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DIRECTION DES AFFAIRES CULTURELLLES 1 Dossier pédagogique LES TROIS POMMES D’OR Conte musical Fiche de présentation synthétique Représentations scolaires Jeudi 25 avril – 10h30 Vendredi 26 avril – 14h30 Représentation tout public Vendredi 26 avril – 20h00 Tout public, à partir de 7 ans 5€ / adulte – 3 € / enfant Espace Renaudie 30 rue Lopez et Jules Martin Métro : Fort d’Aubervilliers Bus 173 : arrêt Balzac Accès handicapés : oui Réservations au 01 48 39 52 46 Elèves interprètes musiciens du CRR 93 : clarinette, percussions, violoncelle, accordéon, guitare, contrebasse Elèves de la classe de MAO (musique assistée par ordinateur) : électronique Elèves comédiens de la classe d’art dramatique de Sylvie Debrun Musique : Martin Matalon, Mise en scène : Laëtitia Guedon, Contes extraits du Livre des merveilles de Nathaniel Hawthorn, Adaptation : Sylvie Debrun. Une création dans le cadre de la résidence du compositeur Martin Matalon soutenue par la Mission des Enseignements et Pratiques Artistiques Amateurs au sein du Conseil Général de la Seine-Saint-Denis. Illustration de Charlotte Gastaut, Le grand voyage d’Ulysse de F.Rachmuhl © Flammarion, 2009 – Avec l'aimable autorisation des auteurs et de Flammarion

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DIRECTION DES AFFAIRES CULTURELLLES

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Dossier pédagogique

LES TROIS POMMES D’OR

Conte musical

Fiche de présentation synthétique

Représentations scolaires Jeudi 25 avril – 10h30

Vendredi 26 avril – 14h30

Représentation tout public

Vendredi 26 avril – 20h00

Tout public, à partir de 7 ans

5€ / adulte – 3 € / enfant

Espace Renaudie

30 rue Lopez et Jules Martin Métro : Fort d’Aubervilliers

Bus 173 : arrêt Balzac

Accès handicapés : oui

Réservations au 01 48 39 52 46

Elèves interprètes musiciens du CRR 93 : clarinette, percussions, violoncelle, accordéon, guitare, contrebasse

Elèves de la classe de MAO (musique assistée par ordinateur) : électronique Elèves comédiens de la classe d’art dramatique de Sylvie Debrun

Musique : Martin Matalon, Mise en scène : Laëtitia Guedon,

Contes extraits du Livre des merveilles de Nathaniel Hawthorn, Adaptation : Sylvie Debrun.

Une création dans le cadre de la résidence du compositeur Martin Matalon soutenue par la Mission des Enseignements et Pratiques Artistiques Amateurs au sein du Conseil Général de la Seine-Saint-Denis.

Illustration de Charlotte Gastaut, Le grand voyage d’Ulysse de F.Rachmuhl © Flammarion, 2009 – Avec l'aimable autorisation des auteurs et de Flammarion

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1. Le propos du spectacle Une mythologie revisitée Le spectacle s’inspire du recueil de contes mythologiques Le Livre des premières merveilles de Nathaniel Hawthorne, écrivain Américain du 19ème siècle. Les histoires ont été choisies et adaptées à la création musicale par Sylvie Debrun. La composition musicale de Martin Matalon pour flûte, clarinette, percussions, violoncelle, accordéon, guitare et contrebasse, avec intégration d’une dimension électronique, et la mise en scène de Laëtitia Guedon permettront une lecture contemporaine des trois mythes. Musique et théâtre seront au rendez-vous pour revisiter la mythologie avec humour et poésie dans un contexte très urbanisé. Ainsi, par train ou par métro, nous pourrons nous rendre chez Atlas, sur la plage de la Gorgone, ou dans le lieu où Pandore trouve sa boîte.

Sylvie Debrun, Martin Matalon et Laëtitia Guedon enseignent au CRR 93.

2. Mieux connaître le sujet

Le mythe de Pandore Pandore est la première femme créée par Zeus pour punir la race humaine et pour discréditer Prométhée qui s’était montré l’ami des hommes ; il avait volé le feu pour le donner aux hommes. Elle fut donc l’instrument de la vengeance de Zeus. Son nom signifie « tous les dons ». Elle fut fabriquée dans de l'argile et de l'eau par Héphaïstos. Athéna lui donna ensuite la vie, lui apprit l'habileté manuelle – elle lui apprit entre autres l'art du tissage – et l'habilla. Aphrodite lui donna la beauté ; Apollon lui donna le talent musical, Hermès lui apprit le mensonge et l'art de la persuasion ; enfin Héra lui donna la curiosité et la jalousie. Zeus l’offrit à Épiméthée, le frère de Prométhée qui en fit sa femme. Les dieux avaient donné une boîte mystérieuse et scellée à Pandore dans laquelle ils avaient caché tous les maux et un seul bien, l’Espérance. Pandore, à qui Héra avait donné la curiosité, ne résista pas à la tentation d’ouvrir la boîte ; en sortirent les peines, les maladies, les querelles et tous les malheurs. Pandore referma la boîte mais les maux s’étaient répandus sur la terre. Une voix se fit alors entendre, celle de l’Espérance qui était restée enfermée. Elle demanda à sortir pour alléger les peines qui allaient désormais affliger les mortels. On retrouve l’idée de paradis perdu dans le titre que donne N. Hawthorne à son récit : «Le Paradis des enfants» dont le spectacle est inspiré. Les trois pommes d’or ne met pas en scène des adultes mais des enfants. Le paradis serait le lieu de l’insouciance et de la légèreté alors que dans la mythologie grecque classique, la période précédant la dispersion des maux est un monde sans femmes.

