Construire pour les autres comme pour soi-même...nancier adéquat. L’implantation d’une grue...

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Construire pour soi-même et

pour les autres

Construire pour les autres comme pour soi-même

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Le projet DIWAN est emblématique de ces formes d’habitat intermédiaires, entre maison individuelle et logement collectif, qui apparaissent dans nombre de réflexions engagées

depuis le début des années 2000 dans le cadre des SCOT, PLU, PLH, Agenda 21, etc. S’il n’est pas nouveau (on

en trouve des exemples dès les années 20), l’habitat groupé connaît actuellement une forme de renaissance.

En conciliant densité urbaine et autonomie de chaque logement, espaces extérieurs privatifs et partagés, en se

révélant suffisamment modulaire pour maintenir la continuité du tissu urbain, en offrant de véritables possi-

bilités de mixité sociale et générationnelle, cet habitat compact est capable de prendre en charge à la fois les

attentes des habitants et les exigences des collectivités. C’est la raison pour laquelle il s’impose comme une

des réponses aux nouveaux enjeux des territoires métropolitains, à l’heure où l’échelle du quartier est jugée

pertinente pour traiter de façon opérationnelle les dimensions d’aménagement durables.

Le premier objectif du projet DIWAN n’était ni aussi altruiste, ni aussi ambitieux :

il s’agissait de construire d’abord pour nous-mêmes en conciliant architecture contemporaine, écologie et

budgets limités. Mais les tribulations de l’autopromotion nous ont amenés à sortir de ce cadre qui semblait

idéal, et à construire aussi pour les autres en maîtrisant réellement notre ouvrage... Alors, une fois le projet

réalisé dans son entier, la réciproque s’est progressivement imposée : pourquoi ne pas continuer à cons-

truire pour les autres...un peu comme pour soi-même ? Avec la même exigence architecturale, et le même

réalisme économique. En s’appuyant sur l’expérience acquise, non seulement au niveau de la technique de

construction, mais également de la méthode, pour ne pas dire du “management” de ce type de projet.

Dans cette perspective, l’expérience DIWAN est-elle reproductible et à quelles conditions ? Bien qu’il soit considéré comme un modèle attractif, le projet DIWAN n’a pas été simple à

réaliser. Car dès lors que l’on n’est ni dans la construction standard, ni dans une opération haut de gam-

me, les projets deviennent plus exigeants et donc plus complexes. Les nouvelles normes de construction

et de basse consommation vont augmenter encore leur niveau de contraintes et accentuer leur fragilité,

en particulier dans les territoires où la pression foncière reste très élevée.

La mise en oeuvre du développement durable appelle une évolution qualitative des pratiques et les projets atypiques seront de plus en plus dépendants des co-produc-tions politique, technique et citoyenne. Quelles leçons issues de DIWAN peuvent aider les acteurs

d’un projet futur à assurer la réussite d’une entreprise commune ? C’est à cette question que nous nous nous

efforçons d’apporter ici des premiers éléments de réponse, issus de notre expérience et de nos réflexions.

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BAGNOLET

< PORTE DE MONTREUIL

Sommaire

Construire pour soi-même... et pour les autres

Rétrospective du projet

Acte 1 > Commencer à exister- Se constituer en réalité juridique- Etre reconnu par la municipalité- Trouver un terrain

Acte 2 > Etudier la faisabilité - Se servir des contraintes - Choisir sa forme juridique - Trouver l’équilibre économique

Acte 3 > Elaborer le projet- Adopter un nouveau mode constructif- Mobiliser des compétences- Investiguer les solutions techniques

Acte 4 > Rechercher le financement- Conserver la maîtrise d’ouvrage- Assumer ses partis pris

Acte 5 > Devenir Maître d’Ouvrage- Entrer dans la maturité- Accepter d’apprendre- Apprendre à partager

Acte 6 > Trouver des acquéreurs- Une “commercialisation” qui n’en est pas une- Un projet qui séduit autant qu’il déstabilise- Du projet immobilier au projet de vie

Acte 7 > Construire le bâtiment- Des entreprises peu disponibles et

en position de force- Travailler en corps d’état séparé :

un choix risqué mais justifié- Béton et bois : deux cultures difficiles à concilier- Des innovations qui peuvent coûter cher

Construire pour les autres...comme pour soi-même

Leçons apprises pour les projets à venir :Les 8 enseignements à capitaliser

Enseignement 1 > Le désir de prendre en charge son logement

répond à de nouvelles aspirations

Enseignement 2> L’autopromotion reste un sport de combat

Enseignement 3> L’amateurisme est un sport à haut risque

Enseignement 4 > La professionnalisation des

autopromoteurs est une condition de survie

Enseignement 5 > L’engagement des collectivités

territoriales est capital

Enseignement 6> La maîtrise d’ouvrage d’un projet atypique

doit l’être aussi

Enseignement 7> Il faut investir dans les phases amont

Enseignement 8> L’architecture et la maîtrise des coûts

sont une des clés de la durabilité

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Après quelques années d’incertitude et plusieurs mutations, le projet DIWAN a cessé d’être un projet. Il est devenu le 2, place de la Fraternité, lieu de vie et de travail d’une trentaine de personnes (adultes et enfants) qui contribue, à son échelle et avec d’autres, à transformer le visage du Bas Montreuil.

