Copier-coller, le montage au cinéma - UNIGE

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Ciné-Club Universitaire du 12 janvier au 5 avril 2004 lundi 19h et 21h Auditorium Arditi-Wilsdorf

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Ciné-ClubUniversitaire

du12 janvierau5 avril 2004

lundi19h et 21h

AuditoriumArditi-Wilsdorf

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12 janvier 19h Naissance d’une nation David Wark Griffith

19 janvier 19h L’argent Macel L’Herbier

26 janvier 19h Octobre Sergeï Eisenstein

21h Berlin, symphonie d’une grande ville W. Ruttman

Paris qui dort René Clair

Entracte René Clair

À propos de Nice Jean Vigo

2 février 19h L’homme à la caméra Dziga Vertov

21h Conférence de Philippe Dubois

8 mars 19h La bataille de Chine Frank Capra

21h La bataille de Russie Frank Capra

15 mars 19h Shadows John Cassavetes

21h Citizen Kane Orson Welles

22 mars 19h Hiroshima mon amour Alain Resnais

21h Pacific 231 Jean Mitry

À bout de souffle Jean-Luc Godard

29 mars 19h Bataille sur le grand fleuve Jean Rouch

21h Moi, un noir Jean Rouch

Au début; Nous; Les habitants;Les saisons; Notre siècle Artavazd Pelechian

5 avril 19h Sans soleil Chirs Marker

21h Il était une fois dans l’ouest Sergio Leone

C i n é - C l u bU n i v e r s i t a i r e

Auditorium Arditi-Wilsdorf1, av. du Mail1205 Genève

L e s l u n d i s à 1 9 h e t 2 1 h

Billet 1 séance à 8.-Carte 3 entrées à 18.-, non transmissible

Abonnement pour tout le cycle à 60.-Vente uniquement à l’entrée des séances

Ouvert aux étudiantset non étudiants

Renseignements:Activités culturelles4, rue De-Candolle | 1205 Genèvehttp://activites-culturelles.unige.ch

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ÉditorialSommaireGuido Ferretti

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De Smith à Griffith: naissance du montage.....................................................4

L’école soviétique: montage intellectuel et idéologique....................................7

Avant-garde française: musicalité du montage ..............................................10

Frank Capra: nervosité du montage..............................................................12

Résumé des films......................................................................................14

Nouvelle vague: une révolution dans le montage...........................................17

Tarkovski: contre une esthétique du montage ...............................................22

Glossaire .................................................................................................24

Bibliographie ...........................................................................................27

Notre décision de proposer un cycle sur lemontage n’est pas un acte d’arrogance ciné-philique, mais de pédagogie. Le montage, acteultime de la construction filmique, construitle sens et l’esthétique du film. Il nous sembledonc essentiel de fournir aux étudiants, pre-miers destinataires de notre ciné-club, desrepères leur permettant de s’orienter dans lesétapes fondamentales du développement dumontage. Bien que la perspective historiquenous ait paru prioritaire, il est impossible detracer une histoire du montage dans lecontexte restreint d’un cycle. Nous avons doncessayé d’identifier quelques points de repèrefondamentaux qui ont imposé des change-ments radicaux sur le plan esthétique et tech-nique.

À l’origine, le montage n’était qu’un collage deplans temporellement séquentiels. Le conceptd’action sur le temps et sur l’histoire en cou-pant et collant des images (montage) a étégénéré par l’école de Brighton, et s’est déve-loppé de manière systématique avec DavidWark Griffith, créateur des concepts de mon-tage alterné et de montage parallèle.Naissance d’une nation, programmé enouverture du cycle, représente l’accomplisse-ment du parcours de création du montagealterné.

L’argentFilm restauré par les ARCHIVESFRANÇAISES DU FILM, dans le cadredu plan de sauvegarde des filmsanciens du Ministère de la Culture

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Un autre pas est franchi dans les années 20par les avant-gardes françaises (L’argent deMarcel L’Herbier et les courts métrages deRené Clair et Jean Vigo) et puis avec les théo-riciens soviétiques (Octobre de SergueïEisenstein et L’homme à la caméra de DzigaVertov). Ces mouvements ont créé le montageidéologique. Mais c’est également à partir deces mouvements que les principes du montageclassique des années 30 ont été définis.

La projection de L’homme à la caméra estl’occasion d’une collaboration avec La Hauteécole d’arts appliqués (HEAA-Genève), quiprésente “Défilements”, une exposition à par-tir de Vertov, qui éclaire les héritages multi-ples du cinéma de Vertov dans l’artcontemporain. Des travaux photo ou vidéo etdes installations interactives d’artistes etd’étudiants y seront présentés, résultat d’unprojet de recherche que la HEAA a mené encollaboration avec Philippe Dubois depuis20001. La soirée du 2 février sera donc entiè-rement consacrée à Vertov: après la projectiondu film, Philippe Dubois donnera une confé-rence intitulée “Monter, montrer: regardsdéplacés”, et un documentaire sur le cinémade Vertov terminera la séance.

Le classicisme des années 30 est remis encause par le travail de Frank Capra et OrsonWelles sur le temps et la structure du mon-tage. Capra a entre autres contribué à accélé-rer le temps de l’action: cette démarche,abordée dans un texte sur la “nervosité” deCapra2, est représentée par deux documentai-res de la série Why we fight, à savoir Labataille de Chine et La bataille de Russie. Larévolution de la structure filmique réaliséepar Welles est emblématiquement représentéepar Citizen Kane.

Entre les années 50 et 60, la Nouvelle Vagueopère une nouvelle révolution, introduisantles faux raccords, les raccords hétérodoxes (Àbout de souffle de Godard) et la destructionde l’organisation temporelle du film (montageatemporel d’Hiroshima mon amour d’AlainResnais). De l’autre côté de l’Atlantique,Shadows de John Cassavetes contribue aussià cette révolution structurale. Le cycle s’achè-ve par des films plus récents, montrant dansleur diversité que nous sommes bien loin de lafin d’un parcours destiné à nous offrir encorebeaucoup de surprises et de découvertes.

Bonne lecture et bonne vision.

1 Voir p. 28

2 Voir p. 12

photo: Naissance d’une nation

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De Smith à Griffith: naissance du montage

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«[…] Méliès, entravé par la fixité de sa camé-ra, ne comprit pas la nature du montage etn’en soupçonna pas les apports possibles. En1904 encore, dans Le voyage à travers l’impos-sible, il commet de graves erreurs de montageimputables à son optique théâtrale: “Il mon-trait d’abord les voyageurs à l’intérieur duwagon: le train s’arrête, le wagon se vide com-plètement. Dans la scène suivante, sur le quaide la gare, la foule attend le train: il arrive, ils’arrête et les voyageurs de la scène précéden-te en descendent seulement.”1 Le progrèsdécisif fut accompli par l’Anglais GeorgeAlbert Smith: dans des films tournés en 1900(La loupe de grand-mère, Vu dans une lunetted’approche), il intercale des gros plans,justifiés par le sujet, dans des plans moyensou généraux: il s’agit d’un montage au senspropre du terme, du fait du changement depoint de vue. La même année, son compatrio-te James Williamson tourne L’attaque d’unemission en Chine, premier exemple d’un récitproprement cinématographique. Il est, écritGeorges Sadoul, “incomparablement plus évo-lué qu’aucun film américain ou français decette époque. L’action se transporte avecaisance d’un lieu dans un autre. […] L’héroïneen danger se précipite au balcon pour agiterson mouchoir et, aussitôt, nous noustransportons à l’extérieur de la mission, dansune plaine où galope le bel officier qui vole à

son secours. […] Williamson usait d’un procé-dé qui n’est pas concevable au théâtre etdécouvrait un des grands moyens du cinéma:l’alternance des actions se déroulant simulta-nément dans deux lieux éloignés.”2 Ainsi étaitaccompli un progrès décisif, la mise en œuvred’un récit fondé sur une continuité temporelledans des espaces différents mais contigus.

C’est aussi à Williamson, principal représen-tant, avec Smith, de ce que Sadoul appelle“l’école de Brighton”, qu’on doit le premierfilm poursuite, Arrêtez le voleur! qui comporteun montage alterné entre poursuivants etpoursuivi. “Mais si les pionniers de Brightonfurent les premiers à poser les conditions élé-mentaires du montage, écrit Jean Mitry, c’està l’Américain Edwin Porter qu’il appartient deleur avoir donné un sens”, dans La vie d’unpompier américain (1902) et surtout L’attaquedu grand rapide (1903), “qui peut être consi-déré comme le premier film réellement ciné-matographique”3 par la fluidité et lacohérence du récit. Dès lors est inventé l’es-sentiel du cinéma, le montage narratif quis’oppose radicalement au découpage du réciten scènes analogues aux tableaux de théâtre.

Mais c’est Griffith qui fera faire au langagefilmique son progrès décisif. Dès 1911, dansLa télégraphiste de Lonedale puis dans Les

mousquetaires de Pig Alley, il pratique avecmaîtrise le montage alterné et utilise toute lagamme des plans, y compris des gros plansd’objets (inserts) et des premiers plans devisages. “S’il ne fut l’inventeur ni du montage,ni du gros plan […], du moins fut-il le pre-mier à avoir su les organiser et en faire unmoyen d’expression”4 souligne Mitry. Et Sadoulen fait la démonstration en analysant EnochArden où, écrit-il, Griffith “déploya pleine-ment pour la première fois les ressources deson style. La poursuite ne tenait plus aucunrôle dans ce film, mais l’auteur y conservaitun procédé né de la poursuite: la juxtaposi-tion de courtes scènes jouées dans des lieuxdifférents. Le lien entre ces scènes n’était plusconstitué ni par leur succession simultanéedans le temps, ni par le déplacement du hérosdans l’espace, mais par une communauté depensée, d’action dramatique. Ainsi voyait-onEnoch Arden dans son île déserte et sa fiancéeAnnie Lee, qui l’attendait, alterner sur l’écran,en gros plan, dans un montage rapide qui tra-duisait l’angoisse de la séparation pour deuxêtres qui s’aiment.”5

Ainsi est accompli le deuxième progrès déci-sif, la découverte du montage expressif, quicomporte ici l’utilisation des deux types demontage que j’appelle montage alterné (fondésur la simultanéité temporelle des deux

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actions) et montage parallèle (fondé sur unrapprochement symbolique) et dont on trouveun autre exemple dans la célèbre Consciencevengeresse du même Griffith par l’alternanceentre la jeune fille pleurant le départ du gar-çon qu’elle aime et le vieillard qui se lamenteau même moment sur sa jeunesse enfuie. Cemontage expressif, où la succession des plansn’est plus seulement dictée par le besoin deraconter une histoire mais aussi par la volontéde susciter chez le spectateur un choc psycho-logique, ce sont les Soviétiques qui vont leconduire à son apogée sous la forme du troi-sième progrès décisif, le montage intellectuelou idéologique.»

