CONSEIL D’ADMINISTRATION DE L’ORDRE DES TRAVAILLEURS...

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LES MEMBRES DU CONSEIL D’ADMINISTRATIONSECTEUR TRAVAIL SOCIAL

Région 01/11 - Bas-St-Laurent/Gaspésie/Îles-de-la-MadeleineDenis Arsenault

Région 02 - Saguenay/Lac-Saint-JeanDanièle Tremblay

Région 03/12 - Capitale-Nationale/Chaudière-AppalachesJosée MassonMarie-Josée DupuisSerge Turcotte

Région 04/17 - Mauricie/Centre-du-QuébecClaude Leblond

Région 05 - EstrieClaudette Guilmaine

Région 06/13 - Montréal/LavalNathalie BrosseauJohn Thomas CompassiAlain FredetJeannine LoiselleAllan PtackSylvio Rioux

Région 07 - OutaouaisGuylaine Ouimette

Région 08/10 - Abitibi/Témiscamingue/Nord-du-QuébecRolande Hébert

Région 09 - Côte-NordStéphane Verret

Région 14/15 - Lanaudière/LaurentidesMadeleine Laprise

Région 16 - MontérégieRachel BonneauSonia Gilbert

SECTEUR THÉRAPIE CONJUGALE ET FAMILIALESylvain Nadeau

Membres externes nommés par l’Office des professionsClaire DenisLucie GrangerJean-Luc HenryRolande Parent

COMITÉ EXÉCUTIFClaude Leblond, t.s., présidentSylvio Rioux, t.s., 1er vice-présidentRolande Hébert, 2e vice présidenteSerge Turcotte, trésorierJean-Luc Henry, membre nommé par l’Office des professionsdu Québec

CONSEIL D’ADMINISTRATION DE L’ORDRE DES TRAVAILLEURS SOCIAUX ET DES THÉRAPEUTESCONJUGAUX ET FAMILIAUX DU QUÉBEC 2010-2011 ET EMPLOYÉS DU SIÈGE SOCIAL

LE PERSONNEL DU SIÈGE SOCIAL

Président Claude Leblond, t.s.Assistante à la présidence Sara VeilleuxDirection généraleSecrétaire et directrice générale Ghislaine Brosseau, t.s.Assistante de direction Marie-Cécile PiogerSecrétaire Émilie GrégoireDirection des services administratifs et des technologies de l’informationDirectrice Sylvie TremblaySecrétaire administrative Rose-Myrlène DorivalTechnicienne en administration Carolina LoyolaCommis intermédiaire Mélissa NourryRéceptionniste Claire KinelskiService des communications et publicationsDirecteur Luc TrottierAgente de communication Anouk BoislardCoordonnateur de la revue Intervention Claude Larivière, t.s.Secrétaire Isabelle TessierDirection du développement professionnelDirectrice Natalie Beauregard, t.s.Chargée d’affaires professionnelles Marie-Lyne Roc, t.s.Chargé d’affaires professionnelles Alain Hébert, t.s.Chargée d’affaires professionnelles, t.c.f. Louise Roberge, t.c.f.Chargée de projets Sonia Bourque, t.s.Chargée de projets Lyse Gautier, t.s.Responsable du programme del’inspection professionnelle Jean-Yves Rheault, t.s.Secrétaire administrative(formation continue, service de références) Huguette HouleSecrétaire (inspection) Johanne MartelSecrétaire Tatiana PetrovaSecrétaire Lucie RobichaudSecrétaire Valérie Tengueu Motso Service juridiqueConseiller juridique Richard Silver, t.s., avocatDirection des admissionsDirectrice Marielle Pauzé, t.s.Assistante de direction Sylvie PoirierSecrétaire (réadmission) Nathalie FiolaSecrétaire (admission, médiation familiale) Carole PichéBureau du syndicSyndic Étienne Calomne, t.s.Syndics adjoints Marcel Bonneau, t.s.

Dennis Farley, t.s.Jacqueline La Brie, t.s.

Secrétaire (bureau du syndic) Nathalie FiolaComité de disciplineSecrétaire au comité de discipline Me Maria GagliardiSecrétaire au contrôle de l’exercice professionnel(discipline et révision) Tatiana PetrovaComité de révisionSecrétaire au contrôle de l’exercice professionnel Johanne Martel

PERSONNES-RESSOURCESClaude Larivière, coordonnateurIsabelle Tessier, secrétaireLuc Trottier, directeur des communicationsDenise Bernard, indexationMuriel Dérogis, réviseure linguistiqueLithographie SB, montage et impression

NB – Les articles publiés dans cetterevue n’engagent que la responsabilitéde leurs auteurs et n’expriment pasnécessairement les points de vue del’Ordre. La reproduction en tout ou enpartie du contenu de cette revue estpermise à la condition d’en mentionner la source.

N.B. – Articles in this publication arethe sole responsibility of their authorsand not of the Ordre. Reproduction, in whole or in part, of the contents ofthis magazine is allowed only if thesource is mentioned.La revue Intervention est indexée dans Repère, DOCUmensa,

Index de la Santé et des Services sociaux et dans Social Services Abstracts

Dépôt légalBibliothèque et Archives nationales du Québec —Bibliothèque et Archives Canada — ISSN 0713-4290Poste publication convention 1502662

INTE

RVE

NTIO

N COMITÉ DE LA REVUEIsabelle Côté, présidenteGeneviève PichéLouise ProvostValérie RoyMarie Senécal ÉmondClaire TranquilleLuc Trottier, membre ex-officio

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La formation en travail social et en thérapie conjugale et familiale Sommaire

No 132 (2010.1)

Éditorialpar Geneviève Piché et Valérie Roy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

Articles thématiquesDescription et enjeux actuels de l’agrément de la formation en travail social au Canadapar Benoît van Caloen et Jocelyn Lindsay . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6Tendances actuelles au sujet de la formation en service social des groupespar Jocelyn Lindsay, Valérie Roy, Daniel Turcotte et Michel Labarre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15Le portfolio de développement professionnel en travail social : une valeur ajoutée pour la formation pratique à l’UQARpar Sacha Genest Dufault et Eve Bélanger . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25La collaboration interprofessionnelle : une compétence à superviser en service socialpar Line Paré . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36La formation pratique lors d’un stage international en travail social et le développement d’habiletés en intervention interculturellepar Dominique Mercure, Halimatou Ba et Pierre Turcotte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44Premier regard sur l’implantation de la politique de formation continue à l’Ordre des travailleurs sociauxet des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québecpar Annie Gusew, Sonia Bourque et Natalie Beauregard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53La migration internationale des travailleurs sociaux : un survol du contexte et des enjeuxpour la formation en service social au Québecpar Annie Pullen-Sansfaçon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64La formation des travailleurs sociaux français à l’heure européennepar Geneviève Crespo, François Dubin et Claude Larivière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75

Articles hors thématiqueThe Emerging Field of Cybercounselling: Personal and Professional Reflectionsby Lawrence Murphy, Paul Parnass, Dan Mitchell and Susan O’Quinn . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84Validation du contenu d’un instrument de mesure de la surcharge parentale pour les famillesdont un enfant présente une incapacitépar Marie Le Bourdais, Claire Dumont, Luce Leclerc, Amélie Rajotte et Sylvie Tétreault . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94Violence dans l’enfance, qualité des relations avec les parents et attitudes éducativesà l’égard de la violencepar Marie-Ève Clément et Edith Boileau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104Poser la question du « genre » dans le travail social : une contribution européennepar Bernard Fusulier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114

Pistes de lectureMobilité, réseaux et résilience : le cas des familles immigrantes et réfugiées au Québecde Michèle Vatz Laaroussicommenté par Marie Senécal Émond . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 124Vivre une garde partagée, une histoire d’engagement parentalde Claudette Guilmainecommenté par Claire Leduc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126Introduction à l’intervention auprès des victimes d’actes criminelsde Jean Boudreau, Lise Poupart, Katia Leroux et Arlène Gaudreaultcommenté par Isabelle Côté . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129

Politique éditoriale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131Editorial Policy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132

INTERVENTION No1322

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INTERVENTION No132 3

La formation en travail social et en thérapie conjugale et familiale

Dans le contexte de l’interdisciplinarité des savoirs et des pratiques, la formation est une assise fonda-mentale de l’identité professionnelle des travail-

leurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux.Au cours de son parcours d’acquisition de connaissances,

il s’agit d’un cheminement à travers lequel le travailleur social ou le thérapeute conjugal et familialen devenir développera son savoir-être et son savoir-faire, et durant lequel il fera également face àde nombreux défis. Il devra apprendre à prendre conscience de ses biais, de ses présupposés et deses préjugés qui pourraient influencer tant l’évaluation initiale de la situation que l’intervention. Ildevra apprendre à agir différemment selon les problématiques sociales et familiales complexes etdiversifiées. Le futur travailleur social ou thérapeute conjugal et familial devra intégrer égalementles valeurs, les obligations éthiques et les principes inhérents à sa nouvelle profession, ainsi queconnaître celles des professions connexes afin de faciliter la collaboration interprofessionnelle. Il devra connaître les politiques et les programmes sociaux et les différents cadres législatifs entourant sa pratique.

Plus récemment, de nouveaux défis se présentent au travailleur social ou au thérapeute conjugal et familial en devenir, tels que les changements démographiques et sociaux, les transformationsfamiliales et l’utilisation des avancées technologiques dans l’intervention. L’Ordre et plus spécifi-quement les institutions d’enseignement doivent donc être en mesure de répondre à la fois auxobjectifs de formation pratique et théorique, mais aussi à ces défis nombreux et diversifiés. Afin de s’adapter à ces exigences, des changements politiques s’opèrent (par exemple, la formationcontinue) et de nouvelles approches pédagogiques émergent depuis quelques années. Ainsi, pour toutes ces raisons, il était important de se pencher sur la formation en travail social eten thérapie conjugale et familiale. En lien avec cette thématique, différents aspects de la formationont été abordés au sein de ce numéro spécial, témoignant ainsi des activités et des préoccupationsactuelles de nos membres. Les cinq premiers articles traitent des questions liées à la formation initiale des travailleurs sociauxou des thérapeutes conjugaux et familiaux, que ce soit le contenu des programmes canadiens, des stratégies et des contenus d’enseignement dans la formation universitaire, et des avenuesnovatrices en formation pratique. Ainsi, l’article de Benoît van Caloen et Jocelyn Lindsay présentel’Association canadienne pour la formation en travail social et ses instances, et discute des enjeuxactuels liés au processus d’agrément. L’article suivant aborde la question plus spécifique de la formation à la méthode d’intervention de groupe en service social. Jocelyn Lindsay, Valérie Roy, Daniel Turcotte et Michel Labarre nous expli-citent une actualisation des tendances et des défis reliés à la formation en intervention de groupeainsi que certaines stratégies pédagogiques utiles pour l’enseignement de cette méthode. Sacha Genest Dufault et Eve Bélanger approfondissent quant à eux l’utilisation du portfolio commestratégie pédagogique et sa valeur ajoutée pour notre profession. À l’Université du Québec àRimouski (UQAR), les étudiants en travail social expérimentent présentement le portfolio dedéveloppement professionnel en lien avec la formation pratique.

Éditorial

Geneviève Piché

Valérie Roy

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INTERVENTION No1324

Les deux articles suivants mettent l’accent sur les stages de formation pratique dans le cadre desprogrammes de baccalauréat. L’article de Line Paré traite du défi du développement des savoirs liés à la collaboration interprofessionnelle. L’auteure nous dévoile le nouveau projet de formationpratique à la collaboration interprofessionnelle de l’Unité de médecine familiale Haute-Ville duCentre de santé et de services sociaux de la Vieille-Capitale. L’article décrit le contexte dans lequels’inscrit le projet, les étapes préparatoires à la supervision de la formation pratique à la collabora-tion interprofessionnelle et quelques éléments de l’évaluation du projet. Dominique Mercure,Halimatou Ba et Pierre Turcotte abordent quant à eux les enjeux et les opportunités d’apprentissagespécifiques du stage international. À partir de leur expérience vécue au Sénégal, les auteurs dis -cutent notamment des exigences de la supervision pédagogique nécessaires au développement des compétences professionnelles dans des contextes culturels différents.Les trois derniers articles sur cette thématique traitent de questions liées à la formation continuedes travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux. L’article d’Annie Gusew, NatalieBeauregard et Sonia Bourque décrit le processus qui a conduit l’Ordre à adopter la politique deformation continue et de quelle façon les membres de l’Ordre se sont approprié le plan annuel deformation continue et le registre annuel. Les auteurs nous présentent les résultats d’une rechercheportant sur la correspondance entre le plan que les membres se donnent et le registre où ils pré -cisent comment ils ont concrétisé leurs intentions. Ils en dégagent des pistes de réflexion sur ledéveloppement professionnel. Les articles d’Annie Pullen-Sansfaçon et de Geneviève Crespo, FrançoisDubin et Claude Larivière soulèvent de leur côté les enjeux de formation dans un contexte de mobi-lité des intervenants. L’article d’Annie Pullen-Sansfaçon s’intéresse de façon plus particulière auxenjeux de formation soulevés par la migration professionnelle des travailleurs sociaux au Québec.L’auteure discute du phénomène de la migration de la main-d’œuvre formée en travail social, ainsi que des politiques sociales et des règlements pertinents s’y rattachant. Quant à l’article deGeneviève Crespo, François Dubin et Claude Larivière, il pose la question de l’intégration et de l’har-monisation de la formation professionnelle en travail social en France. Les auteurs discutent desajustements et des choix décisifs privilégiés par les écoles de travail social dans ce pays pour effec-tuer cette transition vers l’atteinte des normes européennes, ce qui facilitera la mise en applicationde l’entente France-Québec sur la mobilité de la main-d’œuvre professionnelle.Sans aborder de façon spécifique la formation, l’article de Lawrence Murphy, Paul Parnass, DanMitchell et Susan O’Quinn, portant sur l’émergence de l’utilisation de la cyberthérapie en travailsocial, souligne la nécessité d’une formation spécialisée pour les intervenants qui souhaitent travailler dans ce contexte. L’article précise notamment les enjeux éthiques soulevés par cettepratique en émergence. Le numéro inclut trois autres articles hors thématique. Deux articles sont issus de recherches empi-riques et seront utiles pour la formation continue des intervenants liée aux problématiques fami-liales. Marie Le Bourdais, Claire Dumont, Luce Leclerc, Amélie Rajotte et Sylvie Tétreault nous exposentune étude sur la validité de contenu d’un instrument d’évaluation de la surcharge parentale, liée à la présence, dans la famille, d’un enfant ayant des incapacités physiques. L’article de Marie-ÈveClément et Edith Boileau traite des résultats d’une étude empirique portant sur l’ampleur et la cooc-currence de la violence et de la maltraitance dans l’enfance ainsi que sur l’influence de la qualitédes relations avec les parents et des attitudes face à la violence dans l’éducation des enfants. Enfin,sur un tout autre registre, Bernard Fusulier pose la question du genre en travail social. Son articlemet en évidence l’importance de s’interroger sur les rapports sociaux de sexe, les stéréotypes quitraversent les schèmes de perception et d’interprétation du monde, les phénomènes de ségrégationet de hiérarchisation sociale selon les sexes. Enfin, trois pistes de lecture vous sont suggérées. Tout d’abord, Marie Senécal Émond examine lelivre Mobilité, réseaux et résilience : le cas des familles immigrantes et réfugiées au Québec quipropose de comprendre différemment les questions d’intégration et de migration.

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Puis Claire Leduc parle de l’ouvrage Vivre une garde partagée, une histoire d’engagement parental, unoutil de tout premier ordre pour ceux et celles qui travaillent avec des familles qui se questionnentsur la garde partagée.Enfin, Isabelle Côté fait état du travail colossal des auteurs du volume Introduction à l’interventionauprès des victimes d’actes criminels, qui ont mis à jour les 20 dernières années d’évolution de lavictimologie et des lois et des services destinés aux victimes québécoises.

Bonne lecture!

Geneviève Piché et Valérie RoyPour le comité de la revue Intervention

INTERVENTION No132 5

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parBenoît van Caloen1, Ph. D., t.s.Professeur titulaire Chercheur Équipe de recherche sur les transitions et l’apprentissage (ÉRTA) Département de service social Université de SherbrookeCourriel : [email protected]

Jocelyn Lindsay1, Ph. D., t.s.ProfesseurDépartement de service socialUniversité Laval

History of the Canadian Association for SocialWork Education (CASWE). Role of the Board of Accreditation and the Canadian social workcurriculum accreditation process.Historique de l’Association canadienne pour la formation en travail social (ACFTS). Rôle duBureau d’agrément et processus d’agrémentdes programmes en travail social.

En mai 2009, l’Association canadienne pour laformation en travail social (ACFTS) a décidéd’enclencher un processus de réflexion et derévision en profondeur, s’interrogeant sur samission, son processus d’agrément et certainsaspects de sa gouvernance. Cette démarcherépond à un besoin de mise à jour de l’associa-tion afin de mieux répondre aux réalités acadé-mique et professionnelle actuelles, et fait suite à des travaux antérieurs (parmi d’autres St-Amant, 2008). Deux groupes de travail ontété mis en place, l’un concernant l’agrément, et l’autre, la gouvernance. À ce stade-ci, soit à l’hiver 2010, les constituantes ont été consul-tées : le conseil d’administration, les doyens et

les directeurs, le bureau d’agrément. Plusparticulièrement sur l’agrément, un largesondage s’adressant à tous les membres a étéréalisé grâce au site web de l’association, et areçu une attention appréciable.

À la suite des consultations et d’autres travaux,les groupes de travail mettent au point degrandes orientations sur la nature et l’ampleurdes changements à apporter. Ces orientationsseront proposées sous peu sur le site web del’Association, afin d’être discutées à l’assembléegénérale de mai 2010. Après ces discussions,l’élaboration et la réalisation précise des chan-gements retenus devraient être effectuéespendant l’année 2010-2011, pour être à leur tour adoptés à l’assemblée générale de 2011.

Au cours de cet article, nous présenteronsd’abord l’ACFTS et ses organes, ensuite leprocessus d’agrément et ses objectifs, puis un bref historique qui nous a menés où noussommes actuellement et enfin nous cerneronsle contexte et les enjeux actuels associés à l’agrément.

L’ACFTS et ses organes

L’ACFTS est un organisme sans but lucratif,dirigé par un conseil d’administration et quicomprend le bureau d’agrément, le comité derédaction de la revue, huit comités permanents(par exemple : le comité de politiques de formation, le comité étudiant, le comité descoordonnateurs et superviseurs de stages, etc.)et trois commissions, s’occupant plus particu-lièrement des besoins de groupes de popula-tion spécifiques (ACFTS, 2005a). Il y a deuxréseaux affiliés, soit le Regroupement desunités de formation universitaire en travailsocial (RUFUTS), qui comprend l’ensemble des écoles francophones, et l’Indigenous Social Work Educators’ Network (ISWEN) ouThunderbird Nesting Circle, qui est composédes Premières Nations. Fondé en 1978, leRUFUTS a pour but de promouvoir et desusciter une concertation sur la formation entravail social en français. Il entretient des liens

Description et enjeux actuels del’agrément de la formation entravail social au Canada

INTERVENTION No1326

Intervention, la revue de lʼOrdre des travailleurssociaux et des thérapeutes conjugaux

et familiaux du Québec. Numéro 132 (2010.1) : 6-14.

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privilégiés avec l’ACFTS, qui assure l’entièretéde son financement.

L’ACFTS compte différents types de membres,soit des membres individuels, institutionnels (lesécoles), étudiants et honoraires. Les membres,les comités et les commissions votent les chan-gements à la constitution, aux politiques péda-gogiques et aux normes d’agrément, et élisentle conseil d’administration lors des assembléesgénérales annuelles. L’assemblée générale estl’organe décisionnel le plus important.

Parmi les proches collaborateurs, il fautd’abord nommer l’Association canadienne des doyens et directeurs des écoles de servicesocial dont l’agrément est en cours.L’Association canadienne des travailleurssociaux (ACTS) est un autre allié important sur le plan professionnel. À un autre niveau, à l’international, l’ACFTS est membre de laNorth American and Caribean Association of Schools of Social Work (NACASSW) et de l’Association internationale des écoles detravail social (AIETS). Des liens particuliers ont été développés avec nos vis-à-vis du Sud, leCouncil of Social Work Education (CSWE), quise traduisent entre autres par une participationde plusieurs écoles à leur conférence annuelle,par un stand d’exposition, ainsi que par unedélégation officielle en la personne du prési-dent de l’ACFTS. De plus, une entente dereconnaissance mutuelle des programmesagréés a été signée en juin 2006.

Enfin, le bureau national, comptant actuelle-ment deux employées, pourvoit au soutien des activités de l’association, ainsi qu’à sagestion quotidienne.

Le financement de l’ACFTS provient enmajeure partie des cotisations des écoles ainsique, plus modestement mais de manière signi-ficative, des cotisations des membres. Lamajeure partie du budget est consacrée à lapermanence, soit actuellement aux salaires desdeux employées du bureau national d’Ottawa.Toutes les personnes siégeant aux différentsorganes sont bénévoles.

Parmi les divers organes de l’ACFTS, c’est trèscertainement le bureau d’agrément qui a lemandat le plus important, soit le contrôle dequalité des programmes de formation en tra-vail social à travers le Canada.

Le processus d’agrément

Le bureau d’agrément de l’ACFTS révise lesprogrammes agréés des écoles tous les sept ansselon le manuel d’agrément. Les politiques deformation (ACFTS, 2007) et les normes d’agré-ment, ainsi que les procédures d’agrément(ACFTS, 2009a; ACFTS, 2009b) font l’objetd’une révision continue par le biais d’uneconsultation auprès des membres de l’ACFTSet peuvent être modifiées à l’assemblée générale annuelle. Le bureau d’agrément est un organisme semi-indépendant qui est composé d’au plus15 membres nommés par le conseil d’adminis-tration, soit des formateurs ou formatrices entravail social et des praticiens et praticiennesqui, en vertu de leurs intérêts ou de leur expé-rience, peuvent aider l’ACFTS à maintenir laqualité de la formation en travail social. Lebureau d’agrément est chargé de l’évaluationinitiale et périodique des programmes d’étudesconformément aux normes de formation uni-versitaire en travail social au baccalauréat et àla maîtrise.Le processus d’agrément comprend plusieursétapes. Avant d’obtenir son agrément initial, unprogramme a le statut de candidat pendant unepériode d’au plus cinq ans. Le renouvellementde l’agrément doit être fait tous les sept ans.Dans une démarche de demande d’agrément,la production du rapport d’auto-évaluation par l’unité concernée, la visite du site ainsi quel’analyse des documents et la prise de décisionpar le bureau sont des étapes exigeantes enmatière de quantité de travail demandée et desconséquences de ces décisions. Il faut aussi biencomprendre que le travail d’analyse requis neporte pas uniquement sur le contenu du pro-gramme puisque l’énoncé de mission, lesdimensions administratives, l’équipe professo-rale et de soutien, la population étudiante, leprogramme lui-même ainsi que la formationpratique, aspect très important dans l’éduca-tion au travail social, sont pris en considération. Sur recommandation de l’assemblée générale,les politiques pédagogiques sont produites par le comité permanent de politiques pédago-giques, puis approuvées par l’assemblée géné-rale. La constitution de l’ACFTS prévoit que les nouvelles politiques pédagogiques soientsoumises au conseil d’administration pour

INTERVENTION No132 7

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approbation, avant approbation finale lors del’assemblée générale. Toutefois, ces dernièresannées, le conseil d’administration s’est contentéde transmettre les nouvelles politiques directe-ment à l’assemblée générale.

Objectifs de l’agrément

L’agrément a visé historiquement les objectifssuivants : 1) promouvoir la formation à la pra-tique du service social au Canada; 2) formulerdes critères devant servir à l’évaluation desprogrammes de formation conçus pour lapréparation des étudiants à la pratique duservice social; et 3) aider à l’implantation deprogrammes de formation conçus pour lapréparation des étudiants à la pratique duservice social. Cet agrément a été mis en placeafin que les écoles canadiennes et québécoisespuissent affirmer leur identité concernant laprofession et la formation en travail social auCanada, plutôt que de suivre les États-Unis(ACFTS, 2006).

Comme peu de nouveaux programmes sontmis sur pied aujourd’hui, le rôle principal de l’agrément est de contrôler la qualité desprogrammes de formation en travail social au niveau du baccalauréat et de la maîtrise. Il s’agit d’un processus d’évaluation entrepairs, comme cela se fait dans plusieurs autres disciplines. Le processus d’évaluationest principalement axé sur le contenu des programmes (input).

L’importance du contrôle de qualité des pro-grammes de formation professionnelle estévidente. Le processus actuel est basé surl’évaluation par les pairs. En fait, les comités de pairs sont très répandus dans le mondeuniversitaire et évaluent des éléments trèsvariés tels que les programmes de formation,des projets de recherche, la performance descollègues en vue de leur promotion, etc. Dansle domaine de l’évaluation de programmes deformation, ces comités composés de profes-sions d’origines disciplinaires suffisammentapparentées permettent de tenir compte desspécificités des disciplines et des professions,ainsi que de comprendre et de prendre encompte les contextes particuliers. Cependant :

« Comme d’autres professions, la formation entravail social doit rivaliser avec des tendanceslourdes qui ont touché l’éducation universi-

taire [américaine] : l’escalade des frais descolarité, des étudiants mal préparés à laformation professionnelle, un corps étudiantde plus en plus diversifié, des exigencescontradictoires des partenaires, et une formation politisée, parmi d’autres.

« Par conséquent, toute autorité d’agrémentefficace doit négocier un ensemble de ques-tions épineuses (Stoez et Karger, 2009, traduction libre) ».

Outre le contexte qui pose des défis particu-liers, la pertinence et l’efficacité du processusd’agrément actuel afin de contrôler la qualitédes programmes de formation sont remises enquestion : « It is time for social work educatorsto seriously consider new options for accredita-tion and examine the institutional mechanismsfor bringing them to fruition » (Feldman, 2009 :126)2.

De manière plus virulente, l’American Councilof Trustees and Alumni (2007) remet en causela capacité même du processus d’agrément àgarantir la qualité de la formation, et lui imputedifférents effets négatifs, comme diminuerl’autonomie et la diversité institutionnelle,l’augmentation des coûts, etc. Sont égalementremis en cause, notamment, l’efficacité descomités de pairs, l’évaluation du contenu tout enignorant les compétences acquises (input/output),l’effet centralisateur d’un organisme d’agré-ment national, l’uniformisation de la formation,le manque de transparence du processus, etc.

Même si ce commentaire nous paraît quelquepeu excessif, la question est pertinente et nousy reviendrons ci-dessous.

Notons que dans le domaine de l’agrément deformations professionnelles, les comités depairs sont un choix parmi d’autres. D’autresinstitutions, comme les organismes de régle-mentation, des associations professionnelles et certaines universités, souhaitent jouer un rôle de plus en plus important dans le proces-sus d’agrément. Cette tendance pourrait intro-duire d’autres modèles d’agrément. Certainsorganismes de réglementation en particulierprônent une approche par compétences.

Ainsi, à travers le Canada et le Québec, lesécoles, qui ont suivi le processus d’agrément,offrent en principe un niveau de formationcomparable. Le processus permet des varia-tions, entre autres régionales, mais l’accent est

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mis sur l’équivalence des formations. Prenonsici comme exemple la formation de baccalau-réat en travail social au Québec (d’une durée de trois ans après les deux années de formationgénérale au cégep), que l’on peut comparer aux quatre années universitaires dans le restedu Canada.

Revenons à la question de l’efficacité : com-ment s’assurer que les comités de pairs fassentvraiment leur travail de contrôle de qualité? La reconnaissance du processus par d’autresinstances est un indice indirect : ainsi les orga-nismes de réglementation admettent les finis-santes des programmes agréés dans leursordres et leurs collèges, toutefois non sanscertaines insatisfactions. De la même façon,certaines universités admettent l’agrémentcomme un mode de révision valide à l’interne.Chaque instance ayant ses propres enjeux, il estdifficile de répondre à tous les niveaux par unmême processus. Enfin, la satisfaction desécoles, les premières intéressées, n’est malheu-reusement pas un indice univoque : en effet,cette satisfaction ou insatisfaction peut être liée à un ensemble d’éléments, plus ou moinsen lien avec le processus d’agrément.

Un moyen pour assurer la mise à jour et lahaute qualité des processus d’agrément, c’estd’avoir un organisme qui « accrédite les accré-diteurs », qui révise les réviseurs. Un tel orga-nisme existe aux États-Unis et dans d’autrespays où les organes d’agrément pourraient en principe perdre leur reconnaissance. AuCanada, l’Association des agences d’agrémentdu Canada regroupe les organismes d’agré-ment pour la formation de 30 professions, maisl’adhésion est volontaire. L’ACFTS n’en est pasmembre à ce jour. Nous reviendrons sur cettequestion lorsque nous aborderons les enjeuxactuels de l’agrément.

Les comités de pairs ont l’avantage de soutenirdes objectifs typiquement universitaires, telsque la recherche et le développement desconnaissances, qui sont des éléments essentielsau développement de l’identité professionnelle,au maintien de sa crédibilité et à la promotionde nouvelles pratiques. De la même façon, ilfaut noter l’importance des programmes dedoctorat comme lieu de préparation des futursformateurs. Toutefois, au Canada, ce niveau deformation n’est actuellement pas assujetti à une

démarche d’agrément, ce qui est le cas enpsychologie, par exemple.

Comme indiqué précédemment, il existe diffé-rents modèles de contrôle de qualité pour laformation professionnelle tant dans le domainedu travail social à l’international, que dansdiverses professions au Québec et au Canada.Nous en citons brièvement quelques exemplesci-dessous, l’espace du présent article ne per-mettant pas d’aller plus en détail. La synthèsequi suit est issue du travail exploratoire lié auprocessus de révision de l’ACFTS (Thompson,2009; Mesbur, 2009).

Par exemple, au Royaume-Uni, tous les travail-leurs sociaux et leurs employeurs sont obliga-toirement enregistrés auprès du General SocialCare Council. Tous les programmes de forma-tion doivent être approuvés par la même ins-tance, à la suite d’un processus d’agrémentassez détaillé et normatif, évaluant princi -palement le contenu des programmes. Lesemployeurs et les usagers sont associés audéveloppement des programmes de formation.

En Australie, la profession n’a pas de méca-nisme obligatoire de régulation. L’agrément y est volontaire et est fondé sur des principesgénéraux, des objectifs et l’analyse des résultats.

Aux États-Unis, le processus d’agrément étaitcomparable au nôtre jusqu’à tout récemment et portait sur l’examen du contenu des pro-grammes à l’aide d’une série importante denormes relativement normatives. L’instancecentrale d’agrément des accréditeurs a décidé il y a quelques années que tous les organismesd’agrément devaient passer à un agrément basésur les résultats (outcome), soit les compétencesà acquérir. Le CSWE a donc mis en place unnouveau processus basé sur 10 compétences debase très générales (CSWE, 2008) et les écolesdoivent démontrer comment les programmesen permettent l’atteinte.

En Ontario, l’agrément des programmes deformation en sciences infirmières se fait à partirde huit domaines très généraux. Les facultés de droit n’ont pas d’agrément de programmes,mais l’ordre professionnel contrôle l’admissionpar l’examen du Barreau, ce qui a automatique-ment une influence sur la formation. Les ingé-nieurs ont un examen d’entrée à l’ordre ainsique l’agrément des programmes de formation.

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En résumé, nous pouvons relever différentsmodèles de processus d’agrément :

• le processus d’agrément est fondé sur lecontrôle de qualité de la formation pro -fessionnelle, mais là encore existent desmodèles différents comme le fait d’être basé sur le contenu ou le résultat, sur desnormes générales ou détaillées, normativesou indicatives, etc.;

• le processus d’agrément porte sur uncontrôle de qualité par l’admission à l’ordre professionnel (examen d’entrée);

• dans certains pays, certaines professionsn’ont ni examen d’entrée ni agrément desprogrammes de formation, d’autres ont l’unou l’autre, d’autres encore les deux. Parexemple, les ingénieurs ont l’un et l’autre,les avocats seulement un examen d’entrée,les infirmières seulement l’agrément desprogrammes, le travail social dans la plu-part des pays européens ni l’un ni l’autre.

L’exploration du processus d’agrément dansd’autres professions, ainsi que du travail socialdans d’autres pays, a conduit l’ACFTS à s’inter-roger sur la pertinence de l’agrément par lespairs tel que nous le connaissons, ainsi que sur d’autres modèles d’agrément. En d’autresmots, l’ACFTS se demande quel modèle seraitvraiment efficace pour les programmes deformation en travail social.Après ce survol, nous présentons un bref historique de l’association, afin de montrer lechemin parcouru et ce qui nous amène à lasituation actuelle.

L’historique de l’ACFTS de 1966 à aujourd’hui

Cette première partie a été élaborée à partir dedifférents documents d’archives de l’ACFTS(particulièrement le rapport annuel de son40e anniversaire d’existence, ACFTS, 2006).Établie officiellement en 1967 pour succéder au Comité national des écoles canadiennes de service social (CNÉCSS, établi en 19483),l’Association canadienne des écoles de servicesocial (ACESS)4 poursuivait les buts suivants :1) promouvoir la formation à la pratique duservice social au Canada; 2) formuler descritères devant servir à l’évaluation des pro-grammes de formation conçus pour la prépa -ration des étudiants à la pratique du service

social; 3) aider au développement deprogrammes de formation conçus pour lapréparation des étudiants à la pratique duservice social; et 4) représenter les intérêtscollectifs de ses membres face aux autres organismes éducationnels, professionnels,communautaires ou institutionnels.

Avant 1967, il n’existait pas d’organisme centralisé pour la coordination et la promotionde la formation en service social au Canada. LeCNÉCSS existait mais, en raison de ressourcesfinancières limitées, son mandat était restreint.Les écoles désirant obtenir l’agrément s’adres-saient au Council of Social Work Education(CSWE), aux États-Unis.

Le besoin s’est fait sentir peu à peu de dévelop-per des modèles de formation professionnellequi refléteraient la réalité canadienne, ce qui futmis de l’avant lors du congrès de 1966 (Rapportdu directeur général, cité dans ACFTS, 1977).En conséquence, en mai 1967, un organismepermanent fut créé pour la coordination et laplanification des modèles de formation entravail social, fonctionnant en partenariat avec les formateurs et formatrices à travers le Canada. C’est ainsi que l’Association canadienne pour l’éducation en service social a vu le jour.

Au cours de ces années-là, la formation entravail social au Canada se développait rapi -dement. De 1965 à 1970, huit nouvelles écolesvoyaient le jour de sorte qu’en 1972, 18 uni -versités au total offraient des programmes detravail social (Statistique Canada, 1972, citéedans ACFTS, 1977). Il devenait évident que laréalité de la formation au Canada différait decelle aux États-Unis, et les écoles canadiennesrecherchèrent une structure adaptée aux diffé-rentes particularités provinciales et qui garan-tisse la qualité de la formation en travail sociald’un bout à l’autre du pays (ACFTS, 1977).L’ACFTS, comme elle a été rebaptisée récem-ment dans un objectif de plus grande inclusion,continue à jouer ce rôle aujourd’hui. Cependant,son mandat s’est diversifié au fil des années,comme on le verra ci-dessous.L’ACFTS est une association bénévole, natio-nale, qui réunit les facultés, les écoles et lesdépartements offrant une formation profes-sionnelle en travail social au baccalauréat, à la maîtrise et au doctorat (ACFTS, 2005b).

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L’ACFTS s’est donné comme mission de « pro-mouvoir les normes, l’efficacité et la pertinencede la formation et du savoir dans le domainedu service social au Canada, et dans les autrespays par sa participation active aux associa-tions internationales » (ACFTS, id.). Ses man-dats comprennent : 1) le développement depolitiques et de normes pédagogiques;2) l’agrément des programmes de formation en travail social; 3) la recherche et la promotionde l’activité scientifique; 4) l’encouragement dela transmission du savoir au moyen de confé-rences publiques et de publications; et 5) l’ana-lyse critique des commentaires publics sur lesenjeux qui affectent la formation des travail-leurs sociaux et travailleuses sociales (ACFTS,id.). Ces dernières années, seuls les mandatsconcernant l’agrément des programmes, laconférence annuelle et la Revue canadienne deservice social ont réellement été mis en œuvre. Au cours de son existence, l’Association aobtenu du financement, entre autres, de lafondation Laidlaw (fin des années 1960) et du ministère fédéral des Ressources humaines,durant les années 1990. Elle a également obtenudes fonds de recherche et contribué à différentsprojets de recherche durant ces décennies.Après s’être questionnée sur la pertinence depoursuivre elle-même de la recherche, l’ACFTSà l’époque a considéré que cette activité requé-rait trop de ses ressources, au détriment de sesmandats premiers. Par conséquent, ce typed’activité a été abandonné. La perte de res-sources financières en soutien à son fonction -nement n’est pas étrangère au manque decapacité actuel de l’ACFTS à réaliser ses différents mandats.Après avoir présenté brièvement l’associationet ses organes, le processus d’agrément et sonhistorique, nous abordons dans la sectionsuivante les défis et les enjeux actuels que nous pouvons cerner.

Enjeux actuelsD’une manière générale, le travail social auQuébec et au Canada fait face à des change-ments multiples portés par deux tendancescroissantes, que l’on observe d’ailleurs auCanada dans d’autres professions et à l’étran-ger. D’une part, la profession doit mieux surveiller la pratique professionnelle, d’autrepart, elle doit augmenter les exigences deformation préalable.

Quels sont les enjeux plus particuliers auxquelsla profession et la formation en travail socialdoivent faire face?

• Le contexte international changeant a unimpact sur la pratique et sur la formation.Ainsi, les accords commerciaux de libre-échange et de libre circulation des per-sonnes, comme l’Accord de libre-échangenord-américain, l’entente France/Québectouchant certaines professions, ont unimpact sur la reconnaissance de formationspotentiellement différentes. Certains de cesaccords impliquent l’admission automa-tique auprès des ordres et des collèges ouaprès un examen d’entrée qui préserve unpotentiel d’ajustement à travers les équiva-lences professionnelles et un complémentde formation, deux domaines où les univer-sités sont interpellées.

• L’accord de libre-échange interprovincialpose également quelques défis. En effet, lesorganismes de réglementation de certainesprovinces reconnaissent des formations deniveaux différents, sans nécessairementtraduire le niveau de formation en desniveaux professionnels différents. La diffé-renciation des compétences acquises àchaque niveau pourrait faire avancer ledossier, toutefois, les différents partenairess’en tiennent le plus souvent à un langageflou qui ne permet pas un départage réel.

• L’étendue de la pratique représente un autre enjeu. Le travail social a souvent uneidentité hésitante et a du mal à défendre sapratique dans un champ du social en explo-sion où de plus en plus de professionsreconnaissent l’importance du social et s’yintéressent et où nombre de professionsapparaissent et se développent dans ledomaine du social. D’autres professionstentent de sauvegarder leur champ enaugmentant la formation pour obtenir ledroit de pratiquer (passage à la maîtrise ouau doctorat). Par exemple, les psychoéduca-teurs doivent maintenant être dotés d’unemaîtrise et les psychologues, du doctorat. Letravail social doit-il suivre cette tendance?Qu’en est-il alors de la reconnaissanceprofessionnelle des techniciens en travailsocial formés au cégep?

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• Le développement de la recherche et despublications scientifiques est un enjeu detaille. Certains critiques remettent en ques-tion le développement réel de nouvellesconnaissances dans le champ du travailsocial par de la recherche reconnue et pardes publications dans des revues de hautniveau, disant que beaucoup de professeursont une production universitaire qui seraitinacceptable dans d’autres disciplines (Stoezet Karger, 2009). Par ailleurs, pour fonderl’identité du travail social, le développe-ment d’un corpus de connaissances propreest primordial. La critique indique égale-ment que l’agrément n’a pas réussi à inflé-chir réellement cette situation.

• La formation et ses modes de dispensationconnaissent des changements importants.Au point de vue géographique, la formationhors campus et la formation à distancechangent radicalement le rapport professeur-étudiant ainsi que les outils pédagogiquesutilisés. À un autre niveau, le changementd’approche pédagogique dans la formationprofessionnelle, tel l’enseignement parproblème ou par compétence, pose unesérie de défis. Dans certaines universitésquébécoises, la médecine, le génie et l’ergo-thérapie sont passés à ce type d’approchepédagogique. Cette approche modifiefondamentalement les rôles du formateur et de l’étudiant et pourrait contribuer à poser un regard nouveau sur la pratique professionnelle.

• L’implication croissante des organismes de réglementation en est un autre. L’État etles employeurs ont tendance à exercer uncontrôle accru sur les pratiques profession-nelles, les praticiens devant être membresde leurs ordres respectifs, dans une perspec-tive de reddition de comptes (accountability).Les organismes de réglementation sontdirectement concernés par ce processus etveulent de plus en plus s’impliquer dans ledéveloppement et le contrôle de qualité desprogrammes de formation.

• Enfin, la nécessité d’établir une meilleurecollaboration avec un plus grand nombre de partenaires est incontournable. Quoiqueplusieurs partenaires, dont les doyens et lesdirecteurs, les étudiants, les coordonnateurs

de formation pratique, le RUFUTS etISWEN soient associés par une représenta-tion directe au conseil d’administration de l’ACFTS, plusieurs autres partenairesimportants, tels les organismes de régle-mentation, l’ACTS, les employeurs, voire lesusagers, ne le sont pas. Dans le contexte oùle champ du social est envahi par diffé-rentes professions, le travail social gagneraità parler d’une seule voix.

Dans un contexte troublé par ces différentsenjeux, l’ACFTS fait face à ses propres défis :

• Le manque de ressources. L’associationrepose en très grande partie sur les contri-butions des écoles. Ce constat impose deslimites drastiques à son action, au point deremettre en question les mandats reliés à laconférence annuelle et à la revue, et a desconséquences sur la stabilité du personnelau bureau national. D’une manière géné-rale, l’association éprouve des difficultés de recrutement constantes pour toutes ses constituantes. Le bénévolat n’est pasreconnu comme production académique etdes tâches qui exigent beaucoup de tempspeuvent avoir un effet négatif sur la carrièredes professeurs.

• La politique d’agrément. Les normesd’agrément sont trop détaillées et indiffé-renciées quant à leur importance. Il fautrepenser les normes d’agrément, faciliter leprocessus d’agrément en matière de docu-mentation requise, mais aussi les étapes de la démarche d’agrément, développer un processus plus souple, permettant ladiversité, qui soit moins onéreux en ce qui concerne le temps et les fonds.

• Le bureau d’agrément. Le recrutement deses membres et leur formation devraientêtre repensés, afin d’assurer un processusplus transparent et plus prévisible. Uneprofessionnalisation accrue du bureaud’agrément, accompagnée d’une redéfini-tion du rôle des membres, semble une piste intéressante.

• Le processus de décision qui préside à la production de nouvelles normes. Ce dernier tend à encourager la prolifération de normes pour des groupes précis depopulation pouvant compter sur desgroupes d’intérêt. Ainsi, des comités ont

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développé des ensembles de normesconcernant les personnes handicapées, laréalité féminine, la réalité francophone, les premières nations, etc. De plus, cettediversification entraîne un déséquilibre vis-à-vis des clientèles traditionnelles de la pratique sociale (enfance/jeunesse, santémentale, pauvreté, marginalité, etc.) qui nebénéficient pas de groupes équivalents pourles représenter.

• Au niveau de la gouvernance, différentesdispositions rendent la gestion de l’ACFTSincohérente. Parmi d’autres choses, lesmembres institutionnels (les écoles)devraient avoir plus de poids dans lesprises de décision; les relations entre lesdifférentes constituantes sont souventchaotiques; les liens avec les partenairesimportants (les organismes de réglemen -tation, employeurs, bénéficiaires) sont peu ou pas formalisés.

• L’« accréditation des accréditeurs ». Dans un contexte de responsabilisation et dereddition de comptes (accountability), laquestion de l’affiliation de l’ACFTS à unorganisme de surveillance des organismesd’agrément devient pertinente, pour laraison évidente du contrôle de qualité et de la performance de notre processusd’agrément. Cette affiliation permettrait de bénéficier d’un regard extérieur expéri-menté et spécialisé sur nos processus.

En conclusion

De grands enjeux interpellent nos sociétés etinfluencent le contexte de la pratique sociale etde la formation des futurs travailleurs sociaux.Il est donc primordial de porter une attentionaigüe aux exigences nécessaires au développe-ment d’une identité forte.

Au niveau universitaire, le développement deconnaissances fondamentales dans le champdu social ainsi que le renouvellement despratiques, par une recherche rigoureuse etimpliquée, sont des voies où nous pouvonscertainement contribuer à renforcer l’identitéde la profession. La qualité de la formation doit contribuer à former des professionnelscompétents et capables d’autonomie et decuriosité intellectuelle dans la pratique, afinqu’ils puissent mieux affirmer leur spécificité

au sein des autres professions. De plus, les liensavec les milieux de pratique gagneraient à êtrerenforcés, tant pour la recherche que la forma-tion. En particulier, mais pas exclusivement, laformation pratique prend une grande impor-tance dans la formation professionnelle entravail social et l’apport des milieux de pra-tique est primordial dans ce domaine. C’estégalement vrai de la recherche et du dévelop-pement de nouvelles approches d’interventionmieux adaptées aux besoins changeants des clientèles.Enfin, une collaboration accrue avec les orga-nismes de réglementation permettrait de mieux arrimer la préoccupation commune de qualité de la formation et de la pratiqueprofessionnelle. D’une manière générale, établir de meilleurs liens entre les différentspartenaires impliqués en travail social permet-trait de parler d’une voix forte, ce qui serait unatout formidable. En ce qui concerne l’association, ces différentsenjeux ont entraîné la nécessité d’une révisionen profondeur de ses constituantes et de sesprocédures. Nous avons un rôle certain à jouerdans le champ du travail social, pourvu quenous répondions de manière adéquate auxenjeux principaux.

Descripteurs :

Association canadienne pour la formation en travailsocial (ACFTS) // Association canadienne pour laformation en travail social (ACFTS). Bureaud’agrément // Service social - Étude etenseignement (Universitaire) - Canada

Canadian Association for Social Work Education(CASWE) // Canadian Association for Social WorkEducation (CASWE) Board of Accreditation //Social service - Study and teaching - Canada

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Notes

1 Les auteurs de cet article, Benoît van Caloen, Ph. D.,t.s., et Jocelyn Lindsay, Ph. D., t.s., sont tous deuxassociés de près à l’Association canadienne pour laformation en travail social (ACFTS). En effet, Benoîtvan Caloen est président de l’ACFTS, tandis queJocelyn Lindsay est coprésident francophone dubureau d’agrément. Les deux auteurs étant impli-qués depuis plusieurs années dans l’association, ilsy cumulent beaucoup d’expérience. C’est à ce titrequ’ils ont été sollicités pour le présent article. Lesdeux parleront ici à titre personnel et leurs proposn’engagent en aucun cas l’ACFTS ou le bureaud’agrément.

2 Il est temps que les formateurs en travail socialprennent de nouveaux modes d’agrément sérieuse-ment en considération et examinent les mécanismesinstitutionnels afin de les porter à maturité (ma traduction).

3 D’autres sources font référence à 1945 comme étantl’année d’origine du NCCSSW.

4 L’association s’appelait au début CanadianAssociation for Education in Social Services(CAESS).

Références

ACFTS (1977). Rapport annuel 1977.

ACFTS (2005a). Constitution.

ACFTS (2005b). Rapport annuel 2005.

ACFTS (2006). Rapport annuel 2006 – 40e anniversaired’existence.

ACFTS (2007). Politiques pédagogiques.

ACFTS (2009a). Procédures d’agrément de l’ACFTS.

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American Council of Trustees and Alumni (2007).Why accreditation doesn’t work and what policymakerscan do about it. Washington: American Council ofTrustees and Alumni.

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Feldman, R. A. (2009). Reinventing social workaccreditation: Write on! Research on social WorkPractice, 19 (1), 124-126.

Mesbur, E. S. (2009). Accreditation task forcepresentation. Power point presentation to theCanadian Association of Deans and Directors ofSchools of Social Work, Montreal, November 13.

Stoez, D., & Karger, H. (2009). Reinventing SocialWork Accreditation, Research on Social WorkPractice, 19 (1), 104-111.

St-Amant, N. (2008). The accreditation process inCanada: A look at the present situation. Report of thefirst phase of the project presented to CanadianAssociation of Social Work Education.

Thompson, W. (2009). Social work education: futures.Power point presentation to the CanadianAssociation of Deans and Directors of Schools ofSocial Work, Ottawa, May.

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parJocelyn Lindsay, Ph. D., t.s.ProfesseurÉcole de service socialUniversité LavalCourriel : [email protected]

Valérie Roy, Ph. D., t.s.ProfesseureÉcole de service socialUniversité Laval

Daniel Turcotte, Ph. D., t.s.ProfesseurÉcole de service socialUniversité Laval

Michel LabarreÉtudiant à la maîtrise en service socialÉcole de service socialUniversité Laval

Literature review on group social work training(objectives, program contents, teaching strate-gies and evaluation methods). Contribution ofnew technologies to education.Recension de la littérature sur la formation enservice social des groupes (objectifs, contenus,stratégies d’enseignement et méthodes d’éva-luation). Contribution des nouvelles technolo-gies à l’enseignement.

La formation des futurs travailleurs sociaux a depuis longtemps été structurée selon lesméthodes d’intervention individuelle, degroupe et communautaire. À la fin des années 1960, plusieurs universités ont priorisé une approche générique intégrant les trois méthodes (Birnbaum et Wayne, 2000;Lazar, 2007; Worden, 2000). Ce changement a

provoqué l’érosion graduelle de la formation enintervention de groupe, en réduisant le nombrede cours sur cette méthode (Cohen et Wayne,2009; Clements, 2006) et en éliminant la possibi-lité d’une spécialisation à la maîtrise (Birnbaumet Wayne, 2000; Clements, 2008; Knight, 2000).Dans leur étude, Birnbaum et Auerbach (1994)relèvent que seulement 19 % des 89 écoles deservice social aux États-Unis offrent un coursd’intervention de groupe obligatoire, alors que46 % en offrent un en option. En 1963, 76 % desprogrammes de maîtrise offraient la possibilitéaux étudiants de se spécialiser dans les groupes,alors qu’en 2000, le taux est inférieur à 5 %(Birnbaum et Wayne, 2000). Depuis les années1970, on observe donc une diminution gra-duelle de la formation en intervention degroupe (Goodman, 2006) et une tendancesemblable a été observée au Canada et auQuébec (Berteau, 2006; McNicoll et Lindsay,2002). L’intégration de l’intervention de groupe au sein d’un curriculum génériquesemble déboucher sur un constat d’échec(Berteau, 2006; Lazar, 2007).

