raison.

À l’autre extrémité de la clairière, à l’ombre des arbres, se trouvait un ruisseau. Il n’était pas large,à peine quelques dizaines de centimètres, et à mesure qu’ils s’approchèrent, il vit qu’il n’aurait pasde l’eau jusqu’aux genoux.

— Quel superbe endroit ! Je peux voir pourquoi tu voulais venir ici.— N’est-ce pas que c’est beau ? J’aime bien m’asseoir à cet endroit herbeux sous les arbres pour

écouter l’eau, les oiseaux, et tout ce qui bouge. C’est la musique de la journée, comme je l’appelle.Ces bruits sont très différents la nuit.

Son instinct protecteur prit le dessus.— Tu ne viens pas ici la nuit, j’espère !— Non, idiot.Elle lui tapota la poitrine.— Je ne suis pas folle.— Bien sûr que non. Je veux juste que tu sois en sécurité.Eh bien, c’était là le summum du sarcasme, puisqu’elle était avec la personne qui devait être la

plus dangereuse de la terre.— C’est le cas. Ne t’inquiète pas, je ne m’aventure jamais dans la forêt seule la nuit, contrairement

à tes frères de l’équipe quand ils doivent donner libre cours à leur loup. Viens.Tirant sur sa main, elle le conduisit à sa place préférée, qui était spongieuse et confortable. Il

s’adossa à un arbre et la tira entre ses jambes écartées, dos à lui. Après lui avoir lancé un regardsurpris, mêlé à un peu de plaisir, pensa-t-il, elle se détendit contre lui. Il adorait sa chaleur contre lui,son corps souple et confiant dans ses bras.

— J’imagine que nous allons faire l’école buissonnière cet après-midi ? lui murmura-t-il àl’oreille en enroulant ses bras autour de sa taille.

— Mmm. Pendant un petit moment, si ça ne t’ennuie pas.— Pas du tout. Je suis un peu du genre à faire l’école buissonnière.— Pourquoi cela ne me surprend-il pas ?Il perçut le ton moqueur de sa question et commença à lui mordiller l’oreille.— Cela ne devrait pas. Tu savais que j’étais un mauvais garçon quand tu t’es jetée sur moi.— Est-ce que c’est ce que j’ai fait ? demanda-t-elle en frissonnant légèrement quand il lui mordit

légèrement le cou.— Mon Dieu, je l’espère.Il goûta sa peau avec sa langue, la douceur salée de son essence. Sa panthère grogna, aimant cela,

car elle était prête à jouer. Son sexe se durcit, s’allongeant pour se presser le long de ses fesses et lebas de son dos. Il était absolument impossible qu’elle ne l’ait pas senti, mais elle resta détendue, sonlangage corporel lui faisant savoir qu’elle était très d’accord avec ses attentions.

Encouragé, il passa les doigts sous l’ourlet de son chemisier. Pendant quelques instants, il savourala douceur de sa peau sous ses doigts. Elle avait la taille fine et le ventre plat. Il explora son cou, etcela la chatouilla ; elle se trémoussa dans ses bras. Ricanant, il laissa ses mains parcourir le tissufragile de son soutien-gorge et hésita. Quand elle arqua légèrement le dos pour l’inviter à continuer, illui frôla les mamelons, les tira légèrement à travers le tissu jusqu’à ce qu’ils soient durs.

— Oh, gémit-elle en mettant la main derrière la tête de son amant.

Elle enfouit ses doigts dans les cheveux de Kalen.— As-tu besoin de moi, bébé ?— Oui, je t’en prie !Ce fut tout ce qu’il eut besoin d’entendre. Il trouva le fermoir avant de son soutien-gorge, le

détacha habilement et sépara les deux côtés. Ses seins libérés, il inspira d’appréciation, et les laissaremplir ses paumes. Il pressa doucement ; il aimait qu’elle se tortille contre lui et songea que sesseins avaient l’air plus lourds, plus ronds que lorsqu’ils les avaient vus la seule fois où ils avaientété ensemble. Mais cela pouvait être le fruit de son imagination.

— Tourne-toi, bébé.Il l’aida à se tourner pour qu’elle soit assise à cheval sur ses genoux, face à lui. Avant qu’il ne

puisse atteindre son chemisier, elle le retira et le jeta sur le côté, puis enleva son soutien-gorge. Sapeau était crémeuse, impeccable.

— Tu es à couper le souffle, dit-il à voix basse. Tu es si belle.Il se pencha pour goûter à l’un de ses mamelons sombres, en le mordillant doucement avec les

dents. Gémissant de plaisir, elle enfouit ses doigts dans ses cheveux pour l’encourager. Il le lécha etle suça, un sein d’abord, puis l’autre, jusqu’à ce qu’elle se torde sur ses genoux.

Touchant la taille de son pantalon, il hésita et croisa son regard affamé, demandant silencieusementla permission. Elle hocha la tête, et il le déboutonna, puis la fit se lever. Rapidement, elle sedébarrassa de ses chaussures, de son pantalon et de ses sous-vêtements de soie. Il retira lui-même sachemise, ses bottes et son jeans, puis reprit sa position sur l’herbe, son érection pointant vers la cimedes arbres.

Il lui prit la main.— Viens ici et tiens-toi au-dessus de moi.Elle prit sa main, se positionna à califourchon sur lui à nouveau, les pieds de chaque côté de ses

cuisses, et resta debout. Son regard d’excitation impatiente lui dit qu’elle savait ce qu’il allait faire etne pouvait attendre.

Lui non plus. Le premier coup de langue sur sa fente fit exploser ses sens, lui envoyant uneexplosion de pure luxure dans le sang. Il n’y avait rien d’aussi raffiné que le goût de sa femme sur salangue. Chaude et humide. Invitante.

Il écarta ses lèvres avec ses doigts, pressa la langue dans sa fente, le plus profondément possible.Il la baisa avec sa langue comme elle pressait sa chatte contre son visage, le frottant, ayant besoin deplus. Il la dégusta, goulûment, lentement, profitant de chaque seconde. Comme elle faisait de petitssons d’extase, il se prit en main, étendant le liquide pré-éjaculatoire autour de son gland. Après s’êtrebranlé à quelques reprises, il ne pouvait pas attendre plus longtemps.

— Sur mes genoux, bébé, dit-il d’un souffle. Assieds-toi sur ma bite.Elle s’agenouilla et s’installa sur lui. Ensuite, capturant son regard de ces magnifiques yeux bleus,

elle s’abaissa sur lui, centimètre par centimètre.— Ah, merde ! C’est bon, ma chérie. Si foutrement bon…Enroulant les bras autour de son cou, elle lui lança un regard sauvage.— Tu veux que je te baise comme ça, sorcier ? Tu veux que je prenne ta grosse queue en moi

jusqu’à ce que tes couilles explosent ?Doux Jésus ! Qui aurait cru que son bébé pouvait lui débiter de telles insanités ? Bon Dieu, il en

avait de la chance !— Oui, dit-il d’une voix rauque. Baise-moi, ma chérie. Je suis tout à toi.Quand elle s’assit, elle commença à monter, puis à descendre. Comme promis, elle le baisa bien,

sa chatte comme un gant chaud et humide qui lui caressait la queue de la base au sommet. Encore etencore. Il la laissa lui imposer son rythme, et tous les aspects de leur union. Elle accéléra le tempojusqu’à ce qu’elle le monte rapidement, leurs corps bougeant à un rythme parfait, collants de sueur,l’odeur âcre du sexe dans l’air.

« À nous ! Notre partenaire. »Non. Autant il avait envie de la mordre et de la prendre pour partenaire, autant il ne pouvait pas le

faire sans son accord. Et leur relation était beaucoup trop récente pour cela. Résister à sa bête fut lachose la plus difficile qu’il ait jamais faite, mais il remporta quand même la bataille.

Au lieu de cela, il se perdit dans une marée rouge de désir et sentit bientôt le resserrement familierde ses couilles, et l’accélération dans l’aine et à la base de la colonne vertébrale qui marquaient sonorgasme imminent. Il jouit en sentant venir son explosion, la pénétrant plusieurs fois pour l’emplir desa semence. Le serrant contre sa poitrine, elle s’accrocha à lui comme elle trouvait son orgasme ets’y abandonna. Ensemble, ils frémirent longtemps, et restèrent accrochés l’un à l’autre, repus.

Il embrassa sa tempe humide.— Ce fut incroyable, tout comme toi. Merci.— Je te retourne le compliment.Il recula un peu pour voir son visage et sourit devant son expression de béatitude.— Satisfaite ?— Très !— Depuis quand avez-vous la langue aussi grivoise, madame ?— Le potentiel a toujours été là, mais c’est la façon dont tu me touches, je suppose. Tu as fait sortir

la salope en moi.Elle lui fit un clin d’œil.— Merde, maintenant, je sens que j’ai de la chance !Elle rit et se retira de ses genoux. Sa bite ramollie se glissa hors de sa maison confortable, et il

grimaça devant le gâchis.— Je pense que nous aurions tous deux besoin d’une douche.

— Je pense que tu as raison. Était-ce une invitation ?— Tu plaisantes ? Tu peux me savonner le dos quand tu veux.— Eh bien, qu’est-ce qu’on attend ?Comme ils s’habillaient, Kalen sourit devant ce côté ludique et rafraîchissant de Mackenzie.Il aimait cela. Il essaya de se rappeler un moment où il s’était senti plus léger. Plus heureux. Il ne

s’était pas senti ainsi depuis des années, et il souhaitait de tout son cœur que cela puisse durer.Un homme pouvait toujours rêver.Et ce serait le cas, parce qu’il se pouvait bien qu’il doive se contenter de ses rêves.

Chapitre 6

Sur le chemin du retour, Mac était ambivalente : d’une part, elle se maudissait pour avoir été folleet, d’autre part, elle baignait dans l’émerveillement d’avoir fait l’amour avec Kalen dans son lieu deprédilection.

Seigneur, cela avait été si torride ! Aucun homme ne l’avait jamais touchée comme lui le faisait.Elle aurait voulu ramper sous sa peau et y rester. Le tenir contre elle, et sentir son corps enmouvement contre le sien la posséder.

L’homme avait des problèmes, mais il était son problème. Et elle l’aimait de plus en plus chaquejour.

Il devait y avoir un moyen de l’aider à battre Malik, et ils le chercheraient jusqu’à ce qu’ils letrouvent. Kalen ne pourrait être déchiré entre le bien et le mal beaucoup plus longtemps. Plus tôt,quand il avait montré tant de haine pour ses parents et quand il avait affiché à quelques reprises cetteexpression vide sur son visage, il lui avait fait peur. Le Unseelie faisait de son mieux pour maîtriserle sorcier, mais plus Kalen et elle passaient du temps ensemble, plus cela semblait l’aider àredevenir lui-même.

Elle pria pour que Malik n’apprenne pas son plan.La main de Kalen vint se poser sur sa cuisse, la ramenant au moment présent. Il la laissa là, et elle

aima la façon dont sa paume était chaude et possessive, en quelque sorte, comme s’il ne pouvait passupporter de ne pas toucher une partie d’elle, ne serait-ce qu’un court instant.

Jetant un rapide coup d’œil dans sa direction, elle admira son profil. Elle appréciait la façon dontses cheveux noirs tombaient légèrement autour de son beau visage et tombaient sur ses épaules. Ilavait un profil noble, pensa-t-elle, avec son nez droit, son front arqué, une mâchoire qui n’était pascarrée, mais courbe. Il avait les lèvres charnues, et son air de vulnérabilité contrastait avec saforce… aux sens propre et figuré.

Et l’étude de ses nombreux attributs physiques la faisait mouiller. Encore une fois.Quelque chose à propos de cet homme le rendait irrésistible, à ses yeux. Elle sentait une réelle

attraction vers lui qui n’était pas seulement physique, mais semblait liée à son âme. Cela pourrait luicauser très bientôt de graves ennuis. Cependant, elle savait au plus profond d’elle-même que cethomme valait la peine que l’on se batte pour lui.

Quelle tristesse qu’une seule autre personne dans sa vie, sa grand-mère, ait cru la même chose.— Mackenzie ?— Mmm ?

— Je pensais au fait que ça fait quelques semaines que nous avons couché ensemble, la premièrefois…

Elle hocha la tête.— Oui. Et ?— Et, euh, je n’ai pas ressenti de symptômes, dit-il lentement. Tu sais, comme Jax ou Aric.— Pas de fièvre d’accouplement, ni courbatures ni douleurs. Je l’avais remarqué.Pourtant, elle dut réprimer sa déception de l’entendre reconnaître ce fait à haute voix.— C’est toi le médecin. Que penses-tu que ça signifie ? demanda-t-il d’une voix anxieuse. Ne

sommes-nous pas des partenaires ? Et si ce n’est pas le cas, pourquoi ma panthère essaie-t-elleencore de me broyer les entrailles parce que je ne t’ai pas prise pour partenaire aujourd’hui ?

À cela, elle lui lança un rapide coup d’œil, incapable de masquer sa surprise.— Ah oui ?— Merde, ouais, répondit-il en grimaçant. Elle n’arrête pas de me grogner après depuis les 15

dernières minutes.Une lueur de bonheur se déploya dans sa poitrine.— Je ne sais pas pourquoi, exactement. Mais nous savons que tu n’es pas comme les autres

métamorphes. Tu es d’abord un sorcier, et ensuite un métamorphe. Tu es la magie personnifiée. Taphysiologie n’étant pas comme celle des autres, il va de soi qu’il y a des différences entre toi et eux.

— Alors, nous pourrions être partenaires ?Saisissant le volant fermement, elle se racla la gorge, essayant de ne pas paraître trop impatiente.— C’est possible. Tu dis que ta panthère est attirée par moi.— Pas seulement elle, moi aussi, dit-il.— Comment te sens-tu à propos de devenir mon partenaire, puisque tu voulais m’abandonner plus

tôt ?— Bordel, maugréa-t-il. Mes sentiments envers toi ne sont-ils pas clairs, maintenant ? Je te veux

dans ma vie. Je ne devrais pas te vouloir à cause de mes problèmes, parce que je crains de t’yentraîner avec moi, mais je ne peux te repousser plus longtemps. Peux-tu me donner une autre chance?

Le pouvait-elle ? Cela ne faisait aucun doute, vraiment. Elle le voulait. Et elle devait penser àdavantage qu’à sa propre vie et à son bonheur. Elle posa une main sur la sienne, qui était restée sur sacuisse.

— Je veux te donner ta chance. Allons-y une étape à la fois, d’accord ? demanda-t-elle.— Oui !Il se pencha vers elle et lui planta un gros baiser sur la bouche, la faisant presque sortir de la route.— Merci, ma chérie. Je ferai de mon mieux pour que tu ne le regrettes pas.Elle remit la voiture dans la bonne voie, puis se mit à rire.

— Par contre, essaie de ne pas nous lancer contre un arbre avant d’arriver à le savoir.— Désolé.Le clin d’œil qu’il lui fit lui montra qu’il n’était pas très repentant.La journée avait commencé difficilement, mais la seconde moitié de leur sortie avait certainement

remporté un franc succès. Maintenant, s’ils arrivaient à rester à l’abri du Unseelie, les chosesseraient fantastiques.

De retour au camp, ils entrèrent en marchant main dans la main. Mac n’était pas sûre que de vivreouvertement leur relation était la meilleure chose pour Kalen. Elle ne voulait pas qu’il ait plus deproblèmes avec Nick et les autres membres de l’équipe qu’il n’en avait déjà. Qu’on le veuille ounon, Kalen était une recrue, tandis que les gars connaissaient Mac depuis des années. Ils étaientprotecteurs envers elle, et Kalen était encore un mystère pour eux. Ils se méfiaient de quel côté setrouverait Kalen lorsque la poussière retomberait.

Mac était inquiète aussi, mais elle se rangerait du côté de son amant. Advienne que pourra.Bien sûr, le destin voulut que le premier mec sur lequel ils tombèrent en rentrant soit Aric. Le

rouquin désagréable arrivait vers eux dans le couloir quand il aperçut leurs mains liées, et s’arrêtatout net dans son élan.

— Qu’est-ce que c’est que ça ? Ah non, merde !Sa lèvre se retroussa, montrant des crocs qui s’allongeaient.— Ce n’est pas possible. Mac, chérie, j’aurais espéré que tu aies plus d’esprit que d’aller coucher

avec le grand et puissant Oz.Kalen s’avança en affichant un air hargneux.— Ferme ton clapet, espèce de…Mac s’interposa entre eux, repoussant Kalen vers l’arrière.— Arrêtez ! Je peux gérer cela.Son amant bouillit en regardant Aric, mais ne fit aucun geste pour la contourner. Elle fronça les

sourcils vers le loup.— Ce que je fais avec Kalen ne regarde que nous. En outre, je ne pense pas que tu sois bien placé

pour nous jeter la pierre quand il s’agit d’agir intelligemment dans une relation amoureuse.Il rougit.— Ce qui est arrivé à Rowan et à moi n’était pas du tout la même chose !— Peut-être, mais cela ne change pas le fait que tu as agi comme un idiot parce que tu t’es presque

tué en essayant de lui épargner l’accouplement avec toi, et pourtant elle t’aime quand même, rappelaMac raisonnablement. Allez comprendre.

Les yeux d’Aric s’écarquillèrent.— Merde, tu es dure.— C’est pourtant la vérité, dit-elle en soupirant. D’ailleurs, n’y a-t-il pas eu suffisamment

d’animosité entre vous deux ? Je crois que ni l’un ni l’autre d’entre vous n’a la moindre idée de laraison pour laquelle vous agissez aussi bêtement l’un envers l’autre.

Les deux hommes se dévisagèrent, tous deux manifestement réticents à céder du terrain sur laquestion. Mais Kalen hocha la tête le premier, et parla d’un ton résigné.

— Tu t’es excusé auprès de moi quand nous nous sommes bagarrés hier, mais je ne t’ai pas rendula même courtoisie. Pour ce que ça vaut, je suis désolé. Je ne suis pas habitué à faire partie d’uneéquipe, mais ce n’est généralement pas dans mes habitudes d’attaquer quelqu’un qui m’a si peuprovoqué.

Aric passa une main dans ses cheveux. Pendant quelques secondes, il sembla avoir du mal àtrouver quoi répondre ; puis, enfin, il finit par admettre avec une réticence évidente :

— Ne t’excuse pas, mon pote. Je savais comment te faire perdre les pédales et j’ai adoré le faire,au début. Je suis peut-être un enfoiré entêté, mais je peux voir quand il est temps d’arrêter. Lavendetta est mauvaise pour l’équipe. Que dirais-tu d’enterrer la hache de guerre pour de bon et depasser à autre chose ?

Après un moment de tension, Kalen offrit lentement sa main. Aric hésita, puis la prit.— Mais je vais toujours t’appeler « minet » et le « goth », avertit Aric avec un sourire narquois.

Par affection, bien sûr.— Pas de problème, rouquin.Comme ils se serraient la main, des sourires apparurent graduellement sur leurs visages. Mac

résista à l’envie de rouler des yeux. Les hommes étaient tellement stupides parfois ; c’était un miracles’il y avait encore des humains sur terre.

— Bonne chance à vous deux. En dépit de ce que je viens de vous dire, je le pense vraiment, ditAric sérieusement en regardant Kalen. Tes frères sont tous dans ce combat avec toi. Repenses-y,lorsque les choses deviendront difficiles.

— Je le ferai.Kalen détourna les yeux.Mac savait que cela avait touché son sorcier. Car elle l’avait été elle aussi. Elle se pencha vers le

rouquin et lui donna un baiser sur la joue.— Merci. Je suppose que tu n’agis pas toujours comme un imbécile.— Wow, merci.Renâclant, Aric leur fit ses adieux et continua à marcher vers sa chambre.— Penses-tu qu’il était sincère cette fois, ou essayait-il juste de maintenir la paix avec toi ?

demanda Kalen quand le loup roux fut hors de portée de voix.— Je l’ai cru. Tu devrais aussi.— Pourquoi ?— Aric n’est pas un gars facile à connaître, ou à apprécier, mais il n’aurait pas fait cette offre, s’il

ne la pensait pas. Je le connais depuis des années, crois-moi.— Bien. Alors, je vais tenir ma parole, à moins qu’il ne me prouve le contraire.Il s’approcha d’elle et lui vola doucement un baiser, puis la relâcha avec regret.— Je déteste interrompre notre après-midi, mais j’ai quelques personnes à voir, ajouta-t-il.— Nick ?— Oui. Et puis Sariel, si tu penses qu’il accepterait une visite de ma part.— Je vais lui demander. Mais en tant que l’un de ses médecins, je dois te dire que si ta visite le

bouleverse et retarde son rétablissement d’une façon ou d’une autre, tu auras affaire à Mélina et àmoi. Ce ne sera pas beau.

Il sourit.— Je déteste devoir te le dire, bébé, mais tu n’es pas très effrayante. La doc Mallory, par contre…Il exagéra son frisson.— Elle se nettoie probablement les dents avec les os de ses victimes, ajouta-t-il.Mac renâcla.— Et sur ce, je te verrai plus tard. Merci pour le déjeuner… et le dessert.Elle se retourna et se dirigea vers l’infirmerie. Mais pas avant d’avoir entrevu la satisfaction totale

dans ses yeux verts devant ce commentaire suggestif.Il semblait qu’elle s’était trouvé un sorcier. Maintenant, la question était de savoir comment le

garder en sécurité.Les pas de Kalen ralentirent alors qu’il s’approchait du bureau de Nick. Il eut mal au ventre à l’idéede ce qui pourrait l’attendre de l’autre côté.

Le patron croyait-il que Kalen n’était plus récupérable ? Non, se dit-il. Si c’était le cas, Kalenserait déjà mort. Cet homme n’était pas du genre à retarder la justice. Elle viendrait rapidement etsans douleur.

Avec ce maigre encouragement, il frappa à la porte. Le commandant lança un ordre ferme d’entrer.Kalen passa la tête dans l’embrasure de la porte.— Tu as une minute ?Nick leva les yeux de certains documents sur son bureau, se recula dans son fauteuil et s’étira.— Pour toi, j’en ai cinq. Ferme la porte, assieds-toi et érige un mur autour de tes pensées.Kalen suivit le premier ordre en s’essuyant les mains nerveusement sur son jeans. Il se concentra

sur sa magie et chercha le mur qu’il avait érigé plus tôt entre Malik et lui. Il le trouva. Il vacillait unpeu, mais était toujours en place — il ignorait toutefois pour combien de temps il tiendrait le coup. Ilcroisa le regard de Nick.

— Je suis prêt.L’homme l’étudia pendant un long moment en affichant une expression dure comme la pierre.— Je sais où tu es allé la nuit dernière. Par contre, je ne sais pas tout ce qui est arrivé pendant que

tu y étais. Alors, pourquoi ne me raconterais-tu pas tout depuis le début ?— Que sais-tu, exactement ?— Je sais que tu l’as regardé tuer un homme… et que tu as été séduit par le spectacle, répondit-il

d’une voix attristée. Pourquoi, Kalen ?Kalen déglutit avec difficulté.— Il parvient à m’accrocher quand ma garde est baissée. Puis, il m’a montré ce que Billy avait fait

à sa famille, en vue de nourrir ma rage. Je suis allé vers lui en premier lieu parce que je me sentaisattiré vers lui la nuit dernière. Contraint.

— Où est son repaire ?— Où ? répéta-t-il en fronçant les sourcils. Au fond de la forêt, loin de la civilisation. C’est une

cabane rustique vraiment fabuleuse dont il m’a dit qu’elle était une illusion. Je ne suis pas sûr que jepourrais la retrouver, si je le voulais, à moins qu’il ne le veuille.

— Bien. Après, que s’est-il passé ?— Au début, nous avons parlé autour d’un verre.— Parlé ? C’est tout ?Le front sombre de Nick s’arqua pour marquer clairement son scepticisme.— Ouais. Il est tout un charlatan, ce dont je ne m’étais pas rendu compte auparavant. Eh bien, du

moins, pas au premier abord.— La plupart des dirigeants fous et avides de pouvoir excellent à convaincre les masses, observa

le commandant. Ils commencent petit, avec un soldat, un converti à la fois, et avant que leur petit jeusoit mis au jour, ils ont décimé des millions de personnes.

— Comme Hitler, dit Kalen en mettant les mains sur son jeans. La comparaison avec Malik estbonne. Avec du temps et des ressources, il pourrait avoir une influence tout aussi énorme surl’histoire, avec ses super métamorphes dans son nouveau Troisième Reich. En fait, il a admis que sonobjectif était de gouverner le monde et de placer les êtres paranormaux, les fées en particulier, ausommet de la chaîne alimentaire. Il a présenté quelques arguments convaincants en faveur de sa causeet de la façon dont il entend la mettre à exécution.

— J’en suis sûr.Le visage de Nick s’obscurcit.— Il est arrivé à me faire croire à moitié à sa salade, Nicky, dit-il tranquillement. Maintenant, je

sais comment des masses de gens peuvent être victimes de ce genre de tyrannie.Reprenant un stylo à bille, Nick tapota sur son bureau, l’air pensif pendant quelques instants.— D’accord, alors pourquoi toi ? Pourquoi veut-il ton aide, en particulier, ou en a-t-il besoin ?— Il… Mon Dieu, c’est tellement tordu.Kalen appuya les coudes sur ses genoux et joignit les mains étroitement. Nick attendit patiemment.— Il prétend que je suis une fée.

La mâchoire du commandant chuta et ses yeux bleus s’élargirent. De toute évidence, le patronn’avait pas vu venir sa réponse.

— Tu te fous de ma gueule ?— J’ai eu la même réaction.Il eut un rire sans humour.— Il m’a dit que ma grand-mère était une pure Seelie. En fait, il affirme qu’ils se sont connus il y a

des siècles, alors qu’ils s’opposaient concernant certaines questions entre les tribunaux Seelie etUnseelie.

— Tu le crois ?— Je n’en suis pas sûr, dit-il en haussant les épaules. Grand-mère ne m’a jamais parlé de mon

héritage, et si elle l’avait voulu, elle est morte avant de pouvoir le faire. Je connais la magie, mais jen’ai pas d’ailes comme Sariel. Et je suis sûr que mon sang est rouge et non bleu, dit-il en repensantaux coups de poing de son père qui lui avaient souvent fendu la lèvre.

— Qu’en est-il de tes parents ? Prétend-il qu’ils sont des fées, eux aussi ?En repensant à la conversation, Kalen fronça les sourcils.— Il n’a jamais parlé de ma mère et de mon père en ces termes, et j’étais tellement époustouflé à

propos de tout ce qu’il me disait que je ne lui ai pas demandé. Il a juste dit que je suis une fée «jusqu’à ma dernière goutte de sang ». Ce sont ces mots exacts. Alors, je suppose que mes parentsétaient des fées, eux aussi. Du moins, ma mère, puisque ma grand-mère était sa mère.

— Ton père devait être une fée aussi, si tu es un pur-sang.Nick mâcha le capuchon de son stylo.— Ce qui n’a pas du tout de sens si on connaît mon père. Il n’existe personne qui soit contre la

magie plus que lui. Il a défendu à ma mère de parler de ces choses, et je l’ai regardée dépérirlentement à essayer d’être ce qu’il attendait d’elle.

Kalen frémit, se souvenant de ces terribles années.— Il m’a surveillé de près aussi. Il a insisté pour que je sois un garçon « normal », et non pas une

aberration. Peu de temps après la mort de ma grand-mère, quand mes pouvoirs ont commencé à sedévelopper, il m’a chassé.

— Il a utilisé ce mot, « aberration » ? demanda Nick d’un air perplexe.— Ouais, et bien pire.— Son attitude n’a pas de sens s’il avait été une fée.— À qui le dis-tu !— On dirait qu’il a eu peur de ta magie une fois qu’elle s’est développée.Il fit une pause.— Sais-tu si tes parents sont toujours vivants ?— Je suis parti depuis tant d’années… Je n’en ai aucune idée, répondit-il en détournant les yeux.

Même s’ils m’ont maltraité, j’ai honte d’admettre que je ne me soucie pas beaucoup de savoir s’ilsrespirent encore ou non.

— Hé, tu étais mineur quand ils t’ont chassé. Tu n’as pas à avoir honte de tes sentiments à leurégard, gamin. Mais nous devons savoir pourquoi tu es dans le collimateur de Malik. Je sens que tesparents, s’ils sont toujours vivants, pourraient nous apporter quelques réponses.

— Tu veux dire que nous allons leur rendre visite ?— Je pense que c’est une très bonne idée. Et je pense que nous devrions le faire bientôt.Kalen sentit que leur conversation tirait à sa fin, mais il y avait une autre chose qui pesait

lourdement sur son cœur et son esprit.— Qu’en est-il de Billy, le gars que j’ai regardé Malik assassiner ? Tu pourrais m’éliminer en

raison de mon rôle dans ce meurtre… en fait, je suis surpris que tu ne l’aies pas fait.— Je ne l’ai pas fait parce que Malik allait tuer cet homme de toute façon, et que j’ai vu que nous

n’aurions pas pu, ni toi ni moi, l’en empêcher. Tu étais sous l’influence de Malik et tu n’as pas touchéBilly. Mais sache ceci : si tu tues pour étancher ta soif de sang, et pas par légitime défense ou pourdéfendre l’équipe, je vais mettre fin à tes jours. Cela me tuerait d’avoir à le faire, mais je n’auraispas le choix.

— Je comprends, dit-il doucement.Mon Dieu, Nick ne méritait pas d’avoir le sang d’un de ses propres hommes sur ses mains. S’il en

venait à cela, Kalen pria pour qu’il lui reste assez de jugement pour s’occuper de la chose lui-même.Nick ramena la conversation au présent à nouveau.— En ce qui concerne tes parents. Donne-moi ton ancienne adresse, et je vais voir s’ils y sont

toujours. Je pourrais même le savoir cet après-midi.— OK.Il en profita pour s’apprêter à quitter le bureau, mais avant, il prit un stylo et un morceau de papier

sur le bureau de Nick et écrivit le nom de ses parents et leur dernière adresse. Puis, il tendit la mainet serra la main du commandant.

— Merci de me faire confiance. J’ignore comment je vais y arriver, mais je vais me débarrasser deMalik pour de bon d’une façon ou d’une autre.

— Tu ne seras pas seul. Nous serons toujours là avec toi.Ces paroles firent écho à celles d’Aric plus tôt, et la gorge de Kalen se serra. Il hocha la tête et

quitta le bureau de Nick avant d’être embarrassé en perdant son sang-froid.Maintenant, il devait rendre une visite qu’il aurait dû faire depuis longtemps, car il l’avait retardée

le plus longtemps qu’il avait pu.Assis dans son fauteuil, Nick passa une main sur son visage en poussant un soupir de lassitude.

— Merde !Cet enfant était dans un foutu pétrin. Ils l’étaient tous. Et il n’avait pas la moindre idée de comment

les en sortir. Où était la ligne séparatrice entre son travail et l’interférence avec l’avenir, la seulechose qu’il s’était juré de ne pas faire ? Elle s’estompait de plus en plus à chaque jour qui passait.

Soudain, il commença à entendre un bourdonnement familier dans sa tête. Un frisson naquit dans sacolonne vertébrale, et la pièce devint floue quand la vision qui arrivait le saisit. Celle qui l’avaittorturé auparavant, mais cette fois, avec des détails plus angoissants.

Nick était à genoux au milieu d’un champ, en proie à la douleur comme la pluie froide le piquaitcomme des aiguilles. La foudre fendit le ciel, prit un chemin en dents de scie jusqu’à la terretrempée, la brûlant en dépit de la pluie.

Tout autour de lui, son équipe luttait contre les sluaghs. Ses hommes braves se taillaient unchemin à travers les sbires Unseelies de Malik, qui ressemblaient à des chauves-souris, mais ilsperdaient du terrain à chaque seconde. Il y avait des centaines de ces terribles bêtes, quiessaimaient en poussant des cris perçants. Beaucoup trop pour que des loups féroces ou deshommes ayant des dons magiques puissent les défaire.

Ils allaient tous mourir.Sur la cime de la montagne se tenait le sorcier avec son bâton, qui le maintenait bien haut. Il

criait à l’ennemi Unseelie et demandait au ciel de l’aide qui ne viendrait pas.Et puis, un éclair déchira les nuages noirs en ébullition, transformant la nuit en jour juste avant

de frapper le bout du bâton du sorcier. Une immense détonation secoua la terre, et le mondes’évanouit.

S’évanouit encore et encore. Amenant Nick et ses hommes dans l’abîme.Nick revint d’un coup à lui-même en inspirant de grandes bouffées d’air. Son cœur, plein

d’adrénaline, battait la chamade dans son sternum. La peur.— Oh, mon Dieu.Cela avait été la fin. La fin de la vie. Mais de quelle vie ? De quel côté avait été Kalen dans ce

dernier acte, lors de cette dernière seconde dévastatrice ? La noirceur éternelle ou la lumière ?Une chose était certaine : à moins que Nick ne fasse un appel téléphonique immédiatement, ni le

reste de l’équipe ni lui ne sauraient jamais la réponse.Et il sut alors que, pour la première fois depuis de nombreuses années, il allait rompre son vœu de

ne jamais interférer avec le destin.Il décrocha le téléphone et appuya sur la touche de composition abrégée. En quelques secondes,

son ami répondit. Et il prononça les mots qu’il n’avait jamais pensé dire, pas à cet homme.— Jarrod, j’ai besoin de vous ici.— Quand ? aboya immédiatement le général.— Hier.— Combien de soldats ?Il poussa un soupir de soulagement, mais il prit soin de ne pas laisser Jarrod l’entendre. Que Dieu

bénisse cet homme !— Beaucoup. Ne les mobilisez pas encore, mais qu’ils soient prêts à partir.— Tu es sur le point de foutre ma vie en l’air, n’est-ce pas, mon garçon ?Il n’avait pas d’objection à ce que son ami l’appelle « mon garçon », même s’il était beaucoup,

beaucoup plus âgé que le général en années humaines. Il avait dit cela avec affection, et ce futpresque une erreur.

— Oui, monsieur. Je le crains.Grant rit doucement.— Eh bien, une retraite pépère me semblait terriblement ennuyeuse, de toute façon. Donne-moi

quelques jours pour organiser les choses ici. Ensuite, je serai là. À bientôt.— Jarrod… Merci.— Pas de ça entre nous. Mais n’annonce pas ma venue à ma petite fille. Je veux que ce soit une

surprise.« Oh, ce le sera. Pour vous deux. »— Bien sûr, répondit-il.Nick raccrocha le téléphone et ne bougea plus pendant un très long moment.

Kalen ne fut pas surpris d’être rejoint par Mackenzie et Mélina quand il entra dans l’infirmerie. Lesdeux femmes s’arrêtèrent de chaque côté de lui ; leur position était un peu plus que défensive.

— Je jure que je ne dirai ou ne ferai rien pour le contrarier, dit-il, levant une main avant que l’uned’elles ne parle. Je veux seulement lui présenter des excuses.

— Il a accepté de te voir. Mais pour être franche, je ne devrais même pas te permettre del’approcher, déclara Mélina d’un ton d’acier.

Kalen grimaça.— Je ne vais pas lui faire de mal. Tu as ma parole.— Tu ne le feras pas ?Merde ! Les boucliers avaient glissé sans qu’il s’en rende compte, et il devait se concentrer

complètement pour les consolider à nouveau. L’ennui était que son énergie était en baisse parce qu’ilavait dû se protéger tout l’après-midi.

— Tu as 10 minutes. Il va mieux, mais n’est pas revenu à cent pour cent, et je ne te permettrai pasde ralentir son rétablissement. Nous resterons à proximité.

— J’en suis sûr.Mélina tourna les talons et sortit, mais Mac s’avança et pressa sa main pour l’encourager.— Tout ira bien. Il est dans la troisième chambre, à gauche. Vas-y.— Merci.Il donna à sa belle un baiser rapide et se dirigea vers la chambre de Sariel. Il frappa avant d’entrer.— Entrez.

Il ne savait pas à quoi s’attendre, mais la vue du prince fée le prit de court dans l’embrasure de laporte. La culpabilité le rongea de nouveau. La fée avait les joues décharnées, et son visage était plusanguleux que d’habitude. Il avait des cernes sous ses yeux dorés, qui trahissaient son manque desommeil et sa maladie. Ses longs cheveux bleus, normalement d’un saphir brillant, étaient ternes etsans vie. De même que ses ailes, qui tombaient de chaque côté de lui, jusqu’au sol.

Comme il croisait le regard de Kalen, le sorcier vit une lassitude dans ces orbes dorés, quimontrait à quel point il était âgé, malgré son apparence de jeunesse.

— Viens t’asseoir. Je ne vais pas te transformer en crapaud, déclara Sariel pour tenter de détendrel’atmosphère.

— Je ne t’en voudrais pas de le faire.Il alla s’asseoir dans une chaise au chevet du prince.— Je suis sûr que tu n’es pas particulièrement content de me voir, ajouta Kalen.Le prince pencha la tête.— Non, tu te trompes. Ce qui est arrivé n’était pas de ta faute.— Comment peux-tu dire cela ? J’ai libéré Béryl, et elle a failli te tuer !Il secoua la tête, essayant de comprendre pourquoi la fée n’avait aucune animosité envers lui.Sariel soupira, d’un ton résigné.— Kalen, la sorcière a failli me tuer sous l’ordre de mon père, pas du tien. Il projette de me tuer

depuis les dernières années, et il a failli réussir plus d’une fois ces derniers mois. Il n’arrêtera pastant que l’un de nous ne sera pas mort, et je ne peux pas mettre cette faute sur ton dos.

Kalen ne se sentit pas irréprochable dans toute cette affaire. Bon Dieu, qu’est-ce que ça doit êtred’avoir un père qui ne cherche qu’à vous tuer ? Le père de Kalen avait été un méchant fils de puteabusif qui prenait du plaisir à battre son fils, mais il n’avait jamais vraiment essayé de l’assassiner.

— Oui, je veux tuer ma progéniture. Je vais l’étaler sur un autel, enchaîné, et lui découper lesailes avec mes serres. Puis, les couilles et la bite comme il criera son agonie, me priant del’épargner. Ensuite, je vais lui arracher le cœur de la poitrine et m’en régaler.

Kalen regarda le prince, ébranlé.— Kalen ? Qu’est-ce qui ne va pas ?— Rien.Se ressaisissant, il renforça ses boucliers.— Pourquoi veut-il te tuer ?— Je suis son fils unique, le produit du viol de ma mère, la reine Seelie. Mes frères sont la

progéniture légitime de ma mère avec le roi Seelie, qui m’a élevé à contrecœur comme son proprefils. En tant que progéniture de Malik, je suis le seul être ayant le pouvoir de le détruire.

Il étudia Kalen pensivement.— Ou du moins, je l’ai cru jusqu’à tout récemment, ajouta le prince.

Kalen ignora l’insinuation du prince pour le moment.— Alors, pourquoi a-t-il attendu jusqu’à ces dernières années pour te courir après ? Tu as quelque

chose comme 11 000 ans, selon ce que j’ai compris.— Oui, à peu près.Son sourire fut triste.— Bien que des milliers d’années soient un simple clin d’œil dans le temps pour les fées en

général, certains jours peuvent sembler être une éternité. Quoi qu’il en soit, dans la plupart des cas, ilnous faut des milliers d’années pour atteindre notre plein potentiel. Et quand nous atteignons notrematurité, nous obtenons nos ailes aussi.

Les yeux de Kalen s’élargirent.— Bordel de merde. Cela signifie que…— Exactement, dit le prince d’un ton qui sembla suffisant. Quand tu atteindras ta pleine puissance,

tu auras des ailes, jeune fée.— Com… comment le savais-tu ? balbutia-t-il.— Je sais que tu es une fée depuis la seconde où tu es entré dans le camp.— Alors, pourquoi diable ne me l’as-tu pas dit ? cracha-t-il sèchement. Au lieu de cela, j’ai dû

l’apprendre de Malik. Et il a affirmé qu’il n’avait pas la moindre idée de la raison pour laquelle jen’avais pas d’ailes.

Sariel grimaça.— Comme disent les humains, mon père ment comme un arracheur de dents. Ne crois pas tout ce

qui sort de sa bouche fétide, sorcier. Sans blague.— Bien. Alors, pourquoi ne m’as-tu pas parlé de mon patrimoine ?— Pour être honnête, je n’étais pas sûr si tu ne le savais pas déjà, et je ne voulais pas aborder le

sujet tant que nous ne ferions pas mieux connaissance.— Je comprends. Je suppose que de dire « Hé, savais-tu qu’il va te pousser des ailes dans

quelques milliers d’années ? » n’est pas exactement une bonne façon de briser la glace, murmura-t-il.Le prince sourit.— Oh, je doute qu’il te faille autant de temps.Il regarda le prince.— Qu’est-ce qui te fait penser cela ?— Tes pouvoirs sont tout à fait remarquables, alors je soupçonne que tes ailes apparaîtront

beaucoup plus tôt que les miennes l’ont fait.Le prince parut calme et commença à avoir l’air fatigué.— Voilà aussi la raison pour laquelle mon père veut tellement te maîtriser.— Ouais, mais si je suis si supérieur, comment peut-il maîtriser mes pensées ? demanda Kalen,

frustré. Parce qu’il y parvient bien, et je n’ai pas la moindre idée de la façon de l’arrêter.

— Il ne pourrait pas te manipuler à moins que tu possèdes déjà un fil sombre qu’il peut saisir etfaçonner pour en faire quelque chose de terrible et d’utile pour lui. Tu le sais, ça.

— Merde, dit-il en soupirant. Tu as raison. Mais pourquoi n’as-tu pas une part de ténèbres delaquelle il pourrait s’emparer ? Tu es son fils. Non pas que je te souhaite cela, parce que ce n’est pasle cas. Je suis curieux.

— J’ai le bonheur d’avoir hérité des fortes caractéristiques de la lignée royale Seelie de ma mère.Cela ne m’a pas empêché de me faire chasser de mon royaume quand il a décidé de me cibler, maisau moins il n’a pas de prise sur mon esprit. Pour ce que ça vaut, je suis vraiment désolé que ce soit lecas pour toi.

Le prince bâilla, puis cligna lentement des yeux.— Merci.Il savait que le prince le pensait. Ils s’étudièrent l’un l’autre pendant un long moment, et, ce faisant,

Kalen ne put s’empêcher de ressentir un nouveau lien de parenté avec lui.Était-ce simplement parce qu’il avait enfin trouvé quelqu’un comme lui ? C’était un gars décent qui

avait été jeté hors de sa maison, laissé seul dans un monde cruel, tout comme Kalen. Ils avaient unennemi commun. Ils étaient tous deux des fées. Et aussi incroyable que cela semblât, il aurait desailes tout comme le prince. Il vivrait peut-être 11 000 ans, lui aussi.

Il espéra seulement qu’il n’aurait pas à vivre une seule de ces années loin de Mackenzie, et surtoutpas sous le règne de Malik.

— Comment puis-je le battre, Votre Altesse ?Sariel hocha la tête alors qu’il tentait de rester éveillé.— Avec ta lumière et ton amour, murmura-t-il d’un ton énigmatique.Puis, ses cils se fermèrent et sa respiration devint profonde. Égale.De la lumière et de l’amour ? Qu’était-ce censé vouloir dire ?— On dirait un conseil de fée, grogna-t-il en sortant de la chambre.« Oh, attends… je suis une fée, moi aussi. Mais pas du type lumière et amour. »Cela pourrait expliquer pourquoi il était condamné.Il apprit de Noah que Mackenzie était occupée dans son bureau avec un appel téléphonique

personnel, alors il se dirigea vers la salle de jeux. Ce ne fut qu’après son départ qu’il se rappelaqu’ils n’avaient pas pu profiter de cette douche ensemble comme ils l’avaient voulu. Il devraitattendre jusqu’au soir. D’ici là, ils devraient passer le reste de la journée avec l’odeur de l’autre.Chaque créature dans le bâtiment saurait à qui la docteure magnifique appartenait.

Et cela lui convenait très bien.

Chapitre 7

Mac se précipita vers les quartiers de Kalen, essayant de ne pas avoir l’air inquiète. Cependant,elle avait une bonne raison de l’être.

Kalen n’était pas allé dîner. En soi, cela avait été une source de préoccupation parmi l’équipe…Les hommes aimaient manger et rataient rarement l’un des excellents repas du cuisinier à moinsd’être malades.

Elle donna de grands coups sur la porte de Kalen et attendit en essayant d’entendre des signes demouvement. Pas de réponse. Elle frappa de nouveau, plus fort cette fois. Toujours rien.

— Kalen !L’inquiétude se transforma en terreur, et elle commença à taper à mort sur la porte.— Ouvre cette maudite porte maintenant, sinon je…Quand la porte s’ouvrit brusquement, elle vit son sorcier debout, torse nu, le jeans bas sur ses

hanches. Ses cheveux étaient emmêlés de façon séduisante, et il cligna des yeux comme s’il sortaitd’une sieste.

— Sinon tu souffleras sur ma maison comme le Grand Méchant Loup ?Elle fronça les sourcils, déterminée à ne pas se laisser distraire par son corps à moitié nu qui lui

donnait l’eau à la bouche.— Je connais justement quelques loups qui pourraient m’aider. Vas-tu me faire entrer ou devrais-je

aller en chercher quelques-uns ?Il lui fit un sourire paresseux.— Combative, n’est-ce pas ? Je t’en prie, entre.Il fit un pas en arrière pour la laisser entrer, puis ferma la porte derrière eux. Immédiatement, il se

jeta sur elle, la fit tourner autour de lui et la colla contre le mur dans l’étroit corridor. Il ressemblait àune panthère, pensa-t-elle, avec ses yeux verts étincelant comme des bijoux dans l’appartement peuéclairé, ainsi que son air affamé. Dangereux.

Sa bouche s’abattit sur la sienne, la capturant, et sa langue glissa entre ses lèvres. Il l’embrassacomme un homme insatiable, embrasant de plaisir chaque nerf de son corps. Elle aimait tant sonmince corps musclé, et son odeur était encore meilleure. Comme la forêt et les pins, avec un soupçonde musc. Brute et masculine.

Il recula un peu, et ses yeux mi-clos révélèrent sa nécessité pure. Un aiguillon d’alarme glissa lelong de la colonne vertébrale de Mac. Pas parce qu’il la désirait, évidemment, mais parce que soncôté sombre était de retour. Celui qui ne faisait aucun prisonnier et ne montrait aucune pitié.

Comme s’il avait détecté son malaise, il lui prit le visage.— Je ne te ferai jamais mal. Jamais. Je préférerais mourir, murmura-t-il.— Je te crois.Elle posa une main sur la poitrine du sorcier et sentit son cœur battre si fort. Fort et régulièrement.

Son regard était plein d’une volonté farouche de conjurer les ombres. Pour elle.— Emmène-moi au lit. Je t’en prie.Avec un grognement, il la souleva dans ses bras et se dirigea vers sa chambre. Elle n’était jamais

venue dans ses appartements, mais ils avaient la même disposition que ceux des autres membres del’équipe, à la seule différence qu’il y avait moins de mobilier.

Elle ne vit ni décorations ni touches personnelles dans ses quartiers.Compte tenu de ses antécédents, cela ne la surprit pas, mais elle trouva cela triste. Elle apporterait

un peu de changements, s’il le lui permettait.Dans sa chambre, il la déposa doucement sur ses couvertures comme si elle était le cadeau le plus

précieux sur terre. Le cœur battant la chamade, elle le regarda retirer son jeans et ses sous-vêtements.Cet homme était un délicieux festin pour les sens. Un si mauvais garçon avec ses ongles peints en noiret les yeux maquillés au khôl.

