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N°119 2 E TRIMESTRE 2005 MODERNE MODERNE

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DIRECTEUR DE LA PUBLICATION :Anne Bernard-Gély • DIRECTEUR DE LA RÉDACTION :Roland Dallemagne • CONSEILLERS TECHNIQUES : Philippe Gégout • Patrick Guiraud, Serge Horvath •CONCEPTION, RÉDACTION ET RÉALISATION : L’AGENCE PARUTION 41, rue Greneta – 75002 Paris • RÉDACTEUR EN CHEF :Norbert Laurent • RÉDACTRICE EN CHEF ADJOINTE : Maryse Mondain •SECRÉTAIRE DE RÉDACTION : Philippe François • MAQUETTISTE : Sylvie Conchon • DESSINS TECHNIQUES ET PLANS : Xano • Pour tout renseignement concernant la rédaction,tél. : 0153007413 • La revue Construction moderne est consultable sur www.infociments.fr • Pour les abonnements : 01 55 23 0110, E-mail : [email protected]

éditorialQuels que soient sa taille, sa nature, son programme et son usage, tout édifice a une dimension symbolique.Il peut exprimer une posture conceptuelle, un partiesthétique,une position rationaliste,une volonté minimalisteet bien d’autres encore. Il peut représenter une institution,qualifier un espace public, fabriquer du paysage urbain,tisser des liens avec l’existant, redonner du sens à un lieu ou à un site.Ce sont alors, formes,matières et couleurs qui s’adressent à nous et parlent à notre sensibilité le langage de l’architecture.Véritable matière de créationmettant en valeur les projets par leur richesse et leurdiversité, les bétons répondent à toutes les écritures et à toutes les expressions architecturales.

ROLAND DALLEMAGNE,directeur de la rédaction

7, place de la Défense • 92974 Paris-la-Défense CedexTé l . : 01 55 23 01 00 • Fax : 01 55 23 01 10

• E-mail : [email protected] •• internet : www.infociments.fr •

>> CouvertureLe nouveau siège de la chambre de commerce

et d’industrie d’Eure-et-Loir, de Jean Mas et

François Roux – Photo : Jean-Marie Monthiers

Sommaire n°119

>> PAGE 01> Chartres – CCIArchitectes : Jean Mas & François Roux

>> PAGE 23 > Marseille – CollègeArchitectes : CCD Architecture

>> PAGE 06 > Paris – LogementsArchitecte : Catherine Furet

>> PAGE 27 > Nantes – Hopital mère et enfant Architecte: Rémy Butler

>> PAGE 10 > Pessac – IECBArchitecte : Franck Hammoutène

>> PAGE 32 > Montreuil – Siège socialArchitectes : Bruno Hubert & Michel Roy

>> PAGE 15 >

Symphonie en sols majeurs

>> PAGE 36 > Marguerittes – Centre de secoursArchitectes: Denis Boyer-Gibaud & François Percheron

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r é a l i s a t i o n CHARTRES – CCI

L’esprit ressuscitédes bâtisseurs d’avenir● ● ● Le bâtiment conçu par Jean Mas et François Roux pour le nouveau siège de la chambre de

commerce et d’industrie d’Eure-et-Loir crée un évènement à l’entrée de la ville de Chartres. Le long

de la RN10, un vaste portique de béton blanc finement ciselé encadre un dôme immaculé et signale

la présence de l’institution, tandis qu’au loin la cathédrale de Chartres domine majestueusement

la cité et la plaine beauceronnes. Audace, ardeur, rigueur, inventivité, finesse, élancement, sciences

de la géométrie : l’œuvre architecturale ressuscite l’esprit des bâtisseurs de cathédrales.

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nstallée depuis 1933 dansune ancienne demeure

située au pied de la cathédralede Chartres, la chambre decommerce et d’industrie (CCI)d’Eure-et-Loir a récemment quittéson adresse de la rue de l’Étroit-Degré,en plein cœur historique, pour rejoindrele nord-est de l’agglomération char-traine. La Cité des entrepreneurs, nou-veau siège de la CCI, se dresse dans leparc d’activités des Propylées, un secteuren plein développement situé entre le“jardin d’entreprises” et le parc indus-triel de Gellainville, qui accueille à lui seul20 % de l’industrie du département.Ainsi, la CCI, partenaire fondamentaldes entreprises d’Eure-et-Loir, accom-pagne le déplacement des activités

industrielles, commerciales et tertiairesvers l’est de la ville de Chartres. Inscritedans les évolutions économiques deson temps, elle affirme sa vocation insti-tutionnelle de représentation des entre-prises du département. Avec ce démé-nagement, le siège de la CCI rejoint leCampus, son pôle de formation, regrou-pant ainsi en un même lieu l’ensemblede ses activités.

● Un outil moderne

La Cité des entrepreneurs est conçuecomme un outil contemporain destinéà offrir de nouveaux services aux entre-prises. Le programme comporte ainsil’ensemble des bureaux, salles deréunions, locaux de service et autres

locaux techniques nécessaires au bonfonctionnement du siège de la CCI. S’yajoutent encore trois espaces spéci-fiques : l’espace Séminaires, l’espaceEntreprendre et l’espace Affaires.L’espace Séminaires comprend cinq sallesde réunions de différentes tailles pouvantaccueillir de 20 à 150 personnes selon lesconfigurations. À cela s’ajoute le Dôme,un auditorium de 250 places pouvantabriter des conventions d’entreprises,des opérations de presse ou de relationspubliques, ou encore des conférenceset même des manifestations culturellestelles que des concerts. Enfin, deux hallsreliés entre eux peuvent servir pour desréceptions ou des expositions.L’espace Entreprendre est un pôle dédiéà la création d’entreprises pour informer,

conseiller et accompagner les porteursde projet de création d’entreprise. Il estcomposé de trois bureaux équipés eninformatique. Ses utilisateurs ont aussiaccès à la salle de documentation spé-cialisée de la CCI.L’espace Affaires propose quatre bureauxmeublés totalement équipés, avec lesupport de différents services (secréta-riat, téléphone, reprographie, salles deréunions, accès Internet, etc.) proposésau meilleur prix pour que les créateursd’entreprises puissent développer leurprojet dans des conditions optimales, etce,pendant deux ans.Au sortir de l’autoroute A11, la lignedroite de la RN10 qui conduit au centre-ville offre une longue perspective sur lacathédrale de Chartres, dont les flèches

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dominent majestueusement la cité et laplaine beauceronnes. Là, entre un hôtelà l’est et le bâtiment du Campus àl’Ouest, un vaste portique en bétonblanc finement ciselé encadre un dômeimmaculé et signale la présence du nou-veau siège de la CCI d’Eure-et-Loir dansun paysage assez typique des périphé-ries de villes, où l’espace, dilaté et vide,est ponctué de “bâtiments-boîtes” toussemblables en apparence, à l’exceptionde leur enseigne et de leur logo.

● L’esprit des bâtisseurs de cathédrales

Dans ce contexte, les architectes ont sou-haité que “l’institution trouve dans cenouvel édifice qui la représente sonpropre prestige et son propre rayonne-ment, par la qualité d’une œuvre architec-turale inspirée de l’esprit des bâtisseursde cathédrales. Audace, ardeur, rigueur,

inventivité, finesse, élancement, sciencesde la géométrie, sont, à travers le bâti-ment, l’expression de l’esprit d’entre-prise”.Le bâtiment conçu par Jean Mas etFrançois Roux exprime ces intentions dansses formes, sa géométrie et sa spatialité.Événement singulier dans son environne-ment, il marque la présence embléma-tique de l’institution dans la nouvellezone d’activités et crée un signal d’entréedans la ville, sur l’axe historique.En plan de masse, l’ensemble se com-pose d’une équerre à R + 2 (aile sud etest) et d’une coupole (le Dôme) prolon-gée par un socle à rez-de-chaussée quis’aligne parallèlement à la route natio-nale côté nord. Le portique (le propylée)relie le socle à l’aile est de l’équerre. Cesdeux éléments encadrent une placetteouverte vers le Campus.Ainsi, le long dela RN10, le socle et le propylée en bétonblanc encadrent le dôme parabolique dela coupole et créent dans le paysage

l’événement plastique qui fait de lafaçade nord l’entrée symbolique de laCité des entrepreneurs.Travaillée dans laprofondeur, l’image dégagée par cettefaçade révèle l’édifice dans toute sadimension et toute sa richesse. Posé enretrait d’une vaste pelouse qui créedepuis la route nationale un espace derecul participant à la mise en scène del’institution, le propylée se lit comme ungrand cadre. Il contient l’élément clé dudispositif architectural, le dôme parabo-lique dont le volume blanc se détachedevant la façade vitrée de l’aile sud àl’arrière-plan. Le jeu des lignes droites etcourbes, ainsi que l’élancement desformes, soulignés par le béton de cimentblanc, donnent toute sa force à l’écriture

architecturale. Au fil de la journée,ombreet lumière mettent tour à tour en valeurles éléments de la composition et créentde nombreux effets qui animent l’édifice.

● Perspective “noble”

Côté sud se présente la façade d’entréedans le bâtiment. Un grand espace pay-sager – une vaste pelouse encadrée pardeux rangées d’arbres – met en scène laprogression en voiture vers l’entrée. Lacomposition d’une perspective “noble”sur la façade d’entrée très frontale de laCCI ajoute au caractère institutionnel dubâtiment. Après avoir laissé sa voituresur le parking, le visiteur est invité à unedécouverte progressive de la remar-

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>>> Le long de la RN10, le dôme et le portique créent

l’événement plastique qui installe la CCI dans le site. Sertie dans

un cadre en béton clair, la façade sud invite à une découverte

progressive de la transparence du rez-de-chaussée. Plans

et lignes en béton s’articulent dans un dessin inspiré par l’abstraction

géométrique. Le dôme et le bâtiment en équerre encadrent une

placette sur laquelle s’ouvrent le hall et le foyer.

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quable transparence du rez-de-chaus-sée. Il redécouvre ainsi, à travers le bâti-ment et avec d’autres points de vue, ledôme et le propylée. Jean Mas précise :“L’écriture architecturale de la façadesud reprend le principe général de com-position fondé sur une conception et undessin inspirés par l’abstraction géomé-trique moderne. Plans et lignes détachés

les uns des autres s’articulent entre euxet viennent sertir un grand plan vitrédont la teinte sombre se détache sur laclarté du cadre horizontal en béton.”L’élégance de l’ensemble affirme avecsérénité la présence de l’institution.La grande transparence du rez-de-chaussée permet de découvrir et de lirela composition générale de l’édifice. Le

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Poteaux, poutres, dôme: le béton omniprésent La structure générale du bâtiment est de type poteaux-poutres en

béton et dalles de plancher alvéolaires en béton, les poteaux et les

voiles visibles étant réalisés en béton blanc. Les poteaux sont placés

en retrait de la façade, ce qui permet d’avoir des bureaux vitrés sur

toute la hauteur. Parallèlement à la façade, les poteaux (35 cm de dia-

mètre) sont implantés sur un pas de 5,40 m. Ce principe de structure et

la portée retenue, associés aux dalles alvéolaires, offrent des plateaux

libres qui présentent une parfaite adaptabilité.

Les poteaux du portique de la façade nord sont en béton blanc coulé

en place, la partie supérieure étant constituée d’éléments préfabri-

qués en U. Ces derniers sont assemblés in situ et liaisonnés entre eux

par le béton de la dalle de compression coulé à l’intérieur des profils

en U. Un élément en U sur deux est percé en son centre d’un trou (sans

crépine) pour permettre l’évacuation de l’eau de pluie, dispositif sans

entretien qui évite la présence d’un garde-corps sur le portique.

Les panneaux de façade sont en béton de ciment blanc désactivé, mêlé

de sables et de granulats locaux pour épouser la tonalité des pierres de

la région. Le dôme est réalisé à partir d’une enveloppe PVC étanche

gonflée à l’intérieur de laquelle une isolation thermique polyuréthane a

été projetée.Après mise en place des armatures de structure, la coque a

été construite avec du béton mis en œuvre par projection à l’intérieur de

l’enveloppe et maintenue en pression jusqu’au durcissement du béton.

À l’intérieur, le béton est resté tel quel, seulement recouvert d’un produit

absorbant acoustique de 10mm d’épaisseur projeté sur le béton brut.

L’enveloppe PVC restée à l’extérieur assure l’étanchéité du dôme.

TECHNIQUE

“U” béton préfabriqué blanc brut utiliséen coffrage perdu (226 x 450, ep7)réservation pour EP

Résine

Poutre béton griscoulé en place

Naissance EP alu laquémise en place avant coulage poutre

Joint creux formantgoutte d’eau

Poteau béton blanc Ø30coulé en place

226 cm

45 c

m

30 3066,5 66,52 2157 70 10 50 100 cm

❙❙❙ Partie supérieure du portique, coupe de détail La partie supérieure du portique est en fait une poutre “plate” portée tous les 9 m.

Elle est profilée et reçoit sur sa face supérieure une étanchéité liquide, pour éviter

toute stagnation d’eau.

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férentes selon la branche de l’équerredesservie. Dans un cas, ils proposent unetransparence nord-sud. Dans l’autre, ilsoffrent un panorama sur le Dôme et lepaysage extérieur, ou une vue en plon-gée sur le hall et le foyer par l’intermé-diaire d’un vide toute hauteur qui sedéveloppe à cet endroit, parallèlement àla circulation verticale.La toiture de l’aile est de l’équerreaccueille une grande terrasse de plus de200 m2, destinée aux manifestations deprestige. Elle offre une vue totalementdégagée sur 360° et un superbe pano-rama sur la cathédrale qui se détache aubout de la ligne du portique du propylée.La Cité des entrepreneurs conçue parJean Mas et François Roux est un édificede qualité et d’une élégante prestance.Elle affirme sans ostentation, mais avecforce, la permanence de l’institution enlui conférant une image dynamique ins-crite dans son époque : l’écriture archi-tecturale moderne, le choix des maté-riaux, inscrivent cet édifice dans lapérennité. Un écho à l’esprit des bâtis-seurs d’avenir, comme il sied au siège dela chambre de commerce et d’industried’Eure-et-Loir. ❚

TEXTE : NORBERT LAURENT

PHOTOS : JEAN-MARIE MONTHIERS

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hall d’entrée domine d’un demi-niveaule foyer qui conduit à la coupole. Unvaste escalier les relie l’un à l’autre. L’en-semble offre un espace généreux etfluide, baigné de lumière naturelle. Il per-met d’accueillir des expositions dans lesmeilleures conditions, et également unpublic venant nombreux lors des sémi-naires, des congrès et des manifestationsdiverses qui se déroulent au sein de laCité des entrepreneurs. Totalement vitrésur sa façade ouest, le foyer donne sur laplacette. Aux beaux jours, il est possibled’ouvrir les grandes baies vitrées.Ainsi,l’espace intérieur du rez-de-chaussée seprolonge vers l’extérieur, donnant encoreune autre dimension au lieu.“Dans la salle de l’auditorium, nousavons décidé de laisser brut le bétonprojeté, car la vérité du matériau corres-pond ici à notre intention architecturaleen termes de forme et d’espace”, sou-ligne l’architecte Jean Mas. Le matériaulaissé brut donne ici une matière qui des-

sine avec force l’enveloppe interne duDôme. La lumière naturelle qui glissedepuis l’oculus central lorsqu’il n’est pasocculté souligne la courbure de la sur-face parabolique. Une relation harmo-nieuse s’établit entre le matériau brut dela coupole et les matières du mobilier etdes équipements (tissu, bois, etc.). L’en-semble donne à cette salle une qualité et un caractère uniques, unanimementappréciés par ses utilisateurs.

