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CONTRIBUTION DELALANDE : QUELS DISPOSITIFS SIMILAIRES OU ALTERNATIFS EN EUROPE DU NORD ? Rapport final Violaine Delteil Dominique Redor Octobre 2004 Etude réalisée pour le compte de la DARES Marché n°CO 03000153 Le Descartes 1 - 29, promenade Michel Simon F93166 Noisy – Le – Grand Cédex tél :33 (0)1 48 15 57 80 / fax :33 (0)1 43 05 94 85 Mél : [email protected] Web: http://gip-mis.fr

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CONTRIBUTION DELALANDE :QUELS DISPOSITIFS SIMILAIRES OU

ALTERNATIFS EN EUROPE DU NORD ?

Rapport final

Violaine DelteilDominique Redor

Octobre 2004

Etude réalisée pour le compte de la DARES

Marché n°CO 03000153

Le Descartes 1 - 29, promenade Michel SimonF93166 Noisy – Le – Grand Cédextél :33 (0)1 48 15 57 80 / fax :33 (0)1 43 05 94 85M é l : s e c r e t a r i a t @ g i p - m i s . f rW e b : h t t p : / / g i p - m i s . f r

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CONTRIBUTION DELALANDE :QUELS DISPOSITIFS SIMILAIRES OU

ALTERNATIFS EN EUROPE DU NORD ?

Résumé

Dans la plupart des pays européens, les politiques mises en place pour accroîtreles taux d’emploi des seniors en conformité avec les objectifs fixés lors dusommet de Stockholm, se sont prioritairement portées sur les régimes de retraite,et plus particulièrement sur les éléments susceptibles d’inciter les salariés àrepousser l’âge de leur sortie d’activité. Ces approches, qui concernent lecomportement d’emploi des salariés, porte sur l’offre de travail. Mais le tauxd’emploi des salariés âgés dépend aussi du comportement des entreprises vis-à-visde ces salariés, c’est-à-dire le côté demande. Cet aspect est en particulier crucialdans un contexte où le sous-emploi des seniors (qu’il prenne la forme de mise enpréretraite, en invalidité, ou au chômage) est largement déterminé par lesdécisions des entreprises. Il l’est plus encore dans une situation où, avec le reculdes dispositifs (explicites ou implicites) de cessation anticipée d’activité, lechômage devient la principale alternative à l’emploi.

En France, la contribution Delalande cherche à protéger les salariés âgés en taxantleur licenciement. Un dispositif analogue existe en Finlande. Les Pays-Basdisposaient également d’un dispositif proche mais y ont renoncé récemment.Toutefois, d’autres dispositifs peuvent viser les mêmes objectifs. La présenteétude dresse un panorama de ces dispositifs (notamment les limitations légales ouconventionnelles aux licenciements et les subventions visant à inciter lesentreprises à embaucher ou maintenir dans l’emploi les travailleurs âgés), à partirdes exemples de six pays européens : Finlande, Suède, Danemark, Pays-Bas,Allemagne et Royaume-Uni. Elle fait ressortir la cohérence de chaque systèmed’emploi, et de politique de l’emploi à l’égard des salariés âgés, qui dépasse lecadre des seules politiques spécifiques de protection des salariés âgés, en faisantressortir deux grands modèles, l’un de type anglo saxon, l’autre de typescandinave.

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SOMMAIRE

SYNTHESE 4

CHAPITRE 1 :SUEDE : PRIMAUTE DE LA REGLE ET DE LA NEGOCIATIONSUR LES INCITATIONS FINANCIERES 23

CHAPITRE 2 :FINLANDE : UNE POLITIQUE DE L’EMPLOI AMBITIEUSE DE MOINS EN MOINS CIBLEE SUR LES SENIORS 29

CHAPITRE 3 :DANEMARK : LA NEGOCIATION COLLECTIVE AU SERVICEDE L’EMPLOI DES SENIORS 34

CHAPITRE 4 :PAYS-BAS : REMISE EN CAUSE DE LA TAXE SURLE LICENCIEMENT DES SENIORS 38

CHAPITRE 5 :ROYAUME-UNI : LOI ANTI-DISCRIMINATION ET RECULDE L’AGE COMME CRITERE DE GESTION DE L’EMPLOI 44

CHAPITRE 6 :ALLEMAGNE : PRIMAUTE DES SUVENTIONS A L’EMPLOI DES SENIORS 48

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SYNTHESE

Initialement la présente étude avait pour objectif d’analyser l’existence éventuelle, lesmodalités et, dans la mesure du possible, l’efficacité des contributions de type Delalandedans six pays européens (Finlande, Suède, Danemark, Pays-Bas, Allemagne, Royaume-Uni). Mais à la suite du renoncement récent des Pays-Bas à un dispositif proche de lacontribution Delalande, la Finlande se trouve être le seul pays à entrer dans ce cadred’analyse. Le domaine de l’étude a donc été étendu à l’ensemble des dispositifs qui ontpour objectif de protéger l’emploi des seniors (notamment les limitations légales ouconventionnelles aux licenciements), ainsi qu’aux subventions visant à inciter lesentreprises à embaucher ou maintenir dans l’emploi les travailleurs âgés.

En conséquence, le présent rapport prend en compte les facteurs institutionnels etéconomiques qui agissent sur la demande de travailleurs âgés dans les six payssusmentionnés. L’intérêt et l’importance de ce sujet résident dans le fait que, dans laplupart des pays européens, les politiques mises en place pour accroître les taux d’emploides seniors en conformité avec les objectifs fixés lors du sommet de Stockholm, se sontprioritairement portés sur les régimes de retraite, c'est-à-dire sur le comportementd’emploi des salariés, ou dit autrement, sur l’offre de travail. Perceptible dans le contenudes lignes directrices pour l’emploi élaborées au niveau européen, la priorité accordée àl’offre de travail au détriment des aspects relatifs à la demande est particulièrementsensible dans les travaux de l’OCDE. Jusqu’au début des années 2000, cet organismes’est essentiellement consacré à l’étude de la réforme des régimes de retraite commeélément susceptible d’inciter les salariés à repousser l’âge de leur sortie d’activité. Si lespremiers travaux des chercheurs ont aussi donné la priorité à l’analyse des facteurs jouantsur l’offre de travail (voir Bommier et alii., 2000), une série de travaux plus récents vientcompléter cette analyse en abordant la question de la demande de travailleurs âgés (voirle numéro spécial d’Economie et Statistique d’Avril 2004 consacré à ce thème).

Le comportement des entreprises en termes de demande de salariés âgés est au moinsaussi important que le comportement des salariés, pour atteindre les objectifs fixés auniveau européen, et plus généralement pour financer les dépenses de retraites dans lesdécennies à venir. Cet aspect est en particulier crucial dans un contexte où le sous-emploides seniors (qu’il prenne la forme de mise en préretraite, en invalidité, ou au chômage) estlargement déterminé par les décisions des entreprises. Il l’est plus encore dans unesituation où, avec le recul des dispositifs (explicites ou implicites) de cessation anticipéed’activité, le chômage devient la principale alternative à l’emploi, et comme c’est le casen France, progresse ou se maintient au sein de ce groupe d’âge.

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Dans la présente synthèse, nous dressons tout d’abord un bilan de chaque mesure, oufacteur susceptible d’influencer la demande de travail pour les salariés âgés, en essayantde faire ressortir, dans chaque cas, son effet positif ou négatif sur l’emploi des seniors.

Ensuite, nous tentons une synthèse générale qui fait ressortir la cohérence de chaquesystème d’emploi, et de politique de l’emploi à l’égard des salariés âgés, dans les six paysobjets de cette étude. Deux grands modèles, l’un de type anglo saxon, l’autre de typescandinave ressortent de ces analyses. Pour terminer, la politique menée à l’égard desseniors en France est discutée au regard de ces deux grands modèles.

1. FACTEURS INFLUENÇANT LA DEMANDE DES SENIORS PAR LES ENTREPRISES

Plusieurs types de facteurs sont susceptibles d’influer sur la demande de travailleurs âgéspar les entreprises. En schématisant, et pour reprendre les termes d’un débat récemmentouvert à la faveur du rapport de Blanchard et Tirole (2003), les facteurs peuvent êtreclassés en deux catégories, selon qu’ils relèvent de la réglementation ou de la taxation(Gautié 2004 b; Eymard-Duvernay, 2004). Par réglementation, il faut entendre lesdispositions qui régissent le contrat de travail, et par là les modalités d’embauche et delicenciement. Ces normes qui encadrent et contraignent les comportements desemployeurs peuvent résulter de la loi, ou de la négociation collective. A l’inverse, lataxation laisse une entière marge de manœuvre aux employeurs, mais impose despénalités aux entreprises qui sont fonction de leur comportement en matière d’emploi etde licenciement. La taxation s’apparente plus ou moins strictement, selon les cas, auprincipe du « pollueur-payeur ». L’Experience rating en vigueur aux Etats-Unis (dans laplupart des Etats) est le système qui répond le plus strictement à ce dernier principe.L’entreprise dispose d’un compte où sont enregistrées en crédit ses contributions à lacaisse d’assurance-chômage et en débit les dépenses d’indemnisation versées auxpersonnes qu’elle a licenciées. D’autres systèmes existent qui ne sont pas strictement liésau coût social du licenciement, comme c’est le cas des indemnités de licenciement.

Le développement qui suit reprend cette opposition entre réglementation et taxation pourdiscuter des différents facteurs jouant sur la demande de salariés âgés. On souligneraégalement les liens d’articulation (de complémentarité et d’opposition) entre mesuresrelevant de la réglementation, et mesures relevant de la taxation.

1.1. Contribution de type Delalande

En 2004, le seul pays dans notre échantillon à utiliser un système de taxation deslicenciements des salariés âgés est la Finlande1. Les Pays-Bas qui avaient envisagé un telsystème au début des années 2000 y ont renoncé en 2003. Ce renoncement a deuxorigines. Tout d’abord traditionnellement l’Etat n’intervient pas pour réglementer etprotéger l’emploi des salariés âgés. Ensuite le nouveau gouvernement, parvenu aupouvoir en mai 2003 a pris plusieurs mesures visant à déréguler le marché du travail, etremettre en cause le modèle Polder. Il n’est pas sûr cependant que la taxe sur les 1 Pour plus de détails voir l’analyse par pays ci-après.

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licenciements ait été considérée comme excessivement interventionniste, puisqu’elle joueun rôle très important aux Etats-Unis où le marché du travail est très peu régulé.

Un autre argument a joué dans un pays où le taux d’emploi des seniors a progressé depuis10 ans : la nécessité de ne pas appliquer un traitement spécial aux salariés âgés. En effet,à partir du moment où la position de ceux-ci s’améliore sur le marché du travail, lesmesures spécifiques se justifient d’autant moins qu’elles risquent d’avoir un effetstigmatisant. L’abandon de la taxe aux Pays-Bas renvoie donc essentiellement à la remiseen cause des politiques différencialistes (mouvement que l’on retrouve dans la plupart despays étudiés), qu’a pu légitimer, autour de l’année 2000, une situation très proche duplein-emploi.

Pour la Finlande, la taxe sur les licenciements de personnes de plus de 50 ans se distinguede la contribution Delalande par le fait qu’il ne s’agit pas d’un système forfaitaire. Inspirédu système de l’experience rating américain, bien que ne s’appliquant qu’aux salariésâgés, la taxe introduite récemment en Finlande est calculée selon le montant d’indemnitéde chômage que doit percevoir la personne licenciée jusqu’à son âge de départ en retraite.Créée en 1997, le système finlandais exonère depuis 1998 les personnes embauchées àpartir de 50 ans pour tenter d’éviter les effets de seuil. Parallèlement, le gouvernementfinlandais a entrepris en 2004 de réduire certaines cotisations sociales plus élevées surl’emploi des seniors, et de les abaisser au même niveau que pour les autres salariés.

La taxe sur le licenciement des seniors est maintenue jusqu’à présent. Il n’existe pas, ànotre connaissance, d’analyse finlandaise ayant évalué son efficacité. Dans lamonographie consacrée à la Finlande, l’OCDE (2004) critique l’effet dissuasif qu’elleexerce sur le recrutement des classes d’âge inférieures à 50 ans sans que cette critiquerepose sur une analyse précise du cas finlandais. Dans la mesure où la Finlande tend à serapprocher du modèle scandinave de non différenciation de la situation des seniors parrapport aux autres catégories de salariés, on peut conjecturer que cette taxe serasupprimée à plus ou moins long terme, mais ce n’est qu’une conjecture.

1.2. Indemnités de licenciements, fonction de l’âge et de l’ancienneté

Plusieurs pays disposent d’un système dans lequel les indemnités de licenciement ne sontpas forfaitaires mais varient en fonction de l’âge et (ou) de l’ancienneté. Tel est le cas auRoyaume-Uni et aux Pays-Bas. Ce dispositif peut être interprété comme un moyen deprotéger les plus anciens des licenciements, puisqu’il renchérit le coût relatif de ceux-ci.Cependant l’évaluation faite par des chercheurs britanniques suggère que l’impact de cedispositif est nettement plus ambigu. Loin de protéger les seniors, il semble au contraireque ce dispositif ait favorisé leur licenciement, les employeurs comme les syndicats yvoyant un moyen socialement plus acceptable (car mieux rétribué et éventuellementsusceptible de déboucher sur une cessation d’activité anticipée) de réduire le volume demain-d’œuvre dans l’entreprise 5 (Taylor, 2004, Walker, 2001). Cet exemple rappelle ladistance entre l’intentionnalité première de la règle et l’interprétation dont elle est l’objetdans un contexte particulier, que le contexte renvoie à la situation économique, auxrelations professionnelles ou aux préférences des acteurs.

