CONSERVATOIRE NATIONAL DES ARTS ET METIERS · 2020. 6. 12. · CONSERVATOIRE NATIONAL DES ARTS ET...
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CONSERVATOIRE NATIONAL DES ARTS ET METIERS
Chaire de formation des adultes
MASTER
SCIENCES DU TRAVAIL ET DE LA SOCIETE
Spécialité professionnelle :
Développement des Compétences
et Intervention en Organisation
REGARD SUR LE TRAVAIL DES FORMATRICES EN
EXPLOITATION DE STAGE
Un collectif face aux enjeux de l’apprentissage
Rapport d’étude présenté par : Véronique AZEMA
Sous la direction de : Pierre HEBRARD
Directeur scientifique du master : Professeur Guy JOBERT
Juin 2012
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REMERCIEMENTS
Merci à mes collègues d’avoir participé à l’intervention. Une pensée bien méritée pour
Ghislaine qui pour moi est une référence sur le plan conceptuel et m’a toujours encouragée.
Merci à Pierre Hébrard pour ses conseils judicieux.
Je remercie Patrick pour son soutien technique performant, sa disponibilité et sa patience
pendant ces deux années de Master. Merci à Caroline et Benjamin pour avoir supporté une
mère sans cesse devant son ordinateur !
Une attention toute particulière à Martine, amie et directrice, qui durant toutes ses années a
été « une oreille attentive », un soutien et une source de motivation au travail. Par son
charisme elle a fortement contribué au genre de l’école de puéricultrices.
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SOMMAIRE
INTRODUCTION ............................................................................................. 1
PREMIERE PARTIE : LE CADRE DE L’INTERVENTION ......................................... 3
1 UNE INSTITUTION QUI BOUGE ....................................................................................... 3
1.1 La réforme du diplôme : une marche incertaine vers 2013 .................................... 3
1.2 Des changements en cascade : une équipe qui va se renouveler ........................... 4
2 DE LA NECESSITE DE COMPRENDRE POUR POUVOIR AGIR ........................................... 8
2.1 Les ressources de l’équipe ....................................................................................... 8
2.2 Les incontournables de la formation de puéricultrice ........................................... 10
2.3 Une grande diversité des missions, tâches et activités des formatrices ............... 12
2.4 Des faiblesses en filigrane ...................................................................................... 14
3 REFORMULATION DE LA COMMANDE ......................................................................... 17
3.1 Des axes de réflexion ............................................................................................. 17
3.2 Vers l’élaboration d’une demande ........................................................................ 18
4 UN CAP POUR MON ACTION D’INTERVENANTE .......................................................... 20
4.1 Quelles finalités pour l’intervention ? ................................................................... 20
4.2 Pour une posture d’intervenante en interne ......................................................... 20
4.3 Les étapes de l’intervention ................................................................................... 21
DEUXIEME PARTIE : AVANCER PAS A PAS, D’ABORD L’ANALYSE DU TRAVAIL 23
1 L’EXPLOITATION DE STAGE DANS LE PROJET DE FORMATION DE L’INSTITUTION ...... 23
1.1 L’exploitation de stage un temps prévu mais peu formalisé ................................. 23
1.2 L’exploitation de stage, outil spécifique de l’alternance ....................................... 24
2 LA DIDACTIQUE PROFESSIONNELLE ET LA CLINIQUE DE L’ACTIVITE POUR ANALYSER
CETTE FORME PARTICULIERE DE SITUATION DE TRAVAIL.................................................... 25
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3 LE RECUEIL DE DONNEES .............................................................................................. 26
3.1 Première phase : confronter « le prescrit » et le « redéfini » ............................... 26
3.2 Seconde phase : enregistrer en vidéo une séquence de travail ............................ 27
3.3 Troisième phase : mener des auto-confrontations ............................................... 29
3.4 Quatrième phase : retranscrire.............................................................................. 30
4 MISE EN VISIBILITE DU TRAVAIL DES FORMATRICES : PREMIERS ELEMENTS
D’ANALYSE ............................................................................................................................ 30
4.1 Démarrer l’exploitation de stage ........................................................................... 31
4.2 Aider à exposer et à analyser la situation .............................................................. 38
4.3 Poser le cadre ......................................................................................................... 39
4.4 Apporter des connaissances .................................................................................. 52
5 POUR POURSUIVRE ...................................................................................................... 55
TROISIEME PARTIE : LE GROUPE PROJET : L’ANALYSE ET LA REFLEXION EN
MARCHE ..................................................................................................... 56
1 DES OBJECTIFS SUR PLUSIEURS NIVEAUX .................................................................... 56
1.1 Amener l’équipe à clarifier ce qu’est l’exploitation de stage ................................ 56
1.2 Dialoguer sur la réalité du travail ........................................................................... 57
1.3 Vivre la coopération ou créer un nouveau collectif .............................................. 58
1.4 « Dire » le travail au nouveau directeur ................................................................ 58
2 LE GROUPE PROJET : UN ESPACE DE PRODUCTION ..................................................... 59
2.1 Des rencontres organisées ..................................................................................... 59
2.2 Que retenir de chaque rencontre ? ....................................................................... 59
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3 EN QUOI CE QUE FONT LES FORMATRICES PENDANT L’EXPLOITATION DE STAGE
PERMET-IL L'APPRENTISSAGE ? ............................................................................................ 67
3.1 Conception de l’exploitation de stage ................................................................... 67
3.2 L’analyse de situation : quel travail pour la formatrice et les étudiantes ? .......... 71
3.3 Quel partenariat avec les professionnelles ? ......................................................... 78
4 DES ENJEUX VISIBLES SUR LE MODELE DE L’APPRENDRE ............................................ 80
4.1 Apprendre des savoirs ou apprendre un métier ? ................................................. 80
4.2 Formatrice : une posture à investir ....................................................................... 81
4.3 Le projet de stage : apprendre sur le stage ........................................................... 82
5 UNE EXPERIENCE D’INTERVENTION ............................................................................. 84
5.1 Intervenant interne : une posture inconfortable .................................................. 84
5.2 Recréer un collectif ? Pas si facile ! ........................................................................ 85
CONCLUSION .............................................................................................. 87
BIBLIOGRAPHIE ........................................................................................... 90
ANNEXES .................................................................................................... 94
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1
INTRODUCTION
L’intervention dont je rends compte dans cet écrit, s’est déroulée sur deux années.
Deux années pendant lesquelles j’ai suivi la formation du master des sciences du travail et de
la société, dirigé par le professeur Guy Jobert, titulaire de la chaire de formation des adultes
au Conservatoire National des Arts et Métiers. Formatrice, depuis seize ans à l’école de
puéricultrices d’un Centre Hospitalier Régional Universitaire, j’ai saisi l’occasion de
m’engager dans ce master pour conceptualiser mes pratiques pédagogiques et prendre un
peu de distance par rapport à ma fonction.
Au même moment se profilent des changements dans l’équipe : une formatrice et la
directrice décident de prendre leur retraite. Voilà une équipe de quatre personnes, bientôt
renouvelée par moitié. Un collectif qui fonctionne bien, riche de valeurs communes va
devoir se transformer pour accueillir de nouveaux membres.
En toile de fond, la réforme du diplôme d’Etat de puéricultrices, initiée depuis de
nombreuses années, semble s’accélérer pour s’inscrire dans la réforme de l’ensemble des
études paramédicales.
Mon intervention va prendre place dans ce contexte. Il s’agit de préparer et faciliter
les changements dans l’équipe en anticipant les effets de la réforme à venir. Ma démarche
s’inscrit dans la durée. D’abord comprendre ce que signifie une intervention, quelle est cette
posture d’intervenante à acquérir ? Intervenir en interne, sur mon lieu de travail, nécessite
de trouver une stratégie de positionnement. Quelle technique utiliser ? Quelle autonomie ?
Quelles contraintes ? Quelle distanciation ? Quels points de vigilance ? L’intervention se
« construit en marchant ». Progressivement je centre mon regard sur l’analyse d’une activité
de formation : l’exploitation de stage. Des pistes de réflexion émergent : rendre visible le
travail des formatrices, en faire un support d’échanges ; partir du travail réel pour recréer un
collectif ; mettre à jour les enjeux de la pédagogie, de la posture de formatrice pour aider le
collectif à penser son action pour la transformer.
Pour faire part de mon intervention et du cheminement de ma posture
d’intervenante, j’ai organisé la présentation en trois temps. Le premier sera consacré à
l’exposé du cadre de l’intervention. Des entretiens avec tous les personnels de l’école, des
observations du fonctionnement informel, des recueils de données et de documents ont
permis de faire un diagnostic de situation. La première étape a duré plusieurs mois, pour
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faire le constat des éléments qui bougent tant dans l’école que dans l’environnement. Puis
j’ai voulu identifier les ressources et les faiblesses de l’équipe, cerner les missions et tâches
des formatrices, le public auquel la formation s’adresse. Enfin dans cette formation en
alternance j’ai vu la nécessité de développer les choix pédagogiques de l’équipe.
La seconde partie présentera l’analyse du travail des formatrices pendant
l’exploitation de stage. Pour cette activité pédagogique prévue dans le programme de
formation, la prescription est quasiment inexistante. Des objectifs assez larges sont
déterminés. Mais quelle organisation et quel contenu sont prévus ? Quel est le rôle des
formatrices ? En quoi cette activité pédagogique est-elle spécifique des formations en
alternance ? J’ai réalisé des enregistrements audio-visuels de deux formatrices animant une
exploitation de stage. Je livre ici une analyse fine de leur travail, illustrée par des verbatim
précis des films et des auto-confrontations simples et croisées et s’appuyant sur la
didactique professionnelle et la clinique de l’activité.