Marcel Martin, Le language cinématogra-phique, Paris, Éd. du Cerf, 1992, pp. 153-155.

1 Georges Sadoul, Le cinéma, Paris, Éditeurs FrançaisRéunis, 1948.

2 Georges Sadoul, Histoire générale du cinéma, tomeII, Paris, Éd. Denoël, 1947, pp. 180-182.

3 Jean Mitry, Esthétique et psychologie du cinéma,tome I, Paris, Éd. Universitaires, 1963-65, pp.274-275.

4 Ibid., p. 276. Koulechov, dont le jugement ne peutêtre contesté en matière de montage, écrit: “Lepremier réalisateur qui utilisa le montage commeun élément de création cinématographique futGriffith… Les Américains de l’époque de laPremière Guerre mondiale et des années suivantes(Ince, De Mille, Vidor, Griffith, Chaplin) furent lesmeilleurs cinéastes du monde et les techniciens etles artistes de cinéma de tous les pays apprirent lesbases de leur art dans le cinéma nord-américain.”(Traité de la réalisation cinématographique).

5 Georges Sadoul, Le cinéma, op. cit., pp. 555-556.

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L’école soviétique: montage intellectuel et idéologiqueCopier | coller: montage de textes proposé par Astrid Maury

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Les Soviétiques et l’arme du montage«Les cinéastes soviétiques réclamaient une“révolution dans l’art”, parallèle à la révolu-tion politique et sociale qui venait de s’opérerdans leur pays. Plusieurs mouvements d’a-vant-garde se développèrent autour du poèteMaïakovski, chef de file du courant futuriste.Pour ces jeunes révolutionnaires, le summumde la modernité était curieusement le “modè-le américain” avec son culte de la machine etde la vitesse, ses rythmes frénétiques, sesfilms burlesques, ses “serials” et surtout cemoyen d’expression tout neuf: le montage.

Griffith était un pragmatique poussé à l’in-vention par le souci premier de raconter unehistoire. Au contraire, les nouveaux cinéastessoviétiques étaient des théoriciens. Tout les yconduisait: l’esprit avant-gardiste qui n’aimerien tant que les manifestes, l’engagementrévolutionnaire soucieux de justification, larareté même de la pellicule qui affectait alorsle pays et encourageait à retourner les idéesavant de tourner la manivelle».1

La révolution menée est donc autant poli-tique qu’esthétique. Il s’agit d’éveiller lesconsciences, de déclencher chez le spectateurdes sentiments qui le pousseront à l’action,par le biais d’un nouveau “ciné-langage”, quiutilise le montage comme dynamique

signifiante. Le sens surgit alors de la combi-naison extrêmement découpée des plans, dela collision des photogrammes-fragments.Prélevés du réel, ces fragments, souvent engros plans, perdent leur signification autono-me et accèdent ainsi par leur mise en relationà un nouveau rapport de sens.

Le montage a constitué une préoccupationessentielle des cinéastes russes, qui cher-chaient à prolonger au cinéma les apportsesthétiques du constructivisme, du futurismeet des expérimentations théâtrales de l’avant-garde. Mais si la volonté de changer la sociétépar un changement dans le cinéma était com-mune à ces artistes, leur point de vue sur lemontage, voire leur conception du cinéma,divergeaient cependant.

Ils avaient tous tiré enseignement des théo-ries de Lev Koulechov, directeur du laboratoi-re expérimental de l’Institut du cinéma deMoscou, qui avait démontré les pouvoirs créa-tifs et expressifs du montage sur le specta-teur.2 Vsevolod Poudovkine optait pour uncinéma s’appuyant sur un scénario (contraire-ment à Dziga Vertov et Sergueï Eisenstein),qui devait être le vecteur d’une idéologiejuste. Le montage fondait pour lui le discoursmétaphorique du film et sa qualité esthé-tique.

Vertov, quant à lui, voulait insuffler au ciné-ma la mission de révéler une réalité prise surle vif, diffractée par des points de vue multi-ples. Pour Vertov, tout devient alors montagelorsqu’il s’agit de construire un film. La notionest extensive, et désigne à la fois le repéragedes lieux, le choix d’un cadrage jusqu’à l’actefinal communément appelé montage. Le“ciné-œil” (l’œil de la caméra) permet le“déchiffrement communiste du monde réel”.Les interventions sur le déroulement de lapellicule (ralenti, accéléré, surimpressions,décadrages) témoignent de la supériorité del’œil mécanique face à l’œil humain.

Mais le cinéaste russe qui reste emblématiquedu montage (de par ses écrits et son œuvrecinématographique) demeure SergueïEisenstein. «Plutôt que soumettre ses figureset ses structures de montage aux grandeslignes d’une histoire, Eisenstein a conçu sesfilms comme des constructions par le mon-tage.»3

Eisenstein et le montage des attractionsChez ce grand cinéaste, le montage est “intel-lectuel”: il est destiné à provoquer, à traversla juxtaposition savante de deux plans indé-pendants, un choc émotionnel chez le specta-teur, et de déclencher une idée. Le montagesouligne la discontinuité inhérente aux

photo: Paris qui dort

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photogrammes, brisant la fluidité narrative.«Si le montage doit être comparé à quelquechose, les collisions successives d’un ensemblede plans peuvent être comparées à une séried’explosions dans un moteur automobile ouun tracteur.»4 Il appelle ce montage “le mon-tage des attractions.”5 «Dans La grève (1925),les images de la répression tsariste contre lesgrévistes d’une usine métallurgique étaientjuxtaposées à celles d’animaux égorgés dansun abattoir; aucun lien, ni géographique, ninarratif, ne reliaient les deux actions. DansOctobre (1927), les discours verbeux desMencheviks étaient entrelardés de gros plansde mains de harpistes soulignant la vanité etle caractère lénifiant des propos tenus, sansque la présence insolite de ces instruments etde ces instrumentistes ne trouve une quel-conque justification. […] Quant à la scèneuniversellement célèbre de l’escalier d’Odessa6,elle constitue une sorte de manifeste du mon-tage eisensteinien coordonnant tous lesmécanismes de l’émotion jusqu’à faire naîtrel’idée de la nécessité de la révolte.

L’autre apport d’Eisenstein, qui le placeaujourd’hui encore à l’avant-garde, résidedans la liberté qu’il apportait à ses raccords: lesoldat lève son sabre (l’amorce du geste), levisage d’une femme déchiré par une balafresanglante (le résultat de ce geste); un marin

fou de rage brandit plusieurs fois une assiettepour la casser (les répétitions du geste par leredoublement des plans apporte une forcesurprenante à la scène).

Chez Eisenstein, le montage ne cherchait pasde justification réaliste, il résidait dans unepuissante et sèche volonté d’expression.»7

Le montage, issu du choc de deux images,repose bien sur le principe du conflit, facteurde dramatisation du récit — à l’opposé de cequi sera systématisé une dizaine d’annéesplus tard à Hollywood avec la transparence dumontage dans le cinéma classique hollywoo-dien. Utilisant le montage comme un véri-table outil idéologique, l’école soviétiqueavait saisi là l’impact d’une arme puissante,capable d’agir sur les masses et de traduire lesrapports conflictuels de classes. En juxtapo-sant deux réalités contradictoires, ce “mon-tage dialectique” rendait possible ledépassement des antagonismes de la société.Si les cadrages audacieux renforcent l’effet dumontage, ce dernier demeure tout à la fois lelieu du heurt, du contrepoint8, de la disconti-nuité tout comme celui de l’unification dusens.

1 Vincent Pinel, Le montage, l’espace et le temps du film,Paris, Collection les Petits Cahiers, Cahiers du Cinéma,2001, pp. 21-22.

2 Expériences connues sous le dénominatif d’“effet K”,elles démontrent que “le simple collage de deux ima-ges permet que surgissent un lien ou un sens absentdes images élémentaires”: le plan d’un visage sansexpression particulière associé à d’autre plans hétéro-clites oriente la lecture du spectateur. Visage neutre +assiette de soupe = le personnage a faim; visage neu-tre + fillette dans un cercueil = le personnage éprouvede la tristesse…

3 David Bordwell et Kristin Thompson, L’art du film, uneintroduction, Bruxelles, Éd. De Boeck Université, 2000.

4 Sergueï M. Eisenstein, Le film, la forme, son sens,Paris, Éd. Christian Bourgeois, 1986.

5 “Qui cède à l’attraction du montage cède aussi à l’at-traction du plan court. Comment? En faisant du regardla pièce maîtresse de son jeu. Raccorder sur un regard,c’est presque la définition du montage, son ambitionsuprême en même temps que son assujettissement à lamise en scène”. Extrait d’un article paru en 1956 dansLes Cahiers du Cinéma, repris par Jean-Luc Godard inGodard par Godard, Paris, Cahiers du Cinéma, 1985.

6 Dans Le cuirassé Potemkine (1925). Avec cette séquen-ce d’anthologie, il est un des plus grand films de l’his-toire du cinéma. La maîtrise formelle du montage y estadmirable.

7 Vincent Pinel, op. cit., pp. 28-29.

8 Eisenstein, dans Le manifeste sur le contrepoint sonore,qu’il signe en 1928 avec Poudovkine et Alexandrov,évoque les potentialités de contrepoint du son parrapport à l’image, potentialités offertes par le cinémaparlant.