John William Waterhouse

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Le mythe d’Hercule et d’Atlas (Le jardin des Hespérides) Hercule (ou Héraclès en grec) est le plus populaire des héros grecs. Il est le fils de Zeus et d’Alcmène, l’une des nombreuses mortelles que Zeus a séduites. Hercule est donc un demi-dieu. Dés le berceau il accomplit des exploits extraordinaires mais il est empêché d’accéder au pouvoir et au statut de dieu à part entière à cause de la jalousie d’Héra (femme de Zeus dans la théogonie grecque). Sa vie sera constituée d’une série d’épreuves et d’exploits dont les plus connus sont les douze travaux. Les Pommes d’or des Hespérides constituent le 11ème de ses travaux. Hercule devait accomplir ses travaux pour expier le meurtre de sa femme et de ses trois fils qu’il avait tués dans un moment de folie provoquée par le désir de vengeance d’Héra. Les Hespérides : Filles d’Atlas, elles étaient des nymphes au nombre de 4 ou 7 selon les versions. Elles habitaient dans un jardin à l’extrême Occident – l’endroit où le soleil se couche – et gardaient avec l’aide du dragon Ladon l’arbre qui portait les pommes d’or. Atlas fait partie de la famille des Titans. Après leur révolte, il a été puni par Zeus à supporter le ciel. Il a donné son nom au massif de l’Atlas marocain. On dit que c’est Persée qui l’aurait transformé en pierre en lui montrant la tête de la Méduse, pendant son voyage de retour, pour punir Atlas de lui avoir refusé l’hospitalité. C’est par la ruse qu’Hercule réussit à obtenir l’aide d’Atlas pour accomplir sa mission. Depuis le film des studios Walt-Disney, Hercule est devenu un héros très connu des enfants. Il est aussi à l’origine de beaucoup de monstres herculéens qui peuplent l’imaginaire des enfants et remplissent leur coffre à jouets.

Le mythe de Persée et de la Gorgone Persée est le fils de Zeus et de Danaé, une autre mortelle. Zeus se transforma en pluie d’or pour féconder Danaé. Le père de Danaé l’avait chassé avec son fils, un oracle lui ayant prédit qu’il serait tué par son petit-fils. Dans le mythe originel, Polydectès, le roi de l’île sur laquelle Persée et Danaé ont été recueillis, veut épouser la belle. Pour arriver à ses fins, il éloigne Persée en lui demandant de lui rapporter la tête de Méduse, un cadeau à la hauteur de son prétendu mariage avec Hippodamie.

Persée est accompagné de Vif-argent – Mercure ou Hermès – et d’Athéna – déesse de la sagesse – qui désirait se venger de Méduse. Dans le texte du spectacle, a été uniquement conservé le personnage de Vif-argent afin de créer une relation de confiance et d’amitié entre Vif-argent et Persée.

Mosaïque à Valence – Espagne IIIème siècle

Le Caravage

Benvenuto Cellini

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Méduse était l’une des trois Gorgones. Elle était une très belle jeune fille qui aurait été transformée en monstre par Athéna parce qu’elle s’était vantée de surpasser la déesse en beauté. Méduse était la seule mortelle des trois Gorgones. Après son retour, Persée offrît la tête de Méduse à Athéna qui la fixera au centre de son bouclier.

3. Mieux connaître le compositeur

Martin Matalon, en résidence à Aubervilliers

Né à Buenos Aires en 1958, Martin Matalon étudie à la Juilliard School de New York où il obtient son Master de composition. Durant les étés 1987 et 1988, il participe aux cours d'Olivier Messiaen et de Pierre Boulez au Centre Acanthes de Villeneuve-les-Avignon, et poursuit ses études en France avec Tristan Murail. En 1989, il fonde Music Mobile, ensemble basé à New York et consacré au répertoire contemporain.

En 1993, il s’installe à Paris et commence une longue collaboration avec l’IRCAM à l’occasion d’une exposition au Centre Pompidou sur l’univers de Jorge-Luis Borges, qui donnera naissance à l’œuvre La Rosa profunda. L’Ircam lui commande ensuite une partition pour la version restaurée du film de Fritz Lang, Metropolis. Après ce travail, Martin Matalon se plonge dans l’univers de Luis Buñuel en écrivant consécutivement trois nouvelles partitions pour les trois films surréalistes du cinéaste espagnol : Un chien andalou, L’Âge d’or et Las Hurdes (terre sans pain). Il écrit de nombreuses œuvres de musique de chambre, parmi lesquelles Formas de arena, pour flûte, alto et harpe, ou Lineas de agua pour octuor de violoncelles. Une partie importante de son catalogue est formée par deux séries d’œuvres : la série Des Trames, œuvre à la lisière de l'écriture soliste du concerto et de la musique de chambre, et la série Des Traces qui constitue pour le compositeur une sorte de « journal intime compositionnel », œuvre destinée à des instruments solistes avec électronique en temps réel. Martin Matalon reçoit de nombreux prix, dont les plus prestigieux sont le prix de la J.S Guggenheim fondation de New York, le prix de l’Institut de France Académie des beaux-arts, le prix de la Ville de Barcelone, le Charles Ives Scholarship de l’American Academy and Institute of Arts and Letters, le prix Opéra Autrement du Centre Acanthes… Parmi ses œuvres récentes, plusieurs sont destinées au jeune public comme ces trois contes musicaux : La légende de M. Chance, Tulles et les ombres et Har le Tailleur de Pierre. Plébiscité par un public jeune, il reçoit le Prix des lycéens en 2007. Professeur invité à l'Université McGill de Montréal pendant quatre ans, depuis 2010, il enseigne la composition au Conservatoire à Rayonnement Régional d'Aubervilliers-La Courneuve (CRR 93). © Ircam-Centre Pompidou, 2010