En contrepartie, les organismes de santé et desservices sociaux utilisent de plus en plus l’inter-vention de groupe, notamment pour soutenirles personnes vivant un deuil, pour contrer laviolence conjugale et familiale ou pour favori-ser le développement des habiletés parentales(Dennison, 2005; Strozier, 1997). L’interventionde groupe est perçue comme étant efficace, peucoûteuse et rapide (Berteau, 2006; Clements,2008; Worden, 2000). Alors que la formations’atténue, le besoin d’intervenants ayant descompétences spécifiques en intervention degroupe s’accentue, et ce, dans de multiplescontextes (Berteau, 2006; Trevithick, 2005).

En outre, le groupe est une constituante cen-trale de l’organisation du travail, qu’il s’agissed’une équipe de travail, d’un regroupementd’usagers ou d’un comité multidisciplinaire(Ordre professionnel des travailleurs sociauxdu Québec ou OPTSQ, 2006). D’ailleurs, leRéférentiel de compétences de cet ordre

Tendances actuelles au sujet de la formation en service socialdes groupes

INTERVENTION No132 15

Intervention, la revue de lʼOrdre des travailleurssociaux et des thérapeutes conjugaux

et familiaux du Québec. Numéro 132 (2010.1) : 15-24.

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professionnel stipule que ces derniers doiventêtre en mesure d’encadrer et d’agir au seind’une équipe de travail et de favoriser la colla-boration intra et inter équipe dans diverscontextes, notamment interdisciplinaire oumultidisciplinaire (OPTSQ, 2006). Cependant,la diminution de la formation en interventionde groupe fait en sorte que les étudiants unefois diplômés possèdent moins de connais-sances et d’habiletés spécifiques concernant le groupe que leurs prédécesseurs. Comme ilssont moins bien préparés, leurs interventionssont moins efficaces et ils éprouvent plus dedifficultés à répondre aux besoins des clients(Knight, 2000; Trevithick, 2005). Dennison(2005) estime ainsi que l’intervention de groupedoit être davantage prise en compte dans laformation en service social, tant au baccalau-réat qu’à la maîtrise. Dans ce contexte, il devient impératif de revoirla place de l’intervention de groupe au sein descurriculums de formation en service social. Les objectifs du présent article sont de préciserquels sont les éléments de contenu relatifs à la méthode du service social des groupes quidevraient se retrouver dans la formation enservice social et d’examiner les modalitéspédagogiques adaptées à l’enseignement de ce contenu. À la suite de la description de larecension des écrits réalisée à ces fins, l’articletraite des objectifs de formation, des élémentsde contenu, des stratégies pédagogiques, desméthodes d’évaluation et de l’utilisation desnouvelles technologies. Les praticiens et lessuperviseurs y trouveront une actualisation destendances au sujet de la formation en interven-tion de groupe et des défis à relever dans laformation pratique, alors que les formateurspourront y puiser des stratégies pédagogiquesutiles pour l’enseignement de cette méthode.

1. Méthodologie

Pour cerner la documentation sur la formationen service social des groupes, nous avonsconsulté différentes bases de données, dontSocial Services Abstracts et Dissertation Abstracts.Les tables des matières de revues spécialiséesen formation en service social et en groupe(2000-2009) ont systématiquement été passéesen revue. Enfin, les standards de formation, les référentiels de compétences et les codes de déontologie ont aussi été consultés. Il est

important de noter qu’une portion importantedes travaux recensés proviennent des États-Unis alors que les autres travaux ont été publiésen Angleterre, au Canada et particulièrementau Québec. L’analyse du contenu des docu-ments retenus nous a amenés à classer l’infor-mation en quatre catégories : (1) les objectifs de formation, (2) les contenus à couvrir, (3) les stratégies pédagogiques, (4) les méthodesd’évaluation des compétences des étudiants.

2. Les tendances au sujet de la formation enservice social des groupes

Objectifs de formationQuelques commentaires s’imposent pouraborder la dimension des objectifs de forma-tion. La plupart du temps, il s’agit d’objectifsliés aux compétences de base et dont le but estde viser progressivement le développementd’une pratique autonome. D’ailleurs, il estplutôt rare qu’on fasse allusion à une séquencede cours en intervention de groupe et onaborde plutôt la complémentarité cours-stage. Aussi, la formation doit permettre aux étu-diants d’acquérir les connaissances théoriquesqui sous-tendent l’intervention de groupe(Kurland et Salmon, 2002; Association forSpecialists in Group Work ou ASGW, 2000) et d’expérimenter une démarche de groupecomme membre, observateur ou intervenant(Clements, 2006; Kurland et Salmon, 2002).Furr et Barrett (2000) insistent d’ailleurs surcette double fonction de permettre aux étu-diants de comprendre les concepts et les pro-cessus inhérents au groupe et de leur permettred’expérimenter cette méthode. Une formationde qualité conjuguera l’acquisition de connais-sances théoriques, la participation expérien-tielle et les expériences supervisées (Wilson,Rapin et Haley-Banez, 2004). On retrouvera donc peu d’objectifs rattachés à des thèmes comme la recherche en groupe,l’intervention fondée sur des données pro-bantes ou encore les champs d’expertise récents ou les pratiques nouvelles en groupe.Souvent, par contre, on observe la préoccupa-tion de différencier l’intervention individuellede celle faite en groupe.

Le contenu de la formationNous aborderons ici le contenu en distinguantde façon classique les éléments reliés au savoir,

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au savoir-faire et au savoir-être. On retrouvedans les écrits des distinctions assez similaires.Ainsi, Trevithick (2005) propose une divisionen trois catégories, soit les connaissances théo-riques (ex. : rôles, leadership), les informationsvérifiables empiriquement (ex. : résultats derecherche) et les habiletés d’intervention.

Le savoir

En ce qui a trait aux connaissances elles-mêmes, les écrits sur la formation en servicesocial des groupes mentionnent de nombreuxéléments de connaissance auxquels les étu-diants doivent être exposés : dynamique degroupe, étapes de développement, styles deleadership, résolution de conflits, influence des particularités culturelles, enjeux éthiquesde l’intervention de groupe, types de groupe,approches d’intervention, avantages et limitesde cette méthode d’intervention, évaluation.Birnbaum et Wayne (2000), à la suite d’uneanalyse de 133 plans de cours d’universitésaméricaines, ont constaté que les thèmes lesplus souvent abordés sont, dans l’ordre : ledéveloppement du groupe (50 %), le leadershipet les habiletés d’intervention (43 %), les typesde groupe (35 %), le groupe comme un tout ou comme un système social (26 %), l’aidemutuelle (21 %), les rôles (19 %), la planification(13 %) et la prise de décision (9 %). De son côté, Strozier (1997) a répertorié les notionssuivantes de son examen de 51 plans de cours :types de groupe, phases de l’intervention degroupe, leadership, histoire du service socialdes groupes, problèmes en groupe, diversité(ex. : ethnique, genre), oppression, éthique etvaleurs, processus de groupe, pouvoir, contrôleet normes. Au Canada, l’étude de McNicoll etLindsay (2002) révèle que les thèmes les plussouvent abordés dans les cours portant surcette méthode sont, dans l’ordre : l’évaluationde la dynamique et du processus de groupe, leshabiletés d’intervention, les étapes de dévelop-pement, les types de groupe, la planification et les théories d’intervention. Considérant lagrande diversité des notions théoriques abor-dées dans les cours sur le service social desgroupes, il est utile de les regrouper pourdégager les savoirs essentiels. Globalement, les savoirs peuvent être regrou-pés en quatre thèmes : (1) les théories; (2) ladynamique du groupe; (3) le groupe comme

catalyseur de changement; et (4) le processusd’intervention. Plusieurs auteurs mentionnentl’importance de fournir des connaissances surles théories applicables à l’intervention degroupe, par exemple la théorie de la résistance(Chovanec, 2008), l’approche écologique (Wilsonet al., 2004; Worden, 2000) et le modèle trans-théorique (Chovanec, 2008). Stockton, Morranet Kruger (2004) soulignent aussi l’importanced’enseigner des théories sur l’individu. Lethème de la dynamique du groupe couvre unensemble de notions propres au petit groupecomme système d’intervention : les étapes dedéveloppement, la communication, les conflits,les rôles, les facteurs d’aide et les dynamiquesd’aide mutuelle (Armstrong et Berg, 2005;Hensley, 2002; Kurland et Salmon, 2002;Stockton et al., 2004; Worden, 2000). En ce quiconcerne les modalités particulières au petitgroupe comme catalyseur de changement, on y retrouve les notions relatives à la définitiond’un groupe, la pertinence de cette méthoded’intervention, les types de groupe, les valeurs,les meilleures pratiques et la distinction entrel’intervention de groupe et l’aide individuelle(Knight, 2000; Kurland et Salmon, 2002;Worden, 2000). Le quatrième thème concerne le processus d’intervention, le plus souventprésenté en quatre phases : la planification, ledébut, le travail et la fin (Kurland et Salmon,2002; Riva et Korinek, 2004; Stockton et al.,2004; Wilson et al., 2004). Certains auteursmettent l’accent sur la phase du début, notam-ment l’opening statement (Knight, 2000; Kurlandet Salmon, 2002). D’autres insistent sur la fin dugroupe, abordée sous l’angle de l’évaluation etdes sentiments vécus par les membres, descomportements spécifiques de cette phase(Turcotte et Lindsay, 2008). Les thèmes reliésaux savoirs sont souvent abordés de façon à ceque les étudiants puissent établir des liens entrela théorie et la pratique et pour qu’ils soient en mesure d’utiliser ces concepts lors de leursinterventions. De façon générale, ces notionsvisent à rendre les étudiants aptes à observer et à comprendre les phénomènes qui se pro -duisent dans un groupe (Cox, Banez, Hawleyet Mostade, 2003; Knight, 2000; Laux, Smirnoff,Ritchie et Cochrane, 2007; Riva et Korinek, 2004).

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Le savoir-faire

En ce qui concerne les connaissances pratiques,ou le savoir-faire, elles se présentent comme lacapacité de mise en œuvre, en situation réelle,d’actions qui reposent sur les analyses effec-tuées à partir des savoirs théoriques. Lesconnaissances se rapportant au savoir-fairecorrespondent essentiellement aux habiletésd’intervention. Celles-ci peuvent couvrir, defaçon transversale, les différentes facettes del’intervention de groupe ou elles peuvent serapporter à des aspects spécifiques. Dans lepremier cas, les habiletés pourront toucher,entre autres thèmes, la révélation de soi(Anderson et Price, 2001; Goodman, 2006;Homonoff, 2008), la prise de décision (Stocktonet al., 2004), les rétroactions (Anderson et Price,2001; Stockton et al., 2004), la confrontation(Anderson et Price, 2001), la communication(Hatch et McCarthy, 2003), les techniquesd’intervention de groupe par opposition àl’intervention individuelle en situation degroupe (Knight, 2000; Kurland et Salmon, 2002;Stockton et al., 2004). Dans le second cas, lesavoir-faire abordé portera sur les habiletésd’animation particulières aux aspects suivants :les types de groupe, les phases du processusd’intervention (Chovanec, 2008; Knight, 2000;Wilson et al., 2004), la négociation d’un contratde groupe (Stockton et al., 2004), les clientèlesvolontaires et non volontaires, le contexteculturel, les stades de développement(Chovanec, 2008; Knight, 2000; Kurland et Salmon, 2002), les rôles dysfonctionnels(Homonoff, 2008; Kurland et Salmon, 2002;Stockton et al., 2004) et la résolution des conflits au sein d’un groupe.

Le savoir-être

La formation doit également inclure le savoir-être du futur intervenant. Les écrits sur le sujeten distinguent trois facettes. La première facetteest reliée aux sentiments vécus par les étudiantsqui débutent en intervention de groupe.L’animation d’un groupe peut se révéler trèsanxiogène : c’est une réaction normale à laquelleil faut prêter attention (Stockton et al., 2004). Laseconde facette du savoir-être touche la recon-naissance de l’exigence que comporte la parti -cipation à un groupe (Stockton et al., 2004). Ladernière facette est reliée au climat de sécuritéet de confiance que l’intervenant doit installer

au sein du groupe (Hatch et McCarthy, 2003).L’enseignement relatif au savoir-être doit donc contribuer à réduire l’anxiété relative àl’intervention de groupe (Stockton et al., 2004),rendre compétent pour réagir de façon empa-thique aux craintes et à l’inconfort vécu par lesmembres (Anderson et Price, 2001) et outillerles étudiants afin de mettre en place un envi-ronnement de travail propice tant à la coopé -ration qu’à la prise de risques (Hatch etMcCarthy, 2003).

Les stratégies d’enseignement

Les stratégies d’enseignement doivent êtreadaptées au type de connaissances enseignées.L’enseignement du savoir théorique fait géné-ralement appel à des méthodes plus tradition-nelles comme la lecture, les exposés magistrauxet les discussions (Armstrong et Berg, 2005;Furr et Barret, 2000; Knight, 2000; Lenoir, 2004;Mumm, 2000; Strozier, 1997; Worden, 2000).Parmi les ouvrages de référence, ceux deZastrow (2006), de Shulman (1999) et deToseland et Rivas (2009) sont les plus utilisés,alors que, dans le monde francophone, il s’agitde l’ouvrage de Turcotte et Lindsay (2008).

L’utilisation de films ou de vidéos sur desexpériences de groupe est une modalité péda-gogique suggérée par plusieurs (Armstrong etBerg, 2005; Clements, 2008; Homonoff, 2008;Strozier, 1997). Il est proposé de faire suivre levisionnement d’une discussion portant surdifférentes notions, par exemple le rôle del’intervenant ou la participation des membres,ou sur l’analyse d’incidents critiques. Lesétudiants peuvent également avoir à produireun travail à la suite d’un visionnement.

Une autre stratégie d’enseignement très cou-rante consiste à utiliser le groupe-classe pourillustrer les concepts reliés à l’intervention degroupe (Guth et McDonnell, 2004; Kurland etSalmon, 2002; Lenoir, 2004; Riva et Korinek,2004). D’autres utilisent les expériences degroupe vécues par les étudiants pour illustrerles concepts (Chovanec, 2008; Knight, 2000;Kurland et Salmon, 2002). Enfin, certainsauteurs suggèrent l’analyse d’incidents cri-tiques pour aborder des thèmes tels que lesclientèles non volontaires ou les rôles dysfonc-tionnels (Chovanec, 2008; Clements, 2008;Homonoff, 2008; Kurland et Salmon, 2002).

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L’enseignement du savoir-faire pose une difficulté plus grande. Les étudiants doiventd’abord connaître les habiletés et pouvoir se lesreprésenter avant de les mettre en application.Par l’observation de groupes, les étudiantspeuvent constater l’effet des habiletés d’inter-vention. La participation à des groupes-classesoffre un contexte d’observation intéressant etpermet aussi l’exercice d’habiletés d’animation.L’utilisation de la classe à des fins d’expérimen-tation est d’ailleurs largement utilisée(Anderson et Price, 2001; Furr et Barret, 2000;Guth et McDonnell, 2004; Laux et al., 2007;Riva et Korinek, 2004; Worden, 2000).Différents types de groupes peuvent être expérimentés : groupes de tâche, de soutien,groupes en ligne. Certains groupes sont animéspar l’enseignant ou par un intervenant che-vronné qui agit comme modèle, alors qued’autres le sont par les étudiants. Ainsi, parfois,le rôle des étudiants se limite à l’observation,alors que, dans d’autres situations, ils sontdirectement interpellés. Pour compléter l’ap-prentissage, il est suggéré de demander auxétudiants de tenir un journal de bord analysantleur expérience (Clements, 2008; Homonoff,2008; Kurland et Salmon, 2002; Mumm, 2006;Strozier, 1997). Les expériences d’observation et d’animation peuvent être utilisées pourillustrer un concept ou une habileté particu-lière, par exemple les rôles dysfonctionnels ou la résolution de conflits (Chovanec, 2008;Clements, 2008; Homonoff, 2008; Kurland et Salmon, 2002; Lenoir, 2004; Mumm, 2006;O’Halloran et McCarney, 2004; Stockton et al.,2004; Wilson et al., 2004). L’utilisation du groupe comme contexte d’ap-prentissage permet également aux étudiants de développer leur savoir-être. Pour Stockton,Morran et Kruger (2004), la classe est ungroupe naturel qu’il faut exploiter pour discu-ter des appréhensions liées à l’animation d’ungroupe. L’observation, la participation et l’ani-mation d’un groupe contribuent à la construc-tion du savoir-être des étudiants, notammenten favorisant le développement de la sécurité etla diminution des attitudes défensives (Berger,1996; Furr et Barret, 2000). Pour Hatch etMcCarthy (2003), la confiance, la capacité deprendre des risques et la sécurité sont desattitudes essentielles en intervention de groupe.Notons que les stratégies précédemment

décrites sont également citées dans l’étudecanadienne de McNicoll et Lindsay (2002), lesplus utilisées étant les exposés, les exercicesstructurés, les jeux de rôle et les vidéos. Dansles prochains paragraphes, quelques méthodesactuellement utilisées avec un groupe-classesont présentées.

L’équipe de réflexion (Cox et al., 2003) : un exemple d’une stratégie pédagogique

Cox et ses collègues (2003) proposent laméthode « équipe de réflexion », pouvant êtreutilisée en classe ou en stage. Les étudiantsprennent part à des activités de groupe à titrede membres ou d’observateurs. L’équipe deréflexion fonctionne de la façon suivante : lesétudiants sont séparés en deux groupes, soit legroupe en action et le groupe de réflexion. Legroupe en action passe environ une heure eninteraction autour d’une discussion ou d’unetâche à réaliser devant le groupe de réflexion,dont le rôle consiste à observer en silence.Lorsque le groupe en action met fin à sadémarche, les membres du groupe de réflexionpartagent leurs observations, leurs réflexions etleurs questions sur la démarche du groupe enaction. On demande aux étudiants de réfléchirplus sur le processus du groupe que sur soncontenu. Une liste de sujets à cet effet est remiseaux étudiants : dynamique du groupe, rôlesdes membres, étapes de développement, stylesde leadership, normes, etc. Le but n’est pasd’en arriver à un consensus, mais d’exprimerdifférentes manières de voir et d’interpréter ce qui s’est passé. Ensuite, l’équipe en actionpartage ses commentaires et ses réactions en intégrant ce qui a été dit par l’équipe deréflexion. Elle peut, par exemple, réfléchir surce qui pourrait être amélioré dans le futur.Enfin, tous les étudiants discutent en grandgroupe de leur expérience. Au fil des semaines,les groupes alternent entre le groupe en actionet le groupe de réflexion. Selon Cox et sescollègues (2003), cette stratégie permet d’expé-rimenter plusieurs types de groupe. Avec cetteméthode, il est plus facile pour les étudiants de fournir et de recevoir des rétroactions : ilsont le temps de réfléchir à ce qui a été dit et deformuler une réponse. Selon les auteurs, cetteapproche suscite l’intérêt des étudiants et ellepermet une multitude de points de vue.

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Il existe plusieurs stratégies pédagogiques quis’apparentent à celle qui vient d’être décrite enutilisant en alternance le rôle d’observation et le rôle expérientiel. Un autre exemple en seraitle Two Way Fishbowl (2-FB) utilisé par Hensley(2002) dans un cours d’introduction à l’inter-vention de groupe. La stratégie du 2-FB permetà chaque étudiant de participer, en alternance,comme membre, observateur et intervenant.Les étudiants travaillent ensemble à planifier la suite du groupe et des travaux individuelspermettent aux étudiants de réfléchir sur leursréactions aux processus de groupe et sur leursapprentissages. Selon Hensley (2002), les étu-diants sont un peu intimidés au début mais,plus les semaines passent, plus ils sont à l’aisepour formuler des critiques constructives à l’endroit de leurs pairs. Lors du bilan, ilsestiment qu’il s’agit d’une expérience enrichis-sante qui leur permet de vivre de l’intérieur laparticipation à un groupe, d’observer différentsstyles d’animation et de mettre en pratique leshabiletés qui leur sont enseignées. Les travauxindividuels leur permettent d’organiser leursidées, de résumer leurs observations, de faireune synthèse de leurs expériences et d’intégrerla matière vue en classe.

Le rôle essentiel de la formation sur le terrain

Si le développement du savoir-faire et dusavoir-être peut s’amorcer dans les salles decours, c’est en situation réelle qu’ils peuventvraiment s’intégrer, d’où l’importance de laformation pratique. Celle-ci demeure le meil-leur outil pour développer les habiletés d’inter-vention. Ainsi, la formation devrait comprendreun segment de pratique sur le terrain en com-plément à la formation théorique (Wilson et al.,2004). Notons qu’au Québec, les universitésaccordent une place importante à la formationpratique. La majorité des universités québécoisesy consacrent au moins 18 des 90 crédits dansleur programme de baccalauréat (Rondeau,Mathieu et Lemay, 1999). Un constat ressorttoutefois en ce qui a trait à la formation terrainet aux stages en groupe : les occasions offertesaux étudiants ne sont pas toujours à la mesurede leurs besoins. Birnbaum et Wayne (2000)notent que certains superviseurs manquent de formation en ce domaine, de sorte qu’ils ne sont pas en mesure d’aider les étudiants à former des groupes et à en analyser les

processus. McNicoll et Lindsay (2002) indiquent que la situation est semblable auCanada : les enseignants interrogés dans leurétude mentionnent que l’absence d’une prépa-ration adéquate à la supervision des étudiantspratiquant l’intervention de groupe constitueun problème qui persiste. Dennison (2005)suggère que les superviseurs reçoivent uneformation afin d’actualiser leurs compétencesdans cette méthode. Par ailleurs, même si lemilieu de stage n’offre pas d’intervention degroupe à la clientèle, Clements (2006) souligneque les superviseurs doivent sensibiliser lesétudiants aux particularités du petit groupe,notamment dans le cadre de la participation à des groupes de supervision.Homonoff (2008) souligne l’importance de lacommunication et de la collaboration entre les praticiens, les organismes et les milieux de formation en service social. Les praticiensdoivent être mis à contribution pour déter -miner les compétences qu’il est nécessaired’intégrer à la formation des étudiants et pour évaluer la pertinence des théories enseignées. Mais ils ont besoin de l’appui des écoles de service social pour développerleurs compétences en enseignement et pour se mettre à jour sur les pratiques basées sur des données probantes.

Méthodes d’évaluation

Les formateurs qui se sont attardés à l’éva -luation des apprentissages en intervention degroupe soulignent que celle-ci devrait portersur l’intégration des connaissances théoriques,sur la capacité d’analyse des processus degroupe, ainsi que sur l’exercice d’habiletésspécifiques de l’intervention de groupe(Clements, 2006; Knight, 2000). À cet effet,diverses méthodes peuvent être utilisées,notamment l’examen écrit et la productiond’un texte de réflexion sur un thème particulier(Guth et McDonnell, 2004), l’autoévaluationdes compétences (Clements, 2008; Guth etMcDonnell, 2004), le rapport d’observation et d’analyse de situations réelles ou fictives(Hensley, 2002), les études de cas (Guth etMcDonnell, 2004), les comptes rendus derencontre (Lenoir, 2004; Knight, 2000), l’élabo-ration et la planification d’un groupe (Hensley,2002; Knight 2000), le rapport d’observationd’habiletés d’intervention (O’Halloran et

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McCarney, 2004), la construction d’un portfolio(Fitch, Peet, Glover Reed et Tolman, 2008) ou larédaction d’un journal de bord (Hensley, 2002).Dans leur étude canadienne, McNicoll etLindsay (2002) observent des modes d’évalua-tion qui sont semblables et ils ajoutent à la listeprécédente, comme objets possibles d’évalua-tion, les présentations verbales, l’animation degroupe et la participation en classe. Quelles que soient les méthodes d’évaluationretenues, il faut éviter de placer les étudiants en situation d’inconfort en portant un jugementsur leur participation à un groupe expérientielréalisé en classe. Lorsqu’un étudiant accepted’être membre d’un « groupe simulé », il a ledroit de choisir ce qu’il veut ou non révéler àl’intérieur de ce groupe; ainsi, l’évaluation nedoit pas porter sur la qualité de sa participationà ce groupe en tant que membre (Hensley,2002). En outre, si l’enseignant agit commeanimateur du groupe, il doit éviter de se placerdans une double relation avec les étudiants, en devenant à la fois formateur et thérapeute(Hensley, 2002; Riva et Korinek, 2004). Ces deuxsituations relèvent de considérations éthiques.

La contribution des nouvelles technologies à l’enseignement

Cet examen de la formation en intervention de groupe serait incomplet si les enjeux reliésaux nouvelles technologies sur l’interventionde groupe et sur l’enseignement n’étaient pasabordés. En effet, la démocratisation de l’ordi-nateur et d’Internet a amené des changementsdans l’intervention de groupe. Aujourd’hui, lesgroupes en ligne sont de plus en plus utiliséspour atteindre des populations marginalisées,isolées géographiquement ou ayant une mobi-lité réduite. Il se dessine alors un nouvel objec-tif lié à la formation, celui d’augmenter lesconnaissances et les habiletés des étudiantsquant aux groupes en ligne (Abell et Galinsky,2002). Il est important de cerner les spécificitésde ce type de groupe et de développer descompétences pour agir dans ce nouveaucontexte d’intervention. À cet égard, Abell et Galinsky (2002) ont développé un cours portant spécifiquement sur ce contexte d’inter-vention. Ce cours inclut des lectures, des dis-cussions et des exercices sur les groupes enligne. Les étudiants sont appelés à expérimen-ter différentes modalités : forum où ils envoient

diachroniquement des messages; espaces dediscussion (chat room) où ils interagissent endirect les uns avec les autres, liste d’abonnés(listserver) où ils peuvent écrire des messagesau groupe en entier ou à un membre en particulier.

Le groupe virtuel peut constituer en lui-mêmeun contexte d’enseignement de l’interventionde groupe. Cet outil pédagogique comporte à la fois des avantages et des inconvénients.Kreuger et Stretch (2000) prétendent que cettetechnologie réduit les communications inter-personnelles en face à face; les étudiants ontmoins d’occasions de pratiquer le savoir-être,composante indispensable en intervention degroupe. De plus, les étudiants ont parfois de ladifficulté à suivre les avancées technologiques.D’un autre côté, O’Hallaran et McCarney(2004) mentionnent que les notions théoriquespeuvent très bien s’enseigner par le biais d’unsupport informatique, tel que WebCT.Macgowan et Beaulaurier (2005) soulignentque l’avancement de la technologie peut favori-ser l’enseignement des habiletés d’intervention.Internet rend possible l’accès à plusieurs vidéoset certains logiciels permettent maintenant defaire du montage de séquences en y introdui-sant du contenu théorique. Ainsi, une vidéomontrant une situation de groupe peut êtreprésentée et les étudiants peuvent avoir accèsaux commentaires de l’enseignant (ex. : sur leshabiletés d’intervention, sur les lacunes d’uneintervention et sur les répercussions dans legroupe). La vidéo peut aussi être réalisée dansla classe avec les étudiants et mise en ligne ou distribuée aux étudiants en format CD. Lavidéo peut également servir aux étudiants pouranalyser leurs propres interventions. Grâce auxlogiciels actuellement accessibles, les étudiantspeuvent inscrire leurs commentaires directe-ment sur la vidéo et la comparer avec desexemples fournis par l’enseignant. En compa-rant les vidéos au fil du temps, ils peuventconstater les progrès qu’ils accomplissent.

Fitch et ses collègues (2008) voient dans l’accèsà l’ordinateur et à Internet une occasion pourles étudiants de pouvoir bâtir un portfolioélectronique. Le portfolio est un outil qui favorise l’intégration de la théorie, stimule la réflexion et facilite l’apprentissage de l’inter-vention tout en contribuant au développement

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de l’identité professionnelle. Par ailleurs, ilexiste différents types de portfolio. Il y a lesportfolios d’évaluation où l’étudiant rassembleses travaux, les portfolios qui contiennent lesréflexions, les portfolios utilisés pour établir un dialogue avec l’enseignant et les autresétudiants, les portfolios structurés en fonctiondes objectifs ou du contenu d’un cours et leportfolio professionnel qui consigne les réali -sations de l’étudiant et pouvant être utilisécomme complément au curriculum vitae. Selon Fitch et ses collègues, du point de vue des étudiants, le portfolio est utile pour l’intégration de la matière et le développementdes compétences.

3. Commentaires et conclusion

À l’examen des principales tendances actuellesconcernant la formation en intervention degroupe et en comparaison avec des expériencesd’enseignement et de formation décrites anté-rieurement (Douglas, 1978; Berteau et Martel,1990; Berger, 1996), on constate que certainesdimensions tendent à évoluer alors que d’autres demeurent plutôt stables. D’une part, les concepts et les connaissances liés àl’intervention de groupe demeurent stables. Les étudiants doivent connaître les conceptsinhérents à l’intervention de groupe, par exemple les normes et les rôles. Ils doivent aussi connaître et être en mesure de déterminerles étapes, les dynamiques et les processus de groupe. Les stratégies pédagogiques plustraditionnelles pour enseigner les savoirs et les savoir-faire aux étudiants sont encore large-ment utilisées. Ainsi, les lectures, les exposésmagistraux, les vidéos, l’utilisation du groupe-classe et les groupes expérientiels font toujoursconsensus. On retrouve la même situation enlien avec les méthodes d’évaluation des étu-diants, domaine où peu de nouveautés sontrépertoriées. En ce sens, les examens, les tra-vaux sur des cas, sur la planification d’ungroupe, sur une expérimentation vécue enclasse sont largement prisés. Bien que les savoirs enseignés aux étudiantsdemeurent relativement stables, certainsthèmes sont actuellement en émergence etdoivent être inclus de façon plus systématiquedans les programmes de formation en interven-tion de groupe offerts aux étudiants. Il s’agitdes enjeux éthiques reliés à l’intervention, des

différences culturelles et de la forte tendance à faire reposer les enseignements offerts auxélèves sur les données probantes. De plus, si les groupes expérientiels en classe ne sont pasnouveaux, les auteurs proposent de nouvellesfaçons de mettre en place ces groupes afin queceux-ci soient les plus profitables possible auxétudiants, tels les modèles du 2-FB d’Hensley(2002) et du reflecting team de Cox et ses col-lègues (2003). Par ailleurs, l’avènement desnouvelles technologies change les contextesd’intervention sur le terrain pour les praticienset les façons d’enseigner l’intervention degroupe aux étudiants. Ainsi, les groupes enligne constituent une réalité appelée à devenirde plus en plus courante. Les ordinateurs sontun outil de travail efficace pour apprendrel’intervention de groupe, par le biais de logi-ciels permettant de travailler sur des vidéos ouparce qu’ils permettent aux étudiants de créerleur portfolio électronique. Malgré le potentielde ces différentes stratégies, notons que l’éva-luation de leur efficacité reste à faire pour laplupart d’entre elles.

Les plus récentes tendances en enseignementde l’intervention de groupe offrent donc plu-sieurs possibilités, mais aussi des défis auxformateurs et aux praticiens. En effet, l’inter-vention de groupe devra, à l’avenir, s’appuyerde plus en plus sur des données probantes etprendre en considération les différences cultu-relles ainsi que les enjeux éthiques reliés àl’intervention. Un autre défi consiste à amé -liorer la collaboration entre les milieux deformation et les milieux de pratique dans une optique d’amélioration de la formation sur le terrain offerte aux étudiants. Un défi plusspécifique de la réalité québécoise consisterait àmieux documenter l’évolution, les expérienceset les enjeux de la formation en intervention de groupe. Enfin, l’adaptation des nouvellesstratégies d’enseignement à des classes plusnombreuses, aspect moins abordé dans lesécrits, est un autre défi qui attend néanmoinsles formateurs.

À la lumière de ce qui précède, il convient desouligner à nouveau l’importance et la perti-nence d’accorder une place à l’intervention degroupe dans les curriculums des programmesde formation en service social. En effet, lescompétences acquises par les étudiants

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pendant leur formation leur serviront à animerde façon adéquate et à mener à bien une inter-vention de groupe. Ces compétences leurseront également utiles dans une diversité desituations qui se présentent dans les milieux depratique. Elles seront nécessaires, par exemple,lorsque le travailleur social sera appelé à tra-vailler en équipe sur différents projets, lorsqu’ilprendra part aux réunions d’équipe et lorsqu’iltravaillera en contexte de multidisciplinarité.La formation gagnerait d’ailleurs à faire plus de liens avec ces deux thèmes. En bref, l’ensei-gnement de l’intervention de groupe s’avèrepertinent et d’actualité puisqu’il fournit auxétudiants les outils nécessaires qui leur permettront d’être mieux préparés à aborderdifférentes problématiques et à œuvrer dansdifférents milieux de pratiques au sein desquelsils seront appelés à évoluer.

Descripteurs :

Service social des groupes - Étude et enseignement(Universitaire) // Savoir-faire // Apprentissage -Évaluation // Étudiants - Évaluation // Tests etmesures en éducation

Social group work - Study and teaching // Know-how // Learning evaluation // Studentevaluation // Educational tests and measurements

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INTERVENTION No13224

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parSacha Genest Dufault, M.S.S., t.s.Professeur régulier en travail socialDépartement de psychosociologie et travail socialUniversité du Québec à Rimouski, campus de RimouskiCourriel : [email protected]

Eve Bélanger, M.Sc., t.s.Professeure régulière en travail socialResponsable de la formation pratiqueDépartement de psychosociologie et travail socialUniversité du Québec à Rimouski, campus de Rimouski

Description of the professional developmentportfolio used as a pedagogical approach.Description du portfolio de développementprofessionnel utilisé comme approche péda -gogique à l’UQAR.

À l’Université du Québec à Rimouski (UQAR),le baccalauréat en travail social a débuté àl’automne 2008. Ce contexte d’implantationpose de nombreux défis quant aux orientationsà mettre en place pour développer une structurepédagogique aux visées à la fois théoriques etpratiques. Plusieurs méthodes peuvent êtreutilisées afin de dynamiser et de consolider un enseignement alliant ces différents axes et permettant un accompagnement de qualitéauprès des étudiants. À cet égard, le portfoliode développement professionnel est présen -tement expérimenté dans le contexte de laformation pratique en travail social à l’UQAR.L’objectif de la présente réflexion est de relatercette première expérience en commençant par une mise en contexte de la formation

universitaire en travail social et par un état desconnaissances sur le portfolio et son utilisationdans la discipline. Les principaux objectifs duprogramme de baccalauréat en travail social de l’UQAR et de la formation pratique serontensuite rappelés pour mieux décrire l’utilisa-tion actuelle du portfolio. On conclura avec une discussion sur la valeur ajoutée d’une telleapproche en relevant les premiers résultats de cette première expérimentation et les limites constatées.

Contexte de la formation universitaire en travail social

Plus que jamais, le travail social se retrouve aucarrefour de multiples enjeux politique, insti -tutionnel, législatif, éducatif et aussi éthique.Pensons par exemple au récent projet de loi 21modifiant le Code des professions et d’autresdispositions législatives dans le domaine de la santémentale et des relations humaines qui réserve, ou partage, certains actes professionnels à desdisciplines spécifiques (l’évaluation psychoso-ciale pour les travailleurs sociaux par exemple).Au tournant des années 2000, les états géné-raux de la profession avaient ciblé les princi-paux enjeux sur l’avenir du travail social, dontcelui de la formation. On se questionnait alorssur le niveau de compétence requis pour accéderà la pratique et au titre, sur l’uniformité entre lesprogrammes de formation des universités et surune meilleure harmonisation entre les différentsniveaux (1er, 2e et 3e cycles) (Ordre professionneldes travailleurs sociaux du Québec, ou Ordre,1999). Cet enjeu de la formation est en relationdirecte avec d’autres relevés, comme l’identitéet la compétence professionnelles. À cet égard, les universités jouent un rôle majeurpuisqu’elles dispensent les programmes deformation initiale permettant l’accès à la pra-tique et à l’usage du titre. Les attentes enversces programmes sont de ce fait élevées, ellescontribuent à la formation des futurs profes-sionnels qui devront à la fois disposer de compétences de base générales, mais égale-ment être de plus en plus spécialisés (OPTSQ,

Le portfolio de développementprofessionnel en travail social :une valeur ajoutée pour la formation pratique à l’UQAR

INTERVENTION No132 25

Intervention, la revue de lʼOrdre des travailleurssociaux et des thérapeutes conjugaux

et familiaux du Québec. Numéro 132 (2010.1) : 25-35.

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1999). Cela est d’autant plus vrai si l’on tientcompte de la complexification des problèmessociaux, des changements majeurs et récurrentsdans l’organisation des services sociaux et desanté, du contexte de pratique interdisciplinaire,etc. Suivant ce courant, différentes mesures ontété mises en place par l’Ordre ces dernièresannées pour faciliter l’atteinte des objectifsinhérents aux programmes universitairesdispensés. On peut penser à la création duRéférentiel de compétences en 2006 et de la poli-tique de formation continue en 2007, le premierdétermine les standards de pratique à atteindreet la seconde permet aux intervenants de s’ap-proprier la poursuite de leur développementprofessionnel. D’un autre côté, divers facteurs rendent plusdifficile l’offre d’une formation de qualité etpersonnalisée en travail social. On peut nom-mer ici les transformations des universités qui sont progressivement orientées vers unelogique de performance, de rendement et derationalisation. Le projet de loi 38 sur la gou-vernance des universités pourrait accentuer cestransformations. On y propose la participationmajoritaire de gestionnaires externes, prove-nant surtout du secteur privé, dans l’adminis-tration, ce qui risque d’accroitre ce mouvementde privatisation et la présence d’un rationneld’entreprise à but lucratif (Fédération québécoisedes professeures et professeurs d’université,2009). Il peut en résulter un appauvrissement de ces institutions et une dévalorisation del’enseignement au profit de la recherche, pluslucrative, ou encore l’augmentation de la tailledes groupes-classes. Ces conditions ne facilitentpas la formation dispensée. En travail social, la qualité des programmes de formation estnotamment évaluée par le bureau d’agrémentde l’Association canadienne pour la formationen travail social (ACFTS). Différents facteurs de qualité des programmes sont établis commela cohérence, la manière de prendre en comptela diversité des réalités, la disponibilité et laqualité des ressources nécessaires à l’atteintedes objectifs du programme (ex. : le nombre de professeurs) (ACFTS, 2009). On peut penserque d’autres facteurs entrent en jeu comme lapersonnalisation de l’accompagnement auxdivers profils étudiants (temps partiel, travail-leurs adultes, techniciens, étudiants à distance,étudiants étrangers), le développement des

compétences de base de la profession, l’inté -gration des savoirs théorique et pratique; laresponsabilisation quant au développementprofessionnel et l’émergence d’une réflexivité et d’un esprit critique chez les futurs profes-sionnels, etc.

On constate ainsi qu’il n’est pas toujours aisépour les étudiants et futurs professionnels dedevenir travailleurs sociaux. Un réel défi péda-gogique est lancé aux formateurs, qu’ils soientuniversitaires, des différents milieux de pra-tique ou encore de l’Ordre. Sans en faire unepanacée, le portfolio de développement profes-sionnel est une avenue originale et prometteuseafin d’élaborer des pistes de solution concer-nant plusieurs enjeux relevés dans la formationen travail social (Swigonski, Ward, Mama,Rodgers et Belicose, 2006).

État des connaissances sur le portfolio

Définitions

Un important corpus de connaissances estdisponible sur le portfolio1. Le plus souvent,ces connaissances sont issues des disciplines de l’éducation, de la communication et dessciences infirmières (Swigonski et al., 2006). Le portfolio est à la base un moyen utilisé dansles arts, l’architecture, la photographie et sert à mettre en valeur les œuvres et l’évolutiond’une production artistique (Desjardins, 2002).De manière générale et dans sa version acadé-mique, le portfolio est une stratégie pédago-gique visant à encourager les étudiants àréfléchir, à les mettre en contact avec leur réalitéd’apprenant et à évaluer leurs acquis. Plusparticulièrement, il regroupe des travaux et desréalisations qui facilitent la réflexivité, l’évalua-tion personnelle et la présentation authentiquede soi (Rosegrant Alvarez et Moxley, 2004). Leportfolio est particulièrement utilisé en éduca-tion, de la maternelle à l’université, donc tantauprès des élèves du primaire et du secondaireque lors de la formation des maîtres (Goupil,Petit et Pallascio, 1998). Différents types deportfolios existent : de présentation (ou decommunication), d’évaluation et de développe-ment professionnel (qui se rapproche de celuid’apprentissage) (Gouvernement du Québec,2002). Ils se distinguent selon leur finalité, soitrespectivement de présenter un état des meil-leurs travaux réalisés, de démontrer l’atteinte

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de compétences ou la réalisation d’objectifsdans un champ donné et de documenter unetrajectoire d’apprentissage, et d’y porter unregard réflexif. C’est ce dernier type (de déve-loppement professionnel) qui est retenu pour la formation pratique du programme d’ensei-gnement en travail social à l’UQAR et pour la présente réflexion, en raison de ses viséesessentiellement formatives.

Motifs d’utilisation

La raison sous-jacente à l’utilisation du portfo-lio s’inscrit dans une perspective cognitive etconstructiviste de la formation où l’on recon-naît, de plus en plus, la valeur importante del’engagement des sujets (ex. : les étudiants)dans la construction de leurs apprentissages ou encore dans l’exercice de leurs pratiques(Goupil et al., 1998; Rosegrant Alvarez etMoxley, 2004). Cette reconnaissance accrue de l’engagement actif des sujets est qualifiée detournant réflexif par Schön (1996). En ce sens, leprocessus de formation est une coconstructionde sens entre les membres d’un groupe (ensei-gnants et étudiants) et le portfolio s’avère un outil idéal à cet effet. Desjardins (2002) l’illustre ainsi :

« On peut comparer l’élaboration d’un portfolioprofessionnel à la confection d’une courtepointe.Des carrés de tissu de toutes sortes sont assem-blés dans le but de former un ou des motifs. Il en résulte une œuvre d’art unique, le fruit d’un travail continu et de longue haleine, et de la collaboration d’autres personnes. De la mêmefaçon, l’élaboration du portfolio permet de créerdes liens entre ses différents apprentissages et sesobjectifs de formation (2002 : 9). »

Selon les contextes, le portfolio offre différentesutilités que l’on peut distinguer selon le pointde vue des étudiants et des programmes deformation. Pour les étudiants, deux grandstypes d’utilité sont relevés, soit l’instruction, en promouvant un retour sur les apprentis-sages, et l’évaluation en préservant une tracede ce qu’ils connaissent et ce qu’ils sont enmesure de faire (Swigonski et al., 2006). Il peutaussi permettre de témoigner d’une intégrationdes différents savoirs, d’apprendre à tisser desliens entre les objectifs de la formation et lesréalisations, et refléter le cheminement etl’identité professionnelle en construction(Desjardins, 2002; Doyon et Desjardins, 2004).

À cela s’ajoutent le développement de la capacité des étudiants à adopter une postureréflexive et métacognitive et leur préparation àla recherche d’emploi et au placement (Grahamet Megarry, 2005; Rosegrant Alvarez et Moxley,2004; Swigonski et al., 2006). Le portfolio estaussi autobiographique dans la mesure où ilpermet aux étudiants de s’interpréter, de sepenser (Goupil et al., 1998; Graham et Megarry,2005), de se projeter dans l’avenir. En ce sens, iln’est pas une fin en soi, c’est une voie facilitantle développement professionnel (Swigonskiet al., 2006).

Il est à la fois un processus, un produit et unoutil (Rosegrant Alvarez et Moxley, 2004). Enplus des compétences générées par l’élabora-tion individuelle du portfolio (autoévaluation,réflexivité, etc.), sa réalisation en petit groupeest un processus qui peut stimuler les échangeset faire émerger un climat d’aide mutuellepropice au développement professionnel desétudiants, dans une logique d’apprentissagepar les pairs (Graham et Megarry, 2005). Dansla même veine, le processus de partage desportfolios peut permettre aux étudiants de se faire connaître publiquement auprès demembres d’une même communauté d’appar -tenance (étudiants, professeurs, stagiaires,superviseurs, employeurs, professionnels, etc.). C’est un produit et un outil de référencepour documenter une période d’apprentissageintense, des expériences significatives et desdéveloppements personnels et professionnelsmarquants. C’est une ressource à laquellel’auteur peut retourner pour susciter les prisesde conscience, surtout dans des périodes dechangements personnels importants où leretour sur ses expériences passées est perti-nent quant à ses choix de vie et de carrière(Rosegrant Alvarez et Moxley, 2004).

Pour les programmes de formation, le portfolioouvre la possibilité d’évaluer qualitativementles acquis et les compétences des étudiants, au-delà des résultats cumulatifs à des examens etdes travaux (Jalbert, 1997; Rosegrant Alvarez etMoxley, 2004). Goupil et al. (1998) qualifientd’« authentique » ce type d’évaluation, car ils’appuie sur des situations réelles d’apprentis-sage dans une logique d’évaluation plus forma-tive que normative. De plus, le processusd’évaluation peut se dérouler en continu sur

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plusieurs niveaux de formation (baccalauréat,maîtrise, etc.). Son utilisation invite à uneapproche globale ou holistique de la compréhen-sion du développement de chacun des étudiantset à mieux les connaître, conditions de base à un enseignement personnalisé. Les milieux deformation peuvent mieux comprendre la struc-ture et le contenu du programme et l’expériencegénérale d’apprentissage qu’ils offrent à partirdu point de vue des étudiants eux-mêmes. Ensomme, le portfolio leur permet de s’autoéva-luer (forces, points faibles), de réfléchir pouraccroitre l’efficacité de leurs actions et d’évaluerleurs résultats, le tout en établissant un réeldialogue entre le programme et les étudiants(Rosegrant Alvarez et Moxley, 2004).

Organisation et mise en œuvre

Il existe différentes manières d’organiser laforme et le contenu du portfolio et de le mettreen œuvre. Il est généralement fait sur supportinformatique à l’aide d’un CD ou sur un site web. Selon Cooper et Love (2002, dansSwigonski et al., 2006), la version imprimée estplus facile à assembler au départ, alors que leformat électronique suppose que les étudiantspossèdent certaines habiletés de base en infor -matique. Toutefois, ce format facilite ensuite sareproduction, son édition, son transport et saprésentation (Swigonski et al., 2006). De plus, leportfolio doit être facile à consulter et permettrel’ajout de documents en tout temps (ex. : car -table, pochette, enveloppes). Il peut aussi êtrepersonnalisé par les étudiants qui sont invités à faire preuve de créativité et d’originalité. Soncontenu doit être structuré, clair et complet. Il peut inclure des documents sous diversesformes : textes, photos, dessins, documentsaudio et vidéo, etc. Il débute le plus souventpar une table des matières et par une introduc-tion dans laquelle l’étudiant présente l’organi-sation de son portfolio mais aussi sa démarchepersonnelle et professionnelle. Par la suite, onretrouve différents éléments demandés à tousles étudiants et un espace pour tout documentpertinent que souhaiterait ajouter l’étudiant.Cet équilibre entre les éléments obligatoires etceux relevant des étudiants assure un mini-mum d’uniformité entre les portfolios et rendpossible une évaluation juste et équitable. Cettelatitude laisse aussi la possibilité aux étudiantsde s’approprier leur démarche de formation et

de présenter des résultats à leur image. Pour ce qui est des éléments imposés, le documentcentral de la plupart des modèles est uneréflexion narrative à partir de thèmes suggérés.Dans leur application du portfolio auprèsd’étudiants diplômés en travail social,Rosegrant Alvarez et Moxley (2004) demandentla réalisation d’un texte d’analyse et de syn-thèse de 25 à 30 pages, ce qui est assez fidèle àce qui est demandé habituellement dans lesportfolios, plus particulièrement en travailsocial. Les autres documents que les étudiantspeuvent ajouter dans les portfolios sont diversi-fiés, mais ils doivent toujours être pertinentspour le développement professionnel. Lorsquede tels documents sont joints, ils doivent êtreprésentés au gré de l’étudiant ou à l’aide d’unefiche d’entrée qui peut inclure la pertinence decet ajout, une courte description, une énuméra-tion des compétences ciblées, etc. (Desjardins,2002). Ces documents peuvent être des travauxuniversitaires, des outils provenant des expé-riences cliniques, des exemples d’écrits, dedessins ou de photographies, des résumés delecture, des listes d’ouvrages à consulter, destravaux de laboratoire, des lettres de recom-mandation, des journaux de bord, des extraitsaudio ou vidéo reliés aux exercices cliniques,un curriculum vitae, des évaluations, etc.(Doyon et Desjardins, 2004; Goupil et al., 1998;Rosegrant Alvarez et Moxley, 2004; Swigonskiet al., 2006). Concernant d’autres applicationspossibles en travail social, on peut se référer aulivre de Cournoyer et Stanley (2002) qui est unguide détaillé indiquant toute une procédurepour planifier, évaluer et documenter le portfolio en travail social.