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Avant-garde française: musicalité du montage

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«[Il] s’est développé dans les années 1920 uneécole qui voyait dans le montage une sorted’équivalent visuel des rythmes musicaux. Lascansion, loin d’apparaître comme une rup-ture artificielle, y devient un instrument sus-ceptible de créer des émotions, et même,parfois, des effets dramatiques complexes. Lesréalisateurs qui, de près ou de loin, se sontretrouvés autour d’un tel sentiment ont sou-vent utilisé des expressions empruntées auvocabulaire musical pour traiter du cinémacomme ils le concevaient. En grande partiepour l’éloigner des conceptions trop fortes duthéâtre, de la peinture et de la littératureromanesque (toutes influences revendiquéesgénéralement à l’époque par les autres cinéas-tes), ils revendiquent une puissance d’expres-sion liée au “tempo”. Au flux des images, aumouvement incessant de la lumière et descorps à l’écran, à la succession nécessaire des“impressions”. Le cinéma y devient expressiondu flux visuel comme la musique est organisa-tion du flux sonore. Et cette organisation,qu’est-elle sinon le montage?

Ainsi Abel Gance (La roue en 1923, Napoléonen 1927), Jean Epstein (Cœur fidèle en 1923,La chute de la maison Usher en 1928), MarcelL’Herbier (L’Inhumaine en 1924), GermaineDulac ou Jean Grémillon vont chercher, aucours des années 1920, à utiliser les possibili-tés conjointes des volumes internes et des

ruptures de vision pour modeler la matièrecinématographique.

Le premier outil de ces créations est le “mon-tage accéléré” (certain détracteurs l’appellentaussi “montage précipité”, ce qui rend assezbien compte du déferlement d’images qu’iloccasionne), dont l’utilisation par Gance dansLa roue frappe tous les esprits, et favorisel’emploi répété dans d’autres films. […]

L’action de La roue se passe en partie dans untrain, où les émotions des personnages sontliées à la vitesse de celui-ci, ainsi que, pour-rait-on dire, à la façon de la filmer. “Filmer lavitesse”… c’est précisément la gageure de cetype d’expression cinématographique; et pourqu’à la vitesse s’ajoute a fortiori une intensitédramatique, ni le cadre ni les éléments qu’ilcontient ne suffisent. Gance utilise alors lesressources du montage, travaillant sur desoppositions plastiques, des ruptures de lignes(rails qui courent l’un vers l’autre, locomotiveslancées dans toutes les directions, par la trèsrapide succession des plans à l’écran), et uneaccélération propre des enchaînements. […]

Il s’agit en effet, dans cette perspective, decréer des chocs tout autant que des associa-tions, et c’est le même procédé qui permet lesuns et les unes, puisque la brièveté des plans“hache” la perception par des effets de sac-

cade, tandis que la rapidité de succession créede fausses superpositions. Étonnammentmodernes, ces figures de montage sontcomparables à ce que peut produire aujourd’-hui, à plus grande échelle, la vidéo. Dans lesclips par exemple, ou dans certains géné-riques, certains courts-métrages, on retrouveces effets de transformation plastique, où lasuccession rapide des images donne à la foisdu rythme (les ruptures) et du liant (les asso-ciations).

Dans L’Inhumaine, Marcel L’Herbier est plusradical encore, puisqu’il intègre dans desséquences de montage accéléré des planstotalement abstraits. Lorsque l’héroïne “res-suscite”, dans l’atelier d’un savant fou, onassiste à une suite de mouvements qui, réelle-ment, n’ont de fonction que sensible, horstoute volonté de représentation concrète. Unbalancier de métal, des pistons, des lumièresbrusquement changeantes, et même quelquesplans entièrement blancs, entièrement noirsou jaunes, viennent scander la vision. Ce sontdes déplacements de luminosité, des accordsplastiques et des mouvements abstraits quisont recherchés au moment où il s’agit d’é-mouvoir le spectateur par le sens. On saisitalors autrement l’enjeu des réticences deTarkovski à propos du “formalisme” du ciné-ma soviétique; si formalisme il y a, au senspropre du terme, il est plutôt du côté de

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Gance ou de L’Herbier — bien que l’un n’ex-clue pas l’autre. Dans le cinéma soviétique, lesmultiples ruptures reposent sur un sujet quiva très au-delà du motif: les épisodes du pontdans Octobre (1927) ou des escaliers d’Odessadans Le cuirassé Potemkine (1925) mettent enscène des éléments figuratifs. Déstructurés,certes analysés, mais qui valent pour ce qu’ilsreprésentent. Ce qui n’est pas le cas dans le“montage musical” des cinéastes français dontnous parlons ici.

Que ce montage sensible (Henri Langlois avaitparlé à son sujet d’école “impressionniste”)tire sa valeur du legato, du délié formé par lasuccession plutôt que des entités de chaquefragment, est encore manifesté par l’emploifréquent des fondus et des superpositions. Lespremiers sont des effets de collage qui asso-cient d’autant plus intimement les plans qu’ilsleur permettent, le temps de quelques images,d’apparaître ensemble à l’écran, de mêler leurséclats ou leurs volumes, avant de se succédereffectivement. Des cinéastes comme L’Herbierou Epstein ont beaucoup usé de telles figures.(Jean Vigo lui-même, héritier de cette école,emploiera des superpositions jusque dans sondernier film, L’Atalante [1934].) Elles viennentparfois compléter le montage accéléré, mani-festant plus précisément encore le rôle desynthèse esthétique joué par ce dernier.

Les superpositions (sur lesquelles nousreviendrons dans le chapitre suivant) consti-tuent un véritable “montage de surfaces”.Davantage qu’un “montage dans le plan”, quidésigne une confrontation ou une différencemarquée entre plusieurs entités dans unmême plan, il s’agit ici de la mise en cor-respondance d’un ou plusieurs plans sur lamême surface. Dans le Napoléon de Gance, ilpeut y avoir jusqu’à huit ou douze plans ainsisuperposés. Des effets de foule, de tempêtes,sans rapport anecdotique, y sont alors asso-ciés dans l’esprit. Des effets visuels plutôt quedes figurations repérables: là encore c’est laforme plutôt que la représentation qui est enelle-même l’horizon du montage. “Il fautjuguler l’intelligence du spectateur, l’empê-cher de reprendre ses esprits…”, dit AbelGance à propos de certaines de ces séquences.Ce ne sont donc plus ni le récit ni le discoursqui légitiment l’unité du plan et son articula-tion avec les autres, mais les rapports de sen-sibilité que ces derniers peuvent établir, lasynthèse de mouvements que seul ce procédépeut mettre en évidence. Souvenons-nous dela comparaison de Gance avec un orchestre: sichaque image est comme un instrument, lemontage de surfaces est bien une “symphonievisuelle”.

De ce projet cinématographique de l’avant-garde des années 1920, et des quelques filmsou séquences qui l’ont mené à bien, il fautretenir une autre caractéristique: la prise encompte prioritaire de la quantité d’élémentssur la qualité. Là encore, le montage de cetteavant-garde se démarque fondamentalementdes conceptions dont nous avons parlé aupa-ravant. Nécessité et démonstration exigentdes éléments stables et choisis: on ne peutraconter une histoire ou proposer un juge-ment de valeur sans en choisir précisément lessignes; le cinéma narratif ou le cinéma de pro-pagande reposent, nous l’avons vu, sur desaxiomes, des qualités premières reconnues partous. Ils reposent sur des entités définies, quela section des plans affirme en les sertissant.Chez Gance, ou chez Epstein, il y a une atten-tion au nombre, souvent préférée pour dési-gner le phénomène. Comme si le mouvementétait dans la profusion, plutôt que dans laligne. Dans la somme infinie des variationsinfimes, des décalages, ou même des répéti-tions pures et simples. Le montage n’est plusun outil alors, un artifice de présentation: ildevient le principe même de révélation, laseule figure possible d’une vérité dont la sta-bilité de l’image unique ne sait pas rendrecompte. […]»

Vincent Amiel, Esthétique du montage, Paris,Nathan, 2002, pp. 83-86.

photo: À propos de Nice

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Frank Capra: nervosité du montage

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«D’abord réalisateur de comédies, Frank Capraavait trouvé un rythme, qui a fait son succès.Il s’était, en effet, aperçu dès 1932, alors qu’iltournait American Madness, qu’une scène quilui semblait bien rythmée sur l’écran de lasalle de montage paraissait plus lente lorsqu’illa voyait en salle sur grand écran. Il en avaittiré la conclusion — fort intéressante pour lesmonteurs — non pas que la taille de l’écranchange le rythme d’un film, mais que les réac-tions d’un individu sont plus intenses lorsqu’ilest au milieu d’une foule que seul. Et il avaitalors cherché tous les moyens d’accélérer lesscènes au tournage et au montage.

Il a ainsi éliminé les longs déplacements desacteurs — leurs entrées et sorties de champ— et banni les fondus-enchaînés. “C’était untruc photographique que les cinéastes étaientfiers d’exhiber, mais que les spectateurs trou-vaient passablement ennuyeux. Je me débar-rassai des fondus-enchaînés en faisant passersans transition, au montage, l’ascenseur duhuitième étage au rez-de-chaussée, et l’arbreen fleurs à l’arbre couvert de neige. En faisantchevaucher les dialogues; dans la vie, en effet,les gens se coupent, n’attendent pas que l’au-tre ait fini de parler. En accélérant d’un tiersenviron la vitesse de la prise de vues.”1

Frank Capra a continué d’appliquer cesmoyens à ses autres films, et ce fut le fameuxsecret — non percé à jour, sauf par lui-mêmedans son livre — de son “rythme”, de son“naturel”, et de l’“intérêt soutenu” de sa miseen scène. Par exemple, à partir de Mr. SmithGoes to Washington (1939), ayant remarquéque les gros plans ne raccordaient pas avecl’ensemble du “puzzle”, il tournait les grosplan avec le play-back du son des plans d’en-semble correspondant à la scène, ce qui don-nait des gros plans plus vivants que lorsqueles acteurs attendent les répliques de la dou-blure, ou même de l’acteur qui sait que lacaméra n’est pas sur lui. De même, il avaitinventé la méthode qui consiste à faire faireplusieurs prises aux acteurs sans couper.

Une deuxième preuve de la modernité dumontage de ce cinéaste, c’est qu’il est sorti desrails des films de fiction. Il a en effet acceptéla proposition du Général Marshall, au débutdes années quarante, de travailler avecl’Armée, pour expliquer aux jeunesAméricains, dans une série de films intituléePourquoi nous combattons, les raisons de leurentrée en guerre.