Réussir à construire un projet d’habitat collectif sans passer par la promotion immobilière classique est une épreuve. Alors, lorsqu’on a réussi à la surmonter, cela devient une histoire que l’on a à la fois envie de partager et de prolonger. Ce qui suppose de formaliser un véritable retour d’expérience.

Dans les pages qui suivent, nous nous sommes donc livrés à un exercice de rétrospective pour retrouver les jalons clés, les choix décisifs et les actes forts qui ont permis au projet de se concrétiser.

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Repères chronologiques

Rencontre entre Guy Hayon et Catherine Puig

Proposition de construction d’un bâtiment d’habitation en autopromotion

Constitution de l’indivision Diwan

Attribution d’un terrain par la ville de Montreuil au 158 rue Etienne Marcel

Décision de construire une synagogue au 158 rue Etienne Marcel

Reloca lisatoin du projet place de la Fraternité

Une partie des membres de l’indivision quitte le projet

Se constituer en réalité juridique

Le projet Diwan est né en dans les années 2000 de la volonté de

plusieurs montreuillois, architectes et artistes pour la plupart, de

concevoir et construire en autopromotion à Montreuil leur propre

espace de vie, en conciliant logement et atelier de travail. Leur

idée n’était pas de rénover une friche industrielle, comme c’est

souvent l’usage, mais de construire un bâtiment neuf, en utilisant

des modes constructifs innovants, tout en conservant une écono-

mie globale de réalisation compatible avec des budgets serrés.

Réunis d’abord au sein d’une indivision, ils seront amenés au fil

des évolutions du projet à créer la SCI Diwan.

Etre reconnu par la municipalité

Le caractère original du concept permet d’obtenir d’abord un

soutien capital : celui de la municipalité de Montreuil. Catherine

Puig, alors maire-adjointe déléguée à l’urbanisme, propose à l’In-

division une première parcelle de 1150 m2 rue Etienne Marcel. Un

premier projet de 6 ateliers-logement voit le jour, une maquette

est réalisée, les plans circulent, se modifient, se peaufinent. Mais

la municipalité demande à récupérer les droits de cette parcelle

pour y construire un bâtiment d’intérêt communal.

Trouver un terrain

Suite à sa “délocalisation” imposée, le projet va connaître quel-

ques années d’errance. La mairie propose en 2002 deux nouvelles

parcelles mais aucune n’est compatible avec les temporalités ou

l’équilibre global du projet. Certains acteurs renoncent, décident

finalement de s’investir ou d’investir ailleurs. Mais trois d’entre

eux s’entêtent : le temps passé en conception est trop important

pour accepter de faire machine arrière. Ce projet doit trouver sa

place : ce sera finalement celle de la Fraternité.

Acte 1 > Commencer à exister Pourquoi “Diwan” ?Ce n’est pas pour revendiquer des origines celtes que le projet fut baptisé Diwan. Dans les cultures arabes, le Diwan est un comité des sages, un lieu d’échanges et de débats. Or le projet architectural naissant soulevait de nombreuses discussions, à la fois sur le bâtiment lui-même et sur le projet de vie qui allait avec, entre les premiers protagonistes. Parmi lesquels un peintre d’origine algérienne, qui suggéra le nom. Avec le recul, on peut dire que ce dernier ne fut pas usurpé : le projet continuera d’être un projet partagé, plus tard avec ses futurs acquéreurs et aujourd’hui encore avec tous ses occupants.

1998

1999

2002

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Se servir des contraintes

La parcelle du 2, place de la Fraternité est étroite et le plan d’amé-

nagement offre peu d’orientation. Quant au plan de secteur, il impo-

se une volumétrie qui dépasse de beaucoup le projet initial (1100 m2

SHON au lieu de 700). Il faut construire plus sur une moins grande

surface, avec l’obligation d’être en R+3 sur rue et R+2 sur jardin.

L’étude de faisabilité est confiée à l’agence d’architecture Graam.

Pour répondre aux contraintes de la parcelle, elle prend le parti de

la diversité : le projet sera divisé en 9 lots de configurations diffé-

rentes (au lieu de 6 lots identiques dans le projet antérieur), avec

pour objectif de préserver la qualité des espaces (hauteur sous pla-

fond, ouvertures) et d’optimiser les vues.