● Les services unis autourd’une “colonne vertébrale”

Dans le bâtiment en équerre contenantles bureaux et les locaux de la CCI, lesétages des deux ailes sont décalés d’undemi-niveau. Situés à l’angle, l’escalieret l’ascenseur desservent chaquedemi-niveau et constituent une véritable“colonne vertébrale” autour de laquellese répartissent les différents services. Lespaliers décalés offrent des situations dif-

>>> Le hall d’entrée domine d’un demi-niveau le foyer qui

conduit à l’auditorium. Baigné de lumière, il accueille le public

des manifestations qui se déroulent au sein de la Cité des

entrepreneurs. Au-dessus de l’escalier reliant le hall et le foyer,

un vide toute hauteur. Dans la salle de l’auditorium, le béton

projeté laissé brut dessine avec force l’enveloppe interne du dôme.

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Maître d’ouvrage:chambre de commerce

et d’industrie d’Eure-et-Loir

Conducteur d’opération :DDE d’Eure-et-Loir

Maître d’œuvre:Mas & Roux,architectes,

R.Mazouz,architecte assistant

Bureau d’études:Betom ingénierie

Économiste :Fabrice Bougon

Entreprise gros œuvre :VM Construction

Préfabricant:EPI et ANIT

Surface totale :3 467 m2 SHON

Coût des travaux :

5,8 M€TTCCoût global :

8 M€TTC

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r é a l i s a t i o n PARIS – Logements

Note d’élégancepour symphonie future● ● ● L’immeuble réalisé par l’architecte Catherine Furet en plein cœur de la zac Masséna, dans

le 13e arrondissement de Paris, abrite une vingtaine de logements comprenant de deux à cinq pièces.

La position privilégiée du bâtiment, face à la Seine, a permis à l’architecte d’orienter la plupart des

appartements sur le fleuve, leur offrant ainsi une vue imprenable. Tout en finesse, l’immeuble

s’élève sur sept étages plus le rez-de-chaussée. Le béton préfabriqué qui habille les façades revêt

différents aspects selon les effets recherchés ; il fonde, pour ainsi dire, l’élégance de l’édifice.

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e bâtiment se situe ausein d’un quartier de Paris

en plein réaménagement, enpleine création pourrait-on dire.La zac Masséna, dont Christiande Portzamparc est l’urbaniste, seprésente comme un quadrillage de voies– des rues et des ruelles, des venelles –formant des îlots parallélépipédiques. Lerèglement d’urbanisme fixe les critèressuivants: les immeubles – des logementsprincipalement – ne doivent pas dépas-ser sept étages, mais ils peuvent êtredotés de campaniles, du moment queceux-ci se situent en cœur d’îlot ; pas decontraintes de style architectural.

● Une petite opération voisine des anciens moulins

Le quartier est ainsi composé de bâti-ments très différents les uns des autres,car hormis ces recommandations de hau-teur et donc de gabarit, les principesarchitecturaux, les volumes, les maté-riaux, les couleurs, sont au choix desmaîtres d’œuvre. L’immeuble construitpar Catherine Furet est, par rapport àl’ensemble de la zac,une petite opérationcomprenant une vingtaine de logements,un commerce au rez-de-chaussée, et deslocaux d’université dans la partie basse. Ilest situé à l’angle du quai Panhard-Levas-sor, face à la Seine, et de la rue Thomas-Mann, voisine des anciens Moulins deParis, en cours de rénovation. Il s’insèreparfaitement dans une parcelle en tra-pèze légèrement en pente. Le plan dubâtiment épouse la forme du terrain.Composé d’un corps principal s’élevantà R + 7, le bâtiment est résolumenttourné vers le fleuve, à l’est. La plupartdes appartements possèdent sinon unevue, au moins une échappée – côténord, par l’intermédiaire d’un volume

placé en décalage et générant uneouverture – vers la Seine. L’architecte,qui tenait à cette disposition, l’a défen-due auprès du maître d’ouvrage commeune qualité primordiale de l’implanta-tion de l’immeuble.Côté ouest, un élément plus bas –construit sur un rez-de-chaussée et unétage, qui devait à l’origine comprendredes ateliers d’artistes, abrite aujourd’huil’université de Chicago. Une salle decours, des salles de recherche et desbureaux ont été aménagés avec sobriétépar l’architecte, à la demande des pro-priétaires. La partie principale présentequatre façades différenciées : deux surrue (dont une sur la Seine, la façade est),une sur cour, et une sur venelle au nord,moins lisible que les autres à cause de laproximité du bâtiment voisin.La façade donnant sur le quai est com-posée en registres horizontaux et verti-caux imbriqués, marqués par les baies,les fenêtres, les piliers, les persiennes etl’écran des balcons.Au rez-de-chaussée,une vaste baie vitrée est disposée enretrait d’une série de piliers en bétonpoli de granite d’une teinte brun clair ;elle supporte la façade en béton poli del’immeuble. Le local commercial vitré quise retourne sur la rue Thomas-Mannforme un socle qui semble décoller l’édi-fice du sol, accentuant d’autant sa légè-reté et son élégance.

● En façade, une composition travaillée

Au-dessus, une alternance de fenêtresverticales et de persiennes de boisconstitue un bandeau qui ceinture l’im-meuble sur deux côtés et forme unesorte de trait d’union avec les étages. Ilprolonge l’effet de piédestal produit parla partie basse.

L

>>> Vue sur le quai Panhard-Levassor : un jeu sur la

répartition et la taille des baies confère raffinement et délicatesse

à la façade. Le béton, en vêture agrafée ou en panneaux

préfabriqués massifs, est au service d’une composition étudiée.

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La composition graphique des quatreétages supérieurs forme un quadrillagesymétrique : d’une part, quatre grandesbaies ponctuées chacune d’une colon-nette rapportée en béton poli de graniteposée légèrement en retrait – un sys-tème de meneaux traités en finesse quirappelle les ouvertures des palais véni-tiens – et, plus haut, douze fenêtreshautes superposées, accentuant la pers-pective depuis le bas.Les deux derniers étages, conçus pourabriter des appartements en duplex,sont pour leur part dotés de grandsbow-windows entièrement vitrés, sépa-rés par des piliers ronds en béton demarbre des Pyrénées d’une teinte beigeclair, l’ensemble se voyant couronnerd’un acrotère du même matériau. Cettecomposition répond à l’ordonnance-ment du rez-de-chaussée.

Sur la gauche, un écran composé degrands panneaux préfabriqués de bétonpoli beige, percé d’une faille verticale –comme un écho à un élément d’ouver-ture des moulins voisins –, protège lesbalcons du bruit provenant du quai touten ménageant une agréable intimitéaux habitants. Les ouvertures latérales,quant à elles, apportent la lumièrenécessaire à l’éclairage intérieur et exté-rieur. Ce voile est un élément fort de lafaçade : placé en avancée, il engendreun jeu de pleins et de vides et accentuela verticalité de l’ensemble pour consti-tuer un signal depuis le quai.Vers la rueThomas-Mann, il se retourne en équerrepour former un acrotère aux deuxétages supérieurs traités en retrait de laparoi, tandis qu’il ménage une conti-nuité entre les deux façades est et sud.De ce côté, l’architecte a joué avec les

retraits et les avancées de certainesparois pour donner du relief et agrandirl’espace intérieur sans empiéter sur larue. S’y retrouvent également le systèmedes colonnettes séparant les fenêtres,traitées dans un ton différent de celui dumur, mais aussi le jeu sur la répartition etla taille des ouvertures, le soin apportéaux appuis de fenêtres, aux nez dedalles, au calepinage des joints des pan-neaux de béton. Les deux solutionschoisies pour l’habillage des façades –de grands panneaux préfabriqués mas-sifs et une vêture agrafée – participentdu raffinement et de l’élégance de l’im-meuble. Des parties lisses, uniformé-ment claires, s’opposent aux panneauxplus petits dont les joints plus serrésdessinent un quadrillage.

● Comme une opération de grande envergure

Malgré sa taille modeste, le bâtiment aété traité comme une opération degrande envergure, dans les détails, dansles rapports d’échelle des parties entreelles, et dans les rapports de l’im-meuble à la ville. Tout semble dessiné ;les éléments architecturaux que sontles piliers, les meneaux, les voiles, les

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>>> Un élément plus bas situé à l’arrière de l’immeuble

abrite des locaux universitaires. Des piliers en béton supportant

la dalle du niveau 1 font un socle à l’immeuble. De grands

panneaux de béton clair forment un écran contre le bruit de la rue.

Les deux derniers niveaux abritent des duplex dont les séjours

sont orientés sur la Seine. Les piliers répondent à ceux du rez-

de-chaussée. Le premier étage est marqué par la présence de

persiennes en bois qui s’harmonisent parfaitement avec le béton clair.

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RDC

R+1

R+2

Béton poli

Béton poli

Couvertine zinc

Véture

Stucco

Persiennecoulissante

Chassis aluminum

Poteau Ø 40 cm

Socle béton

Chassis aluminum

Capot aluminum

Pierre scellée

Étanchéité

Trottoir

❙❙❙ Niveaux inférieurs Coupe sur les éléments en encorbellement

et les panneaux de béton poli

de la façade principale.

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débords de toiture, permettent de souli-gner un volume, un creux, un plein. Letravail sur le béton, traité en deux teintes,avec des granulats apparents plus oumoins gros, souligne la volumétrie et meten relief certains éléments du bâtimenttels que les piliers ou les colonnettes desfenêtres, par exemple, et crée une harmo-nie entre les différents registres, les diffé-rentes façades.Au sud, la façade surplombe la partieplus basse, dont les grandes baies vitréessont prises dans des demi-piliers debéton de granite. Celle-ci est couronnéepar des balcons qui engendrent unesymétrie feinte. Là encore, les ouverturessont les éléments de composition princi-paux, mis en valeur par le béton clair etle bois des persiennes.

● Au sud, un double registre en façade

Deux registres verticaux divisent la paroi,séparés par une faille verticale qui cor-respond à l’éclairage de la cage d’esca-lier. Les terrasses des deux derniersniveaux, séparés par le bloc central del’escalier, creusent la façade et l’allègent,la sculptent, tandis que les quatre étagesinférieurs semblent disposés en avancée.

Des fenêtres verticales – où l’on retrouvesur certaines le système de colonnettesrapportées en béton – et de petites baieshorizontales structurent l’ensemble.L’accès aux appartements se fait côténord. Là, le béton de granite un peu plussombre habille le rez-de-chaussée, for-mant un socle plus massif. Le pignon dela partie basse est enduit. Les portesd’entrée ont été dessinées par l’archi-tecte ; les ouvertures répondent à desparties laissées aveugles à cause de laproximité de l’immeuble voisin. À l’inté-rieur, les appartements sont vastes etlumineux. Là encore, Catherine Furet atenu envers et contre tout à la présencedes fenêtres, des balcons, particulière-ment dans les pièces à vivre même si, parmesure d’économie, le maître d’ouvrageeut été tenté d’en éliminer certains.L’immeuble tout entier, blanc et élégant,se démarque de ses voisins par la finessede traitement de l’ensemble comme desdétails. Et c’est le béton préfabriqué,matériau utilisé à exclusion de tout autrepour les façades, qui a permis cette pré-cision d’assemblage des panneaux mas-sifs et des panneaux agrafés. ❚

TEXTE : CLOTILDE FOUSSARD

PHOTOS : DIDIER BOY DE LA TOUR –

4, GÉRALDINE BRUNEEL

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Maître d’ouvrage:Kaufman & Broad

Maître d’œuvre:Catherine Furet,architecte

Programme :22 logements

+ locaux d’enseignement pourl’université de Chicago ;

+ commerce + parkings au sous-sol

Entreprise générale :Bouygues

Préfabricant:MSA (béton poli)

SHON :logements :1 880 m2;

commerce et université :531 m2

Coût des travaux :

3 M€ HT

7 %5 %

R+7

R+6

R+5

Peinture

Béton poli

Béton poli

Couvertine zinc

Couvertine zinc

Chassisaluminum

Chassisaluminum

Stucco

upnCouvertine sur upn

Poteau Ø 35 cm

❙❙❙ Derniers niveaux Coupe sur la structure des duplex montrant

les détails de couvertine, les poteaux

rapportés, les panneaux de béton poli.

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r é a l i s a t i o n PESSAC – IECB

Rationalité affichéeet béton de structure apparent● ● ● À Pessac, l’Institut européen de chimie et biologie de Bordeaux installe dans le paysage

de longues horizontales qui sont la traduction de ses fonctions. Mais l’esthétique de l’édifice repose

aussi sur les colonnes structurelles coulées en place utilisées pour l’“innervation” de l’édifice.

Des éléments porteurs en béton préfabriqué ont permis de rationaliser la construction

en vue d’optimiser la flexibilité des laboratoires et l’adaptabilité du bâtiment, parti pris qui facilite

le passage de tous les réseaux irriguant ce pôle de recherche hautement spécialisé.

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vec l’Institut européen de chimie et de biologie

(IECB) de Bordeaux à Pessac,dans la banlieue de la capitalegirondine, Franck Hammoutènesigne un troisième bâtiment uni-versitaire qui n’est pas sansparenté avec ceux qu’il construi-sit hier à Tours et à Vélizy. Tous, eneffet, s’étirent sur leur parcelle en affir-mant par leur structure et leur volumétriela rationalité du programme.

● Autonomie affirmée

Installé sur un terrain de quatre hectares,l’Institut de chimie et de biologie réunitsur près de 10000 m2 de SHON un pôlede recherches de haut niveau. Par letriple jeu de la rythmique de sa structureen béton, de la succession de trois faça-des frontales et de la combinaison dedeux barrettes horizontales parallèles, lebâtiment s’insère dans le paysage du

campus et prend en charge ses abordspour affirmer son autonomie. La struc-ture, la trame, les ouvertures, les élé-ments de parement en béton préfabri-qué et la “mantille” des brise-soleil quiles protègent, créent des vibrations ciné-tiques qui accompagnent le parcours desespaces intérieurs. Partout, la matièreminérale du béton et les ouvertures surle paysage instillent une atmosphèresereine,propice à la concentration.L’enjeu d’une telle construction était deréunir sur un site unique des services dis-persés. Le pôle de recherches associeainsi plusieurs corps de bâtiments pourregrouper divers départements et leursmoyens logistiques communs, parmi lesquels une animalerie et un pôle destart-up pour jeunes chercheurs en quêted’envol. Les laboratoires spécialisés sedéploient sur 3632m2, y compris 1194m2

de plateau technique au rez-de-chaussée.Ces services se partagent des moyensscientifiques communs, parmi lesquels le

bloc de résonance magnétique nucléaire,que les architectes ont implanté dans uneconstruction spécifique. L’ensemble desbâtiments est fondé sur des pieux enbéton forés coulés en place sur 20 à 23 mde profondeur.

● Du paysage au parti architectural

Le terrain d’assiette offre l’opportunitéd’une découverte panoramique de l’ins-titut, qui s’appuie sur un fond de scènearboré en prenant possession de toutl’horizon et se découvre depuis l’ouestdu site, où le terrain se soulève pourenvelopper le volume courbe du labora-toire de résonance magnétique, véritable“tête”du projet.Recourant à la préfabrication et à sespotentialités géométriques et structu-relles en utilisant notamment des dallesprécontraintes de grande portée, l’insti-tut développe trois séquences parallèles.