© Nicolas Botti

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4. Mieux connaitre la démarche de l’auteur

Préface de Nathaniel Hawthorne (1804-1864)

Charles Osgood

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5. Bibliographie

Dictionnaire de la Mythologie : Michael Grant et John Hazel, Édition Marabout - 2010

Informations complémentaires Elsa Jourdain – Responsable de mission Arts plastiques, Danse et Jeune public Courriel : [email protected] Téléphone : 01 48 39 50 23 Direction des Affaires culturelles – Ville d’Aubervilliers 124, rue Henri Barbusse 93 308 Aubervilliers cedex Catherine Pougeol – Coordinatrice des intervenants en milieux scolaires Courriel : [email protected] CRR 93 (Conservatoire à Rayonnement Régional 93) 13, rue Réchossière 93 300 Aubervilliers

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TROIS POMMES D’OR

Livret de Sylvie Debrun D’après Nathaniel Hawthorne

Pour la partition de Martin Matalon

Janvier 2013

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Pandore Le Narrateur (trice) Pandore (une petite fille) Épiméthée (un jeune garçon) Voix dans la boîte Voix de L’Espérance La cabane d’Épiméthée Le Narrateur : Il y a longtemps, si longtemps qu’on ne sait plus quand, les histoires n’existaient pas encore : les garçons et les filles grandissaient dans l’insouciance, le soleil brillait chaque matin, les fruits étaient toujours mûrs et délicieux, les jeux n’avaient pas de fin et l’on ne se lassait de rien. Jusqu’au jour où quelqu’un vint déposer cette boîte étrange dans la cabane d’un jeune garçon nommé Épiméthée. Pandore : Épiméthée, qu’est-ce que c’est que cette boîte ? Épiméthée : C’est un secret, Pandore ! Moi-même, je n’en sais rien. Tout ce que je peux te dire, c’est qu’on l’a déposée ici pour la mettre en sûreté. - Qui te l’a donnée ? - Secret. - D’où vient-elle ? - Secret. - Quelle drôle de boîte. - Viens sortons. Il fait beau et les figues sont délicieuses en ce moment. - Non, je n'en ai pas envie. C'est cette boîte qui m'intéresse. Pourquoi est-ce qu'on l'a déposée ici? - Je ne peux pas le savoir puisque c'est un secret. Viens. - Et qui l'a apportée ? - Je ne le connais pas. Il avait des ailes sur son chapeau et il n'arrêtait pas de sourire en me parlant. - Est-ce qu'il avait un bâton ? - Oui, une sorte de baguette avec deux serpents enroulés autour. - Mais c'est Vif-Argent, celui qui m'a amenée ici. Alors cette boîte est pour moi et c'est une surprise, voilà tout. Laisse-moi l'ouvrir, il n'y a aucun risque. - Non, je te dis que c'est interdit. Viens, allons dehors. - Vas-y, si tu veux, moi je reste. Il sort.

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- Quel trouillard ! Je suis sûre que cette boîte est remplie de bonnes choses pour moi. J'ai bien envie de l'ouvrir et si ce qu'il y a dedans ne m'est pas destiné, je la referme sans que personne ne le sache. Elle commence à défaire la cordelette. - Chaque fois que je défais un nœud, il y en a un nouveau qui se présente. C'est comme un jeu. Mais je n'arriverai jamais à tous les refaire. Épiméthée s'apercevra que j'y ai touché et il m'en voudra, c'est sûr. Bon, de toute façon, au point où j'en suis autant continuer et... Chuchotements venant de la boîte : Fais-nous sortir, fais-nous sortir, chère Pandore, fais-nous sortir ; chère Pandore, délivre-nous, nous serons gentils pour toi ; fais-nous sortir, fais-nous sortir ; nous sommes là dans le noir ; je t’en prie, je t’en prie, nous jouerons avec toi… » - Qu’est-ce que ça peut bien être ? Certainement des créatures vivantes. Elles parlent. Je ne résiste plus : il faut que je soulève ce couvercle, ne serait-ce qu’une seconde. Je le refermerai tout de suite après. À l’extérieur de la cabane l’atmosphère s’assombrit. Épiméthée entre, voit Pandore prête à soulever le couvercle il tend un bras vers elle, il est sur le point de jeter un cri mais ses lèvres se referment, son bras retombe, il reste immobile, fasciné. Pandore ouvre la boîte. Un coup de tonnerre retentit. L’orage éclate. Un essaim de petites créatures ailées envahit l’espace. Épiméthée : Oh ! Oh ! Elles me piquent ! Elles me piquent ! Referme vite la boîte, Pandore ! Referme la boîte ! Pandore laisse retomber le couvercle mais trop tard. Les enfants sont harcelés, piqués, ils essaient de se protéger. Ils ouvrent les fenêtres et la porte et les créatures se dispersent sur la terre. Dehors c’est la désolation. Pandore pleure. Épiméthée est allé s’asseoir tournant le dos à Pandore. On entend des petits coups à l’intérieur de la boîte. Pandore : Qu’est-ce que ça peut être ? Épiméthée ! (à la petite voix) Qui êtes-vous ? La voix : Soulevez le couvercle et vous verrez. Pandore : Ah, non ! Pour qu’il sorte encore une horrible créature qui se mette à me piquer ! Il me suffit d’avoir vu vos frères et vos sœurs. Restez où vous êtes. - Vous vous trompez. Je ne suis pas de ces vilains insectes qui ont une épine pour queue. Je vous le promets, je ne fais pas partie de l’horrible famille des malheurs, ni d’une quelconque sorte de peines, ni de cette foule de petites méchancetés. Je n’appartiens pas non plus aux trois cent treize sortes de chagrins et de soucis ni au cent soixante dix neuf espèces de mauvaises passions et je n’apporte aucune maladie. Ouvrez-moi, gentille Pandore, je vous promets que vous n’aurez pas à le regretter. - Épiméthée, tu as entendu comme moi cette douce petite voix ? - Oui et puis après ? - C’est qu’elle me demande de soulever le couvercle… - Comme tu voudras. Après tout le mal que tu as causé, cela n’a guère d’importance : une peine de plus ou de moins ne changera pas grand-chose. - Oh ! Ne sois pas méchant avec moi. J’ai été assez punie, je t’assure.