Elle avait toujours eu un faible pour les mauvais garçons. N’était-ce pas le cas de bien de bonnesfilles ?

— Tu m’as manqué au dîner.— Je me suis endormi, dit-il en se mettant à genoux sur le lit et se glissant vers elle.— N’as-tu pas faim ?— Oh, ouais.Ses lèvres s’incurvèrent vers le haut, et il défit le bouton de son pantalon.— Je ne sais pas pourquoi tu as pris la peine de le remettre.— Parce que j’ai un petit problème à propos de la nudité devant tous les gars, même si ce n’est pas

réciproque.Les membres de l’équipe ne s’inquiétaient pas trop de leur nudité, avant ou après leur

métamorphose. C’était un délice pour les yeux.— C’est vrai.En peu de temps, il lui avait retiré son pantalon et ses sous-vêtements, et son chemisier et son

soutien-gorge suivirent bientôt le reste de ses vêtements sur le sol. Tout ce qui lui restait, c’était sonpendentif en argent autour du cou, suspendu entre ses seins.

— Vous, belle dame, semblez bonne à déguster.— Moi d’abord. Tu me laisses ?Elle tendit la main et enroula ses doigts autour de son érection.Il retint son souffle et balança ses hanches vers elle.

— Tout ce que tu veux, bébé.Ardemment, elle caressa son membre tendu, aimant la dureté soyeuse de sa peau qui glissait dans

sa paume. Elle aimait la sensation de faire trembler un homme adulte, le réduisant à une massefrémissante de désir. Les hommes croyaient qu’ils étaient si puissants, mais quand leur amante lestouchait, les caressait, les léchait et les suçait, ils n’étaient plus si forts.

Elle se pencha et goûta son gland, capturant la goutte nacrée qui s’échappait de sa fente. Il gémitpour la pousser à continuer, et elle le prit dans sa bouche en jouant avec ses couilles. Elle ne selasserait jamais de cela.

Elle le suça doucement, le prenant profondément, de la base de la queue au gland. Elle le lécha entournant la langue comme s’il s’agissait d’une sucette, tout en massant ses gros testicules. Elle traçamême le chemin qui menait de son nombril au bouquet de poils noirs bien taillés à la base. Si viril.

— Chérie, je ne vais pas durer longtemps si tu continues.Il se dégagea doucement et lui fit un petit sourire.— À mon tour, maintenant.Elle se laissa pousser sur le dos sur le lit, et l’admira comme il rampait entre ses cuisses et les

écartait pour apprécier la vue. Il pouvait la regarder de tout son soûl. Elle n’aimait peut-être pas sepavaner nue devant tous les membres de l’équipe, mais elle n’avait pas honte de son corps. Elle n’enavait jamais eu honte. Non, à l’âge adulte, elle avait toujours été une femme sensuelle, très sensible àses besoins et qui n’avait pas peur de les assouvir lorsque l’occasion se présentait.

Et cet homme faisait plus que de les satisfaire.— Tu es belle, murmura-t-il.Il s’allongea et plaça sa tête contre son sexe. Vola avec sa langue une lampée de sa fragrance.

Immédiatement, elle fondit et s’abandonna à ses soins. Sa langue écarta les plis, la lécha avec unelente minutie. Elle gémit, écartant davantage les cuisses.

— Mon Dieu, oui. Mange-moi, le supplia-t-elle.Il exprima son plaisir, et sa langue serpenta plus profondément en elle, glissant le long de ses

parois. Elle haleta, se rendant compte qu’il avait laissé sa panthère sortir juste assez pour qu’elleplante ses griffes dans ses hanches et se serve de sa langue de chat pour lui donner du plaisir de lafaçon la plus coquine qu’elle avait jamais imaginée. Elle jouit presque à cette seule observation.

— Si foutrement douce, dit-il d’une voix graveleuse. Pourquoi ai-je pensé que tu étais innocente ?Tu es de la mauvaise graine.

— Oui, et tu m’aimes comme ça.— Certainement. Et tu es à moi !— À toi ! Je t’en prie…Elle agrippa ses cheveux.— Tu veux ma bite, bébé ?

— As-tu besoin de me le demander ?Il rampa sur elle et sourit, puis ses yeux rencontrèrent les siens, et elle eut une autre surprise. Ses

yeux avaient pris une forme elliptique… ceux de sa panthère. Ils étaient captivants. Félins.Après avoir placé sa bite à son entrée, il la poussa à l’intérieur. Il positionna ses coudes de chaque

côté de sa tête, et poussa encore, jusqu’à ses couilles.— Sauve-moi, Mackenzie, murmura-t-il. Chasse les ténèbres. Sois ma lumière.Oh, mon Dieu, elle allait essayer. Pour lui.Comme il s’enfonçait en elle de plus en plus vite, elle se sentit lentement emmenée au bord

l’orgasme. Se faisant, elle remarqua que ses traits s’aiguisaient encore plus. Elle se rendit compteque c’était une demi-métamorphose. Elle avait vu les hommes se transformer à demi, à l’occasion,mais jamais dans cette perspective. Le sexe, de cette façon, était plus que coquin : il était hallucinant.Et il déclencha une sonnette d’alarme.

Elle n’aurait pas pu tenir compte de cet avertissement, même si elle avait pu exprimer ce qu’ilsignifiait. Au moment où elle le comprit, il était beaucoup trop tard pour arrêter ce qui arriva ensuite.

— À moi, rugit-il en l’enfonçant dans le matelas.— Oui ! Baise-moi !Tout comme cette merveilleuse accélération familière commençait, Kalen enfouit ses doigts dans

ses cheveux, tira sa tête en arrière et légèrement sur le côté. Pendant une fraction de seconde, elle leregarda alors qu’il était au-dessus d’elle, la baisant à en perdre la tête, son si beau visage sous tousles plans et tous les angles, puis ses énormes canines se découvrirent.

— Kalen, attends…Puis, il frappa, enfonçant ses crocs dans sa gorge. La douleur aveuglante ne ressemblait à rien de

ce qu’elle avait déjà ressenti… mais elle fut immédiatement remplacée par une extase qui explosadans son corps. Elle jouit en criant, accrochée à ses épaules comme ils bougeaient encore et encoreensemble. Elle sentit, vague après vague, une euphorie si intense qu’elle s’évanouit presque.

Un fil d’or se tendit entre eux, se renforça. D’une certaine manière, elle sentit qu’il s’agissait là dulien qui les lierait à jamais.

Le lien qu’il avait tissé sans le lui demander.Elle fut à peine consciente qu’il buvait son sang, puis retirait ses crocs et léchait ses plaies. Qu’il

se retirait et la serrait près de lui.Puis, la chambre et son amant disparurent.

Kalen vit sa femelle — wow, sa partenaire — sombrer dans le sommeil, et il retira une boucle de sescheveux de son visage. Une vague de bonheur le rendit si faible que ce fut une bonne chose qu’il soitcouché.

— Tu m’es précieuse, dit-il à sa forme endormie.De l’amour ? Peut-être pas encore. Mais il deviendrait vite amoureux d’elle. Elle possédait déjà un

morceau de son cœur, et son âme allait bientôt suivre.Dans la foulée de cette pensée, il paniqua presque. Que faire si Malik avait entendu cela ? Mais il

n’y avait rien d’autre que le silence dans sa tête, et le lien miraculeux qui l’unissait à sa nouvellepartenaire. Celui qui n’avait jamais eu rien ni personne à lui avait maintenant une raison de se battre.Et de gagner.

Il courba son corps pour protéger le sien, et passa un bras autour d’elle, la tirant aussi fort vers luique possible. Puis, il arrangea les couvertures pour les couvrir tous les deux et s’endormit.

Quelque temps plus tard, il se réveilla sans trop savoir pourquoi. Sonné, il essaya de toucherMackenzie, mais le lit était vide. Il s’assit et laissa ses yeux s’ajuster, puis vit à peine sa silhouetteprès du lit.

— Que fais-tu ?— Je me rhabille.Ses mots, comme ses mouvements, étaient tendus.Il tâtonna pour trouver la lampe sur la table de chevet, il l’alluma, puis cligna des yeux.— Pourquoi ? Où vas-tu ?— Je retourne dans ma chambre.Ses lèvres se pressèrent en une fine ligne de colère comme elle tirait sur son pantalon.Oh, merde.— Mais… je pensais que tu resterais ici avec moi. Qu’est-ce qui ne va pas ?— Tu as juste présumé, hein ? dit-elle sèchement en tirant sur sa chemise. Comme tu t’es dit qu’il

était correct de me mordre, de t’accoupler avec moi sans qu’on en discute d’abord ?Il sortit du lit et étira la main vers la sienne.— Ma chérie, écoute-moi…— Comme tu m’as écoutée, moi ?Elle tira son bras de sa main.— Ne me touche pas !Cela ne pouvait pas se produire.— Ma panthère voulait tellement te prendre qu’elle me déchirait l’intérieur ! Je ne pouvais pas la

retenir, dit-il d’une voix aussi forte que l’était sa peur. Et je pensais que tu le voulais, toi aussi !— Mais tu n’as rien demandé ! cria-t-elle en le poussant dans la poitrine. Tu m’as enlevé mon droit

de choisir, et le lien entre partenaires ne peut jamais être brisé, sauf si l’un de nous meurt.Cela le frappa au cœur, et il s’assit sur le côté du lit. Une tristesse accablante l’anéantit presque.— Je suis désolé. Je reviendrais en arrière, si je le pouvais, si cela te rendait heureuse.Cela, bien sûr, fut une erreur de le dire.— Il est un peu tard pour te soucier de comment je me sens, non ?— Non. Tu as toujours été importante pour moi, dit-il calmement. C’est juste que… je pensais que

tu voulais me ravoir. Tu n’as pas dit non.— J’ai essayé de te demander d’attendre, siffla-t-elle furieusement.— Je suis désolé, mais je ne t’ai pas entendue. Et comment aurais-je pu m’arrêter ? Aurais-tu

refusé de t’accoupler avec moi ?— Je ne sais pas, dit-elle en secouant la tête. Ce n’est pas ce qui importe.— Je ne suis pas d’accord. Je ne pense pas qu’il soit juste de m’en vouloir alors que tu aurais dit

oui, de toute façon.— Oh, j’aurais dit oui ?Ses yeux lancèrent des éclairs bleus.— Espèce d’idiot arrogant. Je ne veux plus parler de ce sujet. Je vais retourner à ma chambre, et te

serais reconnaissante de me laisser seule pendant un certain temps.Il avala le nœud de douleur qu’il avait dans la gorge.— Combien de temps ?— Jusqu’à ce que je sois prête à te reparler. Je te le ferai savoir.Cette fois, il n’essaya pas de l’arrêter. Après son départ de la chambre, il baissa la tête et écouta,

attendant le clic sinistre de la porte qui se refermait dans le hall d’entrée.Une brûlure atroce commença dans sa poitrine et se propagea dans sa gorge et ses yeux. Il essaya

le plus possible de la réprimer, mais il n’y arriva pas. Il n’avait pas pleuré depuis la nuit, il y alongtemps, où il avait fini par avoir tellement faim qu’il avait donné sa virginité dans une ruelle salepour quelques maigres dollars. Il avait fini déchiré et ensanglanté, sur le sol, à pourrir avec le restedes poubelles. Et après qu’il avait eu séché son visage, il s’était juré qu’il ne verserait plus jamaisune autre larme. Pour personne, jamais.

Mais il n’avait jamais envisagé que quelque chose puisse lui faire encore plus mal que ce quis’était passé lors de cette horrible nuit. Qu’il pourrait à nouveau se sentir aussi laid, utilisé et bonpour les rebuts !

Et il laissa les larmes tomber parce qu’il ne pouvait plus les retenir.Sa panthère en détresse rugit, mais il ne trouva aucun réconfort ni pour elle ni pour lui-même. Il ne

savait pas combien de temps il était resté assis là, nu et grelottant dans l’obscurité, quand il entenditcette voix. Sa voix, si faible et rassurante.

— Ne t’avais-je pas dit que cela se passerait ? Ne m’écouteras-tu jamais ? Aime ces créaturesinférieures, et elles te blesseront encore et encore.

— Tu m’avais averti, admit-il, le cœur serré.— Je te veux, moi, mon garçon. Je suis ici pour toi, alors laisse ton âme se détendre.Quelqu’un se souciait de lui. Il avait tant besoin de le croire. Il devait s’accrocher à quelque chose,

sinon il pourrait tout aussi bien crever.— Je ne permettrai pas que tu meures. Tu es destiné à accomplir de grandes choses à mes côtés.

Il ferma les yeux.— Je ne peux pas supporter cette douleur plus longtemps. Je ne peux plus être seul, sans personne

qui se soucie de moi. Arrête ça. S’il te plaît, je t’en supplie.— Tu es le seul à pouvoir y mettre fin, mon garçon. Tu ne sens pas le pouvoir dans ton ventre,

qui coule dans tes veines ? Maîtrise-le. Concentre ta magie. Transforme toute ta douleur et tacolère en carburant pour te guider. Peux-tu le sentir ?

Les mots battirent dans son crâne, comme un réconfort apaisant dans un océan de chaos. Kalentrouva son centre et se concentra sur le pouls de sa magie. Juste là, résidant dans son cœur, prête àexécuter ses ordres.

— Oui, je le sens.— Bon. Maintenant, saisis le fil de ta colère et enroule-le soigneusement autour de la bobine de

lumière qui est ta magie.Il se concentra et imagina sa rage comme un ruban noir, circulant librement à travers son corps.

Sans entrave, sans but. Puis, il en prit un bout et se mit à l’enrouler autour de la sphère de lumièredepuis son centre, où la magie commençait. Il enroula le ruban autour de sa magie, le fit tournercomme s’il s’agissait d’un bonbon à la menthe — avec du noir au lieu du rouge.

— C’est fait.— Excellent, mon cher. Tu peux détruire une ville entière avec la force qui est en toi,

maintenant. Tu vois ?— Oui. C’est fantastique.Il ne pouvait nier la vérité.— Tu peux le faire quand tu le souhaites. Utilise-le bien quand tu exerces tes compétences

contre ces hypocrites qui se disent tes amis. Te rappelles-tu ce que je t’ai demandé de faire ?— Un petit malheur, une mauvaise farce. Rien de trop remarquable.— Quand vas-tu commencer ?— Tôt demain matin. Au petit déjeuner.— Très bien. Conçois quelque chose de particulièrement désagréable que tu auras du plaisir à

regarder.— Oh, je le ferai.Il sourit à la perspective.— Personne ne me blessera à nouveau.— Non, parce que tu les tueras. Tous, avec le temps.Son aine durcit à cette idée.— Maintenant, en ce qui concerne ton premier véritable test. Abaisse tes boucliers autour du

camp afin que je puisse entrer.Sa détermination faiblit.

— Quoi ? Maintenant ?— Oui. Abaisse-les.— Je… je ne peux pas.Il sentit la confusion dans son cœur.— Tu le peux. Tu ne désires pas ta récompense de sang ?— Oui, mais… Tu vas leur faire mal.— Non. Voilà ta tâche. Te venger de ceux qui t’ont fait du tort.Il hésita, soudainement tourmenté.— Te rappelles-tu du goût riche du sang, à quel point notre lien est délicieux ? Imagine-le sur ta

langue, comme le chocolat et le vin, comme dans tes souvenirs.Il agita une main, psalmodia quelques mots, et les boucliers tombèrent. Immédiatement, une

silhouette sombre sortit de l’ombre au-delà du bassin de lumière de la lampe.— Viens à moi, mon garçon.Debout, il se dirigea vers Malik, indifférent au fait qu’il était toujours nu. Mais peu importait.

L’autre homme avait pris sa vraie forme Unseelie, dans toute sa brutalité et sa gloire terrifiante. Ilétait si grand, sa tête touchait presque le plafond, et ses ailes de cuir étaient légèrement écartées,prenant la largeur de la pièce. Il était tout en muscles, telle une force brute, plus impressionnant quejamais.

Quand Kalen fut en face de lui, le Unseelie lui prit l’arrière de la tête et approcha le visage dusorcier au creux de son cou.

— Prends mon sang comme le font ceux de notre espèce. Je sais que tu le veux.C’était vrai. Sa bouche salivait devant cette perspective. Ses crocs s’allongèrent, et il frappa

rapidement en les enfonçant dans la chair de l’homme. Le nectar noir happa sa langue, et il gémit enavalant tout ce qu’il put. Si bon. Sa puissance sauvage l’excita contre sa volonté.

Ces sentiments ne concernaient pas du tout Malik. Mais l’attrait de l’obscurité, du mal, était uneautre affaire. Sa poussée d’adrénaline fut un million de fois supérieure à celle de toute drogue de larue, et beaucoup plus addictive. Il n’aurait pas pu davantage arrêter l’extase d’inonder sa queue et sescouilles qu’il aurait pu arrêter son cœur de battre.

— Tu en as assez eu.Le Unseelie l’arracha de lui, le tint à l’écart.— Non ! Je t’en prie, j’en veux plus. Il détestait avoir à supplier ce bâtard.Malik sourit, ce qui le fit ressembler encore plus au diable.— Et tu en auras encore la prochaine fois que tu me feras plaisir. Communique avec moi demain

quand tu auras accompli ta première mission.— Oui, Malik.

Le Unseelie tendit la main et passa une griffe sur sa joue. Curieusement, son expression s’adoucit.— Tu me fais plaisir, mon garçon.Un tel geste paternel, accompagné de mots qu’il aurait eu envie d’entendre de son propre père.— Merci.Mon Dieu, il était tellement confus.En un clin d’œil, le Unseelie avait disparu.Retombant sur le lit, Kalen prit sa queue dans sa main. Il devait soulager son excitation grisante,

sinon il perdrait la tête. Si ce n’était pas déjà le cas. Le nectar coulait comme de l’héroïne dans sesveines. Exactement, le soupçonna-t-il, comme Malik le voulait, mais il s’en fichait.

Il prit sa verge et la caressa fermement. La pressa. Ses couilles se soulevèrent, et il suffit dequelques coups de plus pour qu’il jouisse sur son ventre. Même un peu sur sa poitrine. Rien ne secomparait au voyage que lui faisait faire le sang du Unseelie. Il pourrait facilement devenir accro.

Comme il serait accro à sa partenaire, si elle ne l’avait pas rejeté.Évidemment, cela avait été un rêve. Ceci, cependant, était réel.Avant de se laisser sombrer dans le sommeil, il psalmodia quelques mots pour replacer les

protections magiques sur le camp.Bien que dans un coin sombre de son cœur, il avait été tenté de ne pas le faire.

Le petit déjeuner fut une affaire intéressante.Assis en face de Ryon, Kalen étudia l’homme aux cheveux blonds et envisagea la meilleure façon

de lui faire mal. Il était un médium et un télépathe. Il pouvait parler aux esprits et détestait son soi-disant don. Maintenant, il devait trouver un moyen de se servir de cela contre lui.

En tant que sorcier, l’un des pouvoirs de Kalen était la nécromancie — il pouvait ressusciter lesmorts et leur parler. Cela s’avérait bien pratique de temps en temps, comme lors d’une enquête. Cedon pourrait maintenant lui servir.

Cela serait amusant, n’est-ce pas ?Du coin de l’œil, il vit Mackenzie de l’autre côté de la salle à manger, et pendant quelques

secondes, sa volonté faiblit. Puis, en repensant à l’incroyable douleur qu’il avait ressentie quand ellel’avait quitté, il trouva la force d’exécuter son plan.

Son attention revint vers le loup argenté, et il réfléchit longuement à son défi. Kalen ne pouvait pasvoir les fantômes comme Ryon. Pour parler avec eux, le sorcier devait se servir de sa magie pourdemander à l’esprit de revenir dans son ancien corps au cimetière. N’ayant ni tombes ni cadavres, ildevrait improviser. Et la meilleure façon de s’y prendre était par la création d’une illusion.

Ryon ne devait pas savoir que Kalen était derrière ce qui était sur le point de se produire. Quoiques’il le soupçonne, il ne pourrait pas le prouver. Faisant semblant de profiter de ses œufs et de sonbacon, Kalen se concentra. Il envoya une vague d’énergie faite d’air, de lumière et d’une touched’ombre. La composition se mélangea pour former une grande silhouette menaçante drapée dans ce

qui semblait être un manteau sombre. Son visage blanc était vide, et elle alla se poster à côté du loup,puis tendit vers lui une main squelettique en pointant un doigt osseux.

Le blond était absorbé dans une conversation avec Zan, qui était assis à côté de lui, et ne remarquapas la présence étrange au début. Personne d’autre dans la pièce ne pouvait la voir, sauf Ryon etKalen, qui faisait comme si elle n’existait pas.

Ryon rit à une plaisanterie de Zan, puis regarda à sa gauche. Il s’étouffa avec sa nourriture, à la vuede la silhouette masquée. Un frisson de satisfaction s’infiltra dans le cœur de Kalen, même s’il enavait honte. Ryon avait toujours été assez gentil avec lui et…

— Concentre-toi, Kalen. Rends-moi fier.Son doute diminuant, Kalen envoya un autre éclat de magie dans sa création, l’animant brièvement.— Tu ne sers à personne avec ton don sans valeur, siffla-t-il à Ryon. Meurs !Ryon devint immédiatement blanc comme un drap et faillit tomber de sa chaise.— Qu’est-ce qui se passe, bordel ?Faisant faire un dernier soubresaut à son personnage, Kalen lui fit se précipiter sur Ryon et passer

à travers lui avant de disparaître. La force de ce geste poussa le loup par terre, où il atterrit sur lederrière.

— Bon Dieu, lâcha Zan d’un air surpris, en lui donnant la main pour le relever. Qu’est-ce qui sepasse, merde ?

— Tu ne l’as pas vu ?Il laissa Zan l’aider à se relever et se tint près de sa chaise, manifestement ébranlé. Les yeux

hagards, il se tourna sur lui-même, cherchant le spectre dans chaque centimètre de la salle à manger.— Je n’ai rien vu sauf quand tu es tombé de ta chaise comme si tu venais de voir un fantôme. C’est

ça, hein ?— Ouais. Merde.Il tira sur ses cheveux, l’air en détresse.— Mais ils ne m’avaient jamais attaqué, auparavant. J’ai senti ce salopard passer à travers moi.— Sans blague, dit Jax, qui était à proximité, les sourcils froncés. Tu vas bien ?— Ouais. Disons que j’irai mieux dès que j’effacerai de ma tête l’image de la Grande Faucheuse

qui me dit que je ne vaux rien et de mourir.Cette histoire alarma grandement ses amis, qui l’assaillirent de questions. Kalen en posa quelques-

unes aussi, pour éloigner tout soupçon de lui. Ensuite, le groupe décréta qu’il s’agissait d’unévénement aléatoire, sans que Ryon en soit tout à fait convaincu. Son appétit ayant disparu, ils’excusa et partit.

Un autre pincement de culpabilité transperça la poitrine de Kalen. Il avait bouleversé un hommebon uniquement pour le plaisir de le regarder souffrir. Pire encore, tout le monde n’avait pas ététrompé en pensant que l’incident avait été totalement « aléatoire ».

Mackenzie le regardait avec des poignards dans les yeux. La poitrine de Kalen se serra comme ellese levait et se dirigeait vers sa table.

— Je veux te parler. Seul.Pour se protéger, il passa à la défensive.— Tu n’as pas pris un assez gros morceau de moi hier soir ? Tu veux un couteau pour finir le

travail, bébé ?— Je sais ce que tu viens de faire. Alors, à moins que tu veuilles que tout le monde ici écoute notre

conversation, je te suggère de venir avec moi, bébé, lui chuchota-t-elle dans l’oreille d’un toninquiétant, penchée vers lui.

Elle se redressa et sortit.« Je suis foutu », pensa-t-il.Ignorant les regards curieux dirigés vers lui, il s’essuya la bouche, jeta la serviette dans son

assiette, et la suivit. Elle le conduisit dans le couloir, et ne parla pas tant qu’elle ne fut pas seule aveclui dans la salle de conférences. Elle posa une fesse sur le coin de la table, croisa les bras sur sapoitrine et lui lança un regard de dégoût pur.

— Veux-tu me dire pourquoi tu as fait ça, là-bas ?Merde, elle avait l’air sexy quand elle devenait agressive comme ça. C’était un côté de sa docteure

qu’elle ne montrait pas souvent, et ça l’excitait. Par contre, ce n’était probablement pas une bonneidée de le souligner maintenant.

Lui accordant toute son attention, il se rendit compte qu’elle était non seulement en colère… maiselle était aussi déçue. Elle ne pouvait pas cacher l’émotion ni son épuisement dans ses yeux bleus. Ilse demanda si elle avait dormi après son départ la veille.

Il s’en souciait. Même si elle l’avait rejeté, il se souciait beaucoup trop de ses sentiments. De sonbien-être. La pensée de blesser Mackenzie lui faisait du mal à son tour.

— Comment as-tu deviné que c’était moi ? demanda-t-il d’une voix rauque en s’effondrant dans unfauteuil.

— Je ne l’ai pas deviné. Nous sommes des partenaires maintenant, tu te souviens ? cracha-t-elle. Jene peux pas lire dans tes pensées, mais je ressens toutes tes émotions clairement. Y compris ta rage etta culpabilité.

Il se tendit.— Depuis quand ?— Ce matin, quand tu es arrivé pour le petit déjeuner. J’ai commencé à tout ressentir, juste après

ton arrivée, et je savais que ça venait de toi. Si tu te concentres, tu peux aussi sentir les miennes.— Je n’ai pas besoin de les sentir pour savoir que tu es en colère, murmura-t-il.— En colère ?Elle le regarda, incrédule.

— Kalen, ce que tu as fait à Ryon peut sembler inoffensif, mais l’intention derrière l’acte était trèsgrave. Pourquoi as-tu fait quelque chose comme ça ?

Son regard tomba sur ses bottes.— Mon Dieu, ce salopard de Unseelie te domine encore plus que je le pensais. Qu’est-ce qu’il a

qui t’attire autant ?Sa colère se dissipa, et fut remplacée par la peur, et elle eut le souffle coupé.— Tu n’as pas… couché avec lui, n’est-ce pas ?Il resta bouche bée.— Non !Il secoua la tête, et son estomac se souleva à cette pensée… et à la pensée qu’elle avait même pu

songer qu’il avait eu des relations sexuelles avec le Unseelie. Sa panthère rugit de mécontentement àl’idée de coucher avec quelqu’un d’autre que sa partenaire.

— Pas du tout. Ce n’est pas ce que tu crois. Je ne te mentirais jamais, à ce sujet.Elle poussa un soupir et hocha la tête. Ses couleurs revinrent en partie.— Bien. Alors, comment peut-il avoir tant d’influence sur toi ?— Tu le sais en partie. Il profite de mes insécurités et sympathise avec tous les problèmes que j’ai

eus dans le passé, admit-il avec difficulté. Il me dit tout ce que j’aurais voulu entendre de mon père.Il me dit qu’il est fier de moi, et quand je lui fais plaisir, il me donne une récompense de sang.

Elle se figea.— Le sien, ou celui de quelqu’un d’autre ?— Le sien. C’est comme une drogue dont mon système a déjà besoin, et maintenant je ne sais pas

comment je vais arrêter.Elle baissa la tête et se tut. Quand une larme glissa sur sa joue, Kalen se leva pour la prendre dans

ses bras, mais elle tendit la main pour l’arrêter.— C’est tellement fou. Je ne sais pas comment faire face à tout cela ni à toi.Son agonie lui transperça le cœur.— Si je ne suis qu’un autre problème que tu dois régler, alors peut-être que je n’en vaux pas la

chandelle. Au moins, Malik ne pense pas que ce soit le cas.C’était un coup bas, et il produisit un résultat instantané. Elle se poussa du bord de la table,

s’avança rapidement vers lui et leva la main. Sa paume heurta sa joue en faisant un bruit qui retentitdans toute la pièce. Il ne bougea pas. Ne respira pas.

— Ne me compare jamais à cet enfoiré de meurtrier, plus jamais ! cria-t-elle. Il n’y a pas une seulepersonne dans ce bâtiment dont il n’a presque pas détruit la vie ! Est-ce vraiment ce que tu veux ?Aider ce salaud à tuer tes amis ? Peut-être même à te tuer ?

— Non. Ce n’est pas du tout ce que je veux.D’une seconde à l’autre, il allait imploser. Que pouvait-il supporter de plus ?

— Alors, combats-le ! Sinon, tu n’es pas l’homme que je pensais que tu étais.— Mais je ne peux pas…Elle ne l’écoutait déjà plus. Elle se tourna et sortit de la pièce en ouvrant la porte si fort qu’elle

claqua contre le mur et écailla la peinture.— Je ne peux pas combattre sans toi, dit-il une fois seul.Sa partenaire était la seule chose bonne et pure qui lui permettait de garder la tête hors de l’eau.Sans Mackenzie, il sombrerait dans les profondeurs d’un enfer d’où il ne sortirait jamais.

Chapitre 8

Mac passa en vitesse devant la réception en ignorant la question de Noah.— Doc ? Tu vas bien ?Elle continua. Quand elle arriva dans le sanctuaire de son bureau, elle claqua la porte et resta

debout, la poitrine haletante. Une vague de vertige la submergea, et la pièce commença à tourner. Ellehésita et tendit la main, se rendant compte qu’elle était sur le point de s’effondrer…

Et une main forte lui saisit le bras pour la stabiliser.— Oohh ! fit doucement Nick. Viens, assieds-toi.Il l’aida à s’asseoir dans l’une des deux chaises destinées aux patients en face de son bureau et

s’assit à côté d’elle en lui frottant la main.— Merci. Je ne t’avais pas vu.Elle prit quelques respirations profondes, en essuyant les larmes de ses yeux fatigués.— Je viens d’arriver. Je pensais m’asseoir en t’attendant. Ça va mieux, maintenant ?— Je pense que oui.— Dois-je te demander qu’est-ce que…Il s’arrêta au milieu de sa phrase, les yeux écarquillés.— Oh, Mac. Bordel, ne me dis pas que ce que je viens de ressentir est vrai.— Cela dépend de ce que tu penses avoir vu, crâna-t-elle.— Ne me dis pas que tu es enceinte de Kalen, dit-il doucement.Elle déglutit difficilement.— Bon sang, c’est difficile de garder un secret lorsqu’on vit avec un tas de loups aux capacités

psychiques.Sa tentative de plaisanterie tomba à plat. Les lèvres de Nick ne se pincèrent même pas.— Est-ce que Kalen le sait ? Je l’ai rencontré hier et je n’ai rien senti chez lui.— S’il l’avait su, tu l’aurais ramassé à la petite cuillère, dit-elle en reniflant. Disons que notre

relation ressemble à des montagnes russes. Non, le moment idéal pour lâcher cette bombe ne s’estjamais présenté.

— Sans parler de ta peur pour votre bébé, et cela t’empêche de lui dire la vérité.Elle hocha la tête misérablement, en essayant de ne pas pleurer.— Je sais dans mon cœur qu’il ne ferait pas intentionnellement du mal à notre enfant.— S’il se maîtrisait lui-même.— Oui.

— Te sens-tu bien, physiquement ? À part les vertiges, je veux dire.— Je vais bien, vraiment. C’est probablement parce que je viens de commencer à avoir quelques

nausées matinales et que je ne peux pas manger beaucoup le matin. Je n’ai pas autant de nausées plustard dans l’après-midi, alors je peux manger un peu mieux.

— Très bien.Le silence se fit entre eux pendant que le commandant absorbait cette nouvelle.Il finit par croiser son regard.— Ce qui se passe entre Kalen et toi ne me facilite pas la tâche quant à ce que je viens te

demander. Bien au contraire.— Quoi que ce soit, tu sais que je t’aiderai comme je le pourrai, lui dit-elle avec un certain

malaise.— Je sais, et je t’en suis reconnaissant. Comme tu le sais, Kalen a besoin de beaucoup d’aide…— Sans blague ?Embarrassée par son explosion sarcastique devant son patron, elle grimaça.— Désolée. Ce n’était pas très professionnel de ma part.Il lui fit un demi-sourire compréhensif.— Je dirais que tu as le droit d’être un peu angoissée quand il s’agit de notre sorcier. Je veux que

tu saches que je suis aussi inquiet pour toi que je le suis pour Kalen.— Nick, je vais bien, essaya-t-elle de le rassurer.Mais il n’y croyait pas.— Mac, je sais pourquoi tu es partie de Dallas. Et même si Kalen n’est pas un de tes patients, les

répercussions éventuelles sur toi sont tout aussi dévastatrices. Il est plus troublé et instable quequiconque avec qui tu as travaillé, même l’homme qui t’a attaquée il y a quelques années.

Pourquoi cet homme était-il toujours aussi raisonnable ?— C’est vrai. Mais je ne crois sincèrement pas que Kalen va me faire du mal.Elle devait y croire.— J’espère que tu as raison.Il se pencha en avant, d’un air sérieux.— Nous savons que Kalen est sur le bord d’une falaise, et qu’il n’en faudrait pas beaucoup plus

pour qu’il bascule. Il a besoin que nous soyons tous là, à lui montrer notre soutien, prêt à le tirer enarrière pour qu’il s’en sorte.

— Je ne peux pas être en désaccord avec cela.Elle fit une pause.— As-tu su ce qui est arrivé au petit déjeuner ?— À propos de Ryon qui s’est fait renverser sur sa chaise par l’un de ses fantômes ? J’ai entendu

parler de ça. Et ?

Il attendit son explication.— Ce n’était pas l’un des fantômes de Ryon, dit-elle. Kalen s’est amusé à créer cette illusion pour

lui flanquer une sacrée trouille.— Merde, je craignais que quelque chose comme cela se produise.Il la regarda, troublé.— Mais je ne l’ai pas senti, ni quiconque pour autant que je le sache. Comment as-tu su ce qu’il

avait fait ?— J’ai senti ses émotions. J’ai lu ses intentions à travers elles.Ses sourcils se rapprochèrent.— Et comment peux-tu faire cela alors que personne d’autre n’y arrive ?— Parce que la nuit dernière, il m’a prise pour partenaire, dit-elle avec difficulté.Elle sentit la chaleur sur son visage.— Sans ma permission, ajouta-t-elle.— Il a fait quoi ? Bordel de merde !Son rire fut complètement dénué d’humour comme il secouait la tête.— Je dois lui tirer dessus maintenant pour qu’il arrête de blesser tout le monde.Elle grimaça.— C’est une solution un peu sévère. Nous étions deux dans le lit, après tout.En entendant ses propres mots, elle commença à penser qu’elle avait peut-être été un peu trop dure

avec son amant. Il avait essayé de s’expliquer, et elle n’avait pas voulu l’écouter.— Je suis désolé, mais dans mon ancien clan de métamorphes-nés, la peine pour avoir pris un

partenaire sans consentement est soit l’exil, soit la mort.Jamais elle ne l’avait entendu parler de son ancienne vie, auparavant. Elle se demanda où avait été

ce clan et où il pouvait être, maintenant. Si quelqu’un lui manquait. Mais malgré sa curiosité, c’étaitune frontière qu’elle ne pouvait pas transgresser avec son patron, et ils devaient discuter d’unproblème plus immédiat.

Elle revint à l’objet de sa visite.— Eh bien, tu ne vas pas l’abattre, sinon tu ne serais pas ici à discuter de notre bien-être avec moi.

Que penses-tu que je dois faire ?— Il a besoin de parler à quelqu’un de ses luttes passées et présentes, affirma Nick. Je sais que les

choses ne sont pas faciles entre vous deux en ce moment, mais il a besoin de toi.— Tu penses que je devrais lui donner une autre chance.— Je pense que tu devrais faire ce que te dicte ton cœur. Je pense qu’il arrivera à vaincre Malik

s’il est heureux avec toi.— Pas de pression, hein ?Merde ! Il devenait très évident qu’il n’abandonnerait pas tant qu’elle n’acquiescerait pas. Baissant

les bras, elle glissa dans sa chaise en hochant la tête.— Bien. Je vais essayer, mais c’est tout ce que je peux te promettre.— C’est noté.Nick fut visiblement heureux.— Tu es sûre que tu vas bien après cet épisode de vertige ? Veux-tu que j’appelle Mélina pour

qu’elle vienne t’examiner ? demanda-t-il.— Non, merci. Je vais bien, maintenant.— Mmm.Ce qui voulait dire qu’il allait probablement le faire, de toute façon.— Eh bien, repose-toi. Je te verrai plus tard.Elle fit à Nick un sourire sans enthousiasme et le regarda sortir. Et elle ne fut pas surprise de voir

Mélina entrer en trombe dans son bureau moins d’une minute plus tard.— Qu’est-ce que ça signifie, que tu n’allais pas me dire que tu avais été prise de vertige ? râla-t-

elle.De retour à la salle d’examen. Et il ne lui restait qu’environ huit mois de plus à tirer.Youpi.

« Tu ne seras pas seul. Nous serons toujours là avec toi. »Mais ce n’était pas vrai, malgré leurs bonnes intentions, pensa Kalen. L’obscurité en lui

s’enracinait comme une plante qui était en train de mourir de soif depuis trop longtemps. Il serecroquevilla sur le côté et regarda par la fenêtre de la chambre la journée faussement lumineuse.Par-delà la forêt luxuriante, où sa panthère voulait aller courir. Mais même ce petit bonheur lui avaitété enlevé, à moins qu’il ne veuille risquer d’être attiré dans le repaire de Malik à nouveau.

Les bras croisés, il regarda sa main posée sur le lit. En se concentrant sur sa panthère, il semétamorphosa un peu, et une de ses griffes acérées poussa au bout de son index. Une arme mortelleapte à embrocher un ennemi. Surtout alors qu’il était l’un d’eux.

La griffe ferait une parfaite lame de rasoir.Le cœur battant, il plaça la pointe de la griffe contre l’intérieur de son poignet gauche. Pouvait-il le

faire ? Pratiquer quelques entailles profondes et attendre que la douleur prenne fin pour de bon ?L’amitié de Nick, le soutien de l’équipe et même l’amour de Mackenzie étaient conditionnels. Ils

l’acceptaient tant qu’il ne foutait rien en l’air. Ce qu’il avait fait, souvent. Il n’avait rien. Pas devéritable maison, une partenaire qui ne voulait pas de lui ; seul un salaud démoniaque s’intéressait àlui. Il finirait par nuire à toutes les personnes dont il avait voulu se soucier.

« Je vais mettre fin à tes jours », avait dit Nick.Pourquoi attendre ?Puis, il repensa spontanément aux moments où il avait fait l’amour à Mackenzie. Lorsqu’il la tenait

près de lui, peau à peau, et écoutait seulement sa respiration. Les images douces-amères apaisèrent

progressivement la tourmente dans son esprit. Elles calmèrent son désespoir. Malgré le triste cheminqu’il avait parcouru pour en arriver à ce point, il n’était pas prêt à abandonner.

Pas encore. Sa mort devait avoir un sens. Un but. D’ici là, il allait s’accrocher. Une autre heure. Unjour de plus. Sa griffe se rétracta, et il commença à se détendre.

— Viens à moi, mon garçon. J’ai une mission pour toi.Il sursauta quand il entendit la voix de ce damné Unseelie dans sa tête, mais il s’attendait à moitié à

ce que le salaud s’introduise dans le sillage de ses dernières pensées.— Je ne peux pas le faire, dit-il sèchement pour masquer sa peur. On est au milieu de la putain de

journée. Tout le monde voudra savoir où je vais.— Ne me prends pas pour un imbécile. Tu es un sorcier. Tu n’as qu’à masquer ton départ, et

personne ne le saura.Pas nécessairement vrai. Il savait qu’une personne pouvait le savoir, mais il garda soigneusement

cette information secrète.— C’est un risque inutile.— Et un test. Ne joue pas avec ma patience. Amène-toi ici.Kalen fronça les sourcils. Une fissure dans la façade de persuasion normalement cool du Unseelie

? Intéressant. Quoi que Malik fût en train de faire, il y avait une certaine urgence dans sa voix, et ils’abandonna à sa curiosité.

— Je serai là. Es-tu à la cabane ?— Non. Suis notre lien, et tu me trouveras.— Ou je pourrais me contenter de suivre la puanteur.Une douleur cuisante le poignarda dans la tête à titre de punition rapide, et elle partit si vite qu’il

eut à peine le temps de souffler. La connexion entre eux disparut, mais ses ordres étaient clairs. MonDieu, comme il voulait arracher la gorge de ce bâtard. Un jour, bientôt, se promit-il.

Mais il était le seul à pouvoir se rapprocher suffisamment de Malik pour connaître ses plansimmédiats relativement à ses soi-disant super métamorphes. Et aider l’équipe à l’arrêter. Siseulement il pouvait tenir le coup.

Réfléchissant à ses options, le fait de marcher à travers le camp occupé, même masqué, ne luisembla pas une bonne idée. Nick ou l’un des autres loups pourraient quand même sentir sa forcevitale se déplacer près d’eux. Il pourrait utiliser sa magie pour se déplacer, mais c’était une méthodedont il se servait rarement. Il fallait beaucoup de concentration, et ce moyen lui prenait beaucoup tropd’énergie. Mais en ce moment, cela restait le meilleur moyen.

Fermant les yeux, il laissa la pièce disparaître. Il se concentra sur sa respiration pour trouver soncentre. Puis, il ouvrit son esprit au fil noir de son lien avec le Unseelie. Le lien s’étirait au-delà deslimites du camp, de la forêt, sur des kilomètres, presque dans la ville de Cody. Qu’est-ce que Malikfaisait là ?

Pas le temps de s’attarder à cette question. Rassemblant sa magie, il se concentra sur son pouvoir.Il s’en servit pour briser chaque particule de son corps pour ne devenir que de la brume… unetransition dangereuse s’il perdait son emprise sur son pouvoir. Il laissa son corps amorcer ledéplacement et il se sentit voyager dans l’espace. De plus en plus vite, suivant le fil noir jusqu’aubout, jusqu’à Malik.

Comme il atteignait sa destination, sa forme redevint corporelle. Ses bottes touchèrent le sol, et ilprit une profonde inspiration, se balançant un peu. Il y avait des points clignotants dans sa vision.

— Merde, ça me draine de l’énergie chaque fois.— Peut-être que tu devrais t’y exercer davantage.Malik se tenait à quelques mètres de lui, habillé en Evan Kerrigan. Il ressemblait à n’importe quel

homme d’affaires chic sorti faire une promenade du midi, les cheveux noirs lissés en arrière, deslunettes de soleil perchées sur son visage anguleux.

— Que veux-tu ? demanda Kalen avec un ton venimeux à peine dissimulé.— Tu es si irritable, répondit-il en souriant. Mais surveille ton langage avec moi, mon garçon.— Peu importe.Regardant autour, il fronça les sourcils.— Pourquoi sommes-nous debout au milieu d’un parc ? Où sommes-nous, exactement ?— Nous sommes dans une petite ville non loin de Cody, dont le nom n’a aucune importance. C’est

charmant, n’est-ce pas ? observa-t-il en agitant une main devant le quartier calme de la ville.À travers l’étendue de pelouse, un couple promenait un labrador blond. Un homme faisant du

jogging devant eux sur le pavé du chemin sinueux se retourna à la vue sans doute étrange d’un hommed’affaires et d’un gars habillé en gothique qui flânaient dans le parc.

— Ouais, c’est bien. Qu’est-ce que cet endroit a à voir avec quoi que ce soit ?— Manques-tu d’imagination à ce point ? Regarde autour de nous. C’est la toile de fond idéale

pour notre premier coup de pinceau.— Que veux-tu dire ?Quand Malik lui lança un regard étrange, la peur se glissa dans son ventre.— Tu n’as pas l’intention de blesser l’une de ces personnes, n’est-ce pas ?Le Unseelie se moqua de sa question.— Comment peut-on avoir vécu ta vie et avoir encore le cœur sur la main ? Tu as erré à travers

plus d’une ville comme celle-ci, lorsque tu étais affamé et sans abri. Est-ce qu’une seule de cespersonnes t’aurait offert un coup de main ?

Il ne répondit pas. Bien sûr que personne ne l’aurait fait.Il secoua plutôt la tête.— Cela ne signifie pas que ces gens méritent de mourir pour l’indifférence des autres. Il n’y aurait

plus personne sur la terre si…

— Oui, oui, l’interrompit le Unseelie avec impatience. J’ai déjà entendu tout cela. Même si c’est lecas, aucun de ces êtres humains n’est sans défaut. Le joggeur qui vient de nous dépasser trompe safemme. Le couple qui promène son chien là-bas a fermé la porte au nez d’un scout qui ramassait desboîtes de nourriture pour la banque alimentaire locale. Ce même scout avait frappé un autre élève àl’école la veille, et lui avait crié des noms. Personne n’est innocent, Kalen.

— Mais…— Cette beauté que tu vois n’est qu’une simple façade. Voilà pourquoi je t’ai amené ici, pour un

simple rappel. Et aussi pour que tu accomplisses un deuxième exercice de tutelle.— Que comptes-tu faire ? demanda-t-il en essayant de cacher son inquiétude.— Mes sluaghs arrivent. Ils doivent se déplacer à pied, car ils sont beaucoup trop nombreux pour

que toi et moi puissions les transporter par magie.Ses yeux étaient comme ceux d’un serpent, brillants et froids.— Ils vont raser cette jolie petite oasis et dévorer tout le monde… pendant que toi et moi resterons

ici à rire de leurs cris.Kalen recula d’horreur.— Je ne te permettrai certainement pas de massacrer ces personnes, et je t’aiderai encore moins à

le faire.— Mais oui.Il tendit la main et mit sa paume sur le front de Kalen.— Et en plus, tu apprécieras chaque seconde du spectacle.— Non, je…— Abyssus abyssum invocat.L’enfer appelle l’enfer.Leur lien s’ouvrit et inonda chaque cellule de son corps ; une ruée noire comme l’encre si forte, si

douloureuse, qui le fit presque tomber à genoux. Il lutta contre la marée montante du mal et sutimmédiatement qu’il ne pouvait pas gagner cette bataille — pas sans la force de l’amour de sapartenaire de son côté. Pas sans son odeur, sa proximité, sa croyance en lui. Il perdait pied.

Il sentit le changement se produire dans son esprit, le glissement vers la dépravation. Il ne putl’arrêter complètement…. Mais en désespoir de cause, il s’accrocha à une image du sourire deMackenzie, la façon dont elle le regardait quand elle était heureuse. Il tint cette image près de sonesprit et de son cœur, même alors que la partie corrompue de son âme se réjouissait à la perspectived’infliger de la souffrance aux autres.

— Ça y est, mon garçon, dit la voix de Malik dans la tourmente. On t’a tellement fait mal, non ? Tuveux ta vengeance. Laisse-la te remplir.