Dans une troisième partie, je livrerai l’analyse et la réflexion du groupe projet. Cœur
même de l’intervention, le temps des restitutions rend la main aux membres de l’équipe.
Quatre rencontres du groupe projet rendent compte de l’espace de parole créé et des
thèmes abordés. Les enjeux mis à jour sont explicités. Les points de vue des étudiantes et
des professionnels référents des stages complètent la réflexion. Je terminerai cette partie
par une analyse de ma posture d’intervenante.
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PREMIERE PARTIE : LE CADRE DE L’INTERVENTION
1 UNE INSTITUTION QUI BOUGE
L’école de puéricultrices est entrée depuis quelques années dans une période où les
choses bougent, d’abord sur le plan national, puis plus récemment, depuis un an, sur le plan
local. L’équipe actuelle va vivre des changements dont elle maitrise mal l’impact final réel.
Ces incertitudes s’enchevêtrent comme un écheveau de laine dont il va falloir trouver le fil
pour tricoter le nouveau «modèle » de l’équipe dans cette école.
1.1 La réforme du diplôme : une marche incertaine vers 2013
Dans la continuité de la réforme de l’ensemble des études paramédicales, les
formations de spécialités infirmières (anesthésiste, bloc opératoire, puéricultrice) font
l’objet actuellement de groupes de travail au sein du secrétariat d’Etat à la Santé et de la
Direction Générale de l’Offre de Soins pour finaliser la réforme de ces diplômes. Le dispositif
de formation des puéricultrices est à réajuster impérativement. N’oublions pas que le
programme des études préparant au diplôme d’Etat date de 1983 et les éléments
concernant la scolarité, le diplôme d’Etat, le fonctionnement des écoles de 1990 ! La
directrice de l’école est membre du groupe de travail en tant qu’expert. Elle relate les
controverses entre professionnels et politiques sur les pratiques avancées, le cadrage
universitaire de type master 2, les enjeux pour maintenir cette spécialité en tant que telle.
Malgré tout, le nouveau programme de formation devrait voir le jour en 2013, selon les
directives du secrétariat d’Etat à la Santé. Notons qu’à l’heure où j’écris ces pages aucune
décision n’est prise, aucun texte n’est paru pour le nouveau programme !
Néanmoins, il est fondamental de penser de quelle manière les adaptations actuelles
dans le travail peuvent se faire, avec les professionnels, ceci dans un souci de développer les
ressources psycho-sociales. Dans l’attente du nouveau programme les équipes pédagogiques
des écoles de puéricultrices vont-elles rester passives ou plutôt anticiper le changement
pour mieux l’accompagner ? Nous pouvons d’ores et déjà anticiper l’application de ce
nouveau programme en prenant en compte les directives du programme infirmier qui
donnent le ton de la réforme. C’est un dispositif pédagogique (31 juillet 2009) centré sur une
approche par compétences, donnant une large part à la pratique réflexive et à l’analyse de
situations tant dans les unités d’enseignement que dans la formation clinique en stage.
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Le CEEPAME (Comité d’Entente des Ecoles Préparant aux Métiers de l’Enfance) met en place
des formations, des colloques et groupes de travail à ce sujet auxquels les formatrices et la
directrice participent régulièrement.
Les modalités pratiques liées à l’application du nouveau programme ne sont pas
encore précisément définies mais des pistes organisationnelles sont à réfléchir. Cette
formation est une spécialité du métier d’infirmière ou de sage femme, qui s’effectue
actuellement sur une durée d’un an, de janvier à décembre. Si la formation passe, selon les
prévisions, sur deux années universitaires de septembre à juin, l’école devra-t-elle accueillir
en même temps deux promotions, de septembre à décembre pour l’année 2013 ? Afin
d’anticiper cette éventualité la directrice de l’école en collaboration avec les formatrices a
élaboré un projet présenté et accepté par le directeur général du CHRU et en attente de
l’accord de l’Agence Régionale de Santé. Si le nouveau programme s’applique en septembre
2013, il n’y aurait pas de rentrée en janvier 2013. Ce temps permettrait aux formatrices de
préparer la nouvelle formation sur le plan pédagogique et avec les équipes des terrains de
stage : formation des maîtres de stage, tuteurs de stage et professionnels de proximité sur
l’encadrement en stage dans la visée de l’évaluation des compétences en stage ;
accompagnement des infirmières pour la Validation des Acquis de l’Expérience de
puéricultrice.
Sans nul doute, bien que mon intervention soit menée avant l’application de la
réforme, ma réflexion et celles des acteurs prendront en compte cette évolution du
dispositif. Comment dans notre travail actuel mettre en route les bases de l’avenir alors que
les préoccupations sont d’abord internes à l’école ?
1.2 Des changements en cascade : une équipe qui va se renouveler
Départ d’une formatrice
En juillet 2011 la cessation d’activité de la formatrice, Valérie, (qui fait valoir ses
droits à la retraite) est à l’origine d’un changement. Ce n’est pas la première fois que
l’équipe actuelle se trouve dans cette situation d’intégrer une nouvelle formatrice. Pourtant
la directrice en début d’année nous a demandé de travailler ensemble en vue de ce
changement qui pour la première fois va avoir lieu en milieu d’année : « Valérie sera en
cessation d’activité fin juin 2011 ; quelles stratégies mettre en place pour assurer un
maximum de cohérence et de continuité dans la formation auprès des étudiantes, pour
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intégrer une formatrice dans un projet pré établi, pour assurer l’équilibre de l’équipe ? ». Ses
préoccupations en vue de l’arrivée, en cours d’année, d’une nouvelle formatrice qui sera un
cadre de santé « manager » de l’hôpital (dont l’identité n’est pas encore connue) sont :
Veiller à ce que les étudiantes ne soient pas déstabilisées d’où l’importance
d’une continuité, d’une cohérence,
Conserver la philosophie actuelle de l’équipe,
Transmettre une posture pédagogique.
Comment comprendre ces préoccupations ? L’équipe est plutôt restreinte, cinq
personnes à temps plein pour faire fonctionner l’école. Le départ d’une formatrice
représentera une perte d’1/5 de l’effectif global, ou 1/3 des formatrices, avec une incidence
non négligeable pour les salariées et la structure. Un détour par la connaissance de l’équipe
nous permettra d’y voir plus clair.
L’école de puéricultrices est intégrée dans l’Institut de Formation et des Ecoles (IFE).
L’organigramme de gouvernance du CHRU situe l’IFE en lien avec la direction générale. Au
sein même de l’école de puéricultrices, l’organigramme n’est pas formalisé. C’est à ma
demande que la directrice l’a tracé ainsi :
DIRECTION GENERALE
DIRECTEUR DE L'IFE
DIRECTRICE DE L'ECOLE DE
PUERICULTRICES
SECRETAIRE
Claude
FORMATRICES
Véronique Valérie Laure
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La directrice est le pivot entre la direction de l’IFE et l’équipe. Sur le plan fonctionnel
elle est la responsable pédagogique et administrative, c’est elle qui prend les décisions,
donne les orientations, manage l’équipe, est garante des règles de fonctionnement. Sur le
plan hiérarchique les formatrices et la secrétaire dépendent directement de la directrice
sans autre intermédiaire. L’organigramme laisse entrevoir un certain type de coordination
dans l’équipe : les communications horizontales sont facilitées.
Tous les membres de l’équipe pédagogique ont été formés sur le plan professionnel
au sein de l’école de puéricultrices du CHRU : après avoir été étudiantes dans cette école,
elles en sont salariées. De plus les expériences professionnelles en tant que puéricultrice et
cadre de santé sont en large majorité réalisées au sein de ce même établissement. Une
certaine culture professionnelle commune est indéniable entre les membres de l’équipe
mais également avec les partenaires du CHRU. A noter pour une formatrice, plusieurs
années en structure d’accueil du jeune enfant de la ville caractérisant une ouverture vers
l’extra hospitalier, partenaire de la formation. Toutes ont une formation universitaire de
longue date dans le même domaine des sciences de l’éducation, allant de la licence au
doctorat. C’est une équipe formée à la pédagogie, aux théories de l’apprentissage en plus
des compétences concernant le cœur de métier de puéricultrice. La secrétaire a également
une longue carrière au sein du CHRU et de l’école de puéricultrices. Là encore des bases
communes sont évidentes.
L’équipe, dans ces quinze dernières années, a accueilli de manière successive trois
puéricultrices, faisant fonction de formatrice (ff) : Laure, Caroline, Agnès. Venant des
secteurs d’activité (hôpital ou structure d’accueil) pour des temps courts (1 à 2 ans), ces
arrivées constituaient des compléments des temps de travail partiels des cadres de santé
formatrices en poste, prenant un congé formation ou un congé de préretraite. Ainsi la
continuité dans l’équipe a toujours été assurée. (Tableau annexe 1)
Le seul renouvellement complet d’un poste de formatrice se situe en 2007 avec le
remplacement de Danièle (partie en disponibilité), par Valérie. La directrice spécifie que ce
changement-là s’est effectué avant la rentrée en formation des étudiantes, donc la question
de la continuité était moins prégnante. Pour cette fois, par contre, elle arrive au milieu de
l’année donc la continuité est essentielle pour que les étudiantes ne vivent pas de rupture.