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La petite voix : Au fond, il a bien envie de me voir, mais il ne veut pas le dire. Épiméthée ne répond pas. La petite voix : Allons, chère petite Pandore, soulève le couvercle et rends-moi la liberté. Il me tarde de te consoler, de vous consoler tous les deux. Ouvre ma prison, laisse-moi respirer à l’air libre et je te montrerai que les choses ne sont pas aussi tristes que tu le crois. Pandore : Advienne que pourra ! Épiméthée, je suis décidée à ouvrir. Cette fois le couvercle semble plus lourd et Pandore n’arrive pas à le soulever. Épiméthée : Attends, je vais t’aider. Une gracieuse petite fée en sort. Elle peut être représentée par un rayon de lumière (« avez-vous jamais fait danser un rayon de soleil à l’aide d’un miroir »). La lumière remplit peu à peu la pièce. La petite voix : Et voilà toutes vos piqûres sont guéries ! Épiméthée : Quand je pense que vous étiez enfermée là-dedans avec ces horribles bêtes à queue pointue ! Pandore : Quand je pense que j’ai hésité à vous délivrer ! La petite voix : Vous ne pouviez pas savoir que j’étais différente des autres habitants de la boîte. Pandore : Vos ailes ont les couleurs de l’arc en ciel. Comme elles sont belles ! La petite voix : Si elles ressemblent à l’arc-en-ciel, c’est qu’elles sont faites à peu près de la même matière : sinon du soleil brillant à travers la pluie, du moins des sourires brillants à travers les larmes. Épiméthée : Est-ce que vous voulez bien rester avec nous ? La petite voix : Je resterai avec plaisir près de vous, aussi longtemps que vous aurez besoin de moi. Il vous arrivera de croire que je vous ai abandonnés, mais à ce moment-là si vous me cherchez bien, vous verrez briller mes ailes irisées dans quelque coin de la cabane. Épiméthée : Comment vous appelez-vous ? La petite voix : Je m’appelle l’Espérance et j’ai pour mission de consoler les hommes. C’est à cette fin que j’ai été enfermée dans la boîte avec ces horribles peines. Je sais une chose très belle et très bonne qui vous sera donnée un jour. Les deux : Oh ! Qu’est-ce que c’est ? Dites-le nous ! La petite voix : Chut ! Ne m’interrogez pas là-dessus : je ne peux pas vous répondre. Mais surtout ne désespérez jamais, non, jamais, quand bien même vous ne verriez pas cette chose très belle et très bonne tant que vous serez sur la terre. Au revoir. Ne soyez pas tristes. Je vais consoler d’autres enfants, mais je reviendrai près de vous. Je vous le promets.