C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 9 11

>>> La façade du bâtiment administratif s’arrime à la dalle

pour former l’équerre sur laquelle repose la “boîte” des bureaux et

ses deux pignons largement vitrés. Détail du pignon montrant

l’accroche des éléments préfabriqués des deux façades.

2

1

A

1 2

Page 14: construction modern 119

La bibliothèque, l’amphithéâtre et toutesles fonctions les plus ouvertes sur l’exté-rieur se déploient sous une avancée enauvent. En second plan, bureaux, admi-nistration et salles de réunion et d’ensei-gnement s’abritent derrière une paroiblanche perforée qui souligne l’horizon-talité de l’édifice. Plus massif, plus mono-lithique et plus secret, l’épais bloc deslaboratoires vient en troisième position,protégé par sa mantille.Si les plantations qui encadreront àterme le bâti n’existent pas encore, unebordure basse en béton banché (typeglissière d’autoroute) coulée à l’avance-ment isole d’ores et déjà des voies rou-tières le pourtour du site. S’ajoutent àcet accompagnement architecural deux

bassins de rétention paysagers tapissésd’un lit de galets semblables aux granu-lats des façades.

● Le béton dans son plussimple appareil

“Dans cet équipement où les élémentsporteurs et structurels sont égalementutilisés pour l’innervation, nous avonsdélibérément opté pour une constructionentièrement en béton dépourvue de touthabillage inutile”, souligne Franck Ham-moutène. Le béton reste donc apparentà l’intérieur partout où c’est possible,notamment au plafond, et ce, jusquedans les laboratoires. L’édifice circulairequi abrite la résonance magnétique était

particulièrement contraignant. Outrel’extrême sensibilité des instruments auxchamps magnétiques, il fallait disposerde grands volumes libres et d’espacesadaptés au process. “Le fait d’intégrer laconstruction dans un mouvement pay-sager permettait d’absorber le volumedans la topographie tout en intégrantces contraintes”, poursuit Franck Ham-moutène. Protégé par le talus danslequel il s’encaisse, ce bâtiment estconstitué de voiles de béton armé ban-chés, cintrés et coulés en place.Alliée autalus de terre végétalisée, la masse dubéton permet d’éviter toute interférenceentre les masses métalliques en mouve-ment liées à la circulation des camionssur le boulevard voisin et le champ

magnétique des électro-aimants implan-tés dans le bâtiment, dont l’un atteint800 Mhz. En acrotère, semblant émergerdu talus, des éléments de parement enbéton préfabriqué de teinte grisehabillent la partie supérieure de l’édificepour unifier visuellement l’ensemble desfaçades du plateau technique.Des éléments de coffrage particuliersont été conçus pour réaliser ces pare-ments qui épousent la courbure dutalus. À l’intérieur du bloc où il fallaitabsorber les vibrations des électro-aimants, toute armature métallique étaitexclue dans la dalle flottante du sol.Celle-ci a donc été réalisée en bétonfibré à base de fibres de verre, et ellesupporte des surcharges d’exploitationallant jusqu’à 5 tonnes dans le carréréservé à l’aimant le plus important.

● La préfabrication au service des fonctions

Au-delà des aspects techniques et struc-turels, opter pour des éléments préfabri-qués permettait de garantir un fini trèssoigné des façades et de tester soigneu-sement une sélection de granulats dedifférentes couleurs pour obtenir desbétons blancs et gris correspondant par-

12 C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 9

r é a l i s a t i o n PESSAC – IECB

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Page 15: construction modern 119

faitement aux attentes des architectes.Au niveau du plancher haut du rez-de-chaussée, la structure du bâtiment admi-nistratif intègre un plancher composé deprédalles alvéolaires précontraintes quireposent sur des poteaux circulaires enbéton blanc brut coulé en place.La façade principale, sous laquelle seglisse l’auvent de la bibliothèque, estcomposée d’une équerre à structuremétallique sur laquelle sont clavetés despanneaux préfabriqués en béton blancpoli (350 kg de ciment blanc) avec desgranulats de marbre des Pyrénées. Ces

éléments de 7mètres de longueur sontfixés sur la dalle alvéolaire. L’équerreainsi formée repose sur les pilotis et serten quelque sorte de “conteneur” auxsalles de réunions et aux bureaux.La façade arrière et celles du bâtiment deslaboratoires sont formées de panneauxpréfabriqués en béton gris sablé intégrantdes granulats de gravier concassé gris-bleu venant des carrières des Pyrénées-Atlantiques. Au rez-de-chaussée, lafaçade de l’amphithéâtre est revêtue d’unenduit plastène-quartz sur voile banchéen béton armé coulé en place.

La diversité des bétons mis en œuvreanime le bâtiment en créant de multiplescontrastes qui jouent de la lumière et lestransparences. La façade polie en bétonblanc réfléchit la lumière tout en écartantla construction du sol ; les façades enbéton gris, au grain plus rugueux, l’an-

crent au contraire dans le sol. En façadedu bâtiment des laboratoires, les man-tilles créent un effet d’optique. La verti-calité des ouvertures vitrées venant aunu du béton sans menuiserie apparenteest ainsi révélée. Dans le bâtiment deslaboratoires, l’utilisation de dalles alvéo-

5

>>> La succession des plans frontaux des façades annonce

la diversité des fonctions du bâtiment. La façade arrière.

Une résille se superpose aux panneaux de béton préfabriqué.

Le hall d'accueil présente deux types de traitements :

à gauche, un sol gris très pâle et un faux plafond blanc ; à droite,

un sol anthracite et un plafond de béton brut.

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3

Entretien avec l’architecte

Construction moderne:Un bâtiment de recherche de ce type doit être à la fois modulable et d’une solidité à toute épreuve. En quoi les dalles de préfabricationalvéolaire et les colonnes en “U” peuvent-elles apporter deséléments de réponse ? Franck Hammoutène : Lesplateaux sont entièrement libres, les prédalles en béton sontapparentes et tous les réseauxpassent dans de simples rails

métalliques fixés au plafond. Lescolonnes en “U” conduisent cesréseaux vers une galerie techniquesouterraine courant sous l’axenévralgique du bâtiment. Sans percerla moindre trémie, nous disposonsainsi d’un bâtiment totalementflexible pour accueillir des fonctionsaussi variées qu’une animalerie ou des laboratoires.

C. M. : Comment avez-vous mis enœuvre les colonnes en béton banché?

F. H. : Coulées et sablées sur place, ces colonnes intègrent desgranulats gris bleuté identiques à ceux des façades. Pour choisirle béton et le dosage des granulats,nous avons fait réaliser un prototype. Un joint creux en pied de banche vient soulignerl’esthétique générale de la colonnadetout en facilitant le nettoyage. Ce joint fut d’ailleurs assez complexe à réaliser car il fallaitcontrôler en permanence le

brassage du béton pour éviter queles granulats ne s’accumulent.

C. M. : En quoi le recours à ceséléments préfabriqués a-t-il servil’économie du projet et le calendrier ? F.H. : Sans la préfabrication, quiréduit de façon considérable le tempsde mise en œuvre, réaliser de tellesportées était tout simplementincompatible avec nos contraintes.

Propos recueillis par Christine Desmoulin

« Les contraintes de délai imposaient la préfabrication »

C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 9 13

Page 16: construction modern 119

laires en plancher autorise des portéesd’une douzaine de mètres sans retom-bées de poutres, ce qui libère les pla-teaux de recherche de tout point porteur,au profit de leur adaptabilité. La difficultéconsistant à faire passer tous les réseauxd’alimentation indispensables à cesfonctions, c’est avec un même souci deflexibilité que les architectes ont rationa-lisé les colonnes montantes et descen-dantes à partir de la trame du bâtiment.Ces “U” en béton banché gris scandentles circulations longitudinales à la façon

d’une puissante colonnade de pierre. Sila composition du béton est identique àcelle des façades, son traitement diffère:il est ici coulé en place et sablé sur site,d’où un fini plus irrégulier venant renfor-cer la portée architectonique de cettecolonnade qui imprègne d’une atmo-sphère minérale insolite l’antre très high-tech des chercheurs. À l’intérieur deslaboratoires, la fluidité des plateaux per-met de faire filer en façade les espacesde travail, les tables d’expérimentations’implantant perpendiculairement. Le

béton des prédalles reste apparent ensous-face des plafonds. Pour des raisonsliées à l’acidité des composants chi-miques ou à la sûreté bactériologique,les sols sont carrelés ou en résine et lescolonnes enduites et peintes en blanc.À l’arrière du bâtiment des laboratoires,trois petites constructions géométriquescomplètent la composition d’ensembleen accueillant des fonctions spécifiquescomme la réserve d’azote liquide. Undouble bunker en béton coulé en placeabrite un transformateur et un labora-toire placé sous haute surveillance enraison des risques d’explosion qu’entraî-nent ses activités. ❚

TEXTE : CHRISTINE DESMOULIN

PHOTOS : OLIVIER WOGENSCKY

14 C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 9

>>> Le hall d’accueil, cordial, avec sa voûte de toiture

protectrice. Fonctionnalité et qualités acoustiques et esthétiques

sont ici réunies. Les colonnes ont été coulées et sablées sur

place, au profit de la portée architectonique de l’ensemble.

7

6

r é a l i s a t i o n PESSAC – IECB

6 7

Maître d’ouvrage:conseil régional d’Aquitaine

Maître d’ouvrage délégué :Gironde Développement

Maître d’œuvre :Atelier Franck Hammoutène,

architecte mandataire;Ersol,architectes associés

Préfabrication :CIR (béton blanc poli) et Bussard (béton gris sablé)

SHOB :16 138 m2

SHON :9 557 m2

Coût des travaux :

13,7 M€

(valeur 1998)

>>> Partout les contraintes

techniques et bactériologiques

l’autorisent, le béton brut reste

visible dans les laboratoire. C’est

notamment le cas des plafonds.

Page 17: construction modern 119

B É T O N

● ● ● LES SOLS EN BÉTON, AUTREFOIS RÉSERVÉS À DES USAGES

INDUSTRIELS ET LE PLUS SOUVENT CANTONNÉS AUX SOLS D’USINES

OU DE PARKINGS, INVESTISSENT AUJOURD’HUI L’INTÉRIEUR DES GALERIES

COMMERCIALES, DES MAISONS PARTICULIÈRES OU MÊME DES RÉALISATIONS

BEAUCOUP PLUS PRESTIGIEUSES. DES GALERIES D’ART AUX MUSÉES,

EN PASSANT PAR LES SHOW-ROOMS OU LES SIÈGES SOCIAUX D’ENTREPRISES

DU TERTIAIRE, LE BÉTON LISSÉ, POLI OU CIRÉ PREND DES TEINTES

ET DES ASPECTS VARIÉS, PLUS OU MOINS LISSES OU BRILLANTS,

CLAIRS OU SOMBRES, ALLANT PARFOIS JUSQU’À FORMER DES MOTIFS

QUI RAPPELLENT CEUX DES MOSAÏQUES.

C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 9 15

solutionssolutions

Symphonieen sols majeurs

➜ Musée Fenaille Un béton beige clair pour mettre

en valeur les œuvres d’art. p.18

➜ Musée Georges de la Tour Un sol de béton ciré

aux qualités multiples. p.19

➜ Siège socialChape industrielle “emblématique”. p.20

➜ Maison de l’ArchitectureUn sol de béton poli entre au Couvent. p.21

Page 18: construction modern 119

16 C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 9

s o l u t i o n s b é t on

n matière d’aménagement intérieur,les sols en béton répondent aux fonc-

tions technique et décorative comme àl’économie du projet. Plus “design” qu’uncarrelage, car constants et uniformes, moinschers qu’un parquet, plus durables et plusrésistants qu’une moquette ou qu’un revê-tement plastique, ils offrent une infinité d’aspectset de couleurs. Très prisés par les maîtres d’œuvre, ilsfont d’ailleurs l’objet de recherches de haut niveau surla chimie du béton et des compatibilités entre produits,adjuvants, fibres et colorants.Le béton de sol est souvent employé dans les lieuxpublics recevant beaucoup de passage: musées, maga-sins ou show-rooms, galeries d’art, restaurants, et biensûr galeries commerciales. Assimilé à un revêtement

de la surface, mais avant le durcissement complet),cirées (technique dérivée des sols industriels, avec cou-lage en place, surfaçage à l’hélicoptère et incorporationde quartz, puis cirage par application d’un “bouche-pores” et d’une cire industrielle, après durcissage), ougrésées (polissage grossier faisant apparaître la textureinterne du béton: une passe de polisseuse attaquant lasurface sur un millimètre de profondeur, puis unedeuxième passe à grain plus fin). Ces types de finitionssont des opérations très délicates, et il est important derespecter les règles d’utilisation et les outils propres àchaque produit ou procédé.

● Chape adhérente ou chape flottante?

Il existe deux grandes catégories de chapes destinées àservir de sol fini : les chapes adhérentes et les chapesflottantes. D’une épaisseur de 3 à 12 centimètres, ellessont mises en place in situ et composées de ciment, desable, et éventuellement d’autres constituants commeles granulats ou les adjuvants (plastifiants, superplasti-fiants, entraîneurs d’air).Les chapes adhérentes sont solidaires du support surlequel elles sont coulées ; on ne peut pas ajouter d’iso-lation acoustique ou thermique en sous-couche. Il estcependant possible d’y incorporer des éléments chauf-fants (câbles électriques ou canalisations d’eauchaude), mais il faut savoir que l’absence d’isolant pro-voquera un rayonnement thermique vers le bas.Les chapes flottantes sont désolidarisées de leur supportet des parois verticales et peuvent être mises en placesur une couche d’isolant. Destinées à répartir la pressiondes charges, elles peuvent jouer un rôle d’étanchéité,d’isolation acoustique ou d’isolation thermique.Pour ces

“vivant” de par son aspect parfois imparfait, irrégulier, ilse marie idéalement avec des murs anciens ou laissésbruts. Il présente également une homogénéité de sur-face appréciable dans les locaux neufs et très vastes,mais aussi sur les petites superficies, couloirs, espacesde réunion et autres cafétérias. Les joints, même s’ilssont visibles, ne forment pas un quadrillage susceptiblede perturber le regard dans un musée ou dans une gale-rie d’art, par exemple, ce qui en fait un revêtement par-faitement adapté. Dans le cas du béton poli (obtenu parle passage d’une succession de meules abrasives à lasurface du béton durci), l’aspect lisse et brillant, très uni-forme, uni ou animé de la trace des granulats, produitun effet très contemporain. Les grands aplats du maté-riau béton laissé naturel, gris, ou bien teinté dans lamasse, ou encore piqué des points plus ou moins clairsou foncés des granulats, forment des surfaces élé-gantes, combinant raffinement et solidité.Les chapes de béton destinées à rester apparentes peu-vent également recevoir différentes finitions: chapes lis-sées (passage d’une lisseuse manuelle ou mécaniqueappelée “hélicoptère” jusqu’à l’obtention d’une surfacelisse), talochées (la taloche est moins fine que lalisseuse : on peut déceler sur le sol la trace de l’outil),bouchardées au rouleau (passage d’un petit rouleaumécanique garni de picots ou de motifs après le lissage

➜ Palette de bétonspour (grands) maîtres d’œuvre

LE NOMBRE DE SES ATOUTS A FAIT DU SOL

EN BÉTON LA RÉPONSE IDÉALE AUX

CAHIERS DES CHARGES LES PLUS EXIGEANTS.ON PENSE À SES QUALITÉS ESTHÉTIQUES

ET À SON COÛT, MAIS AUSSI À SES

QUALITÉS MÉCANIQUES. ET LA RECHERCHE

N’A PAS DIT SON DERNIER MOT…

E

>>> L’architecte Pierre-Jean Delattre

a choisi un sol en béton ciré pour le siège

d’une entreprise à Villeneuve d’Asq.