Utilisation dans les programmes de formation entravail social

Les protocoles d’utilisation du portfolio dansles programmes de formation universitaire sont multiples. Cette approche semble le plussouvent utilisée dans un seul cours à la fois,comme une stratégie pédagogique parmid’autres. Par exemple, au Québec, des pro-grammes universitaires en enseignement ledemandent en fin de programme afin de per-mettre aux étudiants de se préparer aux entre-vues d’emploi. Pour sa part, le portfolio dedéveloppement professionnel est même unemesure obligatoire du ministère de l’Éducation

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au Nouveau-Brunswick qui l’a inclus dans sapolitique d’évaluation du personnel enseignant(Doyon et Desjardins, 2004). En ce qui concernel’utilisation spécifique du portfolio dans lesprogrammes de travail social, peu d’écritsrapportent de telles expériences. Deux initia-tives ont été repérées au Québec. Le portfoliosemble ainsi utilisé à l’Université du Québec àMontréal en début de formation pour aider lesétudiants à cerner leurs motivations à entre-prendre des études universitaires, à préciserleur choix professionnel, à cibler les événe-ments clés de leur parcours personnel et profes-sionnel, à nommer leurs attitudes personnellesreliées à la pratique du travail social ou encoreà analyser leurs interventions et à dégager leurvision de la profession (Gusew, 2009; Gusew et Berteau, 2010; Gusew et Desmarais, 2009).L’utilisation du portfolio (d’évaluation dans cecas-ci) dans une logique de programme sembleen application à l’Université du Québec àChicoutimi. Il est utilisé lorsqu’un étudiantsouhaite qu’un stage de formation pratique soit crédité, il peut alors démontrer qu’il a déjàacquis les savoirs et les compétences impliqués(Carignan, 2009). Sinon quelques expériencesaux États-Unis retiennent l’attention, dont unequi présente un intérêt particulier.Rosegrant Alvarez et Moxley (2004) rapportentleur expérience auprès de trois cohortes d’étu-diants diplômés en travail social. S’appuyantsur leurs propres expériences positives d’utili-sation du portfolio dans leur pratique profes-sionnelle, ces auteurs ont contribué à sonimplantation dans leur programme de forma-tion à la maîtrise. Les étudiants doivent consti-tuer un portfolio durant toutes leurs études de2e cycle. Au-delà de leur modèle de portfolioqui a été cité en exemple précédemment, leprocessus et les critères d’évaluation mis enplace sont forts intéressants. Le processusdéveloppé implique d’abord que chacun desportfolios soit évalué collectivement par tousles membres du programme qui se réunissent àcet effet quelques jours avant la fin de chaqueannée universitaire. Les commentaires sontensuite mis en commun et tous les étudiantsreçoivent les évaluations générales portant surl’ensemble du groupe, mais aussi des commen-taires spécifiques sur leur portfolio. En plus de ce processus d’évaluation plus officiel quecollégial, une activité annuelle est organisée

autour du thème de partage et de célébrationdes portfolios. C’est en quelque sorte le pointculminant de l’année. Juste avant la période deremise des diplômes, tous les étudiants (de leurprogramme et d’autres disciplines), les profes-seurs, les superviseurs et les responsables deprogramme se réunissent dans une grandesalle et échangent à partir des portfolios quisont tous accessibles. Cet événement à caractèrefestif prend donc la forme d’une évaluationinformelle par les pairs. Tous peuvent y aller deleurs commentaires sur les portfolios présentéset les étudiants concernés ont pour leur part un espace pour partager une vision de leurdémarche de formation. En ce qui concerne les critères d’évaluationemployés, on retrouve : 1) l’exhaustivité – laprésence d’éléments de tous les cours maisaussi des expériences cliniques; 2) l’intégra-tion – la démonstration des liens entre lescompétences développées et celles viséesinitialement par le programme de formation;3) une approche évaluative – des expériencescliniques, de la trajectoire d’apprentissage, desforces et des limites de chacun; 4) l’organisationet la présentation professionnelles – la présencedes éléments demandés et la clarté du docu-ment; et 5) la présentation d’un contenu personnalisé – l’aspect créatif, l’ajout de documents originaux comme des photos, desœuvres. En complément, l’aspect narratif estévalué en plus sur le degré et la manière aveclesquels les étudiants incluent leurs expériencesprofessionnelles de formation et exprimentleurs intérêts pour la pratique, de même que ce qui les distingue en tant que travailleurssociaux. Au sujet des résultats, les auteursrelèvent l’allongement du travail de réflexionqui était initialement de 10-15 pages à untravail de 25-30 pages à la demande des étu-diants qui souhaitaient approfondir leurréflexion. Le portfolio a aussi fait ses preuvesconcernant le processus de recherche d’emploides étudiants en offrant une documentationconcrète des compétences acquises. Au final,bien que la qualité et le contenu des portfoliossoient variés, ces auteurs confirment que laméthode a prouvé son efficacité pour l’évalua-tion individuelle, mais aussi pour l’évaluationdes groupes et des programmes. Ils concluentenfin sur différentes considérations concernantl’utilisation du portfolio dans la formation en

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travail social et dans l’évaluation du programme(révision du contenu de certains cours, dunombre de crédits par cours, détermination oureformulation des compétences recherchées); laplace accordée au portfolio dans la séquence dela formation (en continu, seulement à la fin) etles enjeux de son utilisation pour les étudiants(degré de révélation de soi, partage authen-tique au sujet de collègues ou de professeurs)(Rosegrant Alvarez et Moxley, 2004).

Cette expérience originale d’implantation tendà confirmer la valeur ajoutée de l’utilisation duportfolio eu égard aux enjeux de la formationcontemporaine en travail social mentionnés enintroduction. De manière originale et avec lesmêmes considérations pédagogiques, le port -folio de développement professionnel est mis à l’essai dans le cadre de la formation pratique à l’UQAR.

Le contexte d’utilisation du portfolio dans le cadre de la formation en travail social àl’UQAR

Le programme général

Depuis l’automne 2008, l’Université du Québec à Rimouski offre un programme de baccalauréat en travail social à plus d’unecentaine d’étudiants répartis sur trois années,tant au campus de Rimouski qu’à Gaspé2. De manière générale, le programme offertprésente la même structure que la plupart des autres baccalauréats en travail social auQuébec. L’objectif du programme est de formerdes travailleurs sociaux réflexifs et critiques quiorientent leurs analyses et leurs interventionssur l’interaction entre l’individu et son environ-nement, dans une perspective de changementsocial. Le programme s’articule autour de troisaxes interreliés : théorique (éléments d’analyse,différentes problématiques), méthodologique(approches, modèles) et pratique (milieux depratique, stages), et comprend la formation aux différentes méthodologies de l’interventionpréconisées en travail social, soit celles auprèsdes individus, des familles, des groupes et des collectivités.

La formation pratique

Une spécificité du programme est que toute la dernière année est réservée à la formationpratique. Cette année se scinde donc en deux

stages de 420 heures par trimestre, à raison dequatre jours par semaine, idéalement dans lamême organisation. En cours de trimestre, desrencontres de groupe d’une journée, animéespar deux professeurs, sont menées chaque mois sous forme de séminaires de stage àl’Université. Un autre élément distinctif estl’obligation pour les étudiants d’aborder lestrois méthodologies de l’intervention danschacun des stages (individuelle, groupe, collec-tive). Ce programme prend la forme d’unemajeure et de deux mineures, dont la réparti-tion varie selon les contextes de pratique et lesintérêts des étudiants. La première expérimen-tation présentée ici se fait auprès de tous lesétudiants de la première cohorte de finissantsen travail social, soit les 19 étudiants de troi-sième année qui font actuellement leur stagedans différents milieux de pratique. L’an pro-chain, 45 étudiants seront engagés dans cettedémarche. L’expérimentation est menée par les deux professeurs de stage.L’idée d’utiliser le portfolio vient de la volontéd’offrir une expérience de formation pratiquequi soit la plus personnalisée possible tout enpermettant une intégration de la théorie et de la pratique par le biais de la réflexion dansl’action. Les expériences antérieures des professeurs de stage avaient permis de juger del’intérêt du portfolio, particulièrement en ce quiconcerne la documentation d’une démarched’apprentissage, l’utilité du document deréférence qui en résulte, mais aussi la possibi-lité de réaliser des évaluations formatives etqualitatives. Le portfolio est au cœur du pro-cessus d’évaluation dans le contexte de laformation pratique présentée ici. Par exemple,pour le volet stage, un contrat pédagogiquecomprenant une série d’objectifs généraux etspécifiques préétablis est utilisé pour l’évalua-tion de chaque trimestre. Les étudiants doiventpersonnaliser leur contrat en ajoutant, aubesoin, des objectifs et en précisant les moyens,les indicateurs de réussite et les échéanciersprescrits. En ce qui a trait aux séminaires, leportfolio est une manière de témoigner desobjectifs, soit d’échanger avec les autres étu-diants sur l’expérience de stage et les situationscliniques rencontrées; de prendre un reculcritique avec le milieu de stage et les interven-tions réalisées; de faciliter le processus d’inté-gration entre la théorie et la pratique à partir de

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situations ou de problèmes concrets tirés desexpériences de stage et de l’expérimentation en classe; de réfléchir sur les enjeux éthiquesrencontrés en intervention et d’élaborer unprojet de développement professionnel. Leportfolio proposé ici est pensé en ce sens.

Contexte de réalisation

Dès le début de la démarche de stage, le principe du portfolio est expliqué à la fois aux étudiants et aux superviseurs. En effet, cesderniers sont impliqués et collaborent de près à la mise en œuvre de cet outil, tant par lepartage de leurs savoirs en supervision quedans les différentes évaluations de stage effec-tuées (mi-stage, fin de stage, contrat pédago-gique, journal de bord, etc.). Il est d’entrée dejeu précisé que le choix des informations quisont ou non révélées revient aux étudiants. Cesderniers sont invités à faire des réflexions trèspersonnelles, mais doivent se sentir à l’aiseavec ce qu’ils présenteront aux autres et auxprofesseurs. Si, le cas échéant, un étudiant vit des difficultés avec des informations quipeuvent être éprouvantes pour lui, il est invitéà s’adresser aux professeurs en tout temps ouencore à ses collègues. Une version impriméeest privilégiée pour le moment compte tenu du caractère exploratoire de la démarche et dutravail préalable de conception nécessaire à uneversion électronique. Il est précisé que le mêmeportfolio porte sur la démarche des deux tri-mestres de stage. Une première liste structuréedes documents à réaliser est proposée auxétudiants au début du trimestre d’automne.Cette liste sert de base au trimestre d’hiver où les éléments à ajouter sont spécifiés dans la nouvelle liste actualisée. Voici les élémentsdemandés pour la version à présenter en fin d’année :

• Table des matières actualisée;

• Une introduction générale (deux pages) oùles étudiants doivent se présenter (intérêts,expériences, vision du travail social, etc.) etexposer les différentes sections composantle portfolio;

• Récit de formation;

• Contrat pédagogique des stages 1 et 2;

• Travail d’analyse du milieu de stage;

• Exemple d’outils cliniques – vignette clinique et évaluation psychosociale ou pland’intervention;

• Deux réflexions critiques des séminaires;• Tout document qui leur apparait pertinent

pour les séminaires ou le stage (1 et 2) et justification;

• Rapports d’évaluation pour stage 1 et 2 –mi-stage et fin de stage (retour sur les acquis en stage, etc.);

• Plan de perfectionnement.Des différents documents mentionnés, le projetde développement professionnel s’avère cen-tral dans le portfolio. Il a pour but de permettreaux étudiants de prendre conscience de leurdémarche générale de développement en tantque futurs professionnels. Ainsi, deux activitéssont proposées : un récit de formation et unplan de perfectionnement. Le récit de forma-tion (huit à dix pages) vise à jeter un regardrétrospectif et critique sur sa trajectoire « d’ap-prenant ». En narrant son histoire, l’étudiant est en mesure de prendre un recul sur sesmotivations personnelles d’être un aidant. Cela lui permet également de réaliser un bilan professionnel de ses acquis et des aspects à travailler. De ce fait, il était suggéréaux étudiants de développer au moins lesdimensions suivantes :

• Ce qui les a amenés à vouloir aider lesautres, à être en relation d’aide (ex. : expériences de vie);

• Ce qui les a conduits au travail social (ex. :comment ils ont connu cette discipline);

• Ce qui les a motivés à suivre un programmede baccalauréat (ex. : ce qu’ils voulaientvenir y chercher);

• Ce qu’ils ont appris au baccalauréat (reprendre et mettre en contexte les élé-ments importants d’au moins cinq cours du baccalauréat, ex. : travaux, activités);

• Ce qui leur manque toujours à la fin dubaccalauréat (connaissances, techniques,savoir-être, etc.);

• Quelles ont été leurs expériencesmarquantes en stage et dans leurs cours;

• Comment ils se situent comme futurs tra-vailleurs sociaux (est-ce qu’ils sont à leurplace ? Quelles clientèles, problématiques,approches les intéressent?).

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De son côté, le plan de perfectionnement (deuxou trois pages) vise à réfléchir sur les perspec-tives de développement que les étudiantsentrevoient comme futurs travailleurs sociauxet à ce qu’ils s’en approprient la pleine réalisa-tion. Cette section est inspirée de la politique de formation continue de l’Ordre, laquelle leurétait d’ailleurs donnée en exemple. À la lumièredu récit de formation, du portfolio et de leurtrajectoire générale de formation en travailsocial, les questions suivantes étaientproposées :

• Où se voient-ils comme intervenants dansun an? Dans cinq ans? Dans 10 ans?

• Qu’ont-ils à travailler à court, moyen et long terme?

• Quels sont les moyens concrets qu’ils vontse donner pour y arriver?

En somme, toutes les activités et toutes les ré -flexions réalisées dans le cadre des séminairessont consignées dans le portfolio. De plus, àchaque séminaire, des échanges planifiés parles étudiants en petit et grand groupe sontproposés à partir du contenu du portfolio etselon les demandes ou les besoins des membresdu groupe. Ces échanges se déroulent sousforme de comités cliniques et sont suivis d’ateliers d’expérimentation où les questionssoulevées par les étudiants sont mises en scène. Il existe donc une démarche réflexiveindividuelle mais aussi de groupe.

Le processus d’évaluation

L’évaluation officielle est effectuée au fur et à mesure de la remise des travaux par les étu-diants. Ces travaux leur sont ensuite retournéscorrigés pour être incorporés au portfolio. Laversion complétée du portfolio est ensuitedonnée aux professeurs qui évaluent les der-niers éléments ajoutés s’il y a lieu et le portfoliodans sa globalité. De plus, une forme d’évalua-tion informelle a été prévue pour la fin del’année, à l’instar de l’expérience décrite parRosegrant Alvarez et Moxley (2004). Le dernierséminaire est mené comme un colloque où lesfinissants tiennent, notamment, des kiosquesdans lesquels ils présentent leur démarche de stage et leur portfolio à leurs collègues depremière et deuxième année, mais également àtoute la communauté d’appartenance (supervi-seurs, professeurs, chargés de cours, amis,

étudiants d’autres disciplines, personnel del’université, employeurs potentiels, etc.). Leséchanges qui s’ensuivent prennent ici aussi laforme d’une évaluation par les pairs pour lesfinissants : ils peuvent être très riches d’infor-mations pour les étudiants qui ne sont pasencore en stage. C’est une forme de passationde savoir et d’expérience entre les finissants etleurs collègues.

Discussion

Les résultats préliminaires de cette expériencesemblent démontrer que le portfolio permeteffectivement de faciliter l’atteinte des objectifsde formation, mais aussi à l’étudiant de s’enga-ger comme apprenant dans sa formation universitaire en travail social. En effet, lescommentaires des étudiants recueillis lors desséminaires et ceux des superviseurs colligéslors des évaluations de mi-stage et de fin de stage permettent de croire que cet outilconcerté permet d’enrichir et d’adapter positi-vement l’accompagnement et les acquis réaliséstout au long de la formation pratique. Plusieursétudiants confirment la possibilité qu’offre leportfolio de faire un retour sur leurs réalisa-tions et leurs acquis pour ainsi se projeter defaçon plus authentique dans le futur. Les obser-vations et les évaluations de chacun des port -folios par les professeurs confirment que leproduit final est impressionnant. Ces derniersconstatent de visu la créativité des étudiants etl’appropriation de leur démarche. La majoritédes portfolios sont ainsi originaux, personnali-sés, complets et on y retrouve plusieurs ajoutssignificatifs d’outils, d’extraits de journaux debord, d’exemples d’expériences cliniques quitémoignent de leur capacité toujours plusgrande d’établir des liens entre la théorie et la pratique et d’intégrer les différents types desavoirs. Le portfolio semble avoir visiblementalimenté les discussions et les comités cliniquesréalisés dans le cadre des séminaires. Les étu-diants se questionnaient, s’appuyaient et s’entraidaient au fil de leur cheminement. Onremarque de plus une accentuation de l’analysecritique et réflexive chez plusieurs, élémentincontournable de la raison qui a conduit àl’utilisation de cet outil. Certains portfoliosprésentent ainsi des textes introspectifs où les étudiants se questionnent sur leur identitéprofessionnelle, sur leurs aspirations dans la

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profession et où ils se remettent parfois fonda-mentalement en question. Plusieurs ont aussinommé leur désir de conserver leur portfolioprécieusement pour leur pratique future, des’en servir comme un document de référence.Du point de vue des professeurs, cet outil apermis une meilleure connaissance de chacundes étudiants en donnant accès à des réflexionstrès personnelles parfois difficiles à percevoirautrement. Ce même constat est aussi appli -cable, selon les professeurs, à un plus grandgroupe, puisqu’il permet justement d’établirune proximité avec les étudiants par l’écrit, par la réflexion, par un accompagnementpersonnalisé de leur démarche. Concernant les limites relevées, on a relevé uneambiguïté pour certains étudiants devant letravail à réaliser. Cette difficulté à comprendreles consignes peut s’expliquer par l’aspectnovateur, inusité, voire dérangeant, de ladémarche proposée. L’effort de réflexion sur soi et d’intégration de différents éléments desavoirs et de compétences peut à juste titrerendre la tâche plus malaisée à d’aucuns qui y sont moins habitués. Néanmoins, même s’ilimporte de respecter le rythme et la personna-lité de chacun, il apparaît clair que quiconqueveut se construire comme travailleur social ne peut éviter de se remettre en question. Cetaspect fait partie des conditions de base poursuivre attentivement son développementprofessionnel et même personnel. Comme dans d’autres approches, on remarque la mêmelimite du degré de révélation de soi ou encored’authenticité dans cette démarche. On ne peutforcer ce processus d’ouverture, on ne peut que l’accompagner.

Conclusion

Toutes les informations disponibles sur leportfolio confirment que cette approche péda-gogique a fait ses preuves. Les quelques expé-riences d’application au travail social relevéesici vont dans le même sens et font entrevoir la valeur ajoutée de l’utilisation du portfolio dans le contexte de la formation à la profession.Cette valeur ajoutée a été largement démontréejusqu’à maintenant, notamment en matièred’intégration des acquis, d’évaluation forma-tive des compétences, de personnalisation de l’enseignement, etc., et ce, d’autant plusdans le contexte actuel où la formation en

travail social est aux prises avec des enjeuxmajeurs touchant aux réalités tant individuellesque collectives. L’expérience rapportée ici enlien avec la formation pratique à l’UQAR en est à ses débuts. Plusieurs autres applicationsseraient aussi possibles, par exemple implanterle portfolio durant tout le programme, le com-mencer en guise de préparation aux stages ou encore l’utiliser pour la reconnaissance desacquis. Tout comme il serait possible de l’appa-rier au référentiel de compétences des travail-leurs sociaux. À une échelle plus grande, leportfolio recèle un potentiel diversifié. Il peutêtre utilisé en recherche pour documenter unedémarche de travail réflexif. En ce sens, unprojet de recherche a d’ailleurs été déposé parles professeurs de stage pour approfondir cetteréflexion, recueillir des données probantes etavoir ainsi des assises encore plus solides sur la plus-value d’une telle approche d’enseigne-ment. Le portfolio peut évidemment favoriserde meilleures interventions cliniques dans uneperspective centrée sur les forces et pourraitmême servir d’outil d’évaluation des compé-tences dans le présent contexte de mobilité dela main-d’œuvre professionnelle. En somme, le port folio présente des atouts indéniablespour le travail social et mérite d’être maintenu,développé et perfectionné pour garantir lameilleure formation à la profession.

Descripteurs :

Université du Québec à Rimouski (UQAR) //Service social - Étude et enseignement(Universitaire) // Portfolios en éducation //Apprentissage - Évaluation // Étudiants -Évaluation

Social service - Study and teaching // Portfolios ineducation // Learning evaluation // Studentevaluation

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Notes

1 L’ensemble des connaissances sur le portfolioprésenté est applicable à la plupart des disciplines.Lorsque des spécificités concernent le travail social,elles seront précisées ici.

2 Le programme se donne actuellement à partir d’un protocole d’entente concernant l’extension du baccalauréat en travail social de l’Université duQuébec en Abitibi-Témiscamingue. La structure deprogramme est celle de l’UQAT, mais l’applicationdu contenu des cours et le développement desméthodes pédagogiques sont ceux de l’équipe de l’UQAR.

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parLine Paré, M.s.s., t.s.UMF Haute-VilleCSSS de la Vieille-CapitaleProfesseure titulaire de cliniqueDépartement de médecine familiale et de médecine d’urgenceFaculté de médecineUniversité LavalCourriel : [email protected]

Report from a training and evaluation experience involving social work and nursinginterns, and family medicine residents, in acontext of interdisciplinarity collaboration at Quebec City’s Haute-Ville Family Medicine Unit.Compte rendu d’une expérience de formationet de supervision de stagiaires en travail social,sciences infirmières et de résidents en médecinefamiliale dans un contexte de collaborationentre professionnels, à l’Unité de médecinefamiliale Haute-Ville (Québec).

La collaboration interprofessionnelle fait partied’une compétence des travailleurs sociauxretenue dans La grille d’évaluation de la compé-tence des travailleurs sociaux en CLSC développéepar l’Ordre professionnel (OPTSQ, 1994). Lesprogrammes de formation des 1er et 2e cyclesreconnaissent la valeur de la collaboration enmilieux de stage, mais peu de temps est consa-cré spécifiquement à cette dimension. Elle estprise en compte généralement par le biais de la participation à des discussions en équipesmultidisciplinaires. Le superviseur peut ainsiévaluer le fonctionnement du stagiaire au sein de l’équipe, son engagement ainsi que la

qualité de son apport. Mais comment s’assurerde développer les savoirs liés à la collaborationinterprofessionnelle en milieux de stage? Etlorsqu’il n’y a pas de réunions officielles, com-ment pouvons-nous aborder cette dimensionavec le stagiaire? Bien que l’étudiant en travailsocial ait un intérêt marqué au regard desrelations interpersonnelles et des interactionsavec les différents acteurs du milieu, nous nepouvons pas d’emblée déduire qu’il possèdedéjà les habiletés requises pour devenir un bon collaborateur.

Convaincue de l’intérêt de la collaboration encontexte de première ligne, une équipe forméed’une travailleuse sociale, responsable duprojet, d’un médecin et d’une infirmière del’Unité de médecine familiale (UMF)1 Haute-Ville du Centre de santé et de services sociaux(CSSS) de la Vieille-Capitale, a développé etexpérimenté une formation pratique à la colla-boration interprofessionnelle. Tout en formantde futurs professionnels capables d’interveniravec compétences et autonomie dans leurchamp de pratique respectif, le stage offre auxstagiaires en travail social, en sciences infir-mières et aux résidents en médecine familialeune expérience de travail et de formation à lapratique de la collaboration.

L’article a pour but de présenter ce stage nova-teur sous l’angle de la supervision de la colla-boration. Le contexte dans lequel s’inscrit leprojet est résumé ainsi que les particularités de l’UMF comme milieu de stage en premièreligne. Par la suite sont décrites les étapes prépa-ratoires à la supervision de la formation pra-tique à la collaboration interprofessionnelle.Enfin, quelques éléments de l’évaluation sontabordés et discutés en présentant aussi lesconditions favorables à la supervision de la collaboration.

Le contexte

Vers la collaboration interprofessionnelle

Devant une plus grande complexité des pro -blématiques et de la réalité des clientèles

La collaboration interprofessionnelle :une compétence à superviser en travail social

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Intervention, la revue de lʼOrdre des travailleurssociaux et des thérapeutes conjugaux

et familiaux du Québec. Numéro 132 (2010.1) : 36-43.

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vulnérables, l’action d’un seul professionnel est devenue difficile. Au Québec, la révision du cadre d’exercice des professions a permis deredéfinir les rôles professionnels, d’élaborer unprocessus de partage des décisions et de favori-ser la collaboration. Les institutions d’enseigne-ment ont également été invitées à adapter lesprogrammes de formation à ces nouvellespratiques (Office des professions, 2010;Gouvernement du Québec, 2000; AFISS, 2009).La littérature décrit plusieurs expériences oùdes étudiants de différentes disciplines appre-naient ensemble la collaboration interprofes-sionnelle dans divers milieux cliniques enutilisant des modalités pédagogiques variéescomme des sessions de formation théorique,des ateliers de discussion sur des situationscliniques réelles ou simulées, etc. (Hammick,Freeth, Koppel, Reeves et Barr, 2007).

Mieux se former pour mieux collaborer

Dans le cadre du Programme de contributionspour les stratégies et les politiques en matièrede santé de Santé Canada, la Faculté de méde-cine, la Faculté des sciences infirmières, l’Écolede service social de l’Université Laval et leCSSS de la Vieille-Capitale ont réalisé, de juillet2005 à mars 2008, le Programme de formationinterprofessionnelle pour une pratique en collabora-tion centrée sur le patient (FIPCCP). Trois facultés/écoles de sciences de la santé dont la médecineet les sciences infirmières devaient être repré-sentées. Le projet s’intitulait Le patient au cœurde nos actions : mieux se former pour mieux colla -borer. Il avait pour but de concevoir, d’expéri-menter et d’évaluer un programme intégré deformation interprofessionnelle. L’un des voletsde ce projet consistait à offrir une formationpratique au travail de collaboration en 1re ligneaux résidents en médecine familiale, aux sta-giaires en travail social et en sciences infir-mières dans différentes UMF (Paré, Maziade et Pelletier 2007). Le travail social a été choisicomme troisième discipline en raison de saprésence dans la majorité des UMF et de l’expé-rimentation déjà menée à l’UMF Haute-Villedepuis 2002. Ce volet comprenait trois phases :1) la préparation du milieu d’accueil destinéeaux professionnels pour développer ou conso -lider leurs compétences au regard de la collabo-ration et les préparer à devenir des modèles derôle; 2) la formation des superviseurs pour

connaître le matériel pédagogique destiné auxétudiants2 et les particularités de la supervisionen collaboration; 3) la formation des stagiaireset des résidents de l’UMF. L’équipe consacrée àce volet a développé l’ensemble des activitéspédagogiques, a offert la formation desphases I et II dans six UMF et a assuré le soutien des superviseurs lors de la phase III.

L’UMF : sa clientèle et ses professionnels

En plus d’être consacrée à l’enseignement desrésidents en médecine familiale, l’UMF a lamission d’offrir des soins et des services à uneclientèle ambulatoire de tous âges, présentantdes problèmes variés. Les 12 UMF affiliées àl’Université Laval sont généralement forméesd’au moins dix médecins, d’une ou de deuxinfirmières, d’un travailleur social ou d’unpsychologue. D’autres professionnels en nutri-tion, en pharmacie, en physiothérapie ou en kinésiologie peuvent aussi faire partie del’équipe. Selon les besoins, les médecins et lesrésidents en médecine familiale adressent lespatients aux autres professionnels de l’UMF.Alors que les médecins des UMF offrent desservices de consultation avec ou sans rendez-vous dans différents sites avec plusieurséquipes (ex. : UMF, CLSC, centre hospitalier,domicile…), les autres professionnels assurentune présence constante à l’UMF.

Les caractéristiques de la clientèle consultantdans ce contexte de première ligne et les réali-tés cliniques différentes des professionnelsexercent des contraintes sur la possibilité deréaliser des réunions d’équipe officielles àl’UMF. Ainsi, la collaboration se réalise par des échanges officiels ou informels avec deux ou plusieurs membres de l’équipe. Lesdiscussions sont principalement ponctuelles,rarement planifiées, sur une base épisodiqueou régulière.

La clientèle adressée aux travailleurs sociaux

En travail social, les interventions s’adressent àune clientèle adulte présentant des problèmespsychosociaux à l’origine du trouble de santéou nuisant au retour à la santé ou à l’efficacitédu traitement médical. La clientèle visée pré-sente un problème situationnel avec des symp-tômes dépressifs ou anxieux. Un suivi de huit à douze rencontres est offert à la clientèle.

INTERVENTION No132 37

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Les stages en UMF

Le nombre de résidents varie entre six et vingt-quatre par UMF. Tous les médecins supervisentles résidents. En travail social et en sciencesinfirmières, le ratio d’un superviseur pour unstagiaire de 1er ou 2e cycle est habituellementrencontré. Alors que les résidents en médecinefamiliale terminent les deux dernières annéesd’une formation de six à sept ans, les stagiairesau 1er cycle en sciences infirmières sont pré-sentes 16 jours sur six semaines, tandis que les stagiaires en travail social sont présentspendant trois mois. Au 2e cycle, les stagespeuvent être plus longs.

Les étapes préparatoires à la supervision de la formation pratique à la collaborationinterprofessionnelle

Modèle de rôle en collaboration

La supervision est un processus dynamiquecontribuant à l’acquisition des connaissances,des habiletés et des attitudes nécessaires audéveloppement de la compétence profession-nelle du stagiaire. Ces apprentissages sontdéfinis par un programme de formation,conformément aux exigences de l’ordre profes-sionnel (Villeneuve, 1994; Fournier, 2007). Lestage permet l’intégration du savoir théoriqueau savoir pratique en vue de favoriser l’évolu-tion de l’autonomie du stagiaire en créant un contexte privilégié au développement del’identité professionnelle. Celle-ci se construitprogressivement à partir de l’appropriation desvaleurs de chaque profession (Legault, 2003;Lecomte, 2000). Ainsi, la force de l’identitéprofessionnelle est directement reliée au senti-ment d’appartenance à l’idéal professionnelcollectif. Si on s’attend à ce que l’étudiantadhère à la culture de sa profession, le supervi-seur doit évidemment représenter un modèlede rôle (Legault, 1999). Il est reconnu quel’apprentissage est favorisé lorsque les étu-diants peuvent observer des modèles de rôleexperts et s’inspirer de leurs actions et de leursréflexions. Les structures organisationnelles etinstitutionnelles du milieu de stage influence-ront également cet apprentissage (Chamberlandet Hivon, 2005).

C’est dans cet esprit que, pour offrir des stagesintégrant des activités pédagogiques liées à lacollaboration interprofessionnelle, il s’avérait

incontournable de préparer les professionnelsdes UMF (formation des phases I et II) pourqu’ils puissent représenter des modèles de rôleavec l’appui des établissements. D’Amour etOandasan (2005) affirment que l’attitude d’unsuperviseur au regard de la formation interpro-fessionnelle pour une pratique en collaborationest un facteur central pour représenter unmodèle de rôle et peut ainsi influencer l’attitude des étudiants.

Planification des stages et des activités

Le projet impliquait que les superviseurs, enplus de se préparer à la supervision liée à leurdiscipline spécifique, accueillent les stagiairesen tenant compte des aspects pédagogiques etorganisationnels liés à la formation pratique àla collaboration interprofessionnelle. Avantl’arrivée des stagiaires, chaque UMF étaitinvitée à se nommer une personne-ressourcepour faciliter la coordination des activités. Lessuperviseurs de chaque discipline désignéspour participer à la formation des étudiants(phase III) convenaient de leur mode de fonc-tionnement et de l’horaire des activités pédago-giques (Tableau I). Ils partageaient les tâches ens’assurant d’une co-animation dans toutes lesactivités de manière à représenter un modèlede collaboration également dans l’animation. Les superviseurs convenaient de se rencontrerdurant tout le stage pour échanger les informa-tions, suivre le cheminement des étudiants,prendre des décisions de façon concertée etévaluer les étudiants au regard de la collabora-tion. Outre les activités officielles déjà prévues,toutes les occasions cliniques devaient être aussiutilisées au cours du stage pour susciter lesexpériences de collaboration interprofessionnelle.

Sélection des stagiaires en travail social

L’une des prémisses fondamentales du travailde collaboration est d’être en mesure de décrireclairement son rôle et ses responsabilités àd’autres professionnels et de reconnaître lacontribution de ceux-ci (Curran, 2004). Il estdonc souhaitable que chaque étudiant aitamorcé le développement de son identitéprofessionnelle, possède des connaissances de base liées à son rôle professionnel, ait expé-rimenté un processus d’intervention, démontrede la motivation, de la confiance en soi et desqualités relationnelles facilitant son intégration

INTERVENTION No13238

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au sein d’un groupe. À la suite de la promotionde ces stages auprès des étudiants à la maîtriseou suivant leur 2e stage du 1er cycle, une entre-vue de sélection était prévue avec les candidatsintéressés afin d’évaluer leur expérience et lesqualités requises pour ce stage.

L’expérience de la formation pratique à lacollaboration interprofessionnelle

Le processus d’évaluation

Le plan d’analyse reposait sur la combinaisonde deux cadres théoriques. Le premier, inspirédes travaux de Donabedian (1985), est utilisédans le domaine de l’évaluation des services de santé et considère les caractéristiques struc-turelles du programme, les processus déployéspour la mise en œuvre et les résultats immé-diats. Le second, utilisé pour l’évaluation del’initiative canadienne FIPCCP (Santé Canada,2006), s’intéresse à la formation interprofession-nelle et à la pratique interprofessionnelle. Lesquestionnaires autoadministrés permettaientd’évaluer chacune des composantes des deuxcadres théoriques. Les variables liées à l’appré-ciation des sessions de formation, à la démarchepédagogique, à la perception d’acquisition deconnaissances et de compétences et à la percep-tion de modification de l’attitude au regard de

la collaboration interprofessionnelle centrée sur le patient sont mesurées avec des échelles àcinq points de type Likert. Ces questionnaires,remplis à la fin de la formation, ont été déve-loppés à partir de la littérature sur le sujet et ducontenu pédagogique des formations. De plus,les superviseurs ont été rencontrés périodique-ment pour partager leur perception des défisdes étudiants, leurs expériences d’animation et de supervision, ainsi que pour recueillir leurappréciation du programme de formation. Lesinformations recueillies auprès des 59 partici-pants furent analysées selon une approchemixte, à la fois quantitative et qualitative. Voici quelques résultats de cette évaluation.

La perception des étudiants

Au terme des activités, les étudiants (59), dont7 en travail social, percevaient avoir améliorésignificativement leurs connaissances, leurscompétences et leurs habiletés ainsi que leurcompréhension des avantages de la pratique de collaboration en première ligne (Tableau II).

INTERVENTION No132 39

Tableau I. Formation à la collaboration interprofessionnelle : activités pédagogiquesPhase III : Formation destinée aux stagiaires en travail social

et en sciences infirmières et aux résidents en médecine familiale

Activités Durée

Session 1 Collaboration interprofessionnelle : de la théorie à la pratique

Session 2 Le rôle des professionnels Ateliers de 90 minutes

Session 3 Le travail d’équipe

Session 4 La collaboration interprofessionnelle au quotidien

Discussions de cas 30 minutes/semaine

Stratégies pédagogiques

• Les exercices individuels ou en sous-groupes suivis de discussions en plénière permettent d’aborder lesconcepts clés de la collaboration interprofessionnelle à partir de :

˚ Présentations de témoignages, de cas cliniques, de mises en situation à l’aide de vidéo, de rencontresavec des professionnels de différentes disciplines et de synthèses sur diaporama

• Intégration d’un processus de collaboration interprofessionnelle :

˚ Travail en équipe sur des problématiques déterminées

˚ Expérimentation du travail d’équipe faisant suite à des entrevues simulées où des stagiaires de diffé-rentes disciplines rencontrent à tour de rôle le même patient

• Animation des activités par des professionnels de différentes disciplines

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La majorité des étudiants (58) reconnaissaientavoir une attitude positive au sujet de la colla-boration et 40 % d’entre eux ont développé uneattitude plus positive que celle notée au débutde la formation. Tous les étudiants percevaientles superviseurs impliqués dans les UMFcomme des modèles de rôles crédibles.

L’expérience d’animation et de supervision

Les sessions de formation et les discussions decas étaient l’occasion d’intégrer les concepts liésà la collaboration et de superviser les apprentis-sages des étudiants reliés aux compétences àdévelopper. Les superviseurs, attentifs auxinteractions interprofessionnelles, guidaient lesétudiants et suscitaient leurs questionnementsau regard des aspects suivants : la transmissionde l’information, la clarification et la négocia-tion des rôles, le partage du leadership et desresponsabilités, les priorités d’intervention, lesmodalités d’une demande de consultation et de

suivi à d’autres professionnels, le déroulementdes échanges, etc.

En l’absence de leur superviseur à l’une oul’autre des activités, il est arrivé que des étu-diants manifestent leur scepticisme sur le par-tage des responsabilités entre les professionnelsde diverses disciplines. Les superviseurs ontalors perçu l’importance de leur présence et deleur participation à toutes les activités pour ledéveloppement des compétences. À cet égard,l’occasion d’observer des comportementsfavorables à la collaboration, de mettre enévidence les enjeux présents et de discuter avecdes modèles de rôle crédibles a pu influencerpositivement la perception des étudiants.

Des superviseurs ont noté qu’il arrivait que des étudiants perçoivent moins leurs besoinsde formation au regard de la collaboration,considérant avoir d’autres priorités d’appren-tissage ou avoir déjà acquis les connaissances et les compétences dans ce domaine. Pour

INTERVENTION No13240

Tableau II. Perception pré/post d’acquisition de connaissances et de compétences(Moyenne de l’échelle de Likert en 5 points, 3 = valeur neutre)

Étudiants

Compétences acquises ou développées (n = 59)Moyenne Moyenne

Avant Après

1. Connaître les concepts de collaboration interprofessionnelle appliqués à la pratique en soins et services de première ligne. 2,88 4,12*

2. Connaître le rôle des autres professionnels ainsi que leur expertise. 3,46 4,12*

3. Reconnaître et respecter la contribution des autres professionnels et leurs contraintes dans l’accomplissement de leurs tâches. 4,37 4,46

4. Maîtriser les habiletés nécessaires au bon fonctionnement d’une collaboration interprofessionnelle centrée sur le patient. 3,54 4,04*

5. Se préoccuper de partager avec les autres professionnels les informations ou les décisions lors de références et de suivis conjoints. 3,88 4,42*

6. Être outillé pour travailler en collaboration interprofessionnelle dans la prestation des soins et services en santé de première ligne. 3,02 4,00*

7. Déterminer les situations cliniques où la collaboration interprofessionnelle s’avère pertinente dans l’intérêt du patient. 3,54 4,29*

8. Reconnaître les sources de problèmes ou de conflits pouvant entraver la prestation de soins et de services. 3,23 4,17*

9. Assumer ses responsabilités professionnelles dans les contextes de collaboration interprofessionnelle. 3,88 4,37*

10. Être outillé pour considérer le patient comme un partenaire essentiel au cœur de nos actions. 4,02 4,43*

11. Tenir compte du point de vue des autres professionnels dans les contextes de collaboration interprofessionnelle. 4,29 4,56*

Total 3,65 4,27*

* Utilisation du test statistique non paramétrique (Wilcoxon) (p < 0,05).

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maintenir ou susciter l’intérêt, les superviseursont établi comme stratégie pédagogiquegagnante l’orientation des échanges vers dessituations cliniques réelles de première lignevécues par les étudiants.L’intégration des stagiaires en travail social ausein d’un groupe déjà formé a pu être intimi-dante en raison du nombre de résidents et dupouvoir souvent accordé aux médecins dans lesystème de santé et dans la société en général.Les superviseurs ont ainsi suscité très tôt laparticipation des stagiaires en travail socialdans les activités pour démontrer la valeurajoutée de leur contribution et favoriser leprocessus d’affirmation du rôle professionnel.De plus, comme les autres étudiants étaientdans le domaine de la santé, le jargon utiliséreprésentait un obstacle à la compréhensiondes situations cliniques. « F.A. » en médecine,ce n’est pas une famille d’accueil, mais bien dela fibrillation auriculaire. Le stagiaire en travailsocial avait à demander la signification desacronymes, des mots techniques, des noms de maladie et leur impact sur le patient. Cettesituation nécessitait donc de prendre sa placeen reconnaissant ses limites, sans pour autantdiminuer sa crédibilité. Au fil des rencontres,plusieurs superviseurs ont perçu qu’un climatde confiance s’établissait entre les étudiantsainsi qu’une meilleure compréhension del’apport de chacun. Dans ce contexte, le leader-ship partagé, défini comme le processus d’in-fluence réciproque respectant la contributionde chacun, a pu prendre forme permettant ainsile partage du pouvoir entre les professionnels.

Conditions favorables à la supervision de la collaboration

Superviser avec des collègues de professionsdifférentes un groupe d’étudiants de plusieursdisciplines est un défi important à relevercompte tenu de la coordination des activités, de l’appropriation du matériel pédagogique etde la vision commune à partager. Comme lacollaboration représente un nouveau volet àinclure dans les objectifs de stage de chaquediscipline, la supervision des activités s’y ratta-chant représente une tâche supplémentaire.Toutefois, à la suite du projet, les super viseursreconnaissent la pertinence de cette formationen première ligne et, malgré les contraintes de temps, ils ont manifesté motivation

et dynamisme pour continuer d’offrir de telsstages dans leur UMF. Ainsi, pour le bondéroulement des activités, il appert que larévision de sa propre pratique de collaborationet la préparation à la supervision en collabora-tion sont des préalables incontournables.

Les activités de formation se sont déroulées surune période de cinq semaines en raison de ladurée des stages en sciences infirmières et ontentraîné la modification du déroulement habi-tuel des stages de chaque discipline. C’estpourquoi plusieurs UMF avaient prévu d’éche-lonner les discussions de cas pour les autresétudiants sur une période de huit à douzesemaines en maintenant la participation dessuperviseurs en sciences infirmières pourreprésenter cette discipline. En effet, commetous les apprentissages, la pratique de collabo-ration s’actualise au fil du temps à partir d’ex-périences positives et de la consolidation de ses habiletés dans un climat de confiance. Laplanification des activités sur une plus longuepériode peut donc devenir déterminante pourl’acquisition des compétences.

La présence des superviseurs de chaque disci-pline est essentielle pour relever les résistances,susciter les réflexions sur la contribution dechacun et accompagner la démarche de collabo-ration. Reconnue par les étudiants, la complicitéobservée entre les superviseurs a contribué à cequ’ils représentent des modèles de rôle crédiblesau regard de la collaboration interprofession-nelle. Cette influence positive sur les apprentis-sages, comme le soutiennent D’Amour etOadansan (2005), a pu également favoriser ledéveloppement de l’identité professionnelle. Parailleurs, les résultats de l’évaluation auprès desétudiants concernant l’acquisition des connais-sances, des compétences et l’attitude au regardde la collaboration interprofessionnelle corres-pondent à ceux retrouvés dans la littérature(Hammick et al., 2007).

Dans chaque UMF, une personne-ressource,généralement une travailleuse sociale, a favo-risé le bon déroulement des activités. Cettepersonne était aussi en contact avec la travail-leuse sociale responsable de l’ensemble duprojet. Ces échanges permettaient de partagerson expérience, de valider des stratégies péda-gogiques, de vérifier sa compréhension desmodalités des activités pédagogiques ou de

INTERVENTION No132 41

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consolider ses propres compétences en supervi-sion de la collaboration.

Conclusion

L’engagement des professionnels des UMF etdes gestionnaires des établissements a rendupossible la réalisation de ces stages. Par ail-leurs, une coordination de l’ensemble de cetteformation pratique s’est avérée nécessaire pourarrimer les particularités des différents pro-grammes de formation universitaire et pro-mouvoir les stages auprès des étudiants tout enmobilisant, formant et soutenant les UMF. Ceprojet a été reconnu comme représentant unevaleur ajoutée à la formation en milieux destage, préparant les futurs professionnels de la santé et des services sociaux aux réalitéscliniques de la première ligne où la collabora-tion interprofessionnelle est devenue incon-tournable. D’ici 2011, les douze UMF affiliées à l’Université Laval seront prêtes à offrir lesactivités de formation pratique à la collabora-tion interprofessionnelle aux stagiaires et auxrésidents en médecine familiale. Cette expé-rience pourrait certainement s’adapter à d’autres contextes de pratique. C’est ainsi que faisant suite au projet Le patientau cœur de nos actions, mieux se former pour mieuxcollaborer, l’Université Laval en partenariat avecle CSSS de la Vieille-Capitale a mis en place le Réseau de collaboration sur les pratiquesinterprofessionnelles en santé et servicessociaux (RCPI). Ce dernier vise le développe-ment des compétences liées à la collaborationinterprofessionnelle du 1er cycle à la formationcontinue. Les Facultés de médecine, de phar-macie, des sciences infirmières et des sciencessociales ainsi que tout le Réseau universitairede santé (RUIS) de l’Université Laval sontmaintenant invités à s’engager dans la colla -boration interprofessionnelle.Sur le plan national, le CanadianInterprofessionnal Health Collaborative-Consortium pancanadien pour l’interprofes-sionnalisme en santé (CIHC-CPIS, 2009), misen place par Santé Canada, offre le forumd’échanges des expériences pédagogiques etcliniques des équipes interprofessionnelles. Il influence d’ailleurs le cadre de compétencesliées à la collaboration interprofessionnelle ensoutenant les organismes d’agrément desprogrammes de formation universitaire

des professionnels de la santé et des servicessociaux au Canada (AFISS, 2009). Les Conseilscanadien et québécois des agréments desétablissements de santé incluent maintenantcette dimension à leurs normes (AgrémentCanada, 2010; Conseil québécois d’agrément,2009).De toute évidence, la collaboration interprofes-sionnelle est appelée à prendre une placeimportante dans toutes les disciplines et lesexpériences de stages continueront à représen-ter des occasions privilégiées de développercette compétence. Êtes-vous prêts à superviserla collaboration interprofessionnelle?

Remerciements

Je remercie Jean Maziade, MD, FCMF, CCMF,M.Sc., et Francine Pelletier, infirmière clini-cienne, M.Sc., précieux collaborateurs dansl’élaboration de ce programme de formation. Je remercie également André Bilodeau, MD,FCMF, MA; Serge Dumont, t.s., Ph. D.; etLouise Hagan, R.N., Ph. D., membres ducomité de direction du projet Le patient au cœur de nos actions : mieux se former pour mieuxcollaborer, qui ont suivi toutes les étapes d’élaboration du programme de formation. Je veux souligner aussi la contribution deNathalie Houle, coordonnatrice du projet, et de Maximilien Iloko-Fundi, responsable del’évaluation. Tant l’engagement du programmede résidence en médecine familiale, de l’Écolede service social et de la Faculté des sciencesinfirmières que la participation des Unités demédecine familiale et les Centres de santé et deservices sociaux associés ont été grandementappréciés. Un merci particulier est adressé auxsuperviseurs de stages.

Descripteurs :Centre de santé et de services sociaux (CSSS) de la Vieille-Capitale. Unité de médecine familiale(UMF) Haute-Ville // Université Laval (Québec).École de service social // Stages - Évaluation //Interdisciplinarité // Interdisciplinarité enéducation // Service social - Étude et enseignement(Universitaire) // Stagiaires - SupervisionQuebec City Health and Social Service Centre’sFamily Medicine Unit // Laval University School of Social Work // Internship programs - Evaluation // Interdisciplinary approach toknowledge // Interdisciplinary approach ineducation // Social service - Study and teaching //Social work students - Supervision of

INTERVENTION No13242

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Notes

1 Les UMF sont des milieux cliniques d’enseignementconsacrés à la formation des résidents en médecinefamiliale. Ils peuvent aussi accueillir des stagiairesd’autres disciplines. Les UMF offrent des soins etdes services diversifiés adaptés aux besoins de lacommunauté, contribuent aux activités de rechercheet favorisent le développement professoral(Université Laval, 2008).

2 Le terme « étudiants » utilisé seul fait référence auxstagiaires de toutes les professions et aux résidentsen médecine familiale.

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INTERVENTION No132 43

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parDominique Mercure, M.S.S.ProfesseureÉcole de service socialUniversité Laurentienne (Ontario)Candidate au doctorat en sciences de l’éducation - Université LavalCourriel : [email protected]

Halimatou Ba, Ph. D., t.s.ProfesseureDépartement de service socialCollège universitaire Saint-Boniface (Manitoba)

Pierre Turcotte, Ph. D., t.s.Professeur agrégéÉcole de service socialUniversité Laval

Strengths and limits of international socialwork internships. Example of two universityinternships (Laurentian and Laval) in Senegal.Forces et limites des stages internationaux en travail social. Exemple des stages de deuxuniversités (Laurentienne et Laval) au Sénégal.

Le présent article vise à présenter les forces et leslimites des stages internationaux, notamment ence qui concerne le développement des habiletésd’intervention en contexte interculturel. Cette réflexion est le fruit d’une collaborationde longue date entre les trois auteurs lors del’expérimentation de stages internationaux,notamment au Sénégal. Que ce soit à titre deresponsable de la formation pratique et d’étu-diante doctorale en sciences de l’éducation, de coordonnateur des stages internationaux ou de superviseure pédagogique en Afrique,les auteurs ont mis en commun leur expérience

afin de démontrer la pertinence de la formationpratique en contexte international à l’heure desgrands enjeux sociétaux entourant les relationsinterculturelles, tant au Québec qu’ailleurs auCanada français.

Après avoir présenté brièvement les expé-riences d’offres de stage international dansdeux universités (Laurentienne et Laval), nousdégagerons un certain nombre d’enjeux pour la profession. Nous exposerons par la suite les diverses opportunités d’apprentissagepropres au stage international à partir de l’expérience spécifique des universités Laval et Laurentienne au Sénégal, ainsi que les exi-gences de la supervision pédagogique néces-saires au développement des compétencesprofessionnelles dans des contextes culturelsautres que nord-américains.

Mise en contexte

La formation pratique des futurs travailleurssociaux constitue près du tiers du cursus deformation. Par ailleurs, dans le contexte de la mondialisation et de l’accélération deséchanges, la perspective internationale de laformation devient un élément incontournable à intégrer dans les programmes de formationuniversitaire. On constate d’ailleurs un engoue-ment des étudiants pour la mobilité interna -tionale. La question que nous soulevons icidemeure la suivante : comment favoriser cesexpériences à l’étranger tout en gardant le soucide préparer les étudiants à faire face aux enjeuxactuels et futurs de leur profession?

D’autre part, la création récente d’un organismeinternational regroupant les différentes unitésde formation professionnelles et universitairesfrancophones en travail social (AIFRIS1) vientdémontrer toute la place que les échangesinternationaux vont prendre dans la formationen travail social dans la francophonie au cours des prochaines années. Rappelons qu’enmatière de formation universitaire en travailsocial, les seuls programmes francophones (àl’exception du Liban) sont offerts au Canada,

La formation pratique lors d’unstage international en travail socialet le développement d’habiletés enintervention interculturelle

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Intervention, la revue de lʼOrdre des travailleurssociaux et des thérapeutes conjugaux

et familiaux du Québec. Numéro 132 (2010.1) : 44-52.

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d’où la grande responsabilité qui incombe auxécoles du Québec, de l’Ontario, du Nouveau-Brunswick et du Manitoba.Comme le développement de la compétenceprofessionnelle en travail social est au cœur despréoccupations de la formation professionnelle,une réflexion théorique sur le sujet du stage àl’étranger s’avère pertinente afin de décortiquerplusieurs difficultés liées au contexte intercul-turel qui doivent être prises en compte pourpouvoir intervenir adéquatement. Ces difficul-tés peuvent constituer des obstacles importantspuisque l’étudiant est un apprenti dans la profession.L’offre de stages internationaux de nos écolesrépond aux objectifs de la formation pratique.Nous y développons diverses modalités liées à la préparation, à l’encadrement et à l’acquisi-tion de compétences professionnelles en travailsocial. Cette réflexion nous permettra ainsid’exposer des perspectives pédagogiquespropres à la formation pratique en contexteinternational.