En fait c’est la première fois que cette question se pose dans l’équipe.
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Ces incertitudes interviennent dans une équipe riche d’un climat social positif selon
le discours des différentes personnes. Valérie dit : « on a la même philosophie, un sens
commun du travail, on est différentes mais on se complète bien ; il y a de la cohérence entre
nous trois ».La secrétaire ajoute : « je suis agréablement étonnée du fait que nous travaillons
toutes dans le même sens, chacune respecte l’autre, la hiérarchie ne se ressent pas.» Le
climat de confiance au sein de l’école est un élément facilitateur, qui permet aux différents
acteurs de s’engager dans des projets sans entraîner de dysfonctionnement majeur.
Le départ programmé de la directrice
A ce départ, s’ajoute celui prévu en avril 2012, pour retraite également, de la
directrice. En moins d’un an l’équipe se sera pratiquement renouvelée de moitié. Cette
directrice est en poste depuis seize ans, son départ aura forcément un impact sur l’école et
l’équipe. A noter, la confirmation par le directeur du CHRU de l’ouverture à candidature du
poste de directrice signifiant une reconnaissance de cette fonction. Jusque-là le
remplacement de ce poste semblait incertain au vu des transformations de postes
effectuées dans d’autres CHRU. Le constat est fait depuis quelques années que nombre
d’instituts de formation regroupent les écoles de spécialités sous une seule direction à
l’occasion des départs des directeurs. Reste une incertitude sur la personne qui sera
recrutée, même si le profil de poste précise que ce sera un titulaire du diplôme de
puéricultrice et de directeur de soins.
Un enjeu d’intégration de deux nouveaux membres dans cette équipe porteuse de
valeurs et de règles du métier est à l’ordre du jour. Les propos de la directrice à l’occasion du
départ de la formatrice résonnent dorénavant autrement pour les formatrices restant en
place :
Comment garantir cohérence et continuité malgré ces changements à deux niveaux ?
Comment transmettre notre mode de travail à une nouvelle collègue ? A une
nouvelle direction ?
L’équipe se retrouve dans cette problématique de transmission à deux niveaux sans
oublier la dynamique d’innovation qui doit s’instaurer pour la mise en œuvre probab le des
nouvelles modalités de formation. Les changements sont sources d’instabilité, de
préoccupations, de pertes de repères et exigent des capacités d’adaptation des salariées.
Toute modification organisationnelle, comme le départ ou l’arrivée d’un nouveau directeur
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ou collègue comporte un risque de dégradation de situation de travail. Un collectif au sein
duquel le travail se parle est une ressource psycho-sociale de l’ordre de la prévention
primaire. Identifier sur quelles bases fonctionne actuellement l’équipe, ses ressources, ses
faiblesses est par conséquent nécessaire avant de me lancer dans une intervention liée aux
changements.
2 DE LA NECESSITE DE COMPRENDRE POUR POUVOIR AGIR
2.1 Les ressources de l’équipe
Du formel à l’informel : une communication aisée
La directrice propose régulièrement des réunions de travail aux formatrices pour
préparer ou faire le bilan des séquences pédagogiques, examiner l’évolution de chaque
étudiante, préparer les évaluations, le concours. Elle a à la fois un rôle de transmission
d’information, d’allocation de ressources, d’ajustement organisationnel et d’évaluation des
actions. Elle maintient une dynamique et une cohérence autour des projets. Les formatrices
se réunissent entre elles, en fonction des besoins, sur leur propre initiative, pour préparer
les séquences de cours, modifier les plannings, réajuster leurs façons de faire, mettre en
place des projets. Les salariées ont la possibilité d’énoncer, d’expliquer, de se coordonner,
de communiquer entre elles, de prendre des initiatives. Ces éléments signent une équipe à
responsabilité élargie. Ce qui frappe dans le fonctionnement de l’école, c’est la place
importante laissée à l’informel. Les bureaux des formatrices et de la direction sont ouverts
en permanence, chacune interpelle l’autre à son gré au sujet d’une étudiante, d’une
information. « Il y a plus de temps informels, que formels car on discute beaucoup. C’est pour
cela que je m’oblige à revenir à l’école pendant les stages, cela me gêne de ne pas revenir, il
manque le tissu » dit Laure. Ces échanges quotidiens informels sont pour partie le ciment de
l’équipe et du genre du collectif. Chacune de sa place capitalise des points de repère à partir
de l’expérience des autres, confronte son point de vue, construit un lien social au travail.
C’est ainsi que le groupe expérimente la confiance et le respect individuel, qu’une dimension
transpersonnelle du métier existe.
Un collectif vivant
L’organisation du travail offre en permanence des opportunités d’échanges sur les
problèmes rencontrés et de confrontation des expériences. Une ex-formatrice : « On
échangeait beaucoup entre nous, on parlait des difficultés avec les étudiantes. Il y avait des
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réunions pour prévoir les activités, chacune pouvait dire ce qu’elle prévoyait, ses initiatives
étaient entendues et respectées ». La coopération ne se décrète pas ; elle résulte d’un acte
volontaire, d’un choix personnel et collectif qui repose avant tout sur la
confiance. . « Rarement on n’est pas d’accord, mais on se le dit, on en discute » explique
Valérie. La prévisibilité des réactions, la confiance réciproque fondent ce collectif. Les
individus et l’équipe ont des marges de manœuvre, d’autonomie. Comme le dit
Sainsaulieu (1991, p 173): « Le métier sous toutes ses formes est au sommet de l’échelle des
valeurs et il entraîne avec lui les valeurs connexes d’autonomie, d’indépendance, de maitrise
de soi et des autres ». Le collectif de pairs est fondé sur la reconnaissance, le travail en
équipe et les coopérations. C’est un collectif vivant au sein duquel la controverse est
possible.
La démocratie à l’œuvre
Comme nous l’avons vu à l’aide de l’organigramme de l’école et des éléments
concernant la circulation de l’information (bureaux ouverts, temps de pauses), la vie
collective est de type démocratique : la directrice se situe comme leader pour faire
s’exprimer et vivre le groupe. Laure confirme : « j’explique mon projet, elle donne son avis,
j’ai confiance en son analyse des choses ». De nouveau ces valeurs partagées qui fondent
l’autorité de la directrice étayent le sentiment d’appartenance au groupe.
Ce constat sur les relations aux collègues (personnels avec des compétences élevées),
à la hiérarchie (acceptation de la différence) et au groupe (importance du débat d’idées
comme enrichissement de tous) met en exergue des valeurs centrales comme le métier et le
débat collectif. L’identification de ce modèle de négociation prépondérant au sein de l’école
me guide dans mon intervention. Elle passera nécessairement par les échanges entre les
membres de l’équipe et s’appuiera sur le métier.
Nul n’est absent
Un fait marquant : l’absentéisme est nul depuis de très nombreuses années. Le climat
social est porteur, chacune peut exprimer ses besoins et être assurée que ses collègues et la
hiérarchie seront à son écoute. Elles n’évoquent pas de contraintes arbitraires, sources de
pénibilité. Dans le travail, se joue le plaisir au travail et le développement personnel
(Lhuillier, 2006).
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2.2 Les incontournables de la formation de puéricultrice
La formation de puéricultrice est une spécialité du métier d’infirmière ou de sage
femme. Le métier de puéricultrice est défini par le référentiel d’activités : « Prendre soin des
enfants pour maintenir, restaurer et promouvoir la santé, le développement, l’éveil,
l’autonomie et la socialisation. Les activités de l’infirmier/ère puériculteur/trice concourent à
l’accompagnement de la fonction parentale et participent, dans le cadre de projets de soins
et de projets éducatifs pluri-professionnels à la protection des enfants, à leur intégration
dans la société, à la lutte contre les exclusions » (Direction des Hôpitaux et de l’Offre de
Soins, 2009). Le projet pédagogique 2011 (Annexe 2) de l’école décrit ainsi la formation :
« La formation de puéricultrice s’inscrit et participe à la politique de progrès en matière de
santé des enfants, elle vise à développer l’expertise qui permet à la puéricultrice une
approche globale de situations complexes et une réponse adaptée aux besoins de santé et
d’éducation de l’enfant, de la naissance à l’adolescence. »
Un dispositif pour une formation en alternance
La formation comprend 1500 heures dont environ 650 heures d’enseignement
théorique et pratique, 710 heures de stage, 140 heures de travaux dirigés et d’évaluation.
Elle est organisée sous forme de séquences alternées, ce qui permet un aller-retour
permanent entre formation clinique et théorique : aménagement de temps d’exploitation de
stage, analyse de pratiques. Le projet pédagogique met en lumière la notion d’alternance,
spécificité de cette formation professionnelle et le travail réflexif qui en découle. « Les
pédagogies de l’alternance non seulement impliquent un rapport à l’action pour faire naître
des émotions qui mobilisent la personne, mais exigent des temps réflexifs afin de
conscientiser ce que le sujet vit » (Develay, 2007-3, p 20).
