Contribution pole finance innovation sur sante dependance et assurance

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Le vieillissement de la population française et ses impacts en termes sociaux-économiques sont certes des éléments incontournables de la réflexion prospective des assureurs de personnes mais la problématique particulière de la dépendance constitue –t-elle pour autant : • Un sujet d’assurance ? • Un marché pour les assureurs ? La question peut paraître saugrenue, tant ce sujet a alimenté réflexion et débat au sein des assureurs au sens large (mutuelles et institutions de prévoyance comprises). Néanmoins elle est tout à fait légitime

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Contribution à la réflexion du pôle Finance Innovation sur la dépendance

Rappel : cette contribution personnelle de Josette Guéniau, consultante experte en assurance santé, co-

fondatrice de Futur Santé, est issue des travaux de réflexion menée par le Club Initiatives et Prospective

Santé du LAB qu’elle anime. Si elle traduit ses convictions personnelles, elle s’inspire avant tout de ces

travaux. Aussi, Josette Guéniau tient avant tout à remercier Edouard Bidou-Directeur de l’innovation de

Prévoir, Xavier Toulon, co-fondateur du cabinet de Conseil et de services santé Mérypta et Stéphane

Arbus, co-fondateur du cabinet de conseil Eveho pour leurs contributions au Club Initiatives et Prospective

Santé du LAB, dont elle s’est inspirée et qu’elle a cité

Le vieillissement de la population française et ses impacts en termes sociaux-économiques sont certes

des éléments incontournables de la réflexion prospective des assureurs de personnes mais la

problématique particulière de la dépendance constitue –t-elle pour autant :

Un sujet d’assurance ?

Un marché pour les assureurs ?

La question peut paraître saugrenue, tant ce sujet a alimenté réflexion et débat au sein des assureurs au

sens large (mutuelles et institutions de prévoyance comprises). Néanmoins elle est tout à fait légitime

pour les raisons suivantes :

1. La dépendance est –elle pour tous un risque assurable, c’est-à-dire un événement aléatoire et

incertain, dont les conséquences financières ne peuvent pas être supportées à l’échelle d’un

ménage et dont la mutualisation des cotisations pour se prémunir de ce risque peut permettre la

couverture pour ceux qui y seront confrontés ?

2. Quelle est la véritable part de l’aléa versus les facteurs de risque liés aux modes de vie ?

3. N’y a-t-il pas d’autres moyens pour les assureurs et les assurés de diminuer ce risque et /ou de

s’en prémunir ?

1. La première question appelle les réflexions suivantes :

Si le caractère incertain de la dépendance est avéré, il est avéré également que l’état de dépendance

des personnes âgées résulte d’un accident ou d’une dégradation de l’état de santé d’une personne

« naturellement » fragilisée par la vieillesse. Or la fragilisation ne peut être considérée comme un risque,

puisqu’elle est subséquente au vieillissement, qui justement lui aussi, n’est pas un risque, puisque a

contrario, l’on considère que le décès précoce en est un, parfaitement appréhendé et depuis longtemps

par l’assurance en cas de décès (impunément appelée assurance vie). Les seuls aléas liés au

vieillissement seraient, d’une part un état de fragilité (et non pas de fragilisation) particulier lié à une

maladie ou un accident, d’autre part, les questions du combien et comment le vieillissement liées à notre

génétique et à notre mode de vie mais dans ce second cas, l’éthique pour le premier et notre culture

pour le second, nous interdisent d’en faire des risques assurables.

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Ce qui constitue le risque de dépendance est donc bien l’accident et /ou l’aggravation de l’état de santé

mais force est alors de remarquer, que ces risques sont eux aussi parfaitement connus et appréhendés

par les assureurs via les assurances accident, santé, maladies redoutées .

Il faudrait donc peut-être plus justement considérer que la dépendance est un sur-risque de l’accident ou

de la maladie, pouvant provoquer la dépendance, là ou, sans ce sur-risque, la personne aurait été

« vieille » sans dépendance, jusqu’à son décès (si par ailleurs et par bonheur, le risque de décès

prématuré n’est pas survenu). Un sur –risque, qui provoque des besoins particuliers d’aide voire de

secours : financiers et assistance dans certains cas, d’accompagnement et de services dans tous les cas.

Pour ces sur-risques et leurs conséquences financières, existent déjà des garanties de type « maladies

redoutées », individuelle accident, GAV … Mais peut-être d’autres sont-ils encore à inventer ou des

extensions à imaginer pour les possibles conséquences de dépendance.