Le stage international à l’Université Laval

L’École de service social offre des stages internationaux depuis plus de 20 ans2 surquatre continents : Afrique (Sénégal et Mali),Amérique du Sud (Chili), Asie (Liban) etEurope (Suisse3). À l’automne 2009, dans lecadre de leur stage II, quatre étudiantes ontchoisi d’effectuer leur stage à l’étranger : troisau Mali et une au Chili. Dans le cas du Mali, lasupervision pédagogique était assurée par desprofessionnelles québécoises grâce à SKYPE; au Chili, la supervision était assurée par noscollègues de l’Université de Concepción, dansle cadre d’une expérience de collaboration quiexiste depuis plus de sept ans.La possibilité de suivre un stage à l’internationalest conditionnelle à la réussite des objectifs dustage I qui permet d’avoir une bonne connais-sance de l’intervention au Québec avant depouvoir penser à intervenir en contexte étranger. Un contrat d’apprentissage type adapté au stageinternational a été conçu au fil des années, quel’étudiant modifie selon son milieu d’interven-tion. Ce contrat type comporte vingt-cinq sous-objectifs (cinq par objectif général) et s’appuiesur celui prévu pour les stages en organisationcommunautaire, en spécifiant notamment

plusieurs objectifs de savoir-être afin de refléterles apprentissages faits en milieu cultureldifférent. Par exemple :

- Réussir mon intégration au sein de l’équipeprofessionnelle et au sein des différentsprojets d’intervention en prenant graduelle-ment ma place dès le début du stage.

- Discuter des problèmes, des besoins et desenjeux sans porter de jugement de valeur sur les personnes.

- Démontrer de l’initiative tout en demeurantflexible et à l’écoute des besoins de la popu-lation concernée (Boulianne, 2009).

Aucun cours spécifique sur l’intervention encontexte interculturel n’est actuellement exigé,même s’il est offert dans le programme deformation. Le stage à l’étranger comprenddeux semaines d’intégration en plus des54 jours (12 semaines) en intervention.

Avant le départ, des rencontres sont organiséespar le Bureau international de l’UniversitéLaval pour un soutien logistique lors desdémarches administratives et la préparationpersonnelle à vivre un choc culturel et à déter-miner des stratégies d’adaptation efficaces. Des activités de compte-rendu/témoignagesont aussi organisées au retour par l’École deservice social. Elles prennent la forme d’unatelier d’échanges entre étudiants ayant vécucette expérience et de conférences-midiouvertes à la communauté universitaire. Ellespermettent de faire le point sur le choc duretour et d’offrir un rayonnement des stagesinternationaux en vue de mieux préparer lesfuturs étudiants sur leur choix de faire un stageà l’étranger.

Le stage international à l’UniversitéLaurentienne (Sudbury)

Quant à l’École de service social de l’UniversitéLaurentienne, elle vient tout juste d’ouvrir lapossibilité de suivre des stages internationauxdans le cadre de sa formation. Le premier stages’est effectué au Sénégal (Afrique) au prin-temps 2009 avec une étudiante finissante de4e année, dans lequel l’accompagnement de saprofesseure permettait l’observation des oppor-tunités et des difficultés particulières à cettepremière expérience de stage internationalpour l’École de service social.

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Des rencontres préparatoires furent organiséespour permettre des échanges à partir de lec-tures et d’exercices sur plusieurs thèmes tou-chant l’analyse culturelle et la communicationinterculturelle. Afin de favoriser l’apprentis-sage et l’intégration de l’expérience sur le planprofessionnel, certains outils réflexifs furentélaborés pour accompagner le séjour. De plus, l’enregistrement vidéo de certainessupervisions sur place a permis de retracer latrajectoire du développement des compétencesprofessionnelles et les moyens mis en œuvrepour dénouer certains incidents critiques. Cette prérecherche fut effectuée dans le cadredu projet de thèse de la professeure, en tant que doctorante en sciences de l’éducation.

Défis et enjeux pour la profession

Puisque le programme de formation en travailsocial a comme première visée de former destravailleurs sociaux aptes à exercer leur profes-sion, une connaissance des exigences actuellesde l’exercice de la profession du travail socialnous donnera des assises concrètes pour envi-sager le stage à l’étranger.Au Québec, dans le Nord de l’Ontario et auManitoba notamment4, le nombre de personnesprovenant d’origines ethniques variées a aug-menté significativement depuis les cinq ou dixdernières années. Les intervenants sociaux sontconfrontés à des normes, des valeurs et desstyles de comportement différents des leurs. Ils doivent être sensibilisés à ces différencesculturelles et être capables d’intervenir dans le respect des personnes et des communautés. Dans la société actuelle, le travail social s’inscritaussi dans un système basé sur l’action où lavaleur sociale d’efficience influence de plus enplus la pratique. La compétence professionnelledes travailleurs sociaux constitue un enjeucentral de la profession. L’identification descompétences professionnelles requises conduità s’interroger sur les dispositifs de formation àprivilégier pour permettre le développementde ces compétences. Par expérience, nous avons constaté que, dansun stage international, le milieu culturel estsouvent tellement différent que l’accent étaitmis sur le premier objectif du contrat d’appren-tissage, soit la connaissance du milieu. Dans uncontexte où la notion de temps et d’organisa-

tion est différente, trois mois représentent peu de temps pour permettre aux stagiaires des’insérer suffisamment pour pouvoir mettre enapplication un plan d’intervention. On peutdonc se questionner si cela est suffisant pourdévelopper une compétence professionnelle.Certains peuvent également interroger lapertinence des stages internationaux, car lescritères relatifs à certaines compétences profes-sionnelles (rythme de travail, respect deshoraires de travail, éthique/confidentialité,dossiers du client, etc.) peuvent varier beau-coup des critères nord-américains. Au Québec,ces questions deviennent d’autant plus perti-nentes dans le contexte actuel du rehaussementdes exigences professionnelles faisant suite àl’adoption de la loi 21 modifiant le Code desprofessions et d’autres dispositions législatives dans le domaine de la santé mentale et des relationshumaines. Voilà pourquoi il est si importantd’examiner les opportunités d’apprentissage de ces stages, au regard des exigences profes-sionnelles actuelles.

Les opportunités d’apprentissage

Comme première opportunité d’apprentissage,le stage à l’international permet le développe-ment d’habiletés interculturelles chez le futurtravailleur social. Tout d’abord, sur le planexpérientiel, en tant qu’étranger dans unmilieu, l’étudiant vivra lui-même le choc culturel et le processus exigeant d’adaptationimpliqués par la vie quotidienne dans un paysétranger. Le stagiaire pourra ainsi mieux saisirles nombreux impacts et subtilités vécus par lesgens en situation d’immigration ici. Sur le planprofessionnel, l’apprentissage des complexitésliées à la communication interculturelle conduitl’étudiant à être plus conscient et plus sensibleaux diverses visions du monde impliquéesdans l’intervention. Legault (2000) relate d’ailleurs précisément comment l’étude desvaleurs appelle à saisir avec plus de profon-deur la conception du monde derrière lesmodes de fonctionnement, donnant ainsi unsens autre aux problématiques vécues dansdifférentes cultures. De plus, dans l’exercice de son activité professionnelle à l’étranger,l’étudiant pourra observer les différencesprofessionnelles d’un pays à l’autre et seramieux à même de cerner la spécificité de sonmilieu d’origine, de prendre conscience des

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facteurs culturels influençant l’organisation desservices et d’ancrer son identité professionnellepar une adhésion aux valeurs universelles soute-nant l’acte professionnel propre au travail social.Comme deuxième opportunité, le contexteinterculturel met en lumière nos préjugés etnous invite à mieux cerner les fondements denos jugements, afin de différencier nos motiva-tions personnelles et les implications probablesde nos actions (Wehbi, 2009).Ces nouveaux atouts sur le plan du savoir-êtresont des apprentissages fort précieux pour laformation des futurs travailleurs sociaux.L’Association canadienne des écoles de travailsocial5 a d’ailleurs pris position pour entre -prendre des actions afin que les écoles accrédi-tées tiennent compte de la diversité sociale etculturelle dans leurs programmes de forma-tion. Elle a d’ailleurs mandaté André Jacob(2001) pour rédiger le rapport Formation entravail social et diversité sociale et culturelle. L’auteur nomme spécifiquement dans sonrapport les objectifs de formation à la diversitéculturelle qui seront atteints par l’interventionen contexte interculturel :

- Fournir à l’étudiante l’occasion de dévelop-per ses capacités à saisir la trame et le sensdu discours de l’autre;

- Apprendre à l’étudiante à autocritiquer sonpropre discours, y compris ses biais systéma-tiques dans la logique « professionnaliste »,les stéréotypes, les préjugés, etc.;

- Développer des habiletés à décoder lalogique institutionnelle et la distance institu-tionnelle entre les pratiques dites profession-nelles, les normes de la pratique définies parune institution et les références personnellesdans l’intervention;

- Permettre à l’étudiante de développer sonpropre modèle qui permettra de décoder lesens du discours de l’autre et d’analyserévénements et incidents critiques avec desoutils adéquats.

Comme troisième opportunité, le stage à l’étranger, par la perte de ses repères cultu rels,donne l’occasion à l’étudiant de s’appuyer sur ses assises théoriques en vue d’analyser de nouvelles situations. Cette capacité d’ana-lyse du milieu en vue de l’action est une compétence indispensable à la profession de travailleur social.

Le processus de construction de l’identitéprofessionnelle est toujours particulier àchaque communauté de pratique. L’étudiantdoit saisir la logique fonctionnelle de ce nouveau système dispensateur de services,comme l’explicite la théorie des communautésde pratique (Wenger, 2005). Malgré certaines difficultés interculturelles,l’étudiant a la possibilité d’y faire de nombreuxapprentissages, dont apprendre à se servir de la théorie pour sortir des impasses rencontréeset actualiser diverses compétences propres au travail social. Celui-ci aura d’ailleurs àapprendre cette mobilisation pour composeravec les problématiques complexes liées àl’exercice de la profession de travailleur social.L’expérience internationale devient une occa-sion privilégiée pour l’étudiant de côtoyer desunivers différents qui lui permettent de s’ou-vrir à la logique particulière de chaque modede vie, construit de croyances qui s’entremêlentpour former un tout cohérent.Les unités de formation doivent préparer lesfuturs travailleurs sociaux à être polyvalents,aptes à intervenir auprès des individus, desfamilles et des collectivités dans un contexte demutations constantes dans la société, tant sur leplan des pratiques que des problèmes sociaux. Au Québec, le Référentiel de compétences del’Ordre professionnel des travailleurs sociauxdu Québec (2006) accorde beaucoup d’impor-tance aux habiletés d’analyse contextuelle,d’écoute, de jugement, de perspicacité et deconnaissance des problématiques impliquéespar la pauvreté, ainsi qu’à la capacité à veiller àl’organisation des services, en étant conscientdes politiques oppressantes. Le stage interna-tional permet de saisir le fonctionnement socialdans un autre contexte, où le réseau naturelprime; il appelle à une vision critique dessystèmes, à une adaptation au changement, à une nécessité de collaboration pour pouvoircomposer avec les obstacles, à une consciencede son leadership professionnel et à un respectdes valeurs du travail social par une vision àlong terme des partenariats.Notre expérience nous démontre combien un stage à l’international nous apprend vite àcomposer avec l’imprévisibilité, à nous centrersur un projet malgré les obstacles et à gérer lestress dans divers contextes auxquels nous

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sommes peu habitués. Débrouillardise, initia-tive et créativité doivent être au rendez-vous.

Une illustration de ce contexte d’opportunités

L’anecdote suivante démontre comment lamobilisation des compétences est nécessairepour articuler un plan d’action dans uncontexte à l’étranger. Nous nous présentonsdans une école de réfugiés au Sénégal; nousdemandons aux professeurs quels sont lesbesoins des élèves et de l’école, la réponse n’estrien d’autre que d’avoir des bénévoles sup-pléants pour faire la classe à leur place et leurdonner du répit. Loin d’être notre mandat,nous acceptons de prendre le temps de faire del’observation participante en répondant à cettepremière demande où nous tissons graduelle-ment des liens privilégiés. Nous apprenons queles enfants sont dissipés et que peu mangent àleur faim : le programme des repas a été abolicette année, faute de fonds.

Par contre, une cantine de bonbons est à laporte de l’école, on y laisse les enfants acheteret manger à leur guise, si bien que certainstombent malades, au point où les parentsdoivent acheter des médicaments. Devant notreconsternation sur cette vendeuse de bonbons,on nous répond : « c’est comme ça dans toutesles écoles »… quelques mots à la directrice et la vendeuse a disparu ! Organiser les jeux à larécréation, des petites pauses durant la classe àles laisser chanter et danser avec toute l’expres-sion désirée permet à l’école de retrouver la joiede vivre et la motivation d’apprendre. De petitsdétails mais qui, placés en contexte, changent laqualité de vie des élèves, des professeurs et duclimat scolaire. On apprend graduellementcertains secrets : une élève adolescente estmenacée de devoir quitter l’école, car elle a ététémoin du détournement de matériel scolairepar des parents; or, si elle quitte l’école, safamille la mariera dans son pays qui est enguerre actuellement. Des stratégies sont misesen place pour dénouer l’impasse et convaincreses parents de la changer d’école l’an prochain.Nous sommes aussi impliqués dans la recherchede fonds pour le parrainage des frais scolairespar les compagnies privées. Tout se dessine àmesure que nous côtoyons le milieu et utilisonsnos compétences reliées aux besoins du terrain.

Nous avons également profité du contexte dela salle d’attente pour voir la sage-femme àl’hôpital, pour engager une causerie et donnerde l’information sur le VIH aux femmesenceintes alors qu’une rencontre officiellen’aurait pas fait déplacer ces femmes. Observerles mœurs permet d’apprendre des interven-tions bien adaptées au contexte.

Assister à des colloques et à des activités pro-fessionnelles nous amène à saisir la logique decette communauté, contrant les déterminantsde la santé par le réseautage et l’éducation surle terrain. S’exposer à l’interculturel permetd’apprivoiser l’ambigüité et de s’engager parde petits gestes en puisant dans sa créativitépour pouvoir œuvrer de manière compétente.

Point de vue d’une professeure sénégalaise6

Parmi les étudiants au baccalauréat en servicesocial de l’Université Laval choisissant de faireleur stage à l’international, au moins une ving-taine a choisi le Sénégal comme destination.Leur stage se déroule en majorité dans la capi-tale même, à Dakar. La supervision est assuréepar des intervenants mandatés. Ceux-ci ontsuivi une formation dans le cadre d’une coopé-ration ayant existé, vers la fin des années 1980,entre l’École de service social de l’UniversitéLaval et l’École nationale des assistants sociauxet éducateurs spécialisés (ÉNAES) de Dakar.Cette collaboration a permis à l’ÉNAES, deve-nue l’ÉNTSS (école nationale des travailleurssociaux spécialisés en 1995) d’avoir désormaisdes compétences en ressources humaines afind’assurer un encadrement et un suivi pédago-giques des étudiants québécois en service socialen formation à l’international. Ainsi, le Sénégalbénéficie d’une vingtaine d’années d’expé-rience de supervision pédagogique de stage qui s’est ainsi développée de 1994 à 2007.

Au cours de cette période, de nombreux orga-nismes et institutions communautaires ont étéimpliqués dans la réalisation de ces stagesinternationaux et plusieurs problématiquessociales et problèmes sociaux ont été ciblés etétudiés par les stagiaires. Les principales problématiques rencontrées sont : l’alphabé -tisation des femmes à Dakar et en banlieue; la lutte contre la pauvreté; la problématique de la violence faite aux femmes (lutte contrel’excision des femmes et la prostitution); la

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problématique des enfants de la rue (la ques-tion des taalibés, disciples de certaines écolescoraniques qui errent dans les rues) et enfin lesfemmes dans le développement économique et social.Plusieurs problématiques sociales traitées dansces institutions ou dans ces organismes com-munautaires au Sénégal existent aussi auQuébec, en Ontario et au Manitoba, d’autressont différentes. Cette analyse des problèmessociaux peut permettre à l’étudiant de décou-vrir des origines semblables ou non et desconséquences sur les populations concernées,ne pouvant pas toujours être perçues de lamême façon dans les divers contextes. Enconséquence, les solutions pour les éradiquerdoivent s’adapter au contexte. Ces multiplesfaçons de percevoir les problèmes sociauxpermettent aux intervenants sociaux de relati-viser leur traitement, d’introduire dans leurapproche une diversité d’analyse et d’interpré-tation sur leur prise en charge. Il s’agit commeici d’analyser la problématique en matière decauses et d’impacts, et d’articuler une réponsecohérente avec les besoins sur le terrain.

Le déroulement du stage à l’international au Sénégal

Une fois que l’étudiant a fait son choix définitifdu pays de destination, le travail de supervi-sion débute avec la nomination d’un supervi-seur mobile en fonction de son parcoursprofessionnel et universitaire. Ce dernier travaille en partenariat avec le département des stages des écoles de formation d’originedes étudiants pour les préparatifs afférents au stage. Ces préparatifs incluent en priorité le choix du thème général de la problématiqueque l’étudiant abordera dans le cadre du stage.La prospection du terrain de stage se fait enfonction du thème retenu. C’est aussi à ce stadequ’il faut déterminer les institutions et la ou lespersonnes-ressources disponibles sur le lieu destage, capables de guider et de répondre auxbesoins d’apprentissage des stagiaires. Cetteétape est importante, car elle permet de gagnerdu temps pour l’atteinte du premier objectif du stage. En outre, elle permet aux stagiairesd’avoir suffisamment d’informations théo-riques sur l’intervention sociale qu’ils auront à réaliser. Une lettre d’entente et un contrat destage sont produits et envoyés pour sceller un

accord de partenariat entre les institutionsconcernées par le stage, le superviseur mobileet l’université d’origine de l’étudiant. À partirde ce moment, les futurs stagiaires complètentles préparatifs relatifs à leur séjour, par larecherche d’un financement et pour satisfaire àcertaines conditions nécessaires liées au séjour,notamment l’obtention d’un visa et les vaccinsà recevoir. Il est fortement recommandé d’arri-ver suffisamment tôt (environ 15 jours avant le début du stage) pour se familiariser avec lemilieu, établir les premiers contacts, s’adapteraux réalités du milieu et se faire enregistrer àl’Ambassade du Canada. C’est au cours decette étape que se déroulent les premièresrencontres de supervision qui permettentd’aborder tous les problèmes liés aux réalitéslocales de fonctionnement pratique afin d’assurer la réussite du stage.

Le stage démarre avec la période décisive del’élaboration du contrat d’apprentissage. Cetteétape constitue le moment crucial du stage etnécessite une bonne compréhension du fonc-tionnement de l’institution sur ses objectifs, ses missions, ses clientèles, ses activités et ses approches de prise en charge des cas àrésoudre. Il est très important de bien maîtriserces informations afin d’éviter les confusions qui pourraient faire perdre beaucoup de tempspour que le reste du stage puisse se déroulernormalement et dans les délais requis.

La plupart des stagiaires éprouvent des diffi-cultés à cette étape, malgré tous les effortsdéployés avant le séjour. En effet, les étudiants,en arrivant, ont une vision assez claire de cequ’ils veulent faire sur le terrain. Après unmoment d’imprégnation et de mise en contexte,ils démontrent leur capacité d’élaborer leurcontrat d’apprentissage et de définir leursobjectifs. Cependant, quelques difficultéssurviennent et ralentissent leur progressiondans le travail à faire. Il s’agit principalementde la méconnaissance de la langue locale, deslenteurs du système de travail et parfois del’absence d’organisation et de planification.Cette étape exige une supervision régulière, des suivis assez fréquents pour permettre auxstagiaires de surmonter ces écueils. Elle exigeaussi de leur part de tenir compte de quelquesconseils pratiques pour réussir leur stage etleur intégration sociale dans le milieu. D’abord,

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sur le lieu de stage, il leur faut se faire accepterrapidement, ce qui exige d’eux de bien commu-niquer, de prendre l’habitude de saluer, de nepas s’isoler, d’essayer de parler quelques motsde la langue locale si nécessaire et surtout deprendre des initiatives. Pour obtenir des infor-mations nécessaires et souhaitées, il est parfoispréférable d’entamer une conversation avec soninterlocuteur plutôt que de poser des questionsdirectes. L’une des meilleures façons de s’inté-grer socialement est aussi d’habiter dans unefamille plutôt que de prendre un appartement.

Superviser des stages en contexte internationalpeut s’avérer très éprouvant pour un supervi-seur non habitué au rythme de travail auQuébec. La présence physique d’un supervi-seur bien imprégné de la réalité culturellelocale est nécessaire pour parer à certaineséventualités imprévues que la supervision enligne ne peut pas forcément résoudre. Réussir àmaintenir la motivation et le rythme de travaildes stagiaires peut obliger le superviseur àdévelopper plusieurs stratégies de travail pourcombler le vide laissé par l’encadrement sur leterrain et pour répondre à des questionsquelque peu pointues, spécifiques ou délicatesconcernant la réalisation des objectifs ducontrat d’apprentissage. Il lui faut toujoursprévoir un plan alternatif en supplément.

Généralement, la supervision individuelle,assez régulière et rapprochée est nécessaire,surtout en début de stage, et ce, jusqu’à ce que les stagiaires soient bien intégrés dans leur milieu de stage, qu’ils soient capables de réaliser le premier objectif du contrat d’apprentissage, et que le choix définitif d’uneproblématique et les objectifs de stage soientconnus. Par la suite, les stagiaires travaillent àla conception et à la réalisation des activités quivont permettre la réalisation des objectifs fixésau départ dans le contrat d’apprentissage.

Le mode de supervision peut varier en fonctiondu nombre de stagiaires. Si ces derniers sontnombreux, mieux vaut privilégier la supervi-sion de groupe, sans exclure la supervisionindividuelle. La supervision de groupe permet,surtout en début de stage, de résoudre plu-sieurs problèmes communs auxquels les sta-giaires peuvent être confrontés dans leurs lieuxrespectifs de stage. En outre, elle offre l’occa-sion de vérifier le respect des mesures prises

dans les ententes des protocoles établis et des’assurer que les stagiaires disposent du maté-riel leur permettant de commencer leur stage.

La supervision, qu’elle soit individuelle ou degroupe, doit être faite de façon souple et rap-prochée. Sur le plan relationnel, elle permet de créer une bonne proximité dans la relationentre le superviseur et les stagiaires, ce qui esttrès rassurant pour ces derniers.

L’impact du stage à l’international au Sénégalsur les stagiaires est aussi grand sur les planspersonnel et émotionnel. Les stagiaires déve-lopperont des habiletés et des aptitudes enmatière de savoir-être (patience, sens critique,relativisme, curiosité, remise en question) et desavoir-faire (initiative, débrouillardise, concep-tion et planification, flexibilité). De plus, ilsauront vécu des expériences personnelles leurfaisant découvrir d’autres dimensions socialesliées aux comportements humains observés : lesens de la vie en communauté, la solidarité, lasimplicité, le partage, l’humilité, la sagesse… Ilsauront côtoyé et aimé des personnes qui vivent« les uns sur les autres » avec plusieurs besoinsde base non comblés, tout en manifestant unejoie de vivre et en conservant leur dignité7.

Conclusion

« Les objectifs de compétence à atteindre parl’étudiant en travail social au terme de saformation englobent un engagement sur lesvaleurs de la profession du travail social, sur lacroyance en une possibilité de transformationdu tissu social; une capacité à faire une évalua-tion sur plusieurs plans ayant comme cadre de référence l’interaction entre la personne et l’environnement; des habiletés à intervenir,dans une optique de changement planifié, dans des systèmes de différents degrés et sur des problématiques sociales variées et detravailler à l’amélioration des politiques et desprogrammes; puis une capacité d’examiner sapropre pratique et (de) garder un regard cri-tique sur son action, étant responsable de sondéveloppement professionnel actuel et futur. »(Université Laval : 4)

Nous croyons que les stages internationauxcontribuent au développement des compé-tences nécessaires à la profession de travailleursocial. Nous avons relaté plusieurs sourcesd’opportunités d’apprentissage et nommé des

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objectifs précis liés à l’intervention en contexteinterculturel, tout comme l’impact des échangesfructifiant concernant leurs communautésrespectives. Mobiliser des savoirs en contextedans des problématiques complexes nousappelle à la créativité dans le processus d’inter-vention. Il s’agit d’établir différemment unerelation, d’analyser les conditions de vie et lesbesoins, de coordonner un plan d’action et demobiliser les forces, en dénonçant les injusticeset en partageant des recommandations. Cetteexpérience mène à de beaux défis profession-nels nous permettant de voir le stage internatio-nal en travail social comme une opportunité de :

• renverser les lacunes de l’ethnocentrismepar l’ouverture à la différence et l’observa-tion assidue en contexte étranger;

• composer avec la perte de repères parl’ancrage du répertoire professionnel;

• expliquer les valeurs différentes par unecompréhension de la logique des commu-nautés de pratique;

• allier différemment les connaissances par letravail du savoir-dire chez l’étudiant;

• assurer les besoins de repères professionnelspar une réflexion structurée issue d’unaccompagnement soucieux du développe-ment des compétences.

La complexité du processus d’apprentissage, larecherche de sens en choc culturel, la mobilisa-tion des savoirs malgré cette déstabilisation etl’adaptation réussie au contexte par un souciconstant de réflexion relié aux phénomènes àdécoder ne seront possibles au novice qu’avecun encadrement pédagogique conscient de ces enjeux. Il s’agit pourtant d’une occasionprivilégiée d’allier sensibilité interculturelle et habiletés professionnelles, et de s’engager à la créativité nécessaire pour bâtir les profes-sionnels de demain.

« En apprenant, nous recréons. Nous deve-nons capables de faire ce qui était impossibleauparavant » (Senge, 1991, dans Bourassa,Serre et Ross, 2003).

Malgré les caractéristiques particulières du stageinternational, son but fondamental demeure deformer un professionnel compétent, conscient,critique et capable d’agir efficacement surplusieurs problématiques et d’évoluer dansdivers contextes.

La formation pratique en travail social encontexte international se situe dans un pro-gramme de formation professionnelle généra-liste et doit s’assurer de pouvoir atteindre lescompétences requises pour la pratique futuredu travailleur social. Le professionnalismeconsiste à savoir gérer la complexité descontextes et leur imprévisibilité : c’est cettevisée de formation générale que nous devonsprioriser. Nous croyons que ce type de stageexige de gérer la complexité et l’imprévisibilité,mais encore faut-il qu’il y ait un encadrementsoutenu dans ce processus. Nul doute que ledéveloppement de la sensibilité interculturelledevient un atout majeur dans l’exercice actuelde la profession du travail social.

Descripteurs :

Université Laval (Québec). École de service social //Université Laurentienne de Sudbury (Ontario). Écolede service social // Éducation - Échangesinternationaux - Québec // Éducation - Échangesinternationaux - Ontario // Étudiants canadiens àl’étranger // Coopération internationale - Étude etenseignement (Stage) - Sénégal

Laval University School of Social Work //Laurentian University School of Social Work //Student exchange programs - Foreign study -Quebec // Student exchange programs - Foreignstudy - Ontario // Canadian students - Foreigncountries // International cooperation - Study andteaching (Internship) - Senegal

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Notes

1 Association internationale pour la formation, larecherche et l’intervention sociale.

2 Cette offre de stages internationaux à l’UniversitéLaval a été lancée par notre regretté collègue Guy Bilodeau.

3 Un projet d’échanges d’étudiants entre l’École de service social et la Haute École Spécialisée deSuisse Occidentale est actuellement en discussion à la suite de la signature d’un accord-cadre entreles deux universités.

4 Depuis les années 2000 au Manitoba, l’immigrationa eu pour effet de modifier la composition de lacommunauté francophone par le biais de la vagued’immigration de minorités visibles venuesprincipalement d’Afrique (Ka, 2007).

5 Appelée maintenant Association canadienne pour la formation en travail social (CanadianAssociation for Social Work Education, CASWE).

6 Il s’agit de l’expérience de supervision pédago -gique d’étudiantes québécoises alors que laprofesseure Halimatou Ba était collaboratrice de l’Université Laval à Dakar.

7 Il est cependant essentiel de noter que les expé -riences de stage au Sénégal se déroulent dans un contexte particulier et ne sont donc pasgénéralisables à l’ensemble des stages effectuésdans d’autres pays du monde.

Références

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INTERVENTION No13252

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parAnnie Gusew, M.S.S., t.s., médiatrice familialeProfesseure agrégéeUniversité du Québec à MontréalÉcole de travail socialCourriel : [email protected]

Sonia Bourque, M.Sc., t.s.Candidate au doctorat à l’école de service socialUniversité LavalChargée de projetOrdre des travailleurs sociaux et des thérapeutesconjugaux et familiaux du Québec

Natalie Beauregard, M.S.S., t.s.Directrice du développement professionnelOrdre des travailleurs sociaux et des thérapeutesconjugaux et familiaux du Québec

Objectives of continuing education and historyof the OTSTCFQ’s continuing education poli-cies. Results of a study comparing the 2008continuing education plan of some memberswith their 2009 activities.Objectifs de la formation continue et historiquede la politique de formation continue del’OTSTCFQ. Résultats d’une recherche comparant le plan de formation continue decertains membres en 2008 avec leur registred’activités de 2009.

En Amérique du Nord, une tendance se dessinequant à la nécessité de se développer profes-sionnellement. Les travailleurs sociaux n’y fontpas exception. Au Québec, plusieurs ordres ontformulé des politiques ou des règlements deformation continue. En raison de leur mandatde protection du public, ils jouent un rôle degardien et de promoteur de la compétence

professionnelle de leurs membres. En ce sens,la formation continue est un moyen privilégiéde soutenir le développement professionnel.C’est dans cet esprit que l’Ordre des travail-leurs sociaux et des thérapeutes conjugaux etfamiliaux du Québec (OTSTCFQ) a adopté en2007 sa politique de formation continue. Cettepolitique considère que les travailleurs sociauxet les thérapeutes conjugaux et familiaux « ontla responsabilité déontologique de maintenir et de développer leurs compétences dans la conduite de leurs activités et de leurs obligations professionnelles. Ils doivent ainsi prendre les moyens nécessaires pour yparvenir » (OPTSQ, 2007a : 6). Les activités de formation continue privilégiées peuventnotamment se rapporter à la nature du travailsocial ou de la thérapie conjugale et familiale,aux divers champs de pratique de ces profes-sions, aux normes de pratique ou aux valeurs. À ce jour, les membres ont déjà rédigé trois plans annuels de formation continue et produit deux registres de leurs activités de formation. Dans le cadre de son mandat, le comité de la formation continue a vouludocumenter la manière dont les membress’appropriaient la nouvelle politique. Danscette optique, il a décidé de faire une étude du contenu des documents produits par unecentaine de membres dans le cadre de la miseen œuvre de la politique. Le but de l’article estde porter un premier regard sur l’implantationde celle-ci. L’article se divise en quatre sections. La première fait la rétrospective des moments-clésqui ont conduit l’Ordre à adopter une politiquede formation continue. La deuxième présenteune brève recension des écrits sur le dévelop-pement professionnel et la formation continue.La troisième fait état des résultats de l’étude sur l’implantation de la politique de formationcontinue à l’Ordre. Enfin, en conclusion, despistes de réflexion et d’action sont dégagées.

Premier regard sur l’implantation de lapolitique de formation continue à l’Ordredes travailleurs sociaux et des thérapeutesconjugaux et familiaux du Québec

INTERVENTION No132 53

Intervention, la revue de lʼOrdre des travailleurssociaux et des thérapeutes conjugaux

et familiaux du Québec. Numéro 132 (2010.1) : 53-63.

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1. Rétrospective des moments-clés du développement de la politique de formation continue à l’OTSTCFQ

Dès septembre 1986, l’Ordre crée son comité de la formation continue qui développe etorganise rapidement plusieurs activités deperfectionnement pour les membres. Presqueune dizaine d’années plus tard, en mai 1995, les administrateurs du Bureau adoptent ledocument Les principes directeurs et politiques dela formation continue de l’OPTSQ visant à com-muniquer les grandes orientations choisies et les balises de gestion administrative pourfaciliter le travail des membres du comité de la formation continue, des formateurs et desemployés de la permanence. Au début del’année 1996, l’Ordre reçoit l’accréditation de la Société de formation et d’éducation continue(SOFEDUC) pour son programme d’activités.En 1998, lors des États généraux de la profes-sion, le constat de la nécessité de la prise encharge de la formation continue par l’OPTSQs’impose :

« Par ailleurs, étant donné que noustravaillons dans des milieux de plus en plusdisparates et multidisciplinaires où le soutienprofessionnel, la supervision et la formationen cours d’emploi sont parfois absents, sou-vent déficients et peu adaptés à nos besoins, il devient de plus en plus nécessaire que nousprenions nous-mêmes la responsabilité denotre formation continue, afin de pouvoirmaintenir et développer nos compétencesprofessionnelles » (OPTSQ, 1998 : 10).

À la même époque aux États-Unis, la NationalAssociation of Social Workers (NASW) édicteune norme de 48 heures de formation continueà l’intérieur d’un cycle de deux ans (NASW,2002). Toutefois, selon les juridictions, le nombre d’heures requis et la durée du cyclevarient notamment en fonction du type depermis détenu.Au printemps 2000, stimulé par l’intérêt desordres, le Conseil interprofessionnel du Québec(CIQ) organise un colloque où le développe-ment et l’évaluation de la compétence ainsi que la formation continue obligatoire sont au centre des préoccupations (CIQ, 2000). Lamême année, le Code des professions permetaux ordres de réglementer le développementcontinu de leurs membres (Raîche, 2007). Dansun rapport récent, le CIQ dénombre 17 ordres

professionnels dotés d’un tel règlement et deux autres avec un projet de règlement publié(CIQ, 2009).

En vue d’asseoir sa politique de formationcontinue sur des bases solides, l’Ordre amorcesa démarche en élaborant un référentiel decompétences suivi d’un référentiel de forma-tion pour chacune des deux professions régies(OPTSQ, 2005a, 2005b, 2006a, 2006b, 2007b).Parallèlement à ces travaux, le comité d’expertsdirigé par le Dr Trudeau, dans la foulée dugroupe Bernier1, œuvre avec diligence sur desrecommandations pour la modernisation de la pratique professionnelle en santé mentale eten relations humaines. Il remet son rapport àl’Office des professions du Québec, ce rapportest publié en 2005. Ce document balise leschamps d’exercice des professions concernées,identifie des activités réservées, dont uneattribuée uniquement aux travailleurs sociaux,délimite la pratique de la psychothérapie etexamine la possibilité d’intégrer certainsgroupes d’intervenants au système profession-nel, dont les techniciens en travail social(Comité d’experts sur la modernisation de lapratique professionnelle en santé mentale et en relations humaines, 2005). Ces travauxconduisent les administrateurs à adopter lapolitique de formation continue, en mai 2007(OPTSQ, 2007a). La politique répond à desstandards et des principes. Elle vise à ce que« chaque membre [soit] responsable de sondéveloppement professionnel et [doive] doncdéterminer ses besoins et ses objectifs de per-fectionnement afin de décider des activités deformation continue requises pour s’assurer deses compétences » (OPTSQ, 2007a : 6). Ainsi, le membre doit transmettre à l’Ordre son planannuel et, douze mois plus tard, le registreannuel de ses activités. Ces deux outils proposés aux membres visent à soutenir unedémarche intégrée et planifiée de réflexion surleur pratique pour favoriser un développementprofessionnel optimal.

Les travaux de modernisation de la pratiqueprofessionnelle dans le secteur de la santémentale et des relations humaines culminentpar l’adoption du projet de loi no 21 parl’Assemblée nationale du Québec en juin 2009(Gouvernement du Québec, 2009). Cette loimodifiant le Code des professions et d’autres

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dispositions législatives met de l’avant lanotion de protection du public, notamment de prévention des préjudices pour des clientèles vulnérables en s’appuyant sur plusieurs principes.

2. Survol des écrits sur le développementprofessionnel et la formation continue

2.1 Définitions du développement profession-nel et de la formation continue

La formation initiale, et plus spécifiquement, la formation pratique permet à un diplômé entravail social d’atteindre un premier niveau decompétence professionnelle qui se bonifieratout au long de son parcours professionnel.Donnay et Charlier (2006) conçoivent le déve-loppement professionnel comme étant :

« Un processus dynamique et récurrent,intentionnel ou non, par lequel, dans sesinteractions avec l’altérité, et dans les condi-tions qui le permettent, une personne déve-loppe ses compétences et ses attitudes inscritesdans les valeurs éducatives et une éthiqueprofessionnelle et par là enrichit et transformeson identité professionnelle » (Donnay etCharlier, 2006 : 13).

Le développement professionnel des travail-leurs sociaux se caractérise par l’importanceaccordée aux savoirs issus de la pratique pro-fessionnelle (Racine, 2000) et par l’apparte-nance à une communauté de pratique (Little,2004). Pour bénéficier des connaissances dontles savoirs pratiques sont porteurs et apprendrede ceux-ci, une démarche systématique estnécessaire. Donnay et Charlier (2006) parlentd’identité professionnelle en actes et de l’impor-tance de l’analyse des pratiques dans la pers-pective « d’intégrer des savoirs issus tant despratiques singulières que des théories stabi -lisées puisées dans le monde scientifique »(Donnay et Charlier, 2006 : 113). La formationcontinue s’inscrit au sein de ce processus.La politique développée à l’Ordre considèreque la formation continue « regroupe diversesactivités visant le maintien, la mise à jour et ledéveloppement des connaissances théoriqueset des pratiques liées à l’exercice d’une profes-sion, jusqu’à la retraite » (OPTSQ, 2007a : 5). La définition retenue dans la politique va dansle même sens que celle utilisée par plusieursauteurs (Apps, 1989; OPTSQ, 2007a; Raîche,2007; Strom-Gottfied et Green, 1995; Swack,

1975, dans Funk, 2007). Aux États-Unis, laNASW définit également la formation continueà partir des catégories d’activités qui la consti-tuent, ce sont des activités d’apprentissageofficielles offertes par un organisme accrédité,des rencontres organisées entre professionnelsou des activités réalisées de manière indivi-duelle (NASW, 2002). Dans la politique deformation continue de l’Ordre (2007a), lesactivités de formation se retrouvent dans deux catégories : participation et réalisation2. Lesactivités de participation demandent un engage-ment actif de la part du professionnel, ce sontnotamment la participation à une session deformation continue, à un cours crédité, à uncolloque, à un groupe de codéveloppementprofessionnel ainsi que la lecture d’un livre oud’un article pertinent. Les activités de réalisationdemandent, de façon générale, un degré d’en-gagement et d’investissement professionnelsplus élevé. Elles concernent surtout la produc-tion et la transmission de connaissances ets’adressent à des professionnels plus expéri-mentés. Il s’agit, par exemple, d’activités reliées à l’élaboration et à l’enseignement d’unesession de formation continue ou d’un courscrédité dans un établissement d’enseignementuniversitaire ou collégial, à la rédaction d’un article ou à la réalisation d’un projet derecherche (OPTSQ, 2007a). La liste des activitésn’est pas exhaustive puisque le membre peuten proposer d’autres. Ainsi, la politique vise la personnalisation du plan de formation etencourage la créativité.

2.2 Objectifs de la formation continue Dans les écrits, on fait état de cinq grandsobjectifs poursuivis par la formation continue :1) l’acquisition de nouvelles connaissances;2) le développement de la réflexivité; 3) lerenforcement de l’identité professionnelle;4) l’intégration des connaissances par le contact avec les pairs; et 5) la protection dupublic (Apps, 1989; Barker, 1992; Daley, 2001;Funk, 2007; Guzzetta, 1978; McDonald, 2001;McMichael, 2000; NASW, 2002; OPTSQ, 2007a;Zimmerman, 1978). Premièrement, la formation continue permetl’acquisition de nouvelles connaissances, leurapprofondissement et leur intégration afind’enrichir la compétence des professionnels et,ultimement, leurs pratiques (Guzzetta, 1978;

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OPTSQ, 2007a; Zimmerman, 1978). La for -mation continue favorise la synergie entre les savoirs théoriques et pratiques qui se nour-rissent mutuellement et se complètent (Donnayet Charlier, 2006). L’amélioration de la pratiqueprofessionnelle passe par l’acquisition deconnaissances sur les changements sociaux, les nouvelles problématiques et les méthodesd’intervention émergentes (Guzzetta, 1978;Zimmerman, 1978). Par ailleurs, Daley (2001)nomme trois éléments qui donnent un sens aux connaissances acquises lors d’une sessionde formation. Les connaissances transmisesdoivent : 1) être nouvelles pour le participant;2) être susceptibles d’être intégrées à son expé-rience professionnelle; et 3) permettre de réaf-firmer son engagement envers la profession.

Deuxièmement, la formation continue favorisel’inscription du professionnel dans un proces-sus de réflexivité qui pourrait être définicomme suit :

« La réflexivité consiste pour un sujet à prendre du recul par rapport à [ses] pratiquesprofessionnelles, de façon à expliciter la façondont il s’y est pris pour modéliser et pour faireévoluer ses schèmes opératoires de façon àpouvoir les transférer ou les transposer dansde nouvelles situations » (Le Boterf, 2006 : 118).

La réflexivité permet la résolution de situationsproblèmes sur les plans clinique, organisation-nel ou éthique (McDonald, 2001).

Troisièmement, elle vise le renforcement del’identité professionnelle. Ainsi, les discussionsentre travailleurs sociaux favorisent la mise en valeur et la transmission des savoirs théo-riques et pratiques entre eux. Comme l’écritMcMichael (2000), l’ensemble des travailleurssociaux bénéficie de cette identité profession-nelle consolidée.

Quatrièmement, les activités de formationcontinue offrent l’opportunité aux travailleurssociaux, provenant de différents milieux etutilisant des méthodologies d’interventionvariées, de se rencontrer et de partager leursexpériences, favorisant ainsi l’intégration desconnaissances. Elles facilitent aussi la cohésionet le rapprochement entre professionnels d’ho-rizons divers (Funk, 2007). Enfin, la formationcontinue constitue l’un des moyens d’assurer la qualité des services et de protéger le public(Apps, 1989; Barker, 1992; NASW, 2002).

La complexité des problèmes sociaux, lestransformations sociales et les pratiques émer-gentes ne sont que quelques exemples du défique pose la mise à jour des connaissances etdes compétences des praticiens. Comme lementionne Raîche (2007), il s’agit d’une obliga-tion éthique et déontologique puisqu’unemauvaise analyse ou une compréhensionlimitée peut porter préjudice à un client. Quantà elle, la politique de formation continue del’Ordre définit ainsi ses objectifs généraux :« actualiser et perfectionner leurs connais-sances et leurs habiletés en vue de maintenirleurs compétences professionnelles et s’adapteraux réalités et aux contextes changeants de lapratique professionnelle (OPTSQ, 2007a).

2.3 Raisons qui justifient l’engagement desprofessionnels dans des activités de formation continue

Carré (1998) s’est intéressé aux motivations às’engager dans des activités de formation conti-nue, ce qui lui a permis de développer unetypologie qui détermine deux axes d’orientationmotivationnelle soit l’axe intrinsèque/extrinsèqueet l’axe apprentissage/participation. Sur l’axeapprentissage/participation se retrouvent lesactivités d’apprentissage visant l’appropriationde nouvelles connaissances, habiletés ou atti-tudes par les professionnels, tandis que, surl’axe participation, il s’agit de l’inscription et dela présence à celles-ci. À l’Ordre, la politique de formation continue accorde de l’importanceaux activités de l’axe apprentissage/participation,elle précise aussi que la transmission de savoirspeut être une source de motivation. Au niveaude l’axe intrinsèque/extrinsèque, Carré répertorietrois motifs intrinsèques et sept motifs extrin-sèques pouvant être à l’œuvre. Par ailleurs, larecherche de Couturier (1999) permet de com-prendre les motivations associées à six secteursd’activité de formation continue.Pour le moment, peu d’études évaluent l’im-pact de la formation continue sur la compé-tence professionnelle. L’évaluation peutthéoriquement se réaliser à trois niveaux(Rooney, 1988, dans Dietz, 1998). Le premierimplique l’évaluation des connaissancesacquises par les participants. Le deuxièmerenvoie à l’utilisation de nouvelles habiletés àla fin d’une formation, l’évaluation se déroulelors de la dernière journée de la formation. Le

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troisième porte sur l’actualisation des habiletésdans la pratique. Ce dernier niveau est rare-ment évalué, pourtant, c’est le plus importantpuisqu’il permet d’estimer l’intégration desconnaissances à la pratique professionnelle.

3. Étude de l’implantation de la politique de formation continue à l’Ordre

3.1 Contexte et objectifs de l’étude

L’étude vise à documenter la manière dont lesmembres parviennent à s’inscrire dans unedémarche de formation continue structurée.Plus spécifiquement, il s’agit de voir la capacitédes membres à utiliser les outils proposés dansla politique. À cet effet, une comparaison a étéétablie entre les plans de formation continuesoumis en 2008 par 99 membres et les registrescomplétés en 2009 pour rendre compte de lamise en œuvre du plan. Les données recueilliesont été traitées en toute confidentialité et lesrésultats sont présentés de façon à ce que lespersonnes ne puissent être identifiées.

3.2 Plans et registres retenus et stratégie d’analyse

L’échantillon est constitué de 99 membres del’Ordre. Il est stratifié par la région et le type de permis. Les trois régions retenues sont :Montréal, Québec et les régions intermédiairesou éloignées du Québec. Chaque région estreprésentée de manière proportionnelle aunombre de membres inscrits au tableau del’Ordre. De plus, ces membres sont titulairesd’un permis de travailleur social.

Les données ont été recueillies à deux moments.Tout d’abord, en 2008, les plans de formationcontinue soumis par 99 membres ont été ana -lysés à l’aide d’une grille de codification. Lecontenu de la grille a été saisi dans le logicielExcel puis analysé à l’aide de SPSS3. Un pre-mier rapport a été produit et transmis auxinstances de l’Ordre. En 2009, les registressoumis par les mêmes membres ont fait l’objetd’une nouvelle analyse. Celle-ci a porté sur lacorrespondance entre le plan et le registresoumis par chaque personne. Une nouvellegrille de codification a été créée et les mêmeslogiciels ont été utilisés pour la saisie et l’ana-lyse. Cette grille est constituée de trois parties :1) les données sociodémographiques; 2) l’ana-lyse du contenu du registre en lien avec le plan;

et 3) le compte rendu fidèle des motifs évoquéspour justifier les modifications apportées au plan initial. Quelques croisements ont été effectués.

3.3 Portrait général des travailleurs sociaux de l’étude

L’échantillon est constitué de 99 travailleurssociaux parmi lesquels une personne est égale-ment titulaire d’un permis de thérapeute conju-gal et familial (1 %). On compte 89 femmes(89,9 %) et 10 hommes (10,1 %), ce qui se rap-proche des données de population provenantdu rapport annuel 2008-2009. Dans ce dernier,il est mentionné que la population des travail-leurs sociaux et des thérapeutes conjugaux etfamiliaux est constituée à 86 % de femmes et à 14 % d’hommes. De plus, au 31 mars 2009,97,2 % des membres détenaient un permis de travailleur social alors que seulement 1,5 %possédait un double permis. En ce qui concernela répartition des membres de l’étude selon lesrégions, 32 membres proviennent de Montréal(32,3 %), 13 de Québec (13,1 %) et 54 desrégions intermédiaires ou éloignées du Québec (54,5 %). Le numéro de permis, qui apparaît sur leregistre, indique l’année de la première adhé-sion du membre à l’Ordre. Les travailleurssociaux de l’étude couvrent une période quis’étend de 1970 à 2007, soit 37 ans d’adhésion à l’Ordre. Les périodes de 2005 à 2007 (20,3 %),2000 à 2004 (25,2 %) et 1990 à 1994 (23,3 %) sont représentées à peu près dans les mêmesproportions. La période de 1995 à 1999 (14,1 %)compte un peu moins de membres. Ce sont lesmembres dont l’année de la première adhésionà l’Ordre correspond aux années 1970 à 1989qui sont les moins bien représentés avec seule-ment 15 % de l’échantillon. Bref, il s’agit d’unéchantillon varié constitué d’un bon nombre de professionnels expérimentés.

3.4 Données relatives à l’analyse des registresMalgré l’entrée en vigueur de la nouvellepolitique de formation continue en 2007 sti -pulant que les membres doivent produire unregistre rendant compte de la mise en œuvredu plan de formation soumis l’année précé-dente, 32 membres (32,3 %) ne l’ont pas fait. Ce sont donc 67 personnes (67,7 %) qui seplient aux exigences de la politique. Il existe

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des différences régionales significatives dans la production du registre puisque 84,4 % despersonnes de l’étude de Montréal, 76,9 % deQuébec et 44,4 % des régions intermédiaires ouéloignées du Québec ont produit un registre.Ceux du dernier groupe ont le plus bas taux de production du registre puisque plus de lamoitié (55,6 %) ne l’a pas produit. Comme ils’agit d’un échantillon, on a vérifié si ces diffé-rences sont significatives, ce qui s’avère le cas4.L’analyse du contenu du registre et le croise-ment de certaines variables permettent dequalifier la nature des registres soumis. Letableau 1 évalue le niveau de correspondanceentre le plan et le registre produits par chacun.Parmi les membres qui ont produit un registre,dans 38,8 % des cas, celui-ci présente un écartimportant avec le plan de formation soumisl’année précédente. On constate que, dans14,9 % des cas, les personnes ont modifié leur plan de formation sans donner de raison,alors que 20,9 % ont justifié les modificationsapportées. Enfin, c’est seulement dans 25,4 %des cas que les registres correspondent totale-ment au plan annuel de formation déposél’année précédente. Le tableau 2 précise si la correspondance diffère lorsqu’on s’intéresse aux objectifs poursuivis ou aux activités réalisées. Pour les67 membres qui se sont pliés à l’exigence decompléter un registre, il y a souvent une non-correspondance, justifiée ou pas, entre ce quiétait planifié et ce qui a été réalisé. L’absence de correspondance est plus grande en ce quiconcerne les activités prévues dans le plan

que pour les objectifs poursuivis puisque43,3 % des personnes ont maintenu leurs objectifs alors que seulement 26,9 % ontconservé les activités planifiées. Dans 22,4 %des cas, aucune correspondance n’existe entreles objectifs et les activités du plan et du registre.Enfin, 34,3 % ont modifié partiellement leursobjectifs et 50,7 % leurs activités. Le tableau 3 met en relation les données desdeux tableaux précédents. Dans les cas oùl’écart est jugé significatif entre le plan et leregistre, ce sont à la fois les objectifs et lesactivités qui ont été modifiés. Par ailleurs, les14 membres dont la correspondance est par-tielle entre le plan et le registre et qui justifientles changements apportés à leur plan évoquentles raisons suivantes : l’annulation ou la modi-fication d’une activité offerte par l’employeurou par un organisme externe, un congé demaladie, l’obtention d’un nouveau poste, lerefus d’une demande d’admission dans unprogramme, une difficulté à bien évaluer sesbesoins, l’impossibilité de se libérer pour uneactivité de formation et le choix d’une nouvelleactivité pour mieux répondre à ses besoins. Règle générale, les personnes de l’étude ontnoté les dates de l’ensemble des activités aux-quelles elles ont participé (92,5 %). Les activitésréalisées sont également décrites (94 %). Lespièces justificatives, quant à elles, ne sont pasindiquées dans 16,4 % des cas ou le sont par-tiellement dans 10,4 % des cas. Il est doncpossible que 26,8 % des membres ne soient pas en mesure de fournir toutes les piècesjustificatives exigées. Enfin, ceux qui ont

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Tableau 1 : Degré de correspondance entre le plan et le registre

Totale : 17 membres 25,4 %Partielle avec justification : 14 membres 20,9 %Partielle sans justification : 10 membres 14,9 %Écart important : 26 membres 38,8 %

Tableau 2 : Analyse de la correspondance entre les objectifs et les activités du plan et du registre

Correspondance entre les objectifs Correspondance entre les activités

du plan et du registre du plan et du registre

Oui : 29 membres 43,3 % Oui : 18 membres 26,9 %Non : 15 membres 22,4 % Non : 15 membres 22,4 %Partiellement : 23 membres 34,3 % Partiellement : 34 membres 50,7 %

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produit le registre se conforment à la règleminimale des 15 heures de formation continue(HFC) de la politique. De plus, la majoritéd’entre eux, soit 54 membres (80,6 %), ontréalisé des activités totalisant plus de 15 HFC.