Constructivisme et socioconstructivisme à la base du projet pédagogique
Les formatrices exposent leur conception de la pédagogie issue de leur formation
universitaire. Pour Laure l’important c’est de : « partir des étudiantes, qu’elles puissent
exprimer ce qu’elles pensent, favoriser les échanges. Quelle que soit l’activité je laisse
toujours un temps pour qu’elles puissent réagir, dire si elles sont d’accord ou pas. Ma
préoccupation c’est d’avoir des outils qui leur permettent d’être actives pour rechercher par
elles-mêmes ». Valérie renchérit : « Toutes les activités qu’on fait ont des objectifs multiples ;
ce n’est pas séparé, du magistral ou des temps où cela vient d’elle. Tout est très mêlé. Un
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cours magistral c’est moins le métier ». Le modèle utilisé conjugue constructivisme et
socioconstructivisme. Il est centré sur l'apprenant. C'est l'étudiante qui apprend par
l'intermédiaire de ses représentations. Les conceptions initiales ne sont pas seulement le
point de départ et le résultat de l'activité, elles sont au cœur du processus d'apprentissage.
Ces théories sont une réponse à la question : comment les êtres humains apprennent-ils ?
Pour Piaget, auteur de référence du constructivisme, la connaissance est une construction
qui s’appuie sur le développement du sujet, ses structures mentales et son activité dans
l’environnement. Quant à Vygotski il s’oppose à Piaget, en accordant la primauté à
l’apprentissage social, au développement de l’intelligence dans et par le groupe (conflit
sociocognitif) d’où la terminologie de socioconstructivisme. Dans sa théorie la médiation par
l’adulte est cependant incontournable, c’est lui qui met en place les conditions de
l’apprentissage. CCes conditions de mise en activité des apprenants sont essentielles, car ce
qui se joue dans les apprentissages ce n’est pas seulement l’acquisition de connaissances
nouvelles ou la restructuration de connaissances existantes ; c’est également le
développement de la capacité à apprendre, à comprendre, à analyser. C’est par des mises en
interactivité (entre élèves et entre enseignant et élèves) que le savoir se construit. Chaque
être humain construit sa connaissance par une activité aussi invisible qu’intense et les
interactions sociales ont un rôle majeur dans cette construction. Dans le projet pédagogique
de l’école, la philosophie de la formation insiste sur la posture de stagiaire actif comme
nécessaire à la construction de compétences et de l’identité professionnelle. Il est écrit : « le
choix d’une spécialisation est significatif d’un acte volontaire de la part de l’étudiant. Il est
acteur à part entière de cette démarche et porteur d’un projet qui lui est propre. (…) Une
formation d’adultes se caractérise par la participation des formés aux actes de formation et
par une pédagogie active. » Un peu plus loin nous trouvons les principes pédagogiques,
illustrant cette conception socioconstructiviste : « la formation favorise l’appropriation des
savoirs, la confrontation d’expériences, l’expérimentation du travail en équipe ; la formation
développe des méthodes pédagogiques priorisant le questionnement : la posture réflexive en
est l’axe central ».
Une promotion d’étudiantes hétérogène en 2011
Cette année le profil de la promotion est sensiblement identique aux années
précédentes. La moitié des étudiantes (il n’y a que des femmes) vient d’être diplômée
infirmière et a par conséquent moins de 25 ans. L’autre moitié est constituée d’infirmières
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ayant entre 1 et 5 ans (voire plus) d’années d’activité professionnelle soit auprès d’enfants
soit auprès d’adultes. Les étudiantes représentent le public à former, « l’objet » de l’activité
du formateur. Mais elles sont avant tout « des objets vivants et sujets », c’est une condition
de l’activité et une source de sa réussite. C’est un public hétérogène qui induit l’usage de
méthodes pédagogiques variées pour mobiliser les acquisitions des études d’infirmière et de
l’exercice professionnel, pour amener les étudiantes à questionner leur pratique antérieure
et pour prendre en compte la diversité des parcours, des rythmes. Pour ce public, la
motivation et l’intérêt sont « déjà-là »puisque c’est une spécialité d’un métier dont elles
sont diplômées.
2.3 Une grande diversité des missions, tâches et activités des formatrices
J’ai relevé les missions déclinées dans la fiche de poste des formatrices (mise à jour
en janvier 2009. Annexe 3) et demandé aux formatrices de les mettre en lien avec leurs
tâches. J’y ai associé une évaluation du temps qu’elles y consacrent par an. Les trois
formatrices effectuent toutes les mêmes tâches tour à tour auprès des quarante-cinq
étudiantes et en fonction des domaines d’activités dont elles sont responsables.
La première mission est : responsable de la qualité de l’enseignement qu’elle
dispense en cohérence avec le projet pédagogique global élaboré dans le respect des
options pédagogiques de l’institution. En relation duelle, elles réalisent des visites de stage
(200 à 300 H), le suivi du projet professionnel (100 H), le suivi pédagogique de 15 étudiantes
(60 H). Auxquels s’ajoutent des rendez-vous selon les besoins des étudiantes, des appels
téléphoniques ou échanges de mails au sujet des projets de stage, ou de la préparation des
évaluations. Le face à face pour un groupe de 15 à 22 étudiantes sur un thème professionnel
représente 140 H. Les formatrices prennent aussi les étudiantes en groupe de 10 pour la
préparation de stage (12 à 24 H/an), l’exploitation de stage (40 à 80 H), le bilan de stage (10
à 20 H). Les cours magistraux pour les 45 étudiantes sont très peu réalisés par les
formatrices (5 H). La répartition de ces temps de face à face concorde tout à fait avec la
pédagogie socioconstructiviste : beaucoup d’interventions sur des petits groupes, très peu
de magistral. La notion de réflexivité chez l’étudiante est soutenue par une relation
individuelle formatrice/étudiante fortement mise en avant.
La seconde mission est : participe à l’élaboration du processus d’évaluation qu’elle
met en application. Les évaluations des épreuves de synthèse pour le diplôme
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d’Etat représentent environ 80 H/an. Elles préparent les contrôles de connaissances,
planifient les évaluations, prévoient les jurys du Diplôme d’Etat. Elles préparent le concours
d’entrée et à tour de rôle participent au jury et à son organisation (8 à 20 H/an).
La troisième mission se décline comme suit : assure le lien pédagogique entre les
différents partenaires de la formation. Le face à face avec les professionnels encadrant en
stage consiste en l’accompagnement conjoint des étudiantes lors des visites de stage ainsi
que des temps d’échanges sur le travail et l’organisation des professionnels dans leur lieu
d’exercice. La préparation de l’accueil d’étudiantes dans les nouveaux terrains de stage est
également évoquée lors de ces face à face. Des réunions avec les professionnels des terrains
de stage sont organisées en début d’année et renouvelées si besoin. Les formatrices ont
aussi tout un travail d’ingénierie de formation : elles élaborent les séquences de formation,
le planning et contactent les intervenants, négocient sur le contenu et la pédagogie, les
accueillent pour chaque cours.
La quatrième mission concerne la contribution à la recherche en soins et en
pédagogie dans le cadre d’une évolution professionnelle. Les formatrices s’investissent dans
une démarche d’ouverture vers le milieu professionnel de l’enfance. Elles sont dans une
remise en question permanente, un engagement politique dans la défense de la profession
et des compétences spécifiques de la puéricultrice. La longue liste de leurs engagements
dans des instances professionnelles appuie leur légitimité dans les secteurs : intervention
dans des congrès, participation à la commission régionale de la naissance, participation à des
mouvements sociaux de la petite enfance. Elles n’hésitent pas à se confronter à d’autres
professionnels de l’enfance : participation à la formation des éducateurs de jeunes enfants,
rédaction d’un livre sur l’allaitement maternel avec des consultantes en lactation, rédaction
d’articles dans des revues professionnelles. Régulièrement elles participent à des formations
continues soit à titre de public soit comme intervenant.
Chacune a une expertise dans un domaine de savoirs mais possède une base
commune sur les fondamentaux. Chaque formatrice est responsable de l’enseignement et
des stages dans un domaine particulier : structures d’accueil de l’enfant ou maternité,
protection maternelle et infantile ou encore pédiatrie et néonatologie. Le savoir sur le
métier de puéricultrice est maitrisé ce qui leur donne confiance et sécurité dans leur travail.
Chacune est reconnue par les autres dans son expertise. L’acquisition de ces connaissances
spécifiques demande du temps, se fait dans la durée sur les années d’expérience du métier.
-
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Ces savoirs sont jugés indispensables par les formatrices pour réaliser leur métier au sein de
cette école. Ils sont ancrés dans leur quotidien depuis de nombreuses années, à ce titre ils
seront forcément l’objet de transmission à la nouvelle formatrice.
Si le face à face est une tâche conséquente des formatrices, elle est préparée et
suivie par un ensemble d’autres activités en amont, en parallèle et en aval des stages ; il y a
une grande diversité dans les activités qu’elles mènent au quotidien. Les formatrices doivent
donc non seulement animer des séances de formation, mais aussi pour partie non
négligeable de leur temps organiser les conditions-mêmes pour que la formation ait lieu en
adéquation avec le projet. Il est à noter que ces activités apparaissent pour elles comme co-
substantielles de leur cœur de métier, en aucun cas elles ne sont source de pénibilité au
travail.
2.4 Des faiblesses en filigrane
Accepter d’intégrer une nouvelle formatrice, pas si facile !