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1.3. La règle d’ancienneté

La règle d’ancienneté qui protège les plus anciens des risques de licenciement eninstituant le principe du « dernier entré, premier sorti » (last in, first out) constituel’exemple type d’une disposition qui peut résulter, selon les pays, de la loi ou deconventions collectives.

Dans notre échantillon, ce type de protection de l’emploi des seniors est élevée en Suèdeet en Allemagne, elle est moyenne en Finlande, en France et aux Pays-bas, elle est faibleau Danemark et au Royaume-Uni. C’est seulement en Suède que la loi a instauré uneprotection, certes limitée de l’emploi des seniors contre les licenciements. Dans les autrespays, les règles de protection de l’emploi des seniors sont conventionnelles, et souventvariables selon les secteurs d’activité. Il est intéressant de plus de constater que ce type deprotection semble transcender les modèles anglo-saxons et scandinaves que nousanalysons ci-dessous.

La plupart des analyses (OCDE) se bornent à faire ressortir que ce type de protection a uneffet ambigu sur l’emploi des seniors. La protection est favorable aux insiders dontl’emploi est protégé, défavorable aux outsiders, c’est-à-dire aux chômeurs âgés ou ensituation précaire qui ont peu de chance de trouver un emploi stable.

En fait dans la plupart des pays, l’application de la règle d’ancienneté est sujette àinterprétation et négociations, voire à des compromis entre les employeurs et lessyndicats. L’application de la règle peut notamment être assouplie dans le but de favoriserle départ anticipé des seniors (surtout si des dispositifs de cessation précoce d’activitéexistent), plutôt que le licenciement de salariés plus jeunes.

1.4. Le niveau relatif des salaires des seniors et des cotisations sociales attachées àleur rémunération

Les comparaisons internationales dans ce domaine sont très peu développées et denombreux efforts doivent être faits pour améliorer nos connaissances. Deux étudesrécentes de l’OCDE (2003, 2004) soulèvent un coin du voile.

Tout d’abord, l’OCDE met en lumière le fait que dans certains pays, comme la Finlandeet la Suède, les cotisations sociales augmentent avec l’âge des salariés, un élément qu’elleconsidère comme très négatif pour l’emploi des seniors. Ces recommandations ontd’ailleurs été suivies d’effet pour la Finlande qui en 2004 a entrepris de modifier saréglementation.

Ensuite, dans la plupart des pays objets de notre étude, le salaire cesse de croître à partirde 50 ans, et régresse ensuite entre 50 et 65 ans. La France se distingue par le fait que lesalaire des personnes de 50 ans par rapport à la tranche d’âge 25-29 ans est le plus élevédes pays de notre échantillon, et qu’il continue à croître après 50 ans.

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Si cette spécificité française mérite attention, la comparaison doit être prise avec les plusgrandes précautions. Tout d’abord, les salaires selon l’âge devraient être comparés avecles productivités des salariés aux différents âges. Ensuite, dans les pays où les sortiesd’activité sont précoces comme la France, on peut penser que les personnes qui quittent lemarché du travail de façon prématurée sont celles qui sont mal placées sur ce marché,avec des rémunérations relativement faibles. Ceci accroît la moyenne des rémunérationsde ceux qui restent en activité. Par ailleurs, il faut rappeler qu’en France, ce sont souventles entreprises les plus riches et les plus grosses qui conservent des systèmes d’ancienneté(donc des entreprises où la question du coût est parfois moins cruciale que dans d’autres,notamment les plus petites). Dans les plus petites, comme dans des secteurs soumis à uneforte concurrence par les prix (par exemple, dans la grande distribution), la prime àl’ancienneté tend à disparaître. L’un des exemples les plus marquants en France, estl’abandon de cette prime dans la branche « Commerce de détail », suite aux accords deréduction du temps de travail négociés en 1999.

Mentionnons dans le cadre de cette réflexion, la proposition récemment avancée parChassard (2004) en faveur de l’échange suivant : le recul de la référence à l’ancienneté encontrepartie d’un engagement de l’entreprise d’améliorer les capacités de travail de leurssalariés, en particulier en seconde partie de carrière.

1.5. Subventions à l’emploi des chômeurs âgés

Alors que les mesures de taxation des licenciements appartiennent au registre de lasanction, les mesures de subvention à l’emploi répondent à celui de l’incitation. Cesdernières années, et en écho à une préoccupation centrée sur la promotion de l’offre detravail des seniors, les incitations ont surtout été développées à l’adresse des salariés eux-mêmes (voir Delteil, Redor, 2003). Ces dernières ont pu prendre la forme de primes àl’emploi, voire d’allocations compensant partiellement la perte de salaire liée àl’acceptation d’un emploi moins bien rémunéré que le précédent. Telle est notamment letype de mesure qui a récemment été introduite en Allemagne et qui concerneexclusivement les chômeurs âgés. Parallèlement à cette incitation qui pourrait s’approcherd’un « revenu socialisé de seconde partie de carrière » (Chassard, 2004), des incitations àl’adresse des employeurs ont été introduites dans certains pays pour réduire le coût del’embauche ou de l’emploi d’un chômeur âgé.

Dans l’échantillon des pays que nous avons étudiés, seules l’Allemagne et la Suèdepossèdent des dispositifs de subvention à l’emploi ciblés sur les chômeurs âgés.L’existence de ce type de dispositif ne semble pas avoir d’effets directs positifsdécelables sur la situation que connaissent les chômeurs âgés sur le marché du travail,puisque sur ce point précis, celle-ci diffère peu en Allemagne et en Suède des autres paysde notre échantillon. En effet, pour tous les pays, bien que dans des proportions variables,le constat est sensiblement le même : pour les chômeurs la probabilité de retrouver uneemploi à court terme et même à moyen terme décroît avec l’âge, et devient très faible àpartir de 55 ans.

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En l’absence d’études précises évaluant l’efficacité des dispositifs allemands et suédois,faut-il en conclure que ces dispositifs sont inefficaces puisqu’ils ne permettent pasd’améliorer la situation relative des chômeurs âgés sur le marché du travail ? Nous ne lepensons pas, car les facteurs qui déterminent la position des seniors par rapport au marchédu travail (l’emploi / le chômage/ l’inactivité) sont trop nombreux et complexes pour quel’on puisse tirer de l’analyse d’un seul facteur des conclusions certaines.

Si l’efficacité des subventions n’est pas prouvée, en particulier pour ce type de public,cela pourrait tenir à plusieurs facteurs, dont on peut évoquer ici les principaux. D’unepart, en période de fort chômage et de conjoncture défavorable de la demande, uneréduction du coût salarial ne constitue pas une disposition suffisante pour provoquer desembauches. D’autre part, ce type de mesure peut être utilisée de façon opportuniste parles entreprises, au détriment d’autres types de publics en difficulté, moins ou passubventionnés. Plus fondamentalement, les subventions à l’embauche des seniors ont peud’effets à moyen terme sur l’emploi, si la gestion des hommes et des carrières n’est pasmodifiée à l’intérieur des organisations (Taylor, 2004).

Cette dernière remarque nous incite à rappeler que l’on ne peut individualiser un ouplusieurs facteurs qui auraient une forte influence sur la demande, et au-delà, sur l’emploides seniors. Il existe en fait une combinaison de facteurs qui constituent, pour chaquepays, un système complexe. Dans ses grandes lignes, ce dernier est formé des élémentssuivants :

- les modalités de gestion de la main d’œuvre par les entreprises (pratiquessalariales notamment)

- les relations professionnelles (et dispositions conventionnelles qui en découlent)- l’action de l’Etat et la politique de l’emploi (dispositions légales)- le fonctionnement général du marché du travail (plus ou moins forte mobilité de

la main d’œuvre par exemple).

C’est à l’analyse des systèmes nationaux d’emploi des seniors, et de leur cohérence,qu’est consacrée la suite de cet exposé.

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TABLEAU RESUME DES DISPOSITIFS LEGAUX OU CONVENTIONNELS CONCERNANTL’EMPLOI PAR LES ENTREPRISES DES TRAVAILLEURS AGES

Suède Finlande Danemark Pays-Bas Royaume-Uni

Allemagne France

Taxation etindemnisationContribution detype Delalande

Non Oui Non Abandonrécent duprojet

Non Non Oui

Indemnité delicenciementfonction de l’âgeou (et) del’ancienneté.

Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui

RéglementationLégale ouconventionnelleProtection contreles licenciementspar la règle del’ancienneté

Forte Moyenne Faible Moyenne Faible Forte Moyenne

Salaires des 55-59 ans, base 100pour la classe 25-29 ans*.

125 125 n.d n.d 117,5 133,9 199,2

Cotisationssociales fonctionde l’âge

Oui Oui Non Non Non Non Non

Incitations àl’emploi desseniorsSubventions àl’emploi desseniors chômeurs

Oui Non Non Non Non Oui Oui

Subventions à laformation et pourl’améliorationdes conditions detravail desseniors

Oui Oui,conseils del’institut desanté profes-sionnelle

Oui, con-seils pourl’amélio-ration desconditionsde travaildes seniors

Oui Non (pas dedifféren-ciation enfaveur desseniors)

Oui Oui

* concerne les hommes uniquement, J.Gautié (2004a), p 57.Tableau réalisé en fonction de l’exposé par pays du présent rapport et de Delteil, Redor (2003)

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2. LES SENIORS ET LES SYSTEMES D’EMPLOIS EN EUROPE, QUELS ENSEIGNEMENTSPOUR LA FRANCE ?

2.1. Une politique de l’emploi qui tend à s’unifier pour toutes les classes d’âge

Après quelques années de mobilisation importante dans de nombreux pays (1998-2002)pour promouvoir l’emploi des seniors, il semble que ce volontarisme ait perdu de saforce. Aux Pays-Bas, les avis du Conseil économique et social pour 2003 comme pour2004 restent muets sur le thème de l’emploi des seniors, l’essentiel étant centré sur lesmesures de réintégration dans l’emploi et de qualification. En Finlande, l’ambitieuxprogramme pluriannuel (1998-2002) visant à favoriser l’emploi des seniors est remplacépar un programme (Veto) destiné à tous, indépendamment de l’âge et centré sur le bien-être au travail. La recherche de politiques tous publics plutôt que de mesures spécifiquesaux seniors semble être une tendance générale des deux dernières années. C’est aussicette ligne que semblent défendre Maria Jepsen et Martin Hutsebaut, de l’InstitutSyndical Européen. En Suède peu d’initiatives nouvelles ont été prises ces dernièresannées en faveur de l’emploi des seniors. Il en est de même pour le Danemark où la nonintervention de l’Etat dans ce domaine est traditionnelle, et où la négociation collectivebipartite occupe une place centrale.

La tendance générale en Scandinavie et aux Pays-Bas est une unification de la politiquede l’emploi pour toutes les classes d’âge. Unification des taux de cotisations sociales,absence de subvention spécifique à l’emploi des seniors (sauf en Suède), vont dans cesens.

Cette unification s’inscrit dans une stratégie plus large de non discrimination, mêmepositive, à l’égard des salariés seniors. Il y a tout d’abord un aspect psychologique : évitertoute stigmatisation des seniors. Au-delà de l’aspect psychologique, il y la conception quesi le mode de gestion des ressources humaines concerne, à tous les âges de la vie, laformation, la santé, l’organisation du travail, les mesures spécifiques en faveur desseniors deviennent inutiles.

Ces évolutions ne sont pas valables pour l’Allemagne qui a introduit depuis 2000plusieurs mesures en vue d’améliorer l’emploi des seniors. En effet la situation desseniors sur le marché du travail en Allemagne, de même qu’en France, et dans certainspays méditerranéens demeure très en deçà des objectifs fixés au niveau européen.

Ces évolutions récentes confirment la typologie établie par Esping-Andersen (1990) quidistingue trois grands systèmes de protection sociale : le « régime démocratique » de typescandinave (ex : Danemark et Suède), le « régime libéral » (ex : Etats-Unis et Royaume –Uni) et le « régime corporatiste conservateur » (ex : Allemagne et France).

Les pays du groupe scandinave (auquel on peut assimiler la Finlande et les Pays-Bas)commencent à percevoir les effets bénéfiques des investissements à long terme réalisésdans l’amélioration des « capacités de travail » des salariés (terme renvoyant aux qualitéspropres aux personnes), et à réduire les mesures spécifiques à destination des seniors.

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Ceci suppose que les entreprises et les politiques publiques améliorent en permanence lesconditions et l’organisation du travail, ainsi que les possibilités d’accumulation descompétences, et de progression professionnelle. Ce modèle peut s’accommoderrelativement bien de règles administratives qui contrôlent ou limitent les licenciements,car il ne repose pas essentiellement sur des décisions de court terme, mais tented’anticiper les difficultés d’emploi, améliorant les opportunités de reconversion dessalariés, et les chances de retrouver un emploi en cas de licenciement.

Les pays du régime libéral (en Europe, en premier lieu le Royaume Uni) ont accru cesdernières années la dérégulation du marché du travail, y compris pour les seniors. C’estainsi que le gouvernement anglais envisage de reporter l’âge auquel une entreprise peutmettre un salarié à la retraite à 70 ans. Dans ce contexte, la dégradation de la situation desseniors sur le marché du travail peut être atténuée par un système de prime à l’emploi quia été renforcé en faveur de ceux-ci ces dernières années (2000).