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Hercule et Atlas Le Narrateur (trice) Hercule Le Géant Atlas Une jeune fille Le Narrateur : Il y a très longtemps on racontait qu’il y avait quelque part un jardin merveilleux où poussaient des pommes d’or. On connaissait son nom : le jardin des Hespérides, mais on avait oublié où il pouvait se trouver. De temps en temps des jeunes gens aventureux partaient à sa recherche. Ou bien ils s’en revenaient déçus après avoir traversé en vain, terres et mers lointaines, ou bien l’on n’entendait plus jamais parler d’eux. Un de ces jours anciens, un héros qui s’en allait par l’Italie revêtu d’une peau de lion, armé d’un arc et portant à la main une lourde massue se met à son tour en quête du jardin. Mais il a beau interroger tous ceux qu’il rencontre, personne ne peut lui donner le moindre renseignement sérieux, sinon, peut-être, qu’il doit plutôt se trouver, ce jardin, du côté du couchant. Un jour qu’il aperçoit un groupe de jeunes filles occupées à tresser des couronnes de fleurs au bord d’une rivière, il s’approche d’elles et leur pose la même question : Une jeune fille : Le jardin des Hespérides ? Tu n’as donc peur de rien ! Ne sais-tu pas qu’un dragon à cent têtes y monte la garde sous le pommier d’or ? Hercule : Je le sais. Mais j’en ai vu bien d’autres. Une jeune fille : Ne va pas plus loin. Que t’importent les pommes d’or ? Le monstre ne ferait qu’une bouchée de toi. Hercule : Depuis ma naissance, je me bats contre des monstres terrifiants et je les terrasse les uns après les autres. Adolescent, j’ai tué l’hydre de Lerne, un monstre affreux qui tenait du serpent et de la pieuvre et qui n’avait pas moins de neuf têtes, toutes armées de dents aigües… Une jeune fille : Mais le dragon du jardin des Hespérides en a cent ! Hercule : Il ne peut pas être plus redoutable que l’hydre car elle, si vous lui coupiez une tête, il en repoussait deux à la place, et la tête continuait à sauter pour vous mordre. Je n’ai pu m’en débarrasser qu’en l’enfouissant sous un énorme rocher. Une jeune fille : Quel est donc votre nom ? Hercule : Hercule. Une jeune fille : Hercule ! Comme je suis contente de te voir ! Voilà si longtemps que j’entends parler de toi ! Hercule (confus) : Je vous remercie beaucoup de votre amabilité mais il faut que je parte. Une jeune fille : Déjà ! Enfin, nous ne voulons pas te retenir. Vois-tu ce chemin ? Il te mènera au bord de la mer, et là, tu trouveras un vieillard. Hercule : Serait-ce le Vieux de la Mer ?

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Une jeune fille : Lui-même. C’est l’heure à laquelle il sort de l’eau pour s’asseoir sur la grève. Il sait sûrement où se trouve l’île du jardin des Hespérides. Surtout, tiens le Vieux bien ferme ! Ne t’étonne de rien, mais tiens-le bien et il te dira tout ce que tu veux savoir. Le Narrateur : Hercule après avoir abattu quelques arbres pour se frayer un chemin dans la forêt arrive au pied d’une falaise où dormait un vieillard. Oui, un vieillard, mais combien étrange ! Il avait les bras et les jambes couverts d’écailles de poisson, les mains et les pieds palmés comme les pattes d’un canard et une longue barbe verdâtre semblable à une touffe d’algues. On aurait dit un de ces débris de vaisseau couverts de mousse marine que les vagues rejettent parfois sur la plage. Hercule s’approche de lui sur la pointe des pieds, et posant sa massue à terre, le saisit par une jambe et par un bras et lui demande en hurlant où se trouve le jardin des Hespérides. Le vieillard se réveille en sursaut et se met à frétiller comme un poisson pour essayer de se dégager. Mais Hercule tient bon. Tout à coup, ce n’est plus la jambe et le bras d’un vieillard qu’il a dans les mains mais le pied de derrière et le pied de devant d’un magnifique cerf. Sa surprise est si grande qu’il manque lâcher prise. Mais, il se rappelle à temps que les jeunes filles lui ont recommandé de ne s’étonner de rien et il resserre son étreinte. Le vieillard se transforme alors en un immense oiseau de mer aux cris déchirants puis en chien à trois têtes aux crocs acérés et enfin en serpent fouettant l’air de sa queue. Mais Hercule tient bon et reste le plus fort. Le Vieillard sans doute ne peut-il plus supporter les tortures qui lui sont infligées et finit par indiquer un sentier qui mène à un géant qui soutient le ciel sur ses épaules et qui s’il est de bonne humeur renseignera Hercule. À ce moment-là, une vaste coupe qu’on aurait dit de cuivre ou d’or, dix fois grosse comme une roue de moulin vient effleurer le rivage, Hercule saute dedans et s’y endort allongé sur sa peau de lion jusqu’à ce qu’elle accoste à une nouvelle île. Hercule : La base de cette île ressemble à des jambes humaines… Mais ce sont de vraies jambes ! De vraies jambes vivantes ! La montagne n’est pas du tout une montagne, c’est un immense géant ! Les nuages lui font une ceinture et se perdent dans les poils de sa barbe. Il dresse en l’air ses deux mains et chose incroyable, mais vraie, le ciel repose sur elles. Sa grande figure est empreinte de tristesse et il y a de quoi car ce pauvre géant doit être là depuis des centaines et des centaines d’années à en juger par les immenses arbres qui poussent entre ses doigts de pieds. Le Géant : Qui es-tu toi que je vois à mes pieds ? D’où viens-tu avec cette coupe ? Hercule : Je suis Hercule et je cherche le jardin des Hespérides ! Le Géant : Ha, ha, ha ! Ho, ho, ho ! Voilà une aventure qu’il n’est pas très sage de tenter ! Hercule : Crois-tu donc que j’ai peur du dragon à cent têtes ? Orage, tonnerre, tempête, puis ciel bleu. Le Géant : Je suis Atlas, le plus grand géant du monde. C’est moi qui soutiens le ciel de ma tête et de mes bras. Hercule : Je le vois bien. Pas besoin de le crier si fort. Peux-tu me dire où se trouve le jardin des Hespérides ? Le Géant : Qu’est-ce que tu veux y faire ? Hercule : Je veux y cueillir trois pommes d’or.