Après avoir évoqué les ressources de l’équipe plutôt comme des atouts je repère que
cette culture informelle, ce collectif « soudé » recouvre, peut être, la difficulté d’intégrer une
nouvelle personne. Au cours des échanges avec mes collègues au sujet du remplacement de
la formatrice, j’ai relevé des phrases qui prêtent à réflexion. Laure explique : « Continuité ne
veut pas dire immobilisme, elle a aussi le droit de donner son avis, mais je ne suis pas prête à
changer mon projet global car cela a du sens ». La place particulière de cette formatrice dans
la maitrise des savoirs, d’autant plus qu’elle a un doctorat, invite à réfléchir aux modalités et
enjeux de la transmission. Le savoir peut être un outil de pouvoir, comment cette formatrice
va-t-elle se positionner dans l’intégration de la nouvelle formatrice, le travail de
transmission ? La directrice ajoute : « Est-ce assez clair pour la personne qui arrive dans
l’équipe de se saisir de ces messages-là qui pour nous sont fondamentaux ou alors faut-il les
formaliser davantage ? Intégrée dans un projet pré établi, elle n’aura pas le choix mais
n’aura pas la même maitrise que vous ». Le poids du collectif sûr de sa légitimité ne laisse-t-il
pas peu d’ouverture à la nouveauté ?
Des divergences de points de vue sont mises à jour entre les formatrices. Valérie dit :
« si elle vient de néonatalogie ce sera facile pour le stage puisqu’elle connait ce terrain ». Et
Laure de répliquer sur un ton de reproche : « tu crois que c’est pareil être cadre en service de
soin et être formateur pour les étudiantes dans ce service ? Ce n’est pas du tout la même
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chose. Ce n’est pas simple de passer des services de soins à ce genre de travail, on a tendance
à apporter des solutions mais ce n’est pas cela ». Le climat positif semble avoir quelques
failles ! La critique d’une « ex faisant fonction de formatrice » corrobore ce propos :
« Honnêtement je me suis sentie seule dans cette école, j’ai appris seule, je n’ai pas eu de
guidance. Elles ne partagent pas trop. Chacune est un peu enfermée dans sa spécialité».
En mars 2011 le directeur de l’IFE nous donne le nom de la cadre de santé qui sera
affectée sur l’école au premier juillet : Marie, cadre actuellement en néonatalogie au CHRU.
C’est une cadre de santé « manager ». Les premières réactions spontanées surgissent.
Valérie dit : « je suis contente, cela va être bien surtout qu’elle vient déjà en exploitation de
stage, maintenant je la laisse seule avec les élèves, ça se passe bien ». Laure répond : « elle
ne connait pas bien la pédagogie, qu’a-t-elle fait sur le plan universitaire ? Je crois qu’elle n’a
rien ». Certes, l’expertise en pédagogie de ce membre actuel de l’équipe est un atout mais
ne risque-t-elle pas de créer des tensions dans l’équipe au moment de l’accueil de Marie qui
ne sentirait pas à la hauteur ? Le risque de la formation d’un clan n’est pas à négliger.
Des relations avec les services pas si « sereines » que cela !
Ce master m’a donné l’occasion d’aller m’entretenir avec des professionnelles des
services qui accueillent les étudiantes en stage. Même si la plupart des professionnelles se
disent très satisfaites de leurs relations avec l’école, du travail fait en commun, quelques
personnes ont émis des réserves. Une cadre dit : « Actuellement je ne suis pas tout à fait en
accord avec le projet pédagogique de l’école, mes valeurs ne sont plus les mêmes. Pour les
professionnelles apprendre le métier c’est faire avec alors que vous leur dites de réfléchir, de
décortiquer ». Les formatrices disent : « nos collègues cadres sont façonnées par la
dissociation théorie/terrain. Il faut réfléchir au mode d’apprentissage, à la façon dont on
apprend. Le questionnement cela dérange, mais apprend. Nous sommes à contre courant de
ce qui est défendu par les institutions, elles ne peuvent pas apprendre qu’en faisant le plus
possible de soins, il faut être tenaces». Une autre cadre explique : « On va peu à l’école,
pourtant on a plein d’étudiantes en stage. Mon souhait est d’aller plus à l’école pour
échanger avec les étudiantes sur la réalité du travail.». Nous voilà au cœur du problème de
l’alternance en formation : « les formations en alternance sont des modes d’organisation de
cursus éducatifs et formatifs, qui articulent explicitement plusieurs lieux , temps et modalités
d’apprentissages, considérés comme proposant des contenus complémentaires, à la fois
théoriques et pratiques. Elles mettent en jeu des acteurs appartenant à des univers
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professionnels dont les logiques de formation et de production différent. C’est pourquoi elles
demandent une concertation permanente, souvent polémique, qui devient un véritable
travail de négociation continu et rigoureux des objectifs pédagogiques à atteindre, à partir
de la connaissance et de la prise en compte des intérêts et des apports de chacun ».
(Champy, Etevé, 1998, p 82)
La question de la concertation et du travail de l’école avec les services sera sûrement
à approfondir au cours de mon intervention d’autant plus qu’il faudra compter avec de
nouveaux éléments qui se révèlent. Beaucoup d’enjeux surgissent quant au départ de Marie
de son service : le chef de service et la cadre supérieure veulent maintenir son rôle de leader
dans le projet NIDCAP « Newborn Individualized Developmental Care and Assessment
Program » (le directeur général a fait un fort investissement budgétaire depuis dix ans). Les
soins de développement sont l'ensemble des techniques environnementales (limitation du
bruit, de la lumière) et comportementales (peau à peau, succion non nutritive...) dont le but
est d'aider le développement harmonieux de l'enfant né avant terme. (Sizun, Ratynsky,
1998)
Marie ne sait pas quoi faire, met un frein momentané à sa mutation. Ces enjeux de
pôle et de personnes risquent de retentir sur la formation avec un retard dans l’affectation
de la formatrice. Ces contraintes extérieures ne pourront être la cible de mon intervention.
Cependant elles créent un certain contexte et des tensions qui ne peuvent être ignorées.
Epilogue…finalement Marie viendra bien à l’école au 1er Juillet tout en maintenant sa place
prépondérante dans le label des soins de développement.
D’autres tensions se dessinent entre les professionnels du secteur de néonatalogie et
l’école, au sujet de Marie. Celle-ci, cadre de santé, part de ce secteur dans une situation un
peu délicate car elle y retournera pour encadrer les étudiantes. « Les équipes appréhendent
le regard qu’elle va poser sur leurs pratiques » dit une cadre de terrain. Un évènement
récent corrobore cette réflexion. Une puéricultrice de néonatalogie qui participait
régulièrement aux exploitations de stage, prévenue que dans cette période de changement
la prochaine exploitation se ferait sans intervenant extérieur, a vivement réagi avec ses
collègues : « qu’est ce qui va se dire sur nous, sur le service, pendant cette exploitation
puisqu’on n’y sera pas ! Pourquoi notre présence n’est–elle plus souhaitable ? » Cet élément
de contentieux entre service de soins et école sera à éclaircir, est-il lié à un problème isolé
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de personnes ou le reflet d’enjeux plus globaux de territoires, de clivage entre formateurs et
managers ?
3 REFORMULATION DE LA COMMANDE
L’ensemble des éléments issus de mes observations et rencontres qui se sont
déroulées entre décembre 2010 et avril 2011 a donné lieu à l’analyse du contexte dont je
rends compte ci-dessus. La commande faite par la directrice (quelles stratégies mettre en
place pour assurer un maximum de cohérence et de continuité dans la formation auprès des
étudiantes, pour intégrer une formatrice dans un projet pré établi, pour assurer l’équilibre
de l’équipe ?) se décline dès lors en plusieurs axes pour guider mon intervention.
3.1 Des axes de réflexion
Certaines notions m’apparaissent comme centrales et me servent d’appui pour
formuler quelques hypothèses.
La continuité (sur différents plans : pédagogique, philosophique, maintien du collectif
et conception du métier de formateur) mise en avant par l’équipe a pour objectif la
cohérence auprès des étudiantes plus que la sécurité de l’équipe qui peut s’appuyer
sur ses ressources.
Le collectif fonde la reconnaissance des formatrices et leur mode de coopération, il
est à maintenir pour que l’équipe vive les changements de manière positive.
La notion de transmission se conçoit sur deux niveaux : de prime abord à la
formatrice qui arrive mais aussi dans une visée d’explicitation pour transmettre au
nouveau directeur (poste majeur dans le collectif).
La posture pédagogique est vécue comme une expertise « pilier » liée au métier et à
la conception de l’alternance dans cette formation professionnelle, même si elle
donne lieu à des controverses.
La réforme du diplôme, en toile de fond, nécessite une préparation dès aujourd’hui.
Opportunité à saisir puisqu’un métier pour rester vivant doit se confronter à des
transformations.
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3.2 Vers l’élaboration d’une demande
Partager avec mes collègues l’éclairage apporté par l’analyse du contexte était un
passage obligé pour débuter mon intervention. Pour cette première phase d’élaboration de
mon intervention, j’ai réuni les deux formatrices en poste (Laure et Valérie) et la directrice.
Ce choix s’appuie sur la notion de collectif vivant au sein duquel la confiance existe et la
controverse est possible.
Les formatrices prennent en compte le risque pour un néo-formateur de se trouver
démuni pour faire ce qu’il faut faire et ce qu’on lui dit de faire. Elles ont le désir de
transmettre. Valérie fait part de son avis : « Ce n’est pas simplement en lui disant on fait
comme cela qu’on lui fait appréhender la réalité de ce que l’on fait ». Laure ajoute : « On ne
sait pas exactement comment on s’y prend nous-mêmes. C’est important de réfléchir à ce
qu’on va lui transmettre sur le plan pédagogique ». Le même point de vue avait été évoqué
par les formatrices parties de l’école : « Je me serais sentie moins seule si vous m’aviez parlé
de vous, que vous me parliez du métier ; je me suis basée sur mes représentations. Plus
partager sur ce qu’est votre travail, votre pratique, votre posture, pour que la personne qui
arrive se construise dans cette expérience ». Selon D. Lhuillier (2006), il faut soigner le
travail, le mettre au cœur des discussions.