Par rapport à ces deux modèles polaires, dans les pays qui représentent le régimecorporatiste-conservateur, comme la France et l’Allemagne, la politique de l’emploi enfaveur des seniors emprunte au modèle scandinave des mesures visant à accroître lescapacités de travail des seniors (en faveur de la formation par exemple), et au modèlelibéral des mesures agissant à court terme (prime à l’emploi). L’empilement de cesmesures pose la question de leur cohérence interne. La question de leur cohérence dans letemps est également posée : les premières sont-elles destinées à supplanter, à terme, lessecondes ? Ou bien l’Allemagne et la France demeureront-elles dans la positionintermédiaire fortement critiquée par certains spécialistes (Guillemard, 2003) ?

2.2. Quelques enseignements pour l’emploi des seniors en France

Pour ce qui est de la France, il est clair que le marché interne des entreprises, même s’il aconnu un certain recul ces dernières années (Gautié, 2004), reste très prégnant surtoutdans les grandes entreprises. Il va de pair avec un salaire qui croit avec l’ancienneté.Comme de plus la mobilité inter entreprises est relativement faible, âge et ancienneté sontfortement corrélés (ce qui n’est pas le cas dans les pays où la mobilité de la maind’oeuvre est élevée et le demeure jusqu’à un âge relativement avancé). Ceci pourraitexpliquer en partie pourquoi le salaire croit davantage avec l’âge en France que dans laplupart des autres pays de l’OCDE (OECD, 2003 et 2004).

Dans un contexte de marché interne fortement structuré dans lequel les salariés seniorsbénéficient de protections conventionnelles et réglementaires (voir les procédures en casde licenciement collectif), on conçoit que les pénalités de type Delalande aient peud’effets sur l’emploi des seniors. En effet, le choix de licencier un salarié âgé est pour unemployeur français davantage déterminé par le poids des contraintes réglementaires et lanégociation collective que par la désincitation financière. D’une manière générale lesmesures de type experience rating qui visent à responsabiliser la gestion de l’emploi parles entreprises sont mieux adaptées aux pays ayant un système libéral (voir l’exempleaméricain) qu’aux pays ayant un système de protection sociale de type scandinave ou« corporatiste conservateur », dans lesquels ces mesures sont très peu développées. Pour

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les pays scandinaves, la protection de l’emploi même si elle est légale (comme en Suède)laisse toujours une large place à la négociation collective pour infléchir, voire améliorer(pour les deux parties), les décisions des employeurs. Dans le système corporatisteconservateur, comme en Allemagne, la place des règlements et des indemnités quedoivent acquitter les entreprises en cas de licenciement est telle que l’espace de décisionsur lequel des mesures supplémentaires de « responsabilisation » pourrait agir, est trèsrestreint.

Pour la France, ces analyses sont corroborées par les études statistiques et économétriquesqui ne révèlent pas que la contribution Delalande, et ses différentes modifications aucours du temps, ont eu pour effet de freiner les licenciements de seniors (voir encadrés 1et 2 à ce sujet). Ajoutons que même les partisans de l’introduction d’un systèmed’experience rating pour les licenciements en France (Blanchard, Tirole, 2003) sontopposés à la contribution Delalande. Cette opposition repose sur la prise en compte deseffets de seuil ou « indirects » provoqués par cette contribution. En d’autres termes, lesentreprises renoncent à embaucher certaines personnes quelques années avant qu’elles nesoient protégées par la législation Delalande car elles anticipent les coûts qu’ellespourraient avoir à supporter du fait de cette protection. Ce phénomène semble d’ailleursconfirmé par les études statistiques menées sur ce thème (voir l’encadré 2 ci-après). Unautre aspect de la contribution Delalande, rarement souligné, est qu’elle constitue un freinà la mobilité interentreprises des salariés (voir encadré 3).

Pour l’avenir, la mise en place d’une politique volontariste aboutissant à une intégrationeffective des seniors dans l’emploi au delà de 60 ans (correspondant à quarante années decotisations suivant les lois Balladur de 1993 et Fillon de 2003) pose la redoutablequestion de la transition entre la période actuelle et les objectifs à long terme que l‘onpoursuit. En effet les effets de mesures telles que la formation, la réorganisation etd’aménagement des tâches tout au long de la vie ne pourront avoir de conséquencesfavorables sur l’emploi des seniors que sur une longue période. Dans un tel scénario laphase de transition risque d’être très délicate, et nécessite que toute réforme des politiquesde l’emploi des seniors soit extrêmement attentive à la planification et àl’ordonnancement des réformes. Dans le cas présent ceci signifie attendre que cesmesures aient commencé à produire leurs effets avant d’envisager une diminution, voireune suppression de la protection de l’emploi, mesure qui en l’état actuel risquerait de setraduire à court terme par des licenciements massifs de seniors, et par une dégradationtrès nette de leur situation sur le marché du travail.

Egalement fondamentale est la question des procédures de décision et des modalitésd’application de ces changements. Certes l’Etat joue dans tous les pays européens le rôlede coordinateur, et dans certains cas introduit des procédures d’incitations fiscales pourinfléchir les décisions des entreprises en faveur de l’emploi des seniors. Mais les mesuresplus qualitatives concernant la formation, l’organisation et les conditions de travaildépendent pour une large part de micro décisions au niveau des secteurs d’activité et desentreprises. Ces décisions sont le plus souvent le résultat d’accords collectifs bilatéraux.La Scandinavie est une bonne illustration de ce principe, les syndicats ont acceptél’allongement de la durée d’activité des salariés, à condition que des contreparties soientoffertes en terme de formation et d’amélioration des conditions de travail pour tous, et le

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cas échéant, d’aménagements spécialement conçus pour les seniors (tâches et horaires parexemple).

Pour la France, le rôle d’incitation et de coordination joué par l’Etat ne sera effectif à longterme que s’il est relayé par les partenaires sociaux. L’accord interprofessionnel sur laformation de Septembre 2003 constitue une étape importante dans ce sens dont on peutpenser qu’il aura à long terme des effets bénéfiques sur l’emploi des seniors. Dans lalignée d’un tel accord d’autres types de compromis gagnants pour les deux partiesdoivent être recherchés pour accroître les capacités de travail des salariés à tous les âgesde la vie. Les avantages pour les salariés concerneraient les conditions et l’organisationdu travail, la reconnaissance de leurs acquis professionnels, l’aménagement éventuel desfins de carrières, une pension de retraite non pénalisée par un départ précoce, voire d’unmontant supérieur au taux plein, si la durée de cotisation dépasse la norme fixée par la loi.

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TABLEAU 1 :Evolution des Indicateurs d’emploi, d’activité et de chômage pour les 55-64ans

Taux d’emploi Taux d’activité Taux de chômage1990 2001 2003 1990 2001 2003 1990 2001 2003

Suède 69.4 67.0 69.0 70.5 70.4 72.5 1.5 4.9 4.8Finlande 46.3 46.7 51.4 47.1 51.2 55.8 1.8 8.9 7.9Danemark 65.6 63.0 68.0 69.1 65.6 70.8 5.1 4.0 4.0Pays-Bas 29.7 39.3 42.0 30.9 39.9 45.9 3.8 1.5 2.2Royaume-Uni 49.2 52.2 55.5 53.0 54.0 57.5 7.2 3.3 3.3Allemagne 52.0 46.4 47.1 55.9 52.2 52.0 7.0 11.1 9.4France 43.0 41.4 …. 45.8 43.8 …. 6.0 5.6 ….Moyenne UE 38.5 39.3 42.3 40.9 42.0 44.9 5.7 6.4 5.7

Source: OCDE (2004).

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ENCADRE 1 :

Qu’est ce que la contribution Delalande ?

Cette contribution a été instituée par la loi du 10 Juillet 1987 relative à la prévention et auchômage de longue durée. L’entreprise qui procédait au licenciement pour motiféconomique d’un salarié de plus de 55 ans et qui ne lui avait pas proposé le bénéfice desallocations de préretraite du FNE était soumise à une contribution au régime d’assurancechômage pour chaque salarié licencié d’une somme égale à 3 mois de salaire brut.

La loi du 2 Aout 1989 a étendu le versement de la contribution Delalande à toutes lesruptures de contrat de travail ouvrant droit au bénéfice de l’allocation de base du régimed’assurance chômage.

La loi du 29 Juillet 1992 a apporté un cas d’exonération important : pour ne pasdécourager l’embauche des salariés âgés, est exonérée de la contribution la rupture ducontrat de travail d’un salarié qui était, lors de son embauche, âgé de plus de 50 ans etinscrit depuis plus de 3 mois comme demandeur d’emploi. La loi du 20 Décembre 1993 ade plus exonéré de la cotisation les salariés licenciés pour inaptitude.

Enfin la loi de Août 2003 sur les retraites a abaissé le seuil d’exonération pour les salariésqui lors de leur embauche avaient plus de 45 ans et a supprimé la condition d’inscriptioncomme demandeur d’emploi pour les personnes embauchées (auparavant trois mois dechômage avant l’embauche étaient nécessaires pour que la contribution Delalandes’applique).

Le barème de la contribution a été augmenté au fil des années. Son montant maximum aété porté à 6 mois de salaire brut en 1992. En 2000, il pouvait atteindre un an de salairebrut (pour les salariés âgés de 56 et 57 ans). Au fil des années, le montant de la cotisationDelalande perçue par l’UNEDIC a augmenté sensiblement : 1,775 milliard de Francs en1993, 3,526 milliards en 2000.

Souce : Revue de l’Actualité juridique française, 10 Août 1999, www.rajf.orgJob50 mag, Septembre 2001, www.job50mag.fr

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ENCADRE 2 :

Etudes statistiques et économétriques sur les effets de la contribution Delalande

Deux études récentes (Bommier, Magnac, Roger, 2003 et Behaghel, 2004) ont tenté demesurer les effets de la contribution Delalande sur l’emploi des salariés âgés.

Bommier et alii (2003) estiment la relation entre la transition entre CDI et chômage de1986 à 1994 pour les salariés âgés. L’objectif est d’évaluer l’impact de l’introduction dela contribution Delalande en 1987, et de la modification de la réglementation en 1992(exonération de la taxe pour les personnes de plus de 50 ans recrutées après 1992). Labase de données utilisée est l’enquête emploi, et la méthode les moindres carrés linéairespondérés. Selon les résultats qu’ils ont obtenus les effets directs de la contributionDelalande ne sont pas statistiquement significatifs, en d’autres termes, l’introduction de lacontribution Delalande n’aurait pas eu pour effet de diminuer les licenciements despersonnes de plus de 50 ans entre 1987 et 1992 quelle que soit la date de leurrecrutement, et des personnes de plus de 50 ans après 1992 qui avaient été recrutées avant50 ans (celles qui ont été recrutées après 50 ans ayant été exclues du dispositif). Al’inverse les recrutements de personnes plus de 50 ans après 1992 augmentent, ce quipourrait supposer qu’un effet désincitatif à l’embauche des classes d’âge plus jeunes (46-49 ans) est apparu (ces classes d’âge plus jeunes devant être protégées lorsqu’ellesatteignent 50 ans par la réglementation Delalande, on peut supposer que les employeurssont dissuadés de les embaucher). Néanmoins les analyses des auteurs sont très prudentescar les contrats emploi-consolidé favorisant l’embauche des plus de 50 ans ont été mis enplace en 1992. Ils concluent « le fait que les évolutions à court terme n’infirment pas,mais ne confirment pas non plus, les effets de la contribution Delalande sur les taux delicenciements rend, en l’absence d’effets directs, les effets indirects plus improbables »(Bommier et alii, p 72).

Behaghel (2004, pp 129-165) quant à lui construit un modèle qui vise à formaliser lesdéterminants du taux de licenciement des travailleurs âgés en introduisant leur profil deproductivité et d’indemnisation du chômage en fonction de leur âge. L’auteur utilise lamodification de la réglementation en 1998 qui alourdit la contribution Delalande pourréaliser une « quasi-experience ». Il s’agit en effet d’estimer de quelle façon lesentreprises ont répondu à cette modification de la législation pour mesurer l’effet directde la contribution.

De plus l’estimation de l’effet indirect de la contribution (dissuasion de recruter desclasses d’âge qui vont être prochainement protégées par la réglementation Delalande) estréalisée en comparant les taux de retour à l’emploi des individus ayant juste plus de 50ans et juste moins de 50 ans après 1992.

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Pour ce qui est de l’effet direct, les résultats des estimations sont très sensibles à laspécification du modèle. Lorsque l’on tient compte de l’évolution de la législation, c'est-à-dire de la période d’embauche qui a pu influer sur le recrutement des salariés seniors(les entreprises évitant d’embaucher des salariés juste avant qu’ils n’entrent dans ledispositif Delalande) l’effet direct de protection de la contribution Delalande disparaîtcomplètement (Behagel 2004, pp 158-163). Pour ce qui est de l’effet indirect, il apparaîtcomme relativement élevé, puisque à la suite de l’introduction de la législation de 1992(exonération de la contribution Delalande pour les personnes recrutées à partir de 50 ans),la probabilité relative de retrouver un emploi juste avant 50 ans plutôt que juste après 50ans diminue d’environ un tiers pour les hommes.

Ainsi une certaine convergence entre les résultats des deux études apparaît. Ces études, ilfaut le noter, utilisent des méthodes économétriques différentes, mais une même base dedonnées (l’enquête Emploi).

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ENCADRE 3 :

Quelques éléments d’analyse économique sur les pénalités payées par les entreprisespour les licenciements ou les subventions a l’embauche

et sur la mobilité des salariés âgés

« L’entreprise doit payer le coût que ses licenciements imposent à la collectivité ….Leprincipe d’un tel versement, c'est-à-dire d’une taxe de licenciement est incontestable. Ilrépond à la même logique que le principe du « pollueur-payeur ». De plus, un telversement répond à un autre objectif que celui, purement incitatif, de forcer l’entreprise àprendre en compte l’impact social de ses réductions d’effectifs. Ce versement peutégalement jouer un rôle crucial dans le financement des allocations de chômage »(Blanchard, Tirole, 2003, p 21).