Choisir sa forme juridique

La forme de l’indivision s’avère inadaptée à la poursuite du projet

dans sa nouvelle configuration. Désormais 6 lots sur 9 devront être

commercialisés, les trois autres étant acquis par les inititeurs du

projet : la constitution d’une SCI de construction vente s’impose.

Trouver l’équilibre économique

Le nouveau projet présente aussi une complexité économique que

ne revêtait pas le premier : il s’agit maintenant d’une véritable

opération de promotion immobilière, qui nécessite un montage fi-

nancier adéquat. L’implantation d’une grue devient a priori obliga-

toire, ce qui n’était pas le cas sur le terrain de la rue Etienne Mar-

cel. Il faut également construire un parking en sous-sol, alors qu’il

était en surface dans le projet initial. Autant de changements qui

augmentent considérablement le coût de construction. Or l’objec-

tif reste de maintenir un prix de vente en dessous des prix du mar-

ché, pour respecter les engagements pris vis-à-vis de la Ville de

Montreuil, tout en assurant la rentabilité de l’investissement pour

intéresser un partenaire financier dont on ne peut pas se passer.

Equation impossible ? Presque. A moins de trouver les solutions

techniques qui vont permettre de continuer.

Acte 2 > Etudier la faisabilité Avant projet Diwan (APS/APD)

Signature de la promesse de vente

Etude de faisabilité confiée à l’agence Graam

2004

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Adopter un nouveau mode constructif

En choisissant un mode constructif bois, Diwan se lance dans

une voie encore en friche dans l’habitat collectif. Mais outre les

qualités écologiques du matériau lui-même (chantier sec, réduc-

tion des déchets, performance thermique, etc.), le procédé offre

des temps de construction réduits qui limitent les risques chan-

tier comme les frais bancaires, et ne nécessite pas l’implantation

d’une grue fixe. La réduction des parties communes, laissées à

l’air libre, va également permettre d’optimiser l’utilisation de la

SHON et de limiter les coûts de construction.

Mobiliser des compétences

L’agence Graam vient de se voir confier la maîtrise d’œuvre d’un

bâtiment scolaire à Alfortville et a précisément opté pour le pro-

cédé constructif bois de type KLH (photos ci-contre). Cet ouvrage

va servir d’appui à l’étude de faisabilité du projet Diwan. Car si la

construction bois s’est banalisée pour les maisons individuelles et

les équipements sportifs notamment, les projets de logement col-

lectif en bois ne sont pas légion. En France, Diwan fait d’autant plus

figure de projet expérimental qu’il est porté par des privés. Ce sont

ces caractéristiques qui vont permettre de développer un partena-

riat privilégié avec le CNDB (Centre National de Développement du

Bois). Ce dernier va faire de Diwan un projet exemplaire, et l’accom-

pagner dans son étude de faisabilité.

Investiguer les solutions techniques

La construction bois est un monde prolifique, qui compte pres-

qu’autant de modes constructifs que d’entreprises. Avec l’aide du

CNDB, Diwan et Graam vont mener auprès d’elles une investiga-

tion poussée, en particulier en Europe du Nord où le procédé est

aussi une tradition culturelle. Il connaît depuis une quinzaine d’an-

nées un renouveau impressionnant avec la construction des bâti-

ments basse consommation et des maisons passives, dont le land

du Vorarlberg en Autriche est devenu le laboratoire. Les procédés

proposés par les principaux acteurs du secteur vont des systèmes

préfabriqués les plus industrialisés, aux solutions associant modu-

les semi-industriels et charpente traditionnelle. C’est ce deuxième

modèle qui va s’avérer le plus adapté, à la fois techniquement et

économiquement, au projet Diwan.

Acte 3 > Elaborer le projet

Le Comité national pour le développement du bois (CNDB) est l’organisme national de promotion du bois. Association à but non lucratif, régie par la loi de 1901, créé en 1989, le CNDB regroupe les fédérations professionnelles nationales et les interprofessions régionales de la filière bois. Il est soutenu par les pouvoirs publics qui s’associent à son action. Il est l’interlocuteur de référence de la filière bois-construction pour le développement et la promotion du bois matériau, auprès des maîtres d’ouvrage et des maîtres d’oeuvre.

http://www.cndb.org/le_cndb/construire_bois

Mission MOE complète confiée à l’agence Graam

Avant projet sommaire (APS)

Dépot du permis de construire

Recherche de financement

Choix dun système constructif bois

Partenariat privilégié avec le CNDB

2004

2005

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La Maîtrise d’Ouvrage Les initiateurs Stanislas Amand / Guy Hayon / Xavier Point

Les compétences associées

Patrick Garnier / Fiderim - Co-gérant

Guy Hayon (architecte) - Concepteur / Co-gérant

Xavier Point (photographe) - Concepteur / Co-gérant suivi de chantier / gestion financière et commerciale