3.4 Quelques données relatives au plan de formation continue

L’analyse des plans de formation produits en2008 donne une idée des besoins de formationdes travailleurs sociaux de l’étude. Les besoinsrépertoriés se retrouvent au niveau de l’acqui -sition de connaissances et du développementd’habiletés. Ainsi, l’acquisition de connais-sances est souhaitée en regard de clientèlesvariées (enfance, jeunesse et famille; personnesâgées et hommes), de lois spécifiques (celles de la protection de la jeunesse et du Curateurpublic), de théories ou d’approches jugéesprometteuses (court terme planifié, interven-tion brève ou intervention systémique; inter-vention en contexte de mort et de deuil, destress post-traumatique ou de catastrophe)ainsi que de problèmes sociaux courants rencontrés dans la pratique (santé mentale,violence conjugale, vieillissement, relationsinterculturelles, etc.).

Le développement d’habiletés vise, quant à lui, l’amélioration de la qualité de l’interven-tion auprès de certaines clientèles (surtout des personnes avec un problème de santémentale, un trouble du comportement, unrisque suicidaire ou un problème d’abus desubstances), dans des contextes précis (super -vision, équipe multidisciplinaire ou gestion,conception et implantation de programme),mais également le développement d’habiletés

reliées à la rédaction de divers documentsprofessionnels ou cliniques (rapport d’évalua-tion psychosociale, plan d’intervention, noteschronologiques et tenue de dossiers).

Le tableau 4 (p. 60) présente la liste des activités projetées pour l’année 2008-2009 selon lesrégions. Les activités de participation sontnettement privilégiées par eux. Les plus fré-quentes sont les sessions offertes à l’extérieurou à l’intérieur de l’Ordre, les lectures, lescolloques, les congrès ou les séminaires ainsique les activités de supervision ou de codéve-loppement. Les personnes des régions intermé-diaires ou éloignées du Québec ont largementrecours à ces diverses activités. Par ailleurs, laproduction d’outils de travail ou l’élaborationde programmes est privilégiée dans la catégo-rie réalisation. Enfin, des initiatives de certainsmembres qui enrichissent la liste des activitésde formation continue possibles sont notam-ment mentionnées : assister à une présentationdonnée par un collègue, former de nouveauxemployés, s’engager dans une activité bénévoleou encore se familiariser avec des outils de la pratique.

4. Discussion et conclusion

L’étude jette un premier regard sur l’implan -tation de la politique de formation continue àl’OTSTCFQ. Même s’il s’agit d’une politique etnon d’un règlement, l’exigence de s’y confor-mer demeure. La formation continue est unmoyen de favoriser le développement profes-sionnel des membres et d’améliorer ainsi,potentiellement, la qualité des services offerts.Notons que, pour la première année de mise en œuvre de la politique, environ 50 % des

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Tableau 3 : Analyse de la correspondance entre les objectifs et les activitésdu plan et du registre selon la qualité du registre produit

Type de Correspondance partielle Correspondance partielle Écart significatifcorrespondance avec justification sans justification

Correspondance Oui : 8 m.* Oui : 2 m. Oui : 2 m.des objectifs Non : 0 Non : 0 Non : 15 m.

Partiellement : 6 m. Partiellement : 8 m. Partiellement : 9 m.

Correspondance Oui : 0 Oui : 0 Oui : 1 m.des activités Non : 2 m. Non : 1 m. Non : 12 m.

Partiellement : 12 m. Partiellement : 9 m. Partiellement : 13 m.* m. = membre

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membres ont transmis un plan annuel deformation continue. La deuxième année, on note une légère augmentation. En ce quiconcerne les travailleurs sociaux de l’étude,près du tiers n’a pas produit de registre pourrendre compte de son plan. Le problème estplus aigu dans les régions intermédiaires ouéloignées du Québec. Il serait important d’encomprendre les raisons puisque plusieurshypothèses sont possibles, comme les coûtsengendrés et la distance à parcourir pourparticiper à des activités de formation continue.Par ailleurs, la mention au registre de la dispo-nibilité des pièces justificatives est à améliorer.Elle faciliterait la mise à jour du dossier profes-sionnel du membre ou le processus de vérifi -cation lors de l’inspection professionnelle, lecas échéant.

Les écrits identifient cinq grands objectifspoursuivis par la formation continue (Apps,1989; Barker, 1992; Daley, 2001; Funk, 2007;Guzzetta, 1978; McDonald, 2001; McMichael,2000; NASW, 2002; OPTSQ, 2007a; Zimmerman,1978). Le regroupement des besoins de forma-tion des travailleurs sociaux de l’étude consti-tue une source d’information à cet égard. Ainsi, pour ces derniers, c’est l’acquisition de

connaissances, le développement d’habiletés et l’intégration des connaissances à l’aide des pairs qui sont les objectifs prioritaires. Lesactivités telles que la supervision ou le codéve-loppement y occupent une place importante.Cela confirme aussi la place de l’altérité dans ledéveloppement professionnel des travailleurssociaux (Little, 2004) et l’importance des acti -vités d’analyse de pratique (Racine, 2000;Donnay et Charlier, 2006). L’apport de la for-mation continue dans le développement de la réflexivité est également mentionné. Bienque l’identification des besoins sous-jacents àchaque objectif lors de la rédaction du plan soit une source d’information, le comité de la formation continue a décidé de l’éliminerpuisqu’il créait de la confusion lors de la rédac-tion du plan. Il aurait peut-être mieux valuparler de motivation comme Carré (1998). Les écrits de Carré (1998) au sujet des motiva-tions à s’engager dans des activités de forma-tion continue et de Couturier (1999) sur lesliens entre celles-ci et le type d’activités choisiesamènent certains constats. Tout d’abord, cesrecherches appuient le principe soutenu par lapolitique qu’il faut privilégier une démarche de formation continue structurée. Dans les

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Tableau 4 : Liste des activités projetées pour l’année 2008-2009 selon les régions

Liste des activités Montréal Québec Autres régions Total

Catégorie participation

Session extérieure 17 6 21 44Session OPTSQ 11 3 17 31Lectures 9 4 12 25Colloque, congrès, séminaire 7 5 12 24Codéveloppement 2 3 12 17Supervision 7 1 9 17Cours universitaire 1 4 5Recherche 1 1Comité OPTSQ 1 1

Catégorie réalisation

Production d’outils 5 3 8Supervision 1 1 2Cours universitaire 1 1Rédaction 1 1

Proposition d’activités 6 12 18

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faits, on constate que ce n’est pas encore le cas puisqu’un grand nombre de membres n’ont pas produit de registre et que plusieursmembres ne sont pas à même de justifier lesmodifications apportées à leur plan. Ce dernierdoit être considéré comme un outil de planifi-cation du développement professionnel grâce àdes activités de formation continue. Ainsi, il estpossible qu’en cours d’année des modificationspuissent y être apportées. Ces changementspeuvent être une nouvelle occasion de réfléchirà l’orientation à donner à son développementprofessionnel. On constate d’ailleurs que cesont les activités plutôt que les objectifs pour-suivis qui ont été modifiées. Les membres quiévoquent les motifs de ces changements lesrelient à des décisions qu’ils ont prises, à lanon-disponibilité d’une activité de formationprévue, à des événements inattendus ou horsde contrôle et à des conditions de travail moinsfavorables à l’engagement dans une activité.Les travailleurs sociaux de l’étude sont surtoutengagés dans des activités de formation conti-nue de l’axe apprentissage/participation relevantde la typologie de Carré. La politique ouvrecependant la voie à une nouvelle catégoried’activités : les activités de réalisation. Cettecatégorie fait référence à la production et à latransmission de connaissances. Ces activitésreprésentent une contribution au développe-ment de la profession et interpellent des profes-sionnels d’expérience. Peu d’activités de cetype sont actuellement mentionnées. Ainsi, lesrésultats de l’étude enrichissent le modèle deCarré, puisqu’un motif supplémentaire émerge,soit le désir de contribuer au développementprofessionnel d’autres travailleurs sociaux ou à celui de sa profession.Enfin, Couturier (1999) identifie six secteursd’activité de formation continue. Les travail-leurs sociaux de cette étude les priorisent de lamanière suivante : la formation qualifiante sansdiplôme (session de formation continue interneet externe à l’Ordre), la double référence forma-tion et socialisation entre pairs (supervision et codéveloppement), la formation continuenon qualifiante (lecture, recherche, colloque,congrès et séminaire) et, dans une moindremesure, la formation continue qualifiante ainsi que la socialisation aux environnementsde travail. La production d’outils de travail se retrouve dans ce dernier secteur. Ce qui

précède confirme l’importance accordée aurehaussement de la compétence professionnelleet au désir d’obtenir de la reconnaissance de lapart de l’employeur. On constate qu’un très grand nombre de membres de l’étude dépassent les exigencesminimales de la politique de formation conti-nue. Cependant, les outils utilisés (plan etregistre) ne mesurent pas les acquis, n’étant pas des outils d’évaluation. Comme l’écritRooney (1988), évaluer les retombées de laformation continue sur la pratique représenteun défi important. Ainsi, la politique de formation continue contri-bue à la construction et au développement de l’identité professionnelle des travailleurssociaux :

« L’identité professionnelle commence à seforger dès les années d’étude, par la suite, cesont les activités de formation continue for-melles et informelles qui contribueront àl’enrichir. C’est donc à travers de multiplesrapports interpersonnels et organisationnelsque la personne se construit professionnelle-ment, chaque professionnel ayant sa proprepersonnalité puisque la personne oscille entrele sentiment d’être différent des autres (rap-port de singularité) et celui d’appartenir à uncorps professionnel (rapport de continuité) »(Vilbrod et Grelly, 2001) (Gusew et Berteau,2010, sous presse).

Les données de l’étude soulèvent plusieursquestions qui mériteraient d’être approfondies,d’autant plus que l’échantillon est représentatifmais restreint. Pourquoi le taux de productiondu registre est-il moins élevé dans les régionsintermédiaires ou éloignées du Québec? Est-illié au degré d’appropriation de la politique parles membres? Pourquoi le taux de correspon-dance entre le plan et le registre est-il moinsélevé au niveau des activités que des objectifs?Qu’est-ce qui explique que des membres nejustifient pas les changements apportés à leurplan? Les questions soulevées mériteraient defaire l’objet d’une enquête plus poussée. Lapoursuite de l’étude et un sondage auprès desmembres sont donc envisagés. Les travailleurssociaux sont confrontés à de nombreux défisdans leur pratique quotidienne. La formationcontinue peut aider à y répondre. Se dévelop-per professionnellement, c’est l’affaire de touteune vie!

INTERVENTION No132 61

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Remerciements

Nous tenons à remercier Mme Gisèle Legault qui atravaillé à l’analyse des plans de formation soumis en 2008 et M. Jean-Guy Banville qui a fait l’analysedes données à l’aide du logiciel SPSS. Nous tenonségalement à souligner le soutien des membres ducomité de la formation continue.

Descripteurs :

Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutesconjugaux du Québec. Politique de formationcontinue // Travailleurs sociaux - Formation en cours d’emploi // Service social - Étude etenseignement (Éducation permanente) - Québec (Province)

Social workers - In-service training // Social service -Study and teaching (Continuing education) - Québec (Province)

Notes

1 Dans le domaine des relations humaines et de lasanté mentale, un groupe de travail ministérielprésidé par le Dr Roch Bernier a reçu le mandat de réviser les champs d’exercice. Ce groupe arecommandé la redéfinition des champs d’exerciceet la mise en place d’activités réservées pour lesprofessions de psychologue, de travailleur social, de thérapeute conjugal et familial, de conseillerd’orientation, de psychoéducateur, d’ergothé -rapeute, d’infirmière et de médecin.

2 Pour les descriptions des activités, veuillez vousréférer à la politique de formation continue del’Ordre (OPTSQ, 2007a).

3 SPSS signifie « Statistical Package for the SocialSciences ». Il s’agit d’un logiciel qui est courammentutilisé pour faire de l’analyse statistique en scienceshumaines.

4 Le KHI carré = 8,214 ; DDL = 2 ; P = 0,01643.

Références

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INTERVENTION No13262

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INTERVENTION No132 63

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parAnnie Pullen-Sansfaçon, Ph. D.Professeure adjointeÉcole de service socialUniversité de MontréalCourriel : [email protected]

Context of the professional migration of socialworkers in Quebec and its challenges for socialwork education.Contexte de la migration professionnelle destravailleurs sociaux au Québec et enjeux pourla formation en travail social.

L’Organisation des Nations Unies estime que le nombre de migrants internationaux ou depersonnes vivant hors de leur pays d’origine a maintenant atteint, à l’échelle de la planète,environ 190 millions de personnes (Lowell,2007). L’immigration est devenue un phéno-mène important qui affecte tous les pays. Par exemple, en 2006, au Canada, environ une personne sur cinq était née en dehors du pays (Statistique Canada, 2007). En 2008,45 283 immigrants entraient au Québec (Institutde la statistique du Québec, 2009). Ces chiffresillustrent une tendance qui nécessite que desmesures sont mises en place pour faciliter lesmigrations au Québec et à travers le Canada.De plus, ce phénomène prend progressivementune place de choix dans le programme politique des gouvernements provinciaux et fédéral.Même si des chiffres précis sur les migrations à l’intérieur du pays et internationales destravailleurs sociaux sont difficiles à obtenir, les quelques données disponibles démontrent

que les travailleurs sociaux se déplacent égale-ment. Au cours des deux dernières années,l’Ordre des travailleurs sociaux et des théra-peutes familiaux et conjugaux du Québec(OTSTCFQ) a reçu plus de 50 demandes dereconnaissance de candidats en provenanced’autres pays (OPTSQ, 2008; 2009), tandis que l’Association canadienne des travailleurssociaux (ACTS) en a reçu, pendant la mêmepériode, un peu moins de 200 (ACTS, 2009). Defait, les migrations nationales et internationalesrisquent d’augmenter dans le futur, étantdonné la portée de la mondialisation et ledéveloppement des politiques et des accordsmultilatéraux pour faciliter la mobilité destravailleurs sociaux. Bien que l’immigration aitdes impacts généralement très positifs – commefavoriser la croissance démographique etassurer le renouvellement de la main-d’œuvre(Tossou, 1998; Ministère de l’Immigration etdes Communautés culturelles, 2009), la mobi-lité nationale et internationale des travailleurssociaux risque quand même de soulever desenjeux importants, en particulier pour la for-mation en travail social. Dans cet article, nous abordons, en premierlieu, le phénomène d’immigration de la main-d’œuvre formée en travail social1 ainsi que lespolitiques sociales et les règlements s’y ratta-chant. Par la suite, nous examinons les enjeuxet les questions touchant la formation en travailsocial au Québec. Il sera question, en particu-lier, des formations d’appoint pour les travail-leurs sociaux étrangers et de la préparation desétudiants à travailler en contexte multiculturel –non seulement avec des populations utilisantles services, m dais aussi avec des collèguesprovenant de l’étranger. Nous traitons aussi de la formation des étudiants inscrits en servicesocial dans des établissements du Québec envue de leur mobilité.

Méthodologie

Notre étude est basée sur une analyse desdifférentes politiques et ententes bilatéralesfavorisant la mobilité des travailleurs sociaux

La migration internationale destravailleurs sociaux : un survol du contexte et des enjeux pour la formationen service social au Québec

INTERVENTION No13264

Intervention, la revue de lʼOrdre des travailleurssociaux et des thérapeutes conjugaux

et familiaux du Québec. Numéro 132 (2010.1) : 64-74.

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au Québec et au Canada. Nous avons aussirecensé des documents sur les problématiqueset les enjeux rattachés à l’expérience, à la for-mation et à la mobilité des travailleurs sociaux.De plus, une entrevue semi-dirigée de groupeavec le président de l’Ordre des travailleurssociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux (OTSTCFQ ou Ordre), M. ClaudeLeblond, ainsi qu’avec la directrice générale,Mme Ghislaine Brosseau, en présence de ladirectrice des admissions, Mme Marielle Pauzé,tenue en décembre 2009, nous a permis d’ex-plorer les thèmes reliés à la migration destravailleurs sociaux et de connaître la positionde l’Ordre sur les enjeux de mobilité et dereconnaissance de formation.

Le contexte politique de la migration destravailleurs sociaux au Québec

Selon le président de l’Ordre, le Québec vivra,d’ici 15 ans, une pénurie de main-d’œuvre, soit un déficit cumulatif de 3 500 travailleurssociaux (OTSTCFQ, 2009). Cette prévision faitécho à la situation actuelle en Grande-Bretagne,où il existe présentement un manque de travail-leurs sociaux qualifiés (Hill, 2007), et où lerecrutement international est courammentutilisé comme l’une des approches pour gérerces pénuries (Bowcott, 2009; Walsh, Wilson etO’Connor, 2009). Bien que le recrutement actifdes travailleurs sociaux immigrants n’ait pasencore commencé au Québec (OTSTCFQ,2009), on retrouve déjà un certain nombre detravailleurs sociaux immigrants souhaitanttrouver un emploi à titre de professionnel dans la province (OPTSQ, 2008; 2009).Au pays, comme la réglementation sur l’exer-cice de la profession est sous la juridictionprovinciale, la reconnaissance de la formationacquise à l’extérieur du Canada est sous laresponsabilité de chacun des dix organismesprovinciaux de réglementation. Même si plu-sieurs de ces organismes acceptent couram-ment la reconnaissance de la formationeffectuée par l’Association canadienne destravailleurs sociaux (ACTS), le Québec et laColombie-Britannique gèrent eux-mêmes leursdossiers. Par conséquent, un candidat résidantà l’extérieur du Canada désirant pratiquer etutiliser le titre de « travailleur social » auQuébec doit soumettre sa candidature directe-ment à l’Ordre, qui effectuera un examen en

vue d’une équivalence de diplôme(Gouvernement du Québec, 2009). À cet effet, un nouveau Règlement sur les normesd’équivalence pour la délivrance d’un permis detravailleur social est entré en vigueur le10 décembre 2009, remplaçant ainsi l’ancienrèglement. Ce nouveau règlement définitmaintenant de manière plus précise les élé-ments requis pour l’équivalence de formation2

et vise tout candidat ayant obtenu son diplômeen travail social en dehors du Québec(Gouvernement du Québec, 2009). Par ailleurs, une législation fédérale visant à faciliter la mobilité à l’intérieur du pays, le Chapitre 7 de l’Entente de reconnaissancemutuelle sur la mobilité de la main-d’œuvre pourles travailleurs sociaux du Canada, vise davan-tage les candidats formés au Canada mais endehors du Québec, et ayant déjà accès à laprofession par leur organisme de réglemen -tation provincial respectif.Le Chapitre 7 diffère du règlement sur lesnormes d’équivalence mentionnée précédem-ment et vise à faciliter la mobilité des travail-leurs sociaux au Canada. Il permet à cestravailleurs sociaux provenant de toutes lesprovinces du Canada d’aller travailler dans uneautre province et d’accéder au titre de travail-leur social sans que leur dossier de candidaturesoit à nouveau analysé dans la province d’ac-cueil. Bien que cette politique ait plusieurseffets positifs, comme favoriser la mobilité de la main-d’œuvre entre les différentes provinceset promouvoir une main-d’œuvre qualifiée, ellepourrait aussi soulever des enjeux importants. Ainsi, elle permettrait à des travailleurs sociaux,reconnus par une autre province mais n’ayantni les compétences ni les études minimumsrequises au Québec, de venir travailler ici enutilisant le titre de travailleur social. Le prési-dent de l’Ordre explique que, dans certainesprovinces, la formation en travail social estmoins reconnue qu’au Québec : « On sait qu’enAlberta, il y a des gens qui portent le titre detravailleur social, mais qui ont une formationde niveau technique. En Saskatchewan, il y ades travailleurs sociaux qui portent le titre de la profession en fonction de la législation de laSaskatchewan, mais qui ont une formation deniveau du certificat » (OTSTCFQ, 2009). Parconséquent, le Chapitre 7 pourrait permettre à

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certains travailleurs sociaux d’utiliser le titre dela profession au Québec, sans avoir à répondreaux exigences québécoises. Aucune clausegrand-père n’existe pour limiter ce type de mobilité.

Par contre, le Code des professions prévoit uneclause sur l’utilisation du français dans l’exercicede la profession. Cette clause pourrait ralentirl’afflux de candidats provenant d’autres pro-vinces qui n’ont pas les compétences requises.En effet, selon la Charte de la langue française(chapitre 11) et le Code des professions (cha -pitre 28), les candidats des autres provincesdevront démontrer qu’ils sont capables d’utiliser la langue dans un délai de trois ans, afin de pouvoir continuer à exercer auQuébec (Gouvernement du Québec, 2010;Gouvernement du Québec, 2010a), et ce, mal-gré l’application du Chapitre 7. Par ailleurs,l’entente sur la mobilité (Canadian informationCentre for International Credential ou CICIC,2007) explique clairement cette exigence. Ainsi, un grand nombre de travailleurs sociaux des provinces ayant un standard minimummoindre sont donc informés des exigencesrequises pour trouver un emploi au Québec.

Enfin, une troisième politique pertinente à lamobilité des travailleurs sociaux a été signée en2008 par les premiers ministres de la France etdu Québec. L’entente France-Québec sur la recon-naissance mutuelle des qualifications profession-nelles (ICCQ, 2009) vise à faciliter et à accélérerla reconnaissance mutuelle et effective desqualifications professionnelles entre le Québecet la France. Cette entente a été officialisée entrel’OTSTCFQ et le ministre du Travail, des rela-tions sociales, de la famille, de la solidarité etde la ville en France (MTRFSVF), en 2009. Elleconcerne les aspects propres au travail social,mais elle pourrait être modifiée avec l’entrée en vigueur de la loi 21 (OTSTCFQ, 2009). Le président de l’Ordre explique qu’avant lasignature de l’entente, les travailleurs sociauxfrançais pouvaient déjà venir travailler auQuébec. Cette entente permet maintenant auxtravailleurs sociaux des deux pays de se dépla-cer plus facilement, étant donné que touteformation d’appoint sera offerte dans le paysd’origine et non dans le pays hôte commeauparavant (OTSTCFQ, 2009). En ce moment,les travailleurs sociaux québécois qui désirent

travailler en France doivent fournir une attestation de réussite de la formation portantsur les politiques sociales, la législation et laréglementation françaises relatives à l’accès auxdroits des citoyens. La formation exigée pourles travailleurs sociaux québécois désirant aller travailler en France serait donc offerte au Québec. Le tableau 1 synthétise les troispolitiques sociales différentes et les règlementsdiscutés précédemment touchant la mobilitédes travailleurs sociaux au Québec.

L’expérience des travailleurs sociaux immigrants

Même s’il existe peu de documents écrits sur la migration des travailleurs sociaux et que ces derniers proviennent majoritairementd’Europe, nous avons cerné quelques difficul-tés concernant le recrutement et la formation de travailleurs sociaux internationaux. Onobserve, entre autres, une problématique rela-tive au transfert des qualifications et des habi -letés acquises à l’étranger (Evans, Huxley etMunroe, 2006). On sait qu’au Canada un nombre important d’immigrants, dotés deformations variées, ont de grandes difficultés à faire reconnaître leurs qualifications, ce quireprésente une barrière majeure à leur intégra-tion, spécialement pour ceux en provenance deminorités ethniques visibles (Danso, 2009). Bienque le règlement sur les normes de reconnais-sance puisse faciliter ce processus, le candidatéprouve quand même de la difficulté à accéderà la formation d’appoint qui lui serait néces-saire et, par la suite, à se trouver un travail. Le rapport de la Commission Bouchard Taylor (2008) précise que la reconnaissance des diplômes, les barrières culturelles à l’em-bauche et certaines pratiques discriminatoiresrendent difficile l’intégration des travailleursimmigrants au Québec, toutes qualificationsconfondues. Selon Hussein, Manthorpe etStevens (2009), l’expérience en Angleterredémontre que les travailleurs sociaux immi-grants éprouvent non seulement de grandesdifficultés à voir leurs qualifications reconnues,mais qu’en situation d’emploi, ils ont du mal às’adapter à leur nouveau rôle qui est souventtrès différent de celui qu’ils avaient dans leurpays d’origine.

De façon générale, on note aussi des difficultésau point de vue linguistique, des problèmes

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d’acclimatation au travail social en contextelocal ainsi que des difficultés concernant laconnaissance et la compréhension des poli-tiques sociales et des lois. Ce qui conduit lestravailleurs sociaux à se tourner vers l’acqui -sition d’une formation additionnelle requise en travail social ou, de façon minimale, à unprocessus d’initiation à l’emploi (Sims etHanks, 2009; Hussein et al., 2009).

Une étude conduite par Simpson (2009) établitque les besoins les plus pressants des travail-leurs sociaux immigrants se situaient autour del’acquisition de connaissances sur l’historiquede la profession, sur la compréhension descontextes juridiques, politiques et sociaux despratiques locales, et sur la maîtrise du langageet de la culture en général. Hussein et al. (2009)ajoutent qu’en plus de certains besoins de

INTERVENTION No132 67

Tableau 1

Titre de la politique / norme Travailleurs sociaux touchés Portée

Règlement sur les normesd’équivalence pour ladélivrance d’un permis de travailleur social

Travailleurs sociaux ayantobtenu leur formation àl’extérieur du Québec et du Canada.

Permet aux travailleurssociaux ayant obtenu leurdiplôme à l’étranger de fairereconnaître leur formation au Québec et de deveniradmissibles à l’inscription au Tableau de l’OTSTCFQ.

Chapitre 7 sur l’Entente de reconnaissance mutuelle sur la mobilité de la main-d’œuvrepour les travailleurs sociaux du Canada

Travailleurs sociaux formés en dehors du Québec mais à l’intérieur du Canada.Travailleurs sociaux formés endehors du Canada mais ayantdéjà leur formation reconnuedans une autre province, etétant inscrits au tableau de ce même organisme de régle -mentation provinciale.

Un travailleur socialrépondant à l’exigenceconcernant la langue pourraêtre inscrit à l’OTSTCFQ, sansavoir à soumettre un dossier,sous le Règlement sur lesnormes d’équivalence pour la délivrance d’un permis de travailleur social.

Entente France-Québec Travailleurs sociaux formés en France et au Québec.

Permet aux travailleurssociaux formés en France de devenir admissibles àl’inscription au Tableau del’OTSTCFQ, sans avoir à sesoumettre au Règlement surles normes d’équivalencepour la délivrance d’unpermis de travailleur social,sous réserve de conditionsparticulières prévues dansl’Entente. Permet aux travailleurssociaux formés au Québec de devenir admissibles àl’inscription au MTRFSVF, en France, sous réserve des conditions particulièresprévues dans l’Entente.

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formation, les travailleurs sociaux immigrantssouhaiteraient connaître les attentes de leuremployeur, de leurs collègues et des usagersdes services.

Outre les difficultés mentionnées précédem-ment, plusieurs études provenant surtout duchamp des soins infirmiers ont aussi reconnuque la main-d’œuvre immigrante tend à êtrevictime de plusieurs formes de discrimination,notamment raciale, et ce, tant en contexte derecherche d’emploi qu’en milieu de travail(Bach, 2003; Aggergaard Larsen, 2007). En plus du problème de discrimination observésur le plan institutionnel, les travailleurssociaux immigrants seraient aussi victimes de discrimination en milieu de travail sur leplan personnel : 50 % des répondants de cetterecherche ont été victimes de ces formes dediscrimination, 15 % en ont été témoins, etseulement 34 % d’entre eux n’en avaient jamaisvécus ni été témoins (Hussein et al., 2009).

En tenant compte des différentes politiquesexaminées précédemment et de l’entrevuesemi-dirigée tenue avec des dirigeants del’Ordre, certaines questions pour la formationen travail social peuvent maintenant être soulevées.

Les formations d’appoint pour les travailleurssociaux étrangers

Le développement des formations d’appointconstitue un premier enjeu pour les pro -grammes de formation en travail social auQuébec. En effet, le nouveau Règlement sur lesnormes d’équivalence de diplôme (Gouvernementdu Québec, 2009) prévoit déjà des dispositionsrelatives à ce type de formation. Selon ce règle-ment, un comité formé par le conseil d’admi-nistration de l’Ordre devra étudier le dossierd’un candidat et formuler, par la suite, unerecommandation appropriée au conseil d’ad-ministration. C’est le conseil d’administrationqui décidera de reconnaître ou non le candidatet, dans le deuxième cas, qui lui indiquera « lesprogrammes d’études, les stages ou les exa-mens, dont la réussite dans le délai fixé, comptetenu de son niveau actuel de connaissance, luipermettrait de bénéficier de cette équivalence »(Gouvernement du Québec, 2009 : 5448). Selonle Conseil interprofessionnel du Québec, 45 % des demandeurs d’équivalence doivent

présentement réussir une formation ou unstage d’appoint pour obtenir un permis d’exercer (Cousineau, 2009). Ainsi, les enjeuxreliés aux formations d’appoint représententdéjà une réalité.

Étant donné qu’un candidat peut se voir impo-ser une formation d’appoint en vue d’obtenirson droit de pratique en tant que travailleursocial au Québec, une première question sepose : qui offrira de telles formations? LaCommission Bouchard-Taylor (2008) affirmaitque les candidats immigrants ont de la diffi-culté à accéder à de telles formations, en raisondu temps requis pour l’apprentissage et, plusparticulièrement, des ressources financièresnécessaires. Le projet de loi 53 décrit explicite-ment que « lorsqu’un ordre professionnel exiged’une personne qu’elle acquière une formationen application d’un règlement pris en vertu(…) [des] normes d’équivalence (…) cetteformation doit effectivement être offerte par un établissement d’enseignement et que cetétablissement permette à la personne de lasuivre » (Gouvernement du Québec, 2009a : 3).Pourtant, toujours selon la CommissionBouchard-Taylor, les universités n’ont pas lesmoyens de créer des programmes taillés surmesure pour répondre aux besoins de forma-tion et remettent ces questions dans les mainsdu gouvernement. Selon l’OTSTCFQ (2009), on peut penser que la CRÉPUQ (Conférencedes recteurs et des principaux des universitésdu Québec) et l’Office des professions aurontun rôle important à jouer dans le développe-ment de ces collaborations entre les ordres et les universités concernant les formations d’appoint.

En attendant, d’autres options pourraient êtreexplorées. Ainsi, des candidats étrangers parti-cipent déjà à des cours offerts dans les écoles de service social, selon les éléments requis parl’Ordre. Étant donné que les écoles de servicesocial devraient déjà être en processus d’harmo-nisation de leur formation avec le Référentiel decompétences (Leblond, 2004), nous pourrionsen déduire que certains cours seraient suscep -tibles de répondre aux demandes particulièresde l’Ordre. Cependant, une telle mesure devraitêtre étudiée minutieusement, car elle pourraitentrainer d’autres difficultés pour les établisse-ments d’enseignement, comme conduire des

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écoles à réviser leurs préalables pour certainscours. Les écoles devront aussi explorer attenti-vement les effets méconnus de l’intégration de candidats étrangers sur l’apprentissage des étudiants réguliers inscrits dans les programmes. L’augmentation possible dunombre d’étudiants dans les groupes repré-sente un autre enjeu, considérant le fait que les effectifs professoraux ont diminué danscertains établissements.

Compte tenu des enjeux mentionnés précé-demment, il serait pertinent d’examiner d’autres modèles de « formation d’appoint » ne reposant pas nécessairement sur un établis-sement d’enseignement. Par exemple, lesformations d’appoint en Angleterre sont basées sur un dialogue entre l’employeur et le candidat, intégrant les compétences clésdéfinies par le General Social Care Council(GSCC), l’organisme de réglementation anglais(Simpson, 2009). Pour le moment, au Québec,selon Mme Ghislaine Brosseau, directrice del’Ordre, on entend impliquer les milieux depratique seulement lorsque l’Ordre exige desheures de formation pratique supplémentaires(OTSTCFQ, 2009).

En relation avec l’Entente France-Québec,d’autres enjeux pourraient aussi apparaitreconcernant la formation. Comme nous l’avonsmentionné ci-dessus, on retrouve déjà desdispositions concernant des formations d’ap-point requises pour les étudiants québécoisdésirant pratiquer en France. Encore une fois,les mêmes questions se posent sur les où?quand? comment? de ces formations, sur leuréquivalence et, bien entendu, sur les expertisesnécessaires pour animer de tels cours. Lesformations pourraient être offertes dans le paysd’origine du travailleur social désirant émigrer,alors que quelques établissements d’enseigne-ment pourraient se voir confier la tâche dedévelopper des cours particuliers au contextede pratique en France. Une telle initiative seraitaussi susceptible d’avoir des conséquencesimportantes sur l’allocation des ressources, déjà minimes, à l’intérieur de certains établisse-ments universitaires. Pour l’instant, même enconsidérant les questions toujours en suspens,les formations d’appoint soulèvent déjà plu-sieurs enjeux. De plus, l’entrée en vigueur de la loi 53, ainsi que l’Entente France-Québec et

les processus de collaboration émergentsauront beaucoup d’influence sur la formationuniversitaire en travail social au Québec. Enattendant, on peut penser que la collaborationentre l’Ordre et les universités offrant desprogrammes de service social sera de plus en plus appelée à se développer.

Pourtant, même si les formations d’appointpermettent aux travailleurs sociaux immigrantsd’être mieux préparés à travailler dans uncontexte d’intervention québécois, ces dernièresne fournissent que l’acquisition d’habiletés, de connaissances et de compétences théoriquesou pratiques. Par contre, comme nous l’avonsmentionné précédemment, l’expérience destravailleurs sociaux immigrants n’est pastoujours facile, même lorsque ces derniers ontreçu une préparation adéquate avant leurentrée sur le marché du travail (Hussein et al.,2008). Une seconde question se pose : commentles établissements d’enseignement peuvent-ilscontribuer, même indirectement, à l’améliora-tion des conditions de travail des travailleurssociaux immigrants et, par le fait même, à ladiminution des pratiques discriminatoiresénoncées auparavant? C’est dans cette perspec-tive que nous abordons le deuxième enjeu reliéà la formation en travail social.

Préparation des étudiants dans un contextemulticulturel de travail

La discrimination et le harcèlement de la main-d’œuvre immigrante, dans leur contexte detravail, posent un défi particulier, non seule-ment aux victimes et aux milieux de travail,mais aussi à la formation en travail social. Bienque la plupart des données proviennent encoreune fois d’Europe, il serait surprenant que lemilieu de travail québécois ait une réalitétotalement différente. En effet, de façon géné-rale, le rapport de la Commission Bouchard-Taylor (2008 : 232) nous rappelait que « 20 % à 25 % des Québécois disent avoir été victimesde discrimination au cours des trois ou cinqdernières années, principalement dans leurmilieu de travail et que cette proportion double chez les minorités visibles ».

Par conséquent, les écoles de service social ont le devoir de donner une formation auxétudiants qui œuvreront dans un contextemulticulturel. Cette formation ne devra pas

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uniquement viser le contexte de communica-tion avec les usagers de services, mais aussiaborder le contexte émergent de migration dela main-d’œuvre, avec leurs propres collègues.Il faudra s’assurer que les programmes mettenten relief l’importance de valeurs telles que lalutte contre l’oppression et la discrimination, et que les étudiants soient formés dans uneoptique antiraciste et anti-oppressive.

Même si le Référentiel de compétences del’Ordre s’attend à ce qu’un travailleur socialfasse la promotion de la justice sociale et favo-rise le développement social, en développantdes solidarités et en dénonçant la discrimina-tion et l’oppression (OPTSQ, 2006), et que lesquestions d’oppression, de discrimination etd’inclusion sociales sont indissociables desrègles d’agrément de l’Association canadiennepour la formation en travail social (ACFTS,2007), rien ne garantit leur application dans la pratique. De ce point de vue, on parle d’undiscours mécanique et vide de sens comme« une sorte de déodorant idéologique » (Ward,1998 : 36, dans Rimmer 2005 : 20). Sur ce point,Mullender et Ward (1991 : 30) nous rappellentqu’il est plus sage d’examiner la pratique d’unintervenant en observant ses actions plutôt quede se baser sur son discours. Conséquemment,et en ce qui nous concerne, nous devons nousassurer que les étudiants comprennent etintègrent le sens et l’importance d’une pratiqueanti-oppressive : « une pratique qui incarneune philosophie centrée sur la personne, unsystème de valeurs égalitaires préoccupé par la réduction des effets délétères des inégalitésstructurelles sur la vie des gens; une méthodo-logie axée sur le processus et les résultats, unmode de relations entre les structures socialesqui visent à habiliter les utilisateurs de servicesen réduisant les effets négatifs de la hiérarchiesociale dans leur interaction immédiate et le travail qu’ils font » (traduction libre deDominelli, 2002 : 6, dans Danso, 2009 : 542).

Il s’agit donc de développer une conscienceplus critique dans l’utilisation du concept, afind’éviter une pratique basée sur la rhétorique(Danso, 2009). Un bon nombre de modèlespédagogiques existent déjà et pourraient êtreutilisés dans l’enseignement du travail social,afin d’aider les étudiants à développer une plus grande capacité critique.

Ces exemples de modèles incluent Sakamoto et Pitner (2005) qui offrent une pédagogie basée sur le travail en petits groupes afin dedévelopper une conscience critique, un aspectnécessaire pour en arriver à un niveau plusimportant de pratique anti-oppressive; Pullen-Sansfaçon (2009) qui propose un modèle basésur une combinaison de dialogues socratiquesen petits groupes et d’enseignement de théoriescritiques et philosophiques. Cette approcheaide l’étudiant non seulement à développer saraison pratique, mais aussi favorise le dévelop-pement d’un tremplin pouvant servir à larésistance collective, dont les intervenants ont besoin pour travailler dans des relations de pouvoir souvent oppressantes et présentesdans différents contextes organisationnels;Clifford et Burke (2009) qui offrent un modèlede prise de décision éthique spécifiquementfondé sur l’approche anti-oppressive.

Ces trois modèles constituent des exemplesd’approches pédagogiques qui pourraientfaciliter l’émergence d’une conscience critiquechez les étudiants réguliers.

De plus, les étudiants devraient continuer àrecevoir des cours sur le travail pluriethnique,afin de les rendre plus « alphabétisés » sur leplan culturel et d’augmenter leur compétenceet leurs connaissances pour travailler avec descollègues en provenance de différents pays. Ilsseraient ainsi des collègues plus empathiqueset offrant un bon appui, mais ils seraient aussicapables d’intervenir face aux personnes ayantdes comportements discriminatoires envers lescollègues immigrants. Cela dit, les établisse-ments d’enseignement ont déjà fait un bon pas en ce sens, mais doivent continuer à jouerun rôle très important concernant les enjeuxémergents de la mobilité des travailleurssociaux, en préparant mieux leurs étudiants àtravailler non seulement avec des populationsimmigrantes, mais aussi avec des collègues quidevront s’adapter à leur milieu de travail.

Pour une plus grande mobilité de nosétudiants : développer un programmemondialement comparable avec des marques distinctives?

Le Canada voyait naitre, en 2009, le tout nouveau Conseil canadien des organismes de réglementation en travail social, un

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regroupement d’organismes de réglementationprovinciaux. Quoique la mission du Conseil ne soit pas entièrement déterminée, il y aurait,selon le président de l’OTSTCFQ (2009), unevolonté de développer des standards communsde reconnaissance de la qualification étrangèreainsi qu’un référentiel de compétences panca-nadien. Même si le Conseil en est toujours à un état embryonnaire, il y a lieu de croire que cette structure entrainera des changementsimportants.

Selon M. Claude Leblond, un référentiel unique de compétences canadien définirait les compétences requises pour exercer la pro-fession, lesquelles seraient vérifiables grâce àune formation minimale en travail social quiconduirait à un processus de vérification desprogrammes. Il explique que « ce n’est pas à partir d’un niveau de formation et d’uncontenu de formation qu’on déterminera ceque ça prendra pour exercer. C’est à partir descompétences requises pour exercer – et là onremonte… à quelle est la formation nécessaireminimale [pour atteindre les compétences] et là on vérifiera ces formations. Donc, à partir delà, on entre dans une logique professionnelle et non pas une logique de formation »(OTSTCFQ, 2009).

Cette logique professionnelle permettraitd’uniformiser les programmes de travail social au Canada et aurait comme avantage,par exemple, de favoriser la mobilité de lamain-d’œuvre tout en nous assurant que descompétences similaires sont atteintes peuimporte la province d’origine qui a dispensé la formation. Par contre, certains inconvénientspourraient aussi en découler. Dans une discus-sion à propos du Traité de Bologne3, Johnson et Wolf (dans Walsh et al., 2009) se demandentsi cette politique aura vraiment pour effet defavoriser le développement de qualificationsvéritablement transférables. Comme on n’ytraite que de normes minimales, on ne peutoffrir de garantie sur la manière dont cesnormes seront interprétées d’un pays à l’autre. À l’échelle mondiale et en relation avec le travail social proprement dit, on saitque des « Normes mondiales pour l’éducationet la formation des travailleurs sociaux »(Association internationale des écoles de service social ou IASSW, 2005) existent déjà.

Bien que ce document cerne des valeurs uni-verselles et propose un consensus autour dequestions clés ainsi que des rôles et des objec-tifs du travail social au niveau international,son application diffère énormément selon lescontextes culturel et structurel. Cela dit, ledéveloppement de normes, qu’elles soientmondiales, nationales ou européennes, offre uncadre précieux pour exprimer la reconnaissancede la mobilité transnationale des travailleurssociaux ainsi que pour reconnaître l’impact desévénements mondiaux sur les pratiques locales(Lyons, 2006). Par contre, ces normes ne garan-tissent pas nécessairement l’uniformisation del’enseignement et de la pratique. En raison de la diversité des langues parlées dans lemonde, des différences de situations écono-miques et géographiques, et des normes cultu-relles variées, établir des normes mondiales nesemble pas pertinent, dans la mesure où leurapplication s’avérera difficile (Hugman, 2005;Yip, 2004). Dans le même ordre d’idées, unréférentiel canadien pourrait aussi être victimede diverses interprétations dans son applica-tion. Il faudra d’ailleurs comprendre commentce nouvel organisme canadien de réglementa-tion touchera le processus d’agrément desprogrammes de formation déjà mis en placepar l’ACFTS. Le maintien de cet agrémentdemeure important, car il permet déjà la mo -bilité de nos professionnels vers l’étranger.L’agrément déjà en place s’avère donc unavantage considérable en offrant une cohérenceentre les diverses qualifications qui peuventêtre obtenues dans différents pays (Beddoe etDuke, 2009). D’autant plus qu’on sait que lamigration des travailleurs sociaux à l’interna-tional est déjà reconnue comme un enjeu. Ainsi, préparer nos propres étudiants pour lamigration interprovinciale ou internationalecomporte certains enjeux qui affecteront sansdoute la formation en travail social offerte auQuébec et ailleurs.

Conclusion

Même si certaines questions demeurent ensuspens, il est clair que les nouvelles politiqueset les nouveaux règlements discutés dans cetarticle auront des répercussions considérablessur les programmes universitaires en travailsocial ainsi que sur les autres acteurs discutésdans cet article. En effet, comme Gould

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(2000 : 586) l’explique : « pour qu’une organi -sation puisse survivre, son rythme d’apprentis-sage doit être égal ou supérieur au changementdans son environnement externe ». Par consé-quent, les établissements d’enseignementseront sans doute appelés à adapter, d’unemanière ou d’une autre, leurs programmes aux attentes des différents organismes deréglementation responsables et ainsi à mettreen place différents mécanismes facilitant uneplus grande mobilité des travailleurs sociaux. Il en est de même des établissements de santé et de services sociaux ainsi que de l’Ordre. Tous seront appelés à développer une plusgrande complicité afin de faciliter la formationet l’intégration des travailleurs sociaux immigrants.En ce qui concerne la formation en travailsocial il ne reste qu’à attendre un peu pluslongtemps pour observer l’étendue des chan -gements qui seront apportés aux programmesde travail social au Québec. L’auteure tient à remercier ses collègues ainsi que le comité de lecture qui ont offert de nombreuxcommentaires lors de la rédaction de cet article. Elle remercie également Monsieur Claude Leblondet Mesdames Ghislaine Brosseau et Marielle Pauzéd’avoir consacré du temps pour participer à l’entrevue.

Descripteurs :

Entente France-Québec sur la reconnaissance mu -tuelle des qualifications professionnelles (2008) //Travailleurs sociaux - Québec (Province) // Main-d’œuvre - Mobilité // Travailleurs sociaux -Formation - Québec (Province) // Émigration et immigration - Aspect social // Travailleurs migrants - Intégration

France-Québec agreement on mutual recognition ofprofessional qualifications (2008) // Social workers –Québec (Province) // Labor mobility // Socialworkers - Training - Québec (Province) //Emigration and immigration - Social aspects //Migrant labor - Social integration

Notes

1 Cet article met l’accent sur les questions quitouchent les travailleurs sociaux immigrantsqualifiés et exclut la mobilité de la main-d’œuvrequi n’a pas de diplôme en service social (parexemple, une personne qui aurait un diplôme dansun autre domaine (par exemple la sociologie) etvoudrait obtenir une reconnaissance de diplôme.Les discussions porteront particulièrement sur lestravailleurs sociaux déjà qualifiés à l’étranger etemprunteront le vocabulaire du Règlement sur lesnormes d’équivalence pour la délivrance d’un permis de travailleur social. Il sera donc question, ici,d’équivalence de diplôme et non d’équivalence de formation.

2 La nouvelle norme stipule qu’un candidat titulaired’un diplôme d’un programme d’étudesuniversitaires de premier ou de deuxième cycle,comportant un minimum de 90 crédits, obtenu endehors du Québec peut demander une équivalence.Le règlement spécifie la nature d’un crédituniversitaire et la proportion requise de chacun des crédits en relation avec les différents aspectsnécessaires de formation en travail social. Parexemple, les cours d’intervention (minimum21 crédits), les politiques sociales (6 crédits), lesdifférents champs de pratique (avec les individus,les groupes et les communautés); les méthodes de recherche et d’analyse de pratique (6 crédits),délimitant ainsi les exigences de formation(800 heures) pour la pratique au Québec.

3 Politique européenne qui a pour but de créer unniveau commun à la grandeur du continent pourles niveaux de diplômes universitaires.

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parGeneviève CrespoAssociation Française des Organismes de Formation et de Recherche en Travail Social(AFORTS)Courriel : [email protected]çois Dubin, vice-présidentGroupement National des Instituts régionaux de travail social (GNI)Claude Larivière, Ph. D., t.s.ProfesseurÉcole de service socialUniversité de Montréal

Evolution of French social work educationfurther to European Community agreementson higher education. La formation des travailleurs sociaux françaisévolue avec les diverses ententes portant surl’enseignement supérieur au sein de la commu-nauté européenne.

Cet article présente les défis de la formationprofessionnelle des diplômés en travail socialen France. Actuellement, celle-ci est assuméepar 165 établissements de formation en travailsocial issus du terrain et regroupés dans deuxassociations nationales, fédérées depuis 2009.Ces établissements dispensent des formationsprofessionnelles, dont celle qui permet d’obte-nir le diplôme d’assistant social1 attestant leurcompétence et leur ouvrant la porte du marchédu travail. Un enjeu de taille est l’intégration de cette for -mation dans le contexte de l’harmonisation etde la modernisation proposé par le processuseuropéen de Bologne (Déclaration des

29 ministres de l’éducation, 19 juin 1999). Celui-ci est fondé sur les trois cycles universitairesreconnus internationalement et se réclamed’une même unité de formation et des mêmesstandards de qualité d’un pays européen à unautre. De nombreux pays dont la France ontdéjà mis en pratique ce modèle dans l’ensei -gnement supérieur, mais pas encore dans lesformations au travail social. Cette transforma-tion s’avère non seulement essentielle dans lecontexte de l’Europe contemporaine, maiségalement pour faciliter la mise en applicationde l’entente France-Québec sur la mobilité de la main-d’œuvre professionnelle, dont l’Ordredes travailleurs sociaux et des thérapeutesconjugaux et familiaux est l’un des signataires. Évidemment, de tels changements ne sont passans nécessiter de multiples ajustements etsoulever des questions stratégiques d’enver-gure : les écoles doivent-elles abandonner leurstatut d’organismes autonomes pour s’intégrerau réseau universitaire? Comment soutenir unrehaussement des formations et des formateurset favoriser le développement de la rechercheainsi que des publications professionnelles etscientifiques? Comment organiser égalementdes formations aux cycles supérieurs tout entenant compte du fait qu’un grand nombred’écoles répondent aussi à d’autres besoins enformant d’autres types d’intervenants (éduca-teurs spécialisés mais aussi animateurs, auxi-liaires et différents types de techniciens)? Voilàautant d’aspects que nous aborderons en vousprésentant l’orientation commune que cesécoles privilégient à l’heure de choix décisifs.

La formation actuelle en travail social

Les écoles sont actuellement regroupées endeux réseaux soient l’Association Française des Organismes de Formation et de Rechercheen Travail Social (AFORTS) et le GroupementNational des Instituts régionaux de formationdes travailleurs sociaux (GNI). Ce montagehistorique s’explique par le fait que les écolessont pour la plupart issues d’initiatives dumilieu, des besoins exprimés par des

La formation des travailleurs sociauxfrançais à l’heure européenne

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Intervention, la revue de lʼOrdre des travailleurssociaux et des thérapeutes conjugaux

et familiaux du Québec. Numéro 132 (2010.1) : 75-83.

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regroupements d’employeurs et de mutuelles.L’intérêt des universités françaises pour lesmétiers du social est assez limité et plutôtrécent (Fourdrignier, 2009). Cet état de fait apour conséquence que ces écoles ne possèdentpas la même visibilité sociale que les grandesécoles (santé publique, administrationpublique, écoles de commerce ou de gestion,écoles d’ingénieurs) ni même celui des écolesd’infirmières. Conséquemment, mieux posi-tionner leur contribution dans le système deformation professionnelle supérieure constitueune nécessité absolue pour l’avenir du travailsocial en France (Teychene, Padieu et Laumain,2002).