En d’autres termes, en l’absence de taxes, les entreprises pratiquent des licenciements« excessifs » car ils ne prennent pas en compte le coût, pour la société d’un tellicenciement. Il s’agit en gros des indemnités que perçoit le chômeur en attendant qu’ilretrouve un emploi.

Si la taxe est introduite le nombre de licenciements est réduit. En effet, l’entreprisecompare les coûts salariaux d’une part, et la productivité d’un employé d’autre part surson horizon temporel. Si la décision est strictement privée et que le calcul économiquemontre que les coûts salariaux (CS) dépassent la productivité P du salarié d’un montantA, le licenciement aura lieu. Si la taxe T sur le licenciement sur l’horizon temporel del’entreprise (intégrant la durée l’indemnisation du chômeur) est supérieure à A, ladécision de licenciement ne sera pas prise par l’entreprise. Cette dernière décision, avectaxe, est préférable, pour la collectivité, à la décision de licenciement sans taxe car elle« économise » T-A, la perte due au licenciement s’il avait eu lieu (T) diminué du cout neteffectif supporté par l’entreprise (A) du fait maintien en emploi du salarié considéré. Si Aest supérieur à T le licenciement a lieu.

Cette analyse s’applique naturellement à des catégories particulières de salariés (seniors,salariés sans qualification), mais il peut exister des « effets de seuil », les employeurs sontdissuadés d’embaucher les catégories de salariés qui bénéficient de protectionsparticulières. C’est pourquoi Blanchard et Tirole sont opposés à cette contribution (p 47).

La subvention à l’emploi diminue quant à elle le coût salarial d’un montant SU, elleprovoque une embauche supplémentaire, ou permet le maintien en emploi d’un salarié quisinon serait licencié, si SU est supérieur à A

De ce point de vue la contribution de type Delalande et la subvention à l’embauche dessalariés âgés agissent sur la même relation : la différence entre le coût salarial et laproductivité de chaque employé.

Les effets sur la demande et l’offre de travail est cependant très différent.

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Pour la demande, la contribution a un effet de seuil maintes fois analysé dans lalittérature : les entreprises peuvent renoncer à embaucher à partir de 45 ans, voire endessous de cet âge pour ne pas tomber sous le coup de la contribution.Inversement la subvention à l’emploi peut créer des effets de déplacement au détrimentde salariés plus jeunes.

Pour ce qui est de l’offre de travail, si un travailleur dispose de la protection Delalande, iln’a pas intérêt à quitter son entreprise et cette contribution peut être un frein à la mobilitévolontaire pour les salariés âgés de plus de 50 ans. En effet, il a peu de chance deretrouver un emploi si un futur employeur sait que sa nouvelle recrue disposera d’uneprotection spéciale. Dans certains pays (dont la France), pour éviter un tel effet négatif, laréglementation prévoit que les chômeurs embauchés après 50 ans (après 45 ans depuis2003) ne sont plus protégés par la contribution Delalande. Dans ce cas, celui qui a unemploi perd sa protection et peut alors ne pas avoir intérêt à être mobile.

La subvention à l’emploi des salariés âgés n’a pas cet effet de freinage de la mobilité, sila subvention est due à toute embauche de personne âgée de plus de 50 ans. Si elle n’estdue qu’à l’embauche de chômeurs de longue durée de plus de 50 ans, elle peut être unfrein à la mobilité interentreprises (sans passage par le chômage). En effet, les entreprisesont intérêt à embaucher un chômeurs de plus de 50 ans plutôt qu’une personne de plus de50 ans qui vient directement d’une autre entreprise.

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CHAPITRE 1 :

SUEDE : PRIMAUTE DE LA REGLE ET DE LA NEGOCIATIONSUR LES INCITATIONS FINANCIERES

Au cours des années récentes (2001-2003), la Suède a continué à être le pays de l’OCDEoù le taux d’activité et d’emploi des seniors (50-64 ans) est le plus élevé pour les hommes(il est cependant précédé par le Japon), et pour les femmes (OCDE, 2003, pp 27-35, ettableau 1 de la synthèse).

La situation des seniors sur le marché du travail est cependant loin d’être à l’égal desautres classes d’âge. Par exemple pour les personnes sans emploi la durée du chômagecroit régulièrement avec l’âge, et pour la classe d’âge 60-64 ans près de la moitié despersonnes concernées sont au chômage depuis plus d’un an, contre seulement 4,6% pourles jeunes de 16 à 24 ans.

De plus une enquête récente montre que l’appréciation des employeurs quant à lapossibilité d’embaucher un salarié âgé est négative non seulement par rapport aux salariésplus jeunes, mais aussi par rapport aux chômeurs de longue durée, et aux immigrants(OCDE, 2003, p 77). Dans l’exposé qui suit nous nous concentrons sur les éléments etfacteurs qui peuvent avoir une influence sur la demande de travailleurs âgés de plus de 50ans par les entreprises suédoises.

1. LA PROTECTION DES SENIORS CONTRE LES LICENCIEMENTS

Tout d’abord il doit être mentionné qu’il n’existe pas en Suède de mesures de typeexperience rating (pénalité fonction des indemnités dues à la personne licenciée) oucontribution Delalande (pénalité correspondant à un certain pourcentage fixe de larémunération de la personne licenciée) qui aurait pour objectif de protéger l’emploi destravailleurs âgés. En revanche, il existe des contraintes administratives limitant leslicenciements de ces travailleurs.

En effet, en Suède une règle d’ancienneté prévaut en cas de réduction des effectifs (règledu dernier entré, premier sorti, dite LIFO : last in first out). En effet dans le cas oùl’ancienneté est équivalente, la protection s’applique aux plus âgés (Delteil, Redor, 2003,p 75). Le principe de la défense des salariés les plus anciens a une longue tradition dans laconfédération suédoise des syndicats (LO) qui représente une large fraction des cols bleusdu secteur privé, et donc s’applique davantage à ce groupe de salariés. Cette règles’inscrit dans le cadre d’une série de lois sur la protection de l’emploi datant de 1974.Beaucoup de spécialistes (Calleman, 2001) estiment que l’efficacité de cette règle est

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limitée. En effet la loi donne la priorité aux individus qui disposent de qualificationsjugées adéquates aux besoins de l’entreprise. Or dans de nombreux établissementsl’interprétation du terme « qualifications » a été défavorable aux salariés les plus âgés.D’après Calleman, seul un quart des établissements étudiés a respecté le principe édictépar la loi. Ces établissements sont ceux qui ont des qualifications relativement peuélevées et homogènes.

L’OCDE (2003) confirme ces analyses et montre que les règles de protection de l’emploide l’ensemble des salariés employés dans le cadre de contrats à durée indéterminées’appliquent dans de nombreuses entreprises en Suède. Ce pays fait partie du groupe oùcette protection est la plus forte avec l’Allemagne, l’Italie. La France et la Finlandeappartiennent au groupe médian. Alors que le Danemark, et à fortiori, le Royaume uniappartiennent au groupe où la protection des emplois réguliers (contrats à duréeindéterminée) est la plus faible.

La même étude de l’OCDE s’interroge ensuite pour savoir si cette réglementationprotectrice accroît l’emploi des seniors ou non. Un premier argument est que lalégislation protectrice avantage les travailleurs qui ont un emploi (insiders), au détrimentde ceux qui n’en ont pas (outsiders). Ainsi le taux particulièrement élevé d’emploi dessalariés de 50 à 64 ans pourrait s’expliquer par les protections dont bénéficient lesseniors. A l’inverse cette règle est un obstacle la mobilité des salariés âgés, et augmente lerisque de chômage à long terme lorsque ceux-ci se retrouvent sans emploi. De ce point devue il a été rappelé en introduction que la durée du chômage des seniors est élevée enSuède. L’étude insiste sur le fait que la règle de l’ancienneté est un obstacle à la mobilitépour les travailleurs qui perdent leur protection s’ils changent d’emploi. Les enquêtesd’opinion ont d’ailleurs montré que les salariés étaient extrêmement attachés à la sécuritéde l’emploi, ce qui donne un fondement empirique à l’opinion selon laquelle cette règleest un frein effectif à la mobilité.

Cette préférence des travailleurs suédois n’empêche pas l’OCDE de préconiserl’abrogation des lois et règlements qui ont institué la règle d’ancienneté. L’argument estque la meilleure protection dont puissent disposer les travailleurs est une bonne« employabilité » (s’appuyant sur la formation tout au long de la vie), plutôt qu’unelégislation qui devient inopérante lorsqu’un salarié perd son emploi.

Pour finir, on peut se demander si le fait qu’il n’existe pas de taxation des licenciementsde seniors ou contribution Delalande en Suède ne correspond pas au fait que ceux-ci sontdéjà protégés par la règle d’ancienneté.

Deux arguments peuvent être avancés en faveur de cette thèse.Le premier est que s’il est impossible de licencier un senior plutôt qu’une personne plusjeune, toute protection supplémentaire des seniors est redondante. Le second se situe dansune perspective dynamique. En effet la règle d’ancienneté laisse malgré tout une margede négociation et de discussion entre les syndicats, très puissants et très attachés audialogue social en Suède, et les employeurs. Alors que le système d’experience ratingrepose essentiellement sur le calcul économique de l’employeur.

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2. LES SALAIRES ET LES COTISATIONS SOCIALES POUR L’EMPLOI DES SENIORS SONT-ILS TROP ELEVES EN SUEDE PAR RAPPORT AUX AGES INFERIEURS ?

L’étude de l’OCDE (2003, pp 80-84) consacrée à la Suède pose la question de savoir siles salaires des seniors seraient « trop élevés » par rapport à leur productivité. Au lieu derépondre directement à cette question, la méthode d’analyse qui est utilisée estcomparative.

Les profils salariaux de 5 pays de l’OCDE sont comparés. Plus précisément la classed’âge 25-29 ans constitue la base de comparaison (indice 100) pour les différentes classesd’âge quinquennales, jusqu’à 60-64 ans. Pour les hommes, la Suède, le Japon, leRoyaume uni sont les pays où le salaire croit le moins avec l’âge (indice 120 pour les 60-64 ans, par rapport à la classe d’âge de référence). Pour les USA cet indice est de 160, etpour la France de 220 !!!. Pour les femmes le classement est identique, même si les écartssont plus resserrés.

Les auteurs de l’étude en concluent que le niveau des salaires des seniors en Suède n’estpas un obstacle à leur emploi. Cette conclusion est un peu hâtive car elle ne prend pas encompte une variable fondamentale qui est la productivité des salariés pour les différentesclasses d’âge, ni le type d’emploi.

Il est vrai que l’on peut faire l’hypothèse qu’en Suède la productivité relative des seniorsest relativement élevée (par rapport aux autres pays), étant donné le rôle qu’y jouent laformation tout au long de la vie, et l’aménagement et l’amélioration des conditions detravail (Delteil, Redor, 2003, pp 80-81).

L’étude de l’OCDE (2003) concernant la Suède examine ensuite le taux des cotisationssociales pour les employeurs suivant l’âge. Si la plupart des cotisations ont un taux fixe, iln’en ait pas de même des contributions des employeurs à certaines pensionsprofessionnelles qui viennent compléter celle du système de sécurité sociale de l’Etat.

En effet pour les employés et cadres (cols blancs), les pensions professionnelles quirésultent d’accords collectifs sont à prestations définies et non pas à contributionsdéfinies. Elles garantissent une pension qui représente un certain pourcentage du salairede chaque individu en fin de carrière. De ce fait, lorsqu’un individu a une augmentationde salaire, la contribution que doit payer l’employeur pour assurer la prestationconventionnelle est beaucoup plus élevée pour un travailleur âgé que pour un jeunetravailleur (en effet pour le travailleur âgé, le nombre d’années de cotisation pourconstituer le capital qui servira à payer la prestation est beaucoup plus faible). Cesystème, selon l’OCDE, constitue « une désincitation à embaucher ou conserver destravailleurs âgés pour les employeurs ». L’organisation recommande, pour cette raison, depasser d’un système à prestation définie, à un système à contribution définie.

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3. SUBVENTION A L’EMPLOI DES CHOMEURS SENIORS

Dans le cadre du programme « d’activité garantie » (1997) qui vise à inciter les chômeursà prendre un emploi ou à suivre un stage de requalification, le gouvernement a renforcéles aides aux entreprises qui embauchent des chômeurs de longue durée, et en particulierdes chômeurs de plus de 57 ans. Pour ces derniers, lorsqu’ils sont au chômage depuis plusde deux ans, l’aide versée aux entreprises prend la forme d’une réduction fiscaleéquivalant à 75% du coût salarial pour les deux premières années d’embauche. Pour leschômeurs ayant moins de 57 ans, et quatre ans d’ancienneté au chômage, l’aide s’établit à75% du coût salarial pour la première année, et 50% pour la seconde (Sweden ActionPlan for Employment, 2000).

Conclusion

Le début des années 2000 n’ont pas apporté de changements importants dans la situationdes salariés seniors en Suède, ou dans les mesures visant à agir sur la demande de salariésâgés par les entreprises. A l’issue de cet exposé la question principale qui se poseest donc : comment expliquer que la Suède occupe toujours la première place en Europepour l’emploi des seniors, et quel est le rôle que jouent la demande de travail desentreprises et les mesures gouvernementales dans cette explication ?