Alto - Marc Malinowsky / Jacques PinganeauAssistance technique à Maîtrise d’Ouvrage

Anne-Laure Engelhard (consultante)Communication de projet

Obtention du permis de construire

Rencontre avec le Crédit Foncier et Patrick Garnier de Fiderim

2005

Conserver la maîtrise d’ouvrage

Il s’agit maintenant d’identifier le meilleur montage juridique et financier, en trouvant des parte-

naires en phase avec l’ambition initiale, et capable d’accepter la complexité d’un projet de ce type,

trop petit pour intéresser les banques, mais trop grand pour s’autofinancer. Les premiers inves-

tisseurs que rencontrent Diwan se disent prêts à s’engager, à condition de contrôler la maîtrise

d’ouvrage et de fixer les prix de vente. En contre partie, ils concèdent une priorité d’acquisition

aux membres de Diwan, et leur accordent un pourcentage symbolique des bénéfices. Leur argu-

ment : “aucune banque ne prendra le risque de financer votre première opération en tant que

maître d’ouvrage”. Pas tout à fait faux...

Assumer ses partis pris

“Le bois, ca brûle” ... Au-delà de l’absence de référence des porteurs de projet, qui est en soi un obs-

tacle de taille, le choix du procédé constructif ne s’avère pas un atout dans un monde où le béton est

roi. Matériau des cabanes et des baraquements de fortune, le bois de construction véhicule encore, en

France plus qu’ailleurs, une image de transitoire et de précarité, et rappelle les souffrances de la se-

conde guerre mondiale. Construire en dur - pierre, ciment ou béton – Voilà l’idéal ! A tel point qu’il est

conseillé à Diwan de passer le mode constructif sous silence lors de ses rencontres avec d’éventuels

investisseurs... Convaincu que la qualité du bâtiment et sa faisabilité économique tiennent au procédé

de construction, Diwan défend ses caractéristiques. Il faudra deux ans et des dizaines de dossiers dé-

posés pour trouver non seulement un financement, mais surtout un partenaire crédible pour l’obtenir. Il

faudra également la confiance de la Ville de Montreuil qui acceptera par deux fois de différer la date de

signature de la vente du terrain.

Acte 4 > Rechercher le financement

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Entrer dans la maturité

Le projet est à une période charnière. Soit il trouve les moyens

de se financer, les fonds propres engagés ayant été consommés,

soit il est condamné à rester une belle idée. La nécessité de

changer radicalement, à la fois la manière d’envisager le projet

et de le réaliser, s’impose alors aux trois rescapés de l’Indivision.

Mais c’est aussi parce qu’ils ne sont plus que trois qu’ils vont

pouvoir plus rapidement “maturer” et accepter des mutations

sur la forme et le fond.

Accepter d’apprendre

C’est finalement une présentation adressée au Crédit Foncier qui

va faire la différence et retenir l’attention du directeur du service

promotion du siège à Bercy. Verdict : le projet est intéressant, mais

trop complexe pour un coup d’essai. Pour que le Crédit Foncier

le finance, Diwan doit s’appuyer sur un “tuteur” expérimenté : il

s’agit de l’un des partenaires privilégiés de la banque, la société

Fiderim, qui développe des partenariats avec des promoteurs

indépendants. Très au fait des réglementations RT 2010, le procédé

bois l’intéresse. Elle peut obtenir le financement, les garanties

bancaires et les assurances.

Apprendre à partager

A la différence des autres investisseurs, Fiderim n’exige pas de

reprendre la maîtrise d’ouvrage, mais veut entrer à part égale

dans la SCI qui doit être créée. Autre condition : respecter un

cahier des charges, une sorte de check list de bonnes pratiques.

Diwan pourra bénéficier immédiatement de l’apport de fonds

propres de Fiderim, de tout son savoir-faire dans le domaine

de la construction au sens large et de son expertise en matière

juridique et fiscale tout au long du projet. Le partage apparait

d’abord inégal, mais s’impose très vite comme la solution la

plus équitable et la plus pragmatique. C’est même la seule qui

permette de limiter les risques et de ne pas perdre les premiers

fonds propres investis. De fait, trois mois plus tard, la SCI Diwan

obtient un prêt, la garantie extrinsèque, le dommage ouvrage :

en bref, tout ce qui manquait au projet pour se concrétiser.

Acte 5 > Devenir Maître d’Ouvrage

Un partenariat «sur mesure»Créée en1996, Fiderim a pour vocation de répondre aux attentes spécifiques des petites structures de promotion, agissant à l’échelle d’une ville ou d’une région. Se définissant comme le “promoteur partenaire des promoteurs”, Fiderim est capable de fédérer des moyens financiers et techniques importants. Sa particpation aux études amont cautionne la faisabilité d’un projet, tant vis à vis de son partenaire promoteur que des organismes financiers. Fiderim propose des partenariats «sur mesure» répondant aux besoins du promoteur qui reste le véritable pilote du projet.