Il respirait fort, et luttait pour ne pas sombrer. C’était presque plus facile avant, avant qu’il nefasse de Mackenzie sa partenaire. Au moins là, sans la force de son lien qui rivalisait avec celui de

Malik, le sens du bien et du mal ne le déchirait pas. Pas de lumière pour combattre les ténèbres…Lumière et amour. Voilà ce que Sariel avait voulu dire quand il parlait de salvation. Mais la

bataille interne le tuerait aussi sûrement que le ferait la véritable guerre, le moment venu.— Tu vas les regarder souffrir et mourir.— Oui.Non ! Il ne le ferait pas.— Excellent, ronronna Malik en tapotant l’épaule de Kalen en signe d’affection.Cette affection dont il savait que le sorcier avait besoin plus que tout alcool ou toute drogue sur la

planète.— Ils seront là bientôt. Tu resteras à mes côtés. Au moment où ton commandant et ses chiens

apprendront qu’il y a une attaque, il sera beaucoup trop tard.Il regarda Malik, secouant la tête pour effacer le brouillard.— Non ! Non…— Tu m’as entendu, mon garçon.Le visage du Unseelie se durcit.— Tu ne me désobéiras pas.Il ne dit pas « sinon… », mais la menace alla de soi dans les oreilles de Kalen, comme il le

regardait. Il ne pourrait tolérer en aucune façon que des gens innocents soient tués. Quelle que soit laforce de son lien avec Malik ni à quel point son âme voulait ce sang. Ignorant le cri de colère deMalik, Kalen disparut en se téléportant au camp. Dans ses quartiers, il arpenta son salon, se battantpour renforcer ses boucliers et repousser le mal dans un coin éloigné de son âme. Il devait garder latête froide. Lutter contre cette chose.

Il devait avertir Nick. Maintenant.Il courut dans le couloir, vers le fond, et tourna dans celui qui menait au bureau de Nick. Il frappa

deux fois, puis entendit Nick crier d’entrer. Il enjamba le seuil, puis ferma la porte.— Tu as l’air assez sérieux, commenta le commandant en repoussant une pile de paperasse. Qu’est-

ce qui te préoccupe ?Érigeant soigneusement ses boucliers, il rencontra le regard de l’autre homme.— Je viens de voir Malik.Nick se leva d’un coup.— Il est ici ? Comment…— Non, il n’est pas là, l’en assura Kalen. Il m’a convoqué à une ville non loin de Cody pour me

dire que ses sluaghs allaient attaquer tout le monde là-bas.Se calant dans son fauteuil, Nick laissa échapper un vil juron.— Quand ?— D’une minute à l’autre.

— Ce soir ?Devant le signe de tête de Kalen, son expression s’assombrit.— J’ai des renforts en chemin, mais ils ne seront pas ici à temps. Nous devrons nous occuper de

cela tout seuls.— Quel genre de renforts ?— Des gens en qui j’ai confiance.Il fit une pause.— Alors, où l’attaque se déroulera-t-elle, exactement ?— À… à l’est de la ville.À ces mots, une douleur lui creva les tempes, et il eut le souffle coupé. Sentant un vertige, il se

laissa tomber dans l’une des chaises destinées aux visiteurs.— Il m’a ordonné de ne pas te le dire, mais je ne pouvais pas rester les bras croisés et regarder

ces pauvres gens se faire assassiner…— Oh, mon Dieu.Une autre lame brûla son cerveau, et la pièce tourna. Il se rendit à peine compte que Nick disait

son nom quand il tomba au sol, sur le dos. Le visage inquiet du commandant apparut au-dessus dusien, et il combattit pour lui faire comprendre.

— Il…Une troisième lance d’agonie blanc chaud. Du liquide coula de son nez. Du sang.— Aide-les, Nick… Ahhh !La quatrième fois fut trop pénible. Se tordant, il cria alors que son cerveau était déchiré, molécule

par molécule. Au loin, il entendit crier Nick.Et puis, il n’y eut plus rien.

Mac débattait de l’à-propos d’aller retrouver Kalen, peut-être pour briser la glace, quand unecommotion explosa dans le hall de l’infirmerie.

— Aidez-moi un peu, merde !Nick. Immédiatement, elle laissa tomber la planchette à pince contenant le dossier de Sariel et

courut. Dans le couloir, elle entra presque en collision avec Mélina, et l’autre femme prit les devants.Quand elles tournèrent au coin, son cœur s’arrêta presque.

Nick se dirigeait rapidement vers elles, avec Noah qui le suivait de près. Mais Mac étaitconcentrée sur Kalen, mou dans les bras de Nick, la tête renversée, les yeux fermés. Le visage de sonpartenaire était couvert de sang. Mon Dieu, il en avait jusque dans les cheveux.

— Première salle de traumatologie, aboya Mélina en leur indiquant l’endroit. Qu’est-il arrivé ?— Il s’est effondré dans mon bureau.Nick posa soigneusement son fardeau sur la civière et recula.— Il me donnait des renseignements sur Malik quand c’est arrivé.

— Tu penses que le Unseelie est responsable de ça ? demanda Mélina.Elle saisit une lampe-stylo, lui ouvrit une paupière et lui passa la lumière dans l’œil. Noah

commença à prendre sa tension artérielle quand Nick lui répondit.— Ouais. Je sais que c’est le cas, mais j’ignore comment il s’y prend.Mac prit la parole, incapable de cacher le tremblement dans sa voix.— J’ai l’impression qu’il utilise leur lien pour dominer Kalen. En essayant de transmettre des

renseignements qui pourraient vous aider, il a dépassé les bornes.— Et maintenant, il en paie le prix, déclara Nick sinistrement. Quand je mettrai la main sur ce

putain de démon, je le tuerai.— Tu devras faire la queue, lui dit Mac.— La tension est normale, le pouls est stable, renchérit Noah.— Ses pupilles réagissent normalement aussi, ajouta Mélina, visiblement soulagée. C’est bon

signe… mais je me sentirai mieux quand il reprendra connaissance.Soudain, la gorge de Mac brûla tant elle s’efforçait de ne pas pleurer. Son partenaire avait l’air si

vulnérable ainsi couché, terrassé par une force invisible. Il devait avoir puisé beaucoup de sa forceintérieure pour contrecarrer les plans du chef des Unseelies.

Avec un tissu stérile, elle nettoya le visage de Kalen. Elle remarqua qu’il avait aussi saigné desoreilles, et les nettoya du mieux qu’elle le put. Ses cheveux devraient attendre qu’il puisse sedoucher.

— Il s’en sortira, lui dit Mélina pour l’apaiser.Elle se tourna vers Noah.— Nous allons l’envoyer dans une chambre et le garder sous surveillance jusqu’à ce qu’il revienne

à lui.Mac bondit pour aider l’infirmier et, ensemble, ils roulèrent sa civière dans une chambre

individuelle. Noah l’aida à le déshabiller jusqu’à ses sous-vêtements. Comme ils lui passaient unejaquette, elle essaya de ne pas regarder le corps mince et parfait de son amant. Mais la pensée de cequ’il avait enduré la dégrisa assez rapidement.

Comme elle caressait les cheveux de Kalen, Noah sortit discrètement de la chambre. Pendantplusieurs minutes, elle resta tout simplement près de lui, douloureusement consciente qu’elle auraitpu le perdre. En raison d’un caprice d’un sacré bâtard, il pourrait être mort à l’heure actuelle. Et ellen’aurait jamais pu se réconcilier avec son… partenaire.

— Mon partenaire, murmura-t-elle en passant un doigt sur la ligne de sa mâchoire.Ses lèvres.Elle avait un partenaire.Et si Kalen lui donnait une autre chance, elle deviendrait une véritable partenaire pour lui.

Chapitre 9

Étendue sur l’une des chaises inconfortables de l’infirmerie, Mac se promit de demander à Mélinad’en commander de meilleures. Non pas que sa demande aille quelque part. L’autre docteure tenait unbudget tellement serré qu’elle pourrait difficilement la faire céder.

Un petit mouvement qui venait du lit interrompit ses rêveries, et elle se redressa pour aller à côtéde Kalen. Il y avait de rapides contractions derrière ses paupières, et il gémit et se mit à se débattreun peu, peut-être pour affronter un ennemi dans ses cauchemars.

— Kalen ?Elle lui toucha le bras, mais resta vigilante pour prévenir tout mouvement brusque. Les patients qui

avaient vécu de mauvaises expériences pouvaient être violents au réveil — et elle avait une raisonsupplémentaire d’être prudente.

— Hé, reviens-moi, ajouta-t-elle.— M-Mac ?Se léchant les lèvres, il cligna des yeux lentement, essayant de se concentrer sur son visage.Elle ne put s’empêcher de sourire.— C’est la première fois que tu m’appelles par mon surnom.— Fatigué.— Je sais, mon chéri.Elle prit son visage, incapable de se rapprocher davantage.— Tu nous as fait une de ces peurs.— Que s’est-il passé ?— Tu ne t’en souviens pas ? Nick dit que tu t’es effondré dans son bureau. Tu parlais de l’attaque

que Malik avait envisagé de lancer sur une petite ville près de Cody.Pendant quelques secondes, il sembla traiter lentement cette information, déconcerté, comme si elle

ne parlait pas sa langue. Ensuite, un regard d’horreur apparut sur son visage alors qu’il tentait de seredresser.

— Mon Dieu, l’attaque ! Depuis combien de temps suis-je ici ? A-t-elle déjà eu lieu ? Où est…— Ralentis, dit-elle en le repoussant doucement pour essayer de le calmer. Tu as perdu la carte

pendant environ quatre heures. Nick a envoyé deux gars en éclaireur dans la zone dont tu lui as parlé,mais ne t’inquiète pas, ils seront prudents. Ils veulent voir où sont Malik et ses sluaghs avant de fairevenir le reste de l’équipe.

— Je vais avec eux, dit-il fermement.

— En tant que l’un de tes médecins, je te déconseille fortement toute activité rigoureuse jusqu’àdemain, au moins. Cela inclut de se battre contre les affreux sbires Unseelies.

— Doc, je ne te demande pas la permission. Je te dis que je vais sortir de ce lit et partir.Sur ce, il se redressa et se mit à arracher son intraveineuse.— Arrête ! fit-elle en lui tapant la main. Tu vas te blesser. Laisse-moi aller chercher Mélina, et

nous allons discuter de tes options.— Non. Je fous le camp d’ici. Tu peux me retirer l’intraveineuse ou je vais l’arracher. À toi de

choisir.— Attends une seconde, le supplia-t-elle.Agitant la main pour englober la chambre, elle essaya un argument différent.— Tu as vu ce que Malik est capable de te faire pour t’empêcher de révéler ses secrets. Que

penses-tu qu’il va te faire quand tu vas arriver là-bas pour te battre contre lui ?Sa mâchoire se raidit.— Je ne vais pas rester ici à me cacher comme un lâche alors que le reste de l’équipe se bat contre

lui et ses chiens, et se font blesser ou pire encore.— Mais que feras-tu s’il te domine encore et qu’il te fait combattre tes amis ? Que feras-tu, alors ?Nick devrait le tuer. Ils le savaient tous les deux, et cette pensée resta suspendue dans l’air entre

eux.— Alors, je vais avoir ce que je mérite, dit-il d’un ton sinistre et déterminé. Mais je préfère penser

que je suis plus fort que Malik. Que je peux le battre.— Peut-il t’entendre, maintenant ?Cette possibilité la rendait nerveuse à mort.Kalen s’arrêta, puis secoua la tête.— Il ne m’écoute pas, en ce moment. Je devine qu’il est occupé avec ses plans.— Tu penses qu’il sait exactement ce que tu as dit à Nick ?Il fronça les sourcils.— Je n’en suis pas sûr. Je sais par contre que mon lien avec Malik m’a puni physiquement pour lui

avoir désobéi. Qu’il soit conscient quand ça arrive, je suppose que je l’apprendrai plus tard.Et pas d’une manière agréable.— Je t’en prie, reste ici, supplia-t-elle. Nous ne pouvons pas te perdre.Il étudia son visage pendant un long moment en la regardant étrangement.— Tu as dit « nous ».— Nous, l’équipe, répondit-elle, le cœur battant furieusement contre son sternum. Voilà ce que je

voulais dire.— Tout à coup, tu te soucies de moi ? J’ignore bien pourquoi.Ses yeux vert sombre regardèrent au loin.

— J’ai fait de toi ma partenaire sans te demander ton avis. Je suis un tas de merde qui vous aapporté, à toi comme à tout le monde, rien d’autre que des ennuis.

— Ce n’est pas vrai, siffla-t-elle. Oui, j’étais furieuse. Mais je me rends compte que j’ai été tropdure avec toi. J’aurais dû t’écouter, lorsque tu as essayé de t’expliquer.

— Non, tu as fait la bonne chose.Il ne réussit pas tout à fait à cacher l’amertume dans sa voix.— Après la fin de cette histoire avec Malik, je vais probablement reprendre la route.— Tu n’es pas sérieux, dit-elle, l’estomac retourné.— Allez, Mackenzie, dit-il avec un sourire triste. Ce n’est pas comme si j’allais m’intégrer ici

avec ces gars-là. Quoi qu’ils disent à propos de se serrer les coudes et qu’ils seront là pour moi,nomme-moi une personne qui sera dévastée de me voir partir.

— Moi, murmura-t-elle.— Tu m’oublieras, avec le temps.— Non, je t’assure que je ne veux pas.« Mon Dieu, tu n’as aucune idée. »Mais si elle lui avouait la vérité maintenant, il penserait qu’elle se servait seulement de ce bébé

comme d’une façon de le piéger. Quel putain de gâchis !— Je t’en prie, ne prends aucune décision maintenant. Il suffit de… te donner un certain temps.Sa voix fut douce, sa souffrance trop apparente.— Alors, tu es prête à me pardonner ? À me donner une autre chance ? Parce que c’est la seule

raison pour laquelle je vais rester.Au lieu de répondre, elle lui montra. Penchée sur lui, elle déposa un doux baiser sur ses lèvres

sensuelles. Un baiser qui devint rapidement chaud, inquisiteur. Et mon Dieu, il était un si bon sorcierdans ce domaine. Elle avait envie de ramper à l’intérieur de lui et de ne jamais en sortir. Aucun autrehomme ne l’avait jamais fait se sentir de cette façon, et ce n’était pas un mystère de savoir pourquoi.Il était fait pour elle, et elle pour lui.

Ils se séparèrent, et elle lui caressa la joue.— C’est mieux quand nous sommes ensemble, n’est-ce pas ? Je veux dire, tu sembles davantage

toi-même, davantage ici, quand nous sommes l’un avec l’autre, et en harmonie.Il hocha la tête.— Sans aucun doute. Je ne sais pas s’il faut attribuer cela à notre accouplement ou au pendentif, se

demanda-t-il en pointant le disque d’argent autour de son cou.— Peut-être qu’il y a un peu des deux.— Peut-être.Il leva le bras sur lequel son intraveineuse était encore attachée.— Tu vas me l’enlever ?

— À une condition.Elle mit les mains derrière son cou, défit l’agrafe et enleva le collier.— Que fais-tu ? demanda-t-il sur un ton alarmé qui transparu sur son visage. Remets-le !— Voilà ma condition. Tu vas le porter pour aller aider l’équipe, sinon tu restes ici.Mac posa les doigts sur ses lèvres pour le faire taire.— Non. Je ne vais pas te laisser retomber dans son piège si je peux l’empêcher.— Cette protection est à toi, soutint-il. Je ne peux pas partir en sachant que tu seras exposée.— Chéri, tout le monde est vulnérable face à ce salaud. Mais ceux d’entre nous qui resteront dans

le camp auront un avantage… les protections que tu as mises sur le bâtiment et la forêt environnante.Elles sont toujours en place, non ?

— Oui, admit-il à contrecœur. Aucune créature, pas même Malik, ne peut passer à travers mesdéfenses à moins que je ne le lui permette. Il pourrait encore être en mesure d’entrer dans ta tête pourte harceler, mais comme j’ai renforcé le sort, il ne sera pas en mesure de pénétrer physiquement dansla propriété.

— Eh bien, c’est d’accord. Alors, prends le pendentif et va botter des culs !Il le voulait. Le désir de se joindre à eux comme un véritable égal fut presque navrant à voir.

Quand finirait-il par croire en sa propre valeur ? Que faudrait-il à cet homme qui n’avait jamais rienvalu aux yeux de personne, sauf ceux de sa grand-mère ? Et maintenant, aux yeux de Mac.

Lentement, il tendit la main. À la seconde où il la referma sur le disque, il prit une profondeinspiration tremblante.

— Oh, mon Dieu.— Quel est le problème ?Elle l’observa avec inquiétude.— Rien.Enfin, il sourit.— J’ai porté cette chose pendant des années et pourtant, j’avais déjà oublié à quel point elle est

puissante. On dirait le meilleur coup de vitamine jamais inventé.— Vraiment ? Il ne m’a pas affecté de cette façon, dit-elle pensivement. Je ne remarque même pas

son absence, pas dans un sens magique.— J’en suis content, mais si tu avais été affectée par son absence, je ne l’aurais pas pris, pas même

pour quelques heures. Et je te le redonnerai la minute où nous reviendrons.— Je suis toujours inquiète que tu y retournes alors que tu t’es à peine remis de ton dernier round

avec ce salaud.— Ne sois pas inquiète, ma chérie. Je serai de retour très rapidement, et pas amoché du tout.

Maintenant, est-ce que tu peux m’enlever mon intraveineuse ? demanda-t-il en lui tendant la main.Contre sa volonté, Mac lui retira son aiguille et nettoya la plaie avec de l’alcool. En vérité, elle

n’aurait pas pu l’empêcher de partir, mais cela ne la faisait pas se sentir mieux à propos de lasituation. Quand elle eut fini, il se leva du lit et se tint debout, chancelant sur ses pieds pendantquelques instants. Puis, il se redressa, agita une main devant lui et récita une brève phrase en latinqu’elle ne comprit pas tout à fait.

Ses vêtements apparurent, à savoir son ensemble noir de la tête aux pieds habituel, avec sonmanteau de cuir usé. Cet homme avait l’air d’un vrai dur à cuire, et beau à croquer. Plus tard, avec unpeu de chance.

Comblant la distance entre eux, il l’attira contre son corps mince et musclé. Il mit le nez dans sescheveux et les mains dans son dos. Il se frotta contre elle pour se réconforter.

— Je vais bien, et nous aussi. Ensemble. Si tu veux de moi.— Plus que tout. Sois prudent, je t’en prie.— Promis.Un autre baiser. Celui-là fut long et langoureux, et fit durcir ses mamelons et en sorte que le reste

de son corps brûlait qu’il la touche. Que sa queue soit enfouie en elle, si profondément qu’elle nepourrait pas dire où l’un d’eux prenait fin et l’autre commençait.

Son partenaire se recula et lui fit un clin d’œil.Et puis, il disparut.

Kalen apparut dans la salle de conférences, où se tenait une réunion depuis longtemps surl’interception des sluaghs. Il se retira dans un coin, se faisant le plus imperceptible possible sanspour autant camoufler sa présence.

Tout en regardant les débats, il se rendit compte à quel point il se sentait beaucoup mieux déjà.C’était comme si le pendentif avait instantanément lavé toutes traces de Malik de son corps. En fait, ilse doutait que le disque béni le protégeait contre les effets plutôt que de l’en guérir, mais il prendraitce qu’il pourrait pendant le temps que cela durerait.

Agité, Nick faisait les cent pas au bout de la table.— Pas de contact de Jax et Zander depuis les 20 dernières minutes. Nous leur en donnons cinq de

plus. Après, nous sortons.— Qu’en est-il de la couverture de Malik en tant que Kerrigan ? demanda Ryon. Quelqu’un a-t-il

pu déterminer où Kerrigan aimait passer du temps ?— Selon les employés de NewLife Technologies, Kerrigan continue d’être une force silencieuse

derrière leur recherche biologique, déclara Nick en prononçant le dernier mot avec sarcasme. End’autres termes, il est le bailleur de fonds, et ils ne se soucient pas de qui il est ni d’où il est tant queles chèques sont honorés.

Aric prit ensuite la parole.— Qu’en est-il d’autres installations où ils font leurs petites expériences désagréables sur les

humains et les métamorphes ? On a des données sur d’autres sites ?

— Aucune, à ce jour. Avec la disparition du Dr Bowman, et la mort de Chappell et de Béryl, nospistes ont été brouillées.

Rowan, la partenaire d’Aric, grimaça. C’est elle qui avait tué Orson Chappell, et Aric avait tuéBéryl lorsque la sorcière les avait attaqués, Sariel et elle. Peut-être qu’elle se sentait un peucoupable, même si cela n’était pas justifié.

— J’imagine qu’il ne faut pas espérer que nous ayons déjà trouvé et détruit tous les laboratoires.— J’en doute sérieusement, dit Nick. Où que se trouve le docteur Bowman, il poursuit ses odieux

travaux. Je ne pense pas qu’il fasse cela juste pour l’argent.— Effectivement.Les yeux d’Aric devinrent froids.— Croyez-moi, ce fils de pute adore son travail.Il avait passé des semaines sous le couteau du médecin fou avant que Rowan et l’équipe les

sauvent, Micah et lui. Ils avaient eu de la chance de survivre.— S’il y a plus de laboratoires, il pourrait y avoir plus de survivants comme moi, ajouta

tranquillement Micah.Tous les yeux se rivèrent sur lui, et son regard tomba au sol, à l’endroit où se situait son estime de

soi. Un côté de son visage était comme de la cire fondue à la suite de la torture que Bowman lui avaitinfligée. De l’autre côté, son visage était parfait, pour lui rappeler le bel homme qu’il ne seraitjamais de nouveau. Il n’était pas en assez bonne santé pour participer à leurs missions, mais legroupe avait commencé à le faire participer aux réunions.

Ressassant la spéculation de Micah, une partie de Kalen espéra que les autres membres de l’équipeétaient morts, et qu’ils ne souffraient plus. L’autre partie de lui avait été témoin d’un miracle quandMicah avait été trouvé et priait pour un autre miracle.

— S’ils sont là, nous les retrouverons, assura Nick à son membre le plus récent.Même si Micah connaissait l’équipe depuis leurs jours dans les Navy SEALs, il était nouveau pour

Nick. Leur commandant était sur le point d’ajouter quelque chose quand son portable sonna. Lachanson Bad to the Bone, de George Thorogood, brisa la tension. Plusieurs des gars ricanèrentcomme leur patron répondait à l’appel.

— Alors, quoi de neuf ?Après un bref échange et quelques questions, il mit fin à l’appel et les informa.— C’était Jax. Il a dit que trois sluaghs étaient arrivés, puis s’étaient cachés dans le parc alors

qu’ils surveillaient l’extrémité est de la ville. Ils avaient évidemment été envoyés pour nous repérerpuisque Kalen avait vendu la mèche. Jax et Zan les ont abattus.

— Seulement trois ? demanda Ryon. Où sont les autres ?— Malik a changé de plan, sans doute dans l’espoir de nous empêcher de nuire à leurs ordres, le

salaud de lâche. Le Unseelie a envoyé une douzaine de sluaghs à l’extrémité ouest de la ville en ce

moment même, où ils ont l’intention d’attaquer les citoyens. Nous devons y aller, maintenant.Les chaises furent glissées sur le tapis et un murmure de conversations s’éleva alors que les

hommes sortaient de la pièce à la file indienne, vérifiant leurs armes et se donnant des tapes dans ledos pour s’encourager. Kalen fut surpris quand Micah l’arrêta.

— Sois fort, Kalen. Si j’ai pu me sortir de mon trou infernal, tu le peux toi aussi.Un demi-sourire se dessina sur son visage ruiné. Ses yeux bruns étaient devenus vitreux en raison

des médicaments qu’il prenait pour l’aider à faire face à toute cette merde, et il était trop mince. Maismalgré sa vie chamboulée, il essayait quand même de rassurer quelqu’un qu’il ne connaissait mêmepas.

Kalen se tint un peu plus droit et réussit à sourire.— Merci, Micah. Je m’en souviendrai.Il fit un signe de tête à l’homme, puis suivit le groupe.Dans l’immense hangar qui abritait leurs moyens de transport terrestre et aérien, Nick les conduisit

à deux des élégants VUS noirs. Comme les autres procédaient à leur chargement, il se tourna versKalen.

— J’imagine que cela ne servirait pas à grand-chose de t’ordonner de rester ici ?— Mackenzie a déjà essayé, alors non. Je viens.Les yeux de Nick tombèrent sur le pendentif.— Au moins, tu as eu assez de bon sens pour accepter la protection.— Je ne voulais pas, mais la doc ne voulait pas que je parte sans lui.— Tu en as plus besoin ce soir. Elle ira bien, pendant ce temps, crois-moi.— Facile à dire pour un précog.— N’est-ce pas ? Allez, allons botter d’affreux culs Unseelies.Avec un demi-sourire, il monta dans le VUS conduit par son meilleur ami, Hammer.Ses paroles faisaient si étroitement écho à celles de Mackenzie que Kalen se demanda ce que cet

homme savait des paroles ou des actes des autres autour du camp. C’était très bizarre. L’instantsuivant, il fut surpris de constater que Nick se joignait à eux cette fois, alors que, normalement, ilrestait au poste de commandement dans le camp. Selon les regards que certains des garss’échangèrent en embarquant dans les véhicules, ils pensèrent eux aussi que c’était inhabituel, maispersonne ne l’interrogea. Plus ils seraient de combattants, mieux ça vaudrait.

Ou peut-être que Nick avait vu quelque chose qu’ils ignoraient.Kalen entra dans le VUS conduit par Ryon, et essaya de ne pas trop repenser aux visions de leur

patron ou à sa part de responsabilité dans tout ce gâchis pendant le trajet. À la périphérie de la ville,Ryon prit une route de campagne touffue et se gara derrière Hammer. Kalen, Ryon, Aric et Rowansortirent d’un véhicule, Nick, Hammer et A.J. de l’autre.

Neuf soldats de l’équipe contre une douzaine de sluaghs. Leurs chances n’étaient pas mauvaises,

mais elles auraient pu être meilleures.Rowan et A.J. apportaient beaucoup d’armes chargées avec des balles spéciales. Rowan était une

nouvelle louve, A.J., un être humain, et en tant qu’anciens flics, ils étaient tous deux plus à l’aise avecdes armes que des crocs et des griffes. A.J. avait également été un tireur d’élite quelques annéesauparavant, et cette compétence avait été sacrément pratique la nuit où Rowan avait tué Chappell etqu’ils avaient appréhendé Béryl. Les autres utilisaient diverses armes humaines et surnaturelles,selon ce qu’ils préféraient en fonction de leur situation.

— Nous allons couper par ici, déclara Nick, haussant la voix pour se faire entendre. Nous allonsrencontrer Jax et Zan près de la clairière située à environ un kilomètre et demi et intercepter lessluaghs. Capturez-les si vous le pouvez, mais ne prenez pas de risques inutiles. Soyez prudents etrentrez à la maison en un seul morceau.

Murmurant son accord, l’équipe fit son chemin à travers les arbres. La zone était assez rurale, pasde maisons en vue. Juste des hectares de forêt, même si Kalen ignorait si la zone était considéréecomme faisant partie de la grande forêt nationale de Shoshone ou non. Peu importe. Voyager unkilomètre et demi à travers le sous-bois semblait 10 fois plus long que de marcher sur un tronçon deroute solitaire. Il le savait d’expérience.

Kalen s’inquiétait de tout le bruit qu’ils faisaient, même s’ils marchaient avec précaution. Mais lafurtivité n’eut pas d’importance. Des cris de terreur atteignirent leurs oreilles alors qu’ils étaienttoujours sous le couvert des arbres. En tête, Nick se mit à courir, et tout le monde le suivit.

Quand ils débouchèrent dans la clairière, le sang de Kalen se glaça. À travers la prairie, une petitemaison était nichée dans les arbres, une scène qui aurait pu être pittoresque… sauf pour ce qui étaitdu sluagh qui essayait d’arracher la porte d’entrée, déchirant des morceaux de la moustiquaire et ducadre de bois, pour pénétrer dans la maison. Et les autres qui étaient aux fenêtres, à briser les vitres.

— Allez ! Allez ! cria Nick.Dans sa foulée, sans retirer ses vêtements, il se transforma en un grand loup blanc. Ses vêtements

disparurent, tout simplement.Kalen avait eu l’impression qu’il était, en tant que sorcier, le seul à pouvoir faire ce tour

particulier. Les métamorphes-nés comme Nick et lui devaient être différents. Mais il n’avait le tempsde réfléchir davantage à la question. Le sluagh avait pénétré dans la maison, et ils étaient beaucouptrop loin.

Kalen se métamorphosa lui aussi, laissant sa panthère libre de courir à travers l’étendue ouverte.Alors qu’ils approchaient, la voix d’un homme adulte cria de colère et de peur alors qu’il essayait dedéfendre sa famille. Le son sec des coups de feu déchira l’air, suivi par le cri d’agonie de l’homme…qui prit fin dans un gargouillis horrible.

Davantage de cris. Une femme et des enfants. Des adolescents ? Mon Dieu, quel foutoir !Comme ils arrivaient à la maison, Kalen repéra deux loups déjà en action : un loup argenté, l’autre

noir… qui luttaient contre des sluaghs à l’extérieur. Jax et Zan. Ils donnaient des coups de crocs et degriffes, tentant d’atteindre soit le cœur, soit la gorge de leurs adversaires. Ils étaient deux contredeux, alors Kalen se précipita dans la maison. La femme et les enfants avaient la priorité.

À l’intérieur, le carnage dans la salle de séjour était une vision que Kalen ne voulait plus revoir desa vie. Du sang partout, recouvrant presque toutes les surfaces. Un homme, probablement le père,était étendu sur le dos, les yeux écarquillés et vides, la tête presque complètement arrachée de soncou. Il avait toujours dans la main un Magnum de calibre 357, une arme qui découragerait n’importequel intrus.

Sauf les serviteurs de l’enfer.Une demi-douzaine de sluaghs saccageaient le salon et la petite cuisine attenante, aveugles dans

leur destruction. Au bout du couloir, derrière une porte fermée quelque part, la femme et les enfantscriaient, et selon les bruits, au moins deux autres créatures tentaient de les atteindre.

Ils devaient se rendre jusqu’à la famille de l’homme. Mais ils devaient d’abord tuer ces salauds.Les sluaghs s’arrêtèrent net en voyant leur plaisir interrompu, puis rugirent et les chargèrent pourrépondre à la menace. Kalen se précipita sur l’un d’eux, manœuvrant pour se positionner derrière luiet lui couper l’arrière de la jambe. Il frappa sa cible, lui coupa la cuisse, et il tomba en hurlant dedouleur.

Rapide comme l’éclair, Kalen reprit sa forme humaine et bondit sur la poitrine de la créature. Il negarda que sa main droite de panthère pour se servir de ses griffes acérées, qu’il enfonça directementdans le cœur du sluagh. En quelques secondes, la bête mourut.

Kalen sauta sur ses pieds et fila juste à temps pour éviter le même sort que le malheureux dont ilsessayaient de sauver la famille. Il se baissa, et la grande bouche du sluagh plein de longues dentsfendit l’air juste où se trouvait son cou une seconde auparavant. Il tua celui-ci presque comme lepremier, sautant sur son corps et poussant la main vers son cœur corrodé.

Mais celui-ci ne mourut pas aussi facilement. Comme Kalen reculait pour le laisser tomber, lacréature donna un dernier coup de griffes et lui déchira le manteau et la chemise en dessous, sur lecôté. Kalen poussa un juron en reculant et en prenant le manteau en lambeaux dans ses mains. Bonsang ! Il avait ce manteau depuis des années, et ce salaud l’avait bousillé.

Même avec son pendentif, il pouvait être blessé. Mais il guérirait plus rapidement avec lui quesans lui.

Beaucoup de douleur accompagnerait cette blessure, il en était sûr. Mais pour l’instant, il laremarqua à peine. En jetant un coup d’œil rapide, il vit que les autres maîtrisaient cette partie de lamaison. Kalen courut dans le couloir juste à temps pour voir deux sluaghs devant une porte fermée,dont l’un se servait de son corps pour l’enfoncer encore et encore. Comme il passait à travers, desmorceaux de bois volèrent et les cris à l’intérieur montèrent en décibels.

— Hé, espèces de salauds ! cria Kalen.

Les deux attaquants se tournèrent vers lui, leurs visages ridés de chauve-souris affichant leursurprise.

Ensuite, ils poussèrent un cri, battirent leurs ailes de cuir et se tapèrent la poitrine pour avoir l’aireffrayants. Mission accomplie. Heureusement, ces créatures avaient peu de cellules cérébrales. Alorsqu’ils étaient en train d’essayer de voir lequel des deux pouvait apparaître le plus effrayant, Kalenprononça un mot, tendit la main et fit apparaître son bâton de sorcier.

Après avoir quitté son lit à l’infirmerie pour venir se battre ici, cela allait lui prendre toute sonénergie. Mais c’était le moyen le plus rapide d’éliminer la menace pour la femme et les adolescentsqui le regardaient, les yeux écarquillés, de l’autre côté de la porte béante.

Doucement, il entreprit un chant dirigé contre l’ennemi, ceux en face de lui ainsi que tous lessluaghs qui restaient à l’extérieur. Leur attitude macho s’arrêta, et ils eurent l’air perplexes… et puisleur peau commença à se ratatiner comme des raisins au soleil. Presque chaque créature sur terreétait principalement composée d’eau. Si l’on retire cet élément, il ne reste pas grand-chose. Leschiens dressés de Malik n’étaient pas différents.

Cette méthode de sorcellerie était l’une des plus dégoûtantes qu’il connaissait, mais elle restaitefficace. Les sluaghs commencèrent à gémir de peur, et il se sentit presque désolé pour eux, maisl’image du pauvre homme dans le salon effaça rapidement ce sentiment. Les deux sluaghs devant luifurent ratatinés pour ne devenir que des carcasses, morts en quelques secondes, et puis, d’un simplemouvement avec son bâton, il les réduisit en poussière et envoya les particules flotter au loin.

Kalen leva les yeux vers la femme au-delà de la porte… et elle s’évanouit rapidement.L’adolescent et la jeune fille le fixèrent.

— Foutrement extraordinaire, dit le garçon.La jeune fille se réfugia contre son frère et resta silencieuse.Kalen se dirigea vers la porte et grimaça quand il finit par sentir la brûlure sur son côté. Il

chancela un peu, étourdi, mais son travail n’était pas fini. Appuyé contre le chambranle, il hocha latête vers les jeunes.

— Comment t’appelles-tu, jeune homme ?— Travis, répondit-il d’une voix craintive mais forte. Et elle, c’est Katie.— D’accord, Travis, j’ai besoin de ton aide. Ta sœur et toi, faites asseoir votre maman sur le lit.

Puis, vous resterez tous ici jusqu’à ce que nous vous disions que vous pouvez sortir.— Où est mon père ?Son menton tremblait. Toujours aussi jeune, presque à l’âge adulte.« Oh, gamin. Je suis tellement désolé. »— Reste ici, d’accord ?— Dites-moi où est mon père !Travis commençait à paniquer, et il ne pouvait pas endurer cela.

En tenant son bâton, Kalen psalmodia quelques mots doux. Les yeux des adolescents se fermèrent,et leurs corps s’élevèrent pour se placer à côté de celui de leur mère. Doucement, Kalen les fit tousflotter pour les coucher sur le lit afin qu’ils soient ensemble. Ils allaient y dormir jusqu’à ce quel’équipe fasse le nécessaire pour les faire sortir de ce lieu.

Une main serra son épaule, et il tourna la tête pour voir Nick debout, l’expression sinistre.— Merci pour ton aide avec les deux derniers. Il y en avait plus à l’extérieur de la maison que

nous ne le pensions. Jax et Zan se sont presque fait tuer.— Ils vont bien ?— Ouais. Grâce à toi.Ces félicitations firent rougir Kalen. C’était agréable, mais étrange pour un gars comme lui.— Et maintenant ?— Nous avons un civil mort. Merde ! cracha le commandant, qui avait perdu une partie de son

sang-froid légendaire l’espace d’un instant.Il poussa un profond soupir.— J’ai appelé notre ami le shérif Deveraux. Le reste des créatures n’ont pas encore atteint les

citoyens de la ville, alors tout va bien. Il dira au public que cette attaque était un vol à main armée ouquelque chose du genre. Une attaque non préméditée.

Les lèvres de Kalen se retroussèrent quand il entendit le nom de Deveraux. Il y avait peu d’amourentre Kalen et lui. Cet enfoiré avait essayé de le chasser de la ville plus d’une fois lorsque Kalenétait arrivé.

— Un voleur qui a presque arraché la tête d’un homme ? Ouais, le public va croire ça.— Le public ne verra pas le cadavre.Nick pointa les silhouettes tristes sur le lit.— Ont-ils vu ce qui est arrivé au père ?— Je ne pense pas. Le garçon a demandé où il était, mais je ne lui ai rien dit. J’ai pensé que de les

faire dormir jusqu’à ce que nous ayons fini le ménage serait le mieux.— Bonne idée. Peux-tu effacer ces souvenirs de leur esprit ?Kalen réfléchit, puis acquiesça.— Ça va me prendre ce qu’il me reste d’énergie, mais oui. Ils se réveilleront demain matin sans

aucun souvenir des sluaghs, de nous, ou de toute autre chose qui a eu lieu ici. Alors, le bon shérifpourra inventer l’histoire qu’il voudra, et ils n’en sauront pas plus.

— Bien. Fais-le vite pour que nous puissions donner cette patate chaude à Deveraux et foutre lecamp d’ici.

— Tu vas l’avertir qu’il y a d’autres sluaghs qui vont arriver ?— Je ne vois pas comment je pourrais faire autrement. Il doit le savoir, et il nous appellera si ses

hommes ou lui repèrent quelque chose d’inhabituel.

Inhabituel. C’était tout un euphémisme. Il faillit dire qu’il avait l’impression que Nick avaitautrefois été un agent du Bureau fédéral d’enquête, mais il se retint. À peine. Au lieu de cela, il serendit sur ses jambes flageolantes près du lit et se mit à genoux. Il voulait en finir rapidement avec ça.

Il commença par appuyer la paume sur le front du jeune homme et tirer littéralement les souvenirsde la dernière demi-heure de son esprit. Les scènes étaient horribles, remplies de la terreur desmonstres à la porte, et Kalen commença à transpirer comme elles sortaient de l’adolescent. Quand illes eut toutes récupérées, il les libéra en les laissant se dissiper comme s’il s’agissait d’un poison.Jusqu’au jour de sa mort, ce garçon aurait toujours un trou de mémoire béant de la journée où il avaitperdu son père. Kalen fit de même avec sa sœur et leur mère.

Lorsqu’il eut terminé, Kalen se releva, à peine capable de se tenir debout maintenant. Il fut ravi devoir le shérif debout dans la chambre à coucher avec Nick, qui l’étudiaient tous deux avecfascination.

— C’est fait, leur dit Kalen d’une voix rauque. Ils se réveilleront demain, et n’auront aucunsouvenir à propos de ce soir. Aucun.

— Eh bien, on dirait que tu es bon à quelque chose d’autre que de traîner dans le cimetière pourvoler dans les tombes et déranger les cadavres, dit Deveraux d’une voix traînante, avec un soupçonde sarcasme.

— Va te faire foutre, idiot.— Jesse, gronda Nick au shérif en alerte. Du calme.— Oh, bien sûr, dit aimablement l’homme de loi. Je ne voudrais pas heurter les sentiments de la

princesse, n’est-ce pas ? Passe une belle nuit, Nicky. Et ne me rappelle pas avant, disons, unevingtaine d’années.

— C’est ce que tu souhaiterais, mais c’est seulement le début, je le crains, soupira Nick. Mais nousgarderons tout cela caché du public aussi longtemps que nous le pourrons. Pour toujours, si possible.

Nick serra la main du shérif irritable. Puis, Kalen et lui se tournèrent pour partir. Ce fut alors quele corps de Kalen décida qu’il en avait assez d’être abusé pour la journée. Ses genoux se dérobèrent,et Nick le rattrapa en plaçant le bras de Kalen autour de ses épaules.

— OK, jeune homme. Je te tiens.— Je vais bien.— Ce serait plus convaincant, si tu pouvais marcher seul et que tu ne te vidais pas de ton sang sur

moi.— Merde. Désolé.Son côté lui faisait horriblement mal, et il avait la tête qui tournait. Comme ils marchaient dans la

maison, Kalen remarqua les autres. Ses amis étaient tous là, battus, certains couverts de sang etboitant, mais vivants. Ce fut tout ce qu’il voulait savoir pour l’instant.

Et ces gars-là étaient réellement ses amis. Quels qu’aient été les mensonges que vomissait Malik.

Il pria seulement pour pouvoir s’en souvenir dans un coin éloigné de son esprit lorsque l’obscuritése lèverait une fois de plus.

Chapitre 10

Dans ses quartiers, Mac s’étira sur son lit en poussant un soupir de reconnaissance. Personne nel’avait mise au courant de la fatigue que vivaient les femmes enceintes, même dans leur premiertrimestre. C’était comme si un aspirateur géant l’avait vidée de toute son énergie et l’avait laisséeincapable de faire autre chose que de faire une longue sieste.

Malgré son inquiétude au sujet de la nouvelle bataille de l’équipe, et de Kalen en particulier, ellen’était pas de taille à subir les rigueurs de la grossesse. Ses paupières se fermèrent à l’instant où satête se posa sur l’oreiller, et elle sombra dans un profond sommeil.

Mais son sommeil fut loin d’être paisible.Elle était déjà venue à cet endroit. Un lieu de désolation totale. Des arbres squelettiques

partout, pas d’oiseaux, on n’entendait pas la mélodie de l’eau fraîche. Des carcasses de poissonsjonchaient le lit et la fixaient de leurs yeux pourris accusateurs. Elle savait qui l’avait emmenéeici, mais elle ignorait pour jouer à quel jeu.

— Montrez-vous, fils de pute ! cria-t-elle.Malik était là, à la regarder et à attendre. Il essayait de l’énerver comme il l’avait fait avant, la

nuit où elle avait couché avec Kalen la première fois. La nuit où ils avaient conçu leur enfant.Pourquoi l’avait-il emmenée de nouveau ici ? Mac n’était ni puissante ni un être paranormal.

Elle n’était qu’une simple docteure. Elle ne présentait aucun intérêt ni avantage pour le roi desUnseelies.

— Voilà où tu as tort, ma chère.Elle frissonna, quand elle comprit qu’il avait lu dans ses pensées.Il sortit de derrière un arbre noueux et mort comme il l’avait déjà fait, et le choc lui coupa le

souffle. Elle resta immobile sur place, paralysée par la terreur. Elle n’avait jamais vu la véritableforme d’un Unseelie, et Malik était l’incarnation de tous les cauchemars.

Il était grand, avec des cheveux noirs qui tombaient sur sa taille. Ses énormes ailes noires decuir s’étiraient de son dos vers l’extérieur, bloquant la vue du ciel terne. Ses yeux rouges sedétachaient sur un visage brutal et anguleux, qui était à la fois effrayant et étrangement beau. Saprésence était magnétique, et elle ne put s’empêcher d’être attirée par lui, en dépit d’elle-même.Beaucoup de chefs sadiques possédaient ce don particulier, et les Unseelies ne faisaient pasexception.

Elle put voir pourquoi Kalen ou quelqu’un d’autre serait attiré par ce mâle. Il était l’ombreséduisante par rapport à la lumière brillante de Sariel.

— Que veux-tu ? demanda-t-elle, espérant dissimuler sa peur… à la fois pour elle et son bébé.Je ne suis pas une menace pour toi.

— C’est vrai.Avec un demi-sourire, Malik lui caressa la joue avec un long doigt qui se terminait par une

griffe.— Une pauvre humaine comme toi ne peut pas me faire de mal.— Comme c’est astucieux, dit-elle sèchement. Alors, pourquoi ne laisses-tu pas mes rêves en

paix ? Mieux encore, laisse Kalen tranquille.— Je ne peux pas faire cela, belle docteure. Malgré son malheureux échec à mon dernier test, il

est trop important dans mes plans pour l’avenir.Le Unseelie la regarda de la tête aux pieds d’un air spéculatif, et son corps fut parcouru de

frissons.— J’avais toujours cru le contraire à propos de toi.— Quoi, je suis soudainement devenue importante ?Elle renâcla pour couvrir le soupçon terrible qui montait en elle.— J’en doute sérieusement, ajouta-t-elle. Tu t’emmêles dans tes fils, et je ne resterai pas ici à

écouter tes imbécillités.Mais elle ne pouvait pas s’enfuir parce qu’il n’y avait nulle part où aller. Il se rapprocha, une

expression étrange sur le visage. Presque… de l’affection ? Elle fit un pas en arrière, surprise,mais il l’arrêta en lui saisissant le poignet et regarda profondément dans ses yeux.

— Une mère ne devrait jamais sous-estimer son pouvoir dans le monde.« Mon Dieu, il est au courant à propos du bébé ! »Haletant, Mac essaya de tordre son bras pour se libérer, mais en vain.— Ne pense même pas à essayer de nuire à notre enfant, gronda-t-elle dans son visage. Ou je te

jure que je vais trouver un moyen de te détruire !Le Unseelie rit.— Cet esprit ! Mais pourquoi penses-tu un seul instant que je m’attaquerais à un bébé sans

défense ? Surtout alors que je m’intéresse grandement à son bien-être.Une sueur froide glissa le long de sa colonne vertébrale, et elle se figea.— Je ne vois pas comment cela pourrait être vrai.— C’est tout à fait simple, chère Mackenzie.Il tendit la main et plaça une paume sur son ventre encore plat en affichant un air de fascination

extasiée.— Je pensais que de travailler avec Kalen à mes côtés serait ma plus grande réalisation, mais

maintenant ce triomphe est double.Le cœur de Mac battit la chamade.

— Comment ?— Parce que maintenant je vais avoir non seulement Kalen, mais aussi mon petit-fils.Mac eut l’air hébétée pendant plusieurs secondes avant que toute la portée de sa révélation

l’assaille, l’emportant dans une vague d’horreur pure.Cette fois, quand elle se dégagea de son emprise, il ne la retint pas. Elle courut, et son rire

fantomatique la poursuivit dans l’obscurité. Elle continua à fuir la vérité, les larmes coulant surson visage, l’aveuglant.

Son bébé. Le petit-fils de Malik.Et Kalen, le sorcier… son fils.Elle ne pouvait plus courir. Impossible de faire face à ces faits. Elle tomba à genoux et cria…Mac se leva brusquement dans son lit, à la recherche de grandes bouffées d’air comme si elle avait

vraiment couru des kilomètres. Son pouls était irrégulier, et sa poitrine lui faisait mal comme si elleétait sur le point d’avoir une crise cardiaque.

— Juste un rêve, murmura-t-elle en regardant frénétiquement autour de la chambre pour s’assurerque le Unseelie n’était pas vraiment là. Non, un cauchemar. C’est tout. Kalen n’est pas le fils de cebâtard ! Et notre bébé…

Non, ce n’était tout simplement pas possible. Elle se refusa d’y penser. Kalen ignorait toujoursl’existence de leur bébé parce que le moment idéal pour le lui annoncer ne s’était pas présenté. Etelle n’était pas prête à le contrarier avec ce qui était soit un mensonge complet d’un Unseelieindiscret, soit le simple fruit de son imagination exaltée.

Même si ce cauchemar avait semblé bien réel.Peu à peu, elle prit conscience d’un martèlement qui n’était pas que son cœur qui battait dans ses

oreilles. Quelqu’un tapait à sa porte, et il avait l’air impatient. Elle sortit de son lit et se dirigea àtâtons vers la porte, essayant de se libérer de cette impression somnolente de désorientation quirestait de sa sieste.