Une réflexion commune sur le métier et la posture pédagogique est envisagée. Nous
communiquons facilement dans l’équipe mais est-ce suffisant pour transmettre notre
travail ? Comment dire notre travail ? Il y a tellement d’implicite. Quelles sont nos
compétences de formatrices ? Comment les formaliser ? Nous avons alors repris la liste des
tâches des formatrices pour chercher ensemble le temps de travail où l’acte de formation se
déploie et nos compétences spécifiques se mettent en œuvre. Définir le moment qui montre
le mieux notre métier, ce n’est pas si simple.
Parmi les tâches des formatrices, une fait l’objet de réflexions à multiples reprises.
L’exploitation de stage est un temps qui fait vivre des tensions dans l’exercice du métier.
Laure remarque : « Je me souviens quand je suis arrivée, je me suis débrouillée pour les
exploitations, je n’étais pas fière. Ce n’est pas facile. Pour celle qui va arriver justement ce
n’est pas simple de passer des services à ce genre de travail, on a tendance à apporter les
solutions mais ce n’est pas cela ». Valérie confirme : « L’exploitation de stage ça ne coule pas
de source, moi j’ai constaté que c’est difficile de les faire parler de points précis. Je pense que
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les exploitations c’est évident pour personne, on fait toutes différemment cela serait
nécessaire d’en reparler entre nous». L’exploitation de stage est un élément cœur de métier.
Pour l’équipe c’est le temps le plus représentatif de l’alternance intégrative, un temps de
lien entre savoir clinique et théorique. L’exploitation de stage est un point nodal pour les
nouvelles formatrices. Ces dernières l’ont signalé : « L’activité pour laquelle il faut être
accompagné c’est l’exploitation de stage, les petits groupes car c’est là où il se passe
beaucoup de choses ». Compte tenu du profil hétérogène des étudiantes le temps
d’exploitation de stage nécessite de tenir compte de chacune dans son individualité.
Lors d’une réunion, évoquant la période à découvert de quinze jours avant l’arrivée
de la nouvelle formatrice, la directrice précise : « au moins si vous n’allez pas en stage, faites
des temps d’exploitation de stage ». Pourquoi l’exploitation de stage serait plus importante
que les visites en stages ? Ces deux activités sont elles complémentaires ou différenciées ?
Quel est le travail de la formatrice dans chacune de ces tâches ? Comment ces temps
permettent aux étudiantes de se professionnaliser ?
Lors d’une réunion d’équipe la présence de professionnels de terrain dans les
exploitations de stage est évoquée et source de controverse. L’une dit : « Faire venir les
professionnels en exploitation, moi j’ai toujours été contre. Des décisions comme cela on n’en
a jamais parlé. Les étudiantes peuvent-elles parler librement ? En quoi est-ce formateur pour
elles ? Qu’est ce que les professionnelles renvoient ensuite aux équipes ? » L’autre répond :
« c’est un partage de savoirs. La pratique est issue du terrain, il ne faut pas l’oublier, c’est
cela l’alternance intégrative ». Là encore je retrouve cette question de l’alternance. Mettre
en débat le travail des formatrices en exploitation de stage permettrait-il de reconsidérer la
place des professionnels en lien avec l’école, le travail des étudiantes au cours de cette
activité ? Un collectif se construit à partir de ce qui ne marche pas, on parle des règles du
métier.
Dès lors, la demande peut être formulée comme suit : l’intervention s’appuiera sur
une mise en mots, un partage collectif sur le travail pédagogique des formatrices dans la
situation emblématique de l’alternance : l’exploitation de stage. La parole et le dialogue qui
en découleront auront pour objectif de :
Préparer et faciliter les changements dans l’équipe en anticipant les effets de la réforme à
venir.
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4 UN CAP POUR MON ACTION D’INTERVENANTE
4.1 Quelles finalités pour l’intervention ?
L’intervenant a toujours un objectif même s’il ne l’affiche pas souligne le sociologue
Gilles Herreros(2009). L’intervention sera l’occasion d’un échange entre les personnels sur le
contenu de leurs pratiques. Le travail effectif pourra se parler, le travail sera mis en débat.
Alors quel est le cap que je m’assigne ? C’est l’avènement du sujet, c’est faire en sorte que
les gens récupèrent du pouvoir sur ce qu’ils font, développent leur pouvoir d’agir. En outre
les temps d’échanges entre pairs et avec la directrice seront une arène de jugement du
travail. Le jugement de beauté donné par les pairs et le jugement d’utilité donné par la
hiérarchie participent à la reconnaissance de soi au travail. (Dejours, 2008)
Ces objectifs ne pourront se réaliser que si je pratique l’intervention avec méthode,
ce qui revient en premier lieu à opter pour une posture, un style propre au rôle que je
m’assigne.
4.2 Pour une posture d’intervenante en interne
Tout intervenant n’est jamais neutre. Mon point de vue n’est pas neutre, j’ai ma
propre conception, mes intentions qui se sont forgées avant et pendant l’intervention.
J’interprète les situations à partir de ce que je suis. C’est cela qui fonde ma posture, être
consciente de ma subjectivité est support d’objectivité. En tant qu’intervenante dans mon
équipe, d’autant plus une petite équipe, je suis impliquée en tant que personne, immergée
dans les situations. Ce que je sais sur l’école, le métier m’a permis d’engager les échanges
mais j’ai trouvé difficile de décaler mon regard, d’interroger les allant de soi, de me
construire une lucidité. Persuadée, pour le vivre, que l’école est actuellement un milieu de
travail protégé et porteur de reconnaissance, je peine à identifier les faiblesses ! Le
malentendu de départ dont parle G.Herreros, je l’applique à ma posture d’intervenante : ce
n’est pas parce que tout n’est pas clair que cela ne va pas, savoir qu’il y a un malentendu
laisse en éveil.
L’étape de diagnostic a pris du temps, un temps essentiel pour aller à la rencontre
des membres de l’équipe, des professionnelles. Un temps où j’ai tenté de développer ma
capacité de « résistance à la commande » de Guy Jobert (1992-4) J’ai d’emblée senti une
confiance dans les échanges, même un plaisir de chacune à parler d’elle. Etait-ce lié à mon
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statut de collègue, de formatrice, aux liens sociaux déjà existants ou à ma façon de présenter
l’objet des échanges ? A ce moment-là, mon intervention reste autant pour moi que pour
mes collègues, un travail à faire pour le master. « Où en es-tu de ton master ? Qu’est ce que
tu vas faire comme intervention ? » Le moment est venu de me lancer. Le temps, le passage
à l’écrit et les retours qui m’ont été faits, ont favorisé une prise de recul. Reprendre l’analyse
et m’astreindre à décoller de mon point de vue initial a éclairci mon cheminement. C’est
ainsi que j’ai commencé à plus me sentir intervenante, à ne pas être celle qui sait déjà, à me
mettre en position d’apprendre de l’autre. Une fois la demande posée et adoptée par
l’équipe, j’ai commencé à construire un cadre méthodologique. S’appuyer sur une
méthodologie permet d’apporter un peu de neutralité. Ma posture dans la poursuite de
l’intervention je la conçois comme une position interrogative, dans l’idée de ne pas agir sur
l’équipe mais avec elle. Dans chaque agir il y a du pâtir, je devrai toujours être attentive à ce
que je fais, ce que je dis afin de mettre personne en difficulté. Je choisis de m’engager dans
les dialogues en tant que formatrice au même titre que mes collègues sinon quid de
l’équipe ? Ma posture d’intervenante je la pense sous forme d’animatrice des échanges, de
point d’appui pour questionner le groupe. Je ne suis pas encore sûre de la pertinence de
cette attitude mais je pense qu’au fil de l’intervention les choses se clarifieront.
4.3 Les étapes de l’intervention
On peut repérer plusieurs étapes dans l’intervention, (tableau annexe 4) ce sont les
passages obligés, ce qui m’apparaît comme nécessaire à faire pour remplir ma mission.
De la première phase d’analyse et de compréhension, évoquée précédemment, a
découlé un temps d’information et d’explicitation de l’objet de mon intervention
auprès de l’équipe. Elles m’ont donné leur accord pour observer leurs situations de
travail.
Le deuxième temps est celui de l’analyse du travail : recueillir le travail prescrit,
redéfini, puis filmer les temps d’exploitation de stage et proposer des auto-
confrontations simples et croisées. De fait le travail des formatrices devient visible.
La troisième étape s’articule autour du groupe ou système-client. La notion de
système-client utilisée par les psychosociologues a pour intérêt d’inviter l’intervenant
à retenir, au-delà des demandes du seul commanditaire, les préoccupations
exprimées par l’ensemble des autres acteurs de l’espace étudié (Herreros, 2009). Le
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22
collectif devient alors l’opérateur. C’est le lieu de controverse, de mise en travail de
mes collègues avec la directrice qui est le commanditaire. Chacune pourra tirer partie
de cette intervention même si elle a une attente différente. Les restitutions
régulières à ce collectif ont pour objectif de provoquer des réactions et non de livrer
un contenu d’analyse. J’obtiendrai ainsi des informations en retour pour guider mon
intervention. Dans ces conditions si j’intitule le collectif, groupe projet et non
système-client c’est que ma position d’intervenante en interne ne s’inscrit pas dans
une relation marchande, ce n’est pas une prestation sous contrat. Dès lors je ne
m’adresse pas à des clients, mais je construis la problématique de l’intervention avec
mon équipe habituelle de travail. Ce groupe restreint (3 personnes) contrairement à
un système-client qui vise à ouvrir à différents partenaires, émane des conditions
internes de l’intervention.