Une “commercialisation” qui n’en est pas une

A l’origine, Diwan était inscrit dans une logique d’autopromotion, cha-

que membre de l’indivision finançant son propre lot. La relocalisation

place de la Fraternité ayant obligé le projet à dépasser son cadre initial,

il faut désormais trouver des acquéreurs pour les lots supplémentaires

que le plan de secteur impose de réaliser. Tout en préservant l’esprit

collectif du projet, ce qui écarte d’emblée une commercialisation tradi-

tionnelle. Les contacts vont donc se propager de proche en proche, en

partant du premier cercle des membres de la SCI.

Un projet qui séduit autant qu’il déstabilise

La première réaction des amis, amis d’amis, relations, connaissances

est souvent enthousiaste. Diwan offre une alternative entre l’habitat

groupé autogéré, le projet collectif à la mode scandinave et la

maison individuelle. Le projet suscite donc beaucoup d’intérêt, et

certains vont y adhérer au point de participer au financement des

premières étapes. Mais après le premier élan, la prudence incite

parfois à faire machine arrière. Malgré l’attractivité du prix de vente,

les acquéreurs potentiels expriment les mêmes réticences que les

banques face au manque d’expérience des maîtres d’ouvrage et

au choix du mode constructif. Le caractère atypique du projet est

déstabilisant et les contraintes sont réelles : visibilité limitée sur

certains aspects, niveau d’incertitude élevé, etc. La séduction du

projet aura parfois du mal à résister face à la tradition du béton et à

la sécurité d’un constructeur/promoteur de renom...

Du projet immobilier au projet de vie

Etre impliqué dans un projet avant qu’il ne soit construit constitue

une forme de “gestation” dont il est difficile de faire l’économie.

Dans le contexte de Diwan, cette appropriation est d’autant plus

importante que le projet est beaucoup plus évolutif et participatif

qu’un projet classique. Chaque changement, chaque renoncement,

chaque amélioration (il y en a eu aussi !) sont expliqués, justifiés,

partagés avec les acquéreurs. Pour la maîtrise d’ouvrage comme

pour les futurs occupants, Diwan est tout autant un projet immobilier

qu’un projet de vie. C’est la raison pour laquelle ceux qui vont s’y

investir vont réussir à surmonter les difficultés que l’étape ultime

du projet, la construction du bâtiment, ne va pas leur épargner.

Acte 6 > Trouver des acquéreurs

Surface “commartiale”Pour occuper la surface commerciale au rez-de-chaussée, Diwan souhaitait initialement accueillir une librairie spécialisée, idéalement dans le cinéma puisque Montreuil en est un des berceaux. Mais malgré de nombreuses recherches et rencontres, le projet de librairie ne pourra aboutir, la localisation place de la Fraternité n’offrant pas suffisamment de perspectives commerciales. C’est donc finalement une agence de communication voisine, dirigée par un maître d’aikido qui y a élu domicile, le rez-de-chaussée de l’agence ayant été transformé en dojo.

Montage de la SCI

Obtention des financements et des garanties

Acquisition du terrain

Réalisation des premières vente en VEFA

2006

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Des entreprises peu disponibles et en position de forceAu moment où DIWAN lance les consultations, début 2006, les carnets de commande des entre-prises ont rarement été aussi pleins. Difficile d’obtenir des réponses rapides et qui ne soient pas surévaluées. La maîtrise d’ouvrage doit multiplier les consultations et effectuer un véritable tra-vail de conviction pour intéresser les entreprises au projet et limiter les réponses inappropriées, faute d’une lecture attentive des cahiers des charges. C’est donc dans une conjoncture assez peu favorable que le chantier de construction s’engage.

Travailler en corps d’état séparé : un choix risqué mais justifiéAux difficultés conjoncturelles viennent s’ajouter des difficultés structurelles. Pour garantir la qualité du projet, Diwan décide de travailler en corps d’état séparé, afin de pouvoir s’adresser à la meilleure entreprise dans chaque domaine particulier. Ne pas avoir recours à une entreprise générale paraît également plus économique “sur le papier”, mais la contrepartie est une com-plexité accrue du pilotage de l’ensemble des intervenants, avec des interfaces dont certaines vont s’avérer particulièrement délicates à gérer.

Béton et bois : deux cultures difficiles à concilierLes fondations en béton et la structure en bois constituent les deux dimensions phares du pro-jet. Elles concentrent dans un petit volume un haut niveau de complexité technique. Il faut donc trouver des entreprises très compétentes dont la taille reste proportionnelle à celle du chantier. Pour le béton, le choix se porte sur une entreprise locale d’origine turque, artisanale dans son fonctionnement, mais capable de gérer ce type d’ouvrage. Pour le bois, DIWAN fait appel aux Charpentiers de France : des compagnons ancrés dans la tradition du travail du bois, une répu-tation d’excellence et la revendication d’un savoir-faire qui n’est pas usurpée. Les relations entre les deux entreprises, la seconde fonctionnant dans le respect rigoureux des principes de cons-truction, la première dans une forme “d’interprétation“ des plans d’architecture, seront difficiles à gérer et ce d’autant plus que leurs plannings devront se chevaucher plusieurs mois durant.