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Le Géant : Il n’y a que moi qui puisse entrer au jardin des Hespérides pour cueillir les pommes d’or. Si je ne devais pas supporter le ciel, j’irais volontiers là-bas en me promenant : cela me dégourdirait les jambes, et je te rapporterais les pommes. Hercule : Ce serait formidable. Ne peux-tu pas déposer un instant ton fardeau sur une montagne ? Le Géant : Même la plus haute d’entre elles est encore un peu trop basse. Oh ! il ne manque pas grand chose, et, quand j’y pense, il me semble que si tu montais dessus, ça pourrait faire l’affaire : ton front serait de niveau avec le mien, et tu m’as l’air d’être un gaillard passablement robuste. Si tu veux, je te passe le ciel le temps de ma promenade. Hercule (hésitant pour la première fois de sa vie) : Le ciel est-il très lourd ? Le Géant : Au début, ce n’est rien, mais avec le temps il commence à peser et franchement, au bout de mille ans on en a assez. Hercule : Et… combien de temps te faut-il pour aller chercher les pommes d’or ? Le Géant : Oh ! C’est l’affaire d’un instant : je fais des enjambées de trois ou quatre cent lieues. Tu n’auras pas le temps d’être fatigué. Hercule : Bon, j’accepte. Le Géant : Es-tu prêt ? Attention. Je fais glisser le ciel délicatement sur ton épaule gauche, puis sur ta nuque… puis sur l’épaule droite… Voilà. Tu le tiens bien ? Hercule : Oui. Le Narrateur : Alors Atlas tout content d’être libre étire ses bras : puis arrache la forêt qui avait poussé autour de ses pieds et se met à sauter de joie. À chacune de ses cabrioles, la terre tremble. Il s’avance alors dans l’eau d’où il émerge à moitié et disparaît bientôt à l’horizon telle une montagne vaporeuse et bleuâtre. Mais Hercule n’est pas très rassuré. Supposez que le géant se noie ! Ou qu’il reçoive une morsure venimeuse du dragon à cent têtes ! Ce ciel d’azur qui nous semble si léger commence à peser sérieusement sur ses épaules. Le temps change continuellement : tantôt le soleil brûle, tantôt une pluie glacée lui ruisselle dans le dos, il reçoit même une dégelée de grêle sur la nuque. Et s’il ne tient pas le ciel tout à fait comme il faut, les astres peuvent se détraquer, le soleil en premier. Alors les constellations perdront leur centre de gravité et tomberont en pluie de feu sur la tête des hommes. Quelle catastrophe et quelle honte pour lui si le ciel se mettait à se fissurer et à craquer ! Aussi est-il soulagé lorsqu’il voit le géant revenir à sa rencontre à travers la mer. Dans sa main tendue, brillent trois magnifiques pommes d’or aussi grosses que des citrouilles. Hercule : Comme je suis content de vous revoir ! Et vous avez les pommes d’or ! Le Géant : Oui, je vous ai choisi les plus belles. Quelle agréable promenade ! Le jardin des Hespérides est vraiment merveilleux et le dragon vaut la peine d’être vu, je vous assure. Hercule : Il vous a laissé passer ? Le Géant : Oh ! Je l’ai écarté du pied. Mais quel dommage que vous ne puissiez aller là-bas ! Hercule : Ce sera pour une autre fois. Je vous dois mille remerciements. Seulement je n’ai pas beaucoup de temps devant moi, je dois apporter les pommes d’or aujourd’hui à mon cousin le roi. Auriez-vous la bonté de reprendre le ciel sur vos épaules ? Le Géant : Rien ne presse. Ce serait un plaisir pour moi que de porter les pommes à votre cousin… Mais faites donc attention, ne vous agitez pas comme cela. Vous allez effrayer les habitants de la

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terre. En cinq siècles, je n’ai pas laissé tomber autant d’étoiles que vous en une minute. Vous n’avez aucune patience. Quand vous serez resté là aussi longtemps que moi, vous aurez appris à vous tenir tranquille. Hercule : Quoi ! Vous n’allez pas me retenir ici jusqu’à la fin des siècles ? Le Géant : Peut-être pourrions-nous conclure un arrangement. Mais nous en reparlerons plus tard, je ne veux pas faire attendre votre cousin Au revoir ! Hercule : Attendez ! Attendez ! Ma peau de lion me gêne horriblement ; elle me tient beaucoup trop chaud. Permettez-moi de l’enlever en reprenant votre fardeau pendant trois secondes. Le Narrateur : Le géant est un homme un peu simple comme beaucoup de géants : pour venir en aide à Hercule, il jette les pommes à terre et reprend le ciel sur ses épaules. Hercule, lui, dès qu’il est libéré, ramasse les pommes et s’en va tranquillement. Les hurlements du géant ne le font même pas se retourner. Depuis ce jour Atlas n’a plus bougé, et les forêts ont repoussé à ses pieds. On dit qu’il a été changé en montagne par Persée. Les jours de tempête on peut encore entendre ses cris dans le vent, car toujours il appelle, il appelle Hercule. Persée et la Gorgone