Du point de vue des politiques de l’emploi, il faut tout d’abord souligner que l’effort del’Etat a davantage porté sur l’offre de travail que sur la demande.Le principal levierd’action, de ce point de vue, est la réforme des régimes de retraite qui a commencée à êtrediscutée en 1994 et définitivement appliquée à partir de 2003 (O.Settergren (2003, pp337-369). Il faut également mentionner le programme « d’activation des chômeurs « quis’adresse à toutes les classes d’âge jusqu’à 65 ans (Barbier, 2003, p 189, Kvist, 2003,193).

Du côté de la demande de travail, les mesures prises sont beaucoup plus modestes. Eneffet il n’existe pas de système d’experience rating ou de contribution Delalande visant àpénaliser les entreprises qui licencient les travailleurs seniors. En revanche, la règle del’ancienneté, issue d’une longue tradition de négociation collective et des lois sociales n’apas été modifiée.

A l’évidence, le succès du modèle suédois repose sur une forte réglementation légale etconventionnelle de l’emploi des seniors alliée à des éléments qualitatifs, qui sont lesdéterminants de long terme des capacités de travail des salariés, et au-delà, de laproductivité des seniors. Ces éléments qualitatifs sont le plus souvent négociés avec lessyndicats qui ont depuis longtemps accepté l’idée d’une prolongation de l’activité desseniors jusqu’à 65 ans.De façon concrète ceci inclut la formation tout au long de la vie,l’amélioration des conditions et de l’organisation de travail également à tous les âges dela vie.

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La Suède et le Danemark sont probablement les deux seuls pays en Europe (avec laNorvège qui ne fait pas partie du champ de cette étude) où la prise en compte du facteurhumain à tous les âges de la vie dans l’organisation et les conditions de travail et laformation porte le plus de fruits. Ces actions de long terme font que les seniorscommencent à pouvoir être considérés sur un pied d’égalité avec les autres classes d’âge,ce qui nécessite peu de mesures spécifiques. Les résultats de l’étude évoquée enintroduction, l’exigence par les syndicats du maintien de la règle de l’ancienneté montrecependant que le processus est loin de son aboutissement complet.

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CHAPITRE 2 :

FINLANDE : UNE POLITIQUE DE L’EMPLOI AMBITIEUSE DEMOINS EN MOINS CIBLEE SUR LES SENIORS

Après la grave crise de l’emploi qui a frappé la Finlande au cours de la première moitiéde la décennie 90, et qui a particulièrement touché les seniors, les taux d’activité etd’emploi des personnes âgées de plus de 55 ans se sont redressés en raison certes del’amélioration de la conjoncture économique, mais aussi de la mise en place d’unepolitique concertée et multidimensionnelle en faveur des seniors (Delteil, Redor, 2003, pp91-119). Au cours des années récentes (2001-2003) ces évolutions favorables se sontconfirmées, surtout pour la classe d’âge 55-59 ans, même si les taux d’emplois desseniors demeurent en deçà de ceux de la Suède, du Danemark et de la Norvège (OCDE,2004, pp 35 à 50). Par ailleurs les taux de chômage pour les plus de 55 ans ont continué àdiminuer sur la période 2001-2003, malgré le durcissement de l’accès aux préretraites, etaux pensions d’invalidité et de chômage.

1. LES MESURES PRISES POUR INFLUER SUR LA DEMANDE TRAVAIL DES SALARIESAGES A LA FIN DES ANNEES 90 ET AU DEBUT DES ANNEES 2000

1.1. La responsabilisation des entreprises à la fin des années 90 en Finlande

En Finlande, les différentes dispositions du programme national pour l’emploi destravailleurs vieillissants incluaient un important volet de responsabilisation desentreprises pour l’emploi des travailleurs âgés (Delteil, Redor, 2003, pp 102-104).

En effet, la réforme de 1997 a transféré une fraction des coûts des pensions de chômage etd’invalidité des salariés de 50 ans et plus sur les employeurs, au prorata de la taille del’entreprise. La participation des entreprises au financement de la pension de chômageétait de 50% maximum. La contribution au financement de la pension d’invalidité était de100% au maximum. Pour le chômage, il y a là un mécanisme proche de la contributionDelalande en France puisqu’il ne concerne que les travailleurs âgés. Cependant en Francela contribution est calculée forfaitairement et représente un certain nombre de mois dusalaire perçu par la personne licenciée. En Finlande, la contribution à payer est calculéeen fonction de la pension (de chômage ou d’invalidité) que doit recevoir la personne quiquitte son activité salariée, jusqu’à l’âge de la retraite. Pour quelqu’un qui était déclaréinvalide, ceci pouvait atteindre 100% de la pension correspondante (pour une entreprisede plus de 1000 salariés). Pour les chômeurs âgés licencié et ayant donc droit à la pensionde chômage, la contribution pouvait aller jusqu’à 50% de la pension.

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Cependant dès l’année suivante (1998), il est apparu que cette mesure deresponsabilisation avait des effets pervers : les grandes entreprises avaient tendance àavoir recours à des licenciements moins coûteux que les pensions d’invalidité. C’estpourquoi en 1999, les deux taux ont été harmonisés : les entreprises de moins de 100salariés sont exonérées de la contribution, et ce taux monte graduellement jusqu’à 80%pour les entreprises de 800 salariés et plus.De plus pour les pensions d’invalidité, un système de responsabilisation des précédentsemployeurs a été institué. Pendant deux ans après que les salariés aient quitté leurentreprise, ils demeurent responsables du paiement d’une partie de la pensioncorrespondante. Dans ce cas la répartition de la charge financière se fait à concurrence de80% pour le dernier employeur, et de 20% pour le ou les précédents employeurs dans lalimite des deux années indiquées ci-dessus). Le coût est alors réparti entre les précédentsemployeurs en proportion des salaires qu’ils ont versés.

L’Etude de la European Employment Observatory Review (Spring 2003, p 76), quiconsacre des développements importants à l’emploi des seniors en Europe, mentionnecomme difficulté particulière pour la Finlande, le fait que, contrairement à la plupart desautres pays, les cotisations pour la retraite croissent avec l’âge, ce qui augmente le coûtsalarial des seniors. S’ajoute à cela la taxe qui doit être payée par les entreprises pour lessalariés de plus de 50 ans mis au chômage ou mis en pension d’invalidité. De plus en2000 le taux de la contribution des entreprises qui licencient ou mettent en pensiond’invalidité un senior a été porté à 80% pour les entreprises de plus de 800 salariés(OCDE, 2004, p 88-89). Ce système selon l’OCDE créerait « des obstacles » àl’intégration des salariés âgés sur le marché du travail (cette affirmation n’est cependantpas étayée par une étude ou enquête particulière).

1.2. Les subventions à l’emploi des seniors en Finlande

En Finlande, il n’y a pas de subvention spécifique à l’embauche de travailleurs âgés.Il existe en revanche une subvention à l’embauche et à l’emploi des chômeurs quel quesoit leur âge. La subvention a un montant fixe : de 20 à 36 euros par personne et par jour.Elle ne peut concerner que des emplois à temps plein (ou qui représentent au moins 85%d’un travail à temps plein).

Il existe de plus une subvention combinée (combined subsidy) qui concerne les chômeursde long terme (inemployés depuis plus de 500 jours). La subvention précédente estaugmentée de 22,75 euros par jour (labour market support benefit) et peut concerner desemplois à temps partiel. Cette subvention, qui pouvait être versée pendant un an, a étéétendue à deux ans en 2002.

Etant donné que les personnes âgées de plus de 50 ans représentent une part importantedu total des chômeurs et, en premier lieu, des chômeurs de long terme, ils occupaient en2002 30% environ des emplois subventionnés

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L’efficacité de ces subventions quel que soit l’âge des intéressés a fait l’objet de quelquesévaluations (OCDE, 2004, P 94). Tout d’abord, ces subventions ont donné de meilleursrésultats pour les chômeurs de long terme, les travailleurs ayant un faible niveaud’éducation, et pour les travailleurs âgés. Ce résultat, à priori surprenant, peut s’expliquerpar la forme de la subvention qui n’est pas fonction du niveau du salaire versé parl’entreprise, mais représente une somme fixe (ou quasi fixe). Par ailleurs à l’issue de lapériode de subvention, les possibilités de conserver son emploi ou d’en trouver unnouveau dépendent beaucoup de la situation du marché du travail local. De plus l’effet dedéplacement (l’embauche d’une personne dont l’emploi est subventionné donne lieu aulicenciement d’une autre personne non subventionnée dans la même entreprise) estatténué dans la région d’Helsinki par rapport aux autres régions. Enfin les petitesentreprises sont relativement plus sensibles que les grandes à cette forme d’aide àl’emploi.

2. LES DEVELOPPEMENTS RECENTS (2002-2004) ET L’EVALUATION DES DISPOSITIFSEXISTANTS

2.1. Les nouveaux développements et les motivations des changements

La récente étude de l’OCDE (2004, pp 83-90) sur l’emploi des travailleurs âgés enFinlande insiste sur les profils des gains salariaux selon l’âge (cette notion exclut lescotisations sociales à la charge des employeurs). Il apparaît que les gains salariauxcroissent moins vite avec l’âge qu’en Allemagne et aux Etats-Unis, et sont à peu près àégalité avec la Suède. Cette remarque est également vraie si l’on considère les profilssalariaux par niveau d’éducation.

Il en va différemment pour les cotisations sociales à la charge des employeurs. Laparticularité de la Finlande est que leur taux calculé sur le salaire augmente avec l’âge.C’est le cas des cotisations de retraite et de pension de chômage (qui ne sont dues quepour les employés de plus de 54 ans). Au total le taux de contribution sociale à partir de50 ans est nettement supérieur aux classes d’âge inférieures.

A cela s’ajoutent les mesures d’experience rating pour les personnes mises au chômageou en pension d’invalidité à partir de 50 ans (voir ci-dessus 1.1). Si l’on fait la somme descotisations sociales et des taxes sur les licenciements des seniors, il est clair que cettesomme augmente fortement avec l’âge des salariés, et singulièrement après 50 ans. Lerésultat, selon l’OCDE, est que les entreprises ont une forte désincitation à embaucher despersonnes qui approchent la cinquantaine, ou qui ont atteint ou dépassé cet âge.L’organisation internationale recommande de lever ces barrières qui empêchent lesemployeurs de recruter et conserver les salariés âgés. Ceci concerne à la fois les taux decotisations et le système d’experience rating à partir de 50 ans.

Avant même la publication officielle du rapport de l’OCDE sus-mentionné, un groupe detravail tripartite finlandais s’est mis d’accord pour égaliser le pourcentage de cotisationssociales quel que soit l’âge des salariés, et la taille des entreprises qui les emploient à

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l’horizon 2007 (Lilya, 2004). De façon concrète, les cotisations pour les pensions deretraite, jusqu’à présent progressives avec l’âge seront harmonisées : celles des jeunesseront augmentées, et celles des travailleurs âgés réduites.

Les entreprises de moins de 50 salariés paieront une contribution fixe pour chaque salarié(21,7%) indépendamment de l’âge. Une partie des contributions vieillesse et invaliditésera reportée sur les classes d’âge plus jeunes.

Pour ce qui est du système d’experience rating, des mesures d’allègement sont prévuespour que les grandes entreprises aient un taux de prise en charge des risques de chômageet d’invalidité qui soit égalisé, et réduit au niveau des entreprises moyennes. Cependantune décision définitive n’a pas été prise à ce sujet (au milieu de l’année 2004).

Les motivations de ces décisions (Lilya, 2004) sont très proches des attendus de l’étudede l’OCDE : le surcoût salarial des travailleurs âgés est une barrière à leur emploi. Trèspeu de chômeurs de plus de 55 ans retrouvent un emploi non aidé. De plus, l’experiencerating aurait eu un effet de modération des licenciements ou de mise en invalidité dessalariés de plus de 50 ans (aucune étude précise ne semble cependant disponible sur cesujet). Mais cet effet positif ne semble pas être plus élevé que l’effet de désincitation àl’embauche des seniors créé par l’experience rating.

Conclusion

La tendance en Finlande va vers une unification de la politique de l’emploi pour toutes lesclasses d’âge. Unification des taux de cotisations sociales, abaissement de la part del’experience rating à la charge des entreprises pour les licenciements ou mise en pensiond’invalidité des salariés de plus de 50 ans, absence de subvention spécifique à l’emploides seniors, vont dans ce sens.

Cette unification s’inscrit dans une stratégie plus large de non discrimination, mêmepositive, à l’égard des salariés seniors. Il y a tout d’abord un aspect psychologique : évitertoute stigmatisation des seniors. Au-delà de l’aspect psychologique, il y la conception queles différents plans pour l’emploi des seniors qui concernent, à tous les âges de la vie, laformation, la santé, l’organisation du travail rendent graduellement inutiles les mesuresspécifiques.

Une telle stratégie, dans le cas de la Finlande, est audacieuse car les progrès réalisés sontrécents et les retards en terme d’emploi des seniors par rapport au Danemark et à la Suèdedemeurent importants. Si l’objectif à long terme est clair, à court et moyen terme lesseniors au chômage ou en pensions d’invalidité risquent d’être encore nombreux dans lesannées à venir.

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CHAPITRE 3 :

DANEMARK : LA NEGOCIATION COLLECTIVEAU SERVICE DE L’EMPLOI DES SENIORS

Les données récentes (2000-2003) sur la situation des travailleurs seniors au Danemarkmontrent la prolongation de la tendance à la croissance des taux d’emploi pour la classed’âge 55-64 ans. De même les taux de chômage des seniors sont faibles (8,6% pour laclasse d’âge 55-59 ans, et 5,7% pour la classe d’âge 60-64 ans, avec pour cette classed’âge cependant, l’impact des retraites pour certaines personnes à partir de 60 ans). De cepoint de vue, il est remarquable que la baisse des préretraites très sensible à partir de 1998ne se soit pas répercutée sur le chômage des personnes âgées de plus de 54 ans (EuropeanCommission (2003), pp. 68-69). Il faut ajouter cependant que la probabilité pour unchômeurs seniors de retrouver un emploi est très inférieure à celle d’un jeune travailleur(pour les jeunes chômeurs de moins de 25 ans la probabilité de trouver un emploi au boutde deux ans est de 66%, pour les salariés âgés de plus de 50 ans elle est de 25%)(Johansen, 2003).