Des innovations qui peuvent coûter cherBien que les Charpentiers de France figurent parmi les meilleures entreprises de France dans la construction bois, c’est la première fois qu’ils construisent un bâtiment d’habitation collectif. Avec une difficulté technique qui sera sous-estimée : celle de l’acoustique. La SCI sera donc obligée d’entamer une procédure judiciaire et de mettre en œuvre en urgence et à sa charge une intervention lourde sur les complexes intermédiaires des planchers, intervention qui permettra de livrer, début 2008, des logements respectant la règlementation en vigueur.

Acte 7 > Construire le bâtiment

2006

2007

2008

Consultation des entreprises

Ouverture du chantier

Constat de non conformité acoustique

Mise en oeuvre des travaux nécéssaires au respect de la règlementation

Premières livraisons

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Ouverture du chantier en septembre 2006.

L’étroitesse de la parcelle et la fragilité des ouvrages

adjacents rendent les travaux de terrassement difficiles

Montage des premières ossatures bois des trois maisons

en fond de parcelle

Pose de la “première poutre” célébrée “en fanfare” sur la place

en mars 2007

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Le socle de béton qui enveloppe le

local commercial et les cages d’esca-

lier contribue au contreventement de

l’ossature bois des logements

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La toiture est recouverte de membrane PVC.

Les différents réseaux sont directement

intégrés dans les struc-tures en ossature bois

qui font également office d’isolation et de finition.

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Le bardage bois en clins rivetés bouvetés de douglas non traité deviendra gris avec le temps.

Pendant que la structure du bâtiment sur rue se monte, le batiment sur jardin recoit

ses menuiseries extérieures.

La dimension des vitrages permet un gain direct en énergies renouvelables.

Des stores extérieurs peuvent s’y adapter pour optimiser la régulation thermique.

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La structure du batiment sur rue s’achève.

Les futurs habitants sont invités régulièrement

à visiter le chantier pour suivre la progression

de la construction.

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Le problème acoustique est résolu grâce à la mise en œuvre d’un plafond autoporté Mégastil et double ba13.

Les performances acoustiques sont renforcées dans certains logements par le choix d’un sol en résine naturelle coulée sur un complexe composé de fibres de coco

recouvertes de panneaux bois mdf.

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Diwan en chiffres

1142 m2 de SHON sur une parcelle de 760 m2

8 habitations du Studio / Atelier au 5 pièces

1 local d’activité sur rue

1 jardin collectif de 300 m2en pleine terre.

21 adultes et 8 enfants de 1 ans à 13 ans.

7 professions libérales exerçant sur place dont :

3 architectes / 1 consultante1 graphiste / 1 programateur infor-

matique / 2 photographes / 1 plasticienne

+5 étudiants en architecture

1 maître de conférences

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Les aménagements intérieurs sont souvent conçus dans une logique de prolongement du bâtiment, utilisant notamment le mfp de Wodegoo des parois intérieures ou des matériaux de récupération du chantier pour le mobilier extérieur (palette, clins etc)

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Construire pour les autres comme pour soi-même

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Plus d’un an s’est écoulé depuis la “mise en service” du bâti-ment Diwan. Les auteurs du projet disposent maintenant d’un recul suffisant pour faire le bilan de cette expérience.

Premier constat : un projet atypique est par définition non reproductible et relève donc toujours d’une logique de pro-totype. Mais si l’expérience n’est pas “modelisable”, elle est révélatrice d’une évolution des enjeux du logement et des aspirations des habitants.

C’est la raison pour laquelle, sans prétendre être un projet exemplaire, il nous a semblé indispensable, à la fois pour nous-mêmes et pour d’autres, de capitaliser les enseigne-ments que l’on peut tirer de cette aventure, pour mettre à jour des principes de fonctionnement qui permettraient de faciliter la réalisation d’un projet futur.

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Enseignement 1> Le désir de prendre en charge son logement

répond à de nouvelles aspirations

La conviction que notre espace de vie n’est pas un produit comme un autre et qu’il ne peut être réduit à sa valeur marchande semble partagé par un plus grand nombre. Même s’il y a loin de l’idée au passage à l’acte, participer à la conception/construction de son logement dans un cadre de vie collectif n’est plus considérée comme un rêve inaccessible. La médiatisation récente d’opérations d’autopromotion exemplaires en France et surtout en Allemagne (on en compte 150 pour la seule ville de Fribourg au cours des vingt dernières années), l’émergence des éco-quartiers et des maisons passives sont autant de signaux qui attestent que d’autres modèles d’habitat sont désormais possibles. Ces projets s’avèrent garants d’un meilleur ancrage des habitants dans leur quartier et dans leur ville, d’un respect plus grand de leur environnement, de solidarités quotidiennes actives (même si basées le plus souvent sur des“affinités électives”). Ils constituent également dans bien des cas des opportunités d’accession à la propriété, y comprix pour des occupants actuels du parc social.