Persée et la gorgone Le Narrateur (trice) Persée Vif-Argent Le Roi Le Narrateur : Persée, assis sur la grève, armé de son glaive et de son bouclier médite tristement. Vif-Argent : Persée ? Tu sembles bien préoccupé. Persée : Je rêve à une aventure que je dois tenter et qui n’est pas des plus faciles. Vif-Argent : Raconte-moi cela. Il m’est arrivé de tirer d’embarras pas mal de jeunes gens qui s’étaient empêtrés dans des situations assez périlleuses. On me donne beaucoup de noms, Hermès, Mercure, mais celui que je préfère est Vif-Argent. Je pourrai certainement t’aider si tu me racontes tes difficultés. Persée : Ma mère Danaé et moi avons été recueillis alors que je n’étais encore qu’un enfant, par un pêcheur fort bon de cette île. J’ai grandi ici et le roi de l’île, Polydecte, m’a généreusement fait enseigner l’art de l’épée que je manie habilement. Et maintenant, afin de remercier les habitants de l’île pour tous leurs bienfaits, le roi me demande de lui rapporter la tête de la Gorgone Méduse avec sa chevelure de serpents. Il voudrait l’offrir à sa fiancée la princesse Hippodamie. Mais j’ai appris que les gorgones sont trois sœurs avec des visages de femme et des corps de dragon, qu’elles ont pour cheveux des serpents, sont couvertes d’écailles, armées d’immenses dents, de langues fourchues et de griffes d’airain et que leurs ailes d’or éblouissent les mortels. Le plus terrible, paraît-il, c’est qu’il suffit de les regarder, ne serait-ce qu’une seconde pour être pétrifié ; oui, littéralement changé en statue de pierre, de frayeur sans doute. Comment les affronter ? Ou bien je ferme les yeux et je ne sais où frapper ; ou bien je les ouvre et je suis à l’instant changé en pierre.

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Vif-Argent : Tu ferais une belle statue de marbre et cela t’assurerait de passer à la postérité. Mais il me semble qu’il vaut mieux être un jeune homme bien vivant pendant quelques années qu’un bloc de marbre inanimé qui résiste aux siècles. Persée : C’est aussi ce que je pense et ma mère aussi sans doute. Mais encore une fois, comment réussir à combattre les yeux fermés ? Vif-Argent : Je pense pouvoir t’aider mais il va falloir que tu sois prudent et courageux, et si tu suis exactement mes conseils et ta victoire est assurée. Commence par polir ton bouclier, fais-le briller pour que l’on s’y voie comme dans un miroir. Laisse ton glaive et prends cette courte lame qui coupe le fer et le bronze aussi facilement qu’un rameau. Bien. Et maintenant, en route ! Il nous faut d’abord trouver les trois vieilles femmes à cheveux gris qui savent où se trouvent les Nymphes. Persée : Les trois vieilles femmes à cheveux gris ? Qui sont-elles ? Vif-Argent : De fort étranges vieilles dames. Figure-toi qu’elles n’ont qu’un œil et une dent pour elles trois. Elles ne se montrent jamais qu’au crépuscule ou à la nuit tombée et encore faut-il qu’il n’y ait pas de clair de lune. Le Narrateur : Les voilà partis ! Persée s’aperçoit que ce n’est pas chose facile de suivre Vif-Argent qui fend l’air comme s’il volait. À vrai dire, il vole bel et bien grâce aux ailes qui ornent son chapeau et ses sandales. Pour lui venir en aide Vif-Argent lui tend son bâton contourné. Dès que Persée l’a en main, il en est comme entraîné et se met à courir ou à voler sans efforts au côté de son compagnon. Les voilà donc rapidement parvenus dans un endroit sauvage et broussailleux, d’un aspect fort désolé, du moins autant que Persée peut en juger car il fait déjà presque nuit. Vif-Argent : Les voici ! Cache-toi là. Prends garde qu’elles ne t’aperçoivent avec cet œil unique qu’elles se passent tour à tour. Le Narrateur : Persée ouvre grand ses yeux dans l’ombre et finit par distinguer trois vieilles femmes qui s’avancent en boitillant. Deux d’entre elles ont au milieu du front un trou vide mais la troisième un œil grand ouvert qui étincelle comme un diamant. Cet œil tourne de droite et de gauche et semble scruter l’épaisseur des taillis. -Sœur Infernale, dit l’une d’elle, cela fait longtemps que vous avez l’œil. Passez-le-moi, s’il vous plaît. -Encore un petit moment, Satanite. J’ai cru voir remuer derrière un buisson. -Et alors ? Ne suis-je pas aussi capable que vous de reconnaître un danger ? Donnez-moi l’œil. -Ah non ! C’est à mon tour de voir, s’écrie Branlante la troisième, et vous le savez aussi bien que moi. -Prenez-le, dit Infernale. Après tout, je ne suis pas fâchée de me reposer un peu la vue dans le noir. Mais dépêchez-vous de le récupérer ou vous Satanite ou vous Branlante, peu importe, ne restons pas toutes les trois aveugles ! C’est on ne peut plus imprudent. Persée : Mesdames, ne cherchez pas plus longtemps : c’est moi qui ai l’honneur de tenir votre superbe œil. Le Narrateur : Les trois sœurs se mettent à hurler, horrifiées de savoir leur unique œil aux mains d’un inconnu. Persée : Mesdames, je ne vous veux aucun mal et je vous rendrai votre œil intact à condition que vous m’appreniez où se trouvent les Nymphes. Je veux dire les Nymphes qui ont les sandales volantes, la besace magique et le casque qui rend invisible.