À Tournus, pour la rénovation du musée

Greuze, bâtiment classé du XVIIe siècle, Catherine

Bizouard souhaitait un sol sans joints.

Le hall de l’université de Brest.3

2

1

Page 19: construction modern 119

C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 9 17

s o l u t i o n s b é t on

deux types de chapes, la mise en œuvre est identique; ils’agit soit d’une chape refluée (saupoudrage), soit d’unechape incorporée (coulis). Dans le premier cas, il fautappliquer régulièrement le mortier sec prêt à l’emploi surla surface avant que le béton du support n’ait fait saprise. Une fois qu’il a suffisamment absorbé l’humidité, ilfaut le talocher pour l’intégrer au béton.Plusieurs passespeuvent être exécutées sur le matériau humide; un lis-sage mécanique à “l’hélicoptère” est ensuite effectuépour rendre la surface unie. Dans le second cas, le mor-tier est malaxé avec de l’eau jusqu’à l’obtention d’uneconsistance plastique, puis il est appliqué sur le supportpréparé à cet effet. Puis la surface est talochée mécani-quement pour la rendre uniforme.Les sols en béton peuvent être réalisés sur supportsneufs ou anciens à condition que ceux-ci soient àmême de supporter la surcharge occasionnée par lachape, qui varie de 100 à 200kg au mètre carré. Deschapes minces de béton poli, d’une épaisseur de 8mm,sont aujourd’hui disponibles sur le marché. Elles sont

tains architectes s’offrent même la possibilité de joueravec ces lignes qui marquent parfois les axes majeursdu bâtiment, ou encore la structure. Des bétons trèshaute performance (BFUP ou BTHP) ont fait et font tou-jours l’objet d’études ; ils sont de plus en plus utiliséspour la réalisation de dallages de grandes dimensions,sur une épaisseur très faible (1 à 2 centimètres). Lesjoints sont des joints de marbrier, donc minces, ce quipermet d’obtenir une belle homogénéité du revête-ment. Et parce qu’il s’agit d’un produit moulé, la dallepeut prendre tous les aspects désirés, de l’imitation dubois à celle d’une trame de tissu.Le rapport qualité-prix des sols en béton, qu’ils soientpolis, cirés ou lissés, n’est pas à négliger. Les maîtresd’œuvre et les maîtres d’ouvrage ne s’y trompent pasqui préfèrent bien souvent, notamment dans le cas deséquipements publics (même si les particuliers commen-cent à s’y intéresser), un revêtement de ce type, riched’un choix étonnant de teintes et d’aspects. ❚

TEXTE: CLOTILDE FOUSSARD. PHOTOS: Grace.

particulièrement préconisées dans la rénovation, pourleur légèreté et leur facilité de mise en œuvre, qui per-met une pose en toute fin de chantier, sans protectionexcessive ni matériel encombrant. La fluidité du pro-duit, fabriqué à base d’éléments très fins, donne unaspect parfaitement lisse, qui peut être laissé brut (grisclair) ou teinté dans la masse.

● De la bonne maîtrise des joints

Bien que les revêtements en béton présentent une sur-face homogène – ce qui est particulièrement intéres-sant pour les architectes qui travaillent sur des surfacesimportantes –, il faut tenir compte de la présence desjoints de dilatation (qui anticipent les variations dimen-sionnelles du béton) et des joints d’arrêt de coulage. Ilest donc recommandé d’établir un plan de calepinageavant le début des travaux. Pour l’esthétique de l’ou-vrage, l’emplacement des joints doit être plus ou moinscontrôlé, malgré les contraintes et les impératifs. Cer-

Voir et toucherHolcim bétons et l’architecte Maxime Czunyi ont imaginé et conçu un

show-room un peu singulier… Celui-ci se présente comme un parcours

parmi les possibilités techniques et esthétiques offertes par le matériau

béton, sous la forme d’une rue intérieure de 300 m2qui met en perspective

un vaste échantillonnage de techniques, d’aspects, de couleurs des sols

en béton, intérieurs et extérieurs. On peut voir et toucher! En plus d’une

vitrine technologique, ce lieu se veut un pôle d’échanges et de réflexion

avec les fournisseurs, les prescripteurs et les applicateurs.“Il ne s’agit pas

d’un hall d’exposition mais d’une véritable exploration guidée,au cours de

laquelle nous expliquons toutes les facettes décoratives qu’il est possible

d’obtenir en jouant sur les textures, sur le choix des colorants ou des

natures de granulats”, explique Patrice Manzanero, responsable du ser-

vice Produits spéciaux.

TECHNIQUE

2 3

Page 20: construction modern 119

18 C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 9

s o l u t i o n s b é t on

MUSÉE TOULOUSE-LAUTREC – ALBI (81)MUSÉE FENAILLE – RODEZ (12)

➜ Total respect

Le musée Toulouse-Lautrec se situe en plein cœur de

la ville d’Albi, dans le palais de l’Evêque, grosse forte-

resse en brique dont la construction débuta au

XIIIe siècle et qui fait face à la cathédrale, édifice

majeur de l’art sacré.

Site classé par excellence, le bâtiment a donc été l’ob-

jet d’une première tranche de travaux, terminés en

novembre 2004. Il s’agissait de la réhabilitation et de

l’aménagement du rez-de-chaussée, inoccupé jusqu’à

présent (l’une des trois salles avait abrité les procès

de l’Inquisition…). D’importants travaux d’infrastruc-

ture ont permis la création en sous-sol, à 16 m de pro-

fondeur, sous la cour d’honneur, d’un auditorium, de

réserves et de locaux techniques.

Le principe de l’intervention était de restituer et de

mettre en valeur l’architecture puissante et la volumé-

trie des salles existantes, et de dissocier les éléments

de la muséographie dans un esprit résolument

contemporain. Le choix des architectes du cabinet

Dubois et Associés, celui d’un sol en béton ciré de

teinte gris ardoise, résulte de cette logique: rester le

plus sobre possible, garder une neutralité qui ne fasse

pas “concurrence” à la forte présence de la brique

(absence de calepinage). Les maîtres d’œuvre cher-

chaient également à affirmer et à renforcer la minéra-

lité de l’ensemble; le matériau béton répondait parfai-

1 2

3

tement à ce souhait, présentant une surface homo-

gène gardant quelques irrégularités. En fait, le seul

élément entièrement repris est le sol, dans lequel ont

été intégrées les gaines techniques, tout en préser-

vant l’architecture d’éléments modernes et “para-

sites”. Le maître d’ouvrage comme l’architecte des

Monuments historiques ont apprécié ce choix qui leur

paraissait correspondre avec l’esprit du lieu.

● Du béton pour mettre en valeur les objets d’art

Le réaménagement du musée Fenaille à Rodez est

d’un tout autre ordre. Il est installé dans un vieil édi-

fice du centre de la ville, fermé depuis longtemps. La

municipalité ayant racheté un immeuble de rapport

voisin, datant du début du XXe siècle, l’idée était

d’agrandir le musée en joignant les deux bâtiments.

Les collections assez riches du mécène de Rodin,

M.Fenaille, comprennent des objets archéologiques,

dont une très belle série de statues menhirs. La beauté

frappante de ces pièces devait être mise en valeur par

une présentation aérée – les architectes souhaitant

restituer le mieux possible l’environnement des sta-

tues dans la nature –, mais cela ne pouvait être réalisé

au rez-de-chaussée à cause de la différence de niveaux

entre les deux bâtiments. Il fut donc décidé de com-

mencer la visite par le dernier étage, et d’installer les

statues dans une vaste salle au troisième niveau du

bâtiment le plus récent, dans des fosses de sable brun

rouge. Les matériaux intérieurs devaient être d’une

>>> Musée Toulouse-Lautrec à Albi :

le sol en béton répond, par sa minéralité, à la

forte présence de la brique. et

Musée Fenaille à Rodez : la beauté brute

des menhirs sculptés est mise en valeur par

la simplicité des matériaux.

32

1

grande neutralité, raison pour laquelle un sol en béton

beige clair a été choisi. Là encore, la sobriété du béton,

qui échappe à un calepinage trop visible, était une

manière de respecter les objets présentés.

PHOTOS : DR

Maîtres d’ouvrages : Conseil général du Tarn, ville d’Albi

(Toulouse-Lautrec) - Communauté de communes du

grand Rodez (Musée Fenaille)

Maître d’œuvre : Philippe-Charles Dubois et Associés

Entreprises : Deco-Sols Systems - BTP 12

Page 21: construction modern 119

tème de failles, en plan et en coupe, permet une circu-

lation de la lumière entre les différents niveaux et les

différents espaces d’exposition.

Le matériau de finition du sol devait répondre à trois

exigences techniques : une faible hauteur sous pla-

fond, une faible charge complémentaire (le sous-sol

était de très mauvaise qualité) et une bonne conduc-

tivité thermique du fait de l’installation d’un plan-

cher chauffant.

En outre, une contrainte financière limitait les choix

de matériaux. Les architectes de l’agence Vincent

Brossy se sont donc tournés vers cette option d’un sol

continu et homogène en béton ciré. Son aspect satiné

mais pas brillant permettait de respecter la lecture

des collections, en évitant les reflets de lumière

gênants ; de plus, l’omniprésence d’un gris clair

neutre renforce l’unité spatiale de l’ensemble.

La mise en œuvre, quant à elle, s’est montrée assez

complexe du fait d’une réalisation en trois temps

décalés qui a fortement contraint le déroulement du

chantier : une dalle de 14 cm d’épaisseur a d’abord

été coulée pour monter le gros œuvre en superstruc-

ture, puis ce fut le coulage de la chape proprement

dite, et enfin, après le passage des corps d’état

secondaires, la finition avec les protections hydro-

fuges et oléofuges.

PHOTOS : Jean-Marie Monthiers

Maître d’ouvrage : Conseil général de Moselle (DCTS :

direction de la culture, du tourisme et des sports)

Maître d’œuvre : Vincent Brossy, architecte

Entreprise : Zannier

C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 9 19

s o l u t i o n s b é t on

MUSÉE GEORGES DE LA TOUR – VIC-SUR-SEILLE (57)

➜ Priorité aux objetsLe principe d’aménagement du musée de Vic-sur-

Seille consistait à concevoir des cabinets de collec-

tionneurs successifs, qui jalonnent chronologique-

ment et thématiquement le parcours. Le musée

Georges de la Tour est à l’échelle de la maison bour-

geoise qui a servi de base à l’opération. Les collec-

tions se répartissent sur quatre niveaux et la visite se

déroule en montant du sombre vers la clarté. Un sys-

Page 22: construction modern 119

20 C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 9

MAISON PARTICULIÈRE – PARIS (75)

➜ Esprit loftUn ancien local industriel parisien du début du

XXe siècle ayant abrité une imprimerie a été trans-

formé par l’architecte Pablo Katz (GKP architecture)

en logement et bureau pour un couple de particuliers.

Un grand séjour, une cuisine, un bureau, trois

chambres et deux salles de bains se répartissent ainsi

tion pour la qualité de sa finition, légèrement irrégu-

lière mais uniforme et brute.

Les maîtres d’ouvrage, à la tête d’une entreprise de

conseil en image de marque, ont été très vigilants sur

les choix de matériaux, et particulièrement exigeants

sur les finitions, puisqu’il s’agissait là de leur propre

image de marque! Partants pour le béton au sol, ils

ont quand même étudié avec attention plusieurs

échantillons, avant de se décider pour une chape

refluée (par saupoudrage).

Comme le précise l’architecte Christophe Vergnaud,

la mise en œuvre a nécessité un travail minutieux :

“Comme nous avions une surface modeste, environ

200 m2, il y avait beaucoup d’angles, beaucoup de

murs, qui sont des zones délicates à traiter à la

machine. On conseille d’ailleurs parfois de les tra-

vailler manuellement… il y a donc quelques irrégula-

rités. La deuxième difficulté est le calepinage, sur-

tout sur une petite surface ; les joints tombent

rarement là où on le souhaiterait !“

PHOTOS : DR

Maître d’ouvrage : Saguez & Partners

Maître d’œuvre: Christophe Vergnaud - Archee Architectes

Entreprise : Mendes SA

également d’un choix économique lié à un thème

retenu pour l’aménagement du bâtiment : le détour-

nement d’éléments industriels en éléments de décor.

Le revêtement de sol en béton (une chape indus-

trielle), laissé naturel, dans son coloris gris, répond

parfaitement à l’isolant en feutre tendu ou aux

gaines techniques laissés apparents dans certaines

parties du bâtiment. L’architecte a adopté cette solu-

SIÈGE DE SAGUEZ & PARTNERS – SAINT-OUEN (93)

➜ Culture design

Le choix d’un sol en béton lissé pour le rez-de-chaus-

sée du siège social de la société Saguez & Partners

à Saint-Ouen (93) – accueil, cafétéria, salles de

réunions – répondait à plusieurs critères. Il s’agissait

sur deux niveaux. La difficulté principale provenait de

la source de lumière naturelle : seule une des quatre

façades était éclairée par des impostes, pour une sur-

face au sol de 350 m2.

Il s’agissait donc, dans un premier temps, de créer

une source de lumière dont le faisceau irriguerait

l’ensemble de la maison. Un patio central fut créé, en

conservant (pour des raisons techniques) la char-

pente métallique découverte, qui sert dorénavant de

support à la végétation. Il s’agissait également de

préserver l’esprit industriel de la construction, en

conservant partiellement la hauteur sous toiture ori-

ginelle de 7 mètres dans le séjour et la charpente

métallique apparente.

Le choix du béton, pour le mobilier de la cuisine

(meuble d’évier, bar), la cheminée, l’escalier, les

parois intérieures, et naturellement pour le sol, s’im-

posa de lui-même comme fil conducteur de l’en-

semble du projet et marque d’identité industrielle.

La chape de béton poli gris (finition quartz) qui revêt

la totalité du rez-de-chaussée permettait aussi de

réaliser une continuité entre l’intérieur et le patio à

l’extérieur. Outre la facilité d’entretien,les proprié-

taires ont apprécié les qualités esthétiques d’un sol

sans joint présentant un aspect plus ou moins irrégu-

lier, avec lequel l’architecte a joué subtilement.

La pureté des lignes géométriques, qui se répondent

les unes les autres, laisse toute liberté à l’aménage-

ment intérieur.

PHOTO : DR

Maître d’ouvrage : privé

Maître d’œuvre : Pablo Katz (GKP architectes)

Page 23: construction modern 119

C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 9 21

s o l u t i o n s b é t on

ABBAYE DE MONTMAJOUR – ARLES (13)

➜ “La noblesse du pauvre”

À l’abbaye de Montmajour, près d’Arles, Rudy Ric-

ciotti propose une intervention contemporaine radi-

cale tout en restituant le bâtiment dans son état d’ori-

gine. Ici, point de matériaux luxueux ni de détails

sophistiqués. Dans le vaste volume de l’accueil, la

pierre a été simplement nettoyée, et le sol traité

comme un tapis : une chape de béton noir coulé en

place et poli au quartz. “Tous les sols sont en béton

brut, ce qui est assez inhabituel pour un monument

historique ou un musée. La tradition moderniste n’a

reconnu la noblesse du béton qu’en position verticale.