Les étudiants français en travail social sont lesseuls en Europe dont le diplôme professionneldélivré par l’État et permettant l’exercice desmétiers du champ de l’action sociale ne soit pasvalidé par un titre universitaire. Les associa-tions professionnelles qui regroupent les assis-tantes sociales et les éducateurs spécialisés ontfait d’ailleurs de cette question l’une de leursrevendications majeures. Cette situation existealors que le parlement européen a adopté en2008 une mesure qui doit permettre la transfé-rabilité des compétences professionnelles dansle cadre européen des certifications. Cettedécision s’inscrit dans le processus de Bologneet répond à l’orientation de la politique euro-péenne de la formation tout au long de la vie.Celle-ci encourage les citoyens à développerleur bagage d’apprentissages durant leur vieentière (permettant ainsi une progression pro-fessionnelle) et à faire reconnaître leurs acquisen plus de proposer une grille harmonisée desformations professionnelles (Commission descommunautés européennes, 2005; Méhaut etWinch, 2009).

Les écoles françaises souhaitent majoritaire -ment intégrer le processus européen de Bolognefondé sur les trois cycles universitaires reconnusinternationalement : baccalauréat (appelé enFrance licence ou bachelor), maîtrise (master) et doctorat. Ces établissements de formationsont également membres d’associations inter-nationales et européennes et voient se creuserdes écarts très nuisibles au système français :peu de reconnaissance des certifications françaises au niveau européen, isolement et critique de l’exception française.

Très conscientes de ces enjeux pour leurs étudiants, les écoles françaises ont trouvétemporairement des solutions innovantes :conventions et partenariats entre ces établisse-ments et les universités en constante augmen -tation, double cursus (diplôme universitaires’ajoutant au diplôme professionnel), contribu-tion de certaines écoles à un diplôme universi-taire de premier ou même de deuxième cycle,inscriptions dans le réseau Erasmus (permet-tant des échanges avec des établissements deformation d’autres pays européens) ou desprogrammes internationaux, des conventionsavec des universités installées dans d’autrespays, structuration des dispositifs pédago-giques en les organisant en semestres et enintégrant la logique des crédits de formation(Jovelin, 2006). Vasconcellos (2006) soulignaitjustement l’existence de plusieurs passerellesentre les formations sociales et l’enseignementsupérieur.

En dépit de ces initiatives qui permettent lamobilité étudiante, l’accès à des formationsuniversitaires et à certains concours de lafonction publique, ces efforts ne permettent pas la reconnaissance des diplômes profession-nels et ne concernent qu’une minorité d’étu-diants. Cette exception française pénalisel’ensemble des étudiants et des professionnelsqui acquièrent des qualifications, certesgarantes d’un emploi sur le territoire français,mais qui ne sont pas reconnues ailleurs, du faitmême de leurs conceptions d’abord nationales.

Les atouts des établissements de formation

Les formations sociales remplissent une véri -table fonction de promotion sociale pour lesétudiants, les stagiaires et les professionnels.Elles permettent à des personnes de toutesorigines sociales et culturelles d’obtenir undiplôme ouvrant la porte à des emplois socialement reconnus. Un atout particulière-ment important pour des jeunes issus de certains milieux.

Ce principe s’impose aussi dans le cadre d’unprocessus de formation tout au long de la vie. Il s’avère particulièrement pertinent pour lesformations sociales qui répondent aux besoinsémergents de professionnalisation des emploisde service d’aide à la personne, de la cohésionsociale, de l’animation socioculturelle au

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service de tous les citoyens et en particulier desplus vulnérables.

Depuis les réformes des diplômes (2002-2007)reposant sur la définition de référentiels(métier, compétences et formation), des sys-tèmes de passerelles et d’allégements ont étémis en place pour toutes les formations profes-sionnelles pilotées par la Direction générale del’Action Sociale du ministère responsable desservices sociaux à la population. Les profes-sionnels en demande de formation peuventdonc aller vers les écoles sociales habilitées àformer aux métiers du social pour poursuivreleur formation.

Les formations sociales sont des formations àfinalités professionnelles et le resteront. Quantà l’assurance d’un accès à l’emploi, elle n’estdiscutée par personne. Fourdrignier (2009 : 71)le rappelle : cette formation « est définie parl’État, qui garantit la qualification obtenue endélivrant des titres nationaux, pour la plupartdes diplômes d’État. […] le diplôme d’État faitaccéder à une profession, qui elle-même faitaccéder à un métier. » Ainsi, les diplômes dutravail social sont tous identifiés dans les grillesde classification de la fonction publique et dansles conventions collectives du secteur social etmédicosocial, et de nombreuses offres d’emploifont référence explicitement à ces diplômes.L’importante demande d’accès à ces certifica-tions par la validation d’acquis de l’expérienceest aussi la preuve de l’intérêt des personnesayant une expérience conséquente dans cechamp à la faire reconnaître et valider.

Une enquête récente sur l’emploi (UNIFAF,2008) montre que, de 2000 à 2007, le secteursanitaire et social fut créateur d’emplois et qu’àl’horizon de 2012, le nombre de salariés devraitapprocher 800 000 (à comparer avec 560 000 en 2006). Notons que les salariés de 55 ans etplus représentent 14 % des emplois, avec destensions particulièrement fortes chez les enca-drants puisque 30 % ont plus de 55 ans. Cettesituation garantit des perspectives promo -tionnelles et encourage la formation continuequalifiante notamment pour les cadres. Nousobservons des difficultés de recrutement manifestes de diplômés à la lecture des offres d’emploi pour les cadres (direction, chefs deservice), les assistants sociaux, les éducateurs et les animateurs.

Ces éléments valident les constats faits par les écoles qui ont à ce jour peu de difficulté àrépondre à la mission qui leur est confiée. Lenombre de candidats aux formations est trèsimportant au regard de la capacité d’accueilactuellement financée par les régions. Trouverun emploi, à l’issue des formations, est quasi immédiat.Clairement positionnées sur le territoire national et ancrées dans des régions, les écolessociales sont des pôles de ressources en matièred’emplois et d’activité économique. Elles sontles partenaires et les prestataires des régionspour la mise en œuvre des formations « ini-tiales » dans le cadre des plans régionaux dedéveloppement de la formation profession-nelle. Reconnues par l’Association des Régionsde France, elles sont invitées lors des assisesannuelles des formations sociales organiséesdepuis 2006. Elles fédèrent autour d’elles lesprofessionnels de terrain et les employeurs quicontribuent aux divers projets de formation. La légitimité de cet appareil est reconnue par leMinistère et les services déconcentrés de l’État(Direction Régionale de la Jeunesse, des Sportset de la Cohésion Sociale) par la voie des agré-ments (avant 2005), puis par des organismesautorisés à former aux métiers de la cohésionsociale. Une communication régulière entrel’État et les réseaux représentatifs est organiséeau travers du Conseil supérieur du travailsocial chargé de nourrir le ministre responsablesur la situation et les enjeux sociaux ainsi qu’àtravers la Commission paritaire de l’Emploi et la Commission Professionnelle consultativedu travail social et de l’intervention sociale.Du point de vue de la finalité professionnelle et de l’insertion à l’emploi, la structuration desformations sociales a toute sa pertinence. Nonseulement elle permet une évolution de carrièreverticale pour certains, des changements et desreconversions pour d’autres, elle devrait aussipermettre une assez grande mobilité horizon-tale. Elle est donc garante d’une employabilitésur le long terme des professionnels qui sou -haitent exercer ces métiers. Dans le contexteéconomique actuel, c’est un incontestable atout. Cependant, sa très grande segmentation, l’évolution actuelle des politiques publiques,celle de la demande sociale et celle desemployeurs rendent les travailleurs sociauxassez vulnérables.

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La finalité professionnelle des diplômes detravail social n’est pas discutée, elle est à ren-forcer à l’avenir dans un travail de collabora-tion avec les employeurs publics et privés. Lesdiplômes reliés aux métiers du travail socialsont nombreux (trop pour certains); ils sontpourtant plus « lisibles » que les licences pro-fessionnelles qui s’hyper spécialisent puisqu’ily avait 44 licences sur des domaines ditsd’« intervention sociale » en 2008 (Direction de l’enseignement supérieur, 2009). À ce jour, la concurrence avec les titres universitaires de niveau licence ou master professionnelsexiste, mais il est difficile de l’apprécier quantitativement. Pour que les établissements de formation destravailleurs sociaux puissent garder la maîtrisede la formation dans ses contenus et ses formeset que les capacités d’accueil correspondent aux besoins d’emploi, il semble nécessaire de prendre appui sur le dispositif existant. Enmatière de pédagogie, les formations socialesfondées sur une alternance intégrative, à partirde sites qualifiants (lieux de stage) ont montréleur pertinence. Sur ce point, la position actuelle(AFORTS, 2007) reste d’actualité : « La forma-tion ne peut être comprise que comme une facede l’interface formation/emploi, capacité/compétence. La formation est alors l’objetd’une co-conception, d’une co-construction. »Ce modèle d’alternance intégratrice est trèsspécifique des formations sociales où toutes les formations comprennent un temps deformation sur des sites professionnels (stages).Parler de l’alternance, c’est mettre en valeur leterrain professionnel qui ne peut être considérécomme un simple lieu de stage, ni comme unerupture entre la pédagogie de la formation etune séquence professionnelle. Ce choix historique a été conforté lors desdernières réformes par l’ensemble des parte-naires. Les liens avec le terrain (milieu depratique) sont pédagogiquement plus dévelop-pés (sessions de formation des superviseurs), lesuperviseur étant partie prenante du processusde professionnalisation. Le milieu de travail estaussi une structure apprenante. Cette posturedonne un mandat institutionnel au superviseurdans sa structure d’emploi. La place des apprenants dans les milieux depratique est prépondérante. La qualité de la

formation et la professionnalisation des apprenants sont conditionnées par l’effort que consentent les milieux de pratique (plan de formation, statut des apprenants, place des superviseurs, certification sur les terrainsde pratique).

Le nouveau contexte européen : le processusde Bologne

Le 25 mai 1998, les bases du processus furentposées par les ministres responsables de l’en-seignement supérieur en France, en Allemagne,en Italie et au Royaume-Uni. Un an après, enjuin 1999, 29 ministres de l’Éducation signèrentune déclaration à Bologne qui lançait le proces-sus (http://www.bologna-berlin2003.de/).Cette déclaration vise la mise en place d’unespace européen de l’enseignement supérieur à l’horizon 2010 à travers plusieurs objectifs,notamment une réforme de l’enseignementsupérieur et l’élimination des derniers obstaclesà la mobilité des étudiants et des professeurs.Ce processus a d’abord intéressé 29 pays signa-taires en 1999, pour être ensuite signé par46 pays en 2007. Voici les objectifs devant être atteints en 2010 (http://ec.europa.eu) :

• un système de diplômes facilement « lisibles » et comparables;

• un système essentiellement fondé sur deuxgrands cycles, organisés en semestres, avecun premier cycle permettant l’accès aumarché du travail et un second cycle sanc-tionné par l’obtention d’une maîtrise, puiséventuellement par celle d’un doctorat;

• un système d’accumulation et de transfertde crédits comme moyen de promouvoirune plus grande mobilité des étudiants;

• la promotion de la mobilité des étudiants,des enseignants et des chercheurs entre lesdifférents pays;

• la coopération en matière d’assurancequalité (agrément des programmes);

• la promotion de la dimension européennede l’enseignement supérieur (encourage-ment de la coopération interinstitutionnelle,programmes d’études communs…).

En 2001, la signature de la déclaration dePrague a ajouté trois thèmes clés au processusde Bologne (http://ec.europa.eu) : la formationpermanente, la participation des étudiants ainsi

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que l’attractivité et la compétitivité de l’espaceeuropéen d’enseignement supérieur comparati-vement à d’autres régions du monde. Par lasuite, à Berlin, en 2003 (http://www.bologna-berlin2003.de), les ministres de l’Éducation sesont mis d’accord pour promouvoir un systèmeefficace d’assurance qualité. Ce système viseégalement à tisser des liens plus étroits entrel’enseignement supérieur et la recherche, réaf-firme que l’enseignement supérieur est à la fois une question de responsabilité et d’intérêtpublics et que la dimension sociale du proces-sus de Bologne est importante. Enfin, il veutassurer le maintien des bourses et des prêtsaccordés au niveau national dans le casd’études dans un autre pays. En 2007, lessignataires ont fixé les bases de la création d’un registre européen des agences de garantiede la qualité et du soutien de la mise en œuvrede cadres nationaux et européens en matière de qualifications.

Dix ans après, bien sûr, des oppositions semanifestent : les « anti-Bologne » associent leprocessus à une vision libérale de l’université età la domination de « l’économie de la connais-sance ». Pourtant, les bâtisseurs de ce processusont partiellement atteint leur objectif qui étaitde construire un espace européen de l’ensei-gnement supérieur puisqu’une grande partiedu monde universitaire et de l’enseignementsupérieur professionnel parle maintenant unmême langage.

En matière de coopération et de mobilité,beaucoup d’obstacles existent encore. La pra-tique courante d’une autre langue européenne,la transférabilité des bourses étudiantes et lescultures de formation sont autant de freins quifont que la volonté de renforcer l’Europe dansla compétition des savoirs reste un projetdifficile à mettre en œuvre.

L’Association européenne des écoles de travailsocial (AEESS) a soutenu l’intégration duprocessus de Bologne pour tous les pays qui en ont exprimé le souhait. La France s’y pré-pare et, depuis 2008, les deux regroupementsfrançais des écoles sociales ont créé l’UnionNationale des Associations de Formation et de Recherche en Intervention Sociale (UNAFO-RIS) qui porte ce projet dont l’échéance estprévue pour la fin de 2010.

La mécanique du changement préconisé

L’ensemble des écoles est organisé en réseau, ce qui les prépare à se joindre aux ensemblesmieux équipés et à des masses critiques quifaciliteront et accompagneront les changementsattendus. Régionalement, depuis dix ans, onpeut observer des transformations significa-tives dans l’appareil de formation et desregroupements, des mises en réseau, l’instau -ration de partenariats forts et très productifs.Plusieurs régions (Lorraine, Alsace, Bretagne,Île-de-France, Bourgogne, Franche-Comté,Midi-Pyrénées) en sont les témoins sous laforme de configurations très différentes, mais visant toutes à se coordonner, à penserensemble et à mieux représenter l’offre etl’appareil de formation, à asseoir leur perti-nence, leur légitimité et à leur donner plus demoyens de se développer. Des partenariatsconséquents existent avec des universités soitdans le cadre du Diplôme d’État en ingénieriesociale (DEIS; au Québec, son équivalent est leDiplôme d’études supérieures spécialisées enadministration sociale), soit dans le cadre dedouble cursus où l’étudiant poursuit à la fois sa professionnalisation au travail social et estinscrit dans une démarche complémentaire et spécialisée. La création récente de pôles deressources de recherches régionaux a créé denouvelles opportunités dans les relationsstructurelles mises en place entre des dépar -tements universitaires, des laboratoires derecherche et les écoles sociales engagés dans ces pôles.

D’ailleurs, beaucoup de ces établissementsd’enseignement sont depuis toujours des lieuxd’innovations et d’expérimentations de forma-tions nouvelles ou de processus pédagogiquesoriginaux et stimulants. Ce fait leur a permis deprécéder parfois les réformes – la mise en placedu certificat de formation des cadres intermé-diaires du secteur social et médico-social en est un exemple – ou de les provoquer.

Les réseaux existants qui lient la formation et les pratiques professionnelles permettent des ajustements quasi permanents entre lechamp de la formation et celui des pratiques,soit au travers des professionnels qui parti -cipent directement à la formation, soit par la présence de représentants des professionssociales et même des élus dans les instances

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pédagogiques ou décisionnelles (conseil d’ad-ministration). Ce fonctionnement provoque larecherche dans un système performant quidemande à s’ouvrir au monde en gardant ses qualités et en en acquérant de nouvelles.

Rappelons toutefois que les formations socialesfrançaises sont aujourd’hui assez loin de rem-plir les conditions permettant d’intégrer l’es-pace européen de l’enseignement supérieur qui requiert une organisation des études entrois cycles, des outils de reconnaissance acadé-mique centrés sur les résultats d’apprentissagedes étudiants et sur un système d’assurancequalité.

Dans le cadre d’une intégration au processusde Bologne, il est clair que la reconnaissance de la formation offerte par les écoles de travailsocial par l’enseignement supérieur est incon-tournable. Or, l’inscription des formations auRépertoire national des certifications profes-sionnelles par la Direction de l’enseignementsupérieur repose sur l’appui d’un référentiel de compétences (Direction de l’Enseignementsupérieur, 2005). Les établissements aurontalors à se soumettre aux dispositions prévuesdans le Code de l’éducation en France : lareconnaissance par l’État qui a pour finalitéd’attester qu’un établissement apporte unconcours utile au service public de l’enseigne-ment supérieur. Cette reconnaissance peut êtreaccordée, sur demande faite au ministre chargéde l’enseignement supérieur, aux écoles tech-niques légalement ouvertes. Elle pourrait être assortie d’une habilitation à délivrer desdiplômes, car en France seul le ministère del’Éducation Nationale a le monopole d’attribu-tion des diplômes.

Les établissements de formation en travailsocial ont collectivement avancé un peu dansleur cheminement collectif, mais ils sont encoretrès loin du but. Bien que beaucoup d’entre euxse soient préparés aux exigences de cette ins-cription (politique de recrutement des forma-teurs, agrément Erasmus-Socrates, adhésion àune structure de recherche, production, mise en œuvre d’une démarche d’évaluation…), leministère de contrôle n’a pas mis cette exigencedans ces priorités et s’est vu opposer un refuscatégorique de l’enseignement supérieur pour que les formations sociales obtiennentl’équivalent d’un diplôme de premier cycle

universitaire à l’issue du cheminement dans leprogramme d’études. Il en était de même dudiplôme d’infirmier qui sera reconnu au niveaulicence en 2012 (www.studyrama.com/).Cependant, l’adhésion au processus deBologne des formations sociales est totalementen phase avec les missions, les orientations desformations sociales telles qu’elles viennent ànouveau d’être affirmées par le Conseil supé-rieur du travail social.

L’inscription des diplômes de l’action socialedans l’espace européen de l’enseignementsupérieur requiert (Décret n° 482, 2002) lacapacité pour les écoles de délivrer desdiplômes nationaux au nom de l’État et l’évo -lution du statut des formateurs. Actuellement,une étude est menée sur le référentiel du métierdes formateurs, la mise aux normes pédago-giques du processus de Bologne, l’évaluationdes enseignements et des établissements deformation, l’existence de structures de rechercheet enfin l’existence d’échanges internationaux etde partenariats.

Les orientations promues par le réseau UNAFORIS

Le réseau UNAFORIS souhaite trouver unmodèle qui s’appuie sur les compétencesacquises depuis un siècle par les établissementsde formation en travail social qui ont su s’adap-ter et même anticiper les évolutions du secteuret de la formation professionnelle. Il faut doncarticuler les formations professionnelles visantles métiers de l’intervention sociale et du déve-loppement local et repenser l’ensemble del’offre existante du point de vue de l’étudiantpour que l’offre et la conception même de laformation soient en phase avec les évolutions et les aspirations du milieu, en intégrant lesexigences du processus de Bologne garantes de reconnaissance et de qualité pour les 46 pays signataires.

L’UNAFORIS est attachée à ce qu’un certainnombre de principes servent de cadre à l’évolu-tion souhaitée; ces principes sont inscrits dansl’histoire des formations sociales et dans uneanalyse des rapports de force en présence(UNAFORIS, 2009) :

« • Les formations ont une véritable fonction de promotion sociale pour les étudiants et stagiaires et les professionnels en poste.

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Cette fonction est encouragée par l’organi-sation de parcours individualisés, prenantnotamment en compte les acquis de l’expé-rience et par une pédagogie active contri-buant à la valorisation et au soutien despersonnes en formation.

• Cette fonction de promotion sociale estencadrée par un processus de sélectiongarantissant que la visée de promotion nesupplante pas la finalité de la qualificationqui consiste à garantir la qualité de l’accom-pagnement de personnes vulnérables.

• Les formations sociales sont des formationsà finalités professionnelles. Elles visent àl’acquisition de compétences requises pourexercer différents métiers de l’interventionsociale. La professionnalisation s’opère autravers d’un processus long et exigeant,fondé sur une alternance intégrative. Lesséquences de formation dans les écoles etles séquences d’apprentissage des manièresd’être et des gestes du métier sur les lieuxmêmes de l’action sociale sont d’une duréeégale. Cela permet la maturation des per-sonnes en formation et l’acquisition desapprentissages essentiels.

• Les formations sociales sont une exception-nelle garantie d’accès à l’emploi pour prèsde 90 % des diplômés et cela constitue undes éléments de leur forte attractivité. Lesstructures associatives (fondations, associa-tions sans but lucratif), majoritairementgestionnaires des établissements de forma-tion au travail social en France, ont montréleur souplesse et leur réactivité aux change-ments. Elles représentent la société civile etassurent pleinement leur mission de servicepublic de la formation. Elles souhaitentrester parties prenantes des évolutions àvenir et n’entendent pas être dessaisies desformations sociales qu’elles ont contribuéhistoriquement à créer et structurer. Le fortmaillage avec le monde professionnel estnon seulement à garder mais encore à développer.

• L’intégration du processus de Bologne avectout ce que cela comporte : inscription de la formation des travailleurs sociaux dans le premier cycle universitaire et organisa-tion des diplômes supérieurs en troisniveaux, reconnaissance d’une approche

pédagogique centrée sur les résultats d’ap-prentissage des étudiants, adoption d’unsystème d’assurance qualité et l’intégrationde la recherche. » (UNAFORIS, 2009 : 1-2)

Cette intégration par les formations sociales del’enseignement supérieur suppose des moda -lités qui permettent, au-delà de la formationinitiale qualifiante qui deviendra une formationdu niveau baccalauréat (bachelor), de prévoirune place pour les formations de deuxièmecycle de type maîtrise (master) et même detroisième cycle (doctorat). Or, en France, l’en-seignement supérieur est organisé en deuxgrands pôles : d’une part, l’université tradition-nelle (et les établissements rattachés) et, d’autrepart, les instituts d’enseignements supérieursprofessionnels (de statuts publics et privés). Les établissements de formation en travailsocial visent des formes plurielles d’intégrationdans l’enseignement supérieur. En effet, unetoute petite partie des formations sociales estactuellement gérée par l’Éducation nationale, la grande majorité est sous la responsabilitéd’écoles de statuts privés sans but lucratif. La transformation recherchée doit permettre àtoutes ces unités de poursuivre leur mission, decontinuer à développer des compétences péda-gogiques originales, tout en s’adaptant auxexigences nouvelles. L’habilitation à délivrer les diplômes nationaux, comme les institutssupérieurs professionnels, est l’un des objectifs. Il est réaliste de viser à ce que la fonction depromotion sociale de ces écoles soit non seule-ment maintenue mais encore plus développée,tout autant que le caractère professionnel deces formations. Bien que l’action commune etconcertée des deux regroupements d’écoles ait permis des avancées certaines depuis 2009,l’articulation finale du projet et la collaborationdes différents acteurs concernés sont encoreloin d’être définitivement acquises. Les régionssont les mieux placées pour porter et pilotercette volonté et manifestent leur ouverture àcontribuer à un meilleur positionnement des diplômes. Il apparaît aussi plus réaliste de prendre appuisur l’existant pour que les changements atten-dus apportent plus de reconnaissance mais non moins de compétences et d’innovation.Pour y parvenir, il faudra consulter et mobiliserles principaux acteurs, dont les employeurs de

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ces diplômés, négocier les scénarios possibles avec l’État, le ministère concerné et celui del’Enseignement supérieur, concerter les diri-geants des écoles sur ce projet et le faire validerpar les instances regroupant les écoles à toutesles étapes de l’évolution du projet.

Le contexte institutionnel n’est pas encore toutà fait porteur de cette dynamique et les obsta-cles sont puissants. Par contre, l’UNAFORISqui chapeaute et fédère les deux regroupe-ments d’écoles est aussi une force grandissante.Cela suppose que l’UNAFORIS prépare avecles écoles les évolutions indispensables, péda-gogiques et organisationnelles. Les Conseilsrégionaux peuvent être des partenaires impor-tants sur ce point alors qu’actuellement seul leConseil Régional Rhône-Alpes s’est officielle-ment engagé sur ce principe. Un agrément des programmes offerts (l’assurance qualitéexterne) permettra également de progresser etde construire avec les autres réseaux représen-tatifs des formations sociales, en Europe, unensemble de valeurs et de normes spécifiques.La reconnaissance de l’existence d’un champde recherche et son renforcement seraient aussides leviers complétant cet ensemble. Il seraitainsi possible de commencer à imaginer desdiplômes européens de travail social ayantvaleur dans plusieurs pays puisque les problé-matiques sociales sont très largement partagéeset la transférabilité des innovations et desexpérimentations profiterait au public.

En guise de conclusion

L’intégration du processus de Bologne supposedonc des évolutions conséquentes, structurelles,en matière d’organisation et d’ingénierie deformation, de reconnaissance des titres et depilotage des formations sociales.

Évidemment, une telle transformation n’est passans poser maints problèmes. Ainsi, l’enjeu dereconnaissance par l’État signifie passer d’unministère de tutelle coordonnant l’offre d’actionsociale à celui qui est responsable de l’enseigne-ment supérieur, soit un fort changement deculture. La négociation de nouvelles modalitésde collaboration avec les universités pour ledéveloppement en partenariat de pôles régio-naux de recherche constitue un autre type dedéfi. Le rehaussement du niveau de formationd’une partie des formateurs (avec la possibilité

d’accueil d’universitaires dont la formationacadémique s’éloignera des milieux de pra-tique des métiers du social) nous introduit dans un autre registre, etc. Bref, un ensemblede modifications substantielles, semblables àcelles que connaît le milieu de la formation dupersonnel infirmer en France alors que l’État adécidé de faire relever celle-ci des universités etde créer un ordre professionnel (Loi 2006-1668;l’équivalent n’est pas encore envisagé pour letravail social).

Le défi est de taille puisqu’il faut à la fois s’ins-crire dans la modernité de la transformationeuropéenne, avec une échéance très proche, etpoursuivre dans des lieux sans doute à redéfi-nir la formation des personnes qui ne nécessitepas l’inscription de leur diplôme dans l’ensei-gnement supérieur comme les moniteurséducateurs, les techniciens de l’interventionsociale et familiale, les aides médico-psycholo-giques, les auxiliaires de vie sociale, etc.

Cela signifie créer des pôles de formationrégionaux ou interrégionaux intégrés, capablesd’exercer un leadership, de soutenir desrecherches adaptées aux besoins des milieux et des publications d’un bon calibre. Pouratteindre cet objectif, le groupe de travail sur la structuration de l’UNAFORIS s’oriente versla constitution de plateformes régionales ouinterrégionales regroupant les établissementsde formation en travail social qui devraientremplir les fonctions suivantes : soutenir unpôle de recherche et d’animation du secteursocial sur le territoire, organiser une offre deformation cohérente sur le territoire, permettrela mutualisation de l’ingénierie pédagogique,de personnels (formateurs, personnels adminis-tratifs et logistiques) et de services communs,en plus d’assurer une mission internationale(mobilité, participation à des programmeseuropéens et internationaux).

Ces écoles devraient bénéficier d’une recon-naissance nationale de la part d’UNAFORISqui assurerait un pilotage stratégique et opéra-tionnel, capable d’engager les établissementsde formation et de les représenter au niveaunational. Cette orientation, validée par leconseil d’administration de l’UNAFORIS, faitl’objet d’une vaste concertation avec les établis-sements de formation et les partenaires publicset privés.

INTERVENTION No13282

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Enfin, les enjeux liés à une « universitarisa-tion » de la formation sociale ne doivent pasêtre négligés (Fourdrignier, 2009) en raison durisque de la dominance des savoirs théoriquessur les savoirs pratiques. La logique de déve-loppement des carrières dans les milieux uni-versitaires diffère aussi sensiblement du profilsouhaité dans des écoles professionnelles, cequi n’exclut pas une contribution de hautniveau commencée depuis quelques annéesdéjà à travers des échanges qui se situent dansun contexte de l’enseignement supérieur (col-loques internationaux, centres de recherche,publications). Le défi consiste à conserver unsain équilibre entre la collaboration avec lesmilieux universitaires tout en demeurantcrédibles et présents dans les milieux professionnels.

Descripteurs :

Service social - Étude et enseignement - France //Service social - Étude et enseignement -Communauté européenne // Établissements deformation en travail social (EFTS) - France //Service social - Étude et enseignement(Universitaire) - Communauté européenne

Social service - Study and teaching - France // Socialservice - Study and teaching - European EconomicCommunity // Social work education - EuropeanEconomic Community

Note

1 Afin d’alléger le texte, nous utiliserons le masculinbien que la profession soit, comme au Québec, trèsmajoritairement féminine.

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INTERVENTION No132 83

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byLawrence Murphy, MA Counselling PsychologyOwner, Worldwide Therapy Online Inc.Email: [email protected]

Paul Parnass, MSWPrivate Practitioner

Dan Mitchell, MA Counselling PsychologyOwner, Worldwide Therapy Online Inc.

Susan O’Quinn, MSWPrivate Practitioner

Historique des relations entre counselling etinformatique, dont l’exemple de WorldwideTherapy Online Inc. Défis cliniques et avantagesde l’intervention utilisant le cyber-counselling.History of the relationship between computersand counselling. Example of WorldwideTherapy Online Inc. Clinical challenges andadvantages of the cybercounselling.

At first glance, a modern desktop or laptopcomputer seems an unlikely conduit for thetransformative engagement between counsellorand client. Indeed, when Dan Mitchell andLawrence Murphy first began delivering clinical services via email in 1995, counsellorsthey told about their new approach waveredbetween shock, bewilderment and derision.Today, clinical services offered online are ubiq-uitous, with virtually every major EmployeeAssistance Provider (EAP) in Canada offeringsome form of service. A simple search of theInternet using the term “online counselling”delivers more than 250,000 hits. Counsellors are offering services throughout the world andin numerous languages. And we are starting tohear interesting stories from service providers

who do not offer Internet-based services: sto-ries of clients who do all their banking online,take university courses online, shop online,connect with friends online, watch movies andtelevision online; clients who themselves waverbetween shock, bewilderment and derisionwhen told that they cannot receive mentalhealth services online.

Cybercounselling offers social workers oppor-tunities to connect with their clients in manyunique ways. Core social work values such as client self-determination and building andsustaining effective relationships, are keycomponents of any social work intervention.Social workers strive to ensure that theirclients’ interests are valued, respected, andcome first in any social work intervention.Cybercounselling offers social workers whoprovide counselling services, a new dimensionby which to form relationships and establishgoals with their clients. Clients are empoweredto take control of the counselling relationship,by determining the timing of their exchangesand the amount of information they wish toreveal in print. Clients use text-based coun-selling to communicate their strengths, fearsand aspirations, while the social worker usesthis information to assist clients in changingand building a new reality for themselves.

These dynamics can occur in many social worksettings. For example, social workers in hospi-tal settings can exchange emails with cancerpatients who are searching for ways to empow-er themselves and learn new strategies to dealwith their illness. Words of hope and strength,written by the client and affirmed by the socialworker, can provide powerful reminders ofone’s ability to overcome adversity.

Social workers engaged in couple counsellingcan use email exchanges to help each spouse to communicate differently. The spouses havean opportunity to reflect, individually, on theirneeds, their concerns, and their hopes, and cantake their time to communicate these needs toeach other, in print. Each partner is given equal

The Emerging Field ofCybercounselling: Personal and Professional Reflections

INTERVENTION No13284

Intervention, la revue de lʼOrdre des travailleurssociaux et des thérapeutes conjugaux

et familiaux du Québec. Numéro 132 (2010.1) : 84-93.

Articleshors thématique

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air time and power imbalances can be readjust-ed through the medium of the written word.

Cybercounselling offers social workers newopportunities to provide service to their clients.Our technology now enables us to reach clientsin remote areas who would not easily haveaccess to social work services. Lower costs and more accessibility to computers allowmore clients easier access to online counsellors.Indeed, although in the 20th century, the so-called digital divide between the mainstreampopulation and more marginalised populationswas considered a significant impediment toserving the latter, growth of school, library,community centre and other such Internetaccess points has resulted in the overwhelmingmajority of North Americans having access tothe Internet (Banerjee & Hodge, 2007).

This paper will begin by looking at the historyof the relationship between computers andcounselling as well as a brief review of oneparticular online practice: Therapy Online.After exploring recent research, we will presentchallenges to the effective ethical delivery ofonline counselling, challenges of which allsocial workers considering practicing onlinemust be aware. Select clinical challenges andadvantages of online work, particularly asyn-chronous text-based methods (i.e. methods inwhich the sending of and responding to mes-sages is done at different times, as in email),will be explored. Finally, implications for future research will be addressed.

Because clinicians of various trainings engagein cybercounselling, the term counsellor will be used throughout this paper to represent allthose engaged in this groundbreaking work.This includes, though is not limited to, socialworkers, career counsellors, youth workers,psychotherapists and psychologists.

HISTORY

As Granello (2000) indicates in an excellentreview, early applications of computers to thefield of psychotherapy were attempts to createa computer counsellor. Skinner and otherbehavioural psychologists felt that their theories of human learning and adaptation fit perfectly with the systematic nature ofcomputers. As early as the 1980s, programswere designed to provide psycho-educational

support to individuals with depression. Today,there are numerous online programs that allowone to apply the principles of cognitive-behav-ioural therapy without the presence of a coun-sellor. Such work can be traced back to ideas ofprogrammed instruction from the 1950s.Programs such as the famous ELIZA (cf. Pruijt,2006), developed in 1966, were created in anattempt to use the brute power of computers toanalyse linguistic elements of a client’s writingand generate appropriate non-directiveRogerian empathic responses. Using ELIZAeven briefly makes plain how complex is theproject (cf. ELIZA, nd).That said, there are increasing numbers ofprogrammers trying to best the Turing test withwhat are commonly known as Chatterbots.Turing proposed that if a computer couldbehave in such a way that an individual couldnot distinguish it from a human being, thiswould imply that the computer had a mind,that it was thinking. To date, no computer haspassed the Turing Test. Computers, however,were finding use in testing in the 1980s as theycould take in tremendous amounts of data andprovide scores and results immediately. Today,almost every known testing instrument hasbeen computerised.More recently, the computer has been used not as a replacement for the counsellor orpsychometrist, but as a tool for the delivery of therapy by a counsellor. We call this cybercounselling.

A BRIEF HISTORY OF THERAPY ONLINEAs one might expect, Therapy Online(Worldwide Therapy Online Inc.) grew out oftwo disparate streams. The first was the narra-tive therapy work of Michael White and DavidEpston. They introduced the idea of sendingletters to clients between sessions (White andEpston, 1990). White and Epston discoveredthat these letters were both meaningful toclients and powerful therapeutically.The second was the delivery of computers tothe desks of every counsellor in the alcohol and drug clinic where Mitchell and Murphyworked. With these computers came Internetaccess and email. The idea came to them almostimmediately. They could marry the letterwriting of narrative therapy with the computer

INTERVENTION No132 85

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technology of email and help anyone anywhereat any time. They began in 1994 by creating a site andplacing it on a bulletin board system. Suchsystems were ubiquitous in the early 1990s(America Online is the only remaining exam-ple). An individual would take a powerfulcomputer and set it up with a router thatwould allow multiple users to call in and playgames against each other, exchange messagesand download software. They installed theirsite on a server in White Rock, BritishColumbia and offered therapeutic email services, and regularly sought consultation and feedback from clients. They called it therap-e-mail.Two things struck them immediately. First,with text only, misinterpretation was a concern.They needed to develop techniques that wouldcompensate for the lack of tone of voice andnon-verbals in the textual medium. Second, theethical considerations were qualitatively differ-ent from face-to-face counselling. They beganto develop a catalogue of text-based therapeu-tic techniques that would address the absenceof tone and non-verbals (Murphy & Mitchell,1998) and they set to work analysing andproviding solutions to the ethical concerns (cf. Mitchell and Murphy, 2004).One such text-based technique is calledEmotional Bracketing. This technique involvesplacing the emotion or sub-text relevant to acomment in square brackets after the commentitself. So, for example, a counsellor might write“I have not heard from you in 3 weeks [feelingconcerned]”. With this, the client knows thatthe counsellor is not angry or disappointed oranything else but concerned. This techniquealso serves to prevent clients from projectingtheir own interpretation of the counsellor’smeaning onto the counsellor’s words. This and other techniques are covered extensivelyand in detail in Murphy and Mitchell (1998)and in Collie, Mitchell and Murphy (2000).By 1995, they launched the first web-basedversion of Therapy Online. By 1997 their workhad caught the attention of the National Boardfor Certified Counselors (NBCC). The NBCChad struck a committee to create an ethicalcode for online practice and one group in thecommittee was instructed to search the web

and find the best example of ethical practicealready in effect. This led them to TherapyOnline. The resulting collaborative work was published online in 1998.

THE GROWTH OF RESEARCHThe year 1998 also saw the publication of aspecial issue of the British Journal of Guidanceand Counselling, which focused on new formsof distance counselling. John Bloom of theNBCC contributed an excellent piece on ethics,and there were other articles on family therapy,telephone counselling, and using email as therapy.Since then, numerous manuscripts have beenpublished reviewing the many aspects ofcybercounselling. Indeed, dedicated printjournals (e.g.: Journal of Technology in HumanServices; Cyberpsychology and Behavior) nowpublish solid research in the field. Recently, Azy Barak and his colleagues at theUniversity of Haifa (2008b) produced the firstmeta-analysis of effectiveness research in thefield. A meta-analysis is a systematic method to integrate and assess the results of differentstudies in a particular field. Only studies thatmeet criteria for rigorousness of research meth-ods are included and their results are combinedstatistically, giving rise to more powerful con-clusions than those that could be drawn fromany of the studies individually. Barak and hiscolleagues reviewed 92 studies, which exam-ined Internet-based psychotherapeutic inter-ventions involving a total of 9,764 clients. Theseclients represent the full gamut of client groupsin terms of age, gender, race and language. Theauthors concluded that “Internet-based therapyon the average is as effective or nearly as effec-tive as face-to-face therapy” (p. 147).Over the past decade, many studies have beenconducted examining various aspects of onlineand other forms of Internet-based counselling.Different modalities have been studied includ-ing support groups (Barak, Boniel-Nissim andSuler, 2008a), audio and video counselling (Dayand Schneider, 2002), and asynchronous text-based work (Murphy and Mitchell, 1998;Mitchell and Murphy, 1998; Collie, et al, 2000;Reynolds, Stiles and Grohol, 2006). Work has also explored the characteristics of online clients (DuBois, 2004; Johnson and

INTERVENTION No13286

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Kulpa, 2007, Tsan and Day, 2007). And somepublished work looks at the use of cybercoun-selling with specific client groups like opioid-dependent outpatients (Bickel, Marsch,Buchhalter and Badger, 2008) and problemgamblers (Griffiths and Cooper, 2003).

ETHICSSince the publication of the NBCC code, somecounselling associations have weighed in withethical statements on cybercounselling. Some,like the American Psychological Association,have simply integrated telephone and Internet-based services into their broader code. Otherassociations, though, make no comment at allon the practice of cybercounselling. Leaving theissue unaddressed seems inadvisable, particu-larly when there are certain fundamental issuesthat remain to be researched and resolved. Wewill address three specific issues that requirefurther thought and debate.

LocationOne of the troubling things about workingonline is the location of the activity. Here is anexample from one of the authors’ own cyber-counselling experiences. The counsellor livedin British Columbia and had a client in a ruralarea of another province. After the counsellinghad gone on for some time, the client found thecourage and will to move into the city to beginpursuing a diploma. Soon after that, the coun-sellor moved to Saskatchewan. After the clientcompleted his diploma, he moved to anotherprovince to take a job. The counsellor thenmoved to Ontario. During summer vacation,the counsellor checked in and sent the client amessage from Portugal. The question of wherethe counselling happened seems absurd at best.The issue of location, though, becomes impor-tant if clients feel they have been harmed andwant to seek legal redress, and when clientsrequire emergency intervention, such as casesof imminent suicidality, which we will discusslater in this article. Where one can sue, howmuch one might receive in a suit, which lawsgovern the activities of the individualsinvolved and other such questions go to theheart of most legal battles. In the United Statesof America, most state licensing boards assertthat the counselling happens wherever theclient is located.

Our approach is to assert that the counsellinghappens where the counsellor resides. Ourclients understand and consent to this assertionbefore online counselling begins. This meansthat counsellors need only know and applytheir local codes of conduct and rules forreporting. Social workers who are consideringsetting up a cybercounselling practice shouldcheck with their local college or association todetermine if guidelines have been developed,which can assist social workers with jurisdic-tional issues.

Even in the case of a conflict between thecounsellor’s own legal and ethical responsibili-ties and a foreign client’s local laws, the coun-sellor and client have an a priori agreement thatdefines the laws governing online counsellingand the counsellor’s ethical responsibilities.Some object that this means clients wishing tofollow legal channels would need to pursue alawsuit in a jurisdiction other than their own.True though this is, it is not without legalprecedent. If, for example, as a Canadian, onedecides to go on safari in Tanzania with aBritish tour company, one will sign a form thatrequires the pursuit of legal remedies in Britainand under British law. So even if one is injuredin Tanzania, and even though one is Canadian,one would have to seek redress in Britain.

We believe that it is inevitable that cybercoun-selling services, like other activities on theInternet, will continue to be practiced acrossborders. Clients should be able to access coun-selling services regardless of their location.Trained and qualified counsellors should beable to offer those services globally.

Inappropriate Client Concerns

It seems self-evident that if a cybercounsellorcommits to responding to a client for the firsttime within 72 hours, this is an inappropriatemodality for suicidal clients. Services do existonline for people who are experiencing suicidalideation (cf. Befrienders Worldwide, 1999) andeven the American Department of VeteransAffairs is piloting a suicide-prevention chatprogram (VA suicide-prevention program addschat service, 2009) but unless the response isimmediate, such clients are better servedthrough other modalities. Counsellors must beable to perform two critical duties in order to

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provide appropriate suicide response: to imme-diately converse with the client (includingconducting a suicide risk assessment), and, ifnecessary, to forthwith engage appropriatemedical and/or legal resources in the client’sclose proximity. The former condition is notpossible in the context of email counselling.There are other client issues that may be moreor less inappropriate to online work. In ourpractice we screen out individuals with severedistortions of reality. This includes individualswith severe anorexia and those with psychiatricdisorders including some Axis I and most AxisII disorders. This decision, however, is based onour own experiences with such clients and ourknowledge of the cybercounselling experience,rather than research into the specific clinicalissues.In particular, the screening out of such clientsrests on concerns about misinterpretation of thetext. Face to face, most counsellors can detectwhen a client has misinterpreted a statement,ask the client about their interpretation, andclarify the meaning of the counsellor’s state-ment. Online, once an email is sent, there is noopportunity for the counsellor to observe theclient’s reaction and clarify its meaning.Therefore, clients who are prone to misinterpre-tation and distortion are screened out.Recent research does exist in the area of eatingdisorders and it is promising. Paxton, McLean,Gollings, Faulkner and Wertheim (2007) deliv-ered an 8-session intervention for body dissat-isfaction both face-to-face and synchronouslyonline. They concluded that although the face-to-face modality was best, the Internet-basedintervention was effective and had the poten-tial to increase access to therapy. Other intrigu-ing work with bulimic and binge-eating clientshas been done by Serfaty and Robinson (2008).This work suggests that clients with eatingdisorders may benefit from cybercounsellinginterventions although the parameters of suchwork and how it would be integrated into aclinical approach require further investigation.As the field of cybercounselling progresses,more refinement to assessment and treatmentprocedures may make it possible to appropri-ately address the needs of clients with otherdistortions of reality. For example, if a physi-cian were consulted (with, needless to say, an

appropriate signed consent to release) duringthe online counselling process, there would bea secondary source of information regardingthe nature and impact of the primary client’sdistortions of reality.

Unique CompetenciesWithout exception, ethical codes require counsellors to be competent and trained bothin the methods that they use and the clientgroups with which they work. It is disconcert-ing that even a cursory review of cybercounsel-lors offering services reveals that few of themidentify any training in the modality. The field of cybercounselling is still young, but itbehoves counsellors to seek to develop theircompetencies. Quality training, based on emerging identifica-tion of core cybercounselling competencies,does exist for counsellors wishing to developexpertise to practice online. The authors deliver two levels of post-graduate training in cybercounselling in collaboration with theUniversity of Toronto Factor-Inwentash Facultyof Social Work. In addition, this faculty nowoffers an MSW course in cybercounselling anda full-year MSW cybercounselling practicum. Ahandful of other training programs exist onlinebut none are overseen by a social work faculty. Along with training is the need for ongoingquality control. Clinical supervision as well asclient feedback are essential in this emergingfield. In the area of quality control, cybercoun-selling can excel. It is not difficult to ask clientsto complete a brief online questionnaire at thecompletion of the cybercounselling process.And online supervision can be very direct. The fact is that conversing with clients viasecure email creates transcripts. This is veryunlike face-to-face situations, where verbatimrecords are rarely obtained. In cybercounsellingsettings, transcript creation means there is avery high level of accountability. Counsellors’every word can be scrutinized. Policies forrecord keeping need to be in place. Fortunately,clinical supervision is very easy as a result oftranscript creation. In fact, it is even possible to supervise a therap-e-mail session before thecounsellor sends it to the client.Other technological aspects of being onlinecreate a qualitatively different set of circum-

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stances than simply being in another office.Confidentiality, for example, is only assuredusing encrypted email. Numerous sites eitherassure clients that they will not share theclient’s information with anyone else – thesame thing one would say face to face – and yetfail to acknowledge that outsiders could easilysteal unencrypted emails. Sniffer softwareallows for the capture of information transmit-ted on the Internet. Anyone with sufficientknowledge could capture and publish, or usein some other way, any unencrypted informa-tion transmitted over the Internet.

And then there are the challenges of solvingtechnical issues for the client. Counsellors maythink that this is not an issue they ought tohave to deal with. But it is akin to providingclients with directions to one’s office or thenumbers of buses that serve the location. If aclient calls and asks for directions, efforts aremost certainly made by most professionals tohelp them make it to the appointment on time.

Clients can be assumed to expect nothing lessonline. Indeed, there are indications that clientstake into account all of their experience in theonline environment when assessing the valueof their cybercounselling experience (Murphyet al., 2009). Just as a client might complainabout the road work outside the office whenasked to rate their face-to-face counsellingexperience, so too can we expect clients tocomplain about their slow Internet connectionor the frustration of having to upgrade theirweb browser.

In neither case is any of this the fault or respon-sibility of the counsellor. Yet to deal appropri-ately with the online example, counsellorsought to be familiar with the ins and outs of theInternet, problems that arise and solutions tothose problems, and typical human experiencesonline. The bar is higher with the technologyinvolved, yet it is unclear how many counsel-lors are aware of the bar being there.

CLINICAL CHALLENGES

Beyond the ethical considerations, there are anumber of clinical challenges that professionals(rightly) question. The first is whether thetherapeutic alliance can be established.

The Therapeutic AllianceThe therapeutic alliance is the open, respectfuland collaborative bond between counsellorsand clients (Horvath & Luborsky, 1993).Research clearly indicates that the therapeuticalliance is a critical factor when it comes toeffective counselling (Gelso & Carter, 1994;Wampold, 2000). Cook and Doyle (2002) compared the ratings ofthe therapeutic alliance from 15 online therapyclients with ratings from clients who engagedin face-to-face counselling. These researchersfound that clients participated more in thedistance modes and reported a therapeuticalliance equivalent to the face-to-face ratings. Prado and Meyer (2004) found similar results.In this work, done exclusively with asynchro-nous email counselling, counsellors were ableto establish a solid therapeutic alliance asmeasured by the responses of 29 clients to the Working Alliance Inventory (Horvath &Greenberg, 1989).Cohen and Kerr (1998) found that clients pro-vided similar ratings between online and face-to-face counselling regarding the counsellor’sexpertness, attractiveness, and trustworthiness.In addition, clients were asked to rate thedepth, smoothness, positivity, and arousal of the counselling sessions as measured by the Session Evaluation Questionnaire (Stiles &Snow, 1984). Clients rated the level of arousalhigher in the face-to-face modality but therewere no other significant differences betweengroups. Finally, recent research (Murphy et al., 2009)comparing online clients and face-to-faceclients resulted in outcomes supporting theresults reviewed above. The establishment of a therapeutic alliance isintegral to the practice of social work. A trust-ing and respectful relationship between a social worker and a client sets the tone for any effective social work intervention. Onlinecounselling presents both challenges andopportunities for social workers who are con-sidering connecting with their clients online.For example, the question is often asked howone can effectively assess a client in the absenceof audio and visual cues. Most counsellingcourses, including those found in social workcurriculums, place an emphasis on assessing

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nonverbal body language in addition to thespoken word. As noted earlier, Murphy andMitchell (1998) have created a set of PresenceTechniques, which allow the counsellor toestablish a presence online with their client.Social workers engaged in direct practice cannow apply the Presence Techniques to effec-tively connect with their clients in an onlinerelationship. Use of these techniques enablesthe social worker to establish a trusting andcollaborative relationship from which a coun-selling client can begin to discuss the possibili-ties for change and growth.Outcome MeasuresThe second relevant question is whether in factthis modality works. Cohen and Kerr (1998)had counselling psychology graduate studentsdeliver single sessions of either face-to-face orsynchronous chat counselling to undergradu-ate students. The clients showed significantdecreases in anxiety in both modes of treatment as measured by the State-TraitAnxiety Inventory (Spielberger, Gorsuch, &Lushene, 1970), with no difference in the levelof change between the two modes. Mitchell and Murphy (1998) report a case study of a client who provided feedback to theauthors after her online counselling was com-plete. When asked about the impact of thephysical absence of the counsellor and the need for her to engage in writing, she said:

I learnt to become more aware of the feelings I was expressing, and to emphasize them. (e.g. being attentive to explaining how I feel,sending hugs, etc., that I could then imagine.)I think this is a great skill to learn -- to becomemore conscious of one’s behaviour. It's usefulall the time in life. Impact suggests somethingnegative, but I don't think it was negative atall. I learnt a new and useful skill.

Lange, van de Ven, Schrieken, and Emmelkamp(2001) randomly assigned individuals experi-encing post-traumatic stress (PTSD) to either acomputer-based treatment group or a wait-listcontrol condition. Individuals in the computer-based writing group showed larger reductionsin symptoms related to PTSD than did control-group participants and these results held at a 6-week follow up.

Murphy et al., (2009) compared outcomesusing a convenience sample of online clients

and face-to-face clients. All clients completed a Client Satisfaction Survey (CSS) and wererated on the Global Assessment of Functioning(GAF) scale. The authors found no statisticallysignificant differences in either degree of GAFchange or final GAF rating between the twogroups. There were also no statistically signifi-cant differences between the two groups on theCSS questions designed to measure therapeuticalliance and progress in counselling.