Concernant les conséquences financières de la dépendance, quel qu’en soit la cause, il faut aussi

s’interroger sur les points suivants :

si celles-ci ne sont pas « supportables » par bon nombre de ménages aisés ? Si dans leur cas, le

sujet est plutôt de prévoir de liquéfier son patrimoine facilement et rapidement au moment

voulu ou d’avoir prévu de le faire de manière anticipée avec une bonne sécurité financière ?

Bref, un sujet bien connu et au cœur du métier des assureurs, de sécurisation et de

pérennisation de l’épargne à long terme, même si les difficultés actuelles de l’assurance vie,

consécutives à la crise financière et économique, nous montrent bien que ce n’est pas si facile.

si le sujet principal n’est pas plutôt celui d’assurer au plus grand nombre les moyens d’avoir des

revenus suffisants, du fait de la cessation de l’activité liée à l’âge et de l’allongement de la durée

de cette période ; ce que l’on appelle la retraite (l’étude 2009 de la DGCRF montre que plus de la

moitié des retraités touche moins de 1000 euros par mois). Là aussi, le même sujet pour les

assureurs qu’au paragraphe précédent. Ces moyens étant, suivant les âges, dédiés à des besoins

différents : loisirs, voyages pour les jeunes séniors, vie sociale, services à la personne courants

veuvage et problèmes de santé , aménagement/ changement du domicile, plus de service voire

entrée en maison de retraite ensuite, services spécifiques et quasi continus et hébergement

spécialisé en cas de dépendance. On peut de plus considérer que si le besoin (niveau des

dépenses nécessaires) est plus voire beaucoup plus élevé en cas de dépendance, la durée de ce

besoin est relativement courte (4ans-cf étude DREES 2010 sur l’APA,) si on la compare avec

l’espérance de vie moyenne en retraite. Là aussi, finalement, l’on retombe sur le sujet de

mobilisation et de liquéfaction d’une partie de son patrimoine, quand il en existe un (les études

INSEE montrent que le patrimoine moyen des plus âgés est plus conséquent que pour les plus

jeunes, qu’il est en en valeur médiane de 141 000 euros et que 70% des 60-69 ans possèdent un

bien immobilier).

Reste la question de l’attachement légitime des français à la transmission du patrimoine mais là

aussi, c’est une question non universelle et de choix individuel : soit le patrimoine et suffisant et

assez liquide et les héritiers ne seront pas lésés, soit il n’y a pas d’héritiers directs (conjoints et

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/ou enfants), soit les personnes peuvent choisir (toujours si elles en ont les moyens) de

s’assurer ou épargner de manière dédiée pour préserver la transmission. Ils pourraient pour cela

y être aidés par des incitations fiscales, puisque la transmission directe est déjà si fortement

taxée (de nouveau en 2012 en dessous de la moyenne du patrimoine) et que cela éviterait dans

bien des cas des aides d’urgence et des allocations dont le montant ne cessent de croître.

Si, à l’autre extrême de la population (les plus pauvres), de toute façon le risque ne devient pas

de fait inassurable par manque de moyens financiers ? et, dans ce cas, relève tout

naturellement de la solidarité nationale (avec contribution individuelle de principe en fonction

des revenus et/ou du patrimoine)

Si, entre les deux, pour ces Français que l’on appelle la « classe moyenne », il ne s’agit pas,

encore une fois, d’être dans une situation très inconfortable. Celle de devoir payer pour un

retour, qui ne sera pas forcément à la hauteur des besoins et encore moins des attentes. Ceci,

dans la mesure où, la cotisation dans bien des cas est à fonds perdus et ne pourra assurer la

rente suffisante (moins du tiers nécessaire à domicile et moins du quart en cas de résidence en

EHPAD selon les évaluations de la DGCRF), ni surtout ce qui leur sera le plus utile : le bon

service, au bon endroit et au bon moment. Ceci notamment du fait de l’approximation des

règles de calcul actuariel actuelles, qui ne peuvent absolument pas tenir compte de l’évolution

épidémiologique et médical dans 20 ans, comme nous l’a montré l’épidémiologie et l’histoire

médicale récentes.

2. La seconde question nous amène à considérer les travaux médico-économiques et les études

épidémiologiques, bien sûr très peu nombreuses en général, dans notre pays en particulier et sur ce

sujet comme sur tout autre.