Cela est dû à la tradition Beaux-Arts qui ne célèbre la

position d’une peinture qu’accrochée au mur… Or le

problème était de faire accepter que le béton était le

seul matériau pertinent pour le plan horizontal, et

que, comme dans l’arte povera, il y avait également

une noblesse du pauvre “, explique l’architecte.

PHOTO : Philippe Ruault

Maître d’œuvre : Rudy Ricciotti

nagement d’un lieu recevant beaucoup de public, car

elle ne demande pas un entretien important tout en

étant suffisamment solide. Son aspect satiné reflète

la lumière et donne une clarté naturelle aux locaux.

PHOTOS : Philippe Ruault

Maître d’ouvrage : Conseil régional de l’Ordre des

architectes d’Ile-de-France

Maîtres d’œuvre : Karine Chartier et Thomas Corbasson

Entrerprise : SNCE

MAISON DE L’ARCHITECTURE – PARIS (75)

➜ Du neuf avec du vieux

Ce sont les architectes Karine Chartier et Thomas Cor-

basson qui ont transformé l’ancien couvent des Récol-

lets,un bâtiment datant du XVIIe siècle situé à Paris,dans

le 10e arrondissement, en maison de l’Architecture. Le

programme comprend au rez-de-chaussée une salle

polyvalente avec une mezzanine aménagées dans l’an-

cienne chapelle, un espace d’accueil, des salles de

réunions et une cafétéria, tandis que des bureaux occu-

pent l’étage. S’agissant de la chape de béton poli

prévue au rez-de-chaussée, le choix des architectes

était celui d’un matériau “vivant”, qui ne présente pas

un aspect trop parfait,pour s’harmoniser avec les murs

laissés en l’état pour certains. La chape en béton poli

gris semblait donc tout à fait appropriée pour l’amé-

Page 24: construction modern 119

22 C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 9

s o l u t i o n s b é t on

Un travail particulier a été réalisé sur le sol. Celui-ci

est très légèrement incurvé, un peu comme le fond

d’un bateau, d’une nef ; reprenant le thème de l’el-

lipse, il descend en pente douce vers l’autel central, ce

qui favorise la visibilité de toute part.

Traité en béton poli teinté dans la masse, gris très

clair, presque blanc, le sol présente un aspect sobre,

neutre et lumineux qui correspond parfaitement à

l’esprit et à la fonction des lieux. Son aspect légè-

rement brillant ajoute à sa faculté de réfléchir la

lumière. “Il est amusant de savoir que certains visi-

teurs ont pensé, en voyant le sol de l’église, que ce

n’était pas du béton mais un revêtement en

marbre !” raconte Corinne Callies.

Les architectes se sont amusés à un jeu sur les joints

de fractionnement et les joints de dilatation, calepi-

nés en ovale ou rectilignes, ce qui contribue à mettre

en valeur le motif elliptique. Il était d’ailleurs indis-

pensable pour eux de contrôler le dessin des joints et

de le mettre au service de la composition d’ensemble.

La solidité et la facilité d’entretien,dans un local rece-

vant de nombreuses assemblées, sont les autres rai-

sons qui ont plaidé pour le choix de ce type de sol.

PHOTOS : AREP/D. Bordes

Maître d’ouvrage : Association Diocésaine de Paris

Maîtres d’œuvre : Corinne Callies, Jean-Marie Duthilleul -

AREP Architectes

ÉGLISE SAINT-FRANÇOIS-DE-MOLITOR – PARIS (75)

➜ Simplicité et lumière

Prise dans un bâtiment orthogonal abritant l’espace

de culte, mais aussi la sacristie, un narthex et divers

autres locaux, l’église Saint-François-de-Molitor à

Paris a été réalisée par Corinne Callies et Jean-Marie

Duthilleul. Conçu en ellipse, avec un autel central

incitant au rassemblement, le plan intérieur de l’édi-

fice est orienté selon un axe principal sud-nord, avec

une façade translucide donnant sur un jardin au sud,

et la paroi d’entrée au nord, dotée de trois grandes

portes de bois monumentales. À l’est et à l’ouest, des

murs courbes en pierre très claire de Saint-Maximin

fondent l’organisation générale de l’ensemble : les

bancs, disposés en ovale autour de l’autel, sont sur-

plombés par deux tribunes latérales, ce qui offre un

total de 420 places.

L’idée était de privilégier la luminosité au sein de

l’édifice par un système d’éclairage naturel, avec la

grande baie située au fond de l’église, et d’autre part

d’utiliser des matériaux simples et clairs, tels que la

pierre sur les murs, le chêne pour les sièges, le hêtre

pour le plafond. Celui-ci est formé de planches à

peine jointives, laissant passer quelques rais de

lumière au-dessus de l’assistance.

Page 25: construction modern 119

r é a l i s a t i o n MARSEILLE – Collège

Leçon d’insertionet de fonctionnalité● ● ● Aborder le collège du Roy-d’Espagne ne peut se faire de front, tant son caractère se découvre

en y déambulant et sans doute davantage encore en y vivant. Situé aux portes des calanques

de Marseille, il fait partie de ces bâtiments qui se racontent au rythme des pas qui les traversent

et du regard qui les découvre. Efficace, la technique spatiale vient ainsi répondre aux trois chapitres

qui ont fondé l’histoire de ce collège: la séduction, latente et progressive, la fonctionnalité,

juste et mesurée, et enfin l’insertion, sans camouflage superflu et sans écart de style.

C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 9 23

Page 26: construction modern 119

vec ses collines de pierrecalcaire si typiques de la

région de Marseille, le site quiaccueille ce collège ne manquepas de caractère. Il doit d’ailleursfrémir à la vue des multiples opé-rations immobilières qui poussentdans cette frange de ville en devenir. Lamaîtrise d’un paysage urbain n’y semblepas prioritaire, témoin les constructionsqui s’égrènent le long de l’artère princi-pale menant aux calanques – un joli che-min transformé en voie rapide. La naturesemble avoir du mal à survivre dans cet

entre-deux. Fort heureusement, il restequelques espaces boisés préservés et lerelief est suffisamment hostile et inac-cessible pour qu’aucune construction nevienne s’y élever.C’est ce contexte qui a guidé les choix deCCD Architecture. Le collège réussit às’imposer comme un établissementpublic et à s’inscrire comme une figureforte le long de l’artère principale, dis-tincte des bâtiments industriels et com-merciaux saupoudrés aux alentours. Ilvient s’installer avec le plus de “vérité”possible dans le paysage. Ancré aux

limites du possible dans le terrain alloué,le projet ne pouvait être que calé dansl’angle formé par la voie rapide et unetraverse mineure. Il en découle un plancalme et clair, en équerre, qui crée unecour ouverte sur les collines. Les avan-tages sont nombreux, en particulier celuide se protéger des nuisances du climat.Tournant le dos au mistral et à la ville, lecollège évite ainsi les méfaits du ventcomme ceux du bruit. La façade donnantsur la voie rapide exploite l’effet demasse: composée de plaques de texturesdiverses, elle ne laisse que rarement devi-ner ce qui se passe à l’intérieur du col-lège. Seule la percée du préau et la trans-parence du hall d’entrée suggèrent lesmouvements de la vie scolaire. Des lumi-gnons triangulaires équipés de vitragescolorés relativisent l’effet d’écran total.

● Une organisation tournéevers la fonctionnalité

La géométrie du projet est donc simple,fondée sur la confrontation des pleins etdes vides, sur le rapport des matièresentre elles et sur certains effets de trans-parence. Simple donc, mais pas sim-pliste, du fait de ces éléments qui vien-nent complexifier la composition. Dès le

stade du concours, les architectes se sontplacés sur un terrain où la fonctionnalitéprime. Ils exprimaient déjà leur “volontéd’une esthétique contrôlée, celle del’obligation de la fluidité, de la nécessitéde la lumière et d’un rapport constant aupaysage environnant”.Le centre de documentation et d’infor-mation (CDI), conçu comme un volume,semble enchâssé, légèrement décalé. Iltraverse de part en part la façade côtévoie rapide. Une faille aide à encomprendre l’épaisseur et la teneur :sorte de fenêtre sur la ville, elle permetd’apercevoir le massif de Marseilleveyredepuis la cour. Elle relève, elle aussi, destrois critères qui sous-tendent l’organisa-tion du collège et contribuent à offrir unbâtiment efficace et rassurant: des accèsclairs et fonctionnels, une circulationfluide et une surveillance facilitée.Ainsiles élèves ne sont-ils pas obligés depénétrer dans le hall. Ils peuvent serendre directement sous le préau situéau cœur du collège, à la croisée des deuxailes majeures.Poursuivi par des galeries,cet abri offre une surface suffisammentimportante pour accueillir l’ensembledes élèves de l’établissement. Tous lesescaliers de distribution convergent versces espaces couverts.

24 C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 9

r é a l i s a t i o n MARSEILLE – Collège

1

A

Page 27: construction modern 119

La répartition des différentes fonctionsprofite de cette fluidité. L’administration,les locaux des professeurs et les autresespaces particuliers, tels que l’amphi-théâtre et le CDI, sont regroupés près duhall qui les dessert et peut devenir unespace de qualité à respecter. Cette lisi-bilité des fonctions, cette fluidité desmouvements, ainsi que le plan enéquerre, génèrent une telle logique spa-tiale que le contrôle et la surveillances’en trouvent largement facilités.

● Lumière théâtralisée

Lorsque l’effet de transparence est uti-lisé, celui-ci a un sens – celui d’ouvrirl’espace, de créer des fenêtres sur le pay-sage, de laisser deviner la profondeurd’une parcelle et sa composition. Le tra-vail de la lumière suit la même logique.Les ambiances lumineuses sont contras-

tées dans les espaces de circulation,donc lorsque le programme et la fonc-tionnalité le permettent et que le niveaud’éclairement n’est pas assujetti à unenorme. L’élève passe d’un flot de lumièreau couloir plus sombre, traité pourconserver un minimum de dignité. Descloisons maçonnées recouvertes d’unepeinture gris métallisé offrent leur sur-face rugueuse et satinée aux pieds des

élèves qui n’y laissent pratiquementaucune trace. Dans l’aile nord, le murextérieur en béton noir teinté dans lamasse demeure apparent dans lesespaces de circulation et vient faire faceau quadrillage des cloisons maçonnées.Des lumignons triangulaires percentrégulièrement cette paroi sombre et pro-jettent des taches de couleur plus oumoins intenses suivant les moments dela journée et le degré d’ensoleillement.L’élève n’y peut demeurer insensible… Côté cour, les façades très ouvertes sontcelles de salles de classe et la solutionchoisie pour maîtriser la force des rayonsdu soleil n’est pas banale. Des lames debois brut sortant tout droit de la scierie,empilées et installées à la manière d’unedouble peau, tiennent lieu de brise-soleil.

L’effet vibratoire est renforcé par lecontraste des matières et de ces tranchesd’arbres rangées devant une paroi enbéton lisse, peinte en rouge côté sud eten blanc côté ouest.

● L’apologie discrète du matériau béton

Ici, le béton est roi.Coulé en place, préfa-briqué, lisse, lasuré, brut, il est partout.Ses multiples facettes contribuent égale-ment à rendre la géométrie du lycée plusséduisante, à lui donner du corps, à créerde la variété et donc à rendre le décou-page formel du bâtiment moins rigide.Dans cet esprit, les panneaux préfabri-qués recouvrant le bloc du CDI offrentaux passants comme aux élèves une

C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 9 25

>>> Béton blanc bouchardé, gris anthracite ou gris clair :

chaque teinte ou traitement surface est le témoin d’une réponse

au programme et de la volonté d’inscrire avec harmonie le bâtiment

dans son paysage. Côté cour, des lames de bois brut régulent les

rayons du soleil ; leur juxtaposition crée des vibrations qui mettent en

valeur la pureté des lignes en béton. Préau, galerie de desserte,

percée vers la ville… La circulation des élèves est limpide et fluide.

3

2

1

>>> Un écran en béton rend

hommage aux collines de pierre

calcaire. Composé de panneaux

préfabriqués, il affiche une matière

“accrocheuse” de lumière

et respectueuse du site.

2 3

Page 28: construction modern 119

image du béton plutôt fédératrice,conforme à leur culture et à leur sensibi-lité. Ils deviennent signal le long de l’ave-nue. Très texturée, la matière fait échoaux collines de pierre calcaire situées enarrière-plan, à leur rugosité, à leur blan-cheur lorsque le soleil les illumine. L’idéeconsistait à créer un aspect de surfacequi accroche la lumière rasante dumatin, la façade étant exposée à l’est.Chaque élément de 2,5 x 1,5 m a doncété réalisé à partir d’une matrice encaoutchouc qui a permis de donner l’ap-parence d’un mur de pierres sèches, enadéquation d’ailleurs avec les recherchesde teinte qui aboutissaient à un bétonplus beige que blanc.Les efforts de mise au point ont porté surla qualité même de la rugosité,afin qu’ellecontraste pleinement avec le grand murunificateur en béton noir qui lui sert defond. Celui-ci s’impose le long de l’avenuepublique et fédère les différents élémentsqui constituent la façade principale du col-lège. Le coulage puis le démoulage decette grande plaque sombre teintée dans

la masse furent d’ailleurs des moments desurprise,voire de dégustation,à la manièredu plat mitonné qui révèle enfin toute sasaveur. Car il ne peut y avoir deux bétonsidentiques. Le pourcentage d’oxyde, latempérature ambiante, la surface desbanches, la technique de coulage, tousces paramètres font que chaque plaquedévoilée aurait pu être signée par toutel’équipe de mise en œuvre.

● Un chantier épique

Plus formel, l’escalier du hall apparaîtégalement comme une pièce maîtressedu lieu. De par l’effet de spirale, sa sil-houette massive et sensuelle prend uneforce particulière, encadrée par les paroisentièrement vitrées de cet espace d’ac-cueil qu’il met légèrement en tensiontout en l’habitant avec élégance. Égale-ment coulé en place, il a nécessité poursa fabrication la réalisation d’un coffrageen une seule pièce avec limon et contre-limon. Le dispositif, spectaculaire, ademandé l’intervention d’un spécialiste.

Ce fut un autre épisode mémorable pource chantier vécu presque comme uneépopée par l’équipe de conception.Intervenir et construire en site occupédemande un phasage pertinent et effi-cace. Cette situation délicate, qui accen-tue les problèmes et renforce sans douteles questionnements du voisinage sur lestravaux en cours, a donné l’occasion auxarchitectes d’expliquer et de défendreleurs choix, notamment celui du béton,une matière encore trop souvent perçuecomme pauvre et triste d’aspect. Ce col-lège fut d’ailleurs une façon de le revalo-riser aux yeux des riverains et des utilisa-teurs, effrayés dans un premier tempspar le porte-à-faux de plus de 5 mètresdu bloc abritant le CDI, côté cour. L’ou-vrage, incontestablement, ne méritaitpas la réticence rencontrée. Il demandaitsurtout un bon ferraillage et l’utilisationd’un béton autoplaçant (du BAP 40),lequel pouvait glisser avec plus de facilitédans une mer d’aciers très dense,notam-ment pour lier les poutres préfabriquéeset les claveter au reste de la structure,réalisé en béton classique. Un collègeplus innovant qu’il n’y paraît au premierregard,donc. ❚

TEXTE : BÉATRICE HOUZELLE

PHOTOS : PHILIPPE RUAULT

26 C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 9

>>> Sobre, constitué de matières résistantes égayés par

quelques lumignons colorés, un des couloirs desservant les salles de

classe. Le hall d’accueil n’est pas un passage obligé

et demeure une zone élégante et libre, dont la transparence révèle

la présence d’un escalier à la courbe sensuelle.