Frank Capra n’avait jamais réalisé de docu-mentaire, et en avait vu un seul, Nanouk, deRobert Flaherty (très peu de documentaires se

faisaient à Hollywood). Il s’est retrouvé avecdes actualités américaines et ennemies —films de propagande envoyés par l’Allemagneet le Japon à leurs ressortissants —, desmilliers de mètres de pellicule, dont certainsdataient d’une trentaine d’années. Il a regrou-pé tous ces films, et fait appel à une quaran-taine de techniciens de Hollywood,réalisateurs, monteurs, assistants-monteurs,musiciens, parmi lesquels John Huston,Anatole Litvak, Tony Veiller, WilliamHornbeck2. Ils ont filmé des inserts, titres dejournaux, explications animées, etc., essayantde faire comprendre les intentions ennemiesavec leurs propres documents. “Nous avonsutilisé tous les moyens possibles pour ne pasrendre ces films ennuyeux. Nous avons utiliséla musique, les sons, les effets spéciaux, lemontage de stock-shots, afin que l’écran soiten permanence rempli de choses pendant quel’on racontait l’histoire.”3

Il s’agissait à la fois d’un travail de propagan-de et d’un projet didactique, beaucoup plusvaste qu’une histoire de fiction centrée sur unhéros toujours sympathique. S’adressant à desgens qui le plus souvent ne savaient absolu-ment rien de cette guerre et de ses origines, ilfallait les convaincre de se battre et leur expli-quer avec les moyens du cinéma comment onen était arrivé là. Expliquer des politiques qui

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1 Frank Capra, Hollywood Story, Paris, Éd. Ramsay, 1985.

2 Outre William Hornbeck, dont nous avons déjà signalé lacarrière, on peut citer Elmo Williams qui a supervisé lemontage de certains épisodes de la série. Né en 1913, il atravaillé d’abord en Angleterre, sous la direction de MerrilC. White — qui avait auparavant monté des films de ErnstLubitsh. Elmo Williams reconnaît sa dette à l’égard de son“cher”. C’est ici l’occasion de dire à quel point un apprenti-monteur est marqué par les premiers films sur lesquels iltravaille, par les personnes qu’il voit travailler. ElmoWilliams s’est rendu célèbre avec High Noon (Le trainsifflera trois fois de Fred Zinnerman, 1952). Il a eu l’idéede monter le film en continuité temporelle, c’est-à-direavec la même durée que l’action, et pour rendre cette idéetangible, d’insérer des plans d’horloge régulièrement dansle film. Elmo Williams est ensuite devenu le bras droit deDarryl F. Zannuck, producteur et co-réalisateur desséquences de batailles du Jour le plus long.

3 Positif, n° 317-318, juillet-août 1987.

4 André Bazin, dans un article de 1946 repris dans Qu’est-ceque le cinéma?, tout en parlant des “admirables montagesde Capra”, signale le danger de ce genre de documentairedont “le principe consiste essentiellement à prêter auximages la structure logique du discours et au discours lui-même la crédibilité et l’évidence de l’image photogra-phique”. De l’honnêteté des fins, mais pas des moyens.

5 Dans l’enquête de Film Comment, les autres influencesmentionnées par les monteurs sur leur travail, sont Laura(d’Otto Preminger, monté par Louis Loeffler), Le troisièmehomme (de Carol Reed, monté par Oswald Hafenrichter), APlace in the Sun (George Steven, William Hornbeck),Hiroshima mon amour et son montage achronologique(Alain Resnais, Henri Colpi), ainsi que la Nouvelle Vague,particulièrement les ellipses de films de Godard. Il est éga-lement dit que presque tout ce que l’on peut considérercomme nouveau était déjà utilisé par Griffith, Eisensteinou Abel Gance.

avaient changé au cours des années, et faireconnaître l’ennemi, par le commentaire, qui aun rôle important d’information, mais aussipar l’image. Les descriptions de batailles (Labataille d’Angleterre, La bataille de Russie, Labataille de Chine) sont souvent plus com-plexes que les films hollywoodiens de l’époqueet rejoignent par leur montage certainesrecherches visuelles du cinéma muet4. La ner-vosité qui poussait Frank Capra à trouver dessolutions aux problèmes de rythme qu’il ren-contrait dans ses comédies rejoint l’inventivi-té concrète qu’il met en œuvre dans cettesérie de films “de montage”.

La série Pourquoi nous combattons est sou-vent citée par des monteurs comme ayantbousculé le montage hollywoodien.»5

Dominique Villain, Le montage au cinéma,Paris, Cahiers du Cinéma, 1991,pp. 117-119.

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LUNDI 12 JANVIEROctobre

(Oktjabr’)URSS, 1927, 84 min. R: S. M. Eisenstein Sc:Eisenstein, Grigori Alexandrov Int: V.Nikandrov, V. Popov, B. LivanovLa Russie en 1917. L’impression procu-rée par le montage-attraction cher àEisenstein, les mouvements de foule, leraffinement de certains décors fontd’Octobre une véritable symphonievisuelle.

Berlin, symphonied’une grande ville

(Berlin: Die Sinfonie der Großstadt)Allemagne, 1927, 65 min. R: W. Ruttmann Sc:K. Freund, C. Mayer, W. RuttmannInfluencé par Vertov, Ruttmann tentede nous livrer le visage de Berlin à tra-vers un documentaire.

Paris qui dortFrance, 1923, 36 min., R et Sc: René Clair Int:Henri Rollan, Albert Préjean, Marcel ValléeLe gardien de la Tour Eiffel découvre unbeau jour que Paris est endormi. L’undes premiers films de science-fiction.

EntracteFrance, 1924, 22 min. R: R. Clair Sc: F. PicabiaInt: J. Borlin, M. Ray, M. DuchampSuite d’images burlesques.

À propos de NiceFrance, 1930, 45 min. R et Sc: Jean VigoReportage ironique sur Nice et seshabitants. Utilisation malicieuse destrucages et du montage-attraction. Unebombe dans le cinéma.

LUNDI 19 JANVIERL’argent

France, 1928, 195 min. R: Marcel L’Herbier. Sc:d’après Zola Int: Brigitte Helm, Pierre Alcover,Alfred AbelLe banquier Saccard est au bord de labanqueroute et mise tout sur un avia-teur, Hamelin, qui a conçu un nouvelappareil. Non seulement il s’efforce deséduire la femme de l’aviateur, mais ilfait croire à l’échec du vol France-Guyane pour provoquer une paniqueboursière. Brillante adaptation duroman de Zola qui a été modernisé: unecaméra sans cesse en mouvement etconstamment inventive. L’Herbier mul-tiplie les tours de force.

L’homme à la caméra(Chelovek s Kinoapparatom)

URSS, 1929, 65 min. R et Sc: Dziga VertovLa vie d’Odessa: la ville s’éveille lematin et l’agitation grandit. Le soirtombe. La caméra s’emballe. Un filmimportant qui fonde le Kino-Glaz (Ciné-œil).

conférence dePhilippe Dubois

Im Land der Kinoveteranen:Filmexpedition zu Dziga VertovAllemagne, 1995, 86 min. Vo allemande stanglais. R: Thomas Tode Sc: Thomas Tode, AleMunoz Int: Stephan Canham, Hans Zischler.Un voyage à travers l’Europe sur les tra-ces de Vertov.

Pourquoi nous combattons(Why We Fight)

Destinée à expliquer aux recrues l’enjeudu conflit mondial et le pourquoi del’entrée en guerre de leur pays, la sériefut commandée à Frank Capra par lePentagone en 1942. Magistralementréalisée, utilisant le montage, lamusique, des animations pour les gran-des batailles, des documents frappantset bouleversants, cette série est fasci-nante et efficace.

La bataille de Chine(The Battle of China)

USA, 1941, 67 min. Vo non sous-titréeThe Battle of China montre l’importancede conquérir la Chine dans les viséesimpérialistes nippones.

La bataille de Russie(The Battle of Russia)

USA, 1942, 84 min. Vo non sous-titréeThe Battle of Russia trace un historiquede la Russie avant de montrer les com-bats opposant les Soviétiques auxarmées nazies. Des images des siègesde Leningrad et de Stalingrad y sontincluses.

LUNDI 26 JANVIER LUNDI 2 FÉVRIER LUNDI 8 MARS

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Naissance d’une nation(The Birth of a Nation)

USA, 1915, 190 min. R: David Wark Griffith Sc:D. W. Griffith et Thomas Dixon Jr Int: Henry B.Walthall, Miriam Cooper, Mae Marsh À travers le destin croisé de deuxfamilles prises dans la tourmente de laGuerre de Sécession, Griffith exalte lesentiment national, tout en dénonçantl’absurdité de cette guerre fratricide.Techniquement, c’est audacieux etnovateur: profondeurs de champ, pano-ramiques, travellings, montages alter-nés… Ce film influencera de nombreuxcinéastes, à commencer par Eisenstein.

photo couv.: L’homme à la caméra

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ShadowsUSA, 1960, 81 min. R: John Cassavetes Int: BenCarruthers, Lelia Goldoni, Hugh HurdGreenwich Village au début des annéessoixante. Hugh, un Noir, ne veut pass’intégrer à la communauté blanchetandis que Ben, son frère, y serait favo-rable. “Ce film est une improvisation”précise son réalisateur, qui laissa faireune troupe d’acteurs devant une camé-ra 16 mm.

Citizen KaneUSA, 1941, 119 min. R: Orson Welles Sc: H. J.Mankiewicz Int: O. Welles, Joseph Cotten,Dorothy ComingoreL’histoire évoque la vie du magnat de lapresse W. R. Hearst. Au moment de samort, le milliardaire prononce le mot“Rosebud”, qui poussera un journalisteà essayer d’en comprendre lasignification. Le film est à la fois uneenquête sur la vie privée d’un hommepublic, et une plongée dans l’Amériquecapitaliste. L’invention visuelle deWelles fit sensation, et le film est enco-re unanimement considéré comme unchef-d’œuvre indépassable.

Hiroshima mon amourFrance-Japon, 1958, 91 min. R: Alain Resnais,Sc: Marguerite Duras Int: Emmanuelle Riva, EijiOkada, Bernard FressonUne comédienne vient participer à unfilm sur la paix à Hiroshima. L’amourqu’elle éprouve pour un Japonnais luirappelle celui qu’elle vécut avec unjeune Allemand pendant la guerre. Surun ton incantatoire et poétique, enimages d’une grande beauté, le filmmêle étroitement le passé au présentdans un flot de souvenirs obsédantsmais qui déjà s’estompent.