Enseignement 2 > L’autopromotion reste un sport de combat

Malgré tout l’intérêt qu’on leur porte, les projets de construction qui n’empruntent pas les sentiers battus de la promotion immobilière restent des défis. Le système de financement et la réglementation sont d’abord pensés pour la promotion classique. Quant aux collectivités territoriales, elles ont du mal à répondre à ces initiatives citoyennes et ne savent pas toujours les accompagner. Ce qui explique pourquoi les exemples d’autopromotion véritable sont en réalité si limités. Défendre sa volonté de “construire et habiter autrement” exige donc un véritable engagement, et un mélange d’idéalisme et de pragmatisme pour arriver à exister.

Enseignement 3> L’amateurisme est un sport à haut risque

Beaucoup de projets d’autopromotion naissent dans l’enthousiasme de l’utopie collective et meurent embourbés dans les problèmes juridiques et financiers, faute d’avoir su évaluer les risques de manière lucide ou d’avoir été suffisamment alertés. Y compris pour un promoteur aguéri, une opération immobilière est toujours une “aventure” à tous les sens du terme et les probabilités d’échec restent statistiquement élevées. Il faut donc renoncer à l’illusion que l’on peut s’improviser maître d’ouvrage, même si les conditions drastiques d’obtention des garanties d’achèvement et de dommages ouvrage se chargent de vous le rappeler.

Enseignement 4> La professionnalisation des autopromoteurs

est une condition de survie

Si l’on veut survivre en tant que maître d’ouvrage d’un projet d’habitat groupé, il faut se méfier de l’angélisme et prendre la mesure de ses limites pour s’entourer des compé-tences techniques, juridiques et réglementaires incontournables. Accepter d’être moins autonomes, moins gagnants financièrement, en comprenant que ce partage est aussi celui des risques et offre davantage de garanties de réussite. Restreindre le nombre d’interve-nants apporte également plus de souplesse et facilite les prises de décision, l’implication et la disponibilité des acteurs s’avérant forcément inégales, de même que leur capacité “d’acculturation” à la fonction de maître d’ouvrage. Dès lors que le chantier s’engage, se professionnaliser va consister à mettre en place des dispositifs de contrôle et d’autocon-trôle permanents, pour s’assurer que chaque intervention ou ouvrage qui doit faire l’objet d’une validation par un tiers (bureau de contrôle, maîtrise d’œuvre, etc.) a bien été validé dans les règles avant d’engager l’étape suivante. Et ce d’autant plus que l’innovation exige une vigilance accrue pour compenser le manque de recul et de retour d’expérience sur la mise en œuvre de nouvelles techniques de construction.

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Enseignement 5> L’engagement des collectivités

territoriales est capital

Dans la faisabilité d’un projet d’habitat groupé, le poids du foncier joue un rôle essentiel. Le prix d’acquisition du terrain est en effet la variable clé qui permet d’assurer l’équilibre global de l’opération. Et ce d’autant plus que si les habitants sont disposés à supporter les surcoûts de l’éco-construction lorsqu’il s’agit de leur maison individuelle, leurs réticences sont beaucoup plus grandes lors de l’acquisition d’un logement collectif. Pour preuve, les quelques opérations privées de logement collectif écologique qui ont émergé ces dernières années concernent exclusivement des programmes de prestige, destinés à ceux qui peuvent s’offrir le HQE au prix fort... Si on ne veut pas se limiter à une écologie “de façade”, ou à un développement durable réservé aux happy few, il faut pouvoir compter sur le soutien des collectivités territoriales. Ensemble, il devient possible d’engager une réflexion sur la conception et le montage de projets atypiques, voire formaliser des engagements réciproques dans une charte signée par l’ensemble des acteurs. C’est une des voies à explorer pour mettre en pratique de manière concertée et réaliste les objectifs des documents d’urbanisme actuels (PADD, PLU, PLH, etc.) qui militent en faveur d’une ville équitable.