This research supports the conclusions drawnfrom the meta-analysis work previously noted(Barak, Hen, Boniel-Nissim and Shapira,2008b): cybercounselling is at least the equal of face-to-face counselling.

CLINICAL ADVANTAGES

The practical advantages of cybercounsellinghave been covered in other manuscripts (e.g.Murphy and Mitchell, 1998). Most peopleunderstand that computer-mediated communi-cation allows one to write when one wants,from any place, in large measure regardless of disability. Less well known are the clinicaladvantages. One phenomenon that contributesto the power of cybercounselling is disinhibition.

Disinhibition

We see disinhibition online in clients’ willing-ness to get to the heart of (what they know of)their issue very quickly. Frequently, even intheir first therap-e-mail reply. In our experience,it is the rare client who gets down to brass tacksin the first face-to-face session. Although exper-imental research needs to be done to confirmour anecdotal experience, we have found thatclients tend to be more honest and more willingto explore themselves online.

We also see disinhibition in peoples’ willing-ness to be rude, judgemental and offensiveonline. Although this is rarely seen in clients,the two sets of behaviours, the beneficial andthe ugly, are theorised to come from the sameroot: disinhibition.

Suler (2004) identifies six components of disin-hibition: dissociative anonymity, invisibility,asynchronicity, solipsistic introjection, dissocia-tive imagination, and minimizing authority. Letus deal with each of these in turn and reflect ontheir impact in cybercounselling.

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First, clients feel anonymous; this despite thefact that we have their real name, address,phone number and so on through registration.Their experience of anonymity may give thema sense of control.Second, clients feel invisible. Far from being feltnegatively, this too can give a sense of powerand control, as well as allowing clients to revealwhat they wish when they wish. Third, because they can go away and comeback later, as in asynchronous communication,clients do not have to deal with the immediateramifications of their words. They can writesomething they feel is shameful, hit Send, andgo for a walk. They do not find themselvesstaring intently at us, looking for a sign in ourfaces that we are disgusted with them (andperhaps detecting it even when it is not there).Fourth, because we experience reading insideour own heads, clients may integrate ourwords in ways more impactful than when they hear us speak. Face to face, our words aremediated by physical distance, by the client’shearing, and by our own accent or manner of speech.Consider reading a book written by an Irishauthor. The typical individual will not read theentire book putting on an Irish brogue. Rather,we read the text with the accent and in themanner in which we ourselves think andspeak. In the context of cybercounselling, thismeans that we may bypass differences thatarise because of different accents. The potentialfor getting past certain differences is promising.Dissociative imagination suggests that individ-uals online may consider their behaviour therelike a game that does not imply consequences inthe real world. Interestingly, we have not expe-rienced this type of attitude in cyberclients. Thismay be because in counselling, clients are intenton goals for themselves and gameplaying getsin the way.Finally, there is the construct of minimisingauthority. This plays out online when individu-als show a willingness to send emails to thosein positions of authority, treating these individ-uals as no better than they themselves. Incybercounselling, we see this as empoweringclients, allowing them to assert themselves andtheir ideas without the tentativeness that some-times accompanies face-to-face disclosures.

Demands on ClientsIn the online environment, clients must bringtheir 50% (or more) to the relationship. In ourtext-based asynchronous work, we cannotcompensate moment to moment for the client’slack of engagement. Thus, the onus is on them.Cybercounselling demands client engagementand this level of engagement cannot be satis-fied simply by showing up. It involves reading,articulating, writing thoughts and showing upphysically and psychologically.Moreover, cyberclients must be more directivein their treatment. The burden is on them toidentify their goals, work through the ques-tions and homework provided, and ultimatelytake significant responsibility for the outcome.Although this will not be suitable to all clients,we consider this, overall, a positive. Client self-determination is a fundamentaltenet of social work theory and practice.Having control over one’s course of counsellingor therapy is something with which manyclients struggle. Social workers engaged in thepractice of online counselling offer their clientsthe opportunity to regulate the degree to whichthey wish to self disclose. Timing is crucial incounselling, and social work clients engaged inonline counselling can control the pace of theirwork online.

Asking QuestionsThis is perhaps less an advantage of cybercoun-selling than an element that makes it qualita-tively different from face-to-face work. Face toface, we might say to a client something like “itsounds like you are angry at your parents” andthen sit silently and wait. At the very least theclient would eventually say “Oh I’m sorry, didyou want me to respond?” More often, theclient will naturally reply.Not so in text-based work. If we write a com-ment like this in a therap-e-mail, the client ismore than likely simply to read this and carryon. Indeed, if one’s reply to a client were to lackquestions entirely, it is hard to imagine whatwould push the client to write back.Thus, questions become an integral part ofeffective text-based therapy. But it is the way inwhich questions are asked and the placementof these questions, which is critical. This is but one example of a set of skills that are not

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self-evident in moving from face-to-face toonline work and a major reason that we believethat training in this modality is a must.

FUTURE DIRECTIONSThroughout this paper, issues have been raisedthat require further research. Although theevidence that this is a modality equal in effec-tiveness to face-to-face work is strong, in somerespects, all questions continue to be fair game.That said, we will note three specific areaswhere research will lead to significantadvances.First, more work needs to be done identifyingclient demographics and clinical concerns thatare more or less appropriate for particularmodalities within the online world. Our restric-tions are based on our knowledge of psycho-logical disorders and their manifestation inclinical situations and our commitment totaking an ethically conservative position withrespect to the practice of cybercounselling.Further research may or may not support these exclusions. Second, textual analysis needs to be done toexplore the specific components of effectivetherapeutic interactions in asynchronous text-based work. Although the research notedabove makes plain that cybercounsellingworks, the specific elements of effective text-based work need to be identified. The authors,in collaboration with researchers in the Factor-Inwentash Faculty of Social Work at theUniversity of Toronto, are presently engaged in such work.Third, research using qualitative methodolo-gies needs to be undertaken exploring the livedexperience of cybercounselling methods forcounsellors and clients alike. Strauss andCorbin (1990) suggest that qualitative methodsare ideal for exploring phenomena that are notwell understood. They also point to the valueof such methods for exploring the meaning ofindividuals’ experiences. Qualitative work ofthis type will serve to complement the quanti-tative work already undertaken and deepenour understanding of the value and meaning of cybercounselling for those directly involved.As the field grows and more and more counsel-lors practice online, a solid research foundationwill be critical. Given how new cybercoun-

selling practice is and the challenges identified,we believe it is incumbent on practitioners toground their work in what is demonstrablyeffective.

For social workers, online counselling offers anew and unique way in which to deliver serv-ices to their clientele. And given the growingbody of research, which examines the effective-ness of the practice of online counselling, socialwork educators have an opportunity to con-tribute to this research.

Descripteurs :

Service social - Informatique // Cybercounselling //Désinhibition chez l’adulte

Social service - Computer science //Cybercounselling // Disinhibition in adults

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INTERVENTION No132 93

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parMarie Le Bourdais, Mss, t.s.Institut de réadaptation en déficience physique de Québec (IRDPQ)Courriel : [email protected]

Claire Dumont, erg., Ph. D.Agente de planification de programmation et de rechercheIRDPQ

Luce Leclerc, t.s.IRDPQ

Amélie Rajotte, étudianteProgramme d’ergothérapieUniversité Laval

Sylvie Tétreault, Ph. D.Professeur titulaireDépartement de réadaptationUniversité Laval

Literature review on stress for parents of handi-capped children. Results of a study on thecreation and validation of an assessment tool to measure this stressful labor.Recension des écrits sur la surcharge desparents d’enfants ayant une incapacité.Résultats d’une recherche portant sur la création et la validation d’un instrument d’évaluation de cette surcharge de travail.

L’arrivée d’un enfant handicapé dans unefamille cause un bouleversement important.Les attentes des parents et leurs espoirs reliésau nouvel enfant peuvent être affectés. Laréalité qu’ils vivent peut être différente de celle d’autres familles, ce qui peut entraîner des inquiétudes ou des insatisfactions. Lacharge de travail liée aux besoins particuliers

de l’enfant, le manque de sommeil et l’inacces-sibilité aux services de répit peuvent provoquerrapidement une surcharge pour ces parents.Tout cela peut avoir un impact sur leur viefamiliale ainsi que sur leur santé physique etpsychologique. En fait, les ressources person-nelles des parents deviennent fortement sollici-tées de même que celles de leur réseau social.

Le projet de recherche sur la surcharge paren-tale est issu d’une préoccupation clinique enservice social, ainsi que d’une préoccupationd’amélioration de la qualité des interventionsdans les programmes de réadaptation. Dansleur pratique, les travailleurs sociaux accom -pagnent les familles, principalement les parentsdont un enfant présente une incapacité. Ils sontsouvent confrontés à des familles vivant dessituations de surcharge qui entraînent desproblèmes organisationnels et émotifs. Ceconstat justifie le besoin d’évaluer la surchargepour, entre autres, mieux en définir les impacts,déterminer avec plus de précisions les moyensd’en diminuer les effets et de mieux soutenirles demandes auprès des ressources du milieu.En effet, des organismes offrant de l’aide finan-cière, matérielle ou des ressources humainespeuvent être sollicités pour diminuer cettesurcharge. De plus, le travail en équipe inter-disciplinaire qui prévaut en réadaptation permet de faire bénéficier l’ensemble des intervenants de ces informations.

Deux types de surcharge sont décrits dans lesécrits scientifiques, soit concrète et émotion-nelle (Tétreault, 1992). La surcharge concrète se définit comme les actions, les tâches et lesresponsabilités supplémentaires que doiventaccomplir les parents ayant un enfant avec des incapacités, comparativement à ceux dontl’enfant ne présente pas de déficience ou deproblème de santé. La surcharge émotionnellepourrait se définir comme une accumulationd’émotions intenses.

Les ressources du réseau sont mieux préparéesà soutenir les demandes d’aide concrète, qu’àoffrir des services concernant les aspects

Validation du contenu d’un instrumentde mesure de la surcharge parentale pour les familles dont un enfant présente une incapacité

INTERVENTION No13294

Intervention, la revue de lʼOrdre des travailleurssociaux et des thérapeutes conjugaux

et familiaux du Québec. Numéro 132 (2010.1) : 94-104.

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émotifs. De plus, la recherche de ressourcesvisant la diminution de la surcharge concrèteconstitue une première étape, qui pourraitéventuellement avoir un impact sur la sur-charge émotionnelle. Pour cette étude, nousnous sommes concentrées sur la surchargeconcrète. À ce propos, il s’avère difficile d’évaluer la surcharge concrète en raison de l’absence d’un outil valide. D’ailleurs, lesinstruments disponibles sont incomplets, nonspécifiques de l’apport parental, plus souventorientés vers la surcharge émotionnelle ouencore destinés aux adultes. En effet, aucunoutil spécifique évaluant la surcharge desparents d’enfants et d’adolescents ayant desincapacités physiques n’a été trouvé dans lalittérature. Un outil pouvant être utilisé enclinique ou lors de l’élaboration d’un pland’intervention pour la clientèle des jeuneshandicapés (0-18 ans) du réseau de servicess’avère nécessaire.

1. Recension des écrits sur la surcharge parentale

Les écrits scientifiques consultés concernant lasurcharge parentale mettent plus fréquemmentl’accent sur la surcharge émotionnelle desaidants. Or, des auteurs rapportent que lesfamilles semblent être plus grandement affec-tées par la surcharge concrète (Green, 2007;Luescher, Dede, Gitten, Fennel et Maria, 1999;Plant et Sanders, 2007; Robert et Lawton, 2001;Sen et Yurtseven, 2007). Cette surchargeconcrète comprend plusieurs facettes qui sontmoins connues (Ray, 2002). C’est ainsi quequatre volets seront abordés : la nature de lasurcharge, ses spécificités, ses éléments déclen-cheurs et l’impact sur les parents.

1. 1 Nature de la surcharge

Selon plusieurs études, les parents d’un enfantvivant avec des incapacités peuvent toutefoistirer des bénéfices de la situation (Barlow etEllard, 2006; Green, 2007; Murphy, Christian,Caplin et Young, 2007; Reichman, Corman etNoonan, 2008; Schwartz, 2003). Cependant, lasurcharge est présente dans plusieurs familleset constater les besoins importants du jeune est la réalité de tous les jours de ces parents(Brehaut et al., 2004; Brinchmann, 1999; Libow,2006; Reichman et al., 2008; Sen et al., 2007). La majorité des jeunes vivant des situations de

handicap nécessitent des soins supplémentairesdans la plupart des sphères de la vie quoti-dienne (Plant et al., 2007; Robert et al., 2001; Senet al., 2007). Les lourdes tâches et l’inquiétudeamènent des contraintes dans la gestion duquotidien (Brinchmann, 1999). Avec le temps,au lieu de diminuer, le nombre des tâches nefait qu’augmenter, engendrant plus de sur-charge (Brinchmann, 1999). Luescher et sescollègues (1999) mentionnent que la majoritédes parents est surchargée dans ses tâchesquotidiennes, mais seulement une minorité se sent affectée émotionnellement. Ainsi, lesmères ayant participé à une étude affirmentêtre plus grandement affectées par le stressfinancier et la surcharge concrète que par lestress relié à la surcharge émotionnelle (Green,2007). Dans les rares cas où une détresse émo-tionnelle est présente et persiste, elle ne seraitpas associée à la sévérité de l’incapacité dujeune, mais plutôt à la manière dont il eststigmatisé par les membres de sa communauté(Green, 2007).

1.2 Spécificité de la surcharge concrète

Des soins particuliers sont liés à l’incapacité de l’enfant. Par exemple, un jeune ayant untrouble d’apprentissage nécessitera des activi-tés de stimulation alors qu’un autre ayant destroubles de comportement aura besoin de plusde supervision et d’encadrement (Robert et al.,2001). Les jeunes dépendant de la technologie,comme de l’équipement médical, nécessitentplus de soins spécialisés (Robert et al., 2001).Les tâches les plus exigeantes et les plus fré-quemment documentées sont : aider l’enfant etle surveiller lors des repas, l’aider à s’endormir,l’aider et le superviser lors des soins personnels(Plant et al., 2007). Plusieurs tâches effectuéespar ces parents sont cependant moins connues.Par exemple, l’attention constante qu’ils doivent porter aux symptômes de l’enfantlorsqu’il est malade, l’implication dans lemilieu scolaire et social ainsi que concernant lessoins de santé de l’enfant et le développementconstant de stratégies adaptatives en fonctionde ces besoins (Ray, 2002). Ces parents doiventinvestir beaucoup de temps, d’efforts et d’éner-gie supplémentaires pour remplir les rôlesd’administrateur, de coordonnateur et d’avocatpour leur enfant (Ray, 2002). Selon Knafl, Gilliset leurs collègues (2004), les tâches accomplies

INTERVENTION No132 95

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par les parents se divisent en quatre catégoriesprincipales : 1) gérer la maladie; 2) trouver,rejoindre et coordonner les différentes res-sources; 3) maintenir l’unité familiale; 4) prendre soin de soi (Knafl et al., 2004). Ladélégation de tâches s’avère souvent difficilepour ces parents (Case-Smith, 2004). Cettesituation provoque l’isolement et le risque deperte d’identité personnelle (Case-Smith, 2004).

1.3 Principaux déclencheurs de la surcharge parentale

Pour une même situation, la surcharge paren-tale peut différer. En effet, la perception desurcharge peut être influencée par plusieursfacteurs : les caractéristiques de l’enfant, cellesdes parents ainsi que la qualité du soutienphysique et psychologique.

1.3.1 Les caractéristiques de l’enfant

Les écrits soulignent à maintes reprises que leniveau d’incapacité de l’enfant n’influence pasla perception de la surcharge parentale (Angoldet al., 1998; Green, 2007; Luescher et al., 1999;Smith, Oliver et Innocenti, 2001; Tétreault,1992). Cependant, la nature des incapacitéspeut avoir un impact significatif sur la perception de la surcharge.Tout d’abord, la présence de troubles de com-portement chez l’enfant augmente le sentimentde surcharge émotionnelle et concrète desparents (Cooper, Robertson et Livingston, 2003;Gupta, 2007; Jonhson, O’Reilly et Vostanis, 2006;Plant et Sanders, 2007; Raina et al., 2004; 2005;Smith et al., 2001). Les troubles de comporte-ment sont des facteurs de stress majeurs. Lestypes de problèmes comportementaux les plusfréquents chez les jeunes et les plus exigeantspour les parents sont l’irritabilité, l’opposition,les changements soudains d’attitudes et lesproblèmes d’attention (Mitchell et Hauser-Cram, 2008). Ils peuvent provoquer une pano-plie d’effets secondaires, comme l’isolement dujeune et de sa famille, des conflits entre euxainsi que la culpabilité des parents (Gupta,2007; Johnson et al., 2006; Plant et al., 2007;Raina et al., 2004; Smith et al., 2001). Ces effetsnéfastes peuvent transformer les épisodes destress en périodes de tension chronique, quiengendrent des répercussions négatives sur lavie personnelle des jeunes et de leurs parents(Johnson et al., 2006). Par son impact sur le

fonctionnement familial, le comportement de l’enfant représente un important facteur derisque pour la santé psychologique (surchargeémotionnelle) des parents (Raina et al., 2005).Parmi les préjudices sur la santé physique desparents, on note les agressions physiques dujeune en état de crise (gestes à caractère violent)et tout ce qui a trait à la gestion des comporte-ments (techniques de contention, approche del’enfant…) (Raina et al., 2005).

Un autre facteur influençant négativement laperception de surcharge est lié à l’âge de l’en-fant (Schwartz, 2003). Plus le temps passe, plusl’enfant grandit et plus les tâches exigent uneffort physique important (force, manipula-tions…) (Mac Donald et Callery, 2007). Lesresponsabilités face à l’enfant changent et lespréoccupations concernant l’avenir du jeunes’installent (Mac Donald et Callery, 2007).

L’aspect imprévisible d’une atteinte ou d’unemaladie peut également augmenter la percep-tion de surcharge des parents : requêtesconstantes de l’école, renvoi de l’enfant à lamaison à la suite d’un malaise ou d’une crisesubite, des incidents qui se traduisent en tâchessupplémentaires (Gatford, 2003; Murphy et al. 2007).

1.3.2 Les caractéristiques des parents et de la situation familiale

L’âge avancé du parent ainsi qu’une fragilitéémotionnelle seraient des facteurs pouvantaugmenter la perception de surcharge (Angoldet al., 1998; Schwartz, 2003). En effet, les parentsayant un problème de santé mentale sont sujetsà une plus grande surcharge émotionnelle.Leur problème de santé mentale peut notam-ment provoquer des sentiments de culpabilitéliés à l’état de leur enfant et des inquiétudes au sujet des comportements de celui-ci (Schwartz, 2003).

Le manque de ressources de la famille influ ence la perception de surcharge parentale(Libow, 2006; Murphy et al., 2007; Seligman,1999; Sen et al., 2007; Smith et al., 2001). Ainsi,un grand nombre de parents rapportent que lessoins à l’enfant ayant une incapacité limitent letemps disponible pour effectuer les activités dela vie quotidienne et domestique, pour prendresoin des autres membres de la famille et de soi(Murphy et al., 2007). Le stress financier est

INTERVENTION No13296

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également présent chez nombre de famillesayant un enfant handicapé (Murphy et al.,2007; Smith et al., 2001). Par exemple, il arrivequ’un des parents doive arrêter de travaillerpour prendre soin du jeune (Murphy et al.,2007; Smith et al., 2001). De plus, les fraisdirects ou indirects liés à l’obtention des ser-vices médicaux et de réadaptation ne sont pastous couverts par le système de santé (Murphyet al., 2007). Par ailleurs, les stratégies d’adapta-tion, comme la résolution de problème, l’accep-tation et la confiance en soi permettraient à lafamille de mieux faire face à l’incapacité del’enfant (Murphy et al., 2007).

1.3.3 La qualité du soutien physique et psychologique

Plusieurs familles reçoivent du soutien de lapart des autres membres de la famille (Sen etal., 2007). Pourtant, même la famille immédiaten’a pas toujours la connaissance ni l’expertisenécessaire pour répondre aux besoins du jeuneet procurer du répit aux parents (Yantzi,Rosenberg et McKeever, 2007). Il arrive fré-quemment que le soutien de la part desproches diminue avec le temps (Yantzi et al., 2007).

Concernant le soutien offert par les intervenantsdu réseau des services, des études mettent enévidence des insatisfactions des parents liées,entre autres, au manque d’information pourl’accès aux ressources et aux difficultés decoordination entre les différents intervenantsœuvrant autour de la famille (Gatford, 2004;Reichman et al., 2008; Sen et al., 2007; Sloper,1999). Par ailleurs, les familles dont l’enfant n’apas de diagnostic précis auraient plus de diffi-cultés à se procurer des services de soutien, car l’enfant ne répondrait pas aux critères desorganismes d’aide (Reichman et al., 2008). Enoutre, les parents ressentent parfois de l’insatis-faction à l’égard des intervenants qui ne recon-naissent pas toujours leur expertise et leurscompétences (Sen et al., 2007).

Un autre élément d’insatisfaction concerne les services de répit. Or, le répit serait un outilefficace pour donner du repos aux parents, maisil serait souvent difficilement accessible ou peuadapté aux besoins de l’enfant et de sa famille(Mac Donald et al., 2007; McLellan et Cohen,2007; Mitchell et al., 2008; Yantzi et al., 2007).

Très souvent le manque de soutien sociétal estdéploré. En effet, plusieurs familles interrogéeslors des recherches affirment avoir souffert depréjugés et de stigmatisation (Gatford, 2001;Green, 2007; Libow, 2006; Seligman, 1999). Lastigmatisation vécue augmente significative-ment la perception parentale de surchargeconcrète (Green, 2007). Elle a également unimpact important sur la détresse émotionnellevécue par les parents (Green, 2007).

1.4 Impact de la tâche d’élever un enfant ayantune incapacité sur la santé des aidants

La majorité des aidants d’enfants handicapésrapportent des impacts négatifs sur leur santéphysique et psychologique (Brehaut et al., 2004;Ha, Hong, Seltzer et Greenberg, 2008; Raina etal., 2004; 2005). Élever un jeune ayant uneincapacité demeure une tâche complexe.Plusieurs facteurs entrent en interaction desorte que, pour certaines familles, il s’avèreplus ou moins facile de surmonter la situation.Si plusieurs facteurs de surcharge (faible réseaude soutien physique et psychologique, mau-vaises stratégies d’adaptation, caractéristiquesfamiliales) sont présents et que la surchargedevient chronique, la santé des aidants estirrémédiablement affectée (Murphy et al.,2007). Cela peut s’expliquer en partie par lacombinaison de la lourdeur des tâches journa-lières et l’anxiété du futur de l’enfant (Murphyet al., 2007). En général, les parents des enfantsayant une incapacité présentent un plus granddegré d’affects négatifs et un plus grand nombrede symptômes somatiques que les parents d’ungroupe témoin (Ha et al., 2008). Les mesures desanté psychologique font état d’une grandesouffrance et de problèmes émotionnels etcognitifs chez ces parents (Brehaut et al., 2004).Les problèmes de santé physique les plussouvent relevés sont les problèmes de dos, lesmigraines, les ulcères d’estomac, l’asthme,l’arthrite, les rhumatismes, les troubles dusommeil, le mauvais fonctionnement social, les difficultés d’actualisation des activitésquotidiennes, le manque d’énergie et les diffi-cultés à gérer les émotions (Brehaut et al., 2004;Hatzmann, Heymans, Carbonell, Van Prag etGrootehuis, 2008). Ces problèmes de santé,lorsque présents, tendent à s’installer à longterme plutôt qu’à diminuer. Murphy et sescollègues (2007) mettent en évidence le fait que

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les parents ont tendance à négliger leur santépour s’occuper en priorité de celle de leurenfant ayant une incapacité et de celle du restede la famille. Les parents sont conscients deleurs problèmes de santé, mais ils mentionnentplusieurs barrières à l’amélioration de leurcondition : manque de temps, de repos, d’alter-natives adéquates de soins et faible priorisationdes besoins (Murphy et al., 2007).La surcharge parentale décrite dans la littéra-ture est le reflet de la réalité quotidienne desparents qui ont un enfant handicapé. Le déve-loppement d’un instrument évaluant cettesurcharge paraît essentiel pour l’interventionauprès de ces familles. L’utilisation d’un indi -cateur de surcharge concrète valide et fiablepourrait en effet soutenir la mise en place deressources adéquates pour la famille.

2. Méthodologie

L’objectif de l’étude était d’élaborer et de vali-der le contenu d’un instrument d’évaluation de la surcharge parentale concrète, liée à laprésence d’un enfant ou d’un adolescent ayantdes incapacités physiques dans une famille. Ladémarche de validation de contenu de l’instru-ment de mesure de la surcharge parentaleconcrète comprenait plusieurs étapes (Laver-Fawcett, 2007). La première étape a été l’élabo-ration d’une liste préliminaire des tâches desparents liées à la surcharge. Cette première listea été effectuée par les 14 travailleuses socialesœuvrant à l’Institut de réadaptation en défi-cience physique de Québec (IRDPQ) dans lesprogrammes à l’enfance et à l’adolescence(14 années d’expérience en moyenne). Cespersonnes ont agi à titre d’expertes. Ladeuxième étape consistait à valider la listeauprès de 18 parents d’enfants et d’adolescentshandicapés recevant des services à l’IRDPQ(dix mères seules, sept couples de parents et un père seul). Cet échantillon comprenait desparents représentatifs de toutes les clientèlesdesservies par les programmes pour lesgroupes d’âge de 0 à 18 ans. L’échantilloncomprenait au moins un parent d’enfant repré-sentant chaque type de déficience et bénéficiantdes services de réadaptation à l’IRDPQ : mala-die neuromusculaire (n = 4), myélopathie(n = 3), traumatisme cranio-cérébral (n = 2),dysphasie (n = 2), déficience motrice cérébrale(n = 4), lésion musculo-squelettique (n = 2) et

retard de développement (n = 1). Les groupesd’âge suivants étaient représentés : 0-3 ans, 3-5 ans, 6-12 ans et 13-18 ans. La moyenned’âge des enfants était de 8 ans (écart type :5 ans). Tous les groupes d’âge ont été choisis,car la surcharge évolue à mesure que l’enfantgrandit et il était important de documenterl’ensemble de la problématique de surchargeconcrète. La sélection des participants a étéréalisée par les travailleuses sociales. Lesparents ont été interrogés lors d’une entrevue.Ils devaient se prononcer sur chaque tâchenotée dans la liste élaborée par les travailleusessociales à partir d’une journée type et de leurexpérience personnelle. Les données recueilliesétaient de nature qualitative. Une autorisationdu comité d’éthique a été obtenue avant deprocéder aux entrevues. La troisième étapeétait l’analyse des données recueillies qui a étéréalisée à l’aide du logiciel N’Vivo. Les énoncésont été regroupés par thèmes et ce regroupe-ment a été soumis à un processus de validationauprès des responsables de l’étude. Les thèmesont été regroupés afin de créer la liste d’élé-ments ou d’énoncés qui seraient inclus dans uninstrument de mesure de la surcharge parentaleconcrète. La quatrième étape consistait en unedernière validation des éléments retenus. Elle a été effectuée auprès du groupe des travailleuses sociales.

3. Résultats

3.1 Éléments de surcharge mis en évidence

Lors de la première étape, les travailleusessociales ont relevé au départ 36 tâches effec-tuées par les parents. Ces tâches sont reliéesaux soins de santé et de réadaptation, aux soinsde base, à l’éducation, aux loisirs, au soutienpsychologique, à l’accès aux services et à l’ini-tiation au travail. Lors de la seconde étape(entrevues avec les parents), aucun élémentsélectionné par les travailleuses sociales n’a été retranché par les parents. Plusieurs autresénoncés ont par contre été ajoutés à la suite deces consultations, dont des éléments reliés àl’encadrement du jeune et à la socialisation,ainsi qu’aux répercussions de la réalisation destâches concrètes, dont la surcharge émotion-nelle et l’impact sur la vie professionnelle,familiale et sociale. Lors de la troisième étape(analyse N’Vivo et validation par l’équipe derecherche), des thèmes principaux liés à des

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tâches contribuant à la surcharge ont été déga-gés du discours des intervenants et des parents.Le regroupement a donné 54 énoncés regroupésen sept catégories, soit : 1) la santé de l’enfant;2) l’encadrement nécessaire; 3) l’éducation dujeune; 4) les activités courantes; 5) ses loisirs etses jeux; 6) sa socialisation; 7) les impacts surles parents et la famille d’avoir un enfant ayantdes incapacités. Ainsi, douze énoncés liés à

la surcharge émotionnelle ont été conservés afin de mieux cerner les impacts des tâchesconcrètes. À la dernière étape (dernière valida-tion effectuée auprès des travailleuses sociales),les 54 énoncés ont tous été conservés sous lemême libellé. Dans l’outil, le terme « jeune » aété utilisé pour désigner à la fois les enfants etles adolescents.

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Questionnaire sur la surcharge parentale

Section 1 : surcharge concrète

Soins de santé et de réadaptation

1. Accompagner mon jeune aux rendez-vous médicaux ou aux séances de thérapie

2. Acquérir les connaissances nécessaires pour les soins de mon jeune

3. Gérer et administrer la médication

4. Donner des soins médicaux

5. Assurer une présence lors d’hospitalisation

6. Accompagner mon jeune à l’hôpital ou à la clinique médicale lors de situations d’urgence

7. Faire ou superviser les exercices thérapeutiques

8. Entretenir le matériel thérapeutique (ex. : fauteuil roulant, orthèses)

9. Organiser l’horaire des services de santé et de réadaptation (ex. : prise de rendez-vous)

10. Enseigner à l’entourage les soins à l’enfant ou les superviser

11. Enseigner à mon jeune à réaliser ses propres soins

12. Fournir du soutien psychologique à mon jeune (ex. : le consoler, le rassurer et autre)

Encadrement

1. Faire les rappels verbaux (ex. : lui rappeler ce qu’il doit faire)

2. Développer et encourager son autonomie

3. Gérer et surveiller ses comportements

Éducation

1. Stimuler son éveil

2. Faire faire les apprentissages à mon jeune

3. Faire des démarches pour les services de garde

4. Faire des démarches pour les services à l’école

5. Aider aux devoirs et aux leçons à la maison

Activités courantes

1. S’occuper de son hygiène corporelle

2. S’occuper de son hygiène excrétrice

3. Préparer les aliments et la prise de repas

4. Aider à l’habillage et au déshabillage

5. Lever/coucher et confort pendant le sommeil (ex. : le tourner)

6. Assurer le transport en l’absence d’autres transports adéquats

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Afin d’en faire un indicateur de surcharge ayantdes propriétés métrologiques satisfaisantes,nous avons envisagé d’associer à chaqueénoncé une échelle de Likert à quatre niveauxpour évaluer la surcharge. Cette étape pourraéventuellement faire l’objet d’études ultérieures.

4. Discussion

Lors des entrevues de recherche, plusieurs pa -rents ont témoigné de la lourdeur des tâches. Ilsont décrit les impacts importants que peuventavoir ces tâches sur la vie et la santé des

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7. Faire les transferts de mon jeune (ex. : au bain, aux toilettes)8. Laver, nettoyer, entretenir l’habitation (ex. : laver le plancher en raison du fauteuil roulant,

le lit en raison de l’incontinence)9. Gérer et planifier l’horaire familial (en tenant compte de la situation de mon jeune)10. Aider aux déplacements (ex. : aider à monter les marches, contourner les obstacles

environnementaux)11. Trouver les ressources d’aide à domicile (ex. : soins personnels)12. Faire les démarches pour le matériel, les équipements ou aides techniques (ex. : couches,

barres d’appui, bicyclette adaptée)13. Adapter le domicile ou faire les démarches pour l’adaptation du domicile14. Faire les démarches pour l’adaptation du véhicule15. Faire les achats pour mon jeune (en tenant compte de ses besoins particuliers)

Loisirs et jeux

1. Rechercher des activités ou des loisirs pour mon jeune (ex. : camps, cours)2. Choisir, planifier, organiser ses activités de loisirs à la maison3. Choisir, planifier, organiser ses activités de loisirs dans la communauté4. Organiser les activités communes pour tous les membres de la famille5. Planifier les congés et les vacances

Socialisation

1. Faciliter les relations sociales de mon jeune (ex. : inviter les amis à la maison, enseigner lesbons comportements)

2. Faciliter la communication de mon jeune (ex : aider à se faire comprendre)

Section 2 : Impact des tâches concrètes

1. La vie de couple2. Le partage des tâches avec le conjoint3. La vie familiale (proche et élargie)4. Ma santé physique et émotionnelle5. Mes valeurs personnelles (ex. : ma sensibilité aux droits des jeunes ayant des incapacités)6. Mon cheminement personnel7. Mon travail, ma vie professionnelle8. Ma situation financière et matérielle9. L’organisation des temps libres10. Mon implication sociale et communautaire11. Mes activités sociales12. Mon réseau d’entraide

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membres de la famille, sur leur vie familiale,sociale et professionnelle. Ces impacts sontindissociables des tâches elles-mêmes. Celajustifie le choix de conserver dans le question-naire les impacts, puisque la surcharge concrèteperçue est le résultat d’une interaction entre denombreux facteurs (santé physique et mentale,famille, loisirs, travail) (Brehaut et al., 2004;Brinchmann, 1999; Libow, 2006; Reichman,2008; Sen et al., 2007).

Par ailleurs, l’analyse des propos obtenus apermis de dégager certains constats. Parmi leséléments pouvant augmenter la surcharge, lesparents ont souligné que les soins de santé àdonner à l’enfant représentent une composantemajeure de surcharge, alors que cet élément n’apas été perçu de la même façon par les travail-leuses sociales. Les parents participent, en effet,beaucoup à ces soins et les travailleusessociales n’obtiennent pas nécessairement cetteinformation lors de leurs interventions habi-tuelles. Cet aspect devrait être mieux pris enconsidération lors de l’évaluation de la sur-charge par les intervenants. Cet élément estplus mis en relief dans les situations où la santé physique est en cause étant donné lesnombreuses interventions médicales requisespour ces jeunes. Les problèmes de comporte-ment de l’enfant ont également été reconnuscomme une source importante de surcharge, cequi a été corroboré dans les écrits scientifiquesconsultés (Gatford, 2003; Murphy et al., 2007).Peuvent également être à l’origine d’une sur-charge certaines caractéristiques des parents,mais aussi les impacts de la situation sur lesressources financières. Par exemple, l’orienta-tion professionnelle des parents (choix d’uneprofession qui laisse des disponibilités pours’occuper de l’enfant) ainsi que sur les fraismédicaux engendrés par la situation parti -culière de l’enfant peuvent en être l’une descauses. Selon les répondants, un soutien sociallimité influence négativement la perception desurcharge de même qu’un faible soutien duréseau des services. Cet état de situationconcorde avec les écrits scientifiques (Libow,2006; Murphy et al., 2007; Seligman, 1999; Sen et al., 2007; Smith et al., 2001).

L’interaction entre les différentes responsabi -lités des parents représente un élément quin’était pas ressorti dans la première liste de

tâches établie par les intervenantes, mais qui aété relevée lors des entrevues avec les parents.Les situations dans lesquelles les parents seretrouvent en interaction sont celles où lenombre de responsabilités s’accumule. Parexemple, si un jeune qui présente des troublesde comportement est malade, les risques de surcharge parentale sont augmentés.L’interaction peut faire en sorte que la sur-charge globale est plus grande que le serait lasomme des deux éléments de surcharge vécusséparément. Autre exemple, quand un parentdoit s’absenter de son travail pour prendre soinde l’enfant et que ses tâches s’accumulent autravail, il vit une double surcharge. De la mêmefaçon, les tâches relatives à l’utilisation d’aidestechniques et à l’aménagement résidentiel sontressorties comme des composantes de sur-charge. De nombreuses démarches doivent êtrefaites relativement à ces éléments, en plus des’occuper quotidiennement du jeune. En effet,un nombre élevé de parents présentent desrisques d’épuisement. Les différences consta-tées entre les tâches des parents consultés etcelles décrites par les travailleuses socialessoulèvent l’importance de vérifier le niveau desurcharge perçu par les parents et leur besoinde soutien, particulièrement lors du plan d’in-tervention de l’enfant. Il s’avère essentiel demieux cerner les besoins propres aux aidantsdu jeune handicapé afin de prévenir les effetsde surcharge et l’épuisement.

5. Conclusion et implication pour la pratique

Les intervenants en réadaptation savent d’ex-périence que les parents ayant un enfant avecune incapacité vivent une surcharge. Pourl’évaluer, il apparaît nécessaire d’adopter uneperspective centrée sur la famille et non surl’individu. La situation doit être analysée selonle point de vue des parents et non uniquementen fonction des besoins de l’enfant. Il importede tenir compte des nombreuses contraintesqui pèsent sur la famille dans la réalisation de ses propres habitudes de vie ainsi que desobstacles liés à l’environnement. L’outil d’éva-luation de la surcharge concrète des parentsayant un enfant handicapé a été développépour mieux cerner l’ensemble de la situationdes familles et adapter l’intervention à leursbesoins spécifiques par le biais de solutions concrètes.

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L’originalité de cette étude a été de rendrecompte de l’aspect multidimensionnel de lasurcharge concrète vécue par les familles ayantun enfant avec une incapacité et des diversesinteractions entre les facteurs qui engendrent lasurcharge, qui occasionnent à leur tour d’autreséléments de surcharge. Ainsi, cet outil permetd’avoir une meilleure vision d’ensemble duquotidien de ces familles et des principauxdéclencheurs du phénomène de surcharge. Laprésente étude souligne l’importance de consi-dérer la surcharge concrète et de sensibiliserl’ensemble des intervenants à ce vécu desparents. Les intervenants psychosociaux pourront mieux faire connaître la réalité de cesfamilles aux autres intervenants, aux différentspartenaires du réseau et aux ressources d’aide.De plus, il est possible de raffiner l’outil pro-posé en poursuivant les étapes de validation,notamment en évaluant la fidélité de l’échellede mesure proposée. Les énoncés pourraientêtre utilisés non seulement à des fins d’évalua-tion et d’intervention clinique en service social,mais éventuellement comme instrument de mesure.

RemerciementsNous aimerions remercier les parents qui ontcontribué à la collecte de données.

Descripteurs :

Parents d’enfants handicapés - Québec (Province) //Aidants naturels - Aspect psychologique - Québec(Province) // Évaluation - Formulaires // Parentsd’enfants handicapés - Psychologie

Parents of handicapped children - Québec (Province) // Caregivers - Psychological aspects -Québec (Province) // Evaluation - Forms // Parents of handicapped children - Psychology

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parMarie-Ève Clément, Ph. D.Département de psychoéducation et de psychologieUniversité du Québec en OutaouaisSaint-Jérôme (Québec)Courriel : [email protected]

Edith Boileau, B.A.Département de psychoéducation et de psychologieUniversité du Québec en Outaouais

Results of a study with university studentsseeking to understand the links between childabuse, the quality of victims’ current relation-ships with their parents, and attitudes on violence in children’s education.Résultats d’une étude auprès d’étudiantsuniversitaires visant à comprendre les liensentre la violence dans l’enfance, la qualité desrelations actuelles avec les parents et les atti-tudes relatives à la violence dans l’éducationdes enfants.

La violence familiale est un problème socialimportant qui touche un nombre élevé d’en-fants en Amérique et en Europe (OMS, 2002).Habituellement définie en fonction de la naturedes gestes faits et de ses impacts sur les vic-times, la notion de violence renvoie à l’usagedélibéré, ou à la menace d’usage délibéré, de laforce physique ou de la puissance contre uneautre personne qui entraîne un risque pour son intégrité physique ou psychologique(OMS, 2002). En contexte familial, l’UNICEF(2006 : 5) définit la violence envers les enfantscomme « toute violence physique,

psychologique et sexuelle infligée à des enfantspar abus, négligence ou exploitation, commedes actes commis ou omis de forme directe etindirecte qui met en danger ou nuit à la dignité,à la condition physique, psychologique ousociale ou au développement de l’enfant ». Ces catégories de violence commises et omisesse retrouvent au Québec dans les alinéas del’article 38 de la Loi sur la protection de la jeunesse(ex. : négligence, mauvais traitements psycho-logiques, abus sexuel, abus physiques).

Le dernier bilan des directeurs de la protectionde la jeunesse montre que, sur l’ensemble dessignalements retenus en 2008, 21 % concernentla négligence, 19 % les abus physiques, 13 % lesmauvais traitements psychologiques (incluantl’exposition à la violence conjugale et familiale)et 7,6 % les abus sexuels (ACJQ, 2009). Lesdonnées populationnelles révèlent aussi destaux élevés de violence physique et psycholo-gique envers les enfants dans les famillesquébécoises. La dernière enquête de l’Institutde la statistique du Québec réalisée en 2004montre que 43 % des enfants sont victimes d’au moins une forme de punition corporelleannuellement (ex. : taper les fesses, pincer ousecouer un enfant). Plus de trois parents surquatre déclarent l’occurrence de cris, de jurons,d’humiliations ou de menaces (agression psy-chologique) à l’endroit d’un enfant et environ6 % déclarent au moins un épisode de violencephysique sévère au cours d’une année(Clément, Chamberland, Côté, Dubeau et Beauvais, 2005).

Deux autres études québécoises réaliséesauprès d’échantillons représentatifs d’adultesont montré que plus d’un Québécois sur troisdéclare avoir vécu une forme ou l’autre deviolence pendant son enfance (Tourigny,Gagné, Joly et Chartand, 2006; Tourigny,Hébert, Joly, Cyr et Baril, 2008). Plus particu -lièrement, 13 % déclarent avoir subi de lapunition corporelle, 15 % de la violence phy-sique sévère, 16 % des abus sexuels et 22 % de l’agression psychologique (Tourigny et

Violence dans l’enfance, qualitédes relations avec les parents etattitudes éducatives à l’égard de la violence

INTERVENTION No132104

Intervention, la revue de lʼOrdre des travailleurssociaux et des thérapeutes conjugaux

et familiaux du Québec. Numéro 132 (2010.1) : 104-113.

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al., 2008). Bien qu’elles documentent la préva-lence à vie, ces deux études présentent plu-sieurs limites, dont le recours à une seulequestion pour évaluer la présence de chacunedes formes de violence documentées (ex. :Avez-vous été frappé plus durement qu’unefessée par vos parents durant votre enfance?,pour mesurer la prévalence de la violencephysique sévère), entraînant ainsi un risqueélevé de sous-estimer l’ampleur réelle de laviolence dans les familles. Une seconde limiteimportante des études de prévalence à vieconcerne le fait de ne pas considérer l’ensembledes formes de violence et leur cooccurrence(ex. : négligence émotionnelle, exposition à la violence conjugale). À cet égard, l’étude dePaquette, Laporte, Bigras et Zoccolillo (2004) a montré à l’aide d’une mesure standardisée que la négligence émotionnelle est la forme de maltraitance la plus souvent rapportée dans l’enfance (30 %) alors que la négligencephysique serait la moins fréquente (3 %).Enfin, plusieurs études réalisées pour la plu-part auprès d’échantillon d’étudiants universi-taires rapportent des taux élevés de punitioncorporelle dans l’enfance de trois à cinq foissupérieurs à ceux des études québécoisespopulationnelles de Tourigny et al. (2006; 2008).Entre 30 % et 93 % des répondants déclarentavoir reçu une forme ou l’autre de punitioncorporelle dans l’enfance (Bower-Russa,Knutson et Winaberger, 2001; Graziano etNamaste, 1990; Miller-Perrin, Perrin et Kocur,2009). Les recherches montrent aussi qu’unegrande majorité des victimes de punitionscorporelles vivent également d’autres formesde violence beaucoup plus sévères au coursd’une année, dont la violence psychologique et la violence physique sévère (Clément et al.,2005; Straus et Stewart, 1999). D’ailleurs, deplus en plus de chercheurs considèrent lapunition corporelle comme une forme deviolence, notamment en raison des risquesd’escalade qu’elle entraîne dans la dynamiquede discipline coercitive (Straus et Stewart, 1999;Zolotor, Theodore, Chang, Berkoff et Runyan,2008) et de ses impacts potentiels sur le déve-loppement des enfants. En effet, bien que lesujet soit encore l’objet de controverse (Benjet et Kazdin, 2003), de plus en plus d’étudeslongitudinales ont montré ses effets néfastessur l’enfant, dont le développement d’un

comportement antisocial et agressif à l’adoles-cence (Grogan-Kaylor, 2005; Thomas, 2004).

La punition corporelle dans l’enfance, toutcomme la violence physique sévère (aussiappelée abus physique), est fortement associéeaux attitudes favorables à la violence dansl’éducation des enfants à l’âge adulte, attitudesqui sont en retour fortement reliées au recoursà la violence envers les enfants (Clément etBouchard, 2003). Par exemple, des recherchesont trouvé que les victimes de violence dansl’enfance sont plus nombreuses à penser que lapunition corporelle est efficace, que les enfantsont besoin d’une fessée pour apprendre à bien se conduire ou que la responsabilité de laviolence est attribuable non aux parents maisaux caractéristiques de l’enfant (Clément etChamberland, 2009; Fortin, Chamberland et Lachance, 2000; Gagné, Tourigny, Joly etPouliot-Lapointe, 2007). De telles attitudes etattributions sont d’ailleurs utilisées comme unfacteur de risque d’abus physiques dans denombreuses études (Narang et Contreras, 2005; Rodriguez et Price, 2004).

Outre le rôle des attitudes dans le cycle deviolence, des recherches ont aussi démontrél’importance d’une relation significative avecun adulte dans l’enfance et d’une relationconjugale ou d’un soutien social jugé satisfai-sant à l’âge adulte dans le bris de la transmis-sion intergénérationnelle de l’abus physique(Dixon, Browne et Hamilton-Giachritsis, 2009;Egeland, Jacobvitz et Soufre, 1988). Dans lemême ordre d’idées, Trickett et Susman-Stillman (1989) ont montré que les adultesvictimes de violence dans l’enfance qui rejettentles attitudes proviolentes de leur propre parentont un désir de maintenir une distance enregard du soutien que ces derniers veulentoffrir dans l’éducation des enfants, ce quicontribue au bris éventuel du cycle de violence.Ce dernier constat renvoie aussi à la qualité dela relation qu’entretiennent, une fois adulte, lesvictimes de violence dans l’enfance avec leurparent. De fait, très peu d’études ont docu-menté le rôle de cette relation dans l’adoptionou le rejet des attitudes et des pratiques provio-lentes. Litty, Kowaski et Minor, (1996) ont bienmontré que les parents abusifs déclarent demoins bonnes relations avec leurs parents, maison en sait encore très peu sur le rôle de cette

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relation dans la transmission de la violence.Bien que le rôle d’un soutien social positif dans le bris du cycle de violence soit biendocumenté, on peut se questionner si ce sou-tien, lorsqu’il est offert de la part des grands-parents agresseurs de leurs propres enfantsdevenus parents, permet de briser le cycleintergénérationnel au même titre qu’un soutien offert par un conjoint ou des amis.

Objectifs et hypothèse

La présente étude vise à documenter l’ampleur et la cooccurrence de la violence et de la maltraitance dans l’enfance chez unéchantillon d’étudiants universitaires ainsi quele rôle modérateur de la qualité des relationsactuelles avec leurs parents sur les attitudesconcernant la violence dans l’éducation desenfants. L’hypothèse veut que les adultesvictimes de violence dans l’enfance qui déclarent des attitudes défavorables à la vio-lence dans l’éducation des enfants auront unemoins bonne relation avec leurs parents que les adultes victimes qui endossent des attitudes proviolentes.

MéthodologieParticipants

L’étude a été réalisée auprès d’un échantillond’étudiants universitaires de premier cycle ensciences sociales (psychologie, psychoéduca-tion, travail social) et en sciences infirmières.Au total, 252 étudiants ont rempli un question-naire autoadministré à la session d’automne2008. Ces étudiants sont âgés de 18 à 45 ans (M = 24, ET = 6,2) et sont pour la plupart enpremière année de leur programme d’étude(61 %). La majorité des répondants sont desfemmes (91 %) et habitent encore chez leursparents au moment de l’étude (40 %). Lesautres sont en couple (31 %) ou habitent seul ou avec un colocataire (29 %). Seuls cinq parti-cipants déclarent être parent au moment del’étude (2 %).

Questionnaire

Le questionnaire autoadministré est composéde trois sections. La première section porte surla violence et la maltraitance dans l’enfance. Ils’agit de la version brève du Childhood TraumaQuestionnaire (CTQ) qui a été traduite et validéepar une équipe de chercheurs québécois

(Paquette et al., 2004). La version brève de cet instrument comporte 25 questions quipermettent de documenter, sur une échelleLikert de 1 (jamais) à 5 (très souvent), l’occur-rence des différentes formes de maltraitancedans l’enfance telles que l’abus physique(5 questions), l’abus sexuel (5 questions), l’abusémotionnel (5 questions), la négligence phy-sique (5 questions) et la négligence émotion-nelle (5 questions) (Bernstein et al., 1994). Dansla présente étude, ces sous-échelles ont démon-tré une bonne consistance interne, avec uncoefficient de Cronbach variant de 0,79 à 0,94.Pour les besoins du calcul des scores de préva-lence, les points de coupures originaux propo-sés par Bernstein et Fink (1998) ont été utilisés;ils permettent ainsi d’établir la présence mini-male (faible à modérée) de maltraitance dansl’enfance. À cette première section s’ajouteégalement la sous-échelle de punition corpo-relle du Parent-Child Conflict Tactics Scales(Straus Hamby, Finkelhor, Moore et Runyan,1998), dont la version française a été plusieursfois utilisée au Québec auprès de la populationgénérale (Clément et Chamberland, 2007).Cette sous-échelle (α = 0,77) permet de complé-ter l’ensemble des situations de violence phy-sique de type mineur vécues dans l’enfance àl’aide de la même échelle. La deuxième sectioncomporte 12 questions qui évaluent les atti-tudes à l’égard de la discipline et de la violencedans l’éducation des enfants (α = 0,83). Il s’agitd’une version adaptée de la sous-échelle depunition corporelle du questionnaire AdultAdolescents Parenting Inventory-form B(Bavoleck, 1984). Pour chaque question (ex. : si on aime un enfant on doit lui donner unefessée lorsqu’il se comporte mal; les enfants qui mordent doivent se faire mordre en retourpour apprendre à arrêter), les échelles deréponse varient de 1 (tout à fait d’accord) à4 (tout à fait en désaccord). Ainsi, un score plusélevé indique le rejet des attitudes en faveur dela discipline violente alors qu’un score plusfaible indique l’adoption d’attitudes provio-lentes. Enfin, la troisième section porte sur laqualité de la relation qu’entretiennent actuelle-ment les répondants avec leurs parents. Il s’agitd’une version traduite et adaptée du question-naire Network of Relationship Inventory (Furmanet Buhrmester, 1985) qui comporte 10 questionsmesurant les conflits et la satisfaction des

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relations avec les parents (ex. : jusqu’à quelpoint parlez-vous de choses que vous ne vou-lez pas que d’autres sachent avec votre père /votre mère?, Jusqu’à quel point vous et votrepère / votre mère vous arrive-t-il de vousdisputez l’un avec l’autre?). Cet instrument aété traduit suivant la procédure de traductioninversée proposée par Vallerand (1989).L’échelle proposée varie de 1 (pas du tout) à5 (la plupart du temps). La consistance internede cette échelle s’est avérée excellente dans laprésente étude (α = 0,89).