Pacific 231France, 1949, 12 min. R: Jean Mitry Sc: d’aprèsle poème symphonique de Arthur HoneggerJean Mitry utilise un montage stylisé etla musique d’Honegger pour montrer lebref trajet d’un train.

À bout de souffleFrance, 1959, 89 min. R et Sc: J.-L. Godard, d’a-près une idée de François Truffaut Int: J.-P.Belmondo, J. Seberg, D. Boulanger, R. Hanin,J.-P. MelvilleMichel Poccard vole une voiture àMarseille. En route vers Paris, il abat unmotard. Recherché par la police, il trou-ve refuge chez une jeune Américainedont il est amoureux. À bout de soufflea bouleversé la narration classique, enfaisant fi de toute grammaire cinéma-tographique traditionnelle.

Bataille sur le grand fleuveFrance, 1950, 45 min. R: Jean RouchEthnographe, Rouch tourna son pre-mier film lors d’une expédition sur leNiger. Au montage, il s’aperçut qu’iltenait là un scénario, lequel devint undocumentaire.

Moi, un noirFrance, 1958, 70 min. R: Jean Rouch Int:Oumarou GandaTrois jeunes Africains arrivent à Abidjanpour tenter leur chance. Rouch filme defaçon parfois maladroite mais sublime,donnant ainsi à ses images une impres-sion de réalité, mais surtout de vécu.

Courts-métragesArtavazd Pelechian

URSS, de 1967 à 1975Au début; Nous; Les habitants;

Les saisons; Notre siècle.Les films de Pelechian réservent uneexpérience émotionnelle extraordinaireau spectateur. Ce n’est pas de la fiction:la plupart sont des montages d’imagesd’archives. Pas de scénario, pas de dia-logue. Les séquences qu’il prélève lui-même sur le réel, Pelechian les traitenon comme du reportage mais commedes moments de monde ou des conden-sés d’émotion dont l’intensité essentiel-le sera révélée et déployée par la magied’un montage tout en répétitions,variations et interpolations.

Sans soleilFrance, 1982, 100 min. R: Chris Marker Voix:Alexandra StewartDes lettres d’un cameraman free-lancesont lues par une femme inconnue.Réflexion sur le cinéma, sur la vidéo,sur un monde menacé. Un film difficileet exigeant aux belles images poé-tiques.

Il était une foisdans l’ouest

(C’era une volta il West)Italie, 1968, 170 min. R: Sergio Leone Int:Henry Fonda, Charles Bronson, ClaudiaCardinale, Jason RobardsUn “opéra” à la fois bouffon et déca-dent: poussière, manteaux de cuir etrevolvers sont les condiments d’unmonde âpre et sans pitié. Impression-nant travail sur le temps à travers lemontage.

LUNDI 15 MARS LUNDI 22 MARS LUNDI 29 MARS

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LUNDI 5 AVRIL

Pour que la première scéance du cyclecommence à l’heure, lesabonnements sont mis en vente dès18h30.

Une fiche filmique est mise àdisposition avant la projection.

Sauf mention particulière les films sonten version originale sous-titrée.

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Nouvelle vague: une révolution dans le montage

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La transparence du montage classiquehollywoodien«Dès le milieu des années 30, à Hollywood, lemontage classique parvint à son apogée aupoint de devenir un modèle pour les cinémato-graphies du monde entier. Étroitement déter-miné par le découpage, il reposait sur quelquesprincipes simples. La forme narrative s’efforceà la simplicité: respect de la continuité, de lalinéarité et des trois unités (action, temps etlieu). Le développement narratif dicte la formedu film. Les points de vue successifs du décou-page intègrent le spectateur en lui donnant lameilleure vision possible de l’action. Une ponc-tuation simple (fondus, enchaînés, volets)exprime le passage du temps. L’ambiancesonore, les raccords (de mouvement, deregard), le ping-pong des champs-contre-champs donnent le sentiment de la continuitéde l’action. Comme les autres moyens d’expres-sion, le montage s’efforce d’être invisible.

L’un des rares modes de montage qui renonce àcette transparence si intensément recherchéeest justement ce qu’on appelle montage dansle vocabulaire technique américain: un brefassemblage de plans très courts utilisés entredeux séquences pour exprimer le passage dutemps, une hallucination, le résumé partield’une carrière (ainsi les débuts lyriques deSuzan dans Citizen Kane). Ce montage à effetsse situe curieusement dans la descendance du

montage rapide des Russes, des Français et desfilms d’avant-garde…

Le montage classique en questionTous les films américains n’assumèrent pas unetelle transparence. Le cas le plus célèbre estcelui du Citizen Kane d’Orson Welles, tourné en1939 et sorti en 1941, qui apparut dans cecontexte — et dans plusieurs autres —comme une véritable provocation. Non seule-ment le réalisateur mettait en œuvre un mon-tage parsemé d’effets voyants et une bandesonore éblouissante, non seulement il intro-duisait des plans particulièrement longs, maisil bouleversait la linéarité de la narration enprocédant à une série de retours en arrière. Àl’effacement du réalisateur que visait larecherche de l’invisibilité, Welles substituaitl’affirmation provocante de l’auteur. Son filmfut de ceux, très rares, qui font naître d’autresfilms.

Les plans longs de Citizen Kane jouaient sur laprofondeur de champ pour en tirer des effetsgraphiques et dramatiques comme ceux,contemporains, de William Wyler: on les appe-lait plans séquences. Un travail très élaborésur l’espace et la lumière les distinguait radica-lement de la platitude du tableau. Une autreforme du plan séquence était le long plan enmouvement, généralement effectué à la grueou à la dolly, tel que le pratiqua Otto

Preminger dès Laura (1944), pour mieux tra-quer ses personnages et explorer leur décor. Ceplan permettait d’éviter le montage sansrenoncer pour autant au découpage (en pre-nant découpage au sens large de partage del’espace et pas seulement de partage dutemps). Le succès de ce plan en mouvementdans les années 40 et 50 tint à des raisonsdiverses: artistiques d’abord, le passage d’uncadre à un autre ne s’effectuant pas par descollures mais par un glissement fluide, quasionirique, de la caméra; prosaïques aussi, leréalisateur plaçant au milieu d’un plan long lesscènes qui lui tenaient à cœur et qui échap-paient ainsi aux ciseaux du monteur.

Ce jeu sur la durée ne pouvait manquer de sus-citer le rêve d’un film en un seul plan, en uneseule coulée. Alfred Hitchcock releva le défiavec La corde (1948). Mais l’énorme caméraTechnicolor n’acceptant pas plus de 300 mèt-res de pellicule, soit 11 minutes d’autonomieau maximum, il fallut, pour le tournage, divi-ser l’action continue du film en onze plans.1

Les appareils de projection de l’époque, dispo-sés en double poste, pouvant recevoir desbobines de 600 mètres, Hitchcock prévit, ausein de chacune des cinq bobines de projec-tion, un raccord effectué sur le dos d’un per-sonnage qui venait momentanément obturerl’écran. Entre chaque bobine, par contre, ilétait impossible de prévoir un tel raccord que

photo: À bout de souffle

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la dégradation rapide des extrémités de la pel-licule aurait très vite compromis. La liaison sefit donc par simple champ-contrechamp.

Si nous nous sommes étendus sur cette expé-rience, c’est que ses conclusions sont révélatri-ces: en regardant ce film aujourd’hui, nousnous apercevons que les raccords ne passentpas inaperçus, notre attention étant attiréepar le masquage inhabituel du champ; à l’in-verse les simples champs-contrechamps sontquasiment invisibles, même pour des specta-teurs avertis, tant nous avons intégré ce jeuavec l’espace qui dut être si difficile à mettreen place… Hitchcock tira les leçons de l’expé-rience en revenant au découpage-montage tra-ditionnel qu’il pratiquait avec un artconsommé.

Au début des années 50, le montage eut égale-ment à subir la menace de l’écran large quiselon certains commentateurs devait aboutir àl’allongement des plans — mais il n’en futrien. Enfin, il fut placé dans la ligne de mire dethéoriciens qui l’examinèrent avec suspicionou qui dénoncèrent, tel André Bazin dans sonfameux article, “Montage interdit”, ses facili-tés d’utilisation. Bref, le montage connut unesérieuse et nécessaire remise en questionavant de rebondir dans les décennies suivan-tes.

cée, un mouvement d’appareil envoûtant à lafaçon de Kenji Mizoguchi dans Les contes de lalune vague après la pluie (1953), suggéraienttout aussi bien le passage. La figure de style laplus controversée fut sans conteste le champ-contrechamp, très utilisé dans le cinéma clas-sique pour filmer notamment uneconversation à deux personnages. Sans remet-tre en cause la ”règle” des directions de regard(elle est aujourd’hui respectée par la quasitotalité du cinéma mondial, même si certainsauteurs y ont attaché une importance inégale,de Carl Dreyer2 à Clint Eastwood), on repro-chait, du point de vue de la mise en scène, lafacilité paresseuse de ce ping-pong visuel. Ilest amusant d’observer les solutions plus oumoins inventives des cinéastes utilisées pouréviter d’avoir recours à la figure décriée:simple plan de profil des deux personnages,mouvement d’appareil, mise en place sophisti-quée…

Les figures valoriséesD’autres procédés peu goûtés du montage clas-sique furent au contraire valorisés: le planséquence (nous l’avons déjà évoqué); le mon-tage éclaté (nous y reviendrons); les effets demontage choc utilisant volontiers le son (le cristrident du cacatoès placé en tête de laséquence du départ de Susan et de la colère deson mari dans Citizen Kane; en Europe, le pro-cédé fut repris notamment par Juan Antonio

Le modèle remis en causeLa belle mécanique du montage classique hol-lywoodien des années 30 et 40 fut longtempsconsidérée comme un achèvement quasidéfinitif. Le montage, étroitement lié audécoupage, était l’un des rouages d’une écritu-re lisse et transparente qui, sans exclure nil’invention, ni le brio de la mise en scène,imposait la discrétion du mode de représenta-tion. Ce montage servit de modèle à toutes lescinématographies du monde, y compris aucinéma soviétique des années 30 à 60.Aujourd’hui encore, il inspire une partie de laproduction courante. Cependant des réalisa-teurs importants (ceux que l’on peut qualifierd’auteurs) y firent de sérieuses entorses. ÀHollywood, Orson Welles (nous l’avons dit) etAlfred Hitchcock méprisèrent la transparence,mettant en avant la force de leur écriture per-sonnelle.