— Mac ? l’appelait Nick de l’autre côté de la porte.Il tapa davantage.— Merde, calme-toi !Un peu plus que grincheuse, elle déverrouilla la serrure et ouvrit.— Qu’est-ce qui se passe ?— Pourquoi ne réponds-tu pas au téléphone ? cria-t-il. Nous avons besoin de toi à l’infirmerie.La peur forma une boule dans son ventre.— Je faisais une sieste, alors je n’ai jamais entendu sonner. Qu’est-ce qui ne va pas ?— Nous avons une poignée de membres de l’équipe qui ont été blessés lors de l’opération. Des

trucs mineurs surtout, mais Mélina et Noah sont débordés.— Attends.

Elle retourna à l’intérieur pour prendre son téléphone portable qui était resté sur le comptoir de lacuisine, où elle l’avait jeté quand elle était revenue dans ses quartiers. Elle vit sur l’écran qu’elleavait manqué cinq appels et plusieurs textos de Nick et Mélina. Merde. En faisant glisser le téléphonecellulaire dans sa poche, elle rejoignit Nick, et ils marchèrent à un rythme rapide.

— Comment va Kalen ?— Il a pris un coup dans les côtes de l’un des sluaghs, et il est épuisé parce qu’il a poussé ses

limites en utilisant trop de magie, mais sinon ça va. Il demande à recevoir son congé, comme presquetout le reste de ces crétins.

Dieu merci.— Zander n’a pas été capable d’en guérir quelques-uns ? demanda-t-elle.— Pas cette fois. Il est le pire de la bande, car il a reçu un sale coup à la tête. Il avait l’air bien

quand nous nous sommes apprêtés à quitter le site. Puis, il s’est évanoui.Merde. Une blessure à la tête était beaucoup plus grave que des éraflures et des contusions.— Est-ce que Mélina lui a fait passer une tomodensitométrie ?— Je n’en ai aucune idée. Je suis juste le messager.Quand ils arrivèrent à l’infirmerie, elle laissa Nick et se dépêcha de retrouver Zander. Autant elle

aurait voulu se précipiter aux côtés de Kalen, le guérisseur devait passer en premier. Elle trouvaNoah, qui pansait une entaille sur le biceps de Jax.

— Où est Zander ?Noah leva les yeux.— Salle 7. La docteure Mallory a déjà fait la tomodensitométrie. Je l’ai aidée à le préparer, mais

je n’ai pas eu le temps de lui poser des questions sur les résultats.— Une tomodensitométrie ? répéta Jax avec un froncement de sourcils. Personne ne m’a dit qu’il

allait si mal.Le rétrocog était inquiet au sujet de son meilleur ami, et elle ne lui en voulut pas.— L’un de nous te tiendra au courant, d’accord ?Il accepta à contrecœur, car il n’y avait rien d’autre qu’il pouvait dire. Elle se tourna vers

l’infirmier blond.— Merci, Noah.Elle lui envoya un sourire reconnaissant et courut vers la salle où se trouvait Zan. Comme elle

arrivait, Mélina se glissa à l’intérieur et ferma doucement la porte derrière elle.— Comment va-t-il ?Mélina attendait, l’expression neutre.— Il a une assez méchante commotion cérébrale, et un gonflement exerce une pression sur son nerf

optique. Ses deux tympans ont éclaté aussi et ont saigné un peu. Quand il se réveillera, nous serons enmesure de mieux évaluer les dégâts, mais je ne vais pas te mentir… Je suis inquiète. Il ne guérit pas

aussi rapidement que les autres gars.Mac hocha la tête.— Il faut un sérieux coup pour blesser ainsi un métamorphe. A-t-il repris connaissance ?— Pendant environ une minute. Le pauvre homme était totalement confus, et je ne pense pas qu’il

savait que j’étais là.— Bien. Je vais l’examiner, puis passer aux autres. Qui te reste-t-il à voir ?— Voyons voir…, dit-elle en consultant quelques notes sur son calepin. Aric, Hammer et Kalen,

qui attendent tous dans les salles d’examen. J’ai pensé que tu voudrais examiner seule le dernier.— Tu as vu juste.Elle quitta son amie en lui faisant un clin d’œil, et entra dans la chambre de Zan.Il dormait, ses cheveux noirs aux épaules sur l’oreiller de plumes. Il était vraiment très beau, et ce

n’était pas seulement en raison de son penchant pour les hommes aux cheveux foncés. Fidèle à sanature de guérisseur, il était gentil et ne faisait presque jamais rien avec excès. Il n’y avait rien que leloup noir ne ferait pas pour ceux qu’il aimait, et elle admirait cela de lui.

Bougeant la tête, il gémit et ouvrit les yeux. Il cligna des paupières et eut l’air confus, à peinecapable de se concentrer.

— Où…— Tu es à l’infirmerie, lui répondit-elle lentement. Tu t’es battu avec un sluagh et tu as fini ici. Tu

te rappelles ce qui est arrivé ?— Je… oui. L’un d’eux m’a jeté contre le côté de la maison. Je me suis tapé la tête. Mais je l’ai

quand même eu.— Bon pour toi, lui dit-elle en souriant.— Doc ?— Oui ?— Je ne peux pas bien t’entendre, dit-il d’une voix rauque. Ta voix est étouffée.Pas bon. Se penchant plus près de lui, elle essaya de le rassurer.— Tu as pris un mauvais coup, et il y a de l’enflure à l’intérieur. Tes tympans ont éclaté, alors c’est

la raison pour laquelle tu as mal et que tu entends mal. Nous ferons d’autres tests bientôt, mais net’inquiète pas. As-tu tout entendu ça ?

— Bien sûr.Mais sa voix fut à peine un murmure, et ses paupières se fermèrent.Elle retira rapidement ses cheveux de son visage.— Tout va bien aller, Z-Man. Repose-toi et laisse-toi flotter sur ces bons médicaments tant que tu

le pourras, d’accord ?Mais il était déjà parti. C’était probablement mieux ainsi. En allant voir son prochain patient, elle

réfléchit à l’état de Zan. Un autre coup à la tête aussi mauvais que celui-là, et il pourrait avoir de

réelles difficultés.Comme elle se retournait pour partir, un Jax inquiet entra doucement dans la pièce.— Je vais rester avec lui pendant un certain temps, si cela ne te dérange pas.— Bien sûr que non, fit-elle en lui touchant le bras. Je reviendrai plus tard.Aric était à côté et, fidèle à ses habitudes, il avait râlé tout le temps qu’elle avait passé à nettoyer

ses éraflures et ses coupures, puis à le recoudre. Que Dieu bénisse Rowan pour avoir été capabled’apprivoiser ce loup de feu, parce que s’il avait appartenu à Mac, elle aurait fini par l’étouffer dansson sommeil. Elle fut plus que contente de le renvoyer sur son petit bonhomme de chemin.

Hammer fut tout le contraire. Le gros homme chauve était un énorme ours en peluche. Un douxgéant parmi ses amis, mais un combattant mortel sur le terrain. Elle ne le connaissait que depuisquelques mois, depuis qu’il avait rejoint l’équipe avec Nick, mais elle adorait cet homme. Il se fitsoigner sans dire un mot, contrairement à la plupart de ses copains. Quand elle eut fini, il la remerciatimidement et disparut.

Cela lui laissa un certain sorcier à voir. Quand elle entra dans sa salle d’examen, elle le trouvacouché sur le côté faisant face à la porte, la table à peine assez longue ou assez large pourl’accueillir. Son manteau et sa chemise avaient été placés sur une chaise dans le coin, et il ne portaitque son jeans foncé, qui était encore plus sombre où il y avait des taches de sang.

Il avait dû l’entendre entrer, car il ouvrit les yeux.— Hé, bébé. C’est bien de te voir ici.— Ha ha, très drôle. Qu’est-ce que je vais faire avec toi, têtu sorcier ?— Me garder ?— Je vais y réfléchir.Son regard se fixa sur les blessures en lambeaux de son côté.— Ce sont des souvenirs désagréables que tu as là. Je vais nettoyer ces plaies et les panser, et

ensuite, je t’emmène dans mes quartiers pour récupérer ?Il se redressa considérablement.— C’est la meilleure idée que j’ai entendue de toute la journée.Il essaya de se redresser, mais elle se dirigea vers lui rapidement.— Non. Reste comme tu étais. Ce sera plus facile pour moi de m’occuper de tes blessures de cette

façon.Installé sur son bon côté, il se livra à ses soins. Après être allée chercher de l’alcool et des

lingettes, Mac commença à nettoyer la chair marquée. Les déchirures étaient trop inégales pour êtrerecousues, mais heureusement, elles avaient déjà commencé à guérir. Ensuite, elle récupéra de lagaze, des pansements, et le banda, puis l’aida à s’asseoir.

— Aide-moi à tenir ça en place, dit-elle en positionnant plusieurs tampons de grandes gazes sur sapeau maltraitée.

Il le fit, et elle prit le rouleau de bandages et commença à envelopper son torse. Comme elletravaillait, elle regarda le pendentif qui pendait joliment sur sa poitrine lisse.

— Je pensais que cette chose devait te protéger du mal.— Ouais, mais pas de la stupidité.Mac ne put s’empêcher de rire, et il l’imita. Kalen ne plaisantait pas beaucoup, et elle aimait la

façon dont ses yeux s’illuminaient en ces rares occasions.— Je suppose que je vais survivre ?— Mais oui, l’assura-t-elle. Laisse-moi voir qui va surveiller Zan ce soir, puis nous allons sortir

d’ici, avec un peu de chance.— Attends… qu’est-ce qui ne va pas avec Zan ? demanda-t-il, inquiet.Rapidement, elle lui donna un aperçu de l’état du guérisseur, quelque chose qu’elle ne pourrait pas

faire dans le monde normal. Mais la confidentialité ne valait rien ici, dans un établissement quin’était pas censé exister ni ses occupants d’ailleurs.

— Merde, dit-il d’un air grave. J’espère qu’il va se remettre.— Ce devrait être le cas, mais un autre traumatisme crânien comme celui-là pourrait entraîner de

graves complications.Elle tapota l’épaule nue de Kalen.— Attends, je reviens tout de suite.Elle alla à la recherche de Mélina, qui l’assura que Noah et elle diviseraient la nuit en deux quarts

de travail pour s’occuper de Zan. Mac pourrait « jouer au docteur » avec son homme ce soir ets’occuper du guérisseur le lendemain soir, s’il n’avait pas sa dispense d’ici là. Reconnaissante, Macrevint à Kalen.

— Je suis prête. Et toi ?— Juste une seconde.Il passa les bras derrière le cou et détacha le pendentif, puis se dirigea vers Mac, et le rattacha

autour du sien.— Là. Maintenant, je suis prêt.Posséder le disque béni de nouveau lui fit se rappeler du rêve horrible qu’elle avait eu à propos de

Malik peu de temps auparavant… et aussi sa terrible révélation. Elle se sentit coupable à nouveau dene pas l’avoir dit à Kalen, mais il n’avait pas besoin de ce stress par-dessus tout le reste qu’il devaitaffronter. Plus tard, elle lui parlerait de ce cauchemar.

Sur le chemin du retour à son appartement, ils rencontrèrent Ryon. Le blond fit signe à Kalen, et ilss’arrêtèrent.

— Hé, tu vas bien ? demanda le loup à Kalen.— Ouais, je survivrai.Le sorcier semblait mal à l’aise.

— Écoute, je voulais te parler de quelque chose, mais il n’y a jamais eu un bon moment.— De quoi ?Il regarda curieusement Kalen.— Je dois te faire un aveu. C’est à propos de ce qui est arrivé dans la salle à manger.Ryon fronça les sourcils.— La salle à manger ? Oh. Tu veux dire quand cet esprit m’a attaqué. Qu’en est-il ?— C’était moi, avoua Kalen d’un air honteux. C’était moi.— Quoi ? demanda Ryon en regarda alternativement Mac et Kalen. Comment ?— Avec ma magie. Je suis tellement désolé.Il ouvrit grand la bouche.— Est-ce que tu te fous de moi ? Pourquoi voudrais-tu faire quelque chose comme ça ?— J’ai cédé à l’influence de Malik. Il voulait que je perfectionne mon côté sombre. Je suis

tellement désolé.— Bordel, c’est fou.Ryon passa une main sur son visage.— Je sais. Je t’en prie, pardonne-moi. J’essaie très fort de battre cette chose, mais ce n’est pas

facile. Pour ce que ça vaut, je fais des efforts, et je me sens vraiment très mal à propos de ce que jet’ai fait.

Ryon se tut un instant, luttant visiblement pour accepter ses excuses. Mais ensuite, il soupira, serelaxant un peu.

— J’accepte. Je te remercie de me l’avoir dit. Mais si cela arrive de nouveau, à moi ou àquelqu’un d’autre, et que j’apprends que c’est toi, je vais te botter le cul.

— Avec raison.Après avoir serré la main de Kalen, Ryon continua son chemin, marchant comme s’il n’avait pas de

soucis. Mac le regarda fixement un instant et pensa qu’il était un bon gars. Il méritait une femmefabuleuse. Comme tous les gars ici, d’ailleurs.

Elle se tourna vers Kalen.— Je sais que cela n’a pas été facile. Je suis fier de toi.— Ça n’a effectivement pas été facile, mais ça devait être fait.Ils se rendirent en silence dans ses quartiers ; Kalen n’avait pas remis son t-shirt déchiqueté, et il

portait son manteau de cuir en bandoulière sur un bras. Quand elle ouvrit la porte de son appartementconfortable, il posa le manteau sur une chaise.

— Y a-t-il une histoire derrière cette chose ? demanda-t-elle avec curiosité. Tu ne te déplacesjamais sans elle.

— Tout a une histoire, répondit-il avec un petit sourire. J’ai gagné ce manteau lors d’une partie depoker qui a eu lieu le jour de mon vingt et unième anniversaire. Je l’ai pris à un riche mec après lui

avoir montré une quinte royale. C’est la seule fois de ma vie que j’aurais souhaité parier davantage.— Qu’aurait-il eu, si tu avais perdu ?— Moi dans son lit pour la nuit.Son sourire devint triste.— Je n’avais rien d’autre à parier.Elle eut envie de pleurer pour le jeune homme qui avait été si perdu.— Mais tu es un sorcier. Pourquoi ne pas avoir simplement utilisé ta magie pour gagner ? Pour

obtenir ce dont tu avais besoin dans la vie ?— Parce que je suis beaucoup de choses, certaines pas très bonnes, mais je ne suis pas un tricheur,

bébé. Ma grand-mère m’a mieux élevé que cela. D’ailleurs, si je m’étais abandonné à cette tentationchaque fois que j’ai vécu une situation difficile, je serais tout aussi égoïste et maléfique que Malikmaintenant.

— Je suis désolée, dit-elle d’un air contrit.— Ne le sois pas. C’était une question tout à fait compréhensible.Se rapprochant d’elle, il la tira contre son corps dur.— Ce qui importe est d’avoir survécu. Je suis ici maintenant, et ce cul t’appartient.Un délicieux petit frisson la traversa, et la réveilla jusqu’au point de non-retour. Elle n’avait

aucune volonté, lorsqu’il s’agissait de son partenaire.— Est-ce vrai ? Ça ne te dérange pas que je profite d’un homme blessé ?Il prit ses lèvres dans un baiser passionné qui la laissa sans souffle.— Si tu ne t’occupes pas de moi, et vite, ma déception pourrait retarder mon rétablissement.— Eh bien, il faut à tout prix éviter ça !Elle prit la main de son partenaire pour le mener à sa chambre. Là où elle le voulait. Ils se

regardèrent l’un l’autre pendant plusieurs battements de cœur. Leur désir montait, leur flamme lesconsumait. Il avait le regard chaud ; il avait tant besoin d’elle et voulait la faire se sentir comme lafemme la plus belle et la plus désirée du monde.

— Je suis tellement désolée de la façon dont notre dernière rencontre s’est terminée. J’ai claqué laporte sans essayer de comprendre ton point de vue, sans te permettre de t’expliquer…

— Chut. C’est fini, ma chérie. Ma partenaire. Passons à autre chose, ensemble.— Je n’arrive pas à penser à quelque chose que j’aimerais faire davantage.Elle fit une pause et prit une grande inspiration.— Je veux que tu fasses de moi ta partenaire encore. Mais cette fois-ci parce que nous le voulons

tous les deux.— Oh, mon Dieu, Mackenzie, murmura-t-il. Oui.Ses mains tremblèrent un peu quand il tendit le bras pour déboutonner sa blouse. Il la déshabilla

comme si elle était un trésor précieux, laissa tomber la blouse au sol, puis lui retira son soutien-

gorge. Pendant quelques secondes, il se contenta de la regarder, avec une telle émotion brute sur levisage.

— Je n’avais jamais eu personne à moi seul. Personne qui était juste à moi et que j’étais le seul àchérir… et à aimer.

— Kalen, commença-t-elle, et ses yeux commencèrent à picoter de larmes de joie.— Laisse-moi t’aimer. Et pas seulement avec mon corps…. Je t’en prie. J’ai besoin de toi.— Je suis à toi, dit-elle d’une voix brisée.Il la prit dans ses bras, la plaça sur le lit et enleva son jeans et ses sous-vêtements. L’émotion entre

eux fut si intense qu’elle savait que cette fois serait très différente de la dernière. Avant, le sexe avaitété chaud, cru, charnel. Elle avait presque pris en feu.

Cette fois, son partenaire allait lui faire l’amour, déverser sur elle tout l’amour qu’il avait eu enviede donner toute sa vie. Et elle l’aimerait en retour, comme il le méritait.

Il rampa sur son corps, se coucha légèrement sur elle en veillant bien à ne pas l’écraser etl’embrassa si doucement que ses larmes finirent par couler. Il les lécha du coin de ses yeux, chuchota,murmura des mots doux qu’elle n’entendit pas tout à fait, mais dont elle saisit le sens quand même.

Puis, il descendit plus bas, rendant hommage à chaque centimètre de sa peau. Il mordilla le coindélicat derrière son oreille, son cou et sa clavicule. Ensuite, il lécha ses mamelons, les fit se dresseren des pics rigides. Il joua avec eux jusqu’à ce qu’elle gémisse ; elle demandait beaucoup plusd’attention à d’autres endroits, aussi.

Il fut heureux de s’exécuter, laissa traîner sa langue sur son abdomen, chatouilla son nombril et lafit rire. Rire pendant des relations sexuelles, qui l’eût cru ? Mais ce qui se passait entre eux ce soirtranscendait le sexe… C’était un partage de corps, une connexion entre deux âmes. Pourquoi cela nedevrait-il pas être une occasion de joie ?

Puis, il se coucha entre ses jambes et écarta davantage ses cuisses pour découvrir son sexe. Ellen’avait jamais eu honte de son corps, mais cette ouverture, la facilité qu’elle ressentait quand elleétait avec lui, ne ressemblait à aucune relation avant lui. Cet homme lui appartenait.

Il plaça les mains sous ses fesses et la souleva un peu pour commencer à se régaler de sa chatte.Chaque cellule du corps de Mac prit vie, chanta devant ses attentions. C’était son partenaire, quidonnait du plaisir à sa femme comme personne d’autre n’aurait le droit de le faire, jamais. Le fait delui appartenir la fit se diriger trop près de l’orgasme. Comme s’il l’avait sentie près de jouir, il souritet la reposa sur le lit.

— Pas si vite, bébé. Je vais te faire jouir sur ma bite.— Oui, je t’en prie !Il revint sur elle et plaça le gland de sa bite dure contre sa fente, et commença à pousser. Il

l’empala lentement, et cela fut si incroyablement bon. Il lui convenait parfaitement, étirant sa chatte etla remplissant jusqu’à ce que le plaisir de Mac la rende presque incohérente. Puis, il commença à

aller et venir en elle, lui caressant les parois intérieures, et elle se cramponna à lui. Elle le laissa labercer dans les vagues glorieuses d’un plaisir toujours plus fort.

— Je t’aime, Mackenzie, lui dit-il doucement en la rapprochant de lui et en enfonçant sa queuelentement et profondément en elle. Mon Dieu, que je t’aime.

— Je t’aime aussi. Depuis la première minute où je t’ai vu.— Bébé…Ses mouvements devinrent de plus en plus rapides. Sa respiration devint plus précipitée à mesure

qu’il accélérait le rythme. Puis, il la prit dans ses bras, et sans arrêter, il la tira en position assise, surlui.

— Chevauche-moi comme ça, ma chérie, dit-il dans un souffle. Baise-moi comme ça.— Oui !Elle prit alors les devants, s’appuyant sur les épaules de Kalen en rebondissant sur ses cuisses.

Elle s’empala sur sa queue avec enthousiasme, les amenant tous deux vers le point culminantinévitable.

— Je vais faire de toi ma partenaire. Et je ne t’abandonnerai jamais.— Je t’en prie, Kalen !N’ayant besoin d’aucun autre encouragement, il frappa. À l’instant où ses crocs s’enfoncèrent dans

la courbe de son cou et de son épaule, la force de sa libération fit exploser son monde. Mac se rendità peine compte qu’elle avait crié son extase sauvage comme il réaffirmait leur lien tout en libérant sasemence en elle par secousse.

Quand leurs frissons finirent par s’arrêter, il la tenait toujours contre lui et frottait les mains sur sondos. Finalement, il retira ses crocs et lécha les plaies, même si elle sentait que la bête en lui étaitréticente à renoncer à son emprise.

— Je pensais ce que je disais, lui dit-il. Ce n’était pas non plus en raison de la baise. Je t’aime,doc.

— Et je t’aime, sorcier.Il sourit.— Tu me rends plus heureux que j’ai le droit de l’être. Mais pour une fois, je vais profiter d’avoir

ce que je veux et je m’inquiéterai du reste demain.— Tu as raison, dit-elle en embrassant ses lèvres pulpeuses. J’imagine que nous devrions nous

séparer.— Euh… Il faut ?— À la douche ?Il se redressa.— Est-ce que ça comprend une douche sexe ?— Si tu as de la chance, le taquina-t-elle.

— Alors, c’est une bonne idée.Soigneusement, il l’aida à se lever de ses cuisses. Ensemble, ils se dirigèrent vers la salle de bain,

mirent l’eau et attendirent qu’elle soit bien chaude. Ensuite, ils firent de la vapeur de plus d’unemanière.

Par la suite, Mac repensa à la façon dont elle devait parler du bébé à Kalen. Merde, s’ilscommençaient à vivre ensemble, il serait inquiet à propos de ses nausées matinales.

Et elle devrait lui parler du cauchemar et des demandes de Malik.Elle lui parlerait de ces deux choses d’ici peu. Mais elle voulait que cette nuit leur appartienne,

avant que la réalité ne les rattrape.Certes, cela n’était pas trop demandé.Avec un soupir de contentement, elle se blottit dans ses bras et dormit mieux qu’elle l’avait fait

depuis les derniers mois.Plus tard, elle serait très heureuse de ne pas avoir connu la tragédie et les chagrins à venir.

Chapitre 11

Le lendemain matin qui suivit la revendication de sa partenaire, pour une deuxième fois, et avec demeilleurs résultats, Kalen planait sur un nuage. Il s’élevait à une telle hauteur que Mac lui aurait faitpasser un test de toxicologie, si elle n’avait pas su personnellement que son bonheur était naturel.

Alors, il aurait dû savoir que cette sensation ne durerait pas.Après que Mackenzie se fut habillée et fut allée à l’infirmerie, Kalen retourna à ses quartiers pour

changer de vêtements. Il envisageait de demander à sa partenaire s’ils pouvaient vivre ensemblequand son téléphone portable sonna.

Le nom de Nick apparut à l’écran, et il grimaça. Le patron ne l’appelait habituellement pas pour luiannoncer de bonnes nouvelles, et cette fois-ci n’était pas différente.

— J’ai trouvé où sont tes parents, dit-il sans préambule.— Eh bien, voilà une nouvelle fantastique, répondit Kalen avec tout le sarcasme qu’il put trouver

en lui.Cette conversation devrait être accompagnée de café. Il y ajouterait peut-être une touche de whisky.— Il me tarde d’assister à cette réunion larmoyante. Dois-je apporter des mouchoirs ?— Très drôle. Tu ne veux pas savoir où ils sont ?— Pas particulièrement. Mais je suppose que tu me le diras quand même.Ouais, du café. Mais il vaudrait mieux oublier l’alcool, cependant. Il prit une tasse et la plaça dans

l’appareil et appuya sur le bouton pour obtenir l’infusion d’une seule tasse.— Ton adresse d’enfance est toujours dans le bottin à leurs noms.Kalen se figea, regardant l’infusion parfumée monter dans la tasse.— Tu plaisantes ?— Non. Ce qui est étrange, par contre, c’est que mon contact m’a appris que personne ne peut se

rappeler avoir vu les Black depuis des années. Personne n’entre dans la maison ni n’en sort, pas devisiteurs, rien. Mais la maison est bien entretenue. Quelqu’un s’occupe des fleurs, tond la pelouse,ramasse les journaux et le courrier régulièrement. Les dossiers montrent que les factures sont régléesà temps, et cetera. Depuis neuf ans. Tout semble normal en surface.

— Sauf que personne ne les a vus depuis près d’une décennie.Un doigt froid parcourut la colonne vertébrale de Kalen. Il n’avait pas besoin que Nick lui dise que

quelque chose clochait.— Quand partons-nous ?— Tu n’es pas obligé de venir, dit le commandant d’une voix plus douce. Tu sais que nous allons te

dire ce que nous y trouverons.— Je te fais confiance, à ce sujet. C’est juste que… Autant j’aurais été ravi de ne plus jamais

remettre les pieds dans ma ville natale, je me suis rendu compte que je devais y retourner pour êtreen paix avec moi-même, dit-il en hésitant. Pour moi, et pour Mackenzie.

— Mac et toi, hein ?Kalen sentit le sourire de Nick dans sa voix.— Je doute que ce soit un secret.— Tu as raison, ce ne l’est pas. Tu as fait d’elle ta partenaire… d’une façon correcte, cette fois ?— Ouais, dit-il.Il fut heureux que Nick ne puisse pas voir qu’il rougissait au téléphone. Ou merde, peut-être qu’il

le pouvait.— Elle est la meilleure chose qui me soit jamais arrivée. Je l’aime, Nick, et pour une raison que je

ne saisis pas, elle m’aime aussi.— Je suis vraiment heureux pour vous deux, jeune homme. Et je suis d’accord à propos de la paix

intérieure dont tu as besoin. Peux-tu être prêt à partir dans une heure ?— Je suis prêt maintenant.— Prends un petit déjeuner, puis sois dans le hangar dans une heure. Aric va nous emmener là-bas

en jet, et Ryon nous accompagnera en renfort. Ce sont ceux qui ont été les moins blessés hier.— Très bien, je t’y verrai. Et, Nick ? Merci.— Il n’y a pas de quoi.Kalen sirota son café pendant quelques minutes, puis jeta le fond de la tasse dans l’évier. L’idée de

faire face à ses parents après tant d’années lui donnait mal au ventre, alors il n’était pas sûr si c’étaitune bonne idée d’aller prendre un petit déjeuner. Mais comme il ignorait quand il pourrait manger denouveau, il pensa qu’il ferait mieux d’obéir au patron.

Seulement la moitié des hommes environ, y compris Aric et Ryon, étaient dans la salle à manger àse gaver de crêpes et de bacon. Les autres devaient dormir pour récupérer de la raclée qu’ils avaientprise des sluaghs. Kalen embrocha quelques crêpes avec sa fourchette, saisit trois morceaux debacon, et mangea. Il devait être plus affamé qu’il ne l’avait pensé, car il les fit disparaîtrerapidement. Après avoir dit à Aric et Ryon qu’il les reverrait dans l’avion et avoir salué les autres, ilse précipita à l’infirmerie.

Un Noah qui avait l’air fatigué lui indiqua la bonne direction, et Kalen trouva sa docteure quisortait de la chambre de Zan.

— Comment va-t-il ?— Sa santé s’améliore, déclara Mackenzie avec soulagement. Sa vision est maintenant bonne, et

son ouïe est presque revenue à la normale.— Voilà de bonnes nouvelles.

Il lui donna un baiser rapide… pas le baiser chaud et passionné qu’il aurait préféré lui donner.Mais elle devrait s’en contenter.

— Est-ce qu’il sortira bientôt d’ici ?— Demain, je dirais. Alors, qu’est-ce que tu fais ?Il lâcha un soupir refoulé.— Nous allons voir mes parents. Nick veut vérifier tout lien qu’ils pourraient avoir avec Malik,

compte tenu de ses prétentions, et quelques gars vont venir avec nous en renfort.— Tu veux parler de ses allégations selon lesquelles il connaissait ta famille et que tu es un fée.Elle le regarda avec inquiétude.— Exactement. Je ne suis pas sûr que mes parents seront très coopératifs, ou s’ils vont même nous

parler.— Bonne chance, mon chéri, dit-elle en le prenant dans ses bras et le serrant fortement. Je sais

combien il est important pour toi d’obtenir des réponses.— Je souhaite juste que je puisse les gérer quand je les aurai.— J’aurais aimé pouvoir t’accompagner.Un nuage d’inquiétude passa devant ses yeux bleus.— Mais je dois faire ce quart de travail avec Zan. Noah est épuisé et doit dormir un peu.— Ne t’inquiète pas pour moi, bébé. Nick, Aric et Ryon viennent avec moi. Tout ira bien. Je te le

promets.Elle se mordit la lèvre.— D’accord, mais appelez-moi pour me dire comment ça s’est passé. J’aurai du mal à me

concentrer d’ici que tu le fasses.— Je le ferai. Rendez-vous cet après-midi.Un câlin et plusieurs longs baisers plus tard, il se retrouva sur le chemin du hangar. Seul le

Seigneur savait ce qu’ils trouveraient dans sa ville natale.Kalen put sentir la tension dans son cou et ses épaules quand Aric arrêta l’avion sur la piste privéequ’ils avaient louée pour leur trajet. Il s’était juré de ne jamais y retourner, et il y était. De retourdans sa prison.

Sauf pour grand-mère. Elle avait été la seule influence positive dans sa vie, et sans elle, il auraitrapidement été perdu. Jusqu’à Mackenzie.

Il ne faisait aucun doute que sa partenaire repoussait l’obscurité. En dépit de la terrible emprise deMalik sur lui, son lien avec Mac était beaucoup plus fort. C’était ce que Sariel avait voulu dire quandil avait parlé de s’ouvrir à la lumière et à l’amour… tout ce temps, il s’agissait de Mackenzie.

Pourtant, il avait peur que quelque chose arrive à briser leur nouveau lien fragile. Qu’il pourraitêtre écrasé comme une fleur dans un ouragan, tout simplement balayé par une vague du cruel destin. Iln’était pas paranoïaque. Il avait déjà vécu la perte de son bonheur et de son âme. Si cela se

produisait de nouveau, il pourrait devenir l’esclave de son propre côté sombre et ne plus jamaisrevoir la lumière.

— Bienvenue à Mayberry, plaisanta Aric en arrêtant le jet. Doux Jésus, que font les gens ici pours’amuser ? Ils font des courtepointes ?

— Ouais. Quand les vieux se sentent vraiment rebelles, ils jettent de l’argent dans le pot pour lebingo. Et je n’exagère pas.

Ses trois collègues ricanèrent, et il sourit au souvenir de sa grand-mère se vantant de son grandscore.

— Hammer se sentirait bien chez lui ici, observa Ryon comme ils débarquaient. Il pourraitorganiser un club de tricot puisque tout le monde sait qu’il est vraiment une petite vieille au fond.

Nick rit.— Ne dis jamais ça devant lui. Il ne jure que par ce passe-temps, il dit que ça le détend.Ryon haussa un sourcil sombre.— Mec, je peux penser à de meilleures façons de me détendre et qui n’ont rien à voir avec une

pelote de laine. Sérieusement, quelqu’un doit prendre ce garçon sous son aile.— Ce garçon, répéta Nick d’une voix traînante, a infiltré si profondément certains milieux pendant

de nombreuses années qu’il s’est presque perdu lui-même. Il a dîné avec des barons de la drogue, aparticipé à des opérations avec des terroristes nationaux et a arrêté plus de criminels dangereux quenous quatre ensemble. S’il veut vivre une vie tranquille en dehors du service, laissons-le tranquille.

Intéressant. Kalen s’était souvent interrogé au sujet du colosse, et cet aperçu de son passé le rendaitencore plus curieux. Mais le moment était mal choisi pour poser davantage de questions. Ils étaientvenus ici pour une raison, et cette idée le ramena à la réalité.

Un VUS noir les attendait sur le tarmac, les clés sous le tapis du côté conducteur. Ryon prit levolant et Nick s’assit à côté de lui, laissant Kalen à l’arrière. Avec Aric. Qui le regarda avant des’installer — fait incroyable — sans faire un seul commentaire sarcastique. En fait, quand il ouvrit labouche, ce fut pour dire quelque chose de sacrément décent.

— Cette opération chez tes parents, ce n’est pas de la merde. Tu vas pouvoir boucler la boucle decette partie de ta vie, mettre ça derrière toi. Nous sommes là pour toi. Souviens-t’en.

Leur trêve était précaire, mais semblait durer. Kalen douta qu’ils deviennent les meilleurs amis dumonde, car il fallait un certain temps pour s’habituer à son style, mais il était bon.

— Merci. Je t’en suis reconnaissant, dit-il.Il le pensa sincèrement.Le trajet se déroula sans incident, et il examina la ville alors qu’ils passaient devant la place

centrale. Peu de choses avaient changé, à l’exception de quelques nouvelles entreprises qu’il nereconnaissait pas. Les arbres étaient plus grands et plus fournis, et la ville avait fait un travaild’embellissement avec des fleurs et autres arbustes. À part ces petits détails, c’était comme d’entrer

dans une machine à remonter le temps.Quelques minutes plus tard, quand Ryon arriva en face de l’ancienne maison de Kalen et se gara à

côté de la bordure du trottoir, le magicien transpirait. Il prit quelques respirations profondes pour secalmer. Son père était comme un pit-bull : s’il sentait la moindre insécurité chez son fils prodigue, illui sauterait à la gorge, et ils finiraient par avoir ce combat qui couvait depuis des années.

Kalen n’avait plus 14 ans. Il ne subirait pas cet abus recroquevillé au sol.Mais il avait davantage besoin de réponses de son père que de le battre. Ils sortirent du véhicule en

claquant les quatre portes. Ils s’avancèrent sur le trottoir, mais Ryon s’interrompit dans son élan.— Attendez.Le blond poussa une mèche de cheveux de ses yeux et regarda autour de la pittoresque maison

jaune aux bordures couleur pain d’épice. Le quartier était calme, les feuilles des vieux arbres sebalançant doucement. Quelque part, un chien aboya. À une rue ou deux de distance, ils pouvaiententendre les enfants jouer. Une journée normale.

— Quoi ? demanda Kalen, à voix basse.— Il y a deux esprits ici, leur dit sombrement Ryon. Ils nous avertissent de partir.— Ils t’ont dit pourquoi ? demanda Nick.— Quelque chose à propos d’un mauvais juju. De la magie noire.Super. Ils avaient bien besoin de ça.— J’aurais tellement dû m’attendre à ça, leur dit Kalen. Attends, laisse-moi voir si je peux détecter

quelque chose de surnaturel.Il laissa libre cours à sa magie, la laissa couler vers l’extérieur, vers la maison, à la recherche

d’une puissance similaire. La réaction fut instantanée, et il tomba violemment à la renverse.— Merde !Aric le rattrapa avant qu’il ne tombe sur la chaussée.— Wow ! Tu l’as trouvé, hein ?— Merde !En se relevant, il regarda le rouquin.— Merci de m’avoir rattrapé.— Il n’y a pas de quoi. Alors, quel est le problème ?— Comme les esprits l’ont révélé à Ryon… il s’agit de magie noire. Il y a un épais filet au-dessus

de la maison, agissant comme une sorte de voile ou de protection.— Peux-tu le lever ? demanda Nick.— Je pense que oui.Sinon, ils auraient besoin d’une pelle pour l’extirper du sol. Mais il s’abstint de le mentionner.— Super. Arrange-toi pour qu’on puisse entrer avant que quelqu’un appelle les flics, murmura

Aric.

C’était une réelle possibilité. Bloquant ses pensées à propos des voisins curieux, Kalen ferma lesyeux et ouvrit sa magie. Il la laissa se répandre, prudemment cette fois, vers la toile d’araignée desprotections au-dessus de la maison. Il en sonda la structure ici et là, et trouva des points de faiblesseà exploiter. Il s’y concentra tout en élargissant son don, cherchant le bon type de sort à utiliser.

C’était un simple voile, construit pour tromper tous ceux qui regardaient la maison afin qu’ilscontinuent de la voir comme elle l’était depuis longtemps. Et la signature appartenait à une créaturequ’il commençait à bien connaître.

— Malik, réussit-il à dire. C’est lui qui a fait ça.Cette nouvelle donna lieu à quelques blasphèmes, mais il resta concentré sur le voile. Il le

démantela, centimètre par centimètre, jusqu’à ce qu’il finisse par s’effondrer et se dissiper comme dela poussière. Ce qu’ils virent ensuite, la véritable image de la maison où il avait souffert pendanttoute son enfance, fut le reflet de ce qu’il s’était attendu à trouver.

La maison était dans un triste état d’abandon, sise sur une pelouse envahie par les mauvaisesherbes, dont le porche s’était effondré. Les fenêtres brisées ressemblaient à des yeux sans âme quipleuraient. La peinture jaune autrefois gaie était défraîchie et pelait à certains endroits, ce qui donnaitl’impression que la maison était malade. Ce qui n’était pas trop loin de la réalité.

Ryon s’avança sur le trottoir fissuré et inégal.— Bordel, quel gâchis ! Pourquoi Malik s’est-il donné la peine de masquer l’état réel de la maison

?— Je peux penser à une bonne raison, déclara Kalen. Il voulait éviter que quelqu’un y pénètre.— Soyez à l’affût, quand vous allez être à l’intérieur, dit Nick en regardant la maison avec

méfiance. Nous n’avons pas besoin d’un autre blessé ou pire.Ils montèrent sur le porche avec soin, et les planches pourries gémirent sous leur poids combiné. Il

sembla tenir le coup, par contre.— Les dames d’abord, plaisanta Aric, souriant à Kalen.Kalen le fusilla du regard, et Aric tenta immédiatement d’avoir l’air contrit.— Désolé. Vieilles habitudes.Kalen rit, ce qui surprit le rouquin. Les autres sourirent aussi. S’il devait véritablement faire partie

de cette équipe, il lui faudrait apprendre à rire de lui-même un peu. Disons beaucoup.Il essaya d’ouvrir la porte, et la poignée tourna facilement. Chaque cellule de son corps étant prête

à entrer en action, il ouvrit la porte. Tout ce qu’il remarqua fut l’odeur de la poussière, les toilesd’araignée… et quelque chose qu’il avait senti des dizaines de fois auparavant, partout dans lescimetières.

La pourriture.Les loups devaient avoir senti cette odeur, parce que Nick posa une main sur son épaule.— Tu peux attendre à l’extérieur si tu veux. Personne ne prendra cela comme de la faiblesse.

Il savait ce qu’ils étaient susceptibles de trouver. Mais Kalen n’avait pas fait tout ce chemin pourfaire face à ses démons dans le but de reculer à la dernière minute.

— Non, je vais bien. Continuons.Au signal du commandant, ils entrèrent et commencèrent à inspecter la maison les uns près des

autres. L’intérieur devait être recouvert d’une couche de deux centimètres de poussière. Des toilesd’araignée jonchaient les coins. Ryon alla dans la cuisine, et quelques instants plus tard, il cria.

— Hé, venez voir ça.Kalen les suivit à l’intérieur et regarda le désordre. L’odeur de vieille nourriture brûlée agressa

leurs nez sensibles de métamorpes. Deux marmites avaient été laissées sur le vieux poêle, dont lecontenu carbonisé avait probablement été laissé sur le feu autrefois. Ryon ouvrit le four et commençaà tousser, puis il claqua la porte.

— Il y a une casserole de quelque chose là-dedans qui devait être une espèce de viande.— Dégoûtant, dit Aric en fronçant le nez.Nick fit un signe de la main vers la chambre.— Donc, le dîner avait été préparé. Et puis, quoi ?— Rien de bon, déclara Kalen. Allons voir leur chambre à coucher. Maman venait souvent à la

maison après le travail et changeait de vêtements après avoir préparé le repas. Elle disait toujoursqu’il était agréable de se détendre après une longue journée.

Il espéra vraiment, vraiment, qu’ils ne trouveraient rien. Il aurait préféré que ses parents aientdisparu sans laisser de trace plutôt que de découvrir ce qu’il craignait voir. Mais ses prières nefurent pas exaucées.

La réalité était bien pire que ce qu’il avait imaginé.Nick, en tête, franchit la porte de la chambre de ses parents et se retourna immédiatement en levant

les deux mains.— Tu ne devrais pas entrer là.— Tu parles si je vais entrer ! Pousse-toi, Nick.Jetant un coup d’œil au-dessus de l’épaule de leur patron, Ryon resta bouche bée.— Non, dit Aric en secouant la tête. Tu ne veux vraiment pas y aller.— Je suis un grand garçon, dit-il calmement. Ce n’est pas comme si je ne savais pas que quelque

chose allait terriblement mal à la minute où j’ai découvert que les protections avaient été installéespar Malik. Laisse-moi entrer pour que je puisse mettre un terme à cette partie de ma vie.

Après plusieurs secondes de silence angoissé, ils se poussèrent pour lui permettre d’entrer dans lapièce. Ce qu’il vit l’assura qu’il y avait des choses qui n’étaient jamais vraiment finies… pour lesvivants, en tout cas. Parfois, il n’y avait que de l’horreur qui resterait dans l’esprit d’une personnepour le reste de sa vie.

Les cadavres séchés et momifiés de ses parents se trouvaient dans la chambre, aussi abandonnés et

désespérés que leur maison autrefois malheureuse. Son père gisait sur le sol à côté du lit, sesvêtements devenus des lambeaux depuis longtemps. Mais ce ne fut pas le détail le plus effrayant.

Il avait été décapité. Sa tête avait été placée sur la commode au pied du lit, donnant sur le cadavrede sa mère.

Elle avait été liée au lit, les poignets au-dessus de la tête, et d’après ce qu’il pouvait voir, elle étaitnue au moment de sa mort. Son visage était tourné vers la tête coupée sur la commode, la bouchefigée dans un cri silencieux.

— Leurs esprits sont toujours là, murmura Ryon. Ils me disent que c’est Malik qui a fait ça. Il a liémadame Black au lit, puis a tué monsieur Black et il l’a forcée à regarder. Et puis, il l’a laissée icimourir lentement, seule avec l’horreur de l’assassinat de son mari et de sa propre mort imminente.

Le vaste regard vide de Ryon trouva celui de Kalen.— M. Black a un message. Il dit qu’il te hait. Que tu es un salaud, et il espère que tu pourriras en

enfer.Les yeux de Ryon roulèrent dans sa tête, et il heurta le sol.Kalen eut un haut-le-cœur.— Mon Dieu. Je vais être malade.Il courut en trombe vers la minuscule salle de bain et eut à peine le temps de s’agenouiller devant

les toilettes sales avant de rendre son petit déjeuner. Il vomit jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien dansson estomac. Une main serra son épaule, et il sursauta.

— Tout va bien, gamin ?Nick eut un rire sans humour.— Question stupide. Allez, sortons d’ici. Je vais appeler Grant pour qu’il envoie une équipe pour

faire disparaître ce gâchis.— Grant ? On n’a pas besoin de lui, patron, se moqua Aric.Il aida Ryon, qui était secoué, à se relever, puis vint se placer derrière Nick au seuil de la salle de

bain.— Nous pouvons nous occuper de ça nous-mêmes.Nick réfléchit un instant, puis demanda à Kalen,— Veux-tu garder quelque chose d’ici ? Qu’en est-il de la maison ?— Les albums photo de ma grand-mère, répondit Kalen d’une voix rauque. Ma mère les a

récupérés quand ma grand-mère est morte, et je voudrais les avoir. Puis, brûlez cette putain demaison.

Aric hocha la tête.— Je peux le faire. Avec plaisir.— Sans endommager les autres maisons à proximité ?— Naturellement.

Nick aida Kalen à se relever, et les gars se rassemblèrent autour de lui comme ils quittaient lapièce en bloquant son point de vue de la scène terrible. Bien qu’il soit trop tard pour cela, il appréciale geste.

La recherche des albums fut heureusement brève. Sa mère les avait gardés sur une étagère dans lesalon, et ses amis ramassèrent à pleins bras plusieurs livres poussiéreux, et les apportèrent dans leVUS. Kalen, qui traînait derrière, se retourna et jeta un dernier coup d’œil à l’endroit associé à tantde tristes souvenirs. Tant d’horreur.

Se souvenant de sa mère, Kalen eut la gorge serrée par l’émotion. Quels que soient ses défauts, elleavait aimé Kalen autrefois.

Mais ses nombreuses erreurs, comme le fait d’épouser son père, avaient scellé son sort. Elle auraitpu aimer son fils, mais elle ne s’était pas battue pour lui. Elle avait été trop tabassée, sans espoir.

Et si elle avait des secrets, ils étaient morts avec elle.Ou était-ce bien le cas ?Malik était inhabituellement discret à un moment où Kalen aurait pensé qu’il aurait jubilé, se serait

moqué de lui avec des énigmes et davantage de secrets. Sans parler qu’il aurait dû punir Kalen poursa trahison, pour être allé directement vers Nick et l’équipe pour leur parler de l’attaque planifiée surles citoyens. Le lien tissé par sa prise de partenaire devait être vraiment plus fort, et il futreconnaissant pour le sursis.

— Protège-nous, magicien, parce que cette cabane va cramer.Aric leva une main, et une colonne de feu attaqua le porche délabré. La maison s’embrasa comme

du bois d’allumage sec, et Kalen eut à peine le temps de mettre une protection en place avant que toutle quartier ne voie un spectacle qu’il n’aurait pas été prêt d’oublier.

Ils regardèrent les flammes affamées consumer la structure. La réduire en cendres. En quelquesminutes, ce fut fini, et il ne resta plus qu’un tas de décombres fumants pour marquer l’endroit où savie avait commencé.

Aric dirigea Kalen vers le VUS.— Ryon, foutons le camp d’ici.— Je vais conduire, déclara Nick. Ryon est encore un peu secoué.— Putain, cette ville ressemble peut-être à Mayberry, mais c’est vraiment une ville à foutre la

trouille. Elle m’a donné la chair de poule. Toute la ville est probablement pleine de gobelins ou detrucs du genre, murmura Aric en montant dans le véhicule.

Les lèvres de Kalen se courbèrent vers le haut, en dépit de la gravité de leur découverte macabre.Aric était tellement… Aric. Unique en son genre. Ils avaient eu leurs différends, mais il était en passede devenir un gars franc.

En moins d’une demi-heure, ils avaient retourné le VUS emprunté à l’endroit où ils l’avaient trouvéet étaient montés à bord du jet qui les ramèneraient au camp dans le Wyoming.

Vers la maison, et, mieux encore, vers la femme qu’il aimait.Le téléphone portable de Mac bourdonna sur sa hanche, et elle le saisit pour lire le message texte deKalen.