Enseignement 6 > La maîtrise d’ouvrage d’un projet

atypique doit l’être aussi

Les maîtrises d’ouvrage qui portent des projets d’habitat groupé ne peuvent être pensées sur le même modèle que celles de la promotion standard. Leur performance ne dépend pas seulement d’une capacité à réaliser un bâtiment dans un cadre budgétaire contraint, ni à préserver la marge la plus importante possible, mais à assurer un travail de médiation/négociation entre différents acteurs et à articuler des compétences d’autant plus nombreuses et pointues que le projet poursuit des objectifs ambitieux en matière architecturale et de développement durable. Elle doit donc être “hybride” pour associer les compétences les plus complémentaires au regard des caractéristiques du projet, sachant que c’est elle et elle seule qui s’engage in fine sur le résultat et assume les risques financiers. Face à la multiplication du nombre d’intervenants, elle doit également développer des compétences en matière de management de projet, à la fois du point de vue humain (concertation, communication) et technique.

Enseignement 7> Il faut investir dans les phases amont

Pour atteindre simultanément des objectifs souvent contradictoires (comme répondre aux normes de basse consommation tout en maintenant des coûts de construction supportables), le projet doit nécessairement faire l’objet d’une réflexion globale très poussée en amont. C’est la meilleure façon d’embrasser tous les types de mixité de montage et d’options architecturales afin de trouver des solutions économiquement viables. Cette phase d’avant-projet doit permettre d’évaluer la pertinence de différents scénarios, qu’il s’agisse de contractualiser avec un opérateur social (achat de terrain en périmètre d’opération ANRU ou dans sa périphérie, participation à un programme de la Foncière Logement ou des organisme HLM), de la mise en œuvre du Pass Foncier désormais accessible au logement collectif, des avantages fiscaux ou encore des aides financières (subventions, CEE) et urbanistiques (bonus de COS), etc. Les possibilités sont multiples, mais c’est la qualité de la phase amont, aussi bien en matière de recherche formelle que de concertation, qui pourra faire émerger l’équation la plus satisfaisante.

Enseignement 8> L’architecture et la maîtrise des coûts

sont une des clés de la durabilité

A l’évidence, c’est la “plus value” architecturale des projets d’habitat groupé qui les rend attractifs. Mais au-delà de l’esthétique et de la fonctionnalité, l’architecture est aussi la voie la plus qualitative vers la réduction des coûts. C’est la raison pour laquelle il est essentiel de pouvoir pousser le plus loin possible les investigations afin d’identifier les modes constructifs les mieux adaptés au concept et au site. A titre d’exemple, dans le projet Diwan, une économie importante a pu être réalisée en utilisant des panneaux muraux intérieur bois qui servent également d’éléments de structure et de finition. Cette exigence de réflexion architecturale et programmative devrait s’avérer encore plus indispensable pour répondre aux nouvelles normes environnementales, dont les surcoûts significatifs doivent trouver des moyens d’être, si ce n’est“absorbés”, du moins “amortis” le plus intelligement possible. Il faut donc accepter de “bien payer” la maîtrise d’œuvre et même envisager de l’intéresser financièrement à l’obtention des solutions qui optimisent le rapport coût/qualité/performance énergétique.

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Le projet Diwan fait partie des 12 projets ecoresponsables présentés dans le cadre de l’exposition “Habiter écologique, Quelles architectures pour une ville durable ?” organisée par la Cité de l’architecture et du patrimoine en 2009

“Les projets présentés ici illustrent autant de manières de faire de l’architecture dans une démarche de conception conciliant recherche formelle et respect de l’environnement”. [...] Ils ont été produits dans le cadre de budgets limités représentatifs d’une commande ordinaire.”

Extrait du catalogue de l’expositionEditions Acte Sud

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SCI DIWAN-MONTREUIL / 2 place de la Fraternité 93100 Montreuil / T- 09 79 31 73 24 / E-mail : [email protected]

Dans les années 2000, une dizaine de montreuillois réunis autour d’un architecte, déci-

daient de construire en autopromotion leur lieu de vie et de travail. En 2008, leur idée était

devenue une réalité, non sans avoir, dans l’intervalle, changé à plusieurs reprises de vi-

sage, d’adresse et de portage. Ce document se propose d’en retracer l’histoire et d’en tirer

les enseignements. S’il fallait une dose certaine d’inconscience pour se lancer dans cette

aventure dont la trajectoire fut souvent contrariée, le résultat dépasse de beaucoup l’épure

initiale. La confrontation aux contraintes multiples de la construction y est sans doute pour

beaucoup, qui a radicalisé les décisions et les partis pris créatifs. Aujourd’hui, en France, le

projet DIWAN compte parmi les premiers projets “écoresponsables” de logement collectif

construit en bois. Au-delà de ses performances énergétiques, il réussit à proposer, dans

un format compact dicté par les impératifs de la densité, un nouveau rapport aux espaces

intérieurs et extérieurs, communs ou privatifs, qui modifie assez radicalement notre façon

de vivre la ville. C’est en ce sens qu’il peut apporter, à sa modeste échelle, des éléments de

réponse aux interrogations des villes contemporaines et de leurs habitants, dont beaucoup

aspirent précisément à “habiter autrement”.

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