Quelques figures de style contestéesCette remise en cause porta sur de nombreuxprocédés et effets relevant du montage et enparticulier sur ceux concernant la continuitéet la linéarité du récit. On dénonça les transi-tions factices: le camouflage permis par le plande coupe lorsqu’il s’agissait d’un “plan desecours”, le caractère désuet des longs fondusenchaînés qui annonçait un retour en arrièreou une traversée de la réalité au rêve: unecoupe franche et une bande sonore bien pla-

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Bardem dans Mort d’un cycliste, (1955); lejump cut, saut consécutif à une coupe effec-tuée à l’intérieur d’un plan, dont on trouve desexemples célèbres dans Les quatre cents coups(1959) de François Truffaut (série de plans surAntoine Doinel interrogé par l’assistante socia-le) et À bout de souffle (1960) de Jean-LucGodard (série de plans sur la nuque de Patriciadans une voiture).

“Montage mon beau souci”Une légende veut que Jean-Luc Godard, cons-tatant que le premier montage d’À bout desouffle dépassait d’une demi-heure la duréesouhaitée pour son film, ait coupé systémati-quement quelques images en tête et en queuede chaque plan au lieu de sacrifier des scènesentières selon la pratique habituelle. Cettelégende est révélatrice des réactions des “pro-fessionnels de la profession” de l’époque, quiaccusaient Godard de tous les maux car il s’at-taquait frontalement à une des “règles” fonda-mentales du montage classique: le raccord quise devait d’être juste et invisible.

L’examen attentif d’À bout de souffle3 nousprouve que son montage ne relève aucune-ment du hasard. Godard n’était pas un noviceen ce domaine et surtout il avait été trèsimpressionné par le film ethnographique deJean Rouch, Moi, un noir (1959) tourné endehors des normes traditionnelles de la conti-

nuité filmique. Par ailleurs, le tournage d’Àbout de souffle, largement improvisé, sansdécoupage préalable, affranchissait le montagede toute contrainte préalable. Godard joual’audace des coupes, cultiva l’ellipse et donnaau film son style inimitable, rapide et syncopé.

Mais insistons sur un point: la rupture avec leraccord classique ne signifie pas l’assemblagearbitraire des plans tel qu’on le trouve parexemple dans les clips. Ainsi Godard utilise leraccord de mouvement, traditionnellementdestiné à établir la continuité spatio-tempo-relle de l’action, pour relier deux scènes dis-tinctes et donner du dynamisme à leursuccession: Michel Poicard amorce dans la pre-mière un geste qu’il achève dans un espacedifférent et à un autre moment. Avec uneingénuité non feinte, Godard prouvait que lemontage n’obéissait obligatoirement ni auxpressions du découpage, ni à des “règles” quin’étaient souvent que des habitudes, mais qu’ildevait être réinventé pour les besoins dechaque film.

Le collage, la “collure rapide”À bout de souffle cultivait l’art de l’esquisse, del’improvisation allègre et de l’air du temps.Hiroshima mon amour (1959) jouait aucontraire la carte d’une structuration com-plexe et d’une forme soigneusement élaborée.Inspiré par Citizen Kane (et par Intolérance?),

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Alain Resnais, qui fut et reste un remarquablemonteur, y abandonnait les rivages conforta-blement balisés du récit classique pour orches-trer à la façon d’une partition musicale unesérie de motifs hétérogènes jusqu’à les brasserétroitement dans la dernière partie du film.Mais le principal apport de l’auteur de Nuit etbrouillard (1956) tint dans la hardiesse de sescollages (au sens pictural du terme). Resnaismêlait les images documentaires de la tragédied’Hiroshima à une histoire d’amour contempo-raine et aux souvenirs mal éteints de Neversqui surgissaient du passé de l’héroïne. Dès Unefemme mariée (1964), Godard pratiqua deseffets de collage dans presque tous ses films.

À l’opposé du cinéma d’auteur de Resnais et deGodard, l’autre étape marquante du montagecontemporain apparut avec les deux films deSam Peckinpah: La horde sauvage (1969) etChiens de paille (1971). La violence paroxys-tique de ces films utilisait tous les mécanismesdu montage court: fast cut (surdécoupage d’unsimple mouvement en une série de plans trèsbrefs), jump cut frénétique. L’usage paradoxaldu ralenti permettait de mieux faire ressortirla fréquence délirante des effets. On retrouvede larges traces de ce style exacerbé dans lesfilms d’action et dans la production commer-ciale contemporaine.

Vincent Pinel, Le montage, l’espace et le tempsdu film, Paris, Cahiers du Cinéma, 2001, pp.46-55.

1 La caméra numérique permet désormais de concré-tiser ce rêve du plan unique. Time Code de MikeFiggis (États-Unis, 2000) pousse le challenge jus-qu’à présenter en “split screen” quatre plans syn-chrones d’une heure trente au prix, il est vrai, d’as-sez nombreux temps morts…

2 Le cas de Dreyer est curieux: sa Passion de Jeanned’Arc (1928) respecte scrupuleusement les direc-tions de regards; le film repose même sur cetterelation entre Jeanne et ses juges. Jour de colère(1943), film formellement très accompli, est parcontre assez désinvolte sur cette question et com-porte beaucoup de contrechamps à 180°. Mais lesinversions de sens des personnages sur l’écran nenuisent pas à la compréhension et ne semblent pasperturber le spectateur…

3 Voir à ce sujet l’étude critique de Michel Marie, Àbout de souffle, Paris, collection Synopsis, Nathan,1999, pp. 65 et suivantes.

photo: Hiroshima mon amour

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«Aucun élément d’un film ne peut trouver desens, pris isolément: l’œuvre d’art est le filmconsidéré dans son ensemble. Ses composan-tes ne peuvent être séparées artificiellementque pour quelque discussion théorique.

Je ne peux être d’accord avec ceux qui pré-tendent que le montage est l’élément déter-minant du film. Autrement dit, que le filmserait créé sur une table de montage, commel’affirmaient dans les années 20 les partisansdu “cinéma de montage”, Koulechov etEisenstein.

On dit souvent, à juste titre, que tout artnécessite un montage, c’est-à-dire une sélec-tion, un assemblage et un ajustement d’élé-ments. Mais l’image cinématographique naîtpendant le tournage et elle n’existe qu’à l’in-térieur du plan. C’est pourquoi, en tournant,je suis si attentif à l’écoulement du tempsdans le plan, pour essayer de le fixer et de lereproduire avec précision. Le montage articu-le ainsi des plans déjà remplis par le temps,pour assembler le film en un organisme vivantet unifié, dont les artères contiennent cetemps aux rythmes divers qui lui donnent lavie.

L’idée des partisans du “cinéma de montage”(le montage assemble deux concepts pour en

engendrer un troisième, un nouveau) me sem-ble totalement contraire à la nature même ducinéma. Car un jeu de concepts ne peut être lebut ultime de l’art, tout comme son essencene se trouve pas dans un assemblage arbitrai-re. L’image est liée au concret, au matériel,pour atteindre, par des voies mystérieuses, àl’au-delà de l’esprit. Et c’est peut-être à celaque pensait Pouchkine quand il disait: “Lapoésie doit être un peu bête.”

La poétique du cinéma, qui est mêlée à la sub-stance matérielle la plus quotidienne, celleque nous foulons tous les jours, s’oppose ausymbolique. Il suffit de regarder, à partir d’unseul plan, la manière dont un réalisateursélectionne et reproduit cette matière, poursavoir s’il a du talent ou le don de la visioncinématographique.

Le montage n’est, au bout du compte, que lavariante idéale d’un collage de plans contenuea priori à l’intérieur du matériel filmé. Monterun film de manière juste, correcte, signifie nepas rompre le lien organique entre certainsplans et certaines séquences, comme si lemontage y était contenu à l’avance, comme siune loi intérieure régissait ses liens, et enfonction de laquelle nous avions à couper et àcoller. La loi de la corrélation, du lien entre lesplans, n’est pas toujours facile à saisir, surtout

lorsque la scène a été tournée de façon impré-cise. Le montage n’est plus alors un assembla-ge d’éléments logique et naturel, mais unpénible processus de recherche d’une articula-tion entre les plans, destiné à faire ressortirl’unique essentiel déjà contenu dans le maté-riau.

Ici s’accomplit comme un processus inversé.Une construction nouvelle s’organise d’elle-même au cours du montage, grâce aux pro-priétés particulières contenues dans lematériel filmé. L’ordre donné aux plans révèleen quelque sorte leur essence. […]

Les raccords de plans organisent la structuredu film mais ne créent pas, contrairement à cequ’on croit d’habitude, le rythme du film. Lerythme est fonction du caractère du tempsqui passe à l’intérieur des plans. Autrementdit, le rythme du film n’est pas déterminé parla longueur des morceaux montés, mais par ledegré d’intensité du temps qui s’écoule eneux. Un raccord ne peut déterminer unrythme (ou alors le montage n’est qu’un effetde style), d’autant plus que le temps dans unfilm s’écoule davantage en dépit du raccordqu’à cause de lui. C’est ce flux de temps, fixédans le plan, que le réalisateur doit saisir àl’intérieur des morceaux posés devant lui surla table de montage.

Tarkovski: contre une esthétique du montage

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Le temps fixé dans le plan dicte au réalisateurle principe de son montage. Et les morceauxqu’on ne peut monter ensemble sont ceux oùle caractère du temps est trop radicalementdifférent. Ainsi, on ne peut pas plus monterdu temps réel avec du temps conventionnel,qu’on ne peut raccorder ensemble des tuyauxde diamètres différents. Cette consistance dutemps qui s’écoule dans un plan, son intensi-té ou au contraire sa dilution, peut être appe-lée la pression du temps. Le montage est alorsune forme d’assemblage de petits morceauxfaite en fonction de la pression du temps quechacun renferme.