Atterrissage dans cinq minutes. XOXO.XOXO moi aussi. Comment ça s’est passé ?Mal. On en reparle bientôt.Dans mon bureau. Viens quand tu peux.— Merde.« Mal » pouvait vouloir dire tant de choses. Elle aurait aimé qu’ils puissent communiquer par

télépathie comme les autres partenaires, mais alors que Kalen et elle étaient plus sensibles auxémotions de l’autre et à la direction générale de ses pensées, une réelle communication télépathiquene semblait pas leur être destinée. Inquiète, elle arpenta son bureau jusqu’à ce qu’on frappe à saporte.

Elle se précipita pour l’ouvrir, et son sorcier lui tomba presque dans les bras.— Oh, chéri ! Ça va ?Elle essaya de reculer pour l’examiner, mais il se cramponna à elle encore plus. Elle enfouit sa tête

sous son menton, et il embrassa ses cheveux, son maigre corps frissonnant.— Ils étaient morts, dit-il en s’étouffant.Oh, non.— Tes parents ?— Morts, et depuis des années. Peut-être depuis que j’ai quitté la maison. Bordel, ils étaient

momifiés.— Chéri, je suis désolée, murmura-t-elle en souffrant pour lui. Cela a dû être un grand choc, de les

trouver comme ça.— Ma mère a été attachée au lit, et la tête de mon père était sur la commode. Le tueur l’a obligée à

regarder, puis l’a laissée avec lui comme ça. Il l’a laissée crever comme ça.Elle le tint pendant longtemps, essayant de le réconforter alors qu’il tremblait. Elle se sentait

tellement impuissante, et ne savait pas trop quoi dire.— Qui a fait cela, selon toi ?— La signature de Malik était dans les protections qu’il avait mises sur la maison, dit-il avec

difficulté. Ryon a dit qu’il les avait tués.— Qu’en est-il de la scène ? L’avez-vous laissée comme ça ?— Non. Nick voulait appeler ton père pour qu’il nettoie ça avec son équipe, mais Aric a offert d’y

mettre le feu. Tout est parti, sauf pour les albums de photos de grand-mère. Je les ai rapportés.— C’est bien. Je suis contente que tu aies pu prendre quelque chose qui lui appartenait, dit-elle

doucement.

Il se tut pendant un instant. Enfin, elle réussit à se dégager de son emprise et lui demanda des’asseoir. Elle s’assit à côté de lui et lui tendit la main. Ses yeux étaient rouges, et il avait l’air siperdu, que Mac eut le cœur en miettes pour lui.

— Je me sens comme si c’était ma faute s’ils sont morts, dit-il calmement en la regardant d’uneexpression misérable.

Elle redevint thérapeute pendant un moment.— C’est une réaction compréhensible. Mais permets-moi de te demander, tu étais là quand ils ont

été tués ?— Non.— Et pourquoi pas ?— Parce que mon père m’avait jeté à la rue.— Et tu n’avais que 14 ans, à l’époque. Par conséquent, il n’y a rien que tu aurais pu faire pour les

sauver. Tu aurais même pu avoir été tué avec eux.— Peut-être, mais je ne le crois pas.— Vraiment ? Pourquoi pas ?— Ils étaient la cible de la vengeance de Malik, pas moi. S’il avait voulu me tuer, je serais déjà

mort maintenant. Je suis trop utile pour lui pour mourir. C’est lui qui me l’a dit.Elle réussit à cacher son frisson de peur. Ils savaient tous les deux que si le tueur était Malik, ce

qui semblait très probable, le Unseelie pourrait changer d’avis à tout moment. Il pourrait décider queKalen était un passif qu’il ne pouvait pas se permettre de garder, surtout s’il ne réussissait pas à legagner à sa cause. Grâce à leur lien, elle sentit l’inquiétude chez Kalen. Il était au bout du rouleau, aubord du gouffre.

— Pourquoi n’irions-nous pas nous reposer dans mes quartiers avant le dîner ? Zan a reçu soncongé plus tôt, alors je suis libre.

Elle le tira et mit son bras sous le sien alors qu’ils marchaient vers son appartement.— Je ne te mérite pas, murmura-t-il.Elle se blottit contre lui.— Ne dit pas ça.— C’est vrai. Toute cette merde, c’est à cause de moi.— Non. C’est à propos de la quête de Malik pour dominer le monde. Tu n’as rien à voir avec ses

plans.— Mais à partir de mon enfance, ces plans ont eu quelque chose à voir avec moi. Il a tué mes

parents, tout comme il a assassiné tous ceux qui m’ont fait du mal. Et il n’a pas fait ces choses paramour pour moi… je suis important pour lui. Ou plutôt, mon pouvoir l’est.

Il eut un rire amer.— Mais tu es plus important pour moi et pour l’équipe. Ne l’oublie pas.

— Je ferai de mon mieux, bébé.Il lui serra la main et lui fit un sourire reconnaissant.Ils se dirigèrent tous deux vers son appartement en se tenant par la main, et elle aima leur

proximité, la chaleur de sa paume qui enveloppait la sienne. À l’intérieur, elle l’aida à enlever sonmanteau et le jeta sur le canapé, puis le tira dans sa chambre. Il lui lança un regard interrogateur ; etl’espoir et le désir brûlèrent dans son regard.

— Fais-moi l’amour, je t’en prie, murmura-t-elle en effleurant sa poitrine de sa paume.— Je pensais que tu ne me le demanderais jamais, dit-il en inspirant profondément.Elle prit soin de lui, le déshabilla comme il la regardait, aussi vulnérable qu’un adolescent. Mais

son corps était celui d’un homme, comme en témoignait son désir montant de l’embrasser sur le bas-ventre. Il était à couper le souffle, fait de lignes pures, d’une mince masse musculaire. Sombre etdangereux. Tout à elle.

— Je t’aime, Kalen.— Je ne comprends pas pourquoi, mais je suis content. Tu me rends tellement heureux, dit-il dams

un souffle. Permets-moi de t’aimer en retour.Il la déshabilla avec autant de soin qu’elle en avait pris elle-même, puis la poussa doucement sur

le dos. Cette fois, il n’y eut pas beaucoup de préliminaires. Quelques baisers passionnés sur seslèvres, et il lui écarta les cuisses et se coucha sur elle. Il trouva son centre humide avec la tête de saqueue et glissa à l’intérieur. Il lui fit doucement et tranquillement l’amour avec des coups de reinssûrs, les amenant, à bout de souffle, près de l’orgasme. Puis, il les fit basculer.

Accrochés l’un à l’autre, ils savourèrent leur apogée jusqu’à ce qu’ils retombent, épuisés. Ilsrestèrent ensuite enlacés, absorbant la lueur dorée de leur lien.

Il soupira, repu et fatigué. Quand il parla, sa voix était remplie d’émerveillement.— Mon Dieu que c’était merveilleux ! Qu’est-ce qu’une belle femme intelligente comme toi voit

dans un monstre comme moi, bébé ?Se remontant sur un coude, elle fronça les sourcils.— Tu n’es pas un monstre. Tu es l’homme que j’aime, et je ne changerais rien de toi, sauf tes maux.Il la serra contre lui.— J’aurais aimé être un enfant normal né dans une famille ordinaire. Alors, je pourrais être un gars

ordinaire pour toi.— Eh bien, si tu étais né dans des circonstances différentes, nous ne nous serions pas même

rencontrés, dit-elle. D’ailleurs, je t’aime exactement comme tu es. En disant que tu aimerais êtredifférent, tu mets en cause mes choix et mon intelligence. C’est ce que tu voulais faire ?

Il inspira et la serra comme elle se blottissait contre lui de nouveau, et il déposa un baiser sur ledessus de sa tête.

— Non, pas du tout. Tu as raison, et je suis désolé. Tu es la seule bonne chose qui soit sortie de

tout cela, le sais-tu ?— Nous sommes une bonne chose, dit-elle en se pressant contre sa poitrine nue.— Ouais. Tu fais disparaître l’obscurité, lui dit-il. Tu es ma lumière.La gorge de Mac fut serrée par l’émotion.— Alors, accroche-toi un peu plus longtemps, et nous le battrons ensemble.

Mac fut réveillée par des coups persistants provenant de quelque part de l’autre côté de sa chambre.Désorientée, elle regarda son réveil numérique sur la table de nuit pour voir qu’il était 7 h. Kalen etelle avaient manqué le dîner et avaient dormi toute la nuit.

Les coups se firent de nouveau entendre, et elle fronça les sourcils, se demandant qui pouvait bientaper à sa porte à cette heure. Son téléphone portable était silencieux à côté de son réveil. Siquelqu’un avait besoin d’elle, pourquoi ne l’avait-il pas appelée ?

En poussant un soupir, elle se leva et enfila un peignoir en ratine de velours en ignorant legargouillement dans son ventre qui signalait une attaque imminente de nausée matinale, et espéra quele visiteur ne réveillerait pas Kalen. Son pauvre partenaire était épuisé de toutes les imbécillitésqu’il avait eu à traiter, et méritait de dormir. Mais plus tard, elle avait une nouvelle à lui annoncer quilui ferait plaisir, espérait-elle. L’idée de lui dire lui donna un petit frisson.

Elle réfléchissait à l’occasion de partager la nouvelle au petit déjeuner ou de l’emmener faire unepromenade quand elle ouvrit la porte sans regarder à travers le judas…

Et se trouva face à face avec le général de la marine Jarrod Grant.— Papa ! glapit-elle.— Ma petite puce ! explosa-t-il en lui faisant un grand sourire. Surprise !Instantanément, elle fut enveloppée par un énorme câlin, qui l’étouffa presque.— Oh, mon Dieu ! lâcha-t-elle.Oh, merde. Elle avait presque toujours été ravie de voir son père. Sauf que son nouveau partenaire

dormait dans son lit, repu sexuellement.— Laisse-moi te regarder, dit-il en la reculant de lui un peu. Tu es belle, comme toujours. Presque

lumineuse.« Imagine ça. »— Tu n’es pas mal toi-même.C’était la vérité. Son père était encore un très bel homme, dans le début de la soixantaine. Partout

où il allait, il faisait tourner les têtes avec son physique de militaire en pleine forme. Ses cheveuxnoirs étaient plus grisonnants à présent, et il avait des pattes d’oie aux coins de ses yeux bleus, quiressemblaient à ceux de Mac, mais tout cela ajoutait à son attirance masculine robuste.

— Merci, ma puce.Il jeta un coup d’œil vers la cuisine avec un regard plein d’espoir.— Tu as du café ?

— Naturellement. Tout de suite.« Oh, j’espère que l’odeur du café ne me rendra pas malade », pensa-t-elle.Elle l’embrassa sur la joue, puis alla dans la cuisine pour faire le café. Ils en auraient tous besoin.

Les bras croisés, elle fit un geste vers son uniforme empesé.— Tu es ici en mission ?Son air joyeux s’étiola un peu quand il prit place à la petite table.— On peut dire cela, oui. Il y a quelques jours, j’ai reçu un appel de Nicky que je ne pouvais pas

ignorer. Alors, je suis là.— C’est plutôt vague, dit-elle sèchement en allant chercher trois tasses.Elle résista à l’envie de se mordre la lèvre, pensant à la tasse supplémentaire qui ne passerait pas

inaperçue.C’est ce qui arriva.— Tu as de la compagnie ? demanda-t-il d’un ton soigneusement neutre.— Euh, on peut dire ça.Hum. C’était maladroit.— Mais ce n’est pas grave, vraiment. En fait, il y a quelque chose que je dois te…, commença-t-

elle.— Bonjour, bébé. Est-ce que je sens du café ? demanda Kalen.Poussant un bâillement endormi, son sorcier marcha devant son père assis à la table sans le

remarquer. Les yeux de son père s’élargirent et son front se plissa. Heureusement, Kalen avait misson jeans avant de sortir de la chambre, mais compte tenu de son état échevelé, de son jeans à moitiéboutonné et de son absence de chemise, il était assez rudement clair que cet homme était son amant.

Son amant enthousiaste, qui passa ses bras autour d’elle et lui donna un baiser à faire fondre sonâme tandis que son père lui souriait derrière le dos de Kalen.

Elle réussit à se détacher en poussant un rire gêné. Elle était une femme adulte, et c’était sa vie,mais quand même.

— Euh, Kalen, mon chéri. Il y a quelqu’un que je veux te présenter.— Hein ?La confusion l’incita à froncer les sourcils jusqu’à ce qu’elle le tourne vers son père.— Oh ! Zut, désolé ! Je ne savais pas que nous avions de la compagnie. Je m’appelle Kalen Black,

dit-il poliment d’une voix incertaine, comme il tendait la main.Son père se leva de ses deux mètres de hauteur ; son sourire avait disparu. À la place de son père,

il y avait l’homme qui pouvait faire trembler des hommes adultes dans leur pantalon, et qui l’avaitfait.

— Général Jarrod Grant.Il prit la main que lui offrait Kalen et le regarda d’une façon qui l’assura qu’il était évalué. Et que

le jury était en délibération.— Ravi de vous rencontrer, monsieur.Tout à son honneur, Kalen ne broncha pas. Il se tenait droit et fier, soutenant le regard de son père à

sa façon, communiquant en silence que bien qu’il soit respectueux, il n’était pas mou.— Moi aussi, Kalen.Son père fit une pause, plissant les yeux comme il lâchait la main de Kalen. Il regarda tour à tour sa

fille et l’homme dans son appartement.— Tu es le sorcier dont Nick m’a parlé. Tu es la raison pour laquelle l’équipe a tant de mal avec

ce salaud Unseelie.— Vous avez le bon sorcier, mais une mauvaise explication, déclara Kalen, qui s’était raidi. Malik

n’a pas besoin d’une raison pour foutre en l’air la vie de tout le monde, mais il en a quelques-unes enpermanence, et il semble que je fasse partie de ses plans.

— Et que comprennent vos plans ? Vous mesurez les deux côtés jusqu’à ce que vous décidiezduquel vous allez atterrir ?

La température dans la pièce sembla tomber d’une vingtaine de degrés, et l’estomac de Mac setordit.

— Papa, je t’en prie…Kalen interrompit son plaidoyer.— Voilà une bonne question. Non, monsieur, je ne mesure pas les deux côtés. Je me bats du mieux

que je peux contre ce salaud qui veut m’accueillir dans son camp. Et je suis déterminé à gagner, maissi ce n’est pas le cas…

Il déglutit bruyamment, mais continua de fixer le général dans les yeux.— Je suis prêt à faire ce qu’il faut pour protéger votre fille et mon équipe.Son père acquiesça. Un respect nouveau fit relâcher la dureté des traits de son visage.Mon Dieu. Ils discutaient de Kalen, son partenaire et l’homme qu’elle aimait, qui perdrait la vie,

juste en face d’elle ! L’estomac de Mac vacilla de nouveau, et elle sut qu’elle allait être malade. Ellemit en vitesse une main sur la bouche.

— Excusez-moi.Elle courut vers la salle de bain, tomba à genoux et vomit. Puis, elle entendit la voix incrédule de

son père flotter dans l’air, qui fit naître la panique et le regret en elle.— Alors… quand alliez-vous m’annoncer que ma petite fille est enceinte ?

Chapitre 12

Enceinte ?Putain de merde !Kalen se figea comme une statue, fixant bêtement le général Jarrod Grant, qui était sans aucun doute

un dur à cuire, à la recherche de la réaction appropriée. Malheureusement, son cerveau court-circuita,et il resta devant le général avec la bouche ouverte et le cœur qui semblait bégayer dans sa poitrine.Il allait peut-être avoir une crise cardiaque.

— Quoi ? Ne me dis pas que tu ne le savais pas, fit Grant. Elle se frotte le ventre depuis que je suisici, n’a pas pris une seule gorgée de son café, et maintenant elle est en train de se vomir les tripes. Etle plus drôle, c’est qu’elle n’est pas vraiment malade… En fait, je ne l’ai jamais vue aussi radieuse.Depuis combien de temps cela dure-t-il ?

— Je… je ne sais pas.Il y réfléchit, essayant de s’en souvenir.— Réveille-toi, jeune homme. On dirait que tu as tellement été occupé avec ton problème Unseelie

que tu n’as pas vu ce qui importait le plus.Kalen cligna des yeux devant l’homme.— Vous devez vous tromper. Elle ne m’aurait jamais caché un tel secret.N’est-ce pas ?— En fait, papa, j’attendais le bon moment pour lui parler, dit Mac d’une voix tendue de stress et

d’irritation. Alors, je te remercie de m’avoir coupé l’herbe sous le pied.— Merde ! Je suis désolé, ma puce, dit-il d’un air contrit.Kalen sentit que sa tête allait exploser. Il se frotta les tempes en regardant sa partenaire.— Tu es enceinte ?— Oui.Ses yeux bleus s’assombrirent d’inquiétude.— Je voulais te le dire. Je n’ai tout simplement pas trouvé le bon moment.Certains brins de connaissances essayaient de venir à l’avant-plan, mais il n’arrivait pas encore à

les saisir. Il était encore trop occupé à assimiler les faits pour réfléchir à son excitation quant à cettenouvelle.

— Depuis combien de temps le sais-tu ?Son visage pâlit, et elle se lécha les lèvres.— Depuis quelques jours.

Quelques jours. Bien. Il traita cette donnée, l’information non désirée arriva lentement. Elle n’avaitpas… mais ouais. Elle l’avait fait. Une poussée de colère chaude s’enflamma à l’intérieur de lui etmonta rapidement en quelque chose de très, très laid.

— Tu le savais, dit-il d’une voix faussement basse qui monta rapidement. Tu m’as envoyé à labataille avec le pendentif autour du cou. Le pendentif qui aurait dû protéger non seulement toi, maisnotre enfant.

Le général fronça les sourcils.— Quel pendentif ?— Celui qu’elle porte pour la protéger contre le mal. Je lui ai donné, mais elle l’a enlevé quand

nous sommes allés à la bataille contre des sluaghs et m’a prié de le porter.— Mac, commença son père, à quoi as-tu pensé ?— Je peux tout expliquer !Ses yeux se remplirent de larmes, et elle toucha le disque en question.— Cela semblait être sûr pour moi et le bébé ici, et je ne voulais pas qu’il t’arrive quelque chose !Mais la rage de Kalen était loin d’être écartée.— Tu as choisi de me protéger, et non notre bébé ? Comment as-tu pu faire ça ? rugit-il.Il n’avait même pas pris conscience qu’il avait fait un grand pas vers elle jusqu’à ce que Grant se

mette entre eux et pose une main sur sa poitrine pour le retenir.— D’accord, nous allons tous nous calmer.— Je suis désolée ! dit-elle en pleurant.Les larmes roulèrent sur ses joues. Mais Kalen ne se calma pas.Malik se jeta sur la situation.— Ne t’avais-je pas prévenu, mon garçon ? Crois-tu maintenant que je suis le seul à qui tu peux

faire confiance pour te dire la vérité ?— Tu as mis en danger notre enfant, Mackenzie, dit-il d’une voix rauque, en se saisissant la tête à

deux mains.La douleur de sa trahison fut si grande qu’elle menaça de faire exploser sa colère.— Je ne sais pas si je pourrai te pardonner un jour.— Il y a autre chose qu’elle ne te dit pas, fit Malik d’une voix sournoise et joyeuse. Demande-lui.— As-tu un autre secret ?Elle sanglotait ouvertement maintenant et secoua la tête. Elle était confuse.— Quoi ? Pas du tout !— Elle ment. Viens me rejoindre, et je te pardonnerai ta trahison. Je vais te donner la réponse à

la question que tu m’as posée il n’y a pas si longtemps. La réponse qu’elle refuse de te donner.— Tu mens, lui siffla-t-il.— Attends une minute, commença Grant, le visage rouge de colère. Ma fille ne te mentirait pas.

Elle a peut-être fait une erreur. Mais elle ne l’a fait que parce qu’elle se soucie de toi.— Une erreur qui aurait pu te faire perdre ton enfant.— Je ne peux pas… Je dois sortir d’ici avant de dire ou de faire quelque chose que je regretterais.Il tourna les talons, poussa la porte et fit apparaître le reste de ses vêtements sur son corps avec un

geste de la main. Sa partenaire cria son nom, mais il continua. Il marcha de plus en plus vite jusqu’àce qu’il coure et fonce presque dans Ryon comme il tournait le coin au bout du couloir.

— Hé, mec, il n’y a pas le feu.Il continua. Mais les faits le pourchassaient quand même, le suivaient à la trace. Sa partenaire avait

mis en danger leur bébé. Bien sûr, les défenses qu’il avait installées sur le camp l’avaientprobablement protégé. Probablement. Mais rien ne fonctionnait jamais à cent pour cent. Elle avaitrisqué la vie d’un enfant sans défense.

— C’est ça. Elle a refusé de protéger ton enfant. Tout comme ta mère a refusé de te protéger.Sa colère et son choc furent beaucoup trop difficiles à contenir. Sa métamorphose arriva presque

sans pensée consciente, et sa panthère fut libérée. Courant à travers le camp vers la salle de jeux, ilfut à peine conscient des cris de surprise. Un coéquipier l’appela, lui demanda ce qui n’allait pas.S’il avait pu rire, il l’aurait fait.

Rien n’allait bien.Il traversa en trombe la salle de jeux, sauta et passa facilement à côté d’A.J. et de Kira, qui

regardaient la télévision sur le tapis. Il courut droit vers la porte extérieure… et à travers la vitre, quiéclata sous l’impact. Les alarmes retentirent. Quelqu’un réglerait ce problème. Il s’en foutait.

Aucune blessure ne pouvait lui laisser de douleur. Seulement une douleur intérieure qui ne pouvaitsortir.

Il courut à travers la forêt pendant un long moment dans la direction du chalet de Malik. L’endroitqui n’était rien de plus qu’une illusion, rempli de méchanceté. Si mal. Mais il avait besoin de savoirce dont ce sacré Unseelie parlait. Sa partenaire avait-elle vraiment un secret, ou était-ce un piège ? Sielle lui cachait des choses, il pourrait ne pas être en mesure de lui pardonner.

Mais tout le monde ne méritait-il pas une autre chance ? Et si personne ne lui avait fait confiancequand il était arrivé à Cody ? Et si Nick et l’équipe l’avaient achevé ? Ils auraient pu le faire à toutmoment au cours des dernières semaines, quand il était devenu évident que Kalen était un paquet deproblèmes ambulant. S’ils l’avaient fait, où en serait-il maintenant ?

Là où il se dirigeait actuellement. De cela, il en était sûr. Malik l’aurait simplement attiré plus tôt.Comme une espèce de révélation, Kalen comprit que Malik était, presque sans le moindre doute,celui qui l’avait attiré à Shoshone en premier lieu. Jusqu’à présent, il avait toujours supposé quec’était le hasard qui l’y avait amené.

Maintenant, il savait que ce n’était pas le cas.La cabane rustique en vue, il ralentit jusqu’au trot dans la cour. La porte d’entrée s’ouvrit avant

même qu’il arrive sur le porche, et Malik était debout dans son costume de Kerrigan, l’air plus beauet sophistiqué que jamais.

— Tu aurais pu te téléporter, observa le Unseelie avec impatience. Je n’aime pas qu’on me fasseattendre.

Laissant sa magie opérer, il reprit sa forme humaine.— Eh bien, c’est ainsi. Je suis ici, maintenant, non ?Un éclair de colère traversa ses yeux insondables, mais les lèvres de Malik se tournèrent vers le

haut, d’un air amusé.— Viens à l’intérieur, petit morveux. La dernière fois que tu es venu ici, tu m’as posé une question.

Je te dois la réponse.Kalen le suivit dans la maison. Rien n’avait changé… mais il sentit que quelque chose était sur le

point de se produire. L’air était lourd avec le poids d’un secret qui pourrait bientôt l’écraser. SiMalik était excité à propos de la transmission d’un secret, cela ne pouvait entraîner que de mauvaiseschoses pour tous ceux qui l’entouraient.

— Qu’est-ce que cette réponse va me coûter ? Tu veux du sang ?— J’en ai déjà, répondit-il laconiquement. Et toi aussi.Kalen réprima un frisson.— Vas-tu tourner autour du pot toute la nuit ? Je ne me souviens même pas de la question que j’ai

posée.Malik se dirigea vers le bar et retira deux gobelets de la tablette en verre. Dans chacun, il versa

deux doigts généreux du cognac qu’il lui avait déjà servi. Sa position était trop décontractée. MaisKalen n’avait aucune difficulté à lire l’anticipation croissante dans l’expression du Unseelie. Saposture. Il se retourna, une lumière fébrile dans les yeux quand il tendit la boisson à Kalen.

— Tu m’as demandé : pourquoi toi ? Pourquoi, de tous les êtres puissants du monde, t’avais-jechoisi ?

— Je me souviens, maintenant.Kalen prit une gorgée de l’alcool, le laissa réchauffer sa gorge en descendant.— Je suppose que cela a à voir avec ce que grand-mère m’avait dit. Que je suis né sous une lune

noire, ce qui me rend vulnérable aux forces obscures.— Ce qu’elle t’a dit est vrai, admit-il.— Mais il y a plus, comprit Kalen.— Bien sûr. N’est-ce pas toujours le cas ?Malik fit tourbillonner le liquide ambré et en prit une gorgée. Puis, il se rapprocha de Kalen et

resta à moins d’un mètre de lui. Trop près.— Tu as un côté obscur parce que c’est dans ton sang, Kalen. C’est une partie de toi qui est

douloureusement difficile à nier, et pourtant, tu la combats.

Il semblait vraiment attristé par cela.— Je le sens, admit-il. Tout le temps.— Ton combat ne sert désormais plus à rien.L’autre homme le regarda dans les yeux. Kalen n’aurait pas pu détourner les yeux, même s’il avait

essayé.— Tu es né pour être le plus grand sorcier, la fée la plus puissante de l’univers. Je veux tout

t’enseigner pour qu’un jour, lorsque mon temps dans l’univers sera terminé, je pourrai te passer leflambeau. Tu régneras comme je l’ai fait. Tu es le seul qui peut continuer ma tâche.

— C’est fou. Nous n’avons rien en commun, fit Kalen en secouant la tête.— Rappelle-toi ce que je t’ai dit à propos du sang. Tu es né sous une lune noire, ce qui signifie que

ton père était une créature de pouvoir et d’obscurité. Voilà ce que ta grand-mère ne t’a pas dit,déclara le Unseelie sérieusement. Tu ne comprends pas ?

Les sourcils de Kalen se froncèrent.— Pas vraiment. Tu dis que mon père était… quoi ? Une créature d’obscurité, comme tu dis ? Dave

était un Unseelie ou quelque chose du genre ?— Que les dieux maudissent David Ray Black pour avoir été un misérable ver ! tonna Malik en

jetant son verre de cognac à travers la pièce, où il se brisa en de multiples morceaux.Les crocs du Unseelie s’allongèrent, puis son charme commença à s’estomper. Des griffes

émergèrent au bout de ses doigts, et ses ailes d’ébène sortirent dans son dos alors qu’il laissait librecours à sa rage.

— Cette limace inutile n’aurait jamais pu engendrer une telle puissance en toi ! Voilà pourquoi il tedétestait tellement ! Voilà pourquoi il vous battait tous les jours, ta mère et toi ! Pourquoi il t’a jeté àla rue ce soir-là, car il a presque pissé dans son froc quand il s’est rendu compte que tu commençaisà maîtriser ta magie ! Ne comprends-tu pas, jeune homme ?

Kalen avala la bile qui lui montait dans la gorge avec de l’alcool.— S’il n’était pas mon père ? Alors, qui l’est ? demanda-t-il d’une voix rauque.« Oh, mon Dieu, non. S’il n’y a aucun espoir pour moi, je vous en supplie… »— Tu es à moi ! Mon fils ! Tu as toujours été à moi !Le verre de Kalen tomba sur le tapis. Il regarda Malik, horrifié.Malik mit les paumes sur son visage, ses griffes acérées s’enfoncèrent dans son cuir chevelu. Son

regard sombre captura celui de Kalen, refusa de le laisser partir.— Je suis ton père, mon garçon. Ta mère faisait autrefois partie de la royauté, une cousine cadette

de la reine Seelie qui a donné naissance à Sariel. J’ai réussi à me glisser dans le lit de ta mère à lahaute cour Seelie, et je l’ai baisée sous le nez de ta grand-mère.

Il poussa un rire faible et dangereux.— Ensuite, j’ai attendu qu’elle se rende compte que je lui avais fait un enfant. Elle devait me

remettre mon fils à sa naissance, et je m’engageais à ne pas parler de sa honte. C’était l’offre que jelui avais faite.

— Et qu’elle a refusé.Kalen se sentit engourdi.— Oui, elle l’a refusée, la salope stupide, cracha-t-il. Ta grand-mère et elle t’ont caché dans le

monde humain. Là, elle a séduit Black, lui a fait croire que l’enfant était le sien, et il était heureux.Jusqu’à ce que tu naisses, et qu’il entende les deux femmes chuchoter qu’il ne pourrait jamaisapprendre que tu n’étais pas son fils.

— Et tu m’as laissé à sa merci pendant des années, siffla Kalen.— Je ne savais pas où tu étais ! Quand je t’ai enfin retrouvé, tu portais le pendentif de ta grand-

mère et je ne pouvais pas t’approcher. J’ai attendu et attendu. Cela t’a permis de devenir un homme.— Cela m’a permis de souffrir, tu veux dire, répliqua-t-il, la honte et le regret plein la gorge. Le

pendentif ne m’a pas sauvé de ce que j’ai dû faire pour survivre. Tu aurais dû intervenir.— Ça t’a permis de devenir plus fort, répondit Malik. Les problèmes et l’obscurité que tu as

connus dans les mains des autres t’ont permis d’apprendre à nourrir ton propre côté obscur.— Voilà la vraie raison, dit-il en baissant la tête. Tu m’as laissé vivre cette souffrance pour qu’elle

nourrisse cette terrible rage en moi, de sorte que tu puisses ensuite me montrer comment laperfectionner pour la transformer en arme.

— Tu ne dois pas agir comme si c’était une décision si difficile, déclara le Unseelie avec unedouceur inhabituelle. N’es-tu pas plus fort ? N’es-tu pas prêt à régner à mes côtés ?

Un rire amer s’échappa de sa poitrine.— Fort ? Pas si sûr. Régner à tes côtés ? Pas vraiment, non. Je reste seul. Tu m’as appris comment,

tu te souviens ?À sa grande surprise, Malik sourit, l’air extrêmement fier.— Oui. Et je t’ai bien enseigné. Si tu avais été d’accord, cela aurait été une grande déception. Nul

ne sera jamais ton égal, mon garçon. Pas même moi, avec le temps. J’ai encore des choses àt’enseigner, mais tu as tous les atouts pour faire un bon roi Unseelie. Mon fils.

Il recula, au bord de la panique.— Non, je ne le ferai pas. Et je ne suis pas ton fils. Pas de cette façon, en tout cas.— Tu l’es, et tu le prouveras.— Ah ouais ? Comment ?Il était environ à deux secondes de foutre le camp de là. Merde, ce qu’il voulait sortir de là.— Tu verras.Malik s’arrêta pour l’étudier.— As-tu oublié pourquoi tu es venu ici aujourd’hui, dans mon humble cabane ?Kalen avait le cerveau en bouillie. Il réfléchit quelques secondes avant de se souvenir de la raison

initiale de sa visite.— Tu as prétendu que ma partenaire m’avait menti. Qu’elle savait quelque chose qu’elle ne me

disait pas.Malik fit une pause, puis fit exploser son monde.— Ta Mackenzie sait que tu es mon fils. Elle sait que le bébé qu’elle porte est mon petit-fils.La pièce tourna, et la main griffue du Unseelie le stabilisa sur ses pieds.— Tu mens !— Non. Je lui ai dit il y a quelques jours, un fait que tu pourras facilement confirmer auprès d’elle.

Ce que, je suppose, tu feras.— Est-ce que Nick le sait ? réussit-il à demander.— Je ne peux pas le dire.Malik haussa les épaules.— Mais il est un voyant, n’est-ce pas ? Combien de personnes, je me demande, t’ont caché la

vérité ? Peut-être que mon autre fils égaré… ton demi-frère, Sariel ? T’a-t-il menti aussi ?Des bouts de conversation avec Sariel à l’infirmerie lui traversèrent l’esprit.« En tant que progéniture de Malik, je suis le seul être ayant le pouvoir de le détruire. Ou du moins,

je l’ai cru jusqu’à tout récemment. »« Je savais que tu étais une fée depuis la seconde où tu es entré dans le camp. »« Comme disent les humains, mon père ment comme un arracheur de dents. Ne crois pas tout ce qui

sort de sa bouche fétide, sorcier. Sans blague. »Kalen resta sans voix. Il n’y avait pas de mots pour décrire l’agonie qu’il ressentait de ces

trahisons. Sa partenaire, peut-être Nick et Sariel aussi. Tant de mensonges et de demi-vérités, qu’il nesavait plus qui croire. Vers qui se tourner dans sa confusion et sa douleur. Malik comprenaitexactement comment appliquer du sel sur la plaie.

— Ses lamentables humains auxquels tu as appris à faire confiance te détruiront, l’avertit leUnseelie en plaçant une main sur son épaule.

— Jamais.Mais il n’en était plus sûr. Nick ne lui avait-il pas promis que s’il cédait à l’obscurité, il

l’exécuterait comme un voyou ?— Le commandant bande presque à l’idée de pouvoir te faire sauter la cervelle. Et sorcier ou pas,

il n’y a pas de moyen de survivre s’il fait éclabousser ta matière grise dans la forêt.Cette image lui en rappela une autre, celle-ci bien réelle.— Tu as vraiment assassiné ma mère et mon pè… David Black, l’accusa-t-il d’un ton bouillonnant.— Oui. J’ai rayé de la carte l’homme qui avait abusé de toi pendant des années et la femme qui est

restée là et qui a permis que cela se produise.Il examina Kalen froidement.

— Et quand tu as vu leurs corps, une grande partie de toi n’a-t-elle pas souhaité avoir fait le coup ?N’était-ce pas en fait la raison pour laquelle tu as été malade ?

Que Dieu lui en soit témoin, il ne pouvait pas le nier.Il fut reconnaissant que sa grand-mère soit morte des mois avant qu’il n’ait été jeté hors de chez lui.

Ida May n’avait jamais connu l’horreur qui avait frappé sa fille.Un instant.— Tu n’as jamais fait du mal à ma grand-mère, n’est-ce pas ? Parce que si c’est le cas…Le Unseelie leva une main.— Je te jure que je n’ai pas touché à Ida May. Nous avons eu nos prises de cornes de nombreuses

fois, mais j’admirais assez cette vieille chauve-souris, à ma façon. Pour autant que je sache, elle estmorte de causes naturelles, quelles qu’elles aient été.

Curieusement, il estima qu’il s’agissait de la vérité non vernie.Les deux hommes restèrent debout pendant un long moment sans parler. De toutes ces horribles

révélations, celle qui lui avait fait le plus mal était celle qui concernait Mackenzie. Elle était la seulelumière dans toute sa misérable existence. S’il ne pouvait pas compter sur elle, il n’avait rien.

— Tu penses à ta partenaire, déclara Malik. Elle ne t’a pas dit deux vérités très importantes, maisne me crois pas sur parole. Demande-lui, et tu verras.

— Je n’ai pas besoin de tes conseils sur la façon de mener ma vie personnelle.Il haussa les épaules.— Que tu tiennes compte de mes conseils ou non, cela n’a pas d’importance. La réalité est ce

qu’elle est.Si seulement il avait pu saisir ce qu’était la réalité. Il se retourna pour foutre le camp, mais le

Unseelie lui saisit le bras.— Tu oublies quelque chose.Kalen le foudroya du regard, prêt à sortir une réplique… et puis le Unseelie ouvrit son poignet

avec une griffe et le lui tendit.— Ta récompense de sang.— Je n’en veux pas.Il serra les dents contre l’odeur alléchante du sang, si enivrante. Mieux que l’alcool. Il voulait

résister, mais il était comme un toxicomane qui essaie de refuser une dose d’héroïne.— Goûte. Et cette fois, fais-le en sachant qui tu es et que tu m’appartiens.Il agita le poignet devant son nez, et Kalen hésita quelques battements de cœur avant de

l’empoigner et de céder à la tentation. Sa panthère ronronna, heureuse d’avoir tout le sang qu’ellen’avait pas eu à chasser. Son autre moitié souhaitait laisser cette douceur, comme de la mélasse,glisser dans sa gorge pour lui réchauffer le ventre. Le sang infusa son corps avec une bonne dosed’adrénaline, et remplit son âme de méchanceté.

Il voulait faire du mal à ceux qui lui avaient menti et l’avaient trompé. Il eut envie de les écrasertous. Sauf sa partenaire. Avec elle, peut-être, il ferait preuve de miséricorde. Mais les autres ? Il n’yaurait pas de limite à sa colère, sa vengeance ne pourrait être arrêtée.

De délicieuses vrilles d’excitation serpentèrent autour de ses couilles. Cette sorte de pouvoirabsolu était une excitation pure, terriblement addictive. Il n’avait jamais été attiré par les drogues,mais ceci était différent.

— Mon garçon, murmura Malik. Mon fils. Prends tout ce dont tu as besoin. Je te donne ma forcequi s’ajoutera à la tienne.

Kalen but jusqu’à ce qu’il ne puisse plus réfléchir correctement, tandis que Malik lui caressait latête.

— Embrasse ta réelle identité. Puis, fais-les payer, murmura-t-il.Une merveilleuse obscurité avait effacé toute raison chez lui. N’avait-il pas assez enduré d’agonie

? Qu’avait-il fait pour mériter l’abus dont il avait été victime toute sa vie ? Tout cela était trop. Sonesprit et sa volonté ne pouvaient plus repousser cette séduction.

— Les faire tous payer.Oui. Il le voulait.— Comment ? demanda Kalen.— Tout d’abord, tu devras tuer Sariel. Il est une menace pour moi, pour nous, déclara Malik

tranquillement. Je sais que ce sera difficile pour toi, mais cela doit être fait.— Mais… il est mon demi-frère.— Oui, et il doit mourir, ou ce sera toi et moi. Si nous périssons, il en ira de même pour notre

mission… de gouverner le monde et de mettre les êtres paranormaux au sommet de la chaînealimentaire. Souviens-toi de ce que je t’ai déjà dit à propos du plus grand bien commun. Parfois, dessacrifices doivent être faits, mon garçon.

— Je comprends.— Très bien.Il fit à Kalen un sourire narquois.— Sois sans crainte. Tu arriveras à apprécier la mise à mort. Sens-tu la merveilleuse poussée de la

récompense de sang dans tes veines ?— Ouais.Il en voulait davantage.— Tuer sa proie lentement en drainant sa force de vie…Il fit un bruit de satisfaction.— Il n’y a rien de tel. Cela multiplie la sensation que procure la récompense de sang, et tu auras

une idée du plaisir que tu ressentiras de prendre ta proie.Contre sa volonté, sa queue banda devant cette perspective. Au fond de son esprit, une partie de

l’ancien Kalen recula de crainte face à ses propres pensées salaces. Le désir de ressentir ce queMalik décrivait. Mais il ne pouvait pas nier qu’il le voulait. Il était fatigué d’être le bon gars, detoujours passer le dernier.

Le temps de la vengeance était venu.— Je tuerai Sariel, s’entendit-il dire.« Quoi ? Non ! »— Ensuite, tu tueras un autre membre de l’équipe de ton choix. Quelqu’un que tu aimes vraiment.— Pourquoi ? demanda-t-il en fronçant les sourcils.— Parce que je l’ordonne, et tu dois me prouver ta loyauté et à personne d’autre.Cela le déstabilisa. Il avait un but.— Bien.Malik eut l’air plus que satisfait.— Tu seras étonné à quel point il est facile et satisfaisant de drainer la force vitale de l’autre et de

se l’approprier. Ceci est ton droit de naissance. Il est naturel pour le fort de consommer le faible.— Je vais le faire. Quoi d’autre ?— Quand je t’en donnerai l’ordre, tu abaisseras de nouveau les boucliers que tu as installés sur le

camp. Mais cette fois, tu les laisseras abaissés. J’ai une armée de centaines de sluaghs prêts àprendre le camp d’assaut et à abattre tous les êtres vivants qui y seront. Sauf ta partenaire, bien sûr.J’ai de grands projets pour mon petit-fils.

Kalen essaya de ressentir quelque chose devant cette nouvelle, comme du remords. Mais c’étaitcomme s’il avait vendu son âme au diable.

Sauf qu’il s’agissait… de son fils. La voix qui criait était de retour dans sa tête, pour protester. Ildevait protéger son fils de Malik. Mais la voix était en train de disparaître, enterrée sous des couchesde malice et de confusion. Remplacée par une excitation animale.

La mort et la destruction. Pourquoi ce son est-il si accueillant ?« Cela n’est pas moi. Mais je ne peux pas l’arrêter. Je ne sais pas comment. »Oh, comme il avait envie de tuer.« Mais est-ce que je pourrai le faire, quand le moment sera venu ? »— Veux-tu t’exercer ?Il regarda Malik en clignant des yeux.— Quoi ?— Crois-moi. Je vais créer un avatar pour que tu puisses t’exercer.D’un geste de la main, le Unseelie psalmodia quelques mots dans une langue que Kalen n’avait

jamais entendue, auparavant. En quelques instants, un tourbillon d’énergie apparut dans le salon etforma lentement une figure familière.

— Sariel ? murmura-t-il.

Dans le milieu de la pièce, le prince clignait des yeux de confusion, incertain d’où il se trouvait nide ce qui se passait, semblait-il. La fée regarda Malik et Kalen, et la peur apparut sur son visage.

— Pourquoi suis-je ici ? demanda le prince.— Tu devais créer un avatar, pas amener quelqu’un ici réellement ! s’exclama Kalen.— Ceci est vraiment un avatar.Malik secoua la tête.— S’il était si facile de faire apparaître mon premier fils égaré ici et de le tuer, je l’aurais fait

depuis longtemps, ajouta-t-il.— Comme si vous pouviez me tuer, ricana l’image de Sariel. Vous êtes lamentables, tous les deux.Sur ces mots, Kalen libéra son côté obscur. Il lança un éclair d’énergie sur la figure aux cheveux et

aux ailes bleus. L’éclair la frappa en pleine poitrine, et la figure tomba.Kalen sauta dessus, mais le prince roula, se révélant une cible plus agile qu’il ne le pensait. Il

courut après la forme qui fuyait et attrapa le Seelie avant qu’il n’arrive au milieu de la pièce. Un osfragile dans l’une de ses ailes se cassa, puis le prince cria de douleur. Il vit une petite goutte de sang,et le désir de le tuer fut déclenché.

Il laissa sortir sa panthère et épingla la fée au sol comme s’il s’agissait d’un cerf et se précipita sursa gorge. Juste avant de frapper, le prince se tourna, plongea ses yeux dans les siens et lui dit : « Monfrère. »

Mais il était trop tard pour arrêter la panthère. Ses mâchoires se refermèrent sur la gorgevulnérable comme un piège d’acier et l’écrasèrent. Lentement. La chair, les muscles et les os cédèrentdevant sa force supérieure. Les faibles nourrissent les forts. Les cris du prince furent étranglés, puisréduits au silence, mais son corps continua à se débattre.

— Ça y est, Kalen, dit son père d’une voix rauque et épaisse. Maintenant, sens sa force vitale avecta magie et bois-la comme du fin cognac. Prends tout.

En étendant sa magie, c’est ce qu’il fit. Il suivit la vrille de la source vitale et se mit à la respirer àl’intérieur de lui-même. Simultanément, il but. Il goba le sang de sa victime et commença à se nourrirde son cou, arrachant la chair tendre. Si bon. Si foutrement fantastique. Il pourrait jouir de cela, de senourrir et d’assouvir…

Et soudain, le corps sous lui disparut. Il s’évanouit tout simplement dans les airs. Il n’y avait pasde sang partout. Ni sur lui-même ni sur le sol. Il se tourna vers la forme humaine et fronça lessourcils. Où sa proie avait-elle disparu ?

— Je dirais que tu as appris assez rapidement.— C’était vraiment un avatar ?— Oui. Comme je l’ai dit, le vrai Sariel aurait été beaucoup plus difficile à attraper.Kalen frissonna. Il savait, au fond de lui-même, que l’avatar n’était pas réel, et il en fut

silencieusement reconnaissant. Mais il se délectait encore de l’acte de tuer. Pourrait-il le faire la

prochaine fois, réellement ?— Tu peux le faire, dit son père, comme s’il avait lu dans ses pensées. Je ne t’aurais pas choisi

pour régner à mes côtés, si tu n’en possédais pas la force.— Merci, père…Malik sourit en affichant une expression de triomphe.— Tu ne me laisseras pas tomber.— Non, monsieur.— Va, mon garçon. Fais ce que je t’ai dit. Tue Sariel et un autre, et puis attends mes ordres pour

abaisser les boucliers.— Nick m’exécutera dès que je ferai un geste pour nuire à quiconque là-bas.— S’il t’attrape, il devra t’enfermer en premier. Ce sera sa chute… l’espoir qu’il peut encore te

sauver. Rappelle-toi, le moment venu, d’embrasser le grand sorcier que tu es censé être. Maintenant,pars.

Plus il s’éloignait du chalet de Malik, plus sa conscience lui pesait. La fin était proche. Il savaitque l’équipe ne lui permettrait jamais de devenir sauvage. Il ne pouvait pas plus se permettre dedonner libre cours à ses envies primales de détruire.

D’une façon ou d’une autre, très bientôt, Kalen allait mourir.

Chapitre 13

Mac pleura jusqu’à ce que son père la menace d’aller chercher Mélina ou Noah pour qu’ils luidonnent un calmant, grossesse ou non.

La colère du général à propos de la stupidité flagrante de sa fille dura seulement trois minutes.Juste le temps de comprendre qu’elle n’avait pas du tout eu l’intention de tromper Kalen. Et qu’ellen’avait certainement pas voulu mettre en danger son bébé — son petit-fils ou sa petite-fille. Mais cene fut pas le seul problème.

Le général faisait les cent pas tandis que Mac le regardait à travers ses yeux larmoyants et gonflés.— Il a agi comme si tu lui avais caché quelque chose. C’est ce qu’il a dit. Es-tu sûre que tu ne

savais pas de quoi il parlait ?— Non, je ne le savais pas… Oh, non. Le cauchemar !Son père s’arrêta de marcher.— Quel cauchemar ?— Celui que j’ai fait récemment.Elle se tordit les mains sur ses genoux.— Je pensais… j’espérais… que c’était juste un mauvais rêve. Dans ce cauchemar, Malik m’a dit

que le bébé que je portais était son petit-fils. Que Kalen était son fils et qu’il avait des plans pournous. J’ai eu tellement peur. Mais quand je me suis réveillée, je ne pouvais pas m’imaginer que cerêve était réel.

— Ou s’il l’était, qu’il pourrait être vrai. Malik est un foutu menteur hypocrite, supposa son père.— Exactement ! En fait, je comptais le dire à Kalen, mais ce salaud a dû me devancer. Ce n’était

jamais le bon moment.— Il ne semble jamais y en avoir un, ma belle.Assis à côté d’elle sur le canapé, il lui prit les deux mains dans les siennes.— S’il y a une chose que j’ai apprise de mon mariage avec ta mère, c’est qu’il n’y a jamais un

moment idéal pour parler des choses désagréables. Il est toujours préférable de discuter desproblèmes afin de les régler, et pour pouvoir panser nos plaies.

— C’est moi la thérapeute qui a tous les beaux diplômes universitaires, et pourtant, c’est mon pèrequi me parle des mystères de la vie.