Enfin dans l’intention d’élargir les frontières du groupe projet, une restitution
partielle aura lieu auprès des formateurs au cours de l’assemblée générale du
CEEPAME. L’objectif est alors de monter en généralité, d’ouvrir sur un débat sur le
métier en vue de la réforme.
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DEUXIEME PARTIE : AVANCER PAS A PAS, D’ABORD L’ANALYSE DU TRAVAIL
1 L’EXPLOITATION DE STAGE DANS LE PROJET DE FORMATION DE L’INSTITUTION
1.1 L’exploitation de stage un temps prévu mais peu formalisé
L’exploitation de stage est prévue dans le programme des études préparant au
diplôme d’Etat de puéricultrice (Arrêté du 13 juillet 1983, annexe 3) : «Un temps minimum
de travaux centrés sur le stage (préparation, exploitation, etc.) est pris sur le temps imparti à
l’enseignement théorique ». La prescription s’avère presque inexistante, le texte officiel ne
fait que citer ce temps de formation mais ne le précise pas. En outre il spécifie que chaque
école déterminera les méthodes les mieux adaptées aux besoins des étudiantes afin
d’atteindre les objectifs suivants : « favoriser la participation active des élèves à leur
formation ; mobiliser l’acquis pour qu’il devienne un élément dynamique pendant la
formation et l’exercice professionnel ; permettre l’expérimentation du travail collectif ;
développer la capacité à analyser les situations.» Au sein de l’école, le projet pédagogique
2011 a repris les objectifs sous cette forme :
La formation met en œuvre des dispositifs en alternance sur les lieux école et stage,
ce qui permet un aller-retour permanent entre clinique et théorie : regroupement des
stagiaires à un rythme régulier dans des lieux et sur des temps institutionnalisés ;
préparation des stages, exploitation de stages, échange entre pairs, rencontre de
professionnels.
L’accompagnement pédagogique par les formateurs s’exerce aussi bien dans la
formation théorique que clinique. Il favorise le recul nécessaire à l’acquisition d’une
posture professionnelle, aide à l’analyse de la situation, à la mise en corrélation des
éléments recueillis, à l’intégration des savoirs dans la pratique.
Les termes choisis lors de l’écriture du projet pédagogique simplifient à l’extrême la
notion d’alternance, en opposant théorie et clinique. La théorie serait-elle l’apanage de
l’école et la clinique des terrains d’activité ? Selon M.Altet (2008) les formateurs ont un rôle
clé selon leur attitude par rapport à la pratique et aux savoirs issus de la recherche. Les
savoirs professionnels ne sont ni la juxtaposition, ni la somme de savoirs pratiques,
techniques et scientifiques, mais des savoirs de ces trois types réinterprétés par une logique
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de l’action. Vergnaud indique que le savoir théorique «connaissance prédicative » se
transforme en « connaissance opératoire » parce qu’il est devenu un outil pour l’action.
(Altet, 2008).
L’équipe pédagogique a mis en place l’organisation suivante : les temps
d’exploitation de stage sont réalisés pour chacun des cinq stages de l’année de formation, au
rythme de deux séances obligatoires par stage. Les étudiantes en stage dans un même
secteur d’activité se retrouvent avec la formatrice responsable du secteur concerné, soit un
groupe de huit à dix étudiantes. La durée de chaque exploitation de stage est de trois heures
trente. L’organisation actuelle prévoit une exploitation après une semaine de stage, puis une
seconde à trois semaines de stage. Entre les deux exploitations, la formatrice se rend sur le
terrain de stage pour travailler en individuel avec les étudiantes. Ces séances collectives se
déroulent au sein des locaux de l’école de puéricultrices.
1.2 L’exploitation de stage, outil spécifique de l’alternance
Former en alternance nécessite un dispositif de formation qui élabore les moyens
appropriés pour prendre en compte le sens complexe des expériences vécues par les
stagiaires. L’espace temps « école » doit permettre une prise de distance, une réflexion, une
transformation. A ce titre « le retour d’alternance apparait comme une démarche de
formation à part entière qui se fonde sur l’analyse des pratiques réalisées, visant le
développement professionnel et la prise de conscience des compétences mobilisées en
situation. Le retour d’alternance développe une capacité à se déprendre du travail pour en
tirer des enseignements. » (Fernagu-Oudet, 2007-4, p79). Les retours d’alternance
permettent à l’étudiante de devenir un « praticien réflexif » car elle est mise en situation de
prendre du recul sur ses actes et sur ce qui les fonde, sur ses choix dans l’action, de rendre
explicite l’implicite de ses actes. Ces retours d’alternance cités dans la littérature sont
appelés exploitation de stage à l’école de puéricultrices. Pourquoi ? L’équipe pédagogique a
fait le choix de proposer ces temps de travail collectif au cours du stage et non après le
stage. Ainsi les étudiantes profitent de ces temps de recul et d’analyse pour ajuster leurs
actions sur le stage. La notion de groupe est essentielle. Le groupe devient une ressource, un
lieu de formation croisée, d’échanges de savoirs, de résolution conjointe de problèmes, de
partage d’expériences. Autre façon de développer les pratiques de travail groupales, le
travail en équipe par mutualisation, se fonde sur la conception des apprentissages dans le
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socioconstructivisme. « C’est un lieu d’accès à d’autres horizons, d’autres contextes, d’autres
organisations de travail, d’autres pratiques, d’autres manières de voir… On le voit, les effets
formateurs de ces retours d’alternance sont nombreux. Il ne s’agit pas d’opposer deux modes
d’acquisitions de savoirs, il s’agit de les rendre complémentaires et opérationnels pour
qu’existe une alternance apprenante. » (Fernagu-Oudet, 2007-4, p81).
2 LA DIDACTIQUE PROFESSIONNELLE ET LA CLINIQUE DE L’ACTIVITE POUR ANALYSER CETTE FORME PARTICULIERE DE SITUATION DE TRAVAIL
En premier lieu, compte tenu de la demande de l’équipe de rendre visible leur
expérience pour la transmettre, le choix de la didactique professionnelle qui préconise une
analyse de la production des compétences en situation semble pertinent. « Le champ de la
didactique professionnelle est celui de l’enseignement et de la formation professionnelle
continue avec la question de l’acquisition, de la transmission et du développement des
compétences professionnelles : comment celles-ci s’acquièrent et se développent ? Qu’est ce
qu’on peut faire pour les enseigner ou les transmettre plus efficacement ? » . (Pastré, 2010,
p3) Mais ce qui rend complexe mon travail d’analyse c’est que comme nous l’avons vu
l’exploitation de stage est une activité qui s’accomplit entre un humain (la formatrice) et un
groupe d’humains (les étudiantes). C’est une spécificité des tâches d’enseignement et de
formation. La didactique professionnelle a pour objectif de se centrer sur l’activité ; ici il
s’agit de l’activité de coopération-communication entre la formatrice et les étudiantes.
« Dans l’interaction entre humains, l’autre agit et réagit selon ses propres motifs et buts, sa
compréhension de la situation, son investissement, sa relation à son interlocuteur, au cadre
et à l’objet de l’interaction. Cela introduit une certaine part d’imprévisibilité (…) Le partenaire
de la co-activité a des attentes envers le professionnel(…) On parle de co-activité et de
coopération. » (Pastré, Mayen, Vergnaud, 2006, p 175). Le langage est omniprésent dans
l’activité de travail des formatrices et des étudiantes, c’est un élément déterminant de leur
travail. De plus le langage est support de la médiation avec autrui. « Le langage est adressé
et demande une réponse, souvent langagière, qui contraint à dire l’activité, à la réélaborer
pour un autre et dans un autre langage que la sémantique de l’action » (Pastré, Mayen,
Vergnaud, 2006, p 174). Dans ce cadre-là, la didactique professionnelle est une aide pour
analyser l’activité des formatrices même si elle reconnaît que « le métier d’enseignant
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représente une activité particulièrement difficile à analyser » (Pastré, Mayen, Vergnaud,
2006, p 182).
Je m’aperçois rapidement qu’en second lieu, la clinique de l’activité, sera également
une modalité pour comprendre ce que le travail réel exige des formatrices, en vue du
développement de leurs compétences et de leur pouvoir d’agir. « Etre compétent c’est
savoir organiser son activité pour s’adapter aux caractéristiques de la situation, quitte à
transformer plus tard cette expérience acquise en savoir énonçable et donc plus facilement
transmissible ». (Pastré, 2010, p8). Le dialogisme constitue le principe directeur et la source
de dispositif méthodologique de la clinique de l’activité. Il s’agit pour les acteurs concernés
par l’activité étudiée, de participer aux conditions de recherche et de mettre en chantier des
manières de penser collectivement leur travail (Faïta ; Vieira, 2003).
Cerner les pratiques des formatrices lors de l’activité d’exploitation de stage ne
représente cependant qu’une partie du système de formation. Les étudiantes sont les autres
acteurs clés du système de formation. Dans cette analyse du travail je vais également
essayer de comprendre le « travail d’apprenant » des étudiantes et comment fonctionnent
les interrelations formatrices-étudiantes.