L’unité de l’impression ressentie à travers desplans différents peut être amenée par l’unitéde la pression, ou de la tension, qui détermi-ne le rythme du film. […]

Je réfute le soi-disant “cinéma de montage”et ses principes, car il empêche le film dedépasser les limites de l’écran en ne permet-tant pas au spectateur d’apporter, comme ensurimpression, sa propre expérience à ce qu’ilvoit. Le cinéma de montage propose au spec-tateur des rébus et des devinettes, lui faitdéchiffrer des symboles, ou s’étonner devantdes allégories, en faisant toujours appel à sesfacultés intellectuelles. Toutefois, chacune deces énigmes a sa solution précise. C’est ainsi,

selon moi, qu’Eisenstein prive le spectateur dela possibilité de ressentir à sa manière ce qu’ilvoit à l’écran. Lorsque, dans Octobre, il juxta-pose une balalaïka et Kerenski, la méthodeexprime en elle-même le but recherché, dansle sens de la citation de Valéry. Le mode deconstruction de l’image devient le but en soi,et l’auteur engage une véritable offensivecontre le spectateur, lui imposant sa propreattitude devant les événements. […]

Le montage existe à l’évidence dans n’importequel art, comme la conséquence de la sélec-tion et de l’assemblage que doit opérer l’artis-te, et sans lesquels aucun art n’existerait. Cequi est particulier au montage de cinéma estqu’il articule du temps imprimé sur des mor-ceaux de pellicule exposée. Le montagedevient un collage de morceaux, grands oupetits, qui portent chacun en eux-mêmes untemps particulier. Cet assemblage donne nais-sance à une nouvelle perception de l’existencede ce temps, résultat des rejets et des coupesopérés au cours du processus. Mais, comme jel’ai dit, ce qui fait la spécificité de ce collageest contenu au préalable dans les morceauxdu film. Le montage, en tant que tel, n’engen-dre pas quelque qualité nouvelle, mais ne faitque révéler ce qui existait déjà dans les plansà monter. Le montage est anticipé au cours dutournage, il est présupposé dès le départ par

la nature de ce qui est filmé. Ne sont du res-sort du montage que les longueurs des mor-ceaux et leur intensité d’existence, telles queles a enregistrées la caméra, et non pas lessymboles abstraits, les objets pittoresques oules compositions subtiles de la scène. Il ne s’a-git donc pas de deux concepts semblables,dont la rencontre ferait apparaître quelque“troisième sens”, selon une idée courantedans la théorie du cinéma, mais bien de ladiversité de la vie perçue et fixée dans leplan.»

Andreï Tarkovski, Le temps scellé, Paris,Cahiers du Cinéma, 1989, pp. 109-114.

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Glossaire

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Champ-contrechamp: Procédé de montage classique(qui est en fait de l’ordre du découpage) où deuxplans se succèdent en proposant à l’écran deux por-tions d’espace opposées. Par exemple lors d’un dia-logue, on verra chacun des deux personnages suc-cessivement, qui se font face. Le “raccord regard”se fait aussi sur ce principe: un plan sur le person-nage en train de regarder, puis un plan sur ce qu’ilvoit en face de lui.

Chute: Morceaux de plans non retenus dans le mon-tage définitif (par exemple un début de prise avecle clap).

Collure: C’est le raccord physique sur la pellicule: l’en-droit où se situe la colle, ou le ruban adhésif. Maisc’est aussi le moment où se “rencontrent” deuxplans du film; plus conceptuellement, c’est le rac-cord: tel geste continué, ou tel cri (raccord imageet son), puis tel événement, etc.

Conformation: C’est le terme employé en montagevirtuel comme équivalent du montage négatif.(voir: Négatif)

Cutting: L’action de couper. Ce terme anglais désignel’action purement matérielle du monteur.

Editing: La conception du montage. Par opposition àcutting, ce terme désigne les choix d’“architecture”du montage.

Faux raccord: On appelle ainsi le passage d’un plan àun autre qui ne correspond pas aux conventions decontinuité du montage classique. Par exemplelorsque le spectateur ressent une “saute” spatialeou temporelle, lorsque les plans ou les scènes ne“raccordent” pas logiquement. Le faux raccord peutêtre le résultat d’une maladresse, mais souventaujourd’hui, c’est un choix esthétique, dans uncinéma moderne qui privilégie les ruptures.

Film de montage: Se dit d’un film constitué de docu-ments préexistants (archives, films tournés anté-rieurement, photographies, etc.), où le travailconsiste à réunir et composer au montage ces diffé-rents éléments.

Final cut: Détenir le final cut, c’est, par contrat, déci-der en dernier ressort du montage du film. ÀHollywood, c’était la prérogative du producteur, quien usait souvent contre le gré des réalisateurs.Ceux-ci, en particulier après l’avènement de lanotion d’auteur, en ont fait une revendication prio-ritaire.

Fondu au noir: Obscurcissement progressif de l’écran,qui permet de clore un plan lentement. Dans cer-tains cas, plus rares, on peut avoir recours à unfondu au blanc, ou à diverses couleurs (par exemplele rouge, dans Cris et chuchotements, de Bergman).Les deux effets visent à un ralentissement de lareprésentation, marquant souvent une ellipse dansle récit, et évitant la rupture brutale du cut.Symétriquement, il existe des ouvertures au noir(ou au blanc, ou à telle couleur). Tous ces effetssont obtenus aussi bien à la prise de vue que partrucage-laboratoire.

Fondu enchaîné: Simultanément, un plan s’efface(par effet optique) et un autre apparaît, se super-posant pendant quelques images. La plupart dutemps, c’est en laboratoire, plutôt qu’à la prise devue, que l’effet est obtenu.

Insert: Un gros plan qui vient s’insérer dans la conti-nuité filmique pour insister sur un aspect particu-lier de la situation, du personnage, de l’action.Quand ce plan d’insert est métaphorique, ne se rap-portant à la continuité qu’intellectuellement ousymboliquement, on parle d’insert extradiégétique.

Jump cut: Il s’agit d’une “saute” entre deux plans,produisant un faux raccord. Volontaire ou non, elleconsiste à ne pas déplacer suffisamment la caméralors d’un changement d’axe ou de distance (c’est enparticulier une dérogation à la règle dite des 30degrés). Le spectateur peut avoir alors l’impressionque l’image “saute”. Les jeunes réalisateurs de laNouvelle Vague (Godard, Truffaut, Rozier) enavaient fait une figure récurente. Depuis, le terme apris une acception plus large, désignant tous leseffets de “saute” produits par exemple par l’inter-ruption d’un plan.

Lightning mix: Littéralement, un “mélange éblouis-sant”. Expression forgée par le critique anglaisPeter Cowie pour désigner certains effets de CitizenKane, et utilisée depuis par d’autres exégètes dufilm. Il s’agit d’un raccord sonore qui mêle deuxactions différentes, l’une proposant par exemple ledébut d’une phrase, l’autre la fin, mais sans aucunelégitimité diégétique. C’est en quelque sorte l’inver-se d’un faux raccord, au sens où la continuité estartificiellement maintenue entre deux scènes dis-tinctes — pour des raisons expressives évidem-ment.

Montage alterné: Lorsque deux actions simultanéesse succèdent alternativement à l’écran. Par exempledans une course poursuite, on verra alternative-ment les poursuivants et le poursuivi. Le principeest de faire comprendre par le montage la contem-poranéité des différentes actions.

Montage caméra: Le montage est prévu dès le tourna-ge lui-même, et les raccords, ainsi que l’ordre desséquences filmées, sont “intégrés” dans les choixeffectués par le cadreur.

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Montage cut: Se dit d’un montage où les plans se suc-cèdent sans raccords optiques (fondus, volets, etc.).Ils sont coupés net à la fermeture et à l’ouverture,et se juxtaposent franchement. Par ailleurs le sonest aussi “coupé net”, c’est-à-dire n’assure pas decontinuité parallèlement à l’image. On parled’ailleurs aussi, à ce propos, de “coupe franche”.

Montage linéaire: Il désigne l’organisation d’un filmcomportant une action unique exposée en unesuite de scènes placées dans un ordre logique etchronologique.

Montage inversé: Se dit du montage qui bouleversel’ordre chronologique au profit d’une temporalitétoute subjective et éminemment dramatique, ensautant librement du présent au passé pour revenirau présent.

Montage parallèle: Lorsque deux actions sont mon-trées alternativement sans qu’il y ait simultanéitéentre elles. Elles entretiennent alors des rapportsthématiques (les riches, puis les pauvres; une géné-ration, puis une autre, etc.) plutôt que temporels.

Montage rapide: Se dit d’une succession de planscourts; on parle aussi alors de montage serré.

Montage son: C’est évidemment l’opération de mon-tage opérée sur la (ou les) bande(s) son lorsquecelle-ci est additionnelle (son non synchrone). C’estun montage spécifique, qui n’a pas toujours ététraité avec la créativité qu’il mérite. Il se fait enfonction de la bande image, mais peut être beau-coup plus qu’une simple illustration sonore decelle-ci.

Négatif (montage négatif): Le négatif (film où lalumière des images est inversée par rapport à laréalité) est la matrice à partir de laquelle sonttirées toutes les copies positives. Les opérations demontage s’effectuent sur une copie de travail quiest un premier tirage positif. Lorsque cette copiede travail est considérée comme achevée, on repor-te tous les choix, les coupes, l’ordre des plans surle négatif resté en laboratoire. À partir de ce mon-tage négatif (ou conformation), dans lequel oninsère les effets de raccord optiques, on tirera lescopies (positives à nouveau) destinées à la projec-tion. Ce seront les copies standard.

Plan de coupe: Plan dont la fonction est davantaged’assurer la continuité de la représentation, qued’être expressif par lui-même. Les contrechampsont souvent cette fonction, qui permet d’éviter,surtout dans le cinéma classique, des plans troplongs.

Raccord: Ce terme désigne à la fois l’opération tech-nique de collure entre les plans et la recherche,dans la mise en scène, d’une relation entre lesplans qui se succèdent. Le raccord est alors unefaçon d’adoucir la césure constituée par le cut.

Raccord optique: Un lien entre les plans qui ne doitrien à la mise en scène proprement dite, mais esteffectué par trucage: fondu, volet, superposition,etc.

Rushes: L’ensemble des scènes tournées (les prises) ettirées en positif par le laboratoire (“prises cer-clées”) parmi lesquelles on choisira les éléments dumontage définitif. Les rushes qui n’ont pas étéretenus sont néanmoins conservés à l’état de néga-tif, et peuvent faire l’objet d’un deuxième choix.

Split screen: Procédé qui consiste à partager l’écranen plusieurs actions en même temps. C’est unesorte de montage dans l’espace plutôt que dans letemps. Il a surtout été utilisé, le temps d’une modepassagère, dans le cinéma des années 1960.