Elle renâcla, et il lui remit un autre mouchoir.— Merci.— C’est à ça que servent les pères.

Elle poussa un soupir tremblant.— Malik est un opportuniste et un manipulateur. J’aurais dû me douter qu’il ferait un truc du genre.

Je n’aurais pas dû attendre pour parler à Kalen. Je ne commettrai plus cette erreur, s’il me donne uneautre chance.

— Je ne pense pas que d’obtenir son pardon soit la pire épreuve que tu aies à affronter, à l’heureactuelle. C’est plutôt Malik, et la façon dont il utilisera cette faille à son avantage… car il le fera. Ils’agit seulement de savoir comment.

— Papa, pourquoi Nick t’a-t-il fait venir ici ? Je sais que tu n’es pas juste venu pour me faire unesurprise, dit-elle doucement.

Elle avait peur de sa réponse, mais elle devait en être sûre.Son hésitation et son long mutisme furent sa seule réponse avant qu’il partage à contrecœur une

partie de ce qu’il savait.— Nick a eu une vision, récemment. Quelques-unes en fait, et qui impliquaient Kalen et l’équipe. Il

a vu que quelque chose de terrible allait se produire, mais il n’est pas certain de l’endroit ni dumoment. Il sait seulement que ce sera pour bientôt.

— Et ce qu’il a vu était si effrayant qu’il a appelé l’armée en secret ?Elle fut alarmée par le regard sinistre que lui lança son père.— Tes hommes sont dans la région ? ajouta-t-elle.— J’en ai bien peur, oui. Ils attendent. J’avais espéré ne jamais avoir à les informer de l’existence

du monde paranormal, mais nous ne faisons pas toujours ce que nous voulons, n’est-ce pas ? Aumoins, ce sont des hommes fiables et dignes de confiance. Ils ne souffleront pas mot de leur missionni de quoi que ce soit dont ils seront témoins.

— De toute façon, personne ne les croirait, s’ils en parlaient.— C’est vrai, dit-il en regardant sa fille. Tu te sens mieux ?— Physiquement, oui. J’aimerais savoir où est allé Kalen, exactement. Et quand il va revenir.S’il revenait. Une chose était sûre : elle ne pouvait pas rester là à se morfondre et à s’apitoyer sur

son sort. Elle devait se changer les idées de ses ennuis avec Kalen.— Je pense que je vais prendre une douche et aller à l’infirmerie. Quels sont tes projets ?— Je vais partir pendant un certain temps pour aller voir mes unités. Normalement, je ne ferais pas

ce travail sur le terrain, mais cela n’est pas vraiment une situation habituelle.Il l’embrassa sur la joue et se leva.— Tu es sûre que tu vas bien ?— Ne t’inquiète pas.Elle se força à sourire.— Va voir à tes affaires. Je te vois plus tard, peut-être au dîner ?— Sans faute.

Après avoir accompagné son père à la porte, elle prit une bonne douche chaude, en essayant delaver le stress de la matinée. Tous les récents événements continuaient à lui tourner dans la tête, etelle fut déconcertée de constater à quel point la situation s’était détériorée entre eux en l’espace dequelques minutes. Elle aimait à penser que la relation entre Kalen et elle était plus solide que lesforces qui tentaient de semer la discorde entre eux.

Mais maintenant, elle avait des doutes.Elle détestait cela, comme elle détestait qu’il se soit sauvé au lieu d’écouter sa version de

l’histoire. Il reviendrait, mais elle ne lui rendrait pas les choses faciles. Maintenant qu’elle avaitterminé sa crise de larmes, elle était vraiment furieuse. Maudits hommes ! Ils étaient souvent, etcollectivement, des putains d’emmerdeurs. Il était paradoxal qu’elle ait choisi un emploi où elle étaitentourée de tonnes de testostérone sur une base quotidienne.

Elle s’habilla en vitesse, puis se dirigea vers la cuisine pour jeter le reste du café dans l’évier etgrignoter quelques biscuits. Bien qu’elle ait été excitée à propos du bébé, les changements quesubissait son corps la faisaient se sentir comme si elle avait été transférée dans le corps d’une autrepersonne. Certaines odeurs la rendaient malade, ses seins étaient sensibles, et elle se sentaitconstamment fatiguée. Elle était également toujours au bord des larmes, ce qui restait assezproblématique compte tenu du reste des drames.

Quelques biscuits et un verre de jus plus tard, elle se dirigea vers l’infirmerie et s’occupa àexaminer les résultats de la dernière série de tests qu’avait passés Sariel. Il allait beaucoup mieux etobtiendrait probablement son congé le jour même, avec le conseil de prendre soin de lui. Tout lemonde était préoccupé au sujet du prince, et ils surveillaient son poids, mais ils n’avaient pas deraison de le garder à l’infirmerie.

Elle préparait les papiers de congé pour Sariel lorsque son stylo tomba sur le bureau en émettantun cliquetis.

— Oh, mon Dieu.Sariel. Si Kalen était le fils de Malik, alors cela voulait dire…Abasourdie, elle se cala dans sa chaise et réfléchit à ce qu’elle devrait faire. Parler au prince ? Ou

attendre Kalen ? Elle choisit la dernière option. L’attendre n’était pas la même chose que de ne pasapprendre cette nouvelle à la fée. Ce n’était tout simplement pas à elle de dire ce qu’elle savait sansen parler d’abord avec son partenaire.

— Mac ?Elle leva les yeux et vit Mélina debout dans l’embrasure.— Je suis désolée. Je ne t’avais pas vue.— Tu as l’air d’être à un million de kilomètres d’ici. Tu vas bien ?— Je vais bien.Elle fit signe à l’autre femme d’entrer.

— Je pensais que nous pouvions donner son congé à Sariel. Qu’en dis-tu ?Son amie prit les résultats de test des mains de Mac et les regarda. Après quelques instants, elle

hocha la tête.— Ça me semble bien. Ou aussi bien que ça peut l’être, puisque nous ignorons ce qui le rend

malade. Il lui a fallu beaucoup de temps pour récupérer de l’attaque de la sorcière, beaucoup plusqu’il en a fallu aux autres métamorphes pour guérir. Il n’avait pas besoin d’être blessé en plus.

Mac réussit à étouffer un sourire devant le ton protecteur de son amie. Quelqu’un semblait s’être unpeu entiché d’un certain prince fée. Mélina la tuerait, si elle parlait de cela à voix haute, par contre.

— Dois-je lui transmettre la bonne nouvelle ou préfères-tu le faire ? demanda innocemment Mac.— Je vais le faire. Je dois lui donner des instructions, sinon il ne prendra pas soin de lui-même,

murmura-t-elle.Puis, elle leva les yeux vers Mac.— Quoi ?— Rien.Trop perspicace même lors d’une journée de congé, Mélina regarda son visage.— As-tu pleuré ? Tu as les yeux gonflés.— Je… peut-être.— Qu’est-ce que ce crétin a fait, maintenant ?— N’appelle pas comme ça mon partenaire, dit-elle à voix basse, d’un ton hérissé. Il doit faire

face à beaucoup d’emmerdes.— N’est-ce pas le cas de tout le monde ? Et s’il te fait du mal, c’est un crétin. Fin de l’histoire.— Nous avons eu un malentendu, qui, naturellement, a eu lieu devant mon père.Elle grimaça en y repensant.Les yeux de Mélina s’élargirent, et elle alla s’asseoir dans une chaise en face du bureau de Mac.— Sans blague. Comment le général a-t-il aimé se retrouver au milieu d’une querelle entre sa fille

et son nouveau partenaire ?— À peu près aussi bien que j’aurais pu l’espérer… nous l’avons royalement emmerdé.— Tu veux en parler ?Elle hésita. En fait, il était agréable de pouvoir parler à une autre femme, et Mac était plus proche

de Mélina que de Rowan ou Kira, parce qu’elle connaissait l’autre médecin depuis beaucoup pluslongtemps. Alors, elle raconta l’histoire des belles retrouvailles avec son père qui avaient vite tournéau vinaigre lorsque Kalen s’était rendu compte qu’elle lui avait caché certains détails qu’elle savaitsur lui.

Mélina écouta jusqu’à la fin, puis son expression s’adoucit en sympathie.— Près de six années de paix à travailler ici au camp, et puis boum. Quand tu fais des imbécillités,

tu n’y vas pas de main morte.

Mac lança son stylo à bille en direction de son amie. Il atterrit sur son épaule.— Garce. Je me sens tellement mieux maintenant, merci.— C’est à ça que servent les amis.Mélina l’étudia pendant un moment, puis redevint sérieuse.— Chérie, que vas-tu faire s’il perd son combat contre Malik ?— Je ne sais pas, admit-elle avec un nœud douloureux dans la gorge.— Penses-tu qu’il pourrait vous blesser, toi ou le bébé ?Son regard tomba sur son bureau, et elle étudia le grain du bois de sa surface.— Je me plais à penser qu’il ne le ferait pas, mais honnêtement ? C’est ma plus grande crainte.

Qu’un jour, il ne sera plus capable de distinguer le bien du mal, et il fera quelque chose qui nous feradu mal, même indirectement.

— C’est ce que tu crois vraiment ? demanda Kalen à bout de souffle, dans l’embrasure de la porte.Mac se figea net. Puis, elle leva les yeux pour regarder son partenaire. Sa respiration devint

laborieuse, comme s’il venait de courir, et ses pupilles étaient encore trop dilatées. Elle espéraitqu’il n’était pas allé là où elle le soupçonnait.

— Tu étais avec Malik ?— Réponds d’abord à ma question, répliqua-t-il. C’est ce que tu penses de moi ? Que je te

blesserais, ou notre enfant, ou que je permettrais à quiconque de vous faire du mal ?— Je voudrais pouvoir dire que non, chuchota-t-elle, tourmentée. Mais il est impossible d’en être

sûr puisque tu fraies avec l’ennemi.La douleur brilla dans son expression, puis sa mâchoire grinça.— Je lui ai demandé s’il est vrai que j’étais son fils.— Je pense qu’il est triste que tu te fies à lui pour obtenir la vérité sur quoi que ce soit.— Il dit la vérité, du moins à ce sujet. J’ai un père et un demi-frère. J’ai une famille.— Sariel pourrait être ton frère, mais cette chose n’est pas et ne sera jamais un père en quoi que ce

soit pour toi, dit-elle en haussant la voix. Un vrai père ne t’aurait pas laissé crever de faim dans lesrues en refusant de lever le petit doigt pour t’aider.

— Tu ne penses pas que je le sais ? dit-il d’une voix rauque. Tu as un père génial qui t’aime plusque tout, et je ne connaîtrai jamais ça. Ne comprends-tu pas combien ça fait mal ? Comme il estdifficile de résister à toute bonté qui sort de sa bouche menteuse ?

— Oui, je…— Non. Tu ne sais rien. Il veut que je…Vacillant, Kalen se saisit la tête et siffla de douleur. Mac se leva pour aller vers lui, mais il lui fit

signe de ne pas s’approcher en poussant un rire qui lui donna l’air d’être un peu fou.— Ne me touche pas !— Kalen…

— Ne te salis pas les mains avec des personnes comme moi, grogna-t-il, les yeux hagards. Oh,attends… trop tard. Dommage que tu sois coincée avec le fils de Malik pour partenaire.

La peur lui serra le cœur. Il perdait doucement son combat avec sa moitié sombre… si ce n’étaitpas déjà fait.

— Je t’en prie, je suis désolée, murmura-t-elle. Je ne voulais pas…— Ça ne fait rien. La vérité est que tu as raison. Tu devrais avoir peur de moi. En fait, tu devrais

rester aussi loin de moi que tu le peux.— Je ne peux pas faire cela.— Ne t’inquiète pas. Je vais le faire pour toi.Ses yeux verts étaient devenus comme des billes de marbre blanc, et il soutint son regard pendant

un long moment, puis il se retourna et claqua la porte en partant.Mélina eut l’air secouée.— Mon Dieu. Ses yeux… ce n’était pas Kalen.« Je ne vais pas pleurer. Ce n’est pas fini », pensa-t-elle.— Comment allons-nous l’aider ? demanda-t-elle à Mélina. Penses-tu que nous pourrions essayer

de lui injecter le nouveau sédatif que nous avons utilisé sur Micah ? Ça l’a aidé, alors pourquoi pasKalen ?

— Parce que nous nous battons contre de la magie noire ici, mon amie. Je pense que sous sédation,ses défenses seront complètement affaiblies, le laissant complètement vulnérable à l’influence duUnseelie.

Mélina secoua la tête.— À ce stade, Kalen devra se sauver lui-même.Mac avait terriblement peur que son amie ait raison.

Mac pensait qu’il était capable de lui faire du mal. Et peut-être aussi à leur enfant.Rien n’aurait pu mieux lui briser le cœur plus efficacement que d’entendre cela de la bouche de sa

partenaire… sauf de penser qu’il était tout à fait possible qu’elle ait raison.Las, Kalen s’arrêta au bout du corridor et combattit son envie de voir Sariel. Sur le chemin du

retour au camp, il avait pris son temps. Il avait fait de grands efforts pour regagner une certainemaîtrise de sa moitié sombre, et plus il se rapprochait de Mackenzie, plus il avait l’esprit clair. Maispas totalement. Son besoin de tuer était atroce. Mais il devait voir le prince, sinon il deviendrait foude ne pas savoir s’il pouvait résister à sa promesse d’obéir à l’ordre de Malik.

Il frappa à la porte de Sariel, puis entra. Assis sur le bord de son lit, le prince portait un pantalonample et une chemise qui avait été fendue à l’arrière pour accommoder ses ailes.

— Bonjour, sorcier. Je vais recevoir mon congé aujourd’hui, ou du moins, je suis censé lerecevoir, lui dit la fée avec un sourire.

— Je suis content pour toi.

Le ton plat de sa voix n’était pas intentionnel, mais il indiqua rapidement au prince que quelquechose clochait.

— Quel est le problème ? demanda la fée en fronçant les sourcils.— Je suis censé te tuer. Tu comprends ça, non ?À sa grande surprise, le prince poussa un rire doux.— Suis-je censé être choqué ? Avoir peur ? Permets-moi de te rappeler quelque chose, jeune

homme. J’ai plus de 11 000 ans. Peux-tu comprendre ce que cela signifie ? Crois-tu réellement quependant tout ce temps, personne n’a jamais voulu me voir mort ? Je suis un prince de mon espèce,Kalen. En plus de mon père, mes ennemis ne manquent pas. Il n’y a plus rien qui m’impressionnemaintenant, comme le disent les humains.

— Tu es terriblement désinvolte, à ce propos.— Pas du tout. Simplement réaliste.Sariel se leva. Il avait la même taille que Kalen. Il ne semblait pas être le moindrement du monde

effrayé par la menace que le sorcier pourrait poser.— Tu peux certainement essayer de me faire du mal et, comme la sorcière, tu y réussirais, si tu me

prenais par surprise, sans parler du fait que je suis en convalescence et que mon système ne s’est pasencore adapté à ce royaume. Mais ne te méprends pas… malgré tous ces inconvénients, je possèdeune puissance qui dépasse ton imagination la plus folle.

Il prononça cette déclaration avec une telle confiance, qu’elle fit réfléchir Kalen.— D’après toi, Malik m’a envoyé accomplir une mission suicide, alors ?Le prince eut l’air pensif.— Je l’ignore. A-t-il une raison de croire que tes pouvoirs sont égaux aux miens… à part le fait

que tu sois une fée ?Voilà une question difficile. Il prit une profonde inspiration.— Malik prétend être mon père… et il dit que tu es, par conséquent, mon demi-frère. Peux-tu

comprendre ce que cela signifie ?Sariel resta bouche bée.— Grands dieux, fit-il.Il regarda Kalen pendant quelques instants, puis hocha la tête.— Mon frère ? Ce serait tout à fait logique. Sacré vieux connard malade.— Penses-tu qu’il dit vrai ? Sommes-nous vraiment frères ?— Compte tenu de tout ce que tu m’as dit auparavant, je dirais que c’est très probable. Tu te rends

compte que j’ai plusieurs frères, ce qui signifie que tu en as aussi. Alors, si c’est vrai, tu viens de tetrouver une assez grande famille.

— Existe-t-il une façon de le savoir avec certitude ? demanda Kalen.— Pas si tu me tues, déclara Sariel ostensiblement. Comme si tu le pouvais.

— Si nous sommes liés par le sang, j’en suis très capable.— Et tu le veux, lança le prince.Sariel l’observa d’un œil critique.— Tu vibres presque tellement tu es tendu, et tes pupilles sont dilatées. Ta panthère est prête à

bondir. Je peux sentir qu’elle meurt d’envie de m’arracher la gorge et de se délecter de ma carcasse.— Tellement que j’ai du mal à le supporter, admit-il d’une voix rauque.Sa panthère grogna son accord.— Et pourtant, le véritable moi ne le veut pas du tout. Je veux apprendre à connaître les frères que

j’ai toujours désiré avoir, mais la lutte contre ma moitié sombre me déchire, avoua Kalen.— Tue le prince.Kalen tressaillit devant l’ordre.— Il me pousse à le faire. Aide-moi.Sariel se rapprocha et posa une main sur son épaule.— Tu es fort. Et nous devons être liés si tu arrives à résister à l’influence de Malik de cette façon

depuis un certain temps. Accroche-toi juste un peu plus longtemps. J’ai le sentiment que la fin de ceciapproche.

— Ouais, mais qui gagnera ?Un sourire se forma au coin de la bouche du prince.— Mais voyons, les deux fées les plus redoutables sur la terre, bien sûr. Et le jour où j’aurai à le

prouver, je me battrai à tes côtés.— Tue-le maintenant, mon garçon.— Je ne mérite pas tant.— Non. Tu mérites davantage… mon frère.— Non, imbécile ! Tue-le !— Je ne le ferai pas, murmura-t-il à son bourreau invisible. Va te faire foutre !Il sentit à nouveau la douleur lui poignarder la tête, puis du sang coula de son nez. Sariel saisit un

mouchoir sur sa table de nuit et le lui remit. Kalen se nettoya et fut sur le point de dire quelque choselorsque l’interphone de l’immeuble interrompit ce moment où il se liait avec son frère.

— Meute alpha, salle de conférences, immédiatement, ordonna Nick.— Cela ne peut pas être bon, soupira Kalen. Nous finirons plus tard, OK ?— Compte sur moi. Et fais attention à toi, dit la fée, inquiète.— Je le ferai.Après avoir pris brièvement les mains du prince, il se retourna et se précipita vers la salle de

conférences. Il lui sembla qu’il pouvait tirer une force positive de ses amis et ses proches pourcontrer le mal que Malik pompait en lui. Ce serait ce qui le sauverait.

Ou du moins, le laisserait vivre assez longtemps pour tuer le Unseelie.

Dans la salle de conférences, Nick attendait déjà au bout de la longue table, tendu et impatient. Legénéral Grant, qui semblait afficher la même humeur, se tenait à côté de lui. Kalen s’assit près del’arrière et regarda le reste des membres arriver à la queue leu leu, certains participant à desconversations animées, d’autres étant calmes. Mais tout le monde se tut quand Nick commença àparler d’un ton grave, mais empreint d’un enthousiasme sans équivoque.

— Comme la plupart d’entre vous le savent maintenant, le général est là pour nous aider à régler leproblème de Malik et de ses sluaghs.

Aric, Ryon et quelques autres regardèrent Kalen. Il les ignora.— Plus précisément, les unités de Grant, qui sont en attente, sont tout à fait prêtes à nous

accompagner dans la bataille quand on éradiquera cette vermine de la surface de la Terre.— Nous aurons besoin de tant de soldats ? demanda Ryon, avec des accents de peur dans la voix.

Combien de sluaghs cet enfoiré nous a-t-il envoyés ?Nick épingla Kalen de son regard d’acier.— Kalen pourrait avoir cette réponse. Combien ?C’était un test. Nick et le général connaissaient le nombre, mais ils voulaient qu’il révèle ce que

Malik lui avait dit. Tout d’abord, il essaya de renforcer le mur mental entre lui et le Unseelie, mais ilétait fragile, au mieux.

— Des centaines, répondit-il.Il commença à ressentir la douleur palpitante dans ses tempes, mais il la repoussa.— Ils attendent dans le Shoshone, loin de la civilisation. Il m’a ordonné d’abaisser les-les

boucliers sur le c-camp et…La douleur devint si forte que le reste des mots restèrent dans sa gorge. La tête basse, il eut du mal

à respirer alors que quelqu’un lui tapait dans le dos pour le rassurer.— Les as-tu abaissés ?Kalen secoua la tête.— Non. Ils ne viendront pas ici.Il allait mourir d’abord. Ils le comprirent sans qu’il le dise à haute voix.— Bien. Nous allons nous engager dans cette bataille d’ici peu. Mais je vous ai fait venir ici pour

une raison différente. Général, vous voulez leur dire ?— Avec plaisir.L’homme se tenait avec les mains derrière le dos.— Votre équipe a joué un rôle clé dans la localisation et la destruction de plusieurs des soi-disant

centres de recherche où Malik, alias Evan Kerrigan, finançait la création de ses super métamorphes.Avec la destruction des deux derniers, ainsi que la mort d’Orson Chappell, directeur général deNewLife Technology, vous avez donné un sacré coup à leurs opérations.

Il y eut un assentiment général autour de la table à ce sujet, et quelques légères acclamations se

firent entendre.Grant continua.— Quoi qu’il en soit, nous n’avons toujours pas été capables de capturer le principal médecin

responsable de la recherche, le docteur Gene Bowman.Les gars de l’équipe se renfrognèrent.— Mais mes contacts ont appris que Bowman travaillait dans ce que nous croyons être le dernier

centre de recherche qui appartient à ce groupe de salauds. Si nous le détruisons, nous les aurons touseus.

— Super !— Absolument génial. Quand partons-nous ?La réaction fut unanime : il tardait à l’équipe de faire le travail. Mais Grant n’avait pas terminé.— Nous ne ferons aucun prisonnier. Et nous ramènerons tous les survivants ici. Et il y a encore une

chose… selon ma source, l’un des survivants est très spécial.Quand il fit une pause, tous retinrent leur souffle.— Nous croyons que Phoenix fait partie des captifs.Il y eut un silence stupéfait… et puis une explosion de questions et d’exclamations. Nix avait

disparu en même temps que Micah et les autres. Où Nix avait-il été ? Comment avait-il atterri là ?Grant leva la main et secoua la tête.

— Terry et Jonas sont vraiment morts, selon ma source. Personne n’a trouvé d’information sur Ari,mais nous espérons que Phoenix pourra nous fournir ces renseignements.

— Alors, où se trouve ce dernier centre de recherche ? demanda Jax quand l’équipe fut calmée unpeu. Je suis sûr que nous aimerions tous le voir raser de la surface de la terre.

— Il est niché dans une vallée pittoresque en Californie. C’est un bâtiment de taille moyenne, situédans une paisible campagne dans un lieu sans prétention comme l’ancienne église qu’ils utilisaientauparavant. Ça semble être leur modus operandi favori. Mais attention aux pièges, comme toujours.

— Des questions ? demanda Nick pour couvrir leurs murmures excités.— Juste une… Quand partons-nous ? demanda Rowan.— Dans 20 minutes, déclara Nick. Alors, allez mettre vos robes de soirée.Ce commentaire lui valut quelques ricanements parmi les bruits de grattement des chaises sur le sol

et de claquements de bottes. Micah se tint en arrière quand ils sortirent, le moral manifestement à platd’avoir une fois de plus été laissé de côté. Mais le pauvre bougre n’était tout simplement pas assez enforme pour les suivre. Rowan, sa sœur, lui fit une accolade féroce avant de se précipiter derrièreAric.

Kalen ne put pas passer près de l’homme sans lui dire quelque chose.— Bientôt. N’est-ce pas ?— Ouais.

Sans un autre mot, Micah se retourna et sortit. Il avait l’air si seul, même s’il était entouré de sesamis.

Kalen comprit exactement comment il se sentait.Le vol du Wyoming à la Californie fut court mais turbulent. Il correspondait exactement à la situation,pensa Kalen. Au moment où ils firent atterrir les deux Huey à quelques kilomètres du centre derecherche soupçonné, il était prêt à vomir ses tripes. Il n’était pas un militaire. S’il avait pu lestransporter par magie, il l’aurait fait.

Ils camouflèrent les hélicoptères, et les membres qui préféraient se battre avec des armes lesvérifièrent. Kalen préférait de beaucoup être sa propre arme. Il n’aimait pas les fusils, mais il enutiliserait, s’il le fallait.

Comme ils suivaient Nick à travers la vallée, Kalen mit à l’épreuve son bouclier mental. Il était là,mais il était faible. Il semblait que plus il y avait de la distance physique et émotionnelle entre Mac etlui, pire était l’influence du Unseelie. Le côté sombre de Kalen rattrapait lentement sa lumière,comme le disait Sariel.

Il devait s’accrocher. Juste un peu plus longtemps.— Abandonne, mon garçon. Tu m’appartiens.— Non.Kalen étudia le dos de ses coéquipiers, mais personne ne semblait avoir entendu.— La soif de sang augmentera en toi, imparable. Donne-lui libre cours, nourris-la. Et retourne-

la contre l’équipe. Deviens l’instrument de ma vengeance.Se concentrant, il essaya de réparer la fissure dans son bouclier. Une tâche presque impossible,

compte tenu des distractions tout autour de lui. Il devait surveiller ses frères de l’équipe, rechercherles éventuels pièges et les ennemis cachés. Il y en aurait certainement beaucoup, car c’était en fait ledernier bastion servant aux recherches de Malik.

Malik ne savait-il pas où ils se dirigeaient ? Cela ne devait pas être le cas, sinon les gardessluaghs leur seraient déjà tombés dessus. Non, le Unseelie ne percevait que ses émotions et essayaitde les utiliser. Il ne savait pas vraiment où était Kalen, pour le moment.

Il ferait de son mieux pour que cela continue.Ils marchaient à travers les arbres le plus silencieusement possible, à une certaine distance les uns

des autres. En utilisant chaque once de leur furtivité d’animaux, ils s’approchèrent le plus prèspossible du bâtiment en contrebas. Quand un flou grisâtre se détacha de la couverture de la forêt, ilss’attendaient à y voir le bâtiment, mais cela choqua quand même leur sens.

Sur leur droite, un énorme sluagh percuta Hammer et le fit tomber au sol. Son cri fut noyé dans lesrugissements simultanés de la bête et de l’équipe. Rowan était la plus proche, et sauta immédiatementsur le dos de la chose, un gros Glock dans la main. Sans perdre une seconde, elle appuya le canon surla tempe de la bête et lui explosa la cervelle. La créature tomba sur le côté, laissant Hammer fixant

Rowan de ses yeux écarquillés.— Merde ! Merci, Ro, dit-il dans un souffle. C’est toute une façon de les exterminer.— Et efficace, aussi.Elle sauta de la bête et lui donna un coup de pied de dégoût. Puis, elle se tourna juste à temps pour

recevoir un baiser possessif d’Aric.Kalen se demanda comment cet homme pouvait accepter les dangers qu’il faisait courir à sa

partenaire. Il ignorait s’il pourrait faire la même chose. Quoi qu’il en soit, Mac et Rowan étaientdeux femmes complètement différentes. Ro avait été élevée dans l’est de Los Angeles où elle y avaitété une flic. Elle était terre-à-terre et dure. De son côté, la partenaire de Kalen était une docteuredouce, et il ne pouvait l’imaginer faire ce que Rowan venait d’accomplir.

L’odeur du sang de la créature frappa Kalen durement, et le mur qu’il avait érigé menaçait de sefissurer à nouveau. Aussi rance que fût cette odeur, elle déclencha quand même un faible feu dans sonventre. La nécessité de tuer. Comme il l’avait fait avec l’avatar de Sariel.

Merde ! Il ne pouvait pas se laisser guider par ses désirs.Ils repartirent, mais la tension était élevée. Manifestement, ce sluagh patrouillait seul dans cette

section, mais ses frères pouvaient remarquer son absence à tout moment. Ils devaient donc sedéplacer plus rapidement et accélérer le rythme.

Lorsque le bâtiment fut en vue, Nick leur fit signe de s’arrêter et de se rapprocher de lui.— A.J., cela semble un bon endroit pour tirer sur tous ceux qui nous poseront problème.— Je vais vous couvrir, patron.Cet être humain n’était pas un combattant, mais il avait une carabine de gros calibre à longue

portée, et il était extrêmement précis avec elle.— Nous nous diviserons en deux équipes. Kalen, Ryon, Hammer et Jax, allez par derrière. Le reste

couvrira le devant. Ryon, dis-nous quand tu seras entré dans le bâtiment.Ryon leva un pouce et partit avec son groupe, en faisant un grand cercle à l’arrière de

l’établissement. Kalen n’arrivait pas à se sortir l’odeur du sang du sluagh de la tête, accompagnée del’envie de déchiqueter quelque chose… n’importe quoi. Ce besoin rampait en lui comme une maladieinsidieuse. À peine contenue.

À l’arrière du bâtiment, ils se pressèrent contre le mur de chaque côté d’une porte qui semblait êtreune entrée de service. Le manque de gardes inquiéta Kalen, c’est le moins qu’on puisse dire. Cesentiment monta en lui comme Jax crochetait la serrure et qu’ils entraient, sans avoir vu personne.

— Nous y sommes, poussa Ryon dans leurs esprits. C’est une zone de garage ici, probablementoù ils amènent les prisonniers. Il y a trois véhicules, dont deux fourgonnettes aux vitres teintées.Pas de gardes. Je n’aime pas ça.

Il s’arrêta, recevant vraisemblablement une réponse de Nick. Ryon, en tant que télépathe del’équipe, pouvait pousser ses pensées dans leurs têtes, mais personne ne pouvait entendre une

réponse mentale directe à part lui. Après quelques instants, Ryon fit signe à son groupe d’avancer touten observant son environnement soigneusement.

Kalen s’efforça de garder son esprit résolument tourné vers l’assassinat de l’ennemi, le momentvenu — et seulement l’ennemi. Ces hommes étaient ses frères. Son avenir. Et non Malik ou sespromesses vides d’acceptation.

Il pouvait résister au mal. Il le ferait.De l’autre côté du garage se trouvait une porte qui était l’entrée du bâtiment principal. Ils

avancèrent subrepticement vers elle, en alerte. Quelque chose, peut-être un petit bruit, fit en sorte queRyon leva les yeux vers les poutres au-dessus de leurs têtes.

— À terre ! cria-t-il.Des cris aigus éclatèrent dans le garage quand plusieurs sluaghs tombèrent des chevrons en même

temps. Kalen se recroquevilla alors que les autres s’accroupissaient au sol. Face à leur nombre, ilpensa qu’il valait mieux utiliser sa magie qu’appeler sa panthère.

Ryon et Jax se transformèrent en loups et sautèrent sur deux créatures. Hammer les suivit,confondant les bêtes près de lui. Mais il y en avait trop, et ils seraient rapidement dépassés dans lecombat au corps-à-corps.

Kalen fit apparaître son bâton et resta immobile. Il concentra sa magie sur l’attaque des sluaghs.Puis, il appela l’élément de l’eau et la fit s’expulser de leur corps. Se diffuser dans l’air. Lescréatures commencèrent à se ratatiner et à crier. Une bête particulièrement intelligente se renditcompte que Kalen était la cause de leur situation et elle le chargea rapidement.

Son cœur battit, mais il ne bougea pas. La bête se précipita vers lui, hurlant sa rage, les yeux petitset rouges. Et puis, elle tomba, ratatinée comme de la pierre, aux pieds de Kalen.

— Merde !Les genoux de Kalen tremblaient tant il avait eu chaud. Il proféra une phrase en latin et réduisit les

corps en cendres, et les particules se disséminèrent dans les airs. Ses amis reprirent leur formehumaine et ramassèrent leurs vêtements déchiquetés.

— Voilà un sacré truc sympa que tu as là, dit Jax en remettant son pantalon.— Il a sauvé une fois de plus nos fesses, en convint Ryon. Merci.— Vous pensez que quiconque a entendu le vacarme ? dit Hammer en dépoussiérant ses vêtements.Jax se lissa la barbiche.— Un seul moyen de le savoir.Ils se rassemblèrent de chaque côté de la porte. Ryon tourna la poignée et la poussa légèrement.

Elle s’ouvrit vers l’intérieur, révélant un long couloir propre et stérile, dont les murs et le plancherétaient blancs. Ils entendirent de faibles lamentations dans une pièce éloignée. Cette âme avait perdutout espoir.

— Quelques minutes de plus, murmura Jax. Nous allons t’aider.

— Voici où ça peut se compliquer, leur dit Ryon quand ils entrèrent. Nous sommes dans le couloirarrière. Il est long et étroit, un espace serré pour un combat. Nous allons procéder pièce par piècepour rassembler les survivants.

Les premières pièces servaient à l’entreposage. Lors de leur inspection, ils constatèrent que leslocaux avaient été étonnamment bien organisés, avec des étagères métalliques servant à ranger diversobjets utiles. L’industrieux docteur Bowman avait été occupé depuis qu’ils avaient failli le prendre ladernière fois. Une pièce était pleine de produits de nettoyage, une autre contenait des médicaments detoutes sortes. Jax y vit un intérêt.

— Avant de foutre le feu ici, nous devrions recueillir ces articles. Nos propres médecinspourraient en avoir besoin dans leurs recherches sur ce que ces enfoirés utilisent.

Il toucha une bouteille étiquetée.— Et ça nous ferait des médicaments gratuits, aussi, s’il y en a des bons.— Bonne idée, déclara Ryon.Il y avait des étagères remplies de vêtements dans la pièce suivante. Des uniformes verts et ternes

qui étaient destinés aux médecins et aux autres membres du personnel. D’autres étaient simples,consistant en des pantalons beiges et des gilets. Kalen se demanda s’ils étaient destinés à leursrésidents non consentants, ce qui n’avait pas de sens. Les laquais de Malik n’avaient jamais jugé bonde vêtir leurs sujets de test, auparavant. Ils ne se souciaient pas autant d’eux.

— Peut-être qu’ils se sont fatigués de voir leurs sujets mourir, observa Jax en étudiant lesvêtements. Ce que ces connards voulaient n’aura plus d’importance après aujourd’hui, par contre.

Ils retournèrent à la queue leu leu dans le couloir, en restant vigilants. À un croisement où leurcouloir débouchait sur un autre corridor sur la gauche, un garde humain armé était appuyé contre lemur, dos à eux. Sa position montrait sa détente et son ennui. Ce serait sa dernière erreur.

Jax se glissa rapidement derrière lui, le saisit par les cheveux et lui tira la tête en arrière. Son cride surprise fut réduit au silence quand Jax utilisa une griffe effilée pour lui trancher la gorge. Il retintle gardien, qui s’affaissa au sol. Ce dernier poussa un gargouillis et se prit le cou, mais la lumièredans ses yeux disparut. Il mourut quelques instants plus tard.

La soif de sang de Kalen monta, chaude et honteuse. Il avait besoin de tuer. La prochaine victimeserait à lui, et il allait profiter de chaque seconde.

— C’est bien, mon fils. Nourris ton besoin. Peu importe ce que ton équipe croit accompliraujourd’hui. Ce qui importe est que tu utilises ceci pour ta formation. Cède à tes désirs, et nousreconstruirons ensemble. Personne ne nous arrêtera alors.

Merde, le Unseelie avait pénétré ses défenses. Les mots hypnotiques resserrèrent leur emprise surson âme. Il pouvait tuer les gardes, tout le personnel ici, ce qui était acceptable. Il pouvait canaliserson besoin sans risquer la vie de ses amis. N’est-ce pas ?

Une goutte de sueur coula sur son visage. Il avait du mal à se maîtriser. Il voulait se donner à

l’obscurité séduisante. Il en avait besoin.Comme prévu, les laboratoires réels et les zones de détention des prisonniers se trouvaient au

milieu du bâtiment. Ils savaient qu’ils étaient dans la bonne direction lorsque les bruits des activitésatteignirent leurs oreilles. Il y avait une voix ici et là. Le roulement d’un chariot sur le sol carrelé. Lebip d’un moniteur. Un assistant qui demandait quel sujet devait être envoyé à la salle d’opération.

— Amenez-moi le loup à la salle d’opération 4. Je veux essayer de combiner son ADN avec celuidu sujet humain 356. Je suis sur le point de faire une percée. Je peux le sentir, répondit le docteurBowman.

— As-tu entendu ça, Nicky ? demanda Ryon. Son groupe a abattu les gardes à l’avant, et ilsapprochent par l’autre côté de cette zone centrale, dit-il en faisant singe à Kalen et aux autres. Nousles avons coincés. Nous allons voir d’où ils récupèrent ce captif et de qui il s’agit, dit Ryon à tous.

Ils n’attendirent pas longtemps. Le docteur Bowman disparut, probablement dans la salled’opération 4, et l’assistant se rendit à une cellule en poussant un bouton argenté sur le mur dans lecouloir. Il semblait que cette installation faisait en sorte que leurs captifs étaient idéalement situésjuste à côté de leur chambre de torture. Les barres s’ouvrirent en glissant et l’assistant y pénétra.

Lorsque le laquais réapparut, il traînait un grand homme aux longs cheveux dorés et sales quipendait jusqu’à sa taille. Il remonta son prisonnier, et pendant un moment, son corps leur fit faceavant que les deux hommes disparaissent dans la salle d’opération.

— Putain, siffla Jax en serrant les poings. C’était Nix !— Ah, les salauds, lança Ryon d’une voix faible et mortelle. Allons le chercher et ramenons-le à la

maison. Ils ont Phoenix ! Nous passons à l’action.Ils s’approchèrent rapidement, et Kalen put voir Nick au coin de l’autre bout du couloir, avec le

reste de l’équipe derrière lui. Kalen regarda dans la cellule dans laquelle le laquais avait récupéréPhoenix et vit trois formes entassées misérablement. Pour l’instant, ils seraient plus en sécurité là oùils étaient.

Ryon mena la première attaque quand ils firent irruption dans la salle d’opération. Bowman levales yeux, et le choc apparut sur son visage. L’homme saisit un scalpel à proximité et le brandit au-dessus du corps inerte de Nix, mais l’arme fut une piètre défense contre une pièce remplie de frèresfurieux qui voulaient le voir mort.

— Je vais t’arracher ton putain de cœur, gronda Jax.Puis, il sauta, en projetant Bowman au sol. L’homme cria tandis que les bruits que Jax faisait en lui

déchirant les chairs produisaient un écho étrange dans l’espace clos. Ce salaud l’avait bien mérité. Ilavait blessé et tué tant de personnes dans sa recherche de la domination du monde, et maintenant,c’était terminé.

Kalen se tourna vers l’assistant, qui avait réussi à tirer un pistolet de sa blouse de laboratoire. Illui lança une boule d’énergie pour le désarmer, et Ryon l’acheva, de la même manière que le

médecin.Hammer regarda autour de lui avec inquiétude.— C’est tout ? C’était trop facile, les mecs.Et puis, le monde explosa dans un chaos. Littéralement. Tout autour d’eux, les murs du laboratoire

de recherche explosèrent, ce qui projeta la meute dans toutes les directions. Le dos de Kalen heurtadurement un comptoir, puis il fut jeté à terre. La douleur irradia dans ses vertèbres, puis il prit uneprofonde inspiration, mais n’avala qu’une bouffée de débris.

Il toussa alors que pleuvaient la poussière et la saleté. Des morceaux tombèrent du plafondendommagé, lequel menaçait de céder. Où diable était tout le monde ?

Il essuya la poussière de ses yeux et vit son groupe lutter pour se relever. L’odeur du sang frappases narines et, cette fois, elle n’était pas rance. L’arôme était doux et délicieux, et il reculainstantanément. Ce sang était celui de ses frères de la meute. Il ne les trahirait pas.

— Tue-les. C’est ce que tu fais de mieux.— Non.Il se releva, et eut un coup au cœur quand plus de sluaghs sortirent de l’ombre. Malik les avait

envoyés ici. C’était un autre test. Kalen le passerait. Mais de quel côté serait-il ?Des bruits de bataille venaient de quelque part plus loin. Le groupe de Nick. Il n’y avait plus de

couloir ou de pièces distinctes. Juste un tas de murs détruits et de gravats.Ses amis se jetèrent dans la bataille avec ferveur, envoyant des sluaghs à droite et à gauche.

Davantage prirent leur place. Grâce à ses griffes, Kalen taillada et poignarda les bêtes en plein cœur.Il utilisa des balles d’énergie à tir rapide pour en abattre quelques-uns avant que ses frères soientdépassés.

Mais quelque part dans la lutte, la ligne commença à s’estomper. Le besoin de tuer quelqu’und’autre, puis un autre monta à chaque vie qu’il prenait. C’était trop facile et satisfaisant. Regarder lalumière mourir ; puis prendre la suivante. La mort, et encore la mort. Si bonne.

L’obscurité le prit, et il fut impuissant contre elle. Sans un éclat de lumière pour le guider, sonbesoin d’offrir la mort ne connaissait plus de limites. Il se retourna, à la recherche de sa prochainevictime, et trouva de grands yeux bleu pâle, le visage encadré par des cheveux blonds dégradés.

Ryon.— Kalen ! Ne…La main du sorcier se tendit presque toute seule, et il rassembla une énorme boule d’énergie. Elle

allait brûler le cœur de son adversaire, ne laissant rien d’autre dans son sillage que de la chairbrûlée. Et la mort. Amère et délicieuse.

Mais avant qu’il puisse libérer le feu, un corps le percuta et le fit tomber sur le sol sale. Il rugit enessayant de déloger son ennemi, mais en vain. Il se battit pour se dégager. Il comprit à peine les motscriés près de lui.

— Bon Dieu, il est devenu sauvage ! Tenez-le !Nick ?Il lutta encore plus, mais plusieurs corps le maintinrent au sol. Il détestait être cloué ainsi au sol.

Quand les hommes faisaient cela, c’était pour une seule raison.Et puis, il devint sauvage. C’était tout ce qu’ils pouvaient faire pour le maîtriser.— Quelqu’un, endormez-le, nom de Dieu !— Dors, mon enfant, ordonna Nick en mettant une paume sur le front de Kalen.Et il ne put faire rien d’autre que d’obéir.

Chapitre 14

Mac mangeait son sandwich avec désintérêt. Elle avait à peine été capable de supporter troisbouchées avant que ses nausées jouent au ping-pong avec le poulet rôti. La nourriture dans lacafétéria du camp était excellente, mais sa nervosité et sa grossesse prenaient le pas sur toutejouissance qu’elle aurait pu en tirer.

La crème de tomate au basilic, une de ses préférées, passa beaucoup mieux. Elle avait réussi à enmanger la moitié quand son père arriva au pas de course dans la salle à manger. En voyantl’expression sur son visage, elle se leva immédiatement. Elle ne pensait pas avoir déjà vu cet hommenerveux, auparavant.

— Papa ?Elle tendit instinctivement la main vers lui.— Ma belle, l’équipe revient. Ils seront ici dans six minutes.— Des blessés ?Elle se précipita à l’extérieur, et courut à côté de lui.« Reste calme. Professionnelle », se dit-elle.— Quelques lacérations. Hammer avait une jambe cassée, mais Zan l’a guéri.— Alors, pourquoi cette hâte ?Quand il ne répondit pas tout de suite, elle lui saisit le bras, l’arrêtant devant l’entrée de

l’infirmerie. Il alla droit au but.— C’est Kalen. Il est devenu sauvage, et Nick a dû le mettre hors d’état de nuire…— Oh, mon Dieu ! cria-t-elle. Il est mort ?— Non ! Je veux dire qu’il l’a fait dormir pendant un certain temps. Mais le sort se dissipe, et ils

ont du mal à le maîtriser. Ils lui ont mis des menottes d’argent et l’amèneront ici dès qu’ils atterriront.Elle pensa rapidement.— Il ne servira à rien de l’amener à l’infirmerie s’il n’est pas blessé.— Nick veut qu’il soit sous sédatif.— Non. Cela ne l’aidera pas. La sédation le rendra incapable de se défendre mentalement, et

Malik pourra plus facilement accéder à son esprit.— Merde.Le général se passa une main dans les cheveux.— Alors, que faisons-nous ?Dieu. Non, cela la tuait de le dire, mais il n’y avait qu’une solution pour le moment.

— Ils doivent l’amener au bloc R.« Mon partenaire, pardonne-moi. »— Rappelle Nick. Je dois préparer une cellule.Elle courut vers le bloc R, où ils gardaient les créatures qui devaient être réhabilitées. Le bloc

logeait plusieurs résidents, dont les plus importants étaient Raven et Bélial. Membre de la meute,Raven était un ancien SEAL qui était coincé dans sa forme de loup depuis plus de cinq ans. Bélialétait un basilic sournois et séduisant qui n’avait pas encore la liberté de parcourir le camp.

Et maintenant, il abriterait Kalen. Elle eut le cœur lourd pour son sorcier. Rapidement, elle tapa uncode sur le clavier pour déverrouiller une cellule à l’écart des autres résidents, l’ouvrit et étudial’intérieur. Il n’y avait rien à part un lit boulonné au plancher et un matelas sur le sommier. Ni drapsni oreillers. Rien qu’il pourrait utiliser pour se faire du mal.

Son père tourna le coin, et elle entendit le vacarme derrière lui, qui s’approchait d’eux. Kalenhurlait des injures, tout ce qui lui venait en tête, et elle se prépara à un horrible affrontement.

Elle pensa qu’elle s’était bien préparée jusqu’à ce qu’elle voie Nick et plusieurs autres, arrivant àpeine à retenir le sorcier, qui était attaché avec des chaînes d’argent. Son partenaire était enragé, setordant et essayant d’arracher un morceau de ses ravisseurs avec ses crocs. Comme cela nefonctionnait pas, il essaya de lancer un sort en latin, mais Nick appliqua une main sur sa bouche,risquant une vilaine morsure pour l’avoir arrêté.

— Amenez-le ici ! cria Mac.Ils eurent du mal, mais réussirent tout de même à le faire entrer dans la cellule, où Nick et Jax l’y

jetèrent, puis en sortirent en vitesse. Dès qu’ils passèrent la porte, Mac et son père firent glisser leslourds barreaux pour la bloquer. La porte se verrouilla en place avec un bruit fort qui semblaterriblement final.

Les mains toujours enchaînées derrière le dos, Kalen se heurta contre les barres, secouant la porte.Mac resta immobile, à regarder l’homme qu’elle aimait se balancer contre un mur, puis un autre,comme un dément.

— Laissez-moi sortir ! cria-t-il. Je vais vous tuer, bordel ! Jusqu’au dernier ! Et je vais rirependant que je le ferai !

Des larmes jaillirent de ses yeux et coulèrent sur ses joues. Elle ne pouvait pas supporter de le voircomme ça.

— Papa, murmura-t-elle en lui saisissant la main.Il lui serra fort la main.— Que puis-je faire ? Comment pouvons-nous l’aider ?— Je ne sais pas, ma puce, murmura-t-il.Tous les membres de l’équipe se réunirent. Ils arboraient tous un air sinistre.— Je vais me régaler de vos carcasses, délira Kalen.

Il rit en s’appuyant le dos contre le mur du fond à côté du lit, puis il se laissa glisser au sol en leurjetant des sorts. Peut-être qu’une partie d’entre eux n’avaient aucun effet dans cette chambre fortifiéeen fer et en argent. Il avait les yeux de sa panthère, verts, brillants et elliptiques. Il sourit, montrantles crocs énormes qui avaient presque réussi à arracher un morceau de ses amis.