Reste à présenter le dispositif méthodologique que j’ai adopté, je peux le décrire en
quatre phases.
3 LE RECUEIL DE DONNEES
3.1 Première phase : confronter « le prescrit » et le « redéfini »
Vu le « vide » de prescription dans les textes régissant la formation, c’est par un
entretien auprès de la directrice que j’ai obtenu « ce qu’il faut faire » : c'est-à-dire l’activité
prescrite de la formatrice dans le temps d’exploitation de stage. Puis j’ai réalisé un entretien
avec chaque formatrice. Elles m’ont expliqué leur propre conception de leur travail pendant
ce temps d’exploitation de stage. Leur discours me donne alors accès à « ce qu’elles disent
qu’elles font.» Cette confrontation du prescrit et du redéfini donne à voir des points
communs et des écarts. On y retrouve schématiquement deux axes principaux :
animer les échanges
aider à exposer et à analyser une situation
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Cette activité repose a priori surtout sur ces deux principes. Je relève une prescription
partagée sur la posture de la formatrice : ne pas juger, respecter chacune, garder une
certaine neutralité.
Par contre quelques écarts sont à noter :
des écarts par réduction. Du prescrit n’apparait pas dans le discours des formatrices :
aider à la gestion des émotions, soutenir la prise d’initiatives, aider à produire des
savoirs dans le groupe, orienter vers des recherches, rappeler les règles de
confidentialité, être au fait de l’actualité.
des écarts par adjonction : les formatrices donnent une catégorie non citée par la
directrice, c’est le fait d’apporter des connaissances, et évoquent la façon de lancer
l’échange sur l’analyse d’une situation.
un écart par substitution : opposition entre la prescription de pousser les étudiantes
à prendre la parole et le souhait de la formatrice de respecter celle qui ne veut pas
parler.
Ainsi j’entrevois que la prescription existe bien, qu’elle est assez précise et connue
des professionnelles, même s’il existe un décalage sur certains points. La redéfinition de la
tâche s’appuie sur les conditions de réalisation de l’activité et l’expertise des formatrices.
Cet écart entre ce que l’on fait et ce que l’on doit faire m’éclaire quant aux enjeux de la
situation. D’emblée il m’apparaît opportun de poursuivre ma démarche d’observation des
formatrices dans leur travail afin de recueillir des traces de l’activité qui vont faire l’objet
d’analyses répétées. « On sait peu de choses sur ce que font effectivement les professionnels
dans le cours quotidien de leur activité. » (Roger, 2007, p 17).
3.2 Seconde phase : enregistrer en vidéo une séquence de travail
L’analyse du travail s’appuie sur la capacité à observer les situations, à permettre aux
sujets qui travaillent de dire ce qu’ils font, à entendre ce qu’ils disent et à interpréter avec
eux le sens qu’ils mettent dans leur activité. Ce qui importe dans l’analyse du travail, ce sont
les détails. L’utilisation de l’image comme support des observations m’a paru pertinente.
Filmer le travail en train de se faire nous donne un matériau riche comme support de la
controverse. « Une observation outillée du travail permet en effet de dépasser sa dimension
déclarative pour accéder à sa dimension opératoire, comme si le travail se mettait à parler.»
(Clot, Faïta, Fernandez, 2001-1, p19).
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Mes collègues ayant choisi le moment d’exploitation de stage pour participer au
travail de co-analyse, je les ai invitées à déterminer avec moi les séquences d’activités qui
seront filmées. J’ai noté alors l’importance de prendre le temps de réexpliquer l’objectif de
mon intervention, d’entendre leurs préoccupations. Prendre ces précautions et partager
avec mes collègues sur le choix méthodologique est la base d’un climat de sécurité
indispensable en analyse du travail. Pour autant, je n’ai pas renoncé à donner mon propre
point de vue pour soutenir l’efficience de la démarche d’analyse du travail. J’ai filmé chacune
des deux formatrices lors de l’intégralité du second temps d’exploitation du deuxième stage
de l’année. « Il importe de filmer chaque membre du groupe dans des conditions aussi
proches que possible les unes des autres, afin d’ouvrir la comparaison entre pairs sur les
façons de faire. » (Clot, Faïta, Fernandez, 2001-1, p21). Pour Laure cela concerne le stage en
structure d’accueil du jeune enfant, pour Valérie en service de pédiatrie. Je leur ai fait signer
un document « autorisation de prise de vue » (annexe 4) afin de garantir leur droit à l’image
et la confidentialité des données. Une bande vidéo est une trace de l’activité qui reste et
engage chaque personne par son image ; celle-ci doit garder la maitrise de ce qui sera
produit la concernant (images, interventions). Les étudiantes ont été prévenues par la
formatrice concernée que la séance suivante serait filmée. Au début du temps d’exploitation
je me suis rendue dans la salle et je leur ai expliqué le but de mon intervention. Elles ont
toutes donné leur accord d’autant plus qu’elles n’étaient pas filmées ! J’ai fait le choix de ne
pas filmer les étudiantes afin d’influer le moins possible sur leurs échanges, seules leurs
paroles sont captées. Ma position hiérarchique vis-à-vis d’elle peut avoir un effet délétère
sur leur vécu de cette exploitation de stage si elles doivent s’exposer au regard de la caméra.
Lors de cet enregistrement l’opérateur est filmé de face, en focus sur lui et son
espace proche (sa table). J’ai choisi de poser la caméra sur un pied, à l’intérieur du cercle
formé par les étudiantes, sans rester dans la salle afin de ne pas interférer dans le travail de
la formatrice puisque c’est ma collègue et que les étudiantes me connaissent bien.
Auparavant, quelques essais ont été réalisés lors de ma propre activité afin de m’assurer de
maitriser le fonctionnement de la caméra et l’efficacité de la prise de son. Je vais donc
pouvoir en retirer les paroles des formatrices, leurs gestes et attitudes qui sont les signes de
leur activité, l’observable de leur tâche, ainsi que le discours des étudiantes entre elles et
avec la formatrice, trace de leur activité d’apprentissage. A l’issue des enregistrements les
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deux formatrices ont fait part de leur étonnement sur la sensation qu’elles ont éprouvé de
rapidement « oublier » la caméra.
3.3 Troisième phase : mener des auto-confrontations
Le lendemain, j’ai confronté chaque formatrice à l’enregistrement de son activité en
ma présence (auto-confrontation simple). J’ai filmé les commentaires qu’elle m’a alors
adressés, face aux images de sa propre activité. Dans cette situation d’auto-confrontation
simple, elle me dit ce qu’elle fait, ou ce qu’elle aurait pu faire ou ne pas faire, en se voyant à
l’écran ; elle s’interroge sur les détails de ce qu’elle se voit faire. La formatrice est filmée de
face. Grâce à la télécommande du magnétoscope, elle assure elle-même le défilement des
images, les retours en arrière ou les arrêts sur image. Ce dispositif technique cherche à
signifier au sujet que la minutie de l’observation de l’activité réalisée est un moyen
d’accéder à l’activité réelle. Quelques jours plus tard, dans des conditions identiques, j’ai
confronté chaque formatrice au même enregistrement, en ma présence et celle de la
deuxième formatrice (auto-confrontation croisée). Le dispositif a permis aux formatrices de
visionner ensemble des extraits de vidéos de chacune et d’engager un dialogue sur « les
prescriptions et modes opératoires contenus par la tâche et l’activité qui s’y réalise
concrètement » (Faïta, Vieira, 2003, p59) .J’ai associé à l‘auto confrontation simple de Laure,
la future formatrice, Marie, afin qu’elle commence à « s’imprégner » de l’activité. Ses
questions de « novice » ont aidé Laure à mettre des mots sur son travail. Des controverses
professionnelles peuvent alors s’engager puisque les formatrices deviennent ensemble
observatrices de leur propre activité. Mon rôle dans ces auto-confrontations s’appuie sur
une position précise : solliciter les commentaires du sujet sur ce qu’il voit, relancer le
dialogue en repérant les évènements, gestes ou verbalisations qui inciteront le sujet à « faire
parler le travail ». Cette position que propose Y.Clot est difficile à tenir, car dans mon statut
d’intervenant interne, la question de ma capacité de distanciation se pose. Etant membres
de la même collectivité nous possédons en commun un certain nombre de représentations,
de valeurs, de comportements, un ensemble d’évidences partagées. G.Jobert (1992-4)
reconnaît que la coappartenance n’est guère favorable à la distanciation. Ainsi, mon activité
de questionnement, mes remarques, mon étonnement risque d’être réduit. Pour mes
collègues cela peut représenter une limite pour dépasser l’implicite et faire que l’espace de
la relation puisse être aussi un espace d’analyse. C’est le côté paradoxal de cette
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intervention. La rigueur méthodologique consistant à réaliser un premier niveau d’analyse
des données pour anticiper les auto-confrontations vise à me prémunir de la primauté de
mon angle de vue. Les auto-confrontations croisées, se basant sur l’échange entre les deux
sujets, tendent à neutraliser mon rôle d’interviewer.
L’observation seule serait insuffisante pour comprendre le travail comme le dit Y. Clot
(2005) « l’action observable n’est pas toute l’activité (...), l’activité propre des sujets ne
s’offre pas au regard direct ». Le réel de l’activité c’est aussi ce qui ne se fait pas, ce qu’on
cherche à faire sans y parvenir, ce qu’on aurait voulu faire ou encore ce qu’on fait sans
l’avoir voulu. L’opérateur par son langage, les paroles mises sur son action passée, da