1. IL EXISTE TRES PEU DE MESURES ETATIQUES VISANT A AGIR DIRECTEMENT SUR LADEMANDE DE TRAVAILLEURS AGES

La politique de l’emploi en faveur des seniors est peu développée, l’idée est de ne pascréer de discrimination, même positive, pouvant stigmatiser l’emploi de cette classe desalariés. Les mesures prises concernent d’ailleurs essentiellement l’offre de travail : laréduction drastique des programmes de préretraite (avant 65 ans), et des pensionsd’invalidité depuis la fin des années 90 (European Commission, pp. 69-70).

Du côté de la demande de travail, les mesures étatiques sont presque inexistantes.Il n’existe en effet pas de dispositif de type experience rating ou de contribution de typeDelalande pour responsabiliser les entreprises dans l’emploi des seniors. Il n’existe pasnon plus de subvention à l’emploi des salariés ou des chômeurs âgés (sauf pour lesmunicipalités lorsqu ‘elles embauchent des chômeurs âgés).

Tout au plus peut-on signaler que le ministère de l’emploi offre cinq heures deconsultation gratuite par un expert aux entreprises qui veulent développer une politiquespécialement consacrée aux seniors, ou encore, mieux évaluer les qualifications de leursseniors. Ces aides qui existent depuis le milieu des années 90 ont fait l’objet de plusieursrapports d’évaluation de la part de l’administration (Danish Ministry of employment,2000). Ces rapports analysent « les bonnes pratiques » dans la gestion des seniors qui ontété mises en place dans certaines entreprises danoises (Redor, 2004). Il ne ressort pas deces monographies l’existence d’un modèle danois unique de gestion des ressources

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humaines. Au contraire ces pratiques apparaissent diversifiées en fonction des secteurs etde la nature des activités, de la politique générale des entreprises, de la situation locale dumarché du travail. Dans certaines entreprises il existe une politique et des mesuresspécifiques envers les salariés âgés. Dans d’autres cas, elle s’intègre à une gestion globaledes ressources humaines qui évite de créer des différences de traitement entre les classesd’âge.

2. LE ROLE DES ENTREPRISES ET DES PARTENAIRES SOCIAUX POUR EXPLIQUER LEHAUT NIVEAU D’EMPLOI DES SENIORS AU DANEMARK

Le Danemark se caractérise par une faible implication de l’Etat dans les relations detravail et notamment dans la situation des seniors. La plupart des règles qui s’appliquent àla gestion des seniors sont le résultat de la négociation collective bipartite qui joue un rôledominant, y compris dans la fixation des règles qui déterminent les pensions et dans lagestion des régimes de retraite au Danemark (Madsen, 2003). La réforme par l’Etat durégime des préretraites en 1999 constitue à cet égard une exception qui a reçu d’ailleursune vive opposition des syndicats (Delteil, Redor, 2003, pp 143-144)

L’absence de mesures étatiques d’incitation à embaucher des seniors et de désincitation àles licencier s’explique tout d’abord par ce contexte de faible intervention de l’Etat dansles relations d’emploi. De ce fait, le taux relativement élevé d’emploi dans les entreprisesdanoises ne peut s’interpréter comme le résultat de mesures fixées dans le cadre de lapolitique de l’emploi.

Du côté des entreprises, la gestion des ressources humaines au Danemark ne repose passur des décisions de court terme qui compareraient les coûts et avantages deslicenciements et des embauches en fonction de mesures d’incitations / désincitationsfinancières et de la conjoncture économique. De ce point de vue le système danois est auxantipodes de l’experience rating qui s’applique aux Etats Unis à l’ensemble des salariés(et qui est préconisé pour la France par Blanchard, Tirole, 2003).

Comme en Suède les entreprises inscrivent la gestion des seniors dans une perspective delong terme qui inclut la formation, l’organisation et les conditions de travail. Dans leprincipe, il s’agit d’agir à tous les âges de la vie sur les déterminants des capacités detravail et de la productivité des travailleurs.

Une différence importante avec la Suède est que la protection de l’emploi des travailleurs,notamment âgés, est faible au Danemark, notamment la règle LIFO n’existe pas (Delteil,Redor 2003, p 129, OCDE, 2004), on observe également que la mobilité des salariés estélevée, même si elle baisse avec l’âge. Ceci pourrait expliquer, pour une part, le trèsfaible niveau de chômage au Danemark à tous les âges du cycle d’activité, et ceci alorsque le niveau de protection sociale, notamment pour les chômeurs, demeurent très élevéau niveau européen.

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Conclusion

Dans ces conditions, favorables sur le plan du comportement des entreprises et despartenaires sociaux, on peut se demander pourquoi, malgré tout, les chômeurs âgés deplus de 50 ans ont une faible probabilité de retrouver un emploi (voir 1 ci-dessus).

La réponse à cette question peut être tirée, à notre sens, de l’analyse économiquestandard. En effet dans la mesure où tout recrutement nécessite un investissement, ycompris en terme de formation, il est clair qu’un employeur a intérêt à rentabiliser cetinvestissement sur plusieurs années (salarié jeune ou d’âge médian), plutôt que d’unsenior dont la fin de carrière s’achève nécessairement au bout de quelques années (mêmedans les pays scandinave les 65 ans sont rarement dépassés).

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CHAPITRE 4 :

PAYS-BAS : REMISE EN CAUSE DE LA TAXESUR LE LICENCIEMENT DES SENIORS

L’embellie économique de la fin des années 90, conjuguée à une politiquevolontariste en faveur de l’emploi des seniors, avait permis de relever de manièresignificative le taux d’emploi des salariés âgés. En 2001, le chômage des 55 – 64ans était devenu quasiment inexistant (1,5% d’après l’OCDE). Si l’activitééconomique a ensuite enregistré un ralentissement, et conduit à releversignificativement le taux de chômage global (passé de 3% à 6%), les seniorssemblent avoir été relativement protégés. En effet, le taux de chômage pour cegroupe d’âge n’a pas dépassé 2.2%, mais surtout, le taux d’emploi des 55-64 ans acontinué à progresser, passant de 39.9% à 45.9% entre 2001 et 2003. Le tauxd’inactivité de cette classe d’âge a décru significativement en longue périodepuisqu’il était de 69,1% en 1990, et qu’il est passé à 54,1% en 2003 (voir tableau1 en annexe de la synthèse). Cette dernière tendance semble plaider en faveur dela performance des mesures introduites à cette fin. Le débat récemment réouvertsur la retraite anticipée, et les récents articles de presse rapportant des cas depression exercée par des employeurs pour inciter les salariés âgés à démissionner,sont cependant révélateurs de tensions persistantes autour de la gestion del’emploi des seniors.

1. DISPOSITIFS DE PROTECTION DE L’EMPLOI DES SENIORS

L’importance toute relative des mesures de protection de l’emploi des seniors aux Pays-Bas peut être considérée comme un reflet fidèle du modèle néerlandais qui privilégie laprotection des revenus, et la promotion de l’employabilité, sur la protection de l’emploi.

Loin d’être pérennisés ou en cours de consolidation, ces mesures de protection, fontaujourd’hui (au même titre que le modèle Polder) l’objet d’une remise en cause par lanouvelle coalition (coalition entre le parti Chrétien démocrate et les partis libéraux WD etD 66) qui s’est constituée en mai 2003.

Militant en faveur de la flexibilisation et de la dérégulation du marché du travail, etsoutenant l’idée que le modèle Polder a fait son temps, le nouveau gouvernement a faitplusieurs propositions allant dans cette direction. La première, exprimée publiquement enjuillet 2003, vise à supprimer l’autorisation administrative de licenciement. Cetteproposition qui, sans surprise, a été rejetée par les partenaires sociaux dans le cadre de laFondation du travail, constitue toujours un vif objet de débats (R. Knebt, 2002).

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La seconde proposition gouvernementale porte sur la volonté de ne pas pérenniser la loisur l’emploi des minorités qui expire en janvier 2004, alors même, comme le soulignentde nombreux observateurs, que plusieurs rapports relatifs à la situation de l’emploi desminorités ethniques sortis en 2003 avaient pointé l’impact positif de la loi (Eironline,2003).

1.1. La remise en cause de la taxation des licenciements touchant les salariés âgés

Au cours de la seconde moitié des années 90, les Pays-Bas, comme la Finlande, avaientintroduit ou cherché à introduire des mesures visant à accroître le coût patronal d’unlicenciement ou d’une mise en invalidité (utilisé comme de dispositif implicite de pré-retraite), le but étant de responsabiliser les employeurs sur l’usage de ces régimes, et deles inciter à développer des activités de prévention.

Le précédent gouvernement (gouvernement social-démocrate dirigé par Kok) avaitprésenté un projet de loi visant à limiter les licenciements de salariés âgés par le biais dela responsabilisation financière. La loi prévoyait des pénalités financières pour lesemployeurs licenciant des salariés de plus de 57 ans et demi. Les employeurs étaienttenus de verser à leur ex-salarié, au maximum, 30% de l’indemnité chômage jusqu’à ceque la personne atteigne l’âge de 65 ans. Afin que cette mesure ne porte pas préjudice àl’embauche des plus âgés, il était prévu que ce transfert de risque ne s’applique pas auxpersonnes embauchées après 50 ans.

Cette proposition de loi visant à protéger l’emploi des seniors a été abandonnée par lacoalition sortie des urnes en mai 2003. Notons qu’une mesure similaire concernantl’assurance invalidité, et consistant à faire supporter une partie du coût de l’indemnisationpour maladie ou invalidité à l’employeur qui y transfère un salarié, avait été adoptée parle gouvernement Kok. Sachant que près d’une personne sur deux inscrite au régimed’invalidité a plus de 55 ans, cette mesure concerne au premier chef les seniors. Seloncette réglementation, l’employeur doit payer pour une durée d’un an un salaire à sonancien salarié (minimum 70% de son ancien salaire), mais beaucoup de conventionscollectives ont fixé un taux de remplacement supérieur (jusqu’à 100% dans certains cas).

Le premier bilan tiré par le Ministère des affaires sociales et de l’emploi était très nuancé,notamment au regard du maintien de flux élevés de l’emploi vers le régime d’invalidité.Par ailleurs, quelques effets pervers de la responsabilisation financière des entreprises sesont rapidement déclarés, le principal étant que l’âge et la santé tendaient de plus en plusà devenir des critères d’embauche (Delsen, 2002). De surcroît, cette désincitation àrecourir au régime d’invalidité pour réduire et/ou rajeunir la main-d’œuvre estpartiellement contrecarrée par la possibilité nouvelle offerte aux entreprises de s’assurerauprès d’assurances privées contre les risques financiers liés à l’invalidité d’un salarié. Laplupart des PME auraient pris une assurance contre un risque jugé trop coûteux.

En 2003, la nouvelle coalition a remis en cause l’idée de taxer les employeurs quilicencient les seniors. Dans le même temps, elle a renforcé encore la responsabilisationfinancière des employeurs pour le recours au régime d’invalidité. Ainsi à partir de janvier

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2004, la durée d’indemnisation à la charge de l’employeur est augmentée et passe d’un àdeux ans. Par ailleurs, et toujours à des fins de responsabilisation et de promotion desactivités de prévention, le gouvernement introduit une mesure de publicité portant sur lespratiques des entreprises. Ces dernières sont répertoriées selon leur taux de salariés misen invalidité.

Très récemment, en partie en raison de la forte opposition patronale, en partie pour desproblèmes d’illégalité, cette mesure de responsabilisation financière des employeursayant recours au régime d’invalidité a été abandonnée au profit d’un système alternatifbasé sur le principe de la mutualisation des coûts. D’après Robert Knegt, interrogé parnos soins, le gouvernement utilise également la procédure administrative de licenciement(toujours en vigueur aux Pays-Bas bien que source de controverses) pour contrôler lenombre de salariés âgés entrant dans le régime d’assurance chômage.

En définitive, l’abandon de cette pénalité financière signe la remise en cause du projet detaxer les employeurs pour leur recours au régime de chômage et d’invalidité. Il s’agitd’une évolution qui tend à rapprocher les Pays-Bas des autres pays étudiés qui nedisposent pas de ce type de dispositif de protection de l’emploi (mis à part la Finlande).

1.2. Quelques mécanismes implicites de protection de l’emploi des seniors

Votée en 2001, la loi contre les discriminations dans l’emploi fondées sur l’âge (etl’invalidité), constitue donc désormais la principale mesure de protection des salariésâgés. A celle-ci, il faut ajouter l’existence, dans une minorité de conventions collectives(10%)2, d’un délai de préavis de licenciement supérieur pour cette catégorie de salariés.

Mais aux Pays-Bas il existe implicitement une mesure décourageant le licenciement desplus anciens : la règle d’indemnisation du licenciement, qui sans constituer une obligationlégale, est d’un usage relativement répandu, soit parce que les syndicats l’ont négociédans des conventions collectives, soit par le recours aux tribunaux pour résiliation decontrat.