5

4

r é a l i s a t i o n MARSEILLE – Collège

4 5

Maître d’ouvrage:conseil général

des Bouches-du-Rhône

Maître d’œuvre :CCD Architecture

(G.Cerrito,X.Chabrol,R.Daniel)

BET :OTH Méditerranée

Entreprise gros œuvre :CARI (Agence Giraud

Méditerranée)

SHON :8 800 m2

Coût des travaux :6,25 M€

Page 29: construction modern 119

r é a l i s a t i o n NANTES – Hôpital mère-enfant

Mégastructurepour mère et enfant● ● ● Au cœur de Nantes, le long de la Loire, Rémy Butler a accolé au pavillon de pédiatrie

de Roux-Spitz un immeuble linéaire qui vient composer une entité unique et parfaitement fonctionnelle

au service de la mère et de l’enfant. L’ouvrage, qui associe les technologies du béton coulé en place,

du béton préfabriqué et du béton autoplaçant, exprime, par son échelle, la complexité

des structures hospitalières. Pourtant, le travail réalisé sur la forme et les gabarits assure une

véritable urbanité à cette mégastructure ouverte sur la ville.

C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 9 27

Page 30: construction modern 119

igure de proue du centrehospitalier universitaire

(CHU) nantais, le nouvel hôpital“mère et enfant” de Nantes,livré en 2004 par Rémy Butler,est implanté parallèlement à laLoire, en plein centre-ville. Lebâtiment s’accapare formellement lepavillon de pédiatrie voisin, réalisé parRoux-Spitz en 1966, en le poursuivantpar un geste dynamique qui projettel’ensemble vers l’est. D’un point de vuefonctionnel, les deux édifices forment untout correspondant à un projet d’établis-sement commun: celui de doter la capi-tale nantaise d’une structure moderneregroupant, sur un site unique, l’en-semble des services relatifs à l’hospitali-sation de la mère et de l’enfant.

Identiques dans leurs gabarits, leursmatériaux et leurs couleurs, les deux édi-fices affirment malgré tout, époque deconstruction oblige, des différences dansleurs écritures architecturales. Là oùRoux-Spitz a perforé sa façade par unerépétition d’ouvertures, Rémy Butlerdessine de longues baies horizontalescontinues. Là ou Roux-Spitz implantait unédifice frontal à dimension territorialecomme les premiers pas d’un front deLoire aujourd’hui en cours d’achève-ment, Rémy Butler adoucit la géométrielinéaire de son bâtiment par une amplecourbe qui dégage, dans la façade, unlarge espace en creux face au fleuve.Dès lors, la simple composition linéaire,dont n’aurait pu résulter qu’un ouvrageparfaitement inscrit dans la continuité du

tissu urbain, s’enrichit d’une affirmationdu programme, comme si une pousséesymbolique avait déformé le prolonge-ment de la façade voisine pour transfor-mer le bâtiment en loge urbaine.

● Un volume qui s’impose

En référence au pavillon de l’Institut deFrance construit face à la Seine par Le Vau,le maître d’œuvre impose l’ouvrage dans

le paysage nantais par la simple affirma-tion de sa volumétrie. Un coup de maîtrequi donne toute son identité à un équipe-ment destiné à la mère et à l’enfant, etpermet d’enrichir la composition d’un lieud’accueil et de détente ouvert sur la ville.Au-delà des aspects symboliques eturbains sous-jacents à la volumétrie del’ensemble, l’organisation spatiale del’équipement résulte d’une habile équa-tion entre d’importantes contraintes de

28 C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 9

>>> Les façades, pour la majorité en béton

préfabriqué de teinte claire, sont réalisées en usine. Elles sont

composées de modules en béton de double, voire de triple hauteur,

intégrant les ouvertures. L’ensemble hospitalier

est surmonté d’un étage technique à l’allure futuriste qui s’achève,

face au débouché du pont Audibert, par un traitement d’angle

dicté par les règles de prospect.

32

41

r é a l i s a t i o n NANTES – Hôpital mère-enfant

1 2

F

>>> Inscrit dans la continuité

du bâtiment de pédiatrie réalisé par

Roux-Spitz en 1966, le nouveau

pavillon de l’hôpital “mère

et enfant” affirme la dimension

territoriale du CHU Nantais.

Page 31: construction modern 119

fonctionnement et une assiette foncièretrès limitée. Le programme du bâtimentse décompose en deux grandes famillesfonctionnelles : des services d’héberge-ment organisés comme des suites dechambres, et les espaces opératoires ettechniques nécessairement regroupés surun seul niveau. Lorsqu’on l’interroge surles intentions qui, en 1999, lors duconcours, ont présidé à l’élaboration for-melle du projet, Rémy Butler présente lestypologies possibles au regard du terrainqui était alloué.

● Un schéma programmatique inédit

“La surface très limitée du foncier n’of-frait que peu d’alternatives. La solutionclassique consistait à implanter en rez-de-chaussée les salles d’opération. Ceparti impliquait de disposer les espacesd’accueil au-dessus du socle techniqueet de surmonter l’ensemble d’un édificeregroupant les chambres et servicesconnexes.” Un système très pénalisantau niveau des accès, le sous-sol inon-dable empêchant d’enterrer les blocsopératoires, d’où l’obligation de créer unsol artificiel au niveau du premier étage.“Par ailleurs, ce système rendait impos-

3 4

C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 9 29

Conseiller de 1992 à 2000 auprès de la direction des Routes au ministère de l’Équipement, Rémy Butler a toujours manifesté un intérêt certain pour les mégastructures et les ouvrages d’art. Nous l’avons interrogé sur l’évolution de la conception et l’apport des technologies dans ce type de bâtiment.

Entret ien

“Il y a quelques années, l’étage-toitaurait été beaucoup plus important”

«Ce bâtiment est en quelque sorte l’aboutissementd’une réflexion sur les mégastructures telles qu’on lesenvisageait dans les années 70. La grande différenceétant que, depuis, on a assimilé l’apport des années 80et 90 sur la place de l’architecture dans la constructionde la ville et sur le respect des gabarits et des aligne-ments. Il s’agit d’un immeuble équipé d’un toit habitéposé sur un bâtiment inférieur et supporté par cinqpoteaux tronconiques et un autre uniforme.D’un point de vue technologique, les superstructuressont comparables à celles mises en œuvre pour cer-tains ouvrages d’art, mais elles n’ont rien d’excep-tionnel si ce n’est l’utilisation de béton autoplaçant(BAP) qui a grandement facilité la mise en œuvredes colonnes coniques.

Là où l’apport technologique fut primordial, c’est auniveau de la recherche d’une parfaite continuité deniveau avec le bâtiment de Roux-Spitz.Assurément, il ya quelques dizaines d’années, l’étage-toit aurait étébeaucoup plus important.Aujourd’hui, en suspendantles planchers à une structure aérienne et en traitant lagestion des fluides grâce à l’emploi de technologiesissues de l’aéronautique, nous avons pu régler les ques-tions de modénature et de proportions sans surdi-mensionnement. En effet, c’est bien l’absence de des-cente gravitaire et l’utilisation de fluides pompés quiont permis de n’avoir aucune retombée de réseau ensous-face de la toiture habitée et d’obtenir une si faibleépaisseur d’étage au regard du programme éminem-ment technique du cinquième niveau.»

Page 32: construction modern 119

sible la mise en relation des différentsétages avec le bâtiment de Roux-Spitz”,enchaîne Rémy Butler. L’autre solution,adoptée pour le projet, a consisté àinverser le schéma programmatique.L’édifice est ainsi conçu comme un“tabouret” composé d’un bâtimentassez classique en L, surmonté d’unegalette technique abritant les salles opé-ratoires au dernier niveau.Restait à traiter la délicate question del'angle du bâtiment, face au pont. Leconcepteur souhaitait produire un anglevif résultant de l’intersection des deuxfaçades, mais les règlements d’urba-nisme n’ont pas permis l’édification d’unvolume aérien surplombant le domainepublic au-delà des limites de la propriétéfoncière de l’hopital. Un obstacle queRémy Butler a contourné en accusant ladynamique du dernier niveau, terminépar une proue à “l’allure de TGV” oùs’exprime la modernité des équipementstechniques qu’abrite le bâtiment.Les fonctions publiques de l’hôpital –accueil, consultations, formation – sontdonc implantées en rez-de-chaussée.Situé en continuité du bâtiment existant,ce niveau est desservi par une rue inté-rieure le long de laquelle sont implantésles services d’information et de consulta-

tion. Au premier étage se trouvent lessalles de diagnostic, au deuxième et autroisième, les services hospitaliers clas-siques, au quatrième, le secteur protégéde la réanimation et, enfin, au cin-quième, le plateau technique.

● Trois axes de distribution

Au regard de cette disposition, troisaxes de distribution irriguent l’en-semble. Un premier au contact dubâtiment pédiatrique, un deuxième àl’articulation des deux ailes du bâti-ment en équerre, et enfin un troisièmeau bout de l’aile est. Chacun de cesaxes est équipé de plusieurs monte-charges et ascenseurs à même de dis-tribuer les services d’urgence et lesservices hospitaliers tout en assurantune séparation des flux.

La mise en place des blocs chirurgicauxet obstétriques au dernier niveau s’im-pose comme une réelle réussite pourl’établissement. “Cette disposition, quisuscite une gradation des fréquentationsselon les étages, fonctionne comme unfiltre entre les différentes populations–visiteurs, consultants, malades hospita-lisés – qui favorise ainsi la lutte contre lesinfections nosocomiales”, précise Pierre

30 C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 9

r é a l i s a t i o n NANTES – Hôpital mère-enfant

5 6

Une colonnade de cinq poteaux tronconiques en BAPLes cinq colonnes de 18 m de haut qui ponctuent le parvis soutiennent

le cinquième niveau. D’un diamètre de 1,80 m à la base, elles s’effilent

pour ne présenter à leur sommet que 0,60 m de diamètre. Elles ont été

réalisées en béton blanc autoplaçant, sans vibration. “Ce mode de réa-

lisation a été choisi pour respecter la volonté du maître d’œuvre qui

souhaitait un aspect parfait du parement, interdisant ainsi toute

reprise de bétonnage”, précise Guillon Verne, de l’entreprise ETPO.

De fait, le coulage de chaque ouvrage s’est réalisé en trois levées

continues et successives.

La mise en œuvre s’est effectuée dans un coffrage métallique compo-

sés de deux demi-coques assemblées par boulonnage. Pour éviter les

déformations sous la pression du matériau, les demi-coques étaient

ceinturées de renforts annulaires. Avant le coulage, le coffrage était

boulonné au sol au travers de la dalle du rez-de-chaussée. En complé-

ment, il était maintenu en place par un système de butons et de câbles

assurant sa stabilité et sa parfaite verticalité. Alimenté depuis le som-

met des colonnes, le béton était versé dans des cheminées de coulage

de manière à maîtriser l’effet de chute. Le dispositif était composé de

trois tubes de hauteurs différentes, intégrés au coffrage. Les qualités

plastiques du BAP ont alors permis de réaliser le coulage sans vibra-

tion en remplissant peu à peu les coffrages jusqu’à leur sommet.

TECHNIQUE

Page 33: construction modern 119

nuité du bâtiment pédiatrique de Roux-Spitz. Si certaines sont des voiles debéton couverts d’un enduit clair, la majo-rité des élévations sont réalisées à partirde modules en béton préfabriqué degrandes dimensions. Fabriqués en usine,ces éléments couvrent des hauteursallant de un à trois niveaux. Certainspèsent jusqu’à 12 tonnes, et leur confi-guration complexe intègre des retoursinférieurs et supérieurs qui ont impliquéla mise en place de joints gonflants entreles éléments.

● Satisfaction des usagers,générosité des surfaces

Au final, l’ouvrage, qui associe les tech-nologies du béton coulé en place, dubéton préfabriqué et du béton autopla-çant, répond parfaitement à la triple exi-gence du cahier des charges: satisfaire lepublic par la technicité des soins et leconfort des espaces, permettre au per-sonnel d’exercer dans un environnementsécurisé et ergonomique, et enfin assurerdes soins dans un cadre où le niveau deprise en charge augmente à mesure quel’on s’élève dans le bâtiment. ❚

TEXTE : HERVÉ CIVIDINO

PHOTOS : DIDIER BOY DE LA TOUR

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Becque, directeur adjoint de l’hôpital.D’un point de vue constructif, le bâti-ment est à la fois classique et auda-cieux. Dans sa partie inférieure, l’im-meuble est de facture traditionnelle. Laconstruction en L est ainsi composéed’un système poteaux-poutres complétéde voiles de refend structurels. L’en-semble supporte des planchers en bétoncoulés sur prédalles.

● Un dernier niveau franchement audacieux

La réalisation du plateau technique aucinquième niveau s’avère, quant à elle,franchement audacieuse. Cet étage-toitest suspendu à une résille de poutrellesmétalliques qui compose un étage tech-nique structurellement homogène ausixième et dernier niveau. Fonctionnant

comme une plaque, il est posé sur unestructure en béton composée de cinqcolonnes tronconiques, d’un poteauisolé et du bâtiment inférieur, sur lequelelle repose grâce à des appuis fixes côtéouest et glissants côté est. Le plancherdu cinquième niveau, réalisé en bétonarmé, coulé sur coffrages perdus, estainsi suspendu à cette structure par destirants d’une hauteur d’étage.Surplombant largement le parvis, le blocopératoire est percé de puits de lumièreménagés entre les poutres de structure.Ces ouvertures permettent d’assurer laclarté des locaux sans toutefois les expo-ser à la lumière directe du sud. La sous-face du volume, habillée de staff, répondà la teinte claire du revêtement de pierredu parvis tout en assurant une bonnediffusion de la lumière. Les façades, deteinte claire, s’inscrivent dans la conti-

>>> Ouvert sur la Loire, le porche monumental donne

son identité à l’équipement et l’impose dans le paysage nantais.

Le dernier niveau est soutenu par cinq poteaux tronconiques

réalisés en béton autoplaçant. Lieu de détente pour

les résidents et le personnel, cet espace accueillera prochainement

une collection de sculptures. Au rez-de-chaussée, les fonctions

publiques sont organisées autour d’un déambulatoire ouvrant

sur le porche.

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1

Maître d’ouvrage:CHU de Nantes

Maître d’ouvrage délégué :Icade G3A

Maître d’œuvre:Rémy Butler, architecte;

Magda Fauchon,assistante

BET:Ingerop

Entreprise fondations,gros œuvre,charpente:

ETPO

Préfabrication :Queguiner

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r é a l i s a t i o n MONTREUIL – Siège social

Luxe de façadeou prestige du béton coloré● ● ● Montreuil, ville de tous les changements. Une fois franchi le périphérique parisien commence

la grande voie d’accès à la commune de Montreuil : la rue de Paris. Là, une ancienne usine de

colorants vient d’être détruite pour faire place au siège social de la BNP Paribas. Visible depuis Paris,

le bâtiment des architectes Bruno J. Hubert et Michel Roy développe un concept de panneaux en béton

préfabriqués colorés par des ocres naturelles. Les commanditaires, plus habitués aux immeubles

en acier, sont enthousiastes et fiers d’un immeuble qui allie image de marque et économie.