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Le Narrateur : Les vielles sautent de tous côtés en étendant les bras pour essayer de saisir Persée et feignent l’étonnement au sujet des Nymphes mais Persée sur les conseils de Vif-Argent reste inflexible. Finalement, ne voyant pas d’autre moyen pour récupérer leur œil, elles finissent par lui donner les explications les plus détaillées. Du train où ils vont, il ne leur faut pas longtemps pour atteindre la clairière retirée où habitent les Nymphes. Comme elles sont différentes des trois vieilles. Aussi jeunes que belles, aussi fraîches que rieuses, elles accueillent de très bonne grâce Vif-Argent et son protégé. Sans faire aucune difficulté, elles apportent d’abord un petit sac de daim orné de broderies étranges et qui n’est autre que la besace magique ; puis une paire de sandales ailées semblables à celles de Vif-Argent. Persée chausse l’une des sandales mais voilà l’autre qui s’envole comme un oiseau… Dès qu’il a chaussé les deux, il se sent tout léger et s’élance malgré lui dans les airs. Puis les Nymphes apportent un casque brillant surmonté d’un panache de plume noire et en coiffent le jeune homme. À l’instant même, plus de Persée, plus de casque, plus rien ! Il est devenu invisible. Ils prennent congé des Nymphes après les avoir remerciées chaleureusement et survolent la terre baignée de clarté lunaire. Parfois ils s’enfoncent dans la ouate humide d’un nuage et ne voient plus rien puis débouchent à nouveau dans le ciel pur d’été où éclatent des météores. Enfin, ils planent au-dessus d’une mer immense dont les vagues viennent se briser, avec un rouleau d’écume, sur une longue grève de sable blanc. Vif-Argent : Persée, voilà les Gorgones. Persée : Où cela ? Je ne les vois pas. Vif-Argent : Sur le rivage de cette île. Si un caillou s’échappait de ta main, il tomberait parmi elles. Regarde, elles sont couchées sur le sable, leurs ailes d’or nonchalamment étalées. Bercées par le grondement des vagues, elles dorment d’un sommeil profond. Même les serpents qui couronnent leur tête semblent assoupis. Persée : On dirait de gigantesques scarabées. Vif-Argent : Heureusement qu’elles dorment la tête sous l’aile. Si tu apercevais leur visage, tu tomberais du ciel comme une masse, changé en bloc de pierre. Persée : Laquelle faut-il frapper ? Laquelle des trois est Méduse ? Vif-Argent : Méduse est celle qui s’agite dans son sommeil. Elle va se retourner, ne la regarde pas ! Ne regarde que son reflet dans ton bouclier poli. Le Narrateur : Persée pouvait nettement y voir Méduse qui, troublée sans doute par un mauvais rêve, s’agitait en labourant le sable de ses griffes. Elle avait ainsi découvert son immense visage de femme d’où émanait une sorte de beauté sauvage, les yeux clos bordés de serpents. Vif-Argent : Vite ! Vite ! Attaque la Gorgone ! Mais attention, reste calme et ne quitte pas ton bouclier des yeux quand tu prendras ton élan pour frapper. Le Narrateur : Persée descend avec précaution sans cesser de fixer l’image dans son bouclier poli. À mesure qu’il s’approche du visage hérissé de serpents, son horreur et son dégoût augmentent. Il lève enfin le bras… Les serpents se redressent… Les paupières de Méduse s’agitent… Mais le glaive retombe et la tête de Gorgone roule sur le sable. À la grande surprise du vainqueur la petite besace magique qu’il porte au cou s’élargit le plus naturellement du monde et quand il en approche le trophée sanglant, tête et chevelure de serpents, tout disparaît dans le sac.

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Vif-Argent : Tu as accompli ta mission. À présent envole-toi sans perdre un instant. Le Narrateur : Aussitôt Persée s’élance dans les airs. Bientôt il entend au dessous de lui des rugissements effroyables : les deux autres gorgones se sont réveillées et poussent des cris de lamentation et de colère sur le cadavre de leur sœur. Elles déploient leurs ailes d’or et volent de tout côté pour chercher le meurtrier mais en vain : Persée est invisible. Vif-Argent : Surtout, ne tourne pas la tête ! Le Narrateur : Le voyage de retour bien que rempli d’aventures et d’exploits merveilleux se déroule très rapidement. La première visite de Persée est pour sa mère, il veut la rassurer mais elle n’est pas chez elle alors il se rend tout droit au palais. Le roi Polydecte qui, jaloux, n’avait confié cette mission à Persée que pour le faire disparaître est bien étonné de le voir revenu, il le croyait dévoré par les Gorgones. Le roi : Tu es déjà de retour ? J’espère que tu as réussi ta mission, sinon tu sais qu’il vaudrait mieux pour toi ne pas reparaître devant moi. Persée : Sire, je vous rapporte la tête de la Gorgone. Le roi : Vraiment, Persée ? Alors, montre-la-moi. Ce doit être un objet bien curieux. Persée : Je n’oserais, Sire, c’est un spectacle bien trop hideux pour Votre Majesté. Le roi : La poltronnerie t’a empêché d’obéir à mon ordre et tu espères te tirer d’affaire en me présentant un sac fermé dans lequel tu auras glissé quelque tête d’âne. Si tu t’es moqué de moi, tu mérites la mort. Montre-moi la tête de Méduse, ou demain, à l’aube, tu seras écartelé par quatre chevaux. Persée : Puisque vous l’exigez, Sire… Le Narrateur : Persée tire du sac la tête de Méduse et la présente au roi qui est à l’instant même changé en pierre.