Or, cette règle veut que l’indemnité soit fonction de l’ancienneté (first in, last out).L’indemnité équivaut à un mois de salaire par année d’ancienneté. Cette fortecompensation constitue bien une mesure désincitative au licenciement des plus anciens,faisant dire à certains observateurs qu’il s’agit là d’une alternative à un dispositif de typeDelalande.

Il importe de souligner cependant, plusieurs évolutions très récentes qui vont dans le sensd’une remise en cause de la protection indirecte des salariés âgés. En premier lieu, citonsla tentative récente (2004) de supprimer l’application de la règle d’ancienneté dans lecadre du licenciement collectif et de faire en sorte que la liste des licenciés reflète lapyramide des âges de l’entreprise. En second lieu, citons l’avis du Conseil économique et

2 Cette mesure découle de la récente loi Flexisécurité qui fixe un délai de trois mois maximum avec une

possibilité de l’allonger pour les plus âgés.

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social (résultat d’un compromis entre partenaires sociaux) qui en juin 2004, a proposé derendre l’accès à cette garantie assurantielle moins dépendante de l’ancienneté.Récemment, la multiplication d’articles de presse rapportant des cas de harcèlementd’entreprises visant à forcer les salariés âgés à démissionner pour les remplacer par desplus jeunes rémunérés au « SMIC jeune » pourrait illustrer la difficulté croissante desemployeurs à recourir aux dispositifs implicites de préretraite que constituaient le régimede chômage, et surtout le régime d’invalidité. Cette actualité pourrait aussi refléter le faitque les désincitations financières au licenciement des salariés âgés restent fortes.

2. LES SUBVENTIONS AUX ENTREPRISES POUR L’EMPLOI DES SENIORS

Aux Pays-Bas, il n’existe pas de mesure générale de subvention à l’emploi des seniorsmais plusieurs dispositifs tournés vers les chômeurs âgés ou les plus de 65 ans.

La mise en place d’une mesure de désincitation relative à la mise en invalidité des salariésâgés (dont l’impact reste encore à évaluer) est allée de pair avec deux mesures visant àfavoriser l’embauche des chômeurs âgés et des personnes considérés comme« partiellement invalides ». Concernant les premiers, le nouveau gouvernement offre auxemployeurs une réduction de leur cotisation au régime d’assurance maladie pourl’embauche de chômeurs de plus de 50 ans. Par ailleurs, le coût de la formation d’unancien chômeur âgé est fiscalement déductible pour l’employeur (loi sur l’indemnisationdu chômage). Cette mesure qui vise à réduire le coût du travail des chômeurs âgés estcomplétée par une disposition obligeant les chômeurs âgés à rechercher un emploi,mesure qui vaut également pour les invalides partiels.

Notons que parallèlement à des dispositifs qui concernent la demande de travail, desmesures ont été prises pour promouvoir l’offre en rendant le retour ou la poursuite del’emploi plus attractif pour les seniors. Celles-ci ont consisté à réduire l’imposition et lescontributions sociales des salariés âgés de plus de 58 ans, et de manière encore plusavantageuse pour les salariés de plus de 63 ans.

Par ailleurs, et depuis janvier 2004, les chômeurs âgés de plus de 57,5 ans ne sont plusexemptés de l’obligation de recherche active d’emploi (obligation qui devient unecondition pour recevoir l’indemnité).

Enfin, une mesure spécifique a été introduite pour favoriser l’emploi des salariés de plusde 65 ans. Ceux-ci sont, au même titre que leurs employeurs, exonérés du paiement descotisations pour la retraite. D’après un document du Ministère de la santé, cela revientpour les employeurs à une réduction des taxes et contributions de 18% (pour lespremières et secondes tranches de revenu). Cette mesure a participé au développementdes agences d’interim spécialisés dans le placement des plus de 65 ans.

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3. LES RETRAITES ANTICIPEES RESTENT L’UN DES PRINCIPAUX OBJETS DU DEBATSOCIAL

Indirectement les dispositifs de retraite anticipée peuvent s’interpréter comme desmesures jouant sur la demande de travail des entreprises. C’est à ce titre, et enconsidération de l’importance du débat que continue de susciter ce thème aux Pays-Basque nous avons choisi d’évoquer brièvement cette question.

Depuis le milieu de l’année 2003, le débat social néerlandais semble en effet s’êtrerecentré sur les retraites anticipées. Ce recentrage vient répondre au lancement d’un projetgouvernemental visant à désinciter fortement au départ anticipé. Ce dernier propose defaire supporter au salarié, pour l’année du départ, l’intégralité de l’imposition relative àl’ensemble des pensions dont il bénéficiera pour la période allant de la date de cessationd’activité à l’âge d’entrée dans le régime de retraite.

Trop radical pour déboucher sur un pacte social, ce projet a finalement été rejeté.Finalement, les négociations entre partenaires sociaux pourraient aboutir au compromissuivant : l’acceptation par les syndicats de la modération salariale contre l’assurance dugouvernement de ne pas mettre en application deux projets de réforme fortement critiquéspar les partenaires sociaux, et en particulier par les organisations syndicales. Le premierprojet visait à réduire les incitations fiscales existantes en faveur de l’épargne pour laretraite anticipée. Ce projet est temporairement gelé, le temps que les partenaires sociauxproposent des mesures alternatives. Le second projet consistait en la création d’un pland’épargne-temps (Wierink, 2004), jugé trop restrictif par les organisations syndicales3.L’acceptation d’une nouvelle phase de modération salariale montre finalement toutel’importance que les organisations syndicales accordent au maintien des dispositifs deretraite anticipée.

La vigueur du débat à cet endroit, bien supérieure à ceux suscités par les thèmesprécédemment abordés, permet de relativiser la remise en cause du modèle néerlandais,traditionnellement marqué par la priorité des mesures de protection des revenus sur cellesde protection de l’emploi. Elle est aussi révélatrice, au sein des débats portant surl’emploi des seniors, de la priorité accordée aux aspects relatifs à l’offre de travail audétriment de mesures visant à modifier la demande de travail et les pratiques desentreprises.

3 Le projet gouvernemental permettait aux salariés ayant accumulé de l’épargne-temps (correspondant au

maximum sur chaque année à 12% du salaire annuel) de partir 18 mois avant la date de retraite, et ce sur labase d’un système d’outing out (individualisé). Les organisations se sont montrées critiques vis à vis duprojet, se déclarant favorables si le temps est plus long (36 mois), et si ce dispositif est issu de la négociationcollective. Face au rejet du gouvernement, appuyé par les employeurs, les syndicats ont opté pour la remiseen cause du pacte de modération salariale.

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CHAPITRE 5 :

ROYAUME-UNI : LOI ANTI-DISCRIMINATION ET RECUL DE L’AGECOMME CRITERE DE GESTION DE L’EMPLOI

Si la question de l’emploi des salariés âgés occupe une place importante dans l’agendapolitique du gouvernement travailliste, les mesures introduites au Royaume-Uni ont quasiexclusivement concerné l’offre de travail. En conformité avec la logique du Welfare toWork, le gouvernement Blair a concentré l’essentiel de son effort sur la politique depromotion de l’offre de travail, destinée prioritairement aux populations sous-représentéssur le marché du travail (parents isolés, personnes déclarés partiellement invalides,immigrés, seniors). S’inscrivant dans une optique d’allongement de la vieprofessionnelle, la promotion de l’offre de travail des seniors s’est appuyée sur différentesmesures : incitation financière à reporter l’âge de la retraite, à accepter un emploifaiblement rémunéré (complément de revenu versé aux chômeurs âgés), mais aussimesures facilitant et rendant plus attractif la poursuite de l’activité professionnelle au-delàde l’âge de départ en retraite, et plus généralement, modification plus ou moinssubstantielle des régimes de retraite (public et professionnel). En comparaison, lesprogrammes engagés pour infléchir les comportements de demande de travail desentreprises, et qui se sont soldés par des campagnes de sensibilisation des employeurs etde promotions des best practices, ont été de moindre ampleur.

Bénéficiant d’un contexte de redémarrage de la croissance économique, ces mesures(dont la plus significative est le New Deal +50) ont sans aucun doute contribué à releverle taux d’emploi des 55-64 ans (passé de 50.5% en 2000 à 55.5% en 2003, OCDE), et àdiminuer le taux de chômage (passé sur la même période de 4.4% à 3.3%). En lien aveccette dernière tendance, le taux de retour à l’emploi au bout d’une année des chômeursâgés de plus de 50 ans a progressé depuis 2001 (passant de 27.3% à 33.2% en 2003),alors même qu’une tendance inverse était observable pour l’ensemble des chômeurs – de49,7% à 41,1% sur la même période - (Labour Force Survey; 2004).

Si la réponse apportée par le Royaume-Uni au problème du sous-emploi des seniors agagné en complexité au cours des années 90 en mobilisant une variété de leviers (voirDelteil, Redor, 2003, pp.187-222), les aspects relevant strictement de la protection del’emploi ou de la subvention aux employeurs pour l’emploi des seniors demeurentrelativement marginaux.

Récemment, quelques points de débat ont porté, bien que de manière indirecte, sur laquestion de la protection de l’emploi des seniors. Mais cet aspect ne constitue que l’undes volets d’un débat plus large qui au cours des deux dernières années (2002-2004), aaccompagné la préparation de la transposition de la directive européenne visant à luttercontre les discriminations fondées sur l’âge.

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1. LA PROTECTION DE L’EMPLOI DES SENIORS

Il n’existe pas au Royaume-Uni de dispositif du type Delalande. L’idée d’introduire unepénalité pour les entreprises qui licencient des seniors demeure étrangère à une cultureprofessionnelle britannique bien davantage tournée vers l’incitation, l’assistance et leconseil aux entreprises4 que vers la sanction et la réglementation.

1.1. L’indemnité de licenciement fonction de l’âge et de l’ancienneté : vers uneremise en cause

De manière indirecte cependant, il existe des mesures susceptibles de décourager lelicenciement des salariés âgés, qui passent par le renchérissement du coût de celui-ci.C’est le cas du système d’indemnisation pour licenciement qui jusqu’à présent tientcompte de l’ancienneté et de l’âge de l’individu. Datant de 1996, la loi sur l’emploistipule l’obligation de l’employeur de verser une indemnité en cas de licenciement d’unsalarié ayant travaillé au moins deux ans sans interruption. Le montant de l’indemnité estcalculé en fonction des trois éléments suivants :

- le montant du salaire hebdomadaire, jusqu’à une certaine limite.- l’ancienneté du salarié dans l’entreprise ;- l’ancienneté reliée à une tranche d’âge particulière.

Suivant cette dernière disposition, la rétribution de l’ancienneté croît par tranche d’âge.Ainsi, pour chaque année d’ancienneté, une personne d’âge compris entre 18 et 21 ansreçoit une indemnité équivalente à la moitié du salaire hebdomadaire. Pour une personned’âge compris entre 22 et 40 ans, l’indemnité pour chaque année d’ancienneté équivautau salaire hebdomadaire, tandis que cette dernière atteint une fois et demi le salairehebdomadaire pour les salariés ayant entre 41 et 64 ans. Notons que pour les personnesâgées de plus de 64 ans, l’indemnité est réduite d’un douzième pour chaque moissupplémentaire. Ce qui signifie qu’à partir de 65 ans, l’indemnité est nulle. Dit autrement,il n’y a plus aucune protection au licenciement après 64 ans.

Plusieurs analystes des politiques d’emploi à l’égard des seniors (Taylor, 2004 ; Walker,2001), ont souligné l’impact ambigu de ce type de dispositif. Selon ces auteurs, le fait quel’indemnité de licenciement croisse avec l’âge et l’expérience du salarié ne constitueraitpas une réelle protection de l’emploi des seniors. En effet, cette mesure inciterait plutôtles employeurs et les syndicats à privilégier le licenciement des plus âgés, socialementplus acceptable, compte tenu du montant supérieur de l’indemnité versé. Il s’agit là d’unconstat à méditer lorsque l’on s’interroge sur la pertinence de ce type de désincitationfinancière. Un constat qui montre aussi l’importance qu’il y a à interroger ensemble lesdifférents dispositifs existants et les priorités et motivations des acteurs.

Récemment, et à la faveur du débat autour de la future loi anti-discrimination, legouvernement a proposé de remettre en cause la référence à l’âge pour le calcul de 4 En témoigne très clairement, l’importance des créations d’organisations diverses et de sites internet (par les

ministères, organisations professionnelles et autres ONG) portant sur l’emploi des seniors, et des contenusqui relèvent essentiellement de l’information et du conseil à destination des entreprises.

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l’indemnité de licenciement. Cette proposition, qui s’inscrit dans un mouvement pluslarge visant à remettre en cause le lien entre salaire et ancienneté, a donné lieu à uneréponse syndicale divisée. La division vaut autant pour l’abolition de toute référence àl’âge pour les indemnités de licenciement, que pour les rémunérations (Taylor, 2004).

1.2. La loi anti-discrimination : une protection implicite pour les seniors ?

Toujours en débat, la nouvelle loi anti-discrimination prévoit une égalité de traitementquel que soit l’âge du salarié, pour le licenciement, le recrutement, la promotion, larémunération, ainsi que pour le départ en retraite, sauf raison particulière “objectivementjustifiée”.

L’abandon d’un âge déterminé pour le départ en retraite qui apparaît l’une desconséquences logiques de la loi précitée, a été en particulier défendue ardemment par lessyndicats (TUC). Ces derniers ont pu l’interpréter comme une protection implicite desseniors. Pour les TUC, il s’agit en effet d’une mesure protégeant le salarié âgé de lapression que l’employeur pourrait exercer pour l’inciter à partir en retraite. Il s’agitégalement d’une mesure qui va dans le sens de la maîtrise par l’individu du moment de sasortie professionnelle, revendication qui s’intègre dans un mouvement fort de lobbyingautour du droit de travailleur à tout âge qui traverse la société civile britannique.