Si l’enquête HID de 98-01 échafaudait une hypothèse pessimiste de hausse de 40%, en

scenario central, du nombre de personnes dépendantes en 2040 et que les prévisions pour

2012 établissent celui-ci déjà à ce niveau, il faut aussi relativiser cette « fatalité » en

constatant que :

a) Comme l’hypothèse avancée par la même enquête HID, à partir de l’observation de

la population francilienne, l’âge d’entrée en dépendance recule.

b) La prévalence de la vie sans incapacité augmente statistiquement avec l’espérance

de vie

c) La plupart des maladies sources de dépendance et dites liées à l’âge, ont des

facteurs de risque modifiables :

Maladies cardio-vasculaires

Accidents vasculaires cérébraux

Démences (dont Maladie d’Alzheimer)

Cancers

Arthrose et ostéoporose

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Problèmes orthopédiques (fractures)

Troubles sensoriels (vision et audition)

Dépression

Troubles nutritionnels

Une étude américaine (Equipe du Pr Ron Brookmeyer) montre qu’une prévention

efficace permettrait de reculer de 5 ans l’âge moyen d’entrer dans la maladie

d’Alzheimer, soit une diminution par 2 du nombre de patients.

Prévue dans le plan Bien Vieillir, une consultation de prévention pour personnes âgées

est réclamée par tous les experts.

Qu’en conséquence une approche préventive, longitudinale, multidimensionnelle et un

accès à des soins efficients aurait beaucoup d’effet en termes de réduction du risque . Ainsi,

près des 2/3 des sujets de plus de 60 ans sont hypertendus et 30 % seulement des patients

ont des valeurs tensionnelles normalisées, alors que nous avons un « arsenal »

thérapeutique jugé efficace. De même, l’impact de l’obésité, de l’activité physique et

mentale, de la richesse de la vie sociale sont reconnus comme des facteurs déterminant vis-

à-vis des démences séniles et d’Alzheimer.

Que d’autre part, les recherches actuelles en matière de « vaccin Alzheimer » ou plus

proches les effets des anti-hypertenseurs et anti-amyloïdes nous permettent d’espérer des

progrès importants.

3. Ceci nous amène tout naturellement à répondre positivement et avec grand enthousiasme à la 3 è

question

Certains ont déjà revendiqué haut et fort le lien à opérer entre assurance santé et

dépendance mais en le réduisant au sujet de la forte mutualisation de la cotisation. A l’heure

où le coût de la complémentaire santé et plus encore, son rapport qualité-prix pose question

à nombre d’assurés, quand ce n’est pas aux pouvoirs publics, il nous apparait indispensable :

a) Que les acteurs du marché de l’assurance santé repensent drastiquement leur

proposition de valeur (c’est-à-dire leur rôle) pour renforcer leur intervention en

termes de garanties sur les risques lourds (hospitalisation, maladies chroniques,

maladies graves et justement la dépendance puisqu’issue de maladie et/ou

accident), quitte à moins rembourser ou dé-rembourser certaines dépenses

courantes et parfois de consommation, parfaitement solvables par la plupart des

Français. On peut penser à l’optique car plus de 64% des Français portent des

lunettes et la prévalence augmente fortement, donc l’aléa tente donc à disparaître,

surtout qu’il est dans bien des cas complètement absence pour les personnes qui

changent de lunettes tous les ans car la sécurité sociale et la complémentaire santé

surtout les aident beaucoup dans ce comportement. On peut aussi penser à certains

médicaments dits de confort ou à certaines médecines dites douces, qui dans

beaucoup de cas sont remboursés sans discernement, ce qui ne veut pas dire pour

autant que certains doivent utilement être remboursés, quand ils sont utiles à la

population concernée et à ces problèmes de santé particuliers. On peut noter par

exempleque, si l’on fait la moyenne pondérée du coût des 50 premiers médicaments

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par boîte, il est de 5,30 euros avec un remboursement moyen complémentaire de 3,

20 euros (source « Complémentaires santé, il va falloir assurer-X Toulon)

b) Sinon, le niveau de cotisation d’une complémentaire santé, déjà devenu très difficile

à assumer pour certains, deviendra juste inabordable

c) Que l’on conseille les assurés sérieusement sur le niveau de cotisation permettant

une rente significative mais là aussi celle-ci ne sera peut-être pas compatibles avec

certaines capacité financières

d) Que l’on prévoit des conditions de durabilité de cette cotisation dans le temps, qui

soit sans commune mesure avec celle de la complémentaire santé, de plus en plus

basse hors population fonctionnaire, sous peine de voir les coûts de transfert, lors du

changement voulu( pour les contrats individuels) ou parfois subis (pour les contrats

d’entreprise en cas de licenciement par exemple), anéantir définitivement tout

espoir de rente significative

e) Surtout de penser au-delà.