— Voilà qui je suis. Le sang le dira, n’est-ce pas ?Nick regarda Kalen, et ses yeux devinrent étrangement humides.— Nous ne pouvons pas le laisser souffrir comme ça.— Je suis d’accord, déclara le général.Aric prit la parole.— Si nous n’arrivons pas à l’atteindre, il va finir par faire s’écrouler cet endroit sur nos têtes. Il

est trop fort pour qu’on le garde longtemps en cellule.Nick retira son pistolet de sa ceinture.— Je vais le faire. C’est ma responsabilité.— Quoi ? cria Mac. Non ! Vous ne pouvez pas l’abandonner comme ça ! Je peux l’atteindre. Je sais

que je peux !— Ma belle, commença son père, qui affichait une expression misérable.— Je t’en prie. Je t’en supplie. Donne-moi une chance de l’atteindre.Sa voix se brisa. Elle tremblait de la tête aux pieds, terrifiée que Nick lui refuse sa demande.— Mac, il est allé trop loin, dit doucement Nick, les yeux tristes.— Il s’agit d’un homme et non pas d’un chien à abattre, cracha-t-elle avec colère, en s’essuyant les

joues. Il m’a promis qu’il se battrait, et je sais qu’il est là quelque part.— Mon Dieu, fit Jax. Où est la justice dans tout cela ? Nous lui avons donné notre parole que nous

le protégerions. Que vaut cette parole si on le laisse se noyer la première fois où il a la tête sousl’eau ? Même Raven est toujours ici, même s’il est coincé dans sa forme de loup depuis près de sixans.

— Raven n’est pas un sorcier fée qui a un père Unseelie et qui détient le pouvoir de détruire lemonde entier comme nous le connaissons.

— Une autre chance, Nicky. Je t’en prie.Un par un, les gars partagèrent leur accord. Contre leur front commun, Nick hésita, puis finit par

céder.— Quarante-huit heures. S’il ne montre pas de signes d’amélioration, je vais mettre fin à ses

souffrances. Ou au danger qu’il représente pour nous tous.Même dans le contexte du vil saccage de Kalen, les gars parurent visiblement soulagés. Kalen était

l’un des leurs, et ils ne voulaient pas renoncer à lui.Les épaules de Nick s’affaissèrent. Il avait l’air anéanti.— Je dois aller voir Phoenix. Mélina s’occupe de lui.

Un par un, les gars prirent Mac dans leurs bras, puis se dirigèrent vers l’infirmerie pour avoir desnouvelles de leur vieil ami, enfin revenu chez lui. Mac était déchirée, mais choisit de rester avecKalen pendant un certain temps. Nick ne voulait pas qu’elle reste derrière seule et ordonna à A.J. derester avec elle. Juste au cas où. A.J. hocha la tête et serra les lèvres en une ligne mince. Ilcomprenait très bien la situation. Et il avait été formé pour gérer ces situations.

Mac regarda le fusil à l’énorme viseur qu’A.J. portait en bandoulière sur son épaule, et sa craintelui donna un coup au ventre. Elle fit une prière à l’intention de quelque divinité qui pourrait être àl’écoute pour que son partenaire s’en sorte en toute sécurité. Vivant et entier.

Après la disparition des autres, Mac se tourna vers A.J.— Qu’est-il arrivé au centre de recherche ?L’homme secoua sa tête brun sable.— J’étais sur une colline, à faire ma part pour abattre les créatures moches. Je ne sais pas ce qui

s’est passé à l’intérieur, mais tout à coup la zone centrale de l’immeuble a implosé. J’ai couru jusquelà-bas, mais tout était terminé quand j’ai fini par arriver à l’endroit où se trouvaient les gars.

— Nick t’a quand même dit quelque chose ?Le bel homme regarda au loin.— Doc, tout ce que je sais, c’est que l’équipe a été prise dans une embuscade. Ils ont réussi à

entrer dans le laboratoire de recherche et à trouver les prisonniers un peu trop facilement. Puis, unetonne de sluaghs sont arrivés, et l’équipe a été submergée.

— Ils ne pensent pas que Kalen ait eu quelque chose à voir avec ça…L’idée était horrible. Mais compte tenu de la façon dont il agissait maintenant… elle n’était pas

déraisonnable.— Nick ne le pense pas. Mais la soif de sang de la bataille a perdu ton partenaire. Les autres ont

dit qu’il est devenu enragé et a presque tué tous ces monstres tout seul. Mais ils ne s’étaient pas renducompte qu’il avait arrêté de faire la distinction entre « eux » et « nous » jusqu’à ce qu’il tombe surRyon et ait été à un cheveu de le tuer, lui aussi.

Mac regarda Kalen, assis sur le sol de sa cellule. Son menton était rentré dans sa poitrinemaintenant, ses cheveux noirs cachaient son visage, et il bavardait avec lui-même. Elle ne comprenaitpas ce qu’il disait, mais il semblait un peu plus calme. Mais à peine. Il était encore très agité, sebalançant d’avant en arrière, sans se soucier du regard d’A.J. et du sien.

Elle s’avança un peu plus près des barreaux.— Kalen ? Chéri, c’est moi…Il leva la tête et grogna, découvrant ses crocs. Ses yeux elliptiques maquillés au khôl ne montrèrent

pas le moindre signe de reconnaissance. Il était en colère, contraint par ses chaînes. Et il avait peuraussi. Il était confus.

Elle ressentit parfaitement ses émotions et en eut le souffle coupé. Elle sentit sa peur par leur lien,

et un rayon d’espoir traversant l’ombre lui rappela qu’il pouvait aussi ressentir ses émotions. Ellepourrait l’utiliser à leur avantage. Pour essayer de le rejoindre.

Elle se déplaça lentement pour éviter de l’agiter davantage et s’assit, les jambes croisées sur lesol. A.J. s’appuya contre le mur à proximité, prêt en cas de problème. Elle bloqua la terrible imagede son fusil à lunette et se concentra sur son lien avec son partenaire. Elle pensa à leur bébé. Sonrêve pour eux trois. Elle lui envoya des vagues d’amour dans un flot ininterrompu.

Il arrêta progressivement de grogner. Ses crocs reculèrent et ses yeux redevinrent plus humanoïdes.Mais son humanité était encore absente. Il resta confus, mais sa rage terrible avait disparu. Il l’étudiapendant de longs moments avant que ses paupières commencent à tomber. Épuisé par les événementsde la journée, il s’endormit.

Affalée contre le mur, séparée de son partenaire, elle dormit aussi. Par à-coups.Kalen la tenait contre lui. Lui caressait les cheveux. Lui donnait des baisers sur le dessus de la

tête.— C’est bien, murmura-t-il.— Oui, ça l’est.Il fit une pause, et elle sentit qu’il avait plus à dire.— C’est bon, n’est-ce pas ? Quand je te tiens comme ça ?Il semblait si incertain, et pourtant plein d’espoir. Le cœur de Mac se gonfla.— Ça l’est certainement, dit-elle en l’étreignant. Pourquoi ça ne le serait pas ?— C’est nouveau pour moi. Tenir quelqu’un, être dans ses bras. Elle sentit une note d’émerveillement dans sa voix.— Alors, tu as raté beaucoup de choses.— Je commence à le voir, dit-il doucement.Un changement subtil se produisit entre eux. Puis, peu à peu… le confort devint quelque chose

de plus. Ils n’avaient pas à être seuls et apeurés. Leur lien s’était établi ce soir au cours d’uneterreur commune, et maintenant cette connexion se renforçait comme il la tenait contre son cœur.Il inclina son visage vers le sien.

Et il déposa le plus doux des baisers sur ses lèvres. Il commença lentement, en la mordillant. Ilfit une pause, lui donnant la chance d’éteindre la flamme qui avait été allumée entre eux. Mais ellele voulait tout autant, et n’était pas sur le point de dire non.

Assis, il la tira sur ses genoux. Ils portaient encore tous les deux leur jeans, mais dans cetteposition, elle n’avait aucune difficulté à sentir l’érection pressant contre ses fesses. Elle se tortillacontre sa dureté, en redemandant.

— Tu vas me tuer.— Loin de là.Elle se redressa et tira sa chemise par-dessus sa tête, se découvrant à son regard. Grâce au

ruban de lumière qui filtrait des rideaux, elle put voir ses yeux verts brillants de désir. De besoin.Mais aussi d’incertitude.

— Je n’ai jamais fait ça avant.— Avoir des rapports sexuels ?Elle avait du mal à le croire.— Faire l’amour, lui dit-il. Avec quelqu’un dont je me soucie.Quel homme doux !— C’est fantastique. Ça ne ressemble à rien de ce que tu as déjà ressenti.— Dis-moi ce que tu veux.De sa main tendue il lui caressa la joue.— Je dois l’entendre, insista Kalen.— Fais-moi l’amour. Donne-moi tout.Capturant de nouveau ses lèvres, il la coucha sur le lit. Il l’embrassa partout pendant un long

moment. Il avait les plus exquises des lèvres et savait comment s’en servir… comme il le prouva ense frayant un chemin le long de son cou, l’effleurant doucement de ses dents au passage. De seslongues dents.

— Est-ce que tu utilises tes dents de panthère ?— Mmm.Elle haleta quand l’une des canines frôla l’un de ses tendres mamelons.— Je prends ça pour un oui.Sa bouche captura un mamelon, le suça, et elle gémit en enfouissant ses doigts dans ses longs

cheveux, ce qui l’avait démangé de faire depuis des semaines. La masse noire était aussi soyeusequ’elle avait l’air, épaisse et juste parfaite pour qu’elle s’y accroche. Elle aimait cette sensationautant qu’elle aimait qu’il s’attarde sur ses mamelons.

Il alla plus bas et lui embrassa le ventre. Quand il alla encore plus bas, elle dut renoncer à sonemprise sur sa crinière, et gémit en signe de protestation.

— Tu ne veux pas cela ? la taquina-t-il en s’installant entre ses cuisses. Tu as dit que je devaistout te donner.

— Et je le pensais. J’adore juste mettre les mains dans tes cheveux.Il eut l’air content.— Eh bien, tu les retrouveras dans quelques minutes. Promis.Il déboutonna son jeans et le lui retira, avec sa petite culotte. Il lui écarta les genoux et baissa

la tête. Il sortit la langue et lécha son clitoris. Avec un soupir de plaisir, elle écarta les cuisses leplus possible. Cela avait trop duré, et elle voulait se donner à Kalen. Comme cela, ou de n’importequelle façon qu’il désirait.

Sa bouche était tout aussi talentueuse dans cette zone. Il lécha ses replis, fourra sa langue entre

les deux pour baiser lentement ce canal. Pour la rendre folle. Puis, il se retira pour sucer son petitclitoris et l’emmener au bord de l’orgasme. Et se retira de nouveau. Lécher et sucer. À maintes etmaintes reprises, jusqu’à ce qu’elle perde la tête, se tordant.

— Oh, mon Dieu !— Que veux-tu, ma chérie ?— Baise-moi, exigea-t-elle. J’ai besoin de toi.Il n’eut pas besoin de plus d’encouragement et enleva rapidement son jeans. Rampant sur elle,

il s’installa entre ses jambes, plaça le bout de sa queue sur son ouverture. Poussa à l’intérieur.Là, dans l’obscurité, ils s’unirent.Balançant les hanches, il commença à bouger en elle. Profondément, jusqu’au fond, et sortit de

nouveau. Lentement, attisant le feu une fois de plus, la prenant jusque dans les profondeurs de sonâme. Elle enfouit ses doigts dans ses cheveux à nouveau, et vit son visage alors qu’il lui faisaitl’amour. Ses pupilles étaient devenues elliptiques et brûlantes de passion. Les muscles de sesépaules se développèrent et ses crocs sortirent comme il haletait à chaque poussée, le disque deson pendentif accroché à son cou, reposant entre ses seins.

— Plus fort, l’exhorta-t-elle. Plus vite.Il augmenta le tempo, obéissant à sa demande, en gémissant. Les menant plus haut. Elle savait

qu’il allait jouir quand il la serra contre sa poitrine, ses hanches bougeant furieusement. Elle secramponna à son dos, son propre orgasme montant jusqu’à ce que…

Elle jouit en poussant un cri, et sa chatte pulsa autour de sa queue. Son cri provoqua lajouissance de Kalen, qui poussa un cri rauque, sombrant lui-même aussi profondément quepossible. Il resta là, tremblant, la tenant contre lui, jusqu’à ce qu’enfin ils fussent épuisés. Puis,après s’être calmé, il embrassa la courbe de son cou.

— Merci, murmura-t-il.Mac se réveilla lentement. Il lui fallut un moment pour se rendre compte qu’elle était encore

allongée au sol dans le couloir du bloc R, et que quelqu’un l’avait placée sur un petit lit de camp etavait mis un oreiller sous sa tête. Elle était reconnaissante pour le geste attentionné.

Il lui fallut un autre moment pour se rendre compte que son sexe était humide et chaud, et elle setortilla d’inconfort. Seigneur, elle espérait ne pas avoir fait de bruit en dormant ! En se tournant, ellevit A.J. assis à quelques mètres, appuyé contre le mur, les yeux fermés, le fusil appuyé à côté de lui.Il ne savait pas qu’elle s’était réveillée, alors elle se recoucha pour réfléchir.

Elle avait rêvé de Kalen. De la première fois où ils avaient fait l’amour, au motel Wall-Banger,juste après l’attaque d’un sluagh à l’extérieur du Cross-eyed Grizzly. C’était à ce moment qu’ilsavaient conçu leur enfant, et peu importe ce qui arriverait, elle ne pourrait jamais le regretter.

Ses larmes lui piquèrent les yeux, et elle finit par se redresser pour regarder à l’intérieur de lacellule de Kalen. Il était allongé sur le matelas nu, endormi, sa poitrine montant et descendant

lentement. Il avait l’air seul et désespéré. Il ressemblait si peu à son beau souvenir de leur premièrefois ensemble, et de toutes les fois qu’ils avaient été ensemble depuis, qu’elle eut mal à l’intérieurd’elle-même.

La faible voix d’A.J. traversa son chagrin.— Vous dormez tous les deux depuis un long moment.— Quelle heure est-il ?— Il est 2 h du matin.— Je suis désolée, dit-elle d’un air contrit. Je ne voulais pas te garder ici aussi tard. Je sais que tu

es prêt à tomber dans ton propre lit.Il haussa les épaules.— Il n’y a personne dans mon lit pour le rendre utile, alors je suis tout aussi bien ici, à vous

surveiller, Kalen et toi.Elle fut touchée.— Merci.— Il n’y a pas de quoi.Ils restèrent assis en silence pendant quelques minutes, à surveiller Kalen.— Mélina et Noah t’ont apporté le lit et l’oreiller. Ils m’ont dit de te dire que Nix va s’en sortir. Il

est déshydraté et traumatisé, mais loin d’être en aussi mauvais état que l’était Micah quand on l’aretrouvé. Il faisait des blagues au goût douteux dans la salle d’urgence, en essayant de détendrel’atmosphère.

Elle sourit malgré tout.— Cela ressemble à Nix. Il me rappelle beaucoup Aric.A.J. renâcla.— Que Dieu nous vienne en aide, alors !— Sans le sarcasme, naturellement. Il a le même esprit vif et incisif qu’Aric, mais il l’utilise avec

humour. Il a l’âme la plus généreuse de toutes les personnes que j’aie jamais rencontrées, ce qui estbeaucoup dire compte tenu des membres de la meute. Et il est aussi un coureur de jupons notoire. Dèsqu’il sera guéri, je suis sûre qu’il va rassembler tous les gars célibataires pour aller faire la fête àLas Vegas.

— Je veux être sûr de ne pas manquer ce voyage.Il lui fit un clin d’œil, et elle éclata de rire.— Alors, pas de dame spéciale pour toi ? A.J. ne sera pas le prochain célibataire à tomber ?— Jamais de la vie, dit-il avec un sourire arrogant. J’ai vu ce que l’amouurrr vous a fait, à vous

tous, et vous êtes tous cinglés. Je vais passer mon tour, merci.— Hum. Tu protestes trop.— Ouais, eh bien, on verra.

Elle poussa un petit rire. Elle n’avait pas vraiment appris à connaître A.J. et elle le trouvaitmaintenant charmant. Il était de bonne compagnie, même s’il était un peu taciturne parfois. Bien qu’ilne le soit certainement pas avec elle, en ce moment.

Un grondement sourd attira leur attention, et quand elle regarda à travers les barreaux, elle vitKalen dévisager A.J. Kalen se releva du lit et s’avança, un peu maladroitement, les mains liéesderrière le dos. Grimaçant, elle espéra que ses épaules ne soient pas trop tendues pour avoir dormicomme ça.

Il s’avança vers les barreaux et y appuya la poitrine. Ses yeux ne quittèrent pas l’autre mâle.— À moi.Mac eut le souffle coupé. S’il était assez conscient pour réaffirmer qu’il la possédait devant l’autre

homme, il y avait l’espoir qu’elle puisse l’atteindre.— Oui, mon partenaire, dit-elle doucement. Je t’appartiens.Ses yeux verts allèrent vers les siens, et elle vit qu’ils n’étaient plus elliptiques comme ceux de sa

panthère. Ils n’étaient plus sauvages, mais tristes.— Ma partenaire.— Je suis à toi.— Besoin de toi.— Je suis désolé, mais tu ne peux pas le laisser sortir, lui dit A.J. Tu ne peux pas lui faire

confiance encore.Cette affirmation lui brisa le cœur.— J’ai besoin de toi, moi aussi, dit-elle d’une voix brisée. Mais tu dois rester là pour l’instant.— Besoin de toi, répéta-t-il plaintivement.Mais la bataille dans son âme faisait encore rage. Bien qu’il n’y eût plus de signes extérieurs de

colère, elle pouvait voir, par sa difficulté à former ses pensées en mots, qu’il luttait. Il n’étaittoujours pas avec eux, et elle ne pouvait prendre de risques pour elle-même, leur enfant, ou lesautres.

— Tu m’auras bientôt. Je suis ici.— Rester ?— Je vais rester ici, je te le promets.— Qu’est-ce qui se passe avec moi ? murmura-t-il. Pourquoi suis-je ici ?Elle se mordit la lèvre pour s’empêcher de pleurer. Le bon côté de Kalen avait lutté pour revenir à

la surface et ne pouvait pas comprendre ce qui lui arrivait. Quand il avait perdu les pédales au centrede recherche, la poussée des ténèbres en lui avait été trop puissante. Cela avait changé quelque choseen lui, et elle priait pour qu’il puisse revenir comme avant.

— Tu ne vas pas bien, mon amour. Nous essayons de t’aider, mais tu dois essayer fort toi aussi. Tucomprends ?

— Non. Je veux sortir.— Je suis désolée.La tête basse, il glissa sur le sol et posa sa tête contre les barreaux. Il resta ainsi pendant un long

moment.Mac s’assit sur son lit et pleura silencieusement son malheur à chaudes larmes.

Les barreaux froids de la cellule s’imprimaient sur le front de Kalen. Il était toujours assis à essayerde comprendre ce qui se passait. Il avait du mal à se rappeler.

Pourquoi avait-il été enfermé comme un animal ? Qu’avait-il fait ?Des éclairs de mémoire l’agressèrent, mais ils provenaient d’autres événements, qui dataient de

loin. De mauvaises nuits où il avait dû vendre son corps pour quelques dollars ou un repas minable.Cela avait été terrible, mais personne n’avait été blessé. Eh bien, personne à part lui-même.

Ce n’était pas la raison pour laquelle il était là. Et d’ailleurs, où était-il ?Le camp. C’est ça. Le bloc R, où Nick mettait les créatures en lesquelles il avait presque perdu

espoir. Presque.Il se creusa les méninges. Où avait-il été ce soir ? Ou la nuit dernière ? Quelque chose au sujet

d’une mission. Un centre de recherche…— Tu as bien fait, mon garçon. Je suis très fier de tes progrès.— Quoi ? fit-il d’une voix rauque. Qu’ai-je fait ?— Tu as vaincu mes sluaghs, et bien que ce soit gênant pour moi, cela a été important pour ta

formation, mon fils. Tu en as tué des dizaines et tu as laissé libre cours au vrai prédateur en toi. Tasoif de sang s’est liée à ton âme, et tu as tourné ta rage contre celui qui s’appelle Hunter.

— Ryon ?Doux Jésus, non.— Je l’ai tué ?— Tu l’aurais fait, si ce n’avait été de l’intervention intempestive de ces chiens indiscrets. La

guerre arrive, et quand l’heure viendra, tu m’aideras à les détruire tous.— Non. Je ne le ferai pas.— Tu le feras, et tu te délecteras de leur sang. Tu te souviens du plaisir que tu as eu quand tu

t’es baigné dans leur sang ? Quand tu as dévoré ta proie ? Cela peut être ta vie, à jamais. Toi etmoi allons gouverner, père et fils. Personne ne pourra se dresser contre nous.

— C’est vrai que ce sang était doux.Mon Dieu, non. Il perdait l’esprit. Il retombait.— Oui, mon fils. Il nous soutient, le jus de nos proies. Chaque soir, nous nous régalerons, non

pas de ces galeux de sluaghs, mais de viande jeune et succulente. Aimerais-tu cela ?Non, non.— Oui, père.

— Kalen ? l’appela une voix douce au loin. Ne l’écoute pas ! Il t’empoisonne l’esprit !Mais ses supplications s’évanouirent.— Je t’apporterai les plus beaux spécimens pour nous deux, chaque nuit. Elles seront

tremblantes de désir, désireuses de se sacrifier aux créatures les plus puissantes du monde. Ellesseront impuissantes contre notre séduction, écarteront les cuisses pour nous afin que nouspuissions nous régaler de leur essence avant de glisser profondément nos bites en elles.

Kalen haleta, et sa queue s’allongea dans son jeans. Il lutta contre cette image, mais sa faiml’emporta. Il sentait les pulsations de son sang dans sa queue alors que Malik poursuivait.

— Tu enfonces ta queue profondément dans ta proie consentante maintenant. Le chaud et étroitfourreau se tord contre toi, et tu possèdes ce corps. Tu es le seigneur et maître, et ceci est ton dû.Plus ?

— Oui, je t’en prie. Dis-moi comment ce sera.Il poussa sa bite dure entre ses cuisses. Il ne pouvait plus être sauvé.— Cette proie t’appartient alors, parce que voilà ce qu’est ce corps : homme ou femme. Un

simple sacrifice pour satisfaire une bête supérieure. Ta queue t’unit à cette personne dont tucaresses l’intérieur, attisant ta flamme. À la recherche de la plus haute jouissance. Juste avant dejouir, tu enfonces tes crocs dans sa gorge délicate. Goûtes-tu le sang chaud et doux ?

— Si bon, gémit-il.— Il remplit ta bouche alors que ta proie crie de joie d’avoir vécu cette union. De t’avoir

appartenu pour la soirée, pour que ton corps en profite. Les proies dansent sur ta queue alors quetu les remplis de ta semence, jusqu’à ce qu’enfin, leur force vitale commence à les abandonner. Tuprends leur âme en toi-même, comme un don précieux.

Il jouit, et sentit le spasme interminable de sa queue alors que la description de la scène prenait fin.Si maléfique.

— Le sacrifice de ta proie est un honneur et ne doit pas être gaspillé. Tu lui déchires la gorgepour te nourrir, et tu passes bientôt à son cœur parce qu’il s’agit de la meilleure viande, et elle tesoutiendra jusqu’à la nuit suivante. Je te le promets.

— Tu le promets, murmura-t-il.— Oui. Tu es mon fils. Tu es le prince des Unseelies, et ceci est ton destin.— Père, je t’ai attendu pendant si longtemps. Personne d’autre n’a jamais voulu de moi.— Je sais, mon fils. Nous serons ensemble. Dans quelques heures, tout sera fini. Tu sais quoi

faire.Il le savait, et même si la lumière se battait pour vaincre l’obscurité, elle s’amenuisait en presque

rien.— Je vais abaisser les boucliers.— Très bien. Et puis ?

— Je vais les tuer pour toi. Les tuer tous !— Sauf la femme. Elle porte notre avenir.— Bien sûr.Il fronça les sourcils, mais le feu follet de lumière disparut à nouveau.— Mes sluaghs arrivent, par centaines. Tu vas te battre à mes côtés. Et quand tout sera fini, tu

seras récompensé avec ta première proie. Prépare ton appétit.Il se mit à rire.— J’ai hâte.

— Oh, putain de merde ! s’exclama A.J., abasourdi.Il regarda Kalen, qui était recroquevillé sur le sol de sa cellule, consumé par le poison de Malik.

Ils avaient entendu assez de la conversation du côté du sorcier pour comprendre qu’il était sur lepoint de craquer.

— Ce n’est plus Kalen. Je vais appeler Nick.Mac fuit le bloc R en sanglotant. Elle ne savait pas où elle allait au début, seulement qu’elle devait

sortir de là, maintenant.De l’aide. Elle devait aller chercher de l’aide. Elle irait chercher Mélina, et elles lui donneraient

le sédatif. Comme ça, au moins, il serait incapable d’obéir aux ordres de son père.— Oh, non. Non !Elle avait perdu l’homme qu’elle aimait aux mains du mal qui l’avait traqué toute sa vie.Et avait fini par gagner.

Nick et Jarrod étaient assis dans le bureau de Nick à 2 h 30 du matin. Incapables de dormir, ilsavaient parlé pendant des heures. Quelque chose allait se passer, et bientôt.

La tempête arrivait.Comme pour ponctuer cette impression, le tonnerre gronda et des éclairs brillèrent au loin. À des

kilomètres encore d’eux, mais ils accéléraient dans leur direction. Nick aurait dû savoir que la finviendrait avec une véritable tempête pour ajouter à la pagaille, et non pas simplement une tempêtefigurative.

— Je n’arrive pas à avoir une lecture et je n’ai pas de vision qui dépasse ce que je t’ai dit, déclaraNick, frustré.

— Et cela ne nous aide pas beaucoup. Nous savons qu’il y a une grande guerre et que Kalen seralà. Il est l’impulsion de l’événement catastrophique.

— Ouais. Et nous ignorons de quel côté il se battra.Le téléphone portable sur le bureau de Nick sonna, et il le regarda avec surprise. Puis, la froideur

du pressentiment le saisit avant même qu’il voie le nom sur l’écran.— C’est A.J., dit-il à Jarrod. Quoi de neuf ? répondit-il à A.J.— Patron, c’est Kalen, dit le jeune homme à bout de souffle.

Nick se leva d’un bond et sortit de son bureau avant que l’homme ne reparle. Jarrod lui courutaprès.

— Ce foutu Unseelie est encore entré dans sa tête, et… et tu aurais dû le voir. Je pense qu’il estperdu, patron. Comme si le Kalen que nous connaissons avait disparu. Il se délecte à l’idée de tuertout le monde !

— Grant et moi arrivons tout de suite.— Dieu, ça va dévaster Mac si…L’homme ne put pas terminer.— Je sais. Mais je ne suis pas sûr que j’aurai le choix.Mais il savait. Dès qu’ils entrèrent dans le couloir et que Nick entendit le rire maniaque et le bruit

horrible d’un corps qui s’écrase contre les barres d’une cellule, encore et encore, il comprit ce qu’ilavait à faire.

Et cela l’anéantit autant que le serait la partenaire de Kalen.Il allait devoir abattre un pauvre mec qui n’avait jamais eu de chance.

Chapitre 15

Pourquoi lui accordait-on autant d’attention ?Kalen s’efforçait de remettre de l’ordre dans son esprit. Pour comprendre pourquoi il riait comme

un fou, se jetait contre les barreaux de sa prison. Cela avait foutu la trouille à A.J. Puis, le tireurd’élite avait parlé sur son téléphone portable. Nick, avait-il entendu.

Et assez tôt, Nick s’était retrouvé debout à l’extérieur de sa cellule, à regarder Kalen avec uneexpression de douleur que ce dernier n’avait jamais vue auparavant. Cela l’avait fait réfléchir.Pourquoi cet homme semblait-il si désolé ? C’est lui qui était seul ici, à souffrir pour quelque chosequi n’était pas sa faute.

Ou était-ce le cas ?— Je vais le faire, dit tristement A.J. en brandissant son fusil. C’est mon travail.— Non. Comme je l’ai dit avant, il fait partie de l’équipe. En tant que commandant, c’est ma

responsabilité, et ce sera sa fin.Sa fin. À qui ?Nick prit le fusil d’A.J., qui lui remit à contrecœur. Puis, le commandant fit face à Kalen de

nouveau, l’arme dans ses grandes mains.— Comment t’appelles-tu, jeune homme ? demanda-t-il d’une voix calme.— Est-ce une question piège ? demanda Kalen malicieusement. Tu peux m’appeler « prince des

Unseelies ».Oui, il aimait ça.— À qui obéis-tu ? persista le commandant.— À Malik. Mon père.Mais cela lui sembla faux. L’homme en face de lui était son patron. Une figure paternelle, aussi. Il

était bon et gentil. Mais depuis quand s’était-il laissé prendre par ces deux chimères qu’étaient labonté et gentillesse ?

— Putain de merde, dit Aric en arrivant à côté de Nick. Que se passe-t-il ? Kalen ?— Aric, dit tranquillement Nick. Tu ne veux pas voir ça.— Quoi ? dit le rouquin, qui resta bouche bée. Non ! Il devient fou, puis c’est fini ? Tu vas

l’achever comme un chien ? Je pensais que nous allions lui donner du temps !Aric. Un ami, qui plaidait pour que sa vie soit épargnée. Ce ruban de lumière devint un fil dans

l’océan noir. Il grandit, mais resta mince. Non ! Il n’avait pas d’amis. Il n’avait que son père. Et sonpère lui avait promis le pouvoir ; il ne serait plus jamais à la merci de quiconque.

— Je ne peux pas le sauver, Aric. Il s’est lui-même donné au Unseelie, et il ne peut s’en sortir. Il neveut pas de nous ni du bien que nous avons apporté à sa vie. Il veut du sang et de la mort.

Oui, voilà ce qu’il voulait… Non, ce n’était pas vrai ! Il aimait et respectait Nick, de même quetous ces hommes. Dieu, il avait mal à la tête.

Sa partenaire. Il avait besoin de Mackenzie.— Où est ma partenaire ? Où est Mackenzie ? demanda-t-il.Mon Dieu, il était si confus. Et maintenant, il avait peur parce que Nick avait appuyé le fusil contre

son épaule. Kalen regarda au bout du canon.Aric, horrifié, regarda son patron.— Nick, tu ne peux pas faire ça. Tu ne l’entends pas ? S’il demande encore à voir sa partenaire,

c’est qu’il est toujours là quelque part.De quelque part hors de la vision de Kalen, ils entendirent des pas qui arrivaient rapidement dans

le couloir.— Non ! hurla Mac.Elle courut jusqu’à Nick et s’accrocha à son bras.— Tu avais dit 48 heures ! Tu ne peux pas faire ça ! Mélina peut lui donner le sédatif !Et puis, cela arriva. Nick se retourna et saisit son bras, et Kalen vit rouge.Partenaire. Cet homme touchait sa partenaire. Il l’avait saisie et l’avait repoussée alors qu’elle

pleurait. Les pleurs lui allèrent droit à l’âme, et la lumière jaillit. Jumelée à l’obscurité, elle explosadans un ouragan de pouvoir dont il se servit pour briser les chaînes d’argent contraignant sespoignets.

Les jetant de côté, il saisit les barres et donna un puissant coup en utilisant tous les muscles de soncorps. La structure entière fut arrachée des murs en pierre, et il la jeta sur le côté tout comme Nicktombait en arrière et lui tirait dessus.

La balle l’atteignit à l’épaule, et il hurla de douleur. Sa partenaire cria de nouveau comme Kalentombait contre le mur en ruine, en mettant une main sur sa plaie. À ce moment, leurs regards secroisèrent, et il vit sa terreur, la sentit à travers leur lien… et la vérité le fit presque s’agenouiller.Elle avait peur pour lui. Et de lui. Il était entièrement responsable de sa douleur. Il devait s’en aller.

— Je suis désolé, dit-il d’une voix rauque.Le regret le fit presque tomber.Invoquant sa magie, il fit fi des fortifications endommagées de sa cellule et disparut. Il se

transporta loin dans la forêt de Shoshone et réapparut dans un endroit qu’il reconnut. C’était l’endroitoù Mackenzie et lui avaient fait l’amour, il y avait si longtemps, lui sembla-t-il. Il essaya de tirer duréconfort de leur endroit, mais il ressentit surtout une douleur débilitante. Il l’avait perdue.

Il s’était perdu, lui aussi.Il sentit son pouls dans sa blessure, et il chancela, affaibli par la perte de sang. Il avait peut-être un

moyen de guérir. Il se métamorphosa en panthère et s’effondra sous un arbre, haletant. Il écouta lesbruits de la nuit qui était tombée. Les grillons et les étranges cris d’oiseaux. Quelque part, il entenditle hurlement d’un loup solitaire qui était un résident permanent de la forêt, mais qui ne faisait paspartie de la meute.

Il aurait peut-être dû laisser Nick l’éliminer, mais la dernière parcelle d’humanité en lui insista surle fait qu’il n’aurait jamais fait de mal à personne de façon volontaire, surtout pas à Mackenzie. Il yavait encore du bien à l’intérieur de lui.

Ce qui serait presque impossible à prouver maintenant qu’il était un sorcier fugitif dont la ragebrûlait le cœur presque noir, et qui serait mis à mort.Mac resta debout, tremblante, à regarder l’endroit où se trouvait Kalen quelques secondes plus tôt. Ily avait du sang sur le mur où il s’était appuyé le dos, la balle lui ayant traversé l’épaule.

— Tu as tiré sur mon partenaire, siffla-t-elle en se retournant vers Nick.Le reste de la meute, avec Sariel, les entouraient maintenant, et donnaient des coups de pied dans

les décombres en essayant de comprendre la méchante scène devant eux.— Tu as tiré sur mon frère ? demanda la fée, incrédule et consternée.Un par un, tous les hommes de la meute se tournèrent vers le prince, puis quelqu’un siffla.

Apparemment, tout le monde ne connaissait pas ce détail.— Il était sur le point de tous nous tuer ! cria le commandant.— Il n’a pas vu rouge avant que tu me touches le bras, Nick ! Allons. Tu sais qu’il n’est pas

intelligent de toucher la partenaire d’un homme dérangé, et encore moins quand il est malade commel’est Kalen !

— Tu es certaine qu’il se bat pour se maîtriser ? Es-tu prête à le parier sur toutes nos vies ?— Oui !Nick respira plusieurs fois bruyamment, faisant visiblement un effort pour se calmer.— Nous allons le trouver, ou plus probablement, il va nous retrouver. Tu ne partiras pas à sa

recherche. Est-ce clair ?— Nick, ce n’est pas…— Est-ce foutrement clair, docteure ?— Oui, monsieur, dit-elle en bouillonnant.Elle tourna les talons en ignorant son père et tout le monde et marcha vers ses quartiers. Une fois

là, elle fit les cent pas en jurant jusqu’à ce qu’elle pense qu’elle était en train de devenir aussi folleque Kalen. Qu’était-elle censée faire, maintenant ? S’asseoir là comme une bonne petite partenaire enattendant que les grands méchants loups arrangent la situation ?

Eh bien, ils avaient probablement aggravé la situation. C’est ce qui arrive quand on laisse unhomme se charger de la situation : les choses empirent avant de s’améliorer.

— Est-ce foutrement clair ? se moqua-t-elle. Eh bien, oui, et c’est idiot. Alors, je m’en fous.

Dans sa chambre, elle enleva ses chaussures de travail ; elles avaient des semelles molles quin’étaient pas adaptées à une promenade dans les bois. Puis, elle retira son pantalon et son chemisiernoirs, qui ne convenaient pas à la randonnée non plus.

Dans son placard, elle alla chercher un jeans foncé et un t-shirt, ainsi que ses meilleures bottes derandonnée aux semelles épaisses adaptées au trekking, et les déposa sur le lit. En cinq minutes, elleétait habillée, avait récupéré la lampe de poche qu’elle gardait dans sa table de chevet en cas depannes de courant, et s’était glissée dans le couloir.

Elle eut de la chance, comme elle se précipitait vers le bout du corridor et par la salle de jeux.C’était la façon la plus facile de sortir sans être vu par les personnes de l’intérieur, qui étaient àl’autre bout du camp. Mais quand elle fut à l’extérieur, à regarder le chemin menant dans les bois,elle frissonna. Se balader dans l’impitoyable forêt de Shoshone au milieu de la nuit n’était pas la plussage des décisions. Le camp n’avait pas été construit au milieu d’une colonie de vacances.

Mais la colère et le désespoir étaient de bons facteurs de motivation. Et ils n’étaient rien encomparaison du meilleur facteur de motivation : son amour pour un homme qui vivait une telleagitation. Le père de son enfant. Elle ferait à peu près tout pour le ramener chez lui.

— Toi et moi partons à l’aventure, dit-elle en frottant son ventre plat. Nous allons trouver ton papa,et nous avons son pendentif pour nous protéger. Tout ira bien.

À ce moment, elle se rappela que Kalen avait dit que le pendentif ne protégeait pas contre lastupidité et elle repoussa cette idée. Ces pensées l’empêcheraient de partir.

Elle ouvrit son cœur et son esprit à son lien d’accouplement, alluma la lampe de poche et suivitson instinct. Elle envoya de l’amour à travers le fil d’or, comme si c’était une ligne téléphonique etqu’elle avait beaucoup à dire. Quand elle sentit l’amour en retour, elle haleta et suivit la direction dufil.

Elle essaya de se concentrer sur sa marche. Pas sur les bruissements dans le feuillage dense desanimaux nocturnes qui mangeaient. Pas sur l’appel d’un loup qui était naturel, pas un métamorphe.Elle se rappela qu’il n’y avait jamais eu de cas documenté d’attaque de loups contre des humains, carles loups les évitaient.

On ne pouvait pas en dire autant des grizzlis. Mais sûrement, ils dormaient.Quand sa lampe de poche éclaira une grande silhouette sombre devant elle, elle n’eut pas peur. Son

cœur s’accéléra de bonheur.— Kalen ! Je suis tellement contente de t’avoir trouvé !Mais comme elle se rapprochait, elle vit que le sourire dans son faisceau de lumière n’était pas

celui de son partenaire. C’était Malik, qui avait pris sa véritable forme énorme et effrayante, et quilui souriait. Ses ailes de cuir semblaient bloquer les étoiles et ses crocs brillaient méchamment.

— Je suis content que tu m’aies trouvé, ma belle. Bien que je ne sois pas mon fils.— Il n’est pas plus ton enfant que je le suis, lui dit-elle, la colère lui donnant du courage.

Le Unseelie rit.— Il est ma chair et mon sang, ma chère. Et pourtant, tu veux toujours de lui en tant que partenaire.

Si tel est le cas, alors nous ne pouvons pas être complètement mauvais.— Ne te mets pas dans la même catégorie que Kalen. Vous n’êtes pas comparables.— Tiens, tiens, comme tu es une créature bagarreuse, dit-il avec amusement. Je croyais que tu t’en

laissais imposer, mais il est agréable de voir que tu as du chien. Ce sera encore plus plaisant de tebriser.

À l’intérieur, elle tremblait, mais elle fit preuve d’une fausse bravade.— Je porte le pendentif. Il me protégera de tout mal, et tu ne peux rien faire à ce sujet.— Peut-être pas. Mais il ne protège que l’utilisateur, et personne d’autre.Elle fronça les sourcils.— Et il me gardera du mal.— Mais pas ton partenaire.— Il est assez fort pour te battre.— Supposons un instant qu’il se détourne de moi. Tout ne sera pas perdu pour autant que je puisse

voir, parce que j’ai encore un descendant qui prendra sa place.Il fit une pause, lui laissant comprendre.Elle recula, et la terreur remplaça maintenant sa confiance.— Je ne vais pas te laisser approcher de notre bébé ! Je te tuerai avant !— Toi et quelle armée ? Et le pendentif ne peut pas protéger trois personnes à la fois.Il regarda autour ostensiblement.— Mais voyons, il n’est pas nécessaire de faire une pareille scène. Nous allons tous être une

famille… toi, mon fils, mon petit-fils, et moi.Elle eut un rire hystérique.— Oui, la famille Addams.— Qui ?— Oublie ça. Je n’irai nulle part avec toi, alors tu peux te téléporter dans ta grotte. Et, oh oui,

attends de te faire botter le derrière par la meute alpha. Elle va te trouver.— Alors, tu vas marcher dans la forêt toute la nuit, à la recherche de ton amant capricieux ?— Bien sûr. Et si tu veux gentiment t’écarter, je vais passer à autre chose.Elle carburait à l’adrénaline pure. Sans doute, quand elle se souviendrait de ce moment dans le

futur, alors qu’elle avait eu les yeux fixés sur la créature la plus dangereuse des trois royaumes, elleserait étonnée de constater qu’elle ne s’était pas évanouie.

— Pas besoin de faire cette folie alors que tu pourrais simplement m’accompagner.Elle déglutit difficilement.— Tu sais où il est ?

— Bien sûr. Après le fiasco à l’antre de tes loups, il est venu vers moi. Blessé, pourrais-je ajouter,et je ne suis pas heureux à ce sujet.

— Moi non plus, alors il y a une chose sur laquelle nous sommes d’accord.Elle étudia le Unseelie.— Comment puis-je savoir que c’est vrai qu’il est là et que tu n’essaies pas de me tromper ?— Le pendentif le sait, dit-il en pointant le disque d’argent. Je ne serais pas en mesure de te

toucher si mon intention était autre que celle que j’ai énoncée. Je vais t’emmener voir ton partenaire.Après une brève hésitation, elle hocha la tête. Elle devait arriver jusqu’à Kalen. C’était tout ce qui

comptait.— D’accord.Il posa une main sur son épaule. En un instant, l’atmosphère se transforma et la forêt disparut. Le

sol céda sous ses pieds. Elle ne put pas crier. Mais le voyage ne dura que quelques secondes, et ils seretrouvèrent tous deux debout dans le salon d’un chalet rustique.

— C’est ta cachette ? demanda-t-elle, en tentant de réprimer sa nausée.— Mon nid, pour le moment. En fait, il s’agit d’une illusion, mais elle est bien, ne crois-tu pas ?— Où est Kalen ?— Mackenzie, que fais-tu ici ?En entendant la voix de Kalen, elle regarda derrière le Unseelie et le vit, affichant un visage froid.

Elle ne pouvait pas le perdre au profit de Malik. Pas après tout ce qu’ils avaient vécu.— Je suis venu pour te trouver… et te ramener à la maison.— À la maison ? ricana-t-il. Devant mon patron bien-aimé qui veut me tuer ? Devant mes frères qui

le laisseront faire ?— Personne ne te veut mort ! Mais Nick pense que tu es irrécupérable et il ignore ce qu’il faut

faire !— J’ai du mal à te croire, quand je regarde la blessure par balle qui guérit dans mon épaule.— Pense ce que tu veux, mais la meute t’aime. Et je t’aime plus que tout.Elle était là. Une étincelle d’humanité qui réchauffa son regard et l’emplit de nostalgie. Pendant

quelques secondes, il la dévora avidement de ses yeux verts. Mais alors il regarda Malik, quil’observait avidement, et le mur tomba à nouveau.

— L’amour n’a pas de place dans ma vie, maintenant, dit-il froidement. Le plus tôt tu l’accepteras,mieux ce sera.

— Que… que veux-tu dire ? bégaya-t-elle.Ces paroles lui firent peur, car elle ignorait s’il jouait la comédie devant Malik, ou s’il était

vraiment passé du côté sombre.— Je pensais que je t’aimais, mais je ne savais pas ce qu’était l’amour. Je ne peux pas donner

quelque chose que je n’ai jamais eu.

— C’est faux, dit-elle en retenant un sanglot. Tu as mon amour. Tu l’as senti. Et notre bébé vaadorer son père.

Une autre étincelle. Son Kalen était là, elle en était sûre.— Notre enfant suivra mes traces. En attendant, tu vas vivre ici avec moi. Quand Nick et sa meute

seront vaincus, nous allons passer dans le royaume Unseelie, où nous habiterons.Cela n’était pas près d’arriver. Mais un coup d’œil à l’expression sinistre de Malik lui dit qu’il

attendait sa réponse. Et elle devait gagner du temps jusqu’à ce qu’elle sache à quel jeu Kalen jouait.— Tant que je suis avec toi, je me fiche d’où nous vivrons. Je vais t’obéir et à personne d’autre

qu’à toi.Kalen hocha la tête. Malik parut très heureux.— Assure-toi que la femme reste ici. Je vais rassembler mes sluaghs et je t’appellerai pour que tu

te joignes à l’attaque. Oh, et abaisse les boucliers sur le camp maintenant.— Oui, père.Fermant les yeux, il psalmodia doucement. Les mots coulaient, plus vite et plus fort, jusqu’à ce que,

enfin, il s’arrête et rouvre les yeux.— C’est fait.Le cœur de Mac fut envahi par la crainte.— Tu n’as pas fait ça !— J’y vais, déclara Malik. Sois prêt.Il disparut, et Kalen tira sur le bras de Mac, la pressant vers l’escalier. Elle ouvrit la bouche, mais

il la fit taire d’un doigt sur ses lèvres.— Nous avons peu de temps.— Pourquoi ? Tu me fais peur.— Chut.Il la conduisit vers une grande chambre où se trouvait un lit opulent prenant qu’un peu d’espace.

Puis, il ferma la porte, se retourna et la prit dans ses bras. Il l’embrassa avec toute la passionrefoulée qu’ils n’avaient pas été en mesure d’exprimer pendant un jour ou deux. Quand il recula, sonvisage était si rempli de cet amour qu’elle en eut le souffle coupé.

— Je t’aime, bébé. Ne l’oublie jamais, jamais. Quoi que tu voies ou que tu entendes avant l’aube,n’oublie pas que je t’aime tellement.

— Que se passe-t-il ? Je t’ai vu perdre l’esprit dans cette cellule et…— J’ai effectivement perdu l’esprit, dit-il d’une voix endolorie par le regret. Dans cette cellule, le

mal me consumait, et j’avais des envies de meurtre. Mais quand Nick t’a touchée… Ouais, je suisdevenu fou. Tu es ma partenaire, et de voir sa main sur toi m’a rappelé que je ferais n’importe quoipour toi. Pour toi, et pas pour ce fils de pute.

— Oh, Kalen.

— Je lutte encore contre mes envies, et Dieu sait que c’est la chose la plus difficile que j’ai jamaisfaite. Mais tu les fais disparaître. Le seul moment où je peux vraiment gérer la situation, que je sensque je peux gagner, c’est quand tu es dans mes bras. Quand il t’a amenée ici, je devais lui faire croireque j’étais complètement de son côté. Je t’aime. Je suis désolé, bébé.

Elle le prit dans ses bras, et ils restèrent ainsi dans les bras l’un de l’autre, à respirer l’odeur del’autre. Ils s’accrochèrent à ce moment, car il pouvait bien être tout ce qu’ils auraient.

— Il va attaquer. Qu’allons-nous faire ?Il lui caressa tendrement le visage.— Nous ne ferons rien. Je vais te renvoyer dans le camp, parce que c’est l’endroit le plus sûr.