Notons que si la Confédération patronale (CBI) s’est prononcée pour la déterminationd’un âge fixé à 65 ans (Financial Times, 23-06-2004), le gouvernement a jusqu’à présentadopté une position intermédiaire, estimant qu’il ne devait pas y avoir de limite d’âge,mais que si les employeurs en fixaient une, elle ne devait pas être inférieure à 65 ans(Taylor, 2004).

2. LES SUBVENTIONS A L’EMPLOI DES SENIORS

Jusqu’à présent, les seules subventions versées par l’Etat pour promouvoir l’emploi desseniors avaient pour destinataire les salariés eux-mêmes. C’était le cas d’abord, et dans lecadre du New Deal +50, de l’Employment Credit introduit en 1998. Ce fut le cas ensuitedu Working Tax Credit, venu remplacer le précédent dispositif en avril 2003. Il convientde noter cependant que la répartition du budget du New Deal ne s’est pas faite en prioritéà destination des mesures en faveur des seniors (le New Deal +50 n’ayant bénéficié quede 2.1% du budget total du programme, contre 3.4% pour les personnes en invalidité, et10.3% pour les parents isolés).

Très récemment, le gouvernement a décidé d’offrir des subventions aux employeurs quidécident de recruter et de former des bénéficiaires du New Deal. Il s’agit d’une mesurequi ne n’est nullement spécifique aux seniors, et qui est bien trop récente pour fairel’objet d’évaluations.

De manière plus générale, l’évolution des politiques à l’égard des seniors mises en œuvreau cours des deux gouvernements travaillistes est révélatrice d’une inflexion vers desmesures moins ciblées vers des publics particuliers, et ce au profit de mesures plusuniverselles. Il est probable que l’interprétation de la loi anti-discrimination (très éloignéede l’interprétation française) ait contribué à cette évolution.

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CHAPITRE 6 :

ALLEMAGNE : PRIMAUTE DES SUBVENTIONS A L’EMPLOI DES SENIORS

Une récente enquête auprès des employeurs allemands (European Commission, 2003, pp.85-89) révèle que ceux-ci ont une opinion relativement favorable sur les capacités detravail et les possibilités d’adaptation au changement des salariés âgés de plus de 50 ans.

Par exemple, 84% d’entre eux estiment qu’ils sont aussi efficaces que les jeunes.Dans ces conditions on peut s’étonner qu’au cours de la période récente (2000-2003) lesrecours aux différentes formes de cessations anticipées d’activité se soient poursuivies.

C’est ainsi que, par exemple, les chômeurs de plus de 57 ans perçoivent des indemnitésde chômage jusqu’à leur mise en retraite définitive, sans obligation de rechercher unemploi (équivalents aux Dispensés de Recherche d’emploi en France). C’est «quasi-chômeurs » ne sont plus pris en compte par les statistiques des demandeurs d’emploi.Cette possibilité a été largement utilisée par de nombreux Allemands sans emploi cesdernières années. Depuis le début des années 2000, les taux d’emploi et d’activité desseniors (55-64 ans) ont eu tendance à stagner en Allemagne (à un niveau néanmoinssupérieur à la moyenne de l’Union Européenne) (tableau 1 en annexe de la synthèse). Enrevanche, le taux de chômage des personnes de cette classe d’âge a diminué, mais cecis’explique essentiellement par l’augmentation des « quasi-chômeurs ».

En fait la mauvaise situation générale du marché du travail en Allemagne, fait que leconsensus sur les cessations anticipées d’activité qui sont sensées favoriser l’emploi desjeunes, et qui est né au début des années 80, perdure jusqu’à présent (Delteil, Redor,2003, pp 229-230).

Ces évolutions ne sont pas favorables au regard des objectifs d’emploi des seniors fixésau niveau européen à l’horizon 2010.

Le présent exposé examine quelles sont les mesures prises pour inciter, voire contraindre,les entreprises à conserver les seniors jusqu’à un âge plus avancé, à embaucher desseniors, et la façon dont celles-ci répondent à ces incitations et contraintes.

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1. LES DETERMINANTS DE LA DEMANDE DE TRAVAILLEURS AGES A LA FIN DESANNEES 90 ET AU DEBUT DES ANNEES 2000

1.1. Les obstacles au licenciement des seniors

Il n’existe pas de contribution de type Delalande ou d’experience rating en Allemagne envue de responsabiliser les entreprises qui emploient des seniors. S’il y a pas de dispositifsde responsabilisation des entreprises, les mesures réglementaires jouent un rôle important.

En effet, il existe des restrictions aux licenciements qui sont fonction à la fois del’ancienneté et de l’âge (European Commission, 2003, pp 93-94). Il s’agit de règles quisont issues des conventions collectives et qui sont difficiles à résumer étant donné leurdiversité. En effet, certaines prévoient des délais de préavis supérieurs pour les salariésâgés de plus de 50 ans, voire un ordre dans les licenciements qui protège les salariés âgés.Les indemnités de licenciements sont également variables suivant les branches. Ellespeuvent s’élever à un an et demi de salaire, dans les assurances, la banque, ou à laDeutshe Post pour les salariés qui atteignent 56 ou 58 ans avec une ancienneté de 25 ans.

L’ensemble de ces règles fait que la protection de l’emploi en général, et des seniors enparticulier, est relativement élevée en Allemagne, à un niveau voisin de la Suède pour cequi est des emplois à durée indéterminée (OCDE, 2004). Cette protection est surtout fortepour les travailleurs âgés ayant une grande ancienneté, comme nous le mentionnons ci-dessus.

1.2. Subventions à l’emploi des seniors

Il existe une longue tradition en Allemagne de subvention à l’emploi des groupes sociauxdéfavorisés sur le marché du travail. Déjà à la fin des années 60, la loi relative à lapromotion de l’emploi (Milano, 1998, pp 36 et s.) prévoyait un vaste ensemble desoutiens à l’emploi des organismes et entreprises qui embauchaient des personnesappartenant à des groupes en difficulté. Certains étaient spécialement destinés à lacréation d’emplois en faveur des personnes âgées de plus de 50 ans (dispositifs nommésABM). Pour l’embauche de chômeurs de longue durée de plus de 50 ans, les employeursbénéficiaient d’une subvention de 70% du salaire conventionnel qui diminuait de 10%chaque année. C’est surtout à partir de 1984, et plus encore au moment de laréunification, que les créations d’emplois subventionnés se sont développées pour lespopulations en difficulté (jeunes sans formation, chômeurs de plus de 50 ans). Au total,plus de 50% des ABM ont été créés dans le secteur marchand. Il est apparu de plus enplus que les ABM étaient devenus des substituts à l’emploi normal, plutôt qu’unetransition vers un emploi normal.

En 1993, une nouvelle législation sur l’emploi a été introduite, qui complète les ABM, etvise à rendre les mesures de création d’emplois plus actives. C’est ainsi que lessubventions aux employeurs, qu’ils soient des organismes publics ou entreprises sont,selon la nouvelle réglementation, constituées par des sommes forfaitaires, que ceux-ci

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doivent compléter en recherchant le concours des länder et des communes. Le montant dela subvention est égal au coût moyen d’un chômeur (les indemnités légales) sur l’année.Enfin, en 1993, le montant du salaire subventionnable a été réduit pour inciter les salariésaidés à accepter un emploi non aidé : les subventions ne sont alloués que lorsque larémunération est inférieure de 10% à celle des emplois comparables non aidés (Milano,1998, pp 42-43).

L’ensemble de ces mesures a donné naissance à un « deuxième marché du travail » surlequel se trouvent les groupes en difficultés, et notamment un grand nombre detravailleurs âgés (Milano, 1998, pp 43-46). Un débat est né en Allemagne sur le statut etle mode de fonctionnement de ce deuxième marché. Une première conception (le modèlede stabilisation) tend à fournir aux personnes qui se trouvent sur le deuxième marché desemplois stables, dans le respect des conventions collectives existantes. La seconde(modèle de dérégulation) tend à restreindre, pour les personnes titulaires de ces emplois,l’application des règles du droit du travail, du droit social, et du droit conventionnel. Danscette perspective le patronat allemand, relayé par la CDU en 1998, a proposé de cumulerl’aide sociale et le salaire, de façon à pouvoir faire abaisser les coûts salariaux en dessousdes minima conventionnels. Cette mesure n’a pas été adoptée dans son intégralité,néanmoins les récentes dispositions prises en faveur de l’emploi des seniors vont, commeon va le voir, plutôt dans le sens de la dérégulation.

2. LES DEVELOPPEMENTS RECENTS (2002-2004) ET L’EVALUATION DES DISPOSITIFSEXISTANTS

2.1. Les nouveaux développements et les motivations des changements

En 2002 et 2003, plusieurs lois nouvelles ont tenté d’améliorer les possibilités d’emploipour les seniors (European Commission, 2003, pp 93-94).

a. D’après les termes de la loi sur l’activation de l’emploi (Job-AQTIV-Gesetz)de 2002, la formation continue des travailleurs de plus de 50 ans dans lesentreprises de moins de 100 salariés peut être subventionnée.

b. Les chômeurs de plus de 50 ans reçoivent une prime à l’emploi lorsqu’ilsacceptent de reprendre un emploi moins bien payé que celui qu’ils avaientprécédemment (ois sur la création d’un marché du travail moderne, Janvier2003). Cette allocation compensatrice de perte de salaire comble la moitié dela différence entre l’ancien et le nouveau salaire.

c. Pour les entreprises, les subventions à l’emploi des salariés de plus de 55 anssont augmentées, puisque celles qui emploient ces salariés, en plus des aidesprécédentes, sont exemptées de la cotisation à l’assurance chômage (3,5%).

d. L’embauche de travailleurs à partir de 52 ans (au lieu de 58 précédemment),peut se faire sous la forme de contrats à temps partiel ou à durée déterminée,suivant une procédure, et des contraintes juridiques qui sont allégées pour lesemployeurs (Lois sur la création d’un marché du travail moderne, Janvier2003).

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2.2. Les évaluations des dispositifs visant à accroître la demandede travailleurs âgés

La situation générale du marché du travail demeure défavorable en Allemagne à la fin del’année 2004, spécialement pour les seniors (voir notre introduction).

Le patronat allemand réclame des mesures de dérégulations plus poussées, notammentpour l’emploi des seniors (Naegele, 2001, pp 25-27). De façon plus précise, lesassociations d’employeurs estiment que les coûts salariaux croissent avec l’âge, ce qui estun obstacle à l’emploi des seniors. De même la protection dont bénéficient les salariésâgés, dont l’origine est, nous l’avons vu, conventionnelle, dissuaderait les employeurs deles embaucher. Enfin les employeurs demandent la suppression de l’âge officiel de départen retraite (65 ans), de façon à pouvoir moduler l’âge de mise en retraite de leurs salariés.

Une étude récente (Funk, 2003) a été menée sur ce thème dans le cadre du programmeProage qui associe la confédération des employeurs allemands, la fondation Bertelsmannet différents centres de recherche universitaires. Cette étude insiste sur les effetsdésincitatifs du salaire fondé sur l’âge5, et des « effets de crémaillères » qui empêchentpar principe la « rationalisation » et la baisse des salaires individuels. Il faut remarquercependant que la loi de 2003 mentionnée ci-dessus répond en partie à cette préoccupation,puisqu’elle prévoit une prime aux salariés seniors qui acceptent une baisse de salaire.Selon cette étude, les règles de protection de l’emploi des seniors opposent les insidersqui ont un emploi garanti et les outsiders qui sont exclus, de fait, de l’embauche. Parailleurs la même étude vente les mérites de la formation tout au long de la vieinsuffisamment développée en Allemagne.

Conclusion

Les analyses et recommandations de cette étude (Funk, 2003) ne sont pas vraimentnouvelles. Les recommandations portent à la fois sur des effets qualitatifs de long terme(par exemple améliorer la formation à tous les âges de la vie), et quantitatifs de courtterme (baisse des salaires, possibilité de licencier facilement les seniors).

Ainsi l’Allemagne semble osciller, comme la France, entre deux modèles. Soit un modèleà la scandinave qui privilégie les adaptations à la long terme de l’emploi des seniors auxévolutions de la demande de travail (qui dépend elle-même de la technologie, et du typedes productions réalisées), soit un modèle de type anglo-saxon qui privilégie lesadaptions quantitatives de court terme et qui repose sur la possibilité de licencier, voired’abaisser les salaires (au besoin grâce à un mécanisme de prime à l’emploi des seniors),en cas de modification dans le demande de travailleurs âgés.

5 L’Allemagne est un pays dans lequel le salaires des travailleurs âgés est relativement élevé (OECD, 2003).

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Bibliographie

Delteil, Redor (2003), L’emploi des salariés de plus de 55 ans en Europe du nord, étuderéalisée par le GIP MIS pour la DARES

European Commission (2003), European Employment Observatory Review, Spring.

Funk L. (2003), New study examines employment prospects for older workers, Europeanindustrial relations observatory on line (EIRO), October

Milano S. (1998), »Les politiques actives de l’emploi en RFA, in J.C.Barbier, J.Gautié(ed) : Les politiques de l’emploi en Europe et aux Etats-Unis, Presses Universitaires deFrance, pp 27-48.

Naegele G. (2001), “Active strategies for older workers, national report for Germany”,paper prepared for the ETUI project on : Active strategies for older workers, insititue ofgerontology, University of Dortmund.

OECD (2003), Sweden, Ageing and Employment policies, Paris, ed. OCDE

OECD (2004), Employment outlook, Paris, ed.OCDE