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oie d’accès incontour-nable à la commune de

Montreuil, la rue de Paris voitson architecture marquée, aucontact du périphérique, par lecélèbre bâtiment de la Confédé-ration générale du travail conçupar Claude Legoas, Jean-Pierre Hamel etSerge Lana. Plus large à proximité de lagrande ville, la rue reprend son gabaritclassique quelques dizaines de mètresplus loin. C’est là qu’est implanté le nou-veau bâtiment de BNP Paribas.Le parcellaire en lanières est prédomi-nant dans ce secteur du bas Montreuil.Le contexte est varié, avec de nombreuximmeubles de bureaux déjà implantésdu fait de la pression foncière, des mai-sons individuelles, des petits bâtimentsde logement de deux à trois niveaux, ouencore des écoles.Au milieu de cette urbanité en deveniroù le caractère de faubourg est encorelisible, des bâtiments industriels offrent

des opportunités foncières. Avec sesgrandes cuves remplies de colorant dansun bâtiment à ossature bois, une usinedevait fermer. Elle fait aujourd’hui placeà une construction prestigieuse élevéepour BNP Paribas.Grâce au travail très élaboré de ChristineGarcez, urbaniste de la ville de Montreuilà l’époque, les nouvelles créations deszones d’activité se sont faites en cohé-rence avec le tissu urbain de la com-mune, avec à la fois un parfait contrôledes mètres carrés à venir et une grandeexigence de qualité architecturale.

● Un projet complexe

Dans un premier temps, les architectesont été contactés par un maître d’ou-vrage, la Sopic, afin d’établir un pro-gramme d’activité optimal pour le lieu. Lamise en place de ce programme et lesréflexions urbaines ont été élaboréesavec ce maître d’ouvrage et en parfait

accord avec la mairie. Il s’agissait deprendre en compte à la fois les formesétroites du parcellaire et les hauteursvariées du tissu urbain existant. Et donc,par exemple, de ne pas générer de mursaveugles. Ce travail mené très en amontde la réalisation a permis aux architectesde convaincre les différents acteurs d’ac-quérir les parcelles avoisinantes afin deconstituer un lot qui, tout en conservantune grande longueur, donnerait plus decohérence à la future construction.Ainsi,une deuxième parcelle étroite et longue aété ajoutée à la parcelle initiale, et unetroisième a permis de créer le retour debâtiment.Ce travail a aussi engendré uneréflexion approfondie sur la faisabilitéd’un programme de bureaux et l’optimi-sation de la capacité en mètres carrés.Dans un second temps, lors du dépôt du permis de construire, la mairie ademandé au maître d’ouvrage alors pré-sent de céder sa maîtrise à BNP Paribasqui a pour opérateur Meunier promo-

C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 9 33

V

>>> L’entrée du bâtiment se trouve dans une position

urbaine clé. Vue en perspective sur toute la longueur de l’îlot.2

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Page 36: construction modern 119

tion. À partir de là, les architectes ont surépondre très rapidement à un vaste pro-gramme de 15000 m2 d’un seul tenant,avec une demande de risque zéro de lapart de l’opérateur.

● Une forme cohérente

L’ensemble est conçu comme un bâti-ment homogène, une superposition deplateaux libres et flexibles, dont deuxfaçades s’adressent à la ville et dont lecorps central occupe l’îlot. Visible deParis, le bâtiment développe une façadede cinq niveaux qui ferme la placeouverte. Là, un décalage de la façade etun petit parvis donnent l’accès à l’entréeprincipale des bureaux. Depuis la rue deParis, la construction offre par des videsune perception en longueur de la par-celle. Elle s’étend le long d’une rue trans-versale, face à une diversité de petiteshauteurs, puis se retourne sur le troi-sième côté de l’îlot face à une école et àdes maisons individuelles. Enfin, au cœurmême de l’îlot, elle dialogue sans heurtavec un petit hôtel et des bâtiments delogements de quelques étages.Les différences du sol urbain entre la ruede Paris et la rue opposée donnent lapossibilité d’un étage complet éclairé en

cour anglaise avec un niveau très satis-faisant de luminosité, d’autant qu’ilcontient une vaste salle informatique.Sur la rue de Paris, l’entrée est endécaissé par rapport au trottoir des pié-tons; son sol est en béton coloré. Entre lelong bâtiment linéaire qui s’étire sur lagrande longueur de la parcelle et lesdeux retours construits, un espace libre,vide de planchers et entièrement vitré,permet le passage horizontal du regard àtravers tout l’îlot et le passage verticaldes escaliers de secours en métal. Despasserelles intérieures offrent une jonc-tion aux différents corps de bâtiment,des passerelles extérieures permettentau fumeur de se faire une pause.Tous lesescaliers ont été mis au point par Marc

Malinowsky. Conçu selon le principe duciseau, ils ne nécessitent un point por-teur en nez de plancher que d’un seulcôté des volées. C’est le “système duplongeoir” qui rend ainsi plus aérienl’objet vertical et aide encore à unemeilleure transparence. Ce principe per-met, à la jonction du nouveau bâtimentconstruit et d’un hôtel préexistant dedeux niveaux et de facture très ordinaire,de juxtaposer avec bonheur des architec-tures a priori antinomiques.

● Façades à surprises

Les façades, lisses et continues, consti-tuent une seule enveloppe périphérique.Pourtant les façades semblent ne se

répéter à aucun moment et la surpriseest constante de ne jamais voir se repro-duire le motif malgré la reprise d’élé-ments identiques. Les architectes ontadopté une structure régulière depoteaux-voiles et poutres-allèges situéesdans le plan de la façade. Cette structurecontraste avec les remplissages alternantdes châssis vitrés d’une hauteur d’étageet des panneaux de béton préfabriqués.Les normes de modularité dans lebureau sont aujourd’hui fixées à 1,35 men façade et 18 m pour l’épaisseur dubâtiment. Pour y répondre, la façadeoffre une alternance de baies vitrées etde meneaux en béton, avec une combi-natoire aléatoire qui satisfait auxnormes et permet une écrire non répéti-

34 C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 9

r é a l i s a t i o n MONTREUIL – Siège social

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>>> Sur le fond de chaque

banche huilée, des pigments

ocres, jaunes ou rouges sont jetés

au hasard à la main.

Un véritable procédé artistique

et personnalisé.

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Page 37: construction modern 119

tive. Les nez de plancher forment à l’ho-rizontale de grandes bandes grises. Surune trame de 5,40 m, trois modules defenêtres vont pouvoir alterner – petit,moyen et grand – avec des meneauxcolorés en béton.

● Mise en œuvre unique

L’idée première des architectes consistaiten une structure à bâtir puis un remplis-sage à venir. Une réflexion approfondieavec les entreprises de la structure et despanneaux préfabriqués a permis de pro-poser une autre méthode constructive.Des panneaux de façade de 5,40 m delargeur ont été préfabriqués, constituésde deux traverses et, selon, de deux outrois “pattes”. Les panneaux ont éténumérotés un à un puis posés suivant unplan de montage dessiné par les archi-

tectes. À ce titre, le travail de l’architecteresponsable du projet,Thomas Adamski,s’est montré décisif. Les meneaux ont étéfabriqué en usine, puis colorés et mis enplace dans le panneau préfabriqué.À l’origine, les architectes avaient penséà un aspect brut du béton, mais la ques-tion de l’aspect du matériau et destaches susceptibles d’apparaître lors dela mise en œuvre les ont orientés versune autre solution. Puisque l’ancienneusine était une usine de pigments, il leurest apparu intéressant de traiter le bétonpar une couleur, une lasure, qui puisserappeler à la fois l’histoire du lieu et latonalité d’un contexte où les briquessont très présentes. Grâce à la grandeexpérience de la SNPPN et à sa passionpour l’innovation, les architectes ont pumettre au point un procédé de fabrica-tion unique et une pigmentation très

particulière des panneaux. À l’usine, desocres naturelles rouges et jaunes ont étéutilisées directement en fond de banche:les ouvriers jetaient à la main les pig-ments dans les banches huilées, puis lebéton gris était coulé. Une des difficultésa été, pour ces mêmes ouvriers, de nepas placer régulièrement les différentscoloris mais d’assurer un effet aléatoire.Ainsi les couleurs sont-elles uniquespour chaque panneau, variant de l’opa-cité totale à une transparence où lebéton gris apparaît en harmonie avec lereste de la couleur.

● Une œuvre d’art…

Non reproductible, le bâtiment se faitainsi œuvre d’art. Meunier IE, a prioritrès réticent pour des façades en bétondont l’image ne leur semblait pas propreà des bureaux contemporains luxueux,destinés à une banque de prestige, s’estvéritablement passionné pour ce nou-veau produit. Et avec un prix de revientjamais atteint pour eux en proportionde la surface de façades, ils se disentaujourd’hui fiers d’un bâtiment à l’imageséduisante et à la valeur unique. ❚

TEXTE : SYLVIE CHIRAT

PHOTOS : HERVÉ ABBADIE

C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 9 35

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>>> Les façades sur les rues secondaires mélangent

les matériaux présents dans le bas Montreuil. Les lignes d’allège

révèlent et soulignent le denivelé du sol. Chaque panneau est

unique. Dans la cour, contemporain et ancien se mettent

mutuellement en valeur. Suivant leur exposition au contexte

et à la lumière, les couleurs des panneaux en béton s’animent

différemment. Une façade dont les modules ont été choisis avec

soin pour dialoguer en harmonie avec les échelles environnantes.

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Maître d’ouvrage:BNP Paribas & Meunier IE

Maître d’œuvre :Bruno J. Hubert et Michel Roy,architectes;Thomas Adamski,

architecte responsable du projet ;Sonia Swarowsky,Isabelle

Angignard,Caroline Tresse,FranckRégis,architectes collaborateurs

Maître d’œuvre d’exécution:Meunier département technique

Ingénieur structure :P.Gentric

BET charpentes métalliques :ALTO,Marc Malinowsky

Entreprise gros œuvre :Rabot Dutilleul

Préfabricant :SNPPN

SHON :14,650 m2

Coût des travaux :3,021 M€ HT

Page 38: construction modern 119

r é a l i s a t i o n MARGUERITTES – Centre de secours

L’élogedu fonctionnel à la lumière● ● ● Le centre de secours de Marguerittes, dans l’Hérault, est un petit édifice en béton brut

et métal situé en retrait de la ville, dans une zone d’activité. Signé des architectes Denis Boyer-Gibaud

et François Percheron, il se compose de trois blocs distincts: une halle métallique placée

à l’arrière, au nord, qui sert au stockage des véhicules, et de deux éléments parallèles en béton

brut, réunis par une faille de circulation. Les architectes ont joué sur l’exposition du bâtiment,

le traitement de la lumière, l’emploi de matériaux simples, la répartition des volumes.

36 C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 9

Page 39: construction modern 119

’environnement, banal,mêle des entrepôts métal-

liques, des bâtiments de pierreou de blocs béton, de tout styleet de toute dimension. L’ambi-tion des architectes Denis Boyer-Giraud et François Percheronn’est donc pas de réaliser une intégrationà tout prix, mais plutôt de concevoir unbâtiment fonctionnel, répondant auxbesoins spécifiques des pompiers.Toute l’organisation du site et du bâti-ment suit le principe des interventions etdes fonctions des sapeurs-pompiers. Ins-tallée en fond de parcelle pour laisserplace au terrain de sport situé devant,avec de chaque côté du bâtiment desaires suffisantes pour la circulation desvéhicules, la caserne tourne résolument ledos au nord, au vent et à l’autoroute quipasse à une cinquantaine de mètres delà. Toutes les nuisances provenant de lamême direction, l’implantation du bâti-

ment fut donc une évidence pour lesarchitectes. Le local de stationnement etd’entretien des véhicules, dont la pré-sence se devine à peine, forme une pro-tection supplémentaire contre le bruit.

● Deux blocs en béton

La caserne proprement dite est composéede deux blocs parallèles en béton, orien-tés est-ouest et traversés par une circula-tion intérieure.Elle inclut au rez-de-chaus-sée le local du standard, des vestiaires etdes sanitaires qui forment le lien avec laremise des camions, la salle de restaura-tion, le foyer et les ateliers d’entretien quidonnent sur la remise.Au-dessus se trou-vent des bureaux, des chambres avecsalle de bain (une unité pour deuxchambres) et la salle d’instruction.À l’extérieur, le bâtiment tout en lon-gueur s’élève sur un étage. Son aspecthorizontal est accentué par une compo-

C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 9 37

>>> Vue de la façade sud: sa masse horizontale, posée sur

des piliers en béton, est comme décollée du sol. Les ouies maçonnées

constituent une protection solaire.

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L

N

Page 40: construction modern 119

sition architecturale rigoureuse, mar-quée, en façade sud, par la masse dupremier étage disposé en porte-à-faux.Le bâtiment semble détaché du sol. Lastructure en béton coulé en place decette partie est constituée de poutres enconsole, qui supportent le plancher et lafaçade, reprises par une série de pilierscourant tout le long du rez-de-chaussée.Cette partie basse est elle-même creu-sée en son milieu pour ménager unauvent ombragé ouvert sur le foyer, cequi donne l’occasion d’une pause cafébien agréable. Le reste de la paroi esthabillé de panneaux translucides, lais-sant largement entrer la lumière dansles locaux. Cependant, l’étage en avan-cée forme une protection efficace contrel’éblouissement en ménageant unezone d’ombre en retrait qui contrasteavec la paroi claire en béton brut, expo-sée aux rayons du sud.Les étroites baies verticales en verremoulé, séparées par de très fins mon-tants en aluminium, répondent auxpoteaux qui apparaissent en transpa-rence et rythment verticalement l’en-semble. À l’étage, les ouvertures hori-zontales sont dotées d’ouies protectricesen béton qui, reflétées sur le mur, dessi-nent des figures géométriques. Les archi-

tectes ont joué avec bonheur de ces élé-ments architecturaux et naturels simples– ici, une réponse aux contraintes clima-tiques du sud de la France – pour donnerau bâtiment toute son expression.Un peu plus loin à l’ouest, l’escalier deséchage des tuyaux offre aux regards lasilhouette imposante et légère de sarésille métallique. En opposition avec lapartie bâtie, massive et plate, il installeun signal bien visible dans le paysage.De ce côté, un mur de contreventementest placé derrière la paroi de verre quiabrite la salle de musculation. À l’ar-rière, un voile de béton brut dissimule laremise à véhicules.

● Le standard,point névralgique

Mais c’est en façade est que l’on perçoitréellement la composition d’ensembleen deux blocs parallèles, séparés par unefaille vitrée. La partie nord semble coulis-ser le long de la partie sud sans mêmel’effleurer, et forme une avancée quiabrite le local standard. Celui-ci consti-tue un point névralgique de la vie de lacaserne, où se gèrent les entrées et lessorties des véhicules, avec, bien sûr, unefonction de surveillance. À ce titre, un

voile perpendiculaire à la façade sud,qui marque la limite extérieure maiségalement intérieure entre les partiespubliques et privées du site, de mêmeque l’effet produit par les porte-à-fauxjuxtaposés des deux pignons aveugles,suscitent une curieuse impression, uneperception paradoxale: celle d’un jeu decubes minéraux et monolithiques repo-sant… sur rien, si ce n’est sur du vitrage.L’utilisation de voiles pleins de béton brutjuste ponctués des trous de banches ren-force cet effet de masse souhaité par lesarchitectes, soucieux de tisser des liensentre les matériaux, liens qui reposentautant sur l’harmonie que sur l’opposi-tion et le contraste.Le bureau du standard forme donc uneavancée au-dessus de laquelle est situéela salle d’instruction, en débord, appuyéesur deux piliers de béton intérieurs. Unbandeau de verre posé à joint vif (ce qui

accentue la légèreté, la fragilité de ce“socle”), dressé sur un muret bas debéton, offre une vision panoramique del’entrée des visiteurs sur l’esplanade. Leplafond du local se prolonge à l’exté-rieur, en sous-face du porte-à-faux, sansaucune rupture visuelle. La sous-faceextérieure est traitée en panneaux, com-posés de bois et ciment comprimés.