Ce lien nous apparaît en effet plus légitime, quand on le considère à travers le service (au

sens premier du terme de rendre service, servir à quelque chose,) que doit rendre

l’assurance santé complémentaire :

Celui de couvrir les personnes en cas de «pépin de santé », là aussi au sens

précédemment cité de l’assurance : couverture d’un risque aléatoire et

incertain, dont les conséquences financières ne peuvent pas être supportées

à l’échelle d’un ménage et dont la mutualisation des cotisations pour se

prémunir de ce risque peut permettre la couverture pour ceux qui y seront

confrontés.

Celui de les aider à prévenir et à diminuer au mieux ce risque pour eux, à

titre individuel mais aussi à titre collectif en cherchant à diminuer ou tout au

moins à ne pas augmenter le coût humain, social et économique du risque .

Nous considérons en conséquence, que l’assureur santé (au sens étendu du terme :

compagnies et mutuelles d’assurance, mutuelles 45 et institutions de prévoyance) a un rôle

primordial à jouer dans l’assurance dépendance en agissant au moyen de :

a) L’information, la sensibilisation aux facteurs de risque du mauvais vieillissement

b) La prévention et du dépistage ciblés, organisés et accompagnés

c) La facilitation de l’accès à des soins de qualité

d) L’accompagnement des malades (éducation thérapeutique notamment)

e) L’accompagnement des aidants (dont la santé physique et mentale est aussi

fragilisée à son tour), support indispensable des personnes dépendantes

Certaines institutions de prévoyance et certains assureurs commencent à comprendre

certains de ces enjeux comme par exemple Humanis avec son site « séniors plus », AG2R La

Mondiale via son site dédié aux aidants et son action tournée vers la prévention du mauvais

vieillissement à travers la nutrition et l’activité physique, Allianz et Crédit Agricole, ayant eux

aussi choisi d’aider les aidants via des sites d’information et de coachings dédié. L’assureur

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Prévoir s’est démarqué en commercialisant un produit d’assurance dépendance, qui permet,

dès la souscription, de bénéficier d’un coaching prévention santé personnalisé, dont

l’objectif est de limiter les facteurs de risque lié au mauvais vieillissement.

Mais beaucoup d’initiatives restent à inventer et à mener en proximité, en termes de

prévention, de dépistage, d’éducation à la santé et d’accompagnement, sans parler de

l’accès aux soins et à la qualité. Celles-ci passeront certainement par une collaboration

active, responsable mais exigeante avec les professions de santé et de services santé.

Celles-ci devront être avant tout, le fruit d’un renversement de paradigme pour nombre

d’assureurs santé, qui devront renoncer à la facilité de se contenter de bien rembourser le

petit risque et à convaincre les clients de l’utilité de ce remboursement à coup de

promotions et de facilités injustifiées de souscription, pour se consacrer à la couverture et à

la gestion des véritables risques, dont celui du mauvais vieillissement, alors que la France

vient de voir reculer son espérance de vie en bonne santé. Les clients sont en droit d’exiger

des résultats de leur assurance santé puisque ce n’est plus seulement une assurance

maladie : celui de l’aider vraiment à rester en bonne santé, par le remboursement certes des

soins courants et de l’hospitalisation mais aussi par l’ensemble des actions précédemment

citées mais dans une approche longitudinale d’utilité sur le long terme et non dans une

réponse immédiate à des attentes, qui n’ont parfois aucun impact sur la durée de vie et

moins encore sur le bien-être. Ceci, parce que nombre de Français ignorent encore leurs

véritables facteurs de risques et se bercent d’illusions en se fiant à leurs propres

observations et intuitions pour préserver leur santé. La récente enquête IFOP-PREVOIR de

juin 2012 montre en effet qu’ils n’ont pas toujours les indicateurs médicaux qui leur

permettraient de prévenir les risques à long terme, ou ne les suivent pas avec précision et

régularité, alors qu’ils pensent qu’ils s ‘occupent bien de leur santé et qu’ils pourraient mieux

gérer leur capital santé à long terme s’ils étaient aidés à utiliser et à interpréter ces

indicateurs

Enfin, il faudrait que chacun comprenne, sans peur exagérée, que l’accès aux données de

soins et de santé pour les assureurs santé, dans le respect de la réglementation française,

qui est rappelons-le, l’une des plus protectrices au monde, pour la finalité encadrée et

circonscrite de la prévention et de l’accompagnement des malades et avec l’accord exprès

de ces derniers est nécessaire et utile.