Volet: Trucage qui donne l’impression, à l’écran,qu’une image est “poussée” par la suivante, commeun volet que l’on tire, de haut en bas, ou de droiteà gauche, etc. C’est un raccord optique tombé endésuétude. (Parfois, ce volet peut être naturel,lorsque le cinéaste utilise une cloison, un arbre, unélément du décor pour substituer un plan à unautre par mouvement de caméra. Un type de voletnaturel est par exemple employé lorsque le plan setermine sur une surface — pan de mur, veste, etc.— qui permet d’enchaîner sans trucage sur un plandifférent; on trouve parfois ce type de volet sous lenom de raccord von Bolvary, du nom d’un cinéasteaustro-hongrois des années 1920.)

Vincent Amiel, Esthétique du montage, Paris,Nathan, 2002.

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Bibliographie

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Au lieu de proposer un panorama complet deslivres qui ont pu être écrits sur un sujet ou unréalisateur, nous avons préféré limiter les réfé-rences à un ou deux ouvrages, ceux qui nousparaissaient proposer soit la plus synthétique,soit la plus éclairante des approches. C’estpourquoi nous nous sommes permis d’ajouterdes commentaires, afin de guider le lecteur nonspécialiste vers les études les plus abordables.Par ailleurs, et dans le même souci, nous neproposons ici que des ouvrages en français. Lelivre de Karel Reisz et Gavin Millar, TheTechnique of Film Editing, fournira aux lecteursintéressés des références anglo-saxonnes.

Sur la forme cinématographiqueAumont J., Bergala A., Marie M., Vernet M.,Esthétique du film, Paris, Nathan-Cinéma, 3e

édition, 1999. L’ouvrage de base concernant lesdifférentes approches théoriques du cinéma.Une synthèse didactique.Bazin A., Qu’est-ce que le cinéma?, Paris, LeCerf, coll. “7e Art”, 1962. Recueil d’articles d’ungrand nom de la critique cinématographique,dont la plupart des prises de position esthé-tiques à propos du cinéma sont à la base desréflexions contemporaines. On y trouve parexemple le fameux article “Montage interdit”,qui pose un certain nombre d’axiomes cons-tamment (et souvent implicitement) utilisésaujourd’hui.

Bordwell D., Thompson K., L’art du film. Uneintroduction, Bruxelles, De Boeck Université,2000. Traduction récente d’un grand classiqueaméricain, qui traite des différents éléments demise en scène cinématographique, de manièreextrêmement claire, avec de nombreux exem-ples, des études de séquence, de films, et unequantité d’informations pratiques. C’est ungros ouvrage très pédagogique, qui contient enparticulier une bibliographie fournie…Brenez N., De la figure en général et du corpsen particulier. L’invention figurative au cinéma,Bruxelles, De Boeck Université, 1998. Un livrepassionnant, dont les développements théo-riques et les champs de référence complexes enfont, à l’inverse du précédent, un ouvrageréservé à un public très averti.Bresson R., Notes sur le cinématographe, Paris,Gallimard, coll. “folio”, 1988. Les aphorismesd’un des plus grands cinéastes qui soient, sousune forme simple et brève, et que l’on n’en finitpas de méditer. La réflexion sur le montage, enparticulier, y est constamment créatrice.Deleuze G., Cinéma, 2 tomes, Paris, Minuit,1985. Le livre d’un philosophe contemporainqui effectue une vaste synthèse des courantsmajeurs de l’histoire du cinéma. Un livre dechevet qui s’intéresse au cinéma en spécialisteéclairé.Eisenstein S. M., Le film, sa forme, son sens,Paris, Christina Bourgois, 1976. Un des très

nombreux ouvrages du cinéaste soviétique.Une introduction à ses conceptions théoriqueset à sa réflexion sur le montage.

Sur le montageÀ propos de la pratique du montage, voiciquelques titres d’ouvrages écrits par des mon-teurs ou laissant une large place à leurs témoi-gnages:Jurgenson A., Pratique du montage, Paris,Femis, 1990.Villain D., Le montage au cinéma, Paris,Cahiers du cinéma, 1991.Cinématographe, n°108, mars 1985, “Lesmonteurs”.

À propos de l’esthétique du montageAumont J., Montage Eisenstein, Paris,Albatros, 1979.Bordwell D. et Thompson K., L’art du film.Une introduction, Bruxelles, De BoeckUniversité, 2000. En particulier le chapitre VIII,“D’un plan à l’autre: le montage”.Deleuze G., Cinéma, tome 1: L’image-mouve-ment, Paris, Minuit, 1985. En particulier le cha-pitre III, “Montage”.Koulechov L., L’art du cinéma et autres écrits,Lausanne, L’Age d’homme, 1994.Mitry J., Esthétique et psychologie du cinéma,Éditions universitaires, 1963. En particulier letome I, chapitre “Le rythme et le montage”.Iris n°6, 1986, “L’effet Koulechov”.

photo: Il était une fois dans l’ouest

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DD��ÞÞlleemmeennttssUne exposition dÕartcontemporain � partir deLÕHomme � la cam�ra deDziga Vertov

HHaauuttee ��ccoollee ddÕÕaarrttss aapppplliiqquu��ss HHEEAAAA--GGeenn��vvee((22,, rruuee NNeecckkeerr,, 11220011 GGeenn��vvee))

VVeerrnniissssaaggee llee mmaarrddii 33 ff��vvrriieerr 22000044,, 1188hhEExxppoossiittiioonn dduu 44 ff��vvrriieerr aauu 1122 mmaarrss 22000044

mmaa--vvee,, 1155hh--1188hh3300 ÑÑ ssaa,, 1100hh--1166hhDepuis 2000, Philippe Dubois, historien du cinéma et théoricien,collabore à un projet de recherche avec des professeurs etassistants de la HEAA-Genève intitulé “ Exposer les images enmouvement ”. Cette recherche a donné lieu à un colloque dont lesactes ont été publiés (Musées en mutation, éd. HEAA - Muséed’art et d’histoire, 2000), à une série de conférences enpartenariat avec le Mamco et le Centre pour l’imagecontemporaine en 2001, à une série de séminaires avec lesétudiants HEAA et se clôt autour de la collaboration entre laHEAA et les Activités culturelles de l’Université, avec laconférence de Philippe Dubois le 2 février au Ciné-club, et levernissage de l’exposition Défilements le 3 février.

Le cinéma de Vertov est le pivot autour duquel s’articulent des œuvresd’artistes contemporains de l’exposition, qui s’ouvre sur une projectionen boucle de L’Homme à la caméra.

Egbert Mittelstädt fait des photographies, des vidéos et des installa-tions à partir des mêmes prises de vue. La juxtaposition dans unemême image du mouvement et de la statique est approchée différem-ment d’un projet à l’autre, mais elle suscite toujours la même mélanco-lie à propos de la fuite du temps. L’exposition présente Time Machine(installation), Elsewhere (projection) et Passersby (photographie).

Emmanuel Carlier installe Graph, un système d’écran plasma sur desrails, dont le mouvement de va-et-vient “scanne” l’image d’un corpshumain, que le spectateur est amené à voir d’une façon inédite.

Les photographies d’Éric Rondepierre sont toujours liées au cinéma;on connaît bien ses agrandissements de photogrammes trouvés; avecStances, l’artiste propose une série de photographies prises par la fenê-tre d’un train en marche.

La vidéo de Joan Jonas, Vertical Roll (1972) montre le visage de l’ar-tiste qui traverse l’écran de haut en bas, puis réapparaît et traverseencore; le mouvement est saccadé, souligné par des barres parasitesqui traversent aussi l’écran.

Enfin, trois travaux produits par les étudiants post-grade de la HEAAdans le cadre de projets de recherche sont intégrés à l’exposition.

Play Boy est un dispositif interactif dans lequel l’utilisateur doit, aumoyen de ses déplacements, lire des séquences vidéos. Concept et tour-nage: Annelore Schneider, Angela Marzullo, Sidonie Carrillat, DamienMolinaux, Jean-Luc Marchina, Caroline Bernard. Assistance tech-nique: Pierre Rossel.

Grande Roue est un dispositif interactif réalisé par le groupe de recher-che: “Formes de l’interactivité” en 2003. Dans cette œuvre, le specta-teur opère une sorte de “montage interactif” de deux vidéos.Conception: Caroline Bernard. Assistance technique: Damien Molinaux(tournage) Dominique Fabre (son) Pierre Rossel (programmation).Comédienne: Jessica Brouze.

Ces deux œuvres ont été exposées lors de la deuxième session deJOUABLE à Kyoto, en novembre 2003.

On tongs est une installation vidéo-interactive dans laquelle le specta-teur chausse des tongs munis de capteurs pour se mouvoir et animerles images. Conception: Jean-Luc Marchina.

Pour une description des œuvres d’étudiants: www.f-i.ch

Renseignements: 022 731 37 57 - www.hesge.ch/heaa

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VISIONS DU RÉELFESTIVAL INTERNATIONAL DE CINÉMAWWW.VISIONSDUREEL.CH

ÉMOTIONS, L’ESSENTIEL ESTÀ NYON DU 19 AU 25 AVRIL 2004

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Groupe de travail duCiné-Club Universitaire

Sebastian Aeschbach, FlaviaAmbrosetti, Leila Amacker, Solange

Amstutz, Abderrahmane Bekiekh, SaraCenzual, Anne Chamot, Frédéric

Favre, Guido Ferretti, Joëlle Lévi,Julie Mancilla, Astrid Maury, Lucie

Rebetez, Stéphanie Rouillon, MarcoSabbatini, Léa Signer, Moritz Zander

ResponsableVincent Jacquemet

assisté deMagdalena Frei Holzer

Nous remercions Philippe Dubois, Jérôme Baratelli,

Guy Milliard, Julien Roby, LysianneLéchot Hirt, Monsieur Popovic du

CRDP pour son aide à la recherche dedocumentation, le DAEL, la Fondation

Arditi, la Fondation Wilsdorf, RuiNogueira du CAC-Voltaire, Bernard

Uhlmann de la Cinémathèque Suisseet André Iten du Centre pour l’Image

Contemporaine.

ÉditionCarlo Guida et Mathilde Reichler

GraphismeJulien Jespersen

photo: L’homme à la caméra