● La lumière, omniprésente

La pureté des volumes est conjuguée àl’utilisation de matériaux bruts etsobres. Là encore, les masses engen-drent un jeu sur les pleins et les vides, encréant des effets d’ombre et de lumièrequi sculptent le bâtiment et régulent lesapports de lumière. La paroi translucidequi forme le retour de la façade sudmarque l’entrée du centre de secours.À l’intérieur, la lumière est partout pré-

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>>> À l’est, le pignon aveugle semble reposer sur un simple

bandeau vitré derrière lequel se trouve le standard, élément essentiel

de la caserne. Le rythme horizontal de la façade sud se voit

renforcé par une série de baies dotées de brise-soleil. Le béton

brut oppose sa masse minérale à la légèreté du Réglit et du verre.

À l’intérieur, les deux ailes parallèles sont reliées par une

circulation centrale formant un axe longitudinal.

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r é a l i s a t i o n MARGUERITTES – Centre de secours

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Page 41: construction modern 119

sente grâce à une série de diffuseurssimples mais efficaces. La faille de circu-lation intérieure qui sépare les deuxblocs est ouverte vers le ciel sur toute salongueur ; elle est couverte d’une bandede panneaux transparents, et coifféed’un caillebotis épais de 50mm. Celui-cisert non seulement de protection contreles chocs, mais aussi de diffuseur delumière, de brise-soleil zénithal.

● Un effet de faille très lisibleentre les deux blocs

Tout le bâtiment ou presque bénéficiede cet apport d’éclairage naturel. L’effetde couloir ou de corridor est renforcépar ce dispositif, mais à son avantage: lacomposition du bâtiment est parfaite-ment lisible. De plus, au premier niveau,la jonction entre les deux blocs, dont lastructure est indépendante, se fait par lebiais de passerelles en caillebotis dotéesde garde-corps également en caillebotisqui laissent filtrer la lumière de haut enbas, de jour comme de nuit (un systèmed’éclairage artificiel met toute cetterésille métallique en valeur).Ici la présence de voiles de béton gris clairtravaillés en épaisseur crée un contrasteavec ces matériaux légers, aériens.

L’harmonie provient de la sobriété desmatières (béton-verre-métal) et sansdoute également du fait qu’elles sontemployées brutes.À l’étage, au sein du bloc nord, leschambres sont distribuées par un couloirdélimité par un mur de béton percé delarges ouvertures. Par le lien qu’elles for-ment entre les deux parties, celles-ciassurent une unité spatiale,de même quela couleur lumineuse et gaie, vert anis,quirecouvre les portes et certaines cloisons.Il est utile de préciser qu’aucunedémarche HQE® “officielle” n’étaitintégrée au programme. Pourtant, lesarchitectes ont tenu à contrôler aumaximum les ambiances thermiques,de façon à réaliser des économiesd’énergie et à donner au bâtiment laprotection solaire nécessaire. Les utili-sateurs, hélas, ne sont pas forcémentsensibilisés à ces pratiques. Reste queles qualités d’inertie thermique dubéton, omniprésent à l’extérieurcomme à l’intérieur (les deux voilesbéton sont comme une “éponge à calo-ries”), sont ici valorisées.De même, à l’étage, les fenêtres sont dedimensions relativement petites etmunies d’ouies brise-soleil, ce qui évitela surchauffe en été (n’oublions pas que

nous nous trouvons dans le midi de laFrance), et la perte d’énergie en hiver. Deplus les ouvertures se répondent aunord et au sud : les courants d’air, s’ilssont régulés, produisent une bonne ven-tilation naturelle.Au rez-de-chaussée, la façade vitréeprotégée par le porte-à-faux permet, enpériode hivernale, lorsque les rayons dusoleil pénètrent dans les locaux, de bais-ser considérablement le thermostat desradiateurs et donc de réaliser des écono-mies appréciables.

● Confort et fonctionnalité,harmonie et sérénité

Le centre de secours de Marguerittes estune réalisation modeste dont l’orga-nisation répond rigoureusement auxbesoins des pompiers, offrant confort –grâce aux apports de lumière naturelleet aux ambiances thermiques contrôlées– et fonctionnalité – une qualité particu-lièrement lisible dans la circulation cen-trale, horizontale comme verticale. L’uti-lisation du béton brut et de matériauxsimples et peu nombreux confère aubâtiment harmonie et sérénité. ❚

TEXTE : CLOTILDE FOUSSARD

PHOTOS : DIDIER BOY DE LA TOUR

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Maître d’ouvrage:SDIS du Gard

Maître d’œuvre:Denis Boyer-Gibaud et

François Percheron,architectes

MandataireSegard

BET structure:INGE

économiste:OPC

Bureau de contrôle:Apave sud

Gros œuvre:SNC Portal

SHON :1613m2

Coût des travaux :1 250 000 € HT

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40 C O N S T R U C T I O N M O D E R N E / N ° 1 1 9

a c t u a l i t é s

Parkings aériensLe béton, la solutionà votre projetCette brochure a pour objectif de présenter dans les grandes lignesles atouts des solutions constructivesen béton dans le domaine des parcs

de stationnement en superstructure.En effet, les parkingsaériens offrent auxarchitectes et bureauxd’études un champ decréation extrêmementvaste, propice à

l’expression d’un langage formeloriginal, et à la mise au point desolutions novatrices touchant à la fois la conception, la fabrication,et les méthodes de l’entreprise. ❚

Publ icat ion

événement

Prescrivons les bétonsLe colloque “Ensemble, prescrivons les bétons, l’habitat aujour-d’hui” se déroulera le 26 mai 2005, au studio Gabriel sur lesChamps-Élysées. Quatre thématiques sont au programme :“Logement social”, “Habitat et urbanisme”, “Habitat et écolo-gie”, “Et demain ?” Parmi les personnalités qui participeront auxdébats, citons Patrick Doutreligne (délégué général de la Fonda-tion Abbé-Pierre), François Pélegrin (président de l’UNSFA),Corinne Lepage (présidente de Cap 21, ancienne ministre del’Environnement), Dominique Bidou (président de l’associationHQE®), Raphaël Pistilli (architecte), Thierry Gaudin (présidentde Prospective 2100), Alain Maugard (président du CSTB). ❚

brèves➜ L’Académie accueilleClaude ParentL’architecte Claude Parent aété élu le 13 avril 2005, dansla section architecture del’Académie des Beaux-Artsau fauteuil précédemmentoccupé par Jean Balladur.Parmi ses réalisations, citonsentre autres l’église Sainte-Bernadette à Nevers ou laMaison de l’Iran à la citéuniversitaire à Paris. Lesbâtiments de Claude Parentse caractérisent par unearchitecture affirmée etvolontaire qui met souventen œuvre le potentield’expression du béton. En1979, Claude Parent a reçu legrand prix nationald’Architecture. ❚

➜ Prix Grand public de l’architecture enChampagne-Ardenne

L’îlot Renan, situé à Saint-Dizier, en Haute-Marne(publié dans le n°111 deConstruction moderne), a reçuen octobre 2004 le PrixGrand Public del’architecture 2004 deChampagne-Ardenne dans lacatégorie “logementcollectif”. Constructionmoderne adresse sesfélicitations à l’OPM d’HLMde Saint-Dizier, maîtred’ouvrage du projet, et àl’architecte François Noëlpour cette reconnaissance dugrand public. ❚

➜ Congrès national de l’UntecÀ Toulouse, du 25 au 27 mai 2005, se tiendra le 33e Congrès national del’Untec. Le thème principal“Économiste de laconstruction : ingénierie etconseil en cadre de vie”déclinera les sujets suivants :management de projet et

7e session du concours d’architecture Cimbéton

Comme pour les consultations précédentes, la 7e session du concoursd’architecture Cimbéton “Un immeuble haut en zone urbaine” a ren-contré un vif intérêt auprès des étudiants des écoles d’architecturefrançaises et des jeunes diplômés. Il est à noter une nette augmenta-tion des équipes mixtes architectes-ingénieurs. Un total de 125projetsont été remis et seront présentés au jury. Le résultat des délibérationsdu jury sera proclamé lors de la cérémonie de remise des prix qui sedéroulera au Carrousel du Louvre à Paris le 16 juin 2005. ❚

Décès de l’architecte japonais Kenzo TangeL’architecte japonais Kenzo Tange est mort le 22 mars 2005 à l’âge de 91 ans(1913-2005).C’est une grande figure de l’architecture moderne du XXe sièclequi disparaît. Architecte, urbaniste, théoricien, Kenzo Tange fait partie desquelques figures de renommée internationale, dont l’œuvre fut couronnéepar le Prix Pritzker en 1987.Ses projets, comme le plan futuriste d’aménage-ment de la baie de Tokyo – projet non réalisé –,et ses réalisations appartien-nent déjà au patrimoine architectural mondial. Il a notamment conçu et réa-lisé de nombreux bâtiments en béton brut d’une plastique très puissante,caractérisée par des formes sculptées et des structures fortement expri-mées, comme le Centre de la paix à Hiroshima, le bâtiment administratif dela préfecture de Kagawa à Takamatsu, l’hôtel de ville de Kurashiki, les Hallesolympiques de Tokyo, le centre des communications à Kofu… ❚

qualité globale ; la valeurajoutée du développementdurable et du coût global enphase programmation ;impact du développementdurable sur la gestion deschantiers. Renseignements :01 45 63 30 42. ❚

➜ Grand Prix de la décennie FimbacteValoriser l’image et promouvoir le savoir-faire de la filière construction poursusciter des vocations est un des objectifs principaux de Fimbacte depuis 1996 enpartenariat avec l’Écolefrançaise du béton (EFB).Ce 10eanniversaire, célébré le 10octobre 2005, seraponctué de deux rendez-vousmajeurs. Le Fimbacte JuniorTour qui décernera le Grand Prix de la décennie à la meilleure réalisationaudiovisuelle professionnelle.Le jury, composé de5 000 étudiants, visionne enavril et en mai les films primésdepuis 10 ans et vote. L’expode la décennie présentera lesréalisations et innovationsindustrielles en photos, filmset témoignages.❚

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b l o c - n o t e s

expos i t ion

➜ 25 musées

Christine Desmoulins

La fréquentation des muséesétant en nette augmentation,les musées-palais hérités de la fin du XIXe et du début duXXe siècle cèdent aujourd’huila place à des équipementsmodernes ou modernisés. En termes d’architecture,existe-t-il des “recettes”reproductibles ou mieux vaut-il cultiver son identitépour servir une histoire et un patrimoine ? Commentprogrammer un musée,comment traiter la lumière ?Après un panorama surl’histoire des musées, del’Antiquité aux créations lesplus récentes, le nouveau livre de Christine Desmoulinspropose une sélection de25 musées du monde entier.Très différents par leur échelle,leur propos et leur esthétique,ils sont classés par thémes : le musée dans la ville, le musée dans son paysage, les restructurations et lesextensions.Éditions du Moniteur

➜ Paysagescontemporains

Michael Spens

Dans le présent ouvrage,Michael Spens présente32 réalisations de paysage du le monde entier. Cettesélection témoigne despréoccupations actuelles deshommes au sujet de leurenvironnement. Les exemples,dont cinq se trouvent enFrance, sont étudiés en détailet sont accompagnés denombreux dessins, plans etphotographies. Michael Spensdégage les enjeux desconcepteurs et permet aulecteur d’aborder un sujet quireste souvent du ressort desspécialistes. Les 32 exemplesprésentés ont été réalisésentre 1988 et 2002. Du fait de leur grande diversité, ilssont regroupés selon quatrethématiques : “parcs”,“l’architecture commepaysage”, “jardins paysagers”et “interventions urbaines”.

Éditions Phaïdon

L ivres

gique, l’ensemble de son œuvre sera présentée :réunion exceptionnelle de dessins et de tiragesphotographiques originaux, de maquettes d’archi-tecture réalisées pour cette occasion, projectiond’extraits de films dont il a conçu les décors, ainsiqu’une sélection de ses meubles. Ces pièces témoi-gneront de l’univers exceptionnel de cette figureemblématique de l’entre-deux-guerres architecturalfrançais, engagée dans le Mouvement moderne ausein de l’UAM (Union des Artistes Modernes).

Exposition du 27 avril au 29 août 2005 Centre Pompidou - galerie 2, niveau 6 - Tous les jourssauf le mardi de 11 h à 21 h - De 7 à 9 euros

Pour la première fois en France, le Centre Pompi-dou consacre une rétrospective à l’architectefrançais Robert Mallet-Stevens. Cette expositionrévélera au grand public l’œuvre de l’architecte,décorateur, amateur de cinéma et aussi ensei-gnant. De l’architecte, on connaît les réalisationsmajeures : la villa de Noailles à Hyères, la rue quiporte aujourd’hui son nom à Paris, la villa Cavroisà Croix près de Lille. Selon un parcours chronolo-

Robert Mallet-StevensArchitecte, 1886-1945

➜ Robert Mallet-StevensLa villa Cavrois

Richard Klein

Il s’agit d’une étude détailléede l’histoire de la villaCavrois de 1925 à 2001.Cette œuvre de l’architecteRobert Mallet-Stevens aconnu des fortunes diversesentre l’époque de saconstruction, son classementen 1990 et l’année 2001 où l’État l’a achetée. Richard Klein retrace lecontexte local de lacommande, l’histoiredétaillée de la conception etde la construction, l’analyse de l’édifice et de sa situationdans le contexte des annéestrente, qui mettent enévidence la dimension decette réalisation qui fut, enson temps, un des projetsmanifeste de l’architecturemoderne, auquel la revuel’Architecture d’Aujourd’huiconsacra un dossierimportant en 1932.

Éditions A. et J. Picard

➜ Philippe MadecLe temps à l’œuvrecitoyen, Plourin-lès-Morlaix1991-2004P. Madec, P. Diversy, P. Georgieff,A. Laguarda, J-F. Pousse Photographies : L. Schœllkopf

Depuis plus de treize ans, l’architecte Philippe Madectravaille aux côtés de la municipalité et des habitantsde Plourin-lès-Morlaix dans le Finistère à la constitutionet à l’aménagement ducentre de cette commune“aux visages de campagne, de bourg et de banlieuemorlaisienne”. “Le temps à l’œuvre citoyen.Plourin-lès-Morlaix1991-2004” expose lesconditions réelles de cettelongue aventure. Il nousprésente aussi la sociétéplourinoise et la nature deses lieux. L’ouvrage remonteaux sources politique etthéorique du projet, nouslivre les propos des élus et nous transmet la paroledes Plourinois.

CoéditionsJean-Michel Place-Sujet/Objet

Page 44: construction modern 119

Parvis de l’hôpital mère et enfant à Nantes,signé Rémy Butler.