Ensuite, je me joindrai à la lutte contre ce putain de bâtard Unseelie qui n’est pas mon père dansaucun sens du mot.

— Mais tu viens d’abaisser les boucliers là ! Je ne comprends pas.— Je ne les ai pas abaissés, chérie. Je les ai renforcés.Elle s’effondra contre lui.— Oh, Dieu merci. Je pensais que…— Je sais.Il lui embrassa le haut de la tête.— Et je suis désolé si tout ce que j’ai fait ce soir t’a effrayée. Ce sera bientôt fini. Je te le promets.— Je vais te tuer pour ça plus tard. Nous devons y aller avant qu’il ne décide de revenir.— Il ne reviendra pas. Malik est trop concentré sur sa mission. Et nous avons du temps.Il l’attira légèrement vers l’arrière, vers le grand lit.— Laisse-moi te faire l’amour, bébé.— Ici ? Dans sa maison ?— Ce n’est pas sa maison. C’est une illusion. Mais ce n’est pas notre cas ni ce que nous

ressentons.— Je sais, mais…— T’aimer l’empêche d’entrer dans ma tête et mon âme. Aide-moi à chasser les ténèbres pour de

bon. Je dois te montrer combien je t’aime avant… avant d’aller me battre.Cela ressemblait beaucoup trop à des adieux. Elle ne voulait pas accepter cela, mais elle ne

voulait pas non plus perdre de précieux moments avec lui. Et si cela pouvait l’aider, elle ne serefuserait pas. Il la déshabilla avec soin, de la manière habituelle, car il l’adorait, puis il sedéshabilla lui-même avec sa magie. Il la poussa sur le lit et la suivit.

Il la couvrit et la pénétra. Il lui fit l’amour lentement et tendrement, la berçant près de lui.— N’oublie jamais ce que nous faisons. Ne m’oublie jamais, ni combien je t’aime et j’aime notre

enfant. À quel point je vous veux tous les deux, lui murmura-t-il à l’oreille.— Je n’oublierai pas, lui dit-elle.

Elle pleura doucement. Ce fut une belle communion, malgré l’incertitude qui les attendait.Ils atteignirent ensemble l’orgasme en criant, puis redescendirent en se laissant flotter. Il resta en

elle aussi longtemps qu’il le put, puis se retira. Debout près du lit, il se revêtit de nouveau, puis elle,d’un simple geste de la main.

— J’aurais aimé t’emmener très loin d’ici. Me sauver avec toi de cette bataille.— Mais tu n’es pas du genre à éviter les batailles.Il lui fit un sourire déchirant en lui prenant la main.— Non. Et tu ne m’aimerais pas, si je mangeais de ce pain-là. Attends. Je vais te ramener, dit

Kalen.Avant qu’elle ne puisse protester, la chambre disparut. La sensation de voler qu’elle avait déjà

ressentie la fit frissonner de la tête aux pieds, mais elle n’eut pas la même nausée que la premièrefois. En quelques instants, ses pieds touchèrent le sol, et elle se retrouva debout avec Kalen devant lachambre de Sariel. Kalen frappa, et il fallut plusieurs secondes avant que la porte s’ouvre et que sonfrère se tienne bouche bée devant eux.

— Grands dieux !Le prince les fit entrer et regarda de droite à gauche dans le couloir avant de fermer la porte et de

la verrouiller. Il alla devant Kalen, l’air inquiet.— Tu es fou ou quoi ? Si Nick te trouve ici, l’enfer va se déchaîner. Encore une fois.— Il ne me trouvera pas. Je ne resterai pas longtemps. Je ramène Mackenzie ici, puis je me joins à

la lutte. Du côté de la meute.— Ce n’est pas l’avis de Nick.Sariel regarda son frère.— Il y croira quand il sera confronté à la preuve. Je ne peux pas faire plus que cela pour le

convaincre.— Tu n’as pas à faire ça.— Oui, je le dois. Je l’ai dit à ma partenaire et je vais te le répéter : je ne me sauve pas d’une

bataille.— Tu sembles te maîtriser. Rien à voir avec ce que j’ai vu plus tôt.— C’est beaucoup plus difficile qu’il n’y paraît, avoua Kalen, d’un air sombre. Mackenzie est mon

centre, et c’est pire lorsque des personnes ou des circonstances interfèrent avec notre harmonie.— Elle ne sera pas avec toi dans ce combat. Comment pourra-t-elle être ton centre ?— Je vais devoir penser à elle et au bébé. Et à ma vraie famille… à toi et à mes frères de la meute.

Je ne peux faire que de mon mieux.— Je vais me joindre à toi. Je ne peux pas rester là à te laisser combattre à ma place.Il leva la main pour empêcher Kalen de protester.— Je suis aussi le fils de Malik, et ce conflit a commencé à cause de moi, poursuivit le prince.

— Non. Il a commencé parce que Malik a voulu créer des super métamorphes. L’équipe était déjàaprès lui. Mais, pendant une longue période, la meute ignorait à qui elle avait à faire, et ton lien aveclui et le fait qu’il veuille te tuer ne sont que de pures coïncidences. Tu es maintenant sous leurprotection, et les membres de la meute ne t’en voudront pas une minute pour ça.

— C’est vrai, ajouta Mac. Tout le monde t’adore.Le visage de Sariel se colora un peu.— Eh bien, j’ai une excellente opinion de tout le monde ici, et je n’aimerais pas devoir partir.L’expression de Kalen se durcit.— Tu n’auras pas à le faire. Nous allons donner à ce connard un avant-goût de ce que sont

vraiment les super métamorphes… et il ne sera pas capable de voir la réalité en face.— Je pense que je vais aimer t’avoir pour frère, lui dit Sariel en lui souriant.— Moi aussi.Kalen regarda Mac.— Donne-nous une minute, d’accord, bébé ?Elle hocha la tête, et les deux hommes se retirèrent plus loin en murmurant. Sariel semblait

bouleversé, mais finit par admettre ce que lui disait Kalen. Apparemment satisfait, Kalen fit unebrève accolade au prince, puis le laissa aller. Kalen retourna vers Mac et lui fit aussi une accolade,mais termina la sienne par un autre baiser brûlant.

— Quand ce sera fini, nous prendrons des vacances aux îles Fidji. Alors, va faire tes valisesmaintenant.

Elle lui fit un sourire larmoyant.— Ça me semble bien.— Je t’aime, bébé.— Je t’aime encore plus, dit-elle d’une voix étranglée.Avant qu’elle ne puisse ajouter quoi que ce soit, il disparut. Elle regarda l’endroit où il avait été.— Qu’est-ce qu’il t’a dit ? demanda Mac.Sariel soupira lourdement.— Dis-moi.— Il m’a demandé de prendre soin de toi et du bébé s’il ne revenait pas à la maison. Mais il

reviendra, dit farouchement le prince. Nous devons y croire.Elle essayait. Elle essayait vraiment, vraiment de garder la foi.Mais cela devenait de plus en plus difficile à chaque seconde qui passait.

Nick était assis sur le bord de la table de conférence, à boire autant de café que possible pour resteralerte, comme beaucoup de membres de sa meute.

Ils étaient tous tendus. Dans l’attente. Jax et Zan inspectaient le périmètre, en utilisant le couvert del’obscurité pour localiser Malik et ses sluaghs. Un éclair déchira le ciel en dehors de la fenêtre et le

tonnerre gronda encore ; les coups de tonnerre étaient de plus en plus rapprochés. Plus forts. Latempête se rapprochait en se déplaçant rapidement.

Et, venue de nulle part, la vision le tint de son emprise glacée.Nick était à genoux au milieu d’un champ, en proie à la douleur comme la pluie froide le piquait

comme des aiguilles. La foudre fendit le ciel, prit un chemin en dents de scie jusqu’à la terretrempée, la brûlant en dépit de la pluie.

Tout autour de lui, son équipe luttait contre les sluaghs. Ses hommes braves se taillaient unchemin à travers les sbires Unseelies de Malik, qui ressemblaient à des chauves-souris, mais ilsperdaient du terrain à chaque seconde. Il y avait des centaines de ces terribles bêtes, quiessaimaient en poussant des cris perçants. Beaucoup trop pour que des loups féroces ou deshommes ayant des dons magiques puissent les défaire.

Ils allaient tous mourir.Sur la cime de la montagne se tenait le sorcier avec son bâton, qui le maintenait bien haut. Il

criait à l’ennemi Unseelie et demandait au ciel de l’aide qui ne viendrait pas.Et puis, un éclair déchira les nuages noirs en ébullition, transformant la nuit en jour juste avant

de frapper le bout du bâton du sorcier. Une immense détonation secoua la terre et le mondes’évanouit.

S’évanouit encore et encore. Amenant Nick et ses hommes dans l’abîme.— Nick !Était-ce Ryon ?— Nick !Il cligna des yeux et vit Ryon accroupi au-dessus de lui, lui tapant la joue.— Merde, dit Nick.— Qu’est-ce que tu as vu, patron ?Il prit la main offerte par Ryon pour se relever et rencontra chacun de leurs regards inquiets. Il

n’avait jamais parlé à ses hommes de sa vision. Mais il était peut-être temps qu’il le fasse. Ilsdevaient savoir à quoi ils faisaient face. Leurs chances désastreuses.

Alors, il leur raconta dans le détail. Et quand il eut fini, le malaise dans la salle fut palpable.Jamais il n’avait vu un tel doute et une telle peur sur leurs visages, et il le regretta presque.

— Alors, Kalen va nous sauver ? demanda Ryon.— Ou nous détruire tous. J’ignore de quel côté il se battra, alors si quelqu’un parmi vous veut se

retirer, c’est maintenant le temps de parler. Alors ?Personne ne bougea. Ni ne parla.Jax et Zan rentrèrent dans la pièce en catimini, suivis de Sariel.— Qu’avez-vous trouvé ? demanda Nick à Jax.— Il y a une énorme armée de sluaghs rassemblée à quelques kilomètres à l’ouest d’ici, dans une

clairière de la forêt. Il y en a beaucoup trop, même quand les soldats de Grant arriveront ici pour sejoindre à nous.

Nick et Jarrod échangèrent un regard ; puis Nick répéta sa question.— Nous connaissons peut-être nos dernières heures. Vous en êtes, ou non ?— Comment peux-tu encore nous poser cette question ? Nous y allons, bon sang, s’insurgea Jax.Le reste lui firent écho, et les membres de la meute prirent quelques instants pour se reconcentrer.

Pour réfléchir à la tâche monumentale devant eux. Puis, ils allèrent faire face à leur destin comme leshommes d’honneur qu’ils étaient. Nick partit le dernier, mais pas avant d’avoir regardé une dernièrefois leur salle de conférences.

Et il se demanda, comme tous les autres l’avaient fait, s’ils reviendraient à la maison en un seulmorceau.

Chapitre 16

—V iens à moi, mon fils. Il est temps que nous achevions le commandant et ses hommes.

— Les boucliers sont baissés, mentit-il. Viens les chercher.— Viens ici, mon garçon. Nous nous battrons ensemble.Kalen ignora la convocation et attendit. Dans l’obscurité, hors du camp, il savait que Malik et ses

monstres commenceraient leur marche et que Malik jubilerait quand il verrait à quel point la meuteserait dépassée en nombre, même avec l’appui des troupes de militaires spéciales.

Mais il aurait bientôt une très grande surprise.La meute était sortie du bâtiment, tendue et prête au combat, même si ses membres devaient être

épuisés. Ils s’étaient déjà occupés du dernier centre de recherche, et maintenant ils devaient se battrepour leur vie. Ils avaient été debout presque toute la nuit, anticipant ce moment, et pourtant, ils étaienttoujours prêts. Prêts pour la bagarre.

Kalen fut si fier d’eux, de faire partie de ce groupe, même depuis un court laps de temps, que cettepensée l’accabla presque. Si c’était la dernière chose qu’il faisait, il leur prouverait qu’il avait étédigne d’eux depuis le début. Il pouvait résister à l’attrait du mal en raison de ses frères. En raison deMac et de leur enfant. Il devait seulement tenir un peu plus longtemps.

Kalen devint invisible en leur présence, même si certains d’entre eux sentirent quelque chose debizarre. Il monta juste à côté d’Aric dans le VUS qui alla au point de rencontre avec les hommes deGrant, et le rouquin ne s’en rendit pas compte. Cela fit sourire Kalen. Aric détesterait le fait de nepas l’avoir su.

Bientôt, les véhicules s’approchèrent d’une clairière. La forêt entourait l’espace ouvert, et derrièrese trouvait ce qui semblait être un affleurement rocheux qui formait un pic. Il n’était pas suffisammentélevé pour qu’on puisse parler d’une montagne, par rapport à d’autres au loin, mais il s’agissait debeaucoup plus qu’une colline. Kalen pensa que cela ferait un bon point de vue pour ce qu’il avaitprévu.

Nick et Grant réunirent les soldats. Leurs instructions étaient simples. Grant prit la parole.— Rappelez-vous, vous devez viser le cœur ou la tête. Ce sont les deux seuls endroits pour tuer

ces salauds, et si vous ratez votre cible, vous êtes morts. Ce que vous verrez ici ce soir, vous nel’avez jamais vu. Vous n’êtes même jamais venu ici. C’est compris ?

— Oui, monsieur ! crièrent-ils.— Excellent. Maintenant, nous allons battre ces enfoirés et rentrer à la maison !Davantage d’éclairs et de coups de tonnerre suivirent ses ordres et marquèrent le début de la fin.

La pluie était à l’horizon et l’odeur de la terre fraîche embaumait l’air, quand une horde de sluaghsaux cris perçants déboulèrent des arbres, provenant de toutes les directions. Certains hommes firentle signe de la croix rapidement — ensuite, ils coururent courageusement vers l’ennemi.

Sortant de sa cape d’invisibilité, Kalen prit sa forme de panthère et courut avec eux dans la mêlée.L’attaque avait été lancée beaucoup plus vite qu’il ne l’avait prévu.

Il ne voyait pas Malik. Comme les forces opposées s’affrontaient, les hommes et les sluaghshurlants, il abattit sa première créature et essaya de repérer le Unseelie. Ce serait tellement son genrede rester en arrière pour éviter le vrai combat.

— Que fais-tu, mon garçon ? Par ici !Où ? Son inattention faillit le faire décapiter. Il continua de se battre, déchirant une créature après

l’autre. La foudre et le tonnerre éclatèrent de nouveau, puis la pluie commença. Fraîche, elle piquaitcomme des aiguilles en dépit de la nuit chaude. Il pouvait à peine voir, mais il continua de se battre.Et de rechercher celui qu’il fallait détruire.

Dans les éclairs de lumière, il put voir la vérité. Son équipe perdait. Ils allaient tous mourir s’il nefaisait pas quelque chose. Ils étaient envahis ; trois sluaghs remplaçaient chacun de leurs morts.C’était sans espoir. La victoire dépendait de lui.

Ou une terrible défaite.Mac ne pouvait plus le supporter. Elle devait savoir ce qui se passait. Le site des combats étaitproche, elle le savait. Juste à quelques kilomètres, et il y avait seulement un bon endroit près du camppour une bataille.

Elle emprunta l’un des VUS du hangar et partit à toute vitesse. Il ne lui fallut pas longtemps avantde trouver les autres véhicules. Mais elle ne s’attendait pas à trouver une féroce bataille sanglante siprès de l’endroit où ils s’étaient garés.

Il y en avait des centaines. La vue et le bruit du conflit furent terribles, et ne ressemblaient à rien dece qu’elle avait déjà vu. Un sluagh remarqua son véhicule, et elle se baissa, le cœur dans la gorge.Elle attendit, et comme il ne s’était pas approché du véhicule, elle regarda par la vitre. La lutte faisaitrage, mais le sluagh n’était pas conscient de sa présence, alors elle attendit.

« Je vous en prie, protégez-le. Protégez-les tous », pensa-t-elle.Elle envoya de l’amour à travers son lien avec Kalen. Et pria.

Kalen repéra Malik au-delà de la mêlée, sur la crête surplombant la bataille, en toute sécurité, car ilétait hors de portée. Sans réfléchir, il se transporta du milieu de la bataille devant le Unseelie.

— Que pensais-tu accomplir là-bas ? gronda Malik. Tu étais censé abaisser les boucliers et tu lesas laissés en place !

Il s’approcha de Kalen et lui donna une claque au visage avec le revers de la main.— Va te faire foutre ! dit Kalen.La chaleur remplit sa bouche, et il cracha du sang sur le bord de la falaise.

— Tu m’appartiens et tu vas m’obéir ! Tu vas combattre avec moi. Est-ce clair ?— Non, ce n’est pas clair, connard, cria-t-il pour être entendu au-dessus de la tempête qui se

levait.L’agonie transperça son cerveau, et Kalen se prit la tête dans les mains et eut du mal à tenir debout.

Une autre vague frappa, et une autre. Sans cesse. Il hurla de douleur et de colère, chancelant.À travers la brume, Kalen essuya le sang qui lui coulait du nez, regardant Malik avec toute la haine

qui coulait dans son corps.— Il n’y a pas longtemps, tu me disais que tu avais l’intention de créer une race de super soldats

métamorphes. Qu’ils nous aideraient à instaurer une nouvelle ère où les humains seraientessentiellement du bétail et où régneraient les créatures surnaturelles. Des créatures comme nous.

— Oui ! Ne vois-tu pas que c’est notre destin ? Que tu n’as rien à gagner à y résister ?— Il y a eu autrefois un homme qui croyait qu’il pouvait conquérir le monde en anéantissant tous

ceux qui ne correspondaient pas à ses normes, ricana Kalen. Dans son esprit tordu, il croyait qu’ilcréerait une race pure, et il a tué des millions de personnes, alors que des millions de plus ont cru àses vaines paroles. Il s’appelait Hitler, et son histoire ne s’est pas très bien terminée. Et la tienne nese terminera pas bien non plus, d’ailleurs.

— Tu es mon fils, et nous régnerons ensemble ! Sariel et ces sales loups doivent mourir ! Pendentifou pas, je trouverai un moyen d’abattre ta femme aussi, comme la salope qu’elle est, et de prendre cetenfant pour moi avant de te permettre de me défier ! Tu m’appartiens !

Cette menace fit bondir l’obscurité en Kalen, et il l’accueillit… mais cette fois pour éliminer soncréateur.

Ses frères perdaient la lutte. Il rassembla son pouvoir et le concentra sur la menace proférée contresa partenaire et sa famille. Que les dieux lui donnent la force.

— Non ! répondit-il en criant, invoquant son bâton de sorcier. Je te verrai en enfer avant, fils depute !

— Je suis ton père. Tu ne me tueras pas.Il eut un air si foutrement arrogant.— Oh, oui, je le ferai. Tu m’as appris à être sans pitié, après tout.

Nick, ensanglanté et presque brisé, s’accroupit dans la boue sous l’averse et regarda sa vision seconcrétiser. Haut sur le sommet de la colline, le sorcier était debout avec son bâton levé. Et cria sacolère vers les cieux en ébullition.

— Que Dieu nous vienne en aide ! murmura-t-il.Mais seul le sorcier pouvait les sauver. Ce qui était loin d’être une chose sûre.Lorsque la foudre frappa le bâton du sorcier, Nick vit quelque chose qu’il ne serait pas prêt

d’oublier — s’il devait survivre pour se le rappeler. Kalen exploita la fureur de la tempête, la prit enlui-même et la relâcha dans une explosion qui illumina le ciel comme s’il s’agissait d’une journée

claire d’été.Tous les corps autour de lui furent déchiquetés. Nick essaya de se tenir debout, mais tomba.Tomba, pensant qu’il ne saurait jamais comment l’histoire se terminerait.Et puis, il n’y eut plus rien.

Mac entendit un puissant cri de rage et regarda par la vitre à nouveau. Kalen se tenait sur le sommet,devant Malik. La foudre frappa son bâton, et il canalisa la tempête dans cet outil.

Les combattants furent tétanisés de stupéfaction…Et puis, le monde fut emporté.

Se servant de son corps comme d’un conduit pour la tempête, Kalen souleva son bâton et cria sacolère.

— Aidez-moi ! Aidez-moi, bordel !Mais il était seul. Avec les éléments. Il accueillit la foudre, et elle ne le déçut pas. Elle arriva en

fendant le ciel comme il l’avait convoquée et frappa l’extrémité de son bâton avec une telle forcequ’il fut presque expulsé de son perchoir.

Mais il tint bon et continua d’exploiter la lumière blanche. Parce qu’il avait entendu quelque partque seule la lumière pouvait chasser l’obscurité. De Sariel ? Ou de quelqu’un d’autre ?

Il l’utilisait en ce moment, sa seule arme contre Malik et les masses de sluaghs plus bas. LeUnseelie fut le premier à se rendre compte que sa fin était proche et il plongea vers Kalen. Il n’yarriva pas à temps.

La foudre passa du corps de Kalen à celui de Malik et l’illumina pour que le sorcier puisse y voirtous les os et les organes. Et puis, le Unseelie poussa un hurlement, long et fort… un bruit terrible quiprit fin quand il explosa en un million de minuscules particules qui furent emportées dans l’averse.

Une fin digne du règne terrible de ce bâtard.Il n’eut pas le temps de célébrer cette victoire. Les sluaghs furent les suivants. Le sorcier canalisa

la tempête sur ses affreux sbires et mit le feu à leurs entrailles. Il brûlait, lui aussi : son ventre, sespoumons, son cœur. Il pouvait littéralement les sentir commencer à bouillir ; la fureur sauvage etbrutale de la foudre commençait à l’user, lui aussi. Mais il continua, longtemps après que tout êtrehumain normal aurait pu résister. Parce qu’il n’était pas humain.

Il était une fée. Un sorcier. Un frère. Un partenaire.Un père.Pour la première fois de sa vie, il embrassa ce qu’il était devenu. Pour tous ses proches, il pouvait

le faire. Ils étaient inestimables. Il allait mourir, et ce serait bien. Les sluaghs s’immobilisèrent,confus, comprenant peut-être à peine qu’ils venaient de perdre leur chef quand, eux aussi, ilscommencèrent à grésiller comme du bacon. Et ils explosèrent, par centaines, avec une telle force queses frères et les autres soldats furent projetés au sol. Abasourdis, nombre d’entre eux blessés, maisvivants.

Tout était terminé.Kalen Black avait enfin fait quelque chose de vraiment bien. Il avait combattu le mal et avait

remporté, il avait rompu son lien obscur avec Malik. Il avait protégé ses frères, et c’était tout ce qu’ilavait voulu. Sa partenaire et le bébé étaient en sécurité. Maintenant, il pouvait se laisser aller.

Son cœur palpita dans sa poitrine, l’agonie le déchirant. Il ne pouvait plus respirer. Ses genoux sedérobèrent sous lui, et il s’effondra, tombant à travers l’espace, alors que l’obscurité l’enveloppait.Mac se redressa, les oreilles bourdonnantes, en essayant de reprendre ses esprits. Qu’était-il arrivé ?L’explosion !

Elle regarda par la vitre du VUS et vit les gars de la meute et les soldats qui avaient du mal às’asseoir. Malik et les sluaghs étaient morts. Elle commença à sourire.

Puis, elle vit les genoux de Kalen plier. Il laissa tomber son bâton de sorcier et s’effondra, songrand manteau de cuir flottant autour de lui comme il dégringolait du sommet.

Ouvrant la porte avec fracas, elle tomba presque par terre et courut.— Kalen !Dérapant dans la boue, elle continua de crier son nom encore et encore. Elle arriva sur un bout

glissant, perdit pied et tomba à la renverse. Avant qu’elle ne puisse se relever, Nick et Sariel étaientlà et l’aidèrent à se redresser. Elle essaya de se dégager, mais ils la retinrent.

— Attends ! ordonna Sariel. Je dois vérifier si tu n’as rien de cassé.— Non ! Kalen a besoin de moi !— Le bébé a besoin de toi aussi. Ne bouge pas.Elle finit par coopérer assez longtemps pour que Sariel détermine qu’elle et le bébé allaient bien.— D’accord, aidez-moi à le trouver ! Je l’ai vu tomber quelque part par là.— Nous allons le chercher ensemble, déclara Nick.Il échangea un regard sombre avec le prince.Le pouls de Mac s’affola, et ses poumons se serrèrent. Elle devait le retrouver. Ils se frayèrent un

chemin à travers le champ jonché de débris, les deux hommes la tenant de chaque côté. D’autreshommes s’étaient relevés maintenant, ignorant leurs propres blessures pour les aider dans leurrecherche. Appelant Kalen.

Elle le repéra et poussa un cri, se dégagea de leur emprise et courut. Son partenaire était couchésur le dos, immobile. L’orage s’était transformé en douce pluie, et de la vapeur montait de son grandmanteau de cuir brûlé et déchiré, de ses membres et de ses cheveux noirs. Il avait les yeux fermés, levisage immobile et pâle.

Terrifiée, elle tomba à genoux à côté de lui et chercha son pouls. Le rythme était irrégulier, fuyant.Il devenait plus faible de seconde en seconde.

— Kalen ? C’est moi. Je t’en prie, tiens bon, lui demanda-t-elle. C’est fini, et nous sommes tousici. Nous allons te ramener au camp, et tout ira bien.

Mais sous sa paume, son rythme cardiaque ralentit. Et s’arrêta.Son monde éclata.— Non ! Kalen !En sanglotant, elle commença le RCR pendant que Nick penchait la tête de Kalen en arrière pour

lui faire le bouche-à-bouche. Une minute. Deux. D’interminables minutes passèrent sans réaction. Seslèvres commençaient à bleuir. Elle le perdait. Elle ne pouvait pas le perdre !

— Mac, pousse-toi.Zan la poussa sur le côté. Elle se rendit à peine compte que ses oreilles saignaient et que sa voix

semblait étrange. Toute son attention était concentrée sur son partenaire couché qui ne respirait pas.— Aide-le, je t’en prie.Elle n’était pas sûre que le guérisseur ait entendu. Il ne répondit pas, mais sembla se parler à lui-

même en plaçant les deux mains sur la poitrine de Kalen.— Il s’est brûlé, dit Zan d’une voix pâteuse, étrange et confuse. Je ne sais pas si ce sera suffisant.Une lueur verte commença à émaner des paumes de Zan et engloba tout le corps de Kalen. Pendant

trop longtemps, les efforts du guérisseur ne semblèrent pas porter ses fruits. Quand enfin sonpartenaire inspira, les hommes exprimèrent leur joie collective. Mais leur soulagement fut de courtedurée.

— Beaucoup de dégâts, réussit à dire Zan en chancelant. Peut-être trop.Puis, il tomba sur le côté, inconscient. La meute passa ensuite à l’action. Jax et Ryon attrapèrent

Zander alors qu’Aric et Nick prirent Kalen. Ce n’est que lorsqu’ils partirent vers l’un des VUS avecson partenaire qu’elle se souvint de son père. Elle regarda autour frénétiquement en criant son nom,puis il lui serra la main.

— Je suis ici, petite fille. Viens. Allons voir comment va ton partenaire.Elle monta à l’arrière de l’un des VUS avec Kalen, et ils durent l’arracher de lui quand Mélina et

Noah se précipitèrent pour prendre le relais. Elle essaya de les suivre dans la salle d’urgence, maisNick lui bloqua le chemin.

— Laisse Mélina et Noah faire leur travail. Tu dois t’occuper de Zan.— Mais…— Cet homme vient de sauver la vie de Kalen, et maintenant il a besoin que tu t’occupes de lui, dit

le général. Vas-y. D’aller le voir t’empêchera de penser à ton partenaire pendant un certain temps,ajouta le général, d’une voix plus douce.

Il avait raison. Tout au long de l’examen de Zan, elle craignit le pire pour le guérisseur autant quepour son partenaire. Au moment où elle termina ses tests et le fit installer dans une chambre, elle eutle cœur gros, car elle savait quelle pente Zan devait maintenant remonter.

Il allait s’en sortir, mais ce serait long, très long.Lorsque Kalen fut installé dans une chambre, personne ne put l’en faire sortir. Il avait l’air mort, si

immobile et pâle, sa poitrine montant et descendant à peine. Il avait tout donné pour les sauver tous,et il était bien possible qu’il n’ouvre plus jamais les yeux.

Elle prit une de ses mains dans les siennes et lui caressa la peau en pleurant.— Écoute-moi, je t’en prie. Tu ne peux pas nous laisser, murmura-t-elle. Le bébé et moi avons

besoin de toi. Je t’en prie, reste avec nous.Posant sa tête à côté de lui, elle pleura. Et commença sa longue attente.

Kalen se trouvait au fond d’un océan profond et sombre.Même s’il essayait sans relâche, il n’arrivait pas à nager jusqu’à la surface. Impossible de respirer.

Alors, il arrêta et se laissa flotter, se reposa pendant un certain temps et essaya de nouveau.Parfois, il entendait une conversation à voix basse. Il ne savait pas où il était ni pourquoi il y était.

Cela lui faisait un peu peur de ne pas le savoir. Plus il flottait, plus il se rendait compte qu’il étaitnécessaire qu’il refasse surface bientôt, sinon il n’y arriverait jamais. Quelque chose qui lui étaitcher l’attendait là-haut, et il devait se battre.

Alors, il le fit, et la voix commença à devenir plus claire. Il la reconnut. Mackenzie. Sa partenaire,son amour. Elle lui racontait des histoires tout le temps, lui demandait de se réveiller, et il voulaittellement lui répondre. Pour lui dire qu’il l’aimait et ne renonçait pas.

Puis, un jour, il perça la surface. Il entendit le bip d’une machine près de lui. Le bruissement dequelqu’un dans un fauteuil, feuilletant des pages, lisant quelque chose. Son univers avait du sens, et ilsut qu’il était de retour. Mais comment ? Cela n’avait aucune importance. Il devait seulement faireobéir ses paupières.

Enfin, il ouvrit les yeux en les clignant et vit que tout était flou. Mais il put distinguer la silhouettede sa partenaire assise près de lui, penchée sur quelque chose. Un magazine ?

Ouais. Elle lisait, et il aimait l’idée de la voir à son réveil.— Bébé ? dit-il d’une voix rauque.Le magazine tomba par terre, et les yeux bleus de Mac s’élargirent.— Oh, mon Dieu ! Tu es réveillé !Elle inonda son visage de baisers, et il sourit, ou pensa qu’il le fit.— Je pense que oui. Sauf si je suis mort et que tu es un ange.Elle se rassit et lui caressa le visage, le toucha partout où elle le put. Quand ses yeux se

concentrèrent davantage, il vit qu’il y avait des larmes scintillantes dans les siens. Il aurait voulu lesessuyer, mais n’avait pas la force de lever le bras.

— Hé, ne pleure pas. Je vais bien, OK ?— Tu vas bien maintenant.Elle renifla.— Toi et le bébé ? demanda-t-il, soudainement inquiet.— Détends-toi avant de te fatiguer, dit-elle doucement. Le bébé se porte bien et moi aussi. Tu te

souviens de ce qui s’est passé ?Il la regarda et réfléchit. Ce qui était difficile, car il lui sembla qu’on lui avait donné de bons

médicaments.— J’ai oublié.— La bataille. Tu as tué Malik et tous ses sluaghs, dit-elle doucement. Tu as sauvé tous les

membres de la meute.La tempête. La lutte. Ses amis qui perdaient la bataille.Puis, il avait utilisé la foudre contre son ennemi.— J’ai utilisé la lumière pour chasser l’obscurité.Il sourit à sa partenaire.— Sariel me l’avait dit.Elle sourit, mais semblait fatiguée.— C’est ce que tu as fait. Te sens-tu différent ? Je veux dire, sens-tu qu’il reste une partie obscure

en toi ? demanda-t-elle.Bien qu’il fût épuisé, il explora au plus profond de lui-même. Il cherchait cet horrible fil noir que

Malik avait cultivé en lui pour le transformer en quelque chose d’horrible.— Elle est partie, dit-il d’un souffle. Pour de bon, je pense.Il l’espérait profondément.— Voilà la meilleure des nouvelles que j’aie eues de toute la journée. Autre que le fait que

l’homme que j’aime se soit réveillé, naturellement.Elle se pencha sur lui et l’embrassa sur les lèvres.Quelque chose l’inquiétait encore, cependant.— Je ne suis pas parti d’ici dans de bonnes conditions. La dernière fois que j’ai vu Nick, il a

essayé de me tuer.— Eh bien, cela a changé quand tu t’es presque tué en voulant sauver le monde, expliqua-t-elle,

l’amour brillant dans ses yeux bleus. L’ensemble de la meute vient te visiter depuis plus de deuxsemaines, et souhaite que tu ailles mieux. Ton frère, aussi. Ils pensent tous que tu es pas malimpressionnant, et mon père aussi. Et je suis d’avis que tu es fantastique, moi aussi.

Merde. Ses yeux brillaient.— Tu as de la chance d’avoir un père comme lui.— Il est le tien aussi, maintenant. Tu lui donneras une chance de le prouver, n’est-ce pas ?Il s’étouffa presque tellement cela le toucha et fit de son mieux pour ne pas le montrer.— Oui, bébé. Dis, comment vont ses soldats ?Elle eut l’air triste.— Quelques-uns sont morts, mais pas autant qu’il l’aurait pensé étant donné leur infériorité

numérique. Il y a quelque chose d’autre, par contre.

Elle hésita.— Qu’est-ce que c’est ?— Zan a été blessé. Tu te rappelles quand je t’ai dit qu’il ne pourrait pas supporter un autre

traumatisme crânien sans que ça représente un risque pour lui ?Kalen hocha la tête. Il craignit le pire.— Il a subi un autre coup au crâne lors de la bataille, et beaucoup de sang lui sortait des oreilles

quand nous l’avons transporté ici. Quand tout a été fini, il était devenu sourd.Kalen la dévisagea.— Il ne peut pas entendre ? C’est permanent ?— Nous l’ignorons avec certitude. N’étant pas humain, il a une chance d’entendre à nouveau un

jour. Mais pour l’instant, rien.— Dis-moi que ce n’est pas ma faute, supplia-t-il.S’il avait causé la surdité de Zan à cause de son explosion, il ne se le pardonnerait jamais.— Je ne vais pas te mentir… nous ne connaissons pas les répercussions de du coup qu’il a reçu à

la tête, par rapport à l’explosion. Il ne dit pas grand-chose, à ce propos.— Est-ce qu’il pourra venir me voir ?— Bientôt. Il a besoin de temps pour guérir et se reposer, comme toi.Il n’y avait pas matière à discussion, alors sa visite à Zan devrait attendre. Il devait guérir. Il devait

s’occuper d’une partenaire et d’un bébé, auquel il devait acheter beaucoup de choses mignonnes pourbébé, aussi.

— Le bébé, dit-il d’une voix fatiguée. Il va vraiment bien ?— Je ne voudrais pas te mentir, surtout à ce sujet.Elle sourit à son utilisation du « il » pour désigner leur enfant. Elle s’avança et prit la main libre de

Kalen pour la mettre sur son ventre.— Le bébé va bien. Tu le sens ?En laissant échapper un filet de magie de sa main, il chercha. Et il trouva un minuscule souffle de

vie au chaud et en sécurité dans son nid. Les larmes lui piquèrent les yeux.— J’ignore comment être un père. Ce n’est pas comme si j’avais eu un très bon exemple à suivre.— Oh, chéri, le rassura-t-elle en lui caressant les cheveux. Tu seras un papa super parce que tu

auras envie de lui donner tout l’amour et le soutien que tu n’as pas eus de tes parents. De fait, j’auraidavantage à me soucier que tu en fasses trop, que tu l’aimes trop et que tu le pourrisses à force de legâter ! Maintenant, elle avait dit « le », elle aussi.

L’enthousiasme de Kalen était devenu communicatif.Souriant d’un air fatigué, il hocha la tête.— Je vais lui acheter toutes sortes de choses pour garçon : des ballons, des camions jouets, des

trains…

— Et si c’est une fille ? le taquina-t-elle.— Hum. Alors, elle sera un garçon manqué. Tous les gars autour de nous ici s’en assureront.Elle se mit à rire.— Sans doute.— Je t’aime, Mac.Il bâilla.— C’est la deuxième fois que tu m’appelles comme ça. Ou est-ce la troisième ?— Je ne sais pas, mais je commence à m’y habituer. Ce nom ne me fait plus penser à celui d’un

camionneur.Elle éclata de rire.— Eh bien, c’est flatteur. Dors, sorcier.Il se laissa dériver vers le sommeil en pensant qu’il avait de la chance. Ce gars qui n’avait jamais

eu de vraie famille, à part sa grand-mère, qu’il avait perdue beaucoup trop tôt, vivait maintenant dansun camp rempli de frères.

Et il avait maintenant plusieurs vrais frères, y compris Sariel et ses demi-frères, qu’il avait hâte demieux connaître. Bien qu’il ne fût pas juste qu’il doive attendre quelques milliers d’années avantd’obtenir ses ailes.

Mais il ne pouvait pas tout avoir. Mais il pouvait au moins essayer.Trois jours après le réveil de Kalen à l’infirmerie, la meute lui avait organisé une fête dans la sallede jeux. Tout le monde était là, y compris Sariel et Jarrod Grant. Cela le toucha vraiment. Parce quedans toute sa vie, personne n’avait jamais fait cela pour lui. Célébrer le fait qu’il était en vie et aimé.Cette fête effaçait tous les anniversaires manqués et ceux qu’il avait passés seul.

Tout le monde avait défilé dans sa chambre en permanence pour bavarder de ci ou de ça. Mais ilsavaient tous évité toute conversation qui aurait pu être jugée à l’eau de rose d’une façon ou d’uneautre. Alors maintenant, en véritables hommes, ils lui dirent à quel point ils étaient désolés etcombien ils l’appréciaient.

Nick fut le premier à lui parler, bouteille de bière à la main, assez fort pour que tout le groupepuisse l’entendre. Eh bien, sauf pour Zander.

— Mes putains de visions ne montrent pas toujours la situation dans son ensemble. J’aimerais bienque ce soit le cas, mais bon. Alors, je suis désolé de t’avoir fait passer un si mauvais quart d’heure.Et, oh oui… désolé de t’avoir tiré dessus.

Kalen sourit.— Pardonné. Bien que le fusil d’A.J. ait une sacrée force de frappe. Je dis ça en passant, pour que

tu te sentes encore plus mal.— Merci beaucoup.Aric prit ensuite la parole.

— Et je suis désolé d’avoir été un salaud avec toi au début. Euh… la plupart du temps.Quelques gars ricanèrent, et le rouquin fronça les sourcils.— Quoi ?— Alors, où sont tes excuses envers nous ? le darda Jax. Tu es toujours un salaud avec nous.— Hé, attention à mon partenaire, visage poilu, déclara Rowan en donnant un coup de poing sur le

bras de Jax.— Aïe.Cela donna à peu près le ton de la fête joyeuse, où tout le monde se moqua de tout le monde.

Soulignant leurs propres défauts au bénéfice de Kalen, riant d’eux-mêmes. Ils n’avaient pas à sedonner cette peine, mais c’était bien. Il se sentit compris, ce qui était une extraordinaire sensation.

Il endura les embrassades attentionnées, mais elles ne le dérangèrent pas trop. Surtout le geste deSariel. Son frère. Il pouvait à peine le croire alors qu’ils se tenaient l’un devant l’autre. La chaleurmontant dans sa poitrine. Kalen se racla la gorge.

— Je ne suis pas habitué à avoir une famille digne de ce nom, et ça va me prendre un certain tempspour m’y habituer. Mais je suis content que tu sois mon frère.

— Moi aussi, Kalen.Les yeux dorés du prince devinrent suspicieusement humides.— Un jour, je te présenterai tes autres frères, et tu les aimeras aussi.L’idée le rendit un peu nerveux, mais il sourit quand même.— Je suis impatient de les rencontrer.Ils partagèrent une étreinte, qui referma le dernier trou dans le cœur meurtri de Kalen. Il eut le

sentiment qu’ils allaient être proches les uns des autres, et il accueillit cette joie.Zan sortit de son coin en marge de la fête et rejoignit Kalen quand Sariel le libéra. Ils restèrent

maladroitement à s’étudier l’un l’autre jusqu’à ce que Zan parle avec une certaine difficulté.— Pas ta faute, dit-il d’une voix traînante bizarre, en faisant un geste en direction de ses oreilles.

Les sluaghs m’ont bien tapé la tête.Quand Kalen répondit, il s’assura de parler lentement et clairement, selon les instructions de

Mackenzie.— Pourtant, je suis désolé. J’aurais aimé pouvoir faire quelque chose.Zan secoua la tête et essaya de sourire.— Je te remercie, mais je vais bien.Zan fit un signe à Aric et changea de sujet.— Cadeaux pour toi.— Ah oui ?Il regarda le rouquin souriant avec intérêt.— J’adore les cadeaux !

— Alors, tu aimeras les miens. Nous t’avons préparé quelque chose, mais d’abord, ça, c’est de mapart seulement.

Lui faisant un clin d’œil, Aric agita un sac-cadeau rose vers lui.Davantage de gloussements, car quelques-uns d’entre eux avaient l’air de savoir ce qu’il y avait à

l’intérieur. Kalen regarda Mac, qui cligna des yeux innocemment.— Je n’en sais rien, dit-elle. Je n’ai aucune idée de ce qu’il t’a acheté.Prenant le sac, Kalen le posa sur une table à l’avant de la pièce et commença à sortir les articles…

et éclata de rire. Il ne put s’en empêcher.— Merde ! Je vais tellement me venger pour ça !Mais il continua à rire, comme tous les autres quand ils virent ce qu’Aric avait acheté pour lui :

trois vernis à ongles de couleur pastel brillants et un ensemble de khôl de six couleurs différentes.Plus un tube de rouge à lèvres rose bonbon.

— Le noir n’est plus à la mode, le goth, dit Aric en lui faisant un clin d’œil. Maintenant, tu pourrasêtre beau pour ta prochaine bataille.

— Espèce d’idiot va !Mais c’était vraiment drôle. Et typique d’Aric. Il mit le sac de côté et prit le loup dans ses bras.— Merci, mec.Il ne s’était jamais senti plus heureux ni plus accepté dans une famille qu’en ce moment. Tout était

tout simplement parfait. Impossible de faire mieux. Ou le pensa-t-il, avant de voir la grosse boîte queNick tenait. Il lâcha Aric et l’étudia avec curiosité.

— Qu’est-ce que c’est ?— Eh bien, ouvre-la, et tu verras.Kalen posa la boîte sur la table à côté du maquillage et déchira le papier d’emballage. Il vit

l’étiquette d’un magasin de vêtements de cuir à Cody. Jetant un regard sur les membres de la meute, ilvit leur excitation et leur anticipation. Il n’avait aucune idée de ce dont il s’agissait.

Soulevant le couvercle, il regarda à l’intérieur.— Est-ce que… Il saisit le vêtement de cuir et le retira de la boîte. Son cœur se gonfla et il eut la gorge serrée.— Mon Dieu, les gars. Vous n’auriez pas dû.Plus de poussière dans les yeux, bon sang.Le long manteau était noir, souple, coûteux et magnifique. Il le mit et constata qu’il avait été fait sur

mesure, contrairement à son ancien, qui avait été fait pour quelqu’un d’autre.Nick se racla la gorge.— Ton ancien manteau a été pas mal carbonisé. Nous avons obtenu tes mesures de Mac quand tu

étais dans ta chambre d’hôpital et l’avons fait faire sur mesure pour toi. Si tu ne l’aimes pas, nous nepouvons pas l’échanger, alors tu devras l’endurer.

Cette fois, son rire fut un peu étouffé.— Je l’aime. Et je vous promets que je ne porterai pas celui-ci pour combattre des monstres.Il regarda autour de la pièce. Sa partenaire, Jarrod, Sariel, la meute. Un enfant à naître. Sa famille.

Et il s’estima heureux.— Je vous remercie, vous tous. J’ai beaucoup de chance.Il regarda Nick.— Juste une dernière chose, et tout serait parfait.— Quoi donc ? demanda le commandant.— Des vacances avec ma partenaire, dit-il en la serrant contre lui. Je n’ai jamais eu de vraies

vacances de ma vie, et je pense que nous en avons mérité.Les lèvres de Nick se courbèrent vers le haut.— Je crois que je peux arranger ça. Présente-moi ta demande officielle, et je l’approuverai. En

fait, dit-il au groupe, si vous voulez prendre congé, ajoutez votre nom à sa demande, et je vousdonnerai congé selon un horaire décalé pour que nous ne soyons pas tous partis en même temps. Nousavons tous bien mérité du repos.

Cette idée fut accueillie avec une tonne d’approbation. Kalen trépignait d’impatience à l’idéed’être complètement seul avec sa partenaire et son bébé.Kalen était étendu nonchalamment sur sa serviette avec les pieds qui dépassaient pour qu’il puisseenfoncer les orteils dans le sable magnifique.

— C’est pas la belle vie, ça, non ? Mon Dieu, je n’avais jamais pensé que les îles Fidji étaientaussi belles.

Sa partenaire regarda son Bloody Mary, avec son petit parapluie décoratif, non sans envie.— Certains d’entre nous profitent d’autres choses que des belles vues.— Hé, je t’ai offert un Virgin Mary ! Je suis un gentilhomme, moi.— Tu es un gentilhomme, mais il est un peu tard pour la virginité, je pense.Il tourna la tête et la regarda pendant quelques secondes avant de comprendre et d’éclater de rire.— Oh, tu es méchante. Non, il n’y a pas de vierges ici !— Tu en sais quelque chose, répondit-elle.— Naturellement.Il aspira le reste de sa délicieuse boisson, enleva le petit parapluie de son verre, puis roula vers

Mackenzie. Quand elle le vit qui semblait en vouloir à son ventre, elle essaya de se dégager de lui ense tortillant.

— Que fais-tu ?— Ne bouge pas. Je dois me concentrer.Fronçant les sourcils comme s’il créait une importante œuvre d’art, il plaça la pointe du cure-dent

dans son nombril.

— Presque…Il avait réussi à le faire maintenir debout, mais Mac commença à rire, et le parapluie tomba sur son

ventre, où il rebondit.— Kalen, que fais-tu ?— Je faisais une ombre pour le bébé.— Tu es fou ! dit-elle en riant encore. Nous sommes déjà à l’ombre. Je pense que tu as bu trop de

ces boissons.Il fit la moue.— Pas du tout.Reportant son attention sur son ventre, il étudia sa peau lisse, puis passa une main sur elle, fasciné.— Penses-tu qu’il peut m’entendre ?— Je ne sais pas.Elle enfouit les doigts dans ses cheveux et les arrangea comme il aimait les voir.— J’ai entendu dire que les bébés dans l’utérus répondent bien à la musique et aux livres qu’on

leur lit. Ça ne peut pas faire de mal.— Bonjour, bébé, murmura-t-il. Je suis ton papa. Je promets que je vais faire de mon mieux pour

être le meilleur papa du monde, parce que tu le mérites. Je t’aime, mon chéri, et j’ai très hâte de terencontrer.

Sa gorge se serra, et il ne put pas continuer. Mais il avait fait la plus importante promesse à sonenfant, qui n’avait jamais été faite pour lui. Et il la respecterait.

— Oh, chéri. Je t’aime.— Mon Dieu, je t’aime, moi aussi.Sa partenaire roula dans ses bras, et comme ils s’embrassaient, il jura qu’il n’oublierait jamais

qu’il avait de la chance que tous ses rêves se soient réalisés.Il était passé de l’obscurité à la lumière. Et c’était là qu’il envisageait de rester. Pour toujours.