Procédure

Les questionnaires ont été remplis en groupe à la fin ou en début des cours, en 15 minutes en moyenne. Avant la passation des question-naires, l’assistante de recherche a présenté auxétudiants les objectifs de l’étude, la procédureet certaines informations d’ordre éthique. Ànoter que cette étude a reçu l’aval d’un comitéd’éthique et de recherche institutionnel.

RésultatsPrévalence et cooccurrence de la violence dans l’enfance

La punition corporelle est de loin la forme de violence la plus souvent rapportée par lesétudiants dans l’enfance (85 %), suivie de lanégligence émotionnelle (34 %), de l’abusémotionnel (27 %) et de l’abus sexuel (22 %).L’abus physique et la négligence physiquessont les formes les moins souvent rapportéesavec des prévalences respectives de 15 % et8 %. En ce qui concerne les cooccurrences deviolence et de maltraitance, au total, 43 % desétudiants ont déclaré avoir vécu une seuleforme de maltraitance dans l’enfance alors que,de manière cumulative, 47 % déclarent avoirvécu deux formes ou plus. Par ailleurs, uneminorité d’entre eux déclarent n’avoir jamaisvécu de maltraitance dans leur enfance (11 %).

Corrélations entre les variables

Des analyses de corrélations ont permis d’explorer la force des liens entre la maltrai-tance dans l’enfance, les attitudes proviolentes,le sexe des répondants et la qualité de la relation actuelle avec les parents (tableau 1, en p. 108). De manière générale, il appert queparmi les différentes formes de maltraitance etde violence dans l’enfance, seules la punition

corporelle et l’abus physique sont significative-ment corrélées aux attitudes proviolentes (r = - 0,36 et r = - 0,20); la présence d’une rela-tion négative indiquant que les répondants quidéclarent plus de violence de nature physiquedans l’enfance adoptent des attitudes plusfavorables à la violence dans l’éducation desenfants. Par ailleurs, on observe que la qualitédes relations actuelles avec les parents n’est pascorrélée avec les attitudes proviolentes de sortequ’elle peut être considérée comme un modé -rateur potentiel. En effet, une variable agitcomme modératrice lorsqu’elle influence ladirection ou la grandeur de l’effet d’une va -riable indépendante sur une variable dépen-dante. Il s’agit habituellement d’une variablequi n’est pas directement liée à la variableindépendante (Baron et Kenny, 1986).Du côté des formes de maltraitance et de vio-lence, on observe qu’elles corrèlent toutesfortement et significativement entre elles;résultat qui appuie le constat précédent sur lestaux élevés de cooccurrence. Cette corrélationest particulièrement forte entre la négligenceémotionnelle et l’abus émotionnel (r = 0,72),entre l’abus physique et la punition corporelle(r = 0,66) et entre la négligence émotionnelle etla négligence physique (r = 0,62). Enfin, le sexeest également associé, quoique faiblement, à lapunition corporelle (r = 0,26), à l’abus physique(r = 0,22) et à la négligence physique (r = 0,26);les hommes étant plus nombreux à avoirdéclaré ces trois formes de maltraitance dansleur enfance.

Analyse de régression multiple : rôle de la qualité de la relation avec les parents

À la suite des analyses de corrélations, uneanalyse de régression linéaire (méthode enter) a été réalisée. Compte tenu de la faible corréla-tion des formes de maltraitance dans l’enfanceavec la variable dépendante (attitudes), seulesles formes de violence physique (punitioncorporelle et violence physique) ont été consi-dérées. Un score moyen a donc été calculé surla base des 10 questions mesurant ces deuxformes de violence. Ainsi, le modèle de régres-sion inclut les variables suivantes : sexe durépondant, violence physique vécue dansl’enfance et qualité de la relation avec lesparents. Le rôle modérateur de la qualité de larelation actuelle avec les parents a été analysé

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par le biais de son interaction avec la violencephysique dans l’enfance, et la procédure d’Aikenet de West (1991) a été utilisée afin de décompo-ser l’effet d’interaction. Ainsi, la relation entrel’histoire de violence dans l’enfance et l’adoptiond’attitudes proviolentes est estimée à différentsniveaux du modérateur (qualité de la relationavec les parents) soit : à un niveau de qualitéfaible, moyen et élevé (la distribution de cettevariable est alors centrée à - 1, et + 1 écart-type).

Les résultats de l’analyse de régression sontprésentés dans le tableau 2. À la première étapedu modèle, la violence physique vécue dansl’enfance permet d’expliquer l’adoption d’atti-tudes favorables à la violence plus marquéesdans l’éducation des enfants (β = - 0,28; p ≤ 0,001) alors que le sexe et la qualité de la

relation avec les parents n’apportent aucunecontribution à cet égard. Dans la seconde étape,la violence physique contribue encore à expli-quer les attitudes de manière significative (β =- 0,42; p ≤ 0,001). Il en est de même de l’effetd’interaction entre la qualité de la relation avecles parents et la violence vécue dans l’enfancequi explique une augmentation de 5 % de lavariance supplémentaire (F [4,246] = 9,972; p ≤ 0,001).

La figure 1 illustre comment l’histoire de vio-lence dans l’enfance est associée aux attitudes à l’égard de la violence à différents niveaux du modérateur (qualité de la relation avec lesparents). Les étudiants qui déclarent avoir vécuun niveau élevé de violence physique dansl’enfance (+ 1 ET) endossent plus d’attitudes

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Tableau 1 : Matrice de corrélations des variables documentées1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9.9.

1. Sexe 12. Qualité relation parents 0,02 13. Attitudes face à la violence 0,14* 0,04 14. Punition corporelle - 0,23** - 0,32** - 0,36** 15. Abus physique - 0,22** - 0,29** - 0,20* 0,66** 16. Négligence physique - 0,26** - 0,39** - 0,09 0,41** 0,53** 17. Négligence émotionnelle - 0,07 - 0,59** - 0,11 0,41** 0,44** 0,62** 18. Abus émotionnel - 0,10 - 0,55** - 0,10 0,47** 0,48** 0,53** 0,72** 1 9. Abus sexuel - 0,02 - 0,18** - 0,04 0,21* 0,34** 0,35** 0,35** 0,36** 1* p ≤ 0,05, ** p ≤ 0,01, *** p ≤ 0,001

Tableau 2 : Modèle de régression hiérarchique de prédiction des attitudes proviolentesR² ΔR² β

Modèle 1 0,09***

Sexe 0,07Violence physique dans l’enfance - 0,28***

Qualité de relation avec parents - 0,01

Modèle 2 0,14*** 0,05***

Sexe 0,06Violence physique dans l’enfance - 0,42***

Qualité de relation avec parents - 0,03Violence physique dans l’enfance X Qualité de - 0,26***

relation avec parents* p ≤ 0,05, ** p ≤ 0,01, *** p ≤ 0,001

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favorables à la violence (score plus faible)lorsqu’ils déclarent entretenir une bonne rela-tion avec leurs parents (β = - 0,64; p ≤ 0,001).D’autre part, les étudiants ayant vécu unniveau élevé de violence dans l’enfance et qui déclarent une relation de moins bonnequalité avec leurs parents rejettent davantageles attitudes proviolentes (score plus élevé) (β = - 0,21; p ≤ 0,05). En contrepartie, les étu-diants qui déclarent avoir moins souvent vécuune telle histoire de violence dans l’enfance(- 1 ET) endossent plus d’attitudes favorables à la violence lorsqu’ils déclarent une relation de moins bonne qualité avec leurs parents.

DiscussionPrévalence et cooccurrence de la violence et de lamaltraitance dans l’enfance

La présente étude a permis de documenter laprévalence de diverses formes de maltraitanceet de violence dans l’enfance, incluant la punition corporelle, auprès d’un échantillond’étudiants universitaires francophones. Lesrésultats obtenus montrent que la punitioncorporelle, considérée par de nombreuxauteurs comme une forme mineure de violencephysique (Clément et Chamberland, 2007;Straus et al., 1998), est la forme la plus souvent

déclarée dans l’enfance (85 %). Ce résultatconcorde avec ceux obtenus dans les étudesaméricaines qui couvrent une période similaire(0-18 ans) (Bower-Russa et al., 2001; Graziano et Namaste, 1990; Hemenway, Solnick et Carter,1994). Ils sont par ailleurs de loin supérieurs àceux obtenus dans les études québécoises(Clément et Chamberland, 2007; Tourigny etal., 2008); différence qui pourrait s’expliquernotamment par le nombre de questions mesu-rant son occurrence ainsi que la période cou-verte (à vie/annuellement). Le fait que laprésente étude s’intéresse au vécu d’une popu-lation d’étudiants universitaires en sciencessociales et en sciences infirmières pourraitégalement expliquer la présence de taux élevéde violence déclarée; ces derniers étant proba-blement plus sensibilisés au phénomène de laviolence familiale que la population générale.En ce qui concerne les autres formes de maltrai-tance déclarées dans l’enfance, les prévalencesobtenues concordent généralement avec cellesdes études antérieures. Plus particulièrement,la négligence émotionnelle est la forme demaltraitance la plus souvent rapportée selon le CTQ. Dans la présente étude, 34 % desrépondants la déclarent; résultat similaire à ce qu’avaient trouvé Paquette et al. (2004). La

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Figure 1 – Effet d’interaction entre l’histoire de violence dans l’enfance et la qualité de la relation avec les parents sur les attitudes proviolentes

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présence de cooccurrences entre les différentesformes de maltraitance est aussi relativementsimilaire à celles obtenues dans les étudesantérieures qui s’intéressent de plus en plus àce phénomène (Clemmons, Walsh, Dilillo etMessman-Moore, 2007; Higgins et McCabe,2001). Seuls 11 % des répondants ne déclarentaucune violence dans l’enfance, 43 %, une seuleforme et 46 %, deux formes ou plus. Ces pour-centages sont inquiétants compte tenu desimpacts documentés liés aux expériencesmultiples de maltraitance (Higgigs et McCabe,2003). Aussi importe-t-il de documenter laprésence de plusieurs formes de maltraitance,même si elles ne surviennent pas simultané-ment. À cet effet, on sait d’ailleurs que lesexpériences de maltraitance tendent à augmen-ter avec le temps (Finkelhor, Ormrod et Tuner,2009). Ce constat appelle au dépistage précocede toute forme de violence, incluant la punition corporelle.

Rôle de la violence physique dans l’enfance et desrelations avec les parents comme modérateur detransmission des attitudes proviolentes

Les étudiants qui déclarent plus de violencedans l’enfance sont plus susceptibles d’adopterdes attitudes favorables à la violence dansl’éducation des enfants. Ce résultat n’est passurprenant et confirme ce que d’autres étudesantérieures avaient trouvé (Clément etChamberland, 2009; Gagné et al., 2007;Graziano et Namaste, 1990). Les recherchesantérieures ont d’ailleurs largement discuté durôle de l’apprentissage social dans la transmis-sion intergénérationnelle de la violence paren-tale; les adultes victimes dans l’enfance étantplus susceptibles d’approuver et d’avoirrecours aux pratiques parentales observées et apprises dans l’enfance. Dans la présenteétude, l’absence de corrélations entre la maltrai-tance émotionnelle et sexuelle dans l’enfance et les attitudes actuelles à l’égard de la violencephysique confirme ce que d’autres chercheursont trouvé (Buntain-Ricklefs, Kemper, Bell et Babonis, 1994; Bower-Russa et al., 2001;Haapasalo et Aaltonen, 1999). Ce résultat faiten quelque sorte écho à la théorie de l’appren-tissage social puisqu’une association significa-tive est trouvée uniquement entre la violencephysique et les attitudes favorables à cetteforme de violence. Cela contredit cependant

ce que Clément et Bouchard (2003) ont observésoit que la violence observée, imitée et apprisedans l’enfance peut se manifester à l’âge adultepar une approche aux conflits généralisée parla violence, toutes formes confondues. Une foisadulte, les parents pouvant avoir recours à desformes différentes de celles observées et vécuesdans l’enfance (ex. : agression verbale, violencephysique, etc.), et ce, dans divers contextes(relation avec l’enfant, relation avec le conjoint,etc.). D’autres recherches sont toutefois néces-saires afin de comprendre l’impact de cesdifférentes formes et combinaisons de violencedans l’enfance sur la genèse des processuscognitifs et des pratiques disciplinaires coerci-tives à l’âge adulte, que ce soit dans le cadre de conflits parentaux ou conjugaux.À première vue, les résultats à l’égard du rôlemodérateur de la qualité de la relation actuelleavec les parents sur le lien entre l’histoire deviolence physique dans l’enfance et l’adoptiond’attitudes éducatives favorables à la violencesemblent contredire ceux des recherches anté-rieures. En effet, des études montrent que lesvictimes de maltraitance qui reproduisent lecycle de violence ont tendance à déclarer unenvironnement familial moins chaleureux dansl’enfance, une pauvre relation d’attachementavec l’un ou l’autre parent et moins de soutiensocial à l’âge adulte (Dixon et al., 2009; Green,1998; Narang et Contreras, 2005). Or, les cher-cheurs ayant documenté le rôle du soutiensocial actuel sur la transmission intergénéra-tionnelle de la violence l’ont rarement évaluéselon la nature des relations entretenues(parents, amis, affiliation religieuse, etc.) (Litty et al., 1996). Il est vrai que certains se sont penchés sur la question de l’attachementet de la qualité des relations actuelles avec lesparents auprès des victimes de maltraitance,démontrant que les victimes d’abus physiqueet sexuel présentent des risques accrus dedissociation cognitive et de troubles de l’atta-chement (Ballen, Demers et Bernier, 2006).Toutefois, le rôle de la qualité de la relation desvictimes dans l’enfance avec leurs parents dansle cycle de violence a rarement été documenté.Pourtant, les résultats de la présente étudemontrent que l’adoption d’attitudes provio-lentes varie selon la qualité de cette relationchez les victimes de violence physique dansl’enfance. On pourrait ainsi présumer, à l’instar

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de Trickett et Susman-Stillman (1989), que lesadultes qui refusent d’endosser les attitudesproviolentes de leurs parents désirent éduquerleurs enfants différemment de ce qu’ils ont eux-mêmes connu dans leur enfance. Ces victimesentretiennent ainsi, une fois adultes, une moinsbonne relation avec leurs parents puisqu’ils ne s’identifient pas à leurs valeurs éducativescomparativement à ceux qui déclarent avoirune bonne relation. À lui seul, ce constat, bienqu’exploratoire, amène à une réflexion sur lanécessité de travailler également auprès de lafamille élargie dans les cas de maltraitance àl’enfance et de porter attention dans nos inter-ventions à la nature des liens des victimes dans l’enfance avec leurs parents, et ce, tant auniveau de la transmission des attitudes que desconduites éducatives favorables à la violence.

Limites de l’étude

Bien qu’elle ajoute aux connaissances sur lecycle de la violence parentale, la présente étudecomporte plusieurs limites qu’il importe deconsidérer. D’abord, l’échantillon est de petitetaille et non représentatif. De plus, peu derépondants sont actuellement parents. Laconsidération de cette variable serait impor-tante dans une étude future puisqu’on peutprésumer que les attitudes à l’égard de l’éduca-tion des enfants peuvent changer lorsque l’ondevient soi-même parent. Le nombre de répon-dants de sexe masculin est aussi très limité, cequi rend difficile la généralisation d’un modèlequi tient compte du genre. Enfin, le modèle derégression hiérarchique, bien que significatif,n’explique qu’une mince part de la variancedes attitudes à l’égard de la violence dansl’éducation des enfants. L’ajout d’autres variables, telles que la qualité de la relationconjugale, l’appartenance culturelle ou laprésence d’un adulte significatif dans l’enfance,serait nécessaire pour mieux comprendre lesliens intergénérationnels observés.

Conclusion

Cette étude a montré que les étudiants univer-sitaires rapportent des taux élevés de violencedans leur enfance, vécue le plus souvent sous forme de punition corporelle. En outre, près de la moitié des étudiants interrogés déclarentavoir vécu plus d’une forme de violence aucours de leur enfance. Bien que les personnes

répondantes soient surtout des femmes quiétudient dans des domaines liés à l’interven-tion psychosociale et qu’elles sont probable-ment plus sensibilisées au phénomène de laviolence familiale que la population générale,ces résultats confirment l’importance de dépister ces situations le plus tôt possible.Considérant les liens trouvés avec les attitudesfavorables à la violence, un tel dépistage (desexpériences de violence infantile) auprès desfuturs parents pourrait tirer profit d’une inter-vention cognitive axée, entre autres, sur lareconnaissance des impacts de la violence surl’enfant. À cet effet, des études ont montré que la reconnaissance des conséquences de laviolence physique sur l’enfant est un prédicteurimportant des attitudes favorables à cette pra-tique disciplinaire (Clément et Chamberland,2009). Ainsi, une intervention axée sur la recon-naissance des impacts de sa propre victimisa-tion dans l’enfance et le développement del’empathie parentale pourraient ainsi contri-buer à contrer le cycle de violence parentale(Wiehe, 1997).Enfin, les résultats suggèrent qu’une évaluationde la qualité des relations entretenues actuelle-ment avec les parents pourrait servir à mieuxcerner les risques de transmission intergénéra-tionnelle auprès des jeunes parents dans lecadre, par exemple, des services intégrés enpérinatalité destinés aux familles en situationde vulnérabilité psychosociale (SIPPE).D’autres recherches sont nécessaires pourvalider ce résultat, mais on peut penser que des parents violentés dans leur enfance quidisent entretenir de bonnes relations avec leursparents sont plus susceptibles d’être favorablesà la violence dans l’éducation des enfants.Évidemment, les recherches futures devrontexplorer avec plus de précisions les caractéris-tiques de l’agresseur, la nature exacte de sesliens avec l’enfant (ex. : parent biologique,beau-parent) ainsi que les diverses dimensionsde la qualité des relations dans la famille(conflits, intimité, satisfaction). L’explorationdu rôle de la nature et de la qualité des liensdans la famille élargie dans la transmission des attitudes et des conduites éducatives favorables à la violence pourrait, dans le mêmeesprit, permettre de mieux nuancer les résultatsobtenus dans la présente étude et d’apporterun éclairage différent à l’intervention.

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Descripteurs :

Violence envers les enfants // Enfants victimes de violence psychologique - Québec (Province) -Attitudes // Punition corporelle - Aspectpsychologique // Punition corporelle des enfants //Enfants - Discipline // Enfants maltraités devenusadultes // Enfants maltraités devenus adultes -Relations familiales

Child abuse // Psychologically abused children -Québec (Province) - Attitudes // Corporalpunishment - Psychological aspects // Corporalpunishment of children // Discipline of children //Adult child abuse victims // Adult child abusevictims - Family relationships

Références

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parBernard FusulierChercheur qualifié du FNRSProfesseur de sociologieUniversité de Louvain (Belgique)Courriel : [email protected]

Reflections on sexual stereotypes in social roles and social work practice.Réflexions sur les stéréotypes sexuels dans les rôles sociaux et dans la pratique du travail social.

Il n’est pas inutile de rappeler que le champ del’intervention sociale est constitué de métiersfortement sexués avec une main-d’œuvrelargement féminine qui travaille pour/sur/avecdes sujets sexués. Il importe par conséquent des’interroger sur les rapports sociaux de sexe, lesstéréotypes sexués qui traversent les schèmesde perception et d’interprétation du monde, lesphénomènes de ségrégation et de hiérarchisa-tion sociale selon les sexes, bref de poser laquestion du genre dans le travail social(Fusulier et Cornet, 2008). Dans cette contribution, qui est de l’ordre del’essai, il s’est tout d’abord agi de nous interro-ger sur notre propre connaissance du débat surle genre, étant interpellé par ce dernier sans enêtre un expert. Il nous est ainsi apparu utile de repérer les grands schémas qui guident lamanière dont est appréhendée la question dugenre, schémas que nous avons thématisés àpartir de leur conception de l’individu : unindividu abstrait universel, un individu sexué-genré (où le sexe précède le genre), un individugenré-sexué (où le genre précède le sexe), un

individu post-sexué/genré (Section 1). Si cesocle conceptuel a certes une vocation réflexiveprimordiale, il n’est pas de notre point de vueune fin en soi; ce qui importe c’est de pouvoirposer des balises pour agir sur la probléma-tique du genre. À cet effet, nous avons déter-miné quatre niveaux d’analyse sociologique :celui des pratiques, des valeurs et des opinions;celui des représentations et des stéréotypes;celui des rôles sociaux; celui de la hiérarchiesociale et du pouvoir (Section 2). Ces différentsniveaux d’analyse peuvent s’appliquer à diverssujets, ce que nous avons dénommé dans lecorps du texte des axes autour desquels arti -culer la question du genre dans le champ du travail social. Sans être exhaustif, nous en suggérons quatre qui nous paraissent assezmajeurs : la lutte contre les inégalités, la relationd’aide, la profession, la formation (Section 3).

1. Sexe, genre et au-delà

Encore aujourd’hui, il n’est pas rare d’entendredes expressions banales telles que : « c’est unmétier d’homme », « le sexe fort ou le sexefaible », « l’instinct maternel »... Manifestement,l’argument naturaliste reste prégnant, commele dénonce Élisabeth Badinter dans son dernierouvrage (2010). « L’alibi de la nature », pourreprendre les termes consacrés de ChristineDelphy, interprète la différence sexuelle et lesrôles masculins et féminins comme le fruit d’undéterminisme biologique qui assignerait desfonctions différenciées aux hommes et auxfemmes selon un ordre de la nature. Il a ainsiété longtemps considéré comme évident que,lors d’un conflit conjugal, la garde d’un enfantsoit attribuée à la mère soutenant, sur le plansymbolique, une lecture qui tend à naturaliserla maternité et, sur le plan pragmatique, unécart d’investissement des pères et des mèresvis-à-vis des enfants; d’où dans la sphèreprofessionnelle à pénaliser davantage lesfemmes comparativement aux hommes(Fusulier et Marquet, 2007).Contre l’argument naturaliste, qui a favorisél’oppression des femmes à travers l’histoire, les

Poser la question du « genre » dans le travail social : une contribution européenne1

INTERVENTION No132114

Intervention, la revue de lʼOrdre des travailleurssociaux et des thérapeutes conjugaux

et familiaux du Québec. Numéro 132 (2010.1) : 114-123.

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féministes anglo-saxonnes (Oakley, 1972; Scott,1988) et francophones (Delphy, 1991; Mathieu,1991; Hirata et Kergoat, 1998) vont distinguer le sexe biologique « mâle/femelle » et le genre« masculin/féminin ». Ce dernier exprime lesconstructions sociales autour ou en lien avec lesexe biologique et les mécanismes par lesquelson est identifié et on s’identifie comme apparte-nant au groupe social féminin ou masculin. Legenre constitue un principe majeur de régula-tion de la vie sociale, des comportements et desrapports de pouvoir. Il continue à générer, ycompris dans nos sociétés démocratiques, unaccès inégal aux ressources socialement valori-sées (matérielles et symboliques). Comme outil,l’analyse de genre permet d’appréhendersociologiquement les différences sexuées (c’est-à-dire rapportées au sexe) et leur hié -rarchisation construite autour du féminin et du masculin (Fusulier et Cornet, 2008).Dans la vie quotidienne et au cours de la pra-tique professionnelle, la question du genre va être régulièrement posée : par exemple, lors d’un recrutement, refuser de prendre encompte le sexe des candidats au nom d’untraitement égalitaire ou, au contraire, en tenircompte au nom d’un objectif de mixité del’équipe afin de pouvoir bénéficier à la fois descompétences « féminines » et des compétences« masculines »; ou lors de l’orientation profes-sionnelle de personnes faiblement qualifiées,éviter de n’assigner les femmes qu’à des seg-ments d’emploi touchant aux soins aux per-sonnes (aide-soignante) ou au nettoyage(aide-ménagère), et les hommes qu’aux métierstechniques (soudure, construction…). Ces choixsont implicitement sous-tendus par des regardsspécifiques sur le « sexe » et le « genre », selonun certain nombre d’a priori qui construisent lespostures analytique, éthique, politique et prag-matique autour des différences et des inégalitésentre les hommes et les femmes (Bert, 2008)2.En particulier, ces a priori touchent à uneconception anthropologique de ce qu’est l’individu et à une conception éthico-politiquede l’égalité. Il convient de les avoir à l’esprit,car ils bornent en quelque sorte notre espaced’appréhension de la question du genre. Ils’agit donc de ressources cognitives et axiolo-giques engendrant un débat éthique difficile-ment arbitrable par une « vérité scientifique »proclamée. Certainement, que chacun et

chacune se sentira plus en phase avec l’une des conceptions. Il est utile d’en être conscientpour aborder une analyse de genre avec l’espritcritique nécessaire, y compris quant à sespropres prises de position.Évoquons brièvement ces conceptions à partirdes exemples susmentionnés.

1.1. Un individu abstrait universelLorsque l’on décide, lors d’un recrutement, de ne pastenir compte du sexe des candidats pour éviter desformes de discrimination, on peut prendre appuisur une vision d’un individu abstrait universel. L’enjeu est ici de transcender les particula-rismes (comme le sexe mais aussi la couleur de peau, l’appartenance religieuse…) qui sontperçus comme des constructions sociocultu-relles qui servent des rapports de pouvoir. Larevendication égalitaire promeut des principesde justice généraux valables pour tous : lesDroits de l’Homme (requalifiés de Droitshumains pour éviter une labellisation genrée) en constituent la figure emblématique. Denombreuses politiques sociales épousent cette vision universaliste.Cette approche prône l’égalité dans l’indiffé-rence des sexes. Le travail social peut d’ailleursêtre marqué par cette conception à caractèreuniversaliste, notamment à travers uneapproche objectivante et scientifique de larelation d’aide. Le professionnel doit alors êtrecapable de se présenter comme un individudétaché de ses particularités (par exemple, êtreune femme ou un homme ne doit pas interférersur la relation d’aide) et de considérer commetel le sujet de son intervention méthodique,même si la relation s’établit sous le sceau del’empathie. Par conséquent, la question dugenre n’est guère formulée, si ce n’est en creuxpar son effacement.

1.2. Un individu sexué-genréVouloir bénéficier des compétences « féminines » et des compétences « masculines » au sein d’uneéquipe et, par conséquent, tenir compte du sexe descandidats comme critère de recrutement repose surune autre approche largement diffusée : le différentialisme. Celui-ci se propose de partir du constat quel’humanité est constituée autour d’une diffé-rence objective entre les sexes. Chaque être

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humain est un sexe doublé d’un genre. L’enjeuest de reconnaître les différences de sexe et « de ne pas faire comme si elles n’existaientpas ». Il s’agit ensuite de contester les usagessociaux du sexe qui traduisent une structureinégalitaire et d’en comprendre les fondementsy compris biologiques (par exemple, cetteapproche soulignera l’importance de la fonc-tion biologique de procréation de la femme). À ce titre, l’attribut biologique constitue ici une donnée importante (par ex., les caractèresbiophysiques, psychoaffectifs, voire cogni-tifs…) pour saisir les différenciations sociales.Cette approche contient de ce fait une partd’essentialisme dans la mesure où être unhomme ou une femme est considéré commeontologiquement différent.

Le genre et la domination masculine, selonl’ethnologue Françoise Héritier (1996), plonge-raient d’ailleurs leurs racines dans une diffé-rence sexuelle essentielle : ce sont les femmesqui donnent naissance. Il en résulterait la tenta-tive des hommes de contrôler la reproductionbiologique qui leur échappe par l’assujettisse-ment des femmes. Les avancées qui ont permisaux femmes de disposer de leur corps, notam-ment grâce à la contraception, rendraientpartiellement obsolète la principale raison de leur domination. Toutefois, les systèmes dereprésentation et les logiques sociales auraientune grande inertie, ce qui expliquerait lesinégalités persistantes entre les deux sexes.

Contrairement à la vision naturaliste qui peutrendre légitime l’inégalité au nom d’un ordrenaturel et à l’universalisme qui délégitime laprise en considération des particularités, laprésente approche, différentialiste, vise l’ex-pression de l’identité féminine historiquementécrasée par le sexe masculin par le biais deslogiques du genre (construites socialement).Comme l’écrit Catherine Bert à propos del’éthique du différentialisme : « Un monde plus juste ne peut se construire qu’en intégrantdans les différents domaines de l’existence lesvaleurs proprement féminines, complémen-taires des valeurs masculines » (2008 : 140).Cette approche va donc de pair avec un appel à la reconnaissance égalitaire de la complémen-tarité naturelle entre les sexes.

1.3. Un individu genré-sexué et, au-delà, unindividu post-genré/sexué dans un ordresocial sans genre

Intervenant au niveau du marché du travail, onrefuse d’orienter les hommes et les femmes dans dessegments d’emploi, ce qui contient la dénoncia-tion d’une attribution naturaliste ou différentia-liste des activités.Derrière ce refus se profile une autre concep-tion où il ne s’agit pas nécessairement de nier lesexe des individus, mais de considérer que ladéfinition de filières masculines ou fémininesest un fait social contestable. En effet, seloncette approche, ce sont les rapports sociaux quisont premiers, car ils constitueraient le méca-nisme qui sélectionnerait le sexe parmi lamultitude d’attributs biologiques pour fonderune structure sociale différenciée et hiérarchi-sée pouvant être injustifiée (par ex., pourquoiune femme ne pourrait-elle pas être orientéevers la métallurgie et un homme vers les ser-vices à la petite enfance?). Dans un souci de précision, Erwing Goffman(2002) ou Candace West et Don Zimmerman(1991), par exemple, estiment qu’il y a unclassement social initial selon le sexe qui trietous les individus, alors que la différencesexuelle serait une différence biologiquesomme toute mineure, mais qui aurait cepen-dant des conséquences sociales majeures àtravers la socialisation. Autrement dit, la diffé-rence est avant tout sociale. À cet égard, pourfaire référence à la fameuse formulation deSimone de Beauvoir (1949) : on ne naît pasfemme (ou homme), on le devient. Ce sont lesrapports sociaux, la socialisation et les inter -actions qui produisent et reproduisent le mas-culin et le féminin, et les inégalités entre leshommes et les femmes. Le problème éthique n’est pas tant l’égalité desgenres dans la complémentarité des sexes (leféminin a autant de valeur que le masculin, etles hommes et les femmes sont sexuellementcomplémentaires) que l’égalité des sexes dansla différence des genres (la classe sexuelle nepeut être socialement discriminante et libre àchacun de décliner son genre sans que celui-cine génère de l’inégalité).Cette approche favorise une perspective socioconstructiviste de toute relation qui sedonne comme allant de soi et, par conséquent,

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dénaturalise le « naturel » en le sociologisant.Néanmoins, il ne remet pas fondamentalementen question l’attribut biologique, seulement legenre précède en importance le sexe.

Il existe une approche plus radicale à caractèredéconstructiviste qui s’est affirmée récemmentà travers la mouvance « queer », le transgenreet le transsexualisme (voir notamment l’entre-tien avec Marie-Hélène Bourcier dans Andrieu,2008). Au sein de cette constellation, l’attributbiologique est lui-même défini comme objecti-vement et culturellement instable, puisqu’onpeut changer de sexe. Pour Judith Butler (2006),c’est déjà un fait arbitraire que de nommercertaines parties du corps (pénis, vagins,seins…) de parties sexuelles et de réduire lecorps à celles-ci pour construire les catégoriesdu sexe. Par conséquent, cette approche propose de sortir de la logique binairemâle/femelle, masculin/féminin, et contesteipso facto les présupposés des approches degenre. Les frontières sont vaporeuses et per-mettent à l’individu le choix tant de définir sonsexe que d’opter pour un genre ou de sortir deces catégories pour se construire une identitépropre. L’espace des possibles est dès lorsouvert. Judith Lorder (1991) parle d’atteindre« a social order without gender » (traductionlibre, un ordre social sans genre). Dans cetteperspective, l’individu devient post-sexué etpost-genré, et les principes de justice qui,contrairement à l’universalisme évoqué, seconstruisent autour de la reconnaissance égalitaire des particularités librement choisies.

Si ces approches du sexe et du genre présentent,comme nous l’avons vu, des contradictionsentre elles, elles sont potentiellement mobili -sables en fonction des situations danslesquelles nous sommes amenés à agir et àprendre position. Mais, en même temps, chacune de ses prises de position peut fairel’objet d’une controverse qui prend appui surl’une ou l’autre des autres approches. Ellesparticipent néanmoins d’une préoccupationcommune : contrer les injustices que « l’alibi de la nature » engendre. La distinction entre ces approches peut aussi avoir une vocationheuristique en vue de poursuivre la réflexionsur leur implication dans le champ des poli-tiques et de l’intervention sociale. Ce travailreste à faire.

Il ne suffit donc pas de se cantonner dans undébat théorique. Il importe d’essayer d’opé -rationnaliser l’analyse de genre. C’est notreobjectif maintenant. Nous proposons toutd’abord des niveaux graduels pour mener unetelle analyse, c’est-à-dire où il s’agit de saisir la façon dont les différences de genre inter -viennent dans le jeu social. Nous détermine-rons ensuite des axes thématiques autourdesquels cette dernière peut être appliquée.Notons que nous demeurons emprisonné dansles catégories sémantiques établies, peut-êtreaussi parce que nous avons des affinités avec laconception goffmanienne, dans la mesure oùnous partons de la « classe sexe » qui différen-cie le sexe « homme » et le sexe « femme », touten reconnaissant qu’elle est intellectuellementinsatisfaisante.

2. Quatre niveaux interreliés d’analyse de genre

L’analyse de genre traite des différences, desinégalités, des rapports de pouvoir et de domi-nation entre les hommes et les femmes dupoint de vue de leurs activités, de leurs actionset de leurs représentations sociales, considérantque celles-ci ne sont pas déterminées par ladimension biologique des sexes. Partant desprincipes d’une différenciation et d’une hiérar-chisation, elle peut notamment s’opérer à partirde quatre niveaux interreliés : les pratiques, lesvaleurs et les opinions; les représentations et lesstéréotypes; les rôles sociaux; la hiérarchisationsociale et le pouvoir. Évidemment, ces plans nesont pas exclusifs et d’autres axes d’analyse,plus complexes, peuvent être envisagés3.

2.1. Les pratiques, les valeurs et les opinionsUn premier niveau d’analyse, assez classique,porte sur la comparaison de pratiques, d’atti-tudes, de valeurs ou d’opinions entre leshommes et les femmes. Ainsi, les enquêtesbudget-temps qui sont courantes dans nossociétés occidentales soulignent que les femmesconsacrent en moyenne plus de temps auxactivités domestiques que les hommes, ceux-cipassant davantage de temps que les femmesaux activités professionnelles et aux loisirs. Ouencore les études sur l’usage du congé parentalmontrent qu’il est encore largement une affairede mères et qu’il diffère tendanciellement dansce qu’on en fait en pratique selon qu’on est unefemme ou un homme. L’analyse de genre peut

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aussi porter sur des dimensions symboliques,c’est-à-dire des principes de sens, des valeursou des opinions. Il peut s’agir de comparer lahiérarchie des valeurs surtout promues par lesfemmes à celles des hommes, d’étudier lesintentions de vote en fonction du sexe, etc.

Bref, au sujet des actes, des opinions ou d’unesituation donnée, la question directrice revientà s’interroger sur des différences observablesentre les hommes et les femmes. Il constitue unpremier moment d’objectivation/descriptiondes différences de genre dans une collectivité(une société) donnée. Ce constat appelle alors à s’interroger sur les conditions et les raisons de leur existence en même temps que sur lesproblèmes de reconnaissance sociale et sur lesinjustices qui en découlent.

2.2. Les représentations et les stéréotypes

Ce deuxième niveau d’analyse s’avère complé-mentaire au premier. Être mère et réduire sontemps de travail ou prendre un congé parental,ou être père et renforcer son investissementprofessionnel, renvoie à une structure symbo-lique profonde, à des représentations et à desstéréotypes sociaux qui véhiculent un « imagi-naire » et un cadre normatif où les femmes ontla responsabilité de la sphère privée, celle du« care » et de la reproduction, alors que leshommes doivent être plus présents dans lasphère publique de la production selon lemodèle du père principal pourvoyeur derevenu et de la mère principale agente des soins.

Notre vie quotidienne est modelée par nombrede stéréotypes de genre, entendus comme desimages caricaturales de ce qu’est être unhomme ou une femme. Ces stéréotypes sonttrès utiles et efficaces car ils fluidifient la viesociale, puisqu’ils nous engagent dans unepratique et une relation à autrui qui ne demandent pas une réflexivité constante, c’est-à-dire qu’ils favorisent le suivi d’un prépro-gramme. Celui-ci constitue donc un systèmed’attente et d’anticipation. À cet égard, lesreprésentations sociales et les stéréotypesgénèrent une reproduction des différences etdes inégalités. Pour sortir d’une logique dereproduction sociale, une des tâches consiste à traquer et à dévoiler ces stéréotypes quis’expriment dans des comportements, des

discours, des règlements ou des politiquessociales, et d’en montrer les effets pratiques et symboliques.

2.3. Les rôles sociaux

La vie sociale s’organise autour de rôlessociaux qui sont joués dans différentes sphèresd’activité qui sont autant de scènes sociales.Ces rôles peuvent être genrés dans la mesureoù : a) soit ils sont divisés entre les hommes/le masculin (par ex., rôle paternel) et lesfemmes/le féminin (par ex., rôle maternel); b) soit ils sont déclinés de façon distincte en fonction du sexe (par ex., le rôle d’un travailleur social dans une institution pourdélinquants ou délinquantes ne sera pas néces-sairement le même que celui d’une travailleusesociale). Les deux niveaux précédents consti-tuent une base d’analyse des rôles sociauxselon le genre. Par exemple, dans le partage des rôles parentaux selon le sexe ou le genre, ilpeut être attendu qu’une figure paternelle quijoue « bien » son rôle aujourd’hui assure lesconditions matérielles d’existence de sa famille,mais en ne désinvestissant pas la relationaffective et éducative avec son enfant et ensoutenant son épouse dans les responsabilitésdomestiques; la figure maternelle contribue au revenu du ménage, mais son rôle incorpore une plus grande responsabilité dans les tâches familiales.

Bien entendu, chacun possède une certaineliberté de jouer son rôle comme il l’entend.Toutefois, on le voit dans l’exemple ci-dessus, il existe une normativité des rôles, c’est-à-diredes scripts et des attentes sur la façon de bienremplir son rôle dans un contexte socio-culturel donné.

La répartition des rôles n’est cependant passtatique, pas plus d’ailleurs que son jeu, et estsusceptible d’évoluer dans le temps, de varierd’un milieu social ou d’une culture à l’autre.Des tensions et des incompréhensions peuventd’ailleurs naître entre ce qui est attendu d’unrôle dans un milieu et dans un autre. Danscertains milieux, être un bon père et époux peuts’accompagner d’une certaine violence phy-sique à l’égard de l’enfant et de l’épouse pourmarquer l’autorité masculine, alors qu’une telleconception du rôle paternel et conjugal estdésapprouvée dans d’autres (Herla, 2008).

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En tant qu’intervenant, il importe de com -prendre l’organisation des rôles sociaux et des relations entre eux à travers des questionsdu type : quel rôle social veut-on me faire jouercomme intervenante ou intervenant dans tellesituation? Quel rôle j’attribue à tel usager outelle usagère? Qu’est-ce que j’attends d’elle oude lui dans l’accomplissement de son rôle?Quels sont les stéréotypes de genre sous-jacents? En quoi sont-ils fonctionnels ou dys-fonctionnels, ou porteurs d’inégalité? Etc.

2.4. La hiérarchie sociale et le pouvoir

Ce ne sont pas les différences de genre en tant que telles qui font problème, mais bien les fondements, les processus et les usages des différences et leur inscription dans un système reproducteur d’inégalités d’accès auxressources matérielles et symboliques sociale-ment valorisées. Pourquoi et comment justifierque les femmes, à qualification égale, gagnentmoins que les hommes? Comment expliquerque les femmes accèdent moins aux ressourceséducatives les plus performantes sur le marchédu travail? Pourquoi sont-elles moins présentes dans les instances dirigeantes? Etc.Remarquons que la structure sociale genréen’est pas sans inconvénient pour les hommes.Ainsi, l’accès des hommes à certains métiersdits féminins n’est pas aisé, par exemple vou-loir être un homme sage-femme. Il en est demême de la difficulté des pères à faire usage du congé parental alors qu’ils voudraient êtreplus présents avec leur enfant en bas âge.

Pour en revenir à la question des facteurs del’inégalité (Goffinet, 2008), les études féministesmettent en avant une double segmentationentre les hommes et les femmes :

- une segmentation horizontale avec des« parois de verre » (tendanciellement lesfemmes suivent des filières scolaires diffé-rentes des hommes et se retrouvent dans dessecteurs professionnels différents, souventmoins bien rémunérés);

- et une segmentation verticale avec un « pla-fond de verre » (les femmes accèdent plusdifficilement que les hommes à des postes àresponsabilité socialement et financièrementvalorisés) et un « plancher gluant » (pourdésigner le fait que les femmes n’arriventpas à se déployer pleinement dans la sphère

professionnelle étant donné, entre autreschoses, qu’elles sont plus fortement « obli-gées » de concilier travail/famille que les hommes).

L’analyse de genre est ainsi amenée à saisir lespratiques, les stéréotypes et les processus dedifférenciation des rôles sociaux selon le sexe et le genre mais, plus fondamentalement, lesprocessus de hiérarchisation et de distributioninégalitaire du pouvoir et les conséquences quidécoulent en particulier en matière de fragilisa-tion sociale et d’injustice. À cet égard, les rap-ports sociaux de sexe constituent un conceptsynthétique englobant les jeux multiples quicontribuent à asseoir la division relationnelleentre les sexes, entre le genre masculin et legenre féminin, en même temps qu’une hiérar-chisation sociale, la domination masculine et lareproduction sociale. Étant de nature sociopoli-tique, ces rapports peuvent se transformer sousl’agrégation des comportements individuels,de l’action collective et des politiques publiques(par ex., la Loi sur l’équité salariale au Québec).Bien que l’égalité reste un idéal non atteint, descomparaisons historiques ou internationalesdémontrent des changements effectifs dans ladivision sexuée du travail productif et repro-ductif, dans les rapports entre les hommes etles femmes.

3. Quatre axes de questionnement

Les questions du genre dans le champ dutravail social sont nombreuses et non résolues.Au terme de cette contribution, nous propo-sons quelques grands axes de questionnement,qui sont autant de pistes pour mener uneanalyse de genre dans ce champ et pour déve-lopper des modalités d’intervention adéquates :la lutte contre les inégalités; la relation d’aide;la profession; la formation initiale et continue.

3.1. La lutte contre les inégalitésNous l’avons dit, la différence n’est pas leproblème. En revanche, lorsque la différence va de pair avec l’inégalité, elle pose la questionde l’injustice. L’analyse de genre représente un outil pour déceler les inégalités que lesrapports sociaux de sexe génèrent. Elle s’inscritpar le fait même au cœur des finalités du tra-vail social autour de la lutte contre les inégali-tés. La participation aux mouvements sociauxcontestataires ou aux mouvements culturels

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pour la reconnaissance des identités spéci-fiques, la contribution à la définition de nou-velles politiques sociales, l’engagement dansdes actions collectives intermédiaires ou lacréation de collectifs d’usagers souffrant d’unemême situation, le soutien individuel à despersonnes maltraitées, etc., sont autant demodes d’intervention pour plus de justice,qu’ils opèrent à une échelle globale, macroso-ciale, ou à des échelles plus modestes, méso ou microsociales, comme le montre l’exemplerepris ci-dessous. En effet, nous présentons une action concrètemenée par le Collectif régional pour l’informa-tion et la formation des femmes (Corif) situé àLille en France : le cas des femmes maçonnes(Lemaire, 2008). Elle illustre clairement unetentative de désegmentation des rôles et depromotion de l’égalité, en même temps que les difficultés rencontrées.En 2006, à l’initiative d’une grande entreprisede construction, le Corif est convié à une réu-nion pour réfléchir à une action de recrutementet de formation de six maçonnes. Le secteur asigné un accord national interprofessionneldans le cadre d’une politique d’égalité profes-sionnelle avec comme perspective l’embauchede femmes. En outre, les métiers des bâtimentssont considérés comme des métiers en pénurie.De ce fait, l’introduction de la mixité sur leschantiers pourrait améliorer l’image du secteur,susciter de nouvelles vocations et réduire lesproblèmes de recrutement. Pour le Corif, c’estun enjeu qui concerne le droit des femmes enleur permettant de traverser les « parois deverre », et donc de contribuer à la désegmenta-tion du marché de l’emploi. Bref, « en ce sens,travailler à la mixité est un levier d’égalité »(Lemaire, 2008 : 54).Le projet fait vite débat, en particulier autourde la « nature » physique des femmes : ellesn’ont pas les conditions physiques requises, on évoque l’exposition aux troubles musculo-squelettiques, l’incompatibilité avec la gros-sesse… Mais aussi : « des femmes maçons, celane s’est jamais vu ». Arguments naturalistes,représentations stéréotypées, attribution genréedes rôles, les obstacles s’avèrent puissants àl’insertion des femmes dans ce métier.Finalement, un accord au sommet se conclut. Il s’agit de soutenir la mixité en créant un profil

de métier sur mesure ouvert aux femmes : lafonction de maçonne briqueteuse qui nécessitepeu de port de charge et surtout beaucoup dedextérité. Ce faisant, le projet prend la formed’un arrangement qui permet l’insertion defemmes dans un métier masculin tout en pui-sant dans un imaginaire social où le soin et ladextérité sont des aptitudes spécifiques desfemmes et la force physique une caractéristiquedes hommes. La virilité est ménagée : lesfemmes auront des tâches et une fonction« considérées par les maçons en place commecelles traditionnellement réservées aux maçonsusés » (Idem : 56).

Pour le Corif, cet arrangement ne laisse guèreaugurer une égalité de traitement des hommeset des femmes. Les chefs d’équipe n’aimentguère gérer des exceptions et craignent de nepas avoir assez de travail pour cette fonction,en même temps que les collègues estimentqu’un travail moins dur physiquement doitdéboucher sur un moindre salaire. Le Corif aessayé de convaincre les employeurs de revoirplus en profondeur l’organisation du travailpour promouvoir une véritable « mixité decoexistence » plutôt qu’une « mixité aména-gée » en défaveur des femmes. Pourtant, « cesmétiers sont durs et pénibles. Les hommes ensouffrent, s’usent prématurément au travail »(Idem : 60). Pour le Corif, une refonte de l’orga-nisation du travail aurait par conséquent puprofiter à tout le monde en rendant le travailplus soutenable dans la durée et plus attrayantsur le marché du travail. Toutefois, la cultureprofessionnelle continue à valoriser la manu-tention des charges et l’usage de la force paraîtêtre plus rentable à court terme. In fine, quatredes six femmes sont aujourd’hui embauchéespar des entreprises de construction, mais l’article consulté ne précise pas si elles l’ont étéen fonction de ce à quoi elles ont été formées.

3.2. La relation d’aide

La relation d’aide est aussi traversée par lesstéréotypes de genre.

Dans l’interaction avec l’usager ou l’usagère,les professionnels réfléchissent, sans nécessaire-ment en être conscients, selon les stéréotypesde genre. Il peut par exemple être attendu de la part de celui-ci ou de celle-ci des comporte-ments où il ou elle dévoile sa vie personnelle et

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ses faiblesses, reconnait ses échecs et son besoind’aide, etc., c’est-à-dire des comportements quicorrespondent davantage au modèle dominantde féminité (où le féminin est associé au sensible)par opposition au modèle dominant de mascu-linité qui justement tend à réduire les possibili-tés d’expression des problèmes personnels (lafigure de l’homme héroïque qui endure sans se plaindre ni pleurer, froid et rationnel). Parconséquent, prévient Jean-Martin Deslauriers(2008), la relation d’aide contient intrinsèque-ment un risque de malentendu lorsqu’elles’adresse aux hommes et aux pères vulnérablesen particulier, lesquels sont alors trop souventévacués des processus d’intervention (Parent et al., 2008).

La structure organisationnelle peut égalementêtre révélatrice de tels stéréotypes et manifesterune différenciation selon le genre. Dans cetteperspective, Marie-Thérèse Coenen (2009) citele cas d’une maison d’accueil contenant deuxrèglements intérieurs différents selon qu’ilss’adressent à un public de femmes ou un publicd’hommes. Elle démontre notamment unedifférenciation dans les logiques d’action avecun projet masculin basé sur l’occupationnel(TV et sport) et légèrement sur l’insertionprofessionnelle, avec une petite rétributionfinancière pour les activités domestiques entre-prises au sein de la structure d’hébergement,tandis que le projet féminin est maternaliste etménagèrialiste (centré sur le rôle de mère et deménagère) privilégiant une logique du don, enmême temps qu’il vise une diversité des com-pétences dans une pluralité d’activités ayantune dimension de genre avérée (atelier d’écri-ture, atelier de relaxation, atelier maman/bébé,atelier de vêtement seconde main, atelier « Lavie en rose » pour mieux se connaître).

Les bénéficiaires eux-mêmes entrent dans la relation d’aide avec un certain nombred’a priori. Frédérique Bribosia (2008) nous livrequelques petites perles extraites d’entretiensavec des intervenants sociaux des deux sexes :« Elle ouvre la porte et me dit de partir car jemens, je ne suis pas aide familial. Pourtant jeconnais mon métier (…). Elle me dit que lesaides familiales sont des femmes. Elle menacemême d’appeler la police » (aide familial –homme); « Non, je n’irai pas dehors car tu n’asaucun ordre à me donner. Je fais ce que je veux

et ce n’est pas une femme qui va me dire ce queje dois faire » (commentaire d’un adolescent àune éducatrice).

L’analyse de genre de la relation d’aide permetde remettre en cause certaines évidences. Ilconvient alors d’appréhender conjointement lesvisions stéréotypées autour des deux sexes, leseffets qu’elles induisent (exclusion/inclusion;logique d’action), les interactions et l’organisa-tion des rôles sociaux ainsi que leurs consé-quences au sujet des relations de pouvoir.

3.3. La profession

L’espace professionnel du travail social lui-même est un objet de questionnement. Sonhistoire et ses liens avec les mouvements fémi-nistes, sa place dans la segmentation horizon-tale du marché du travail, ses modes derégulation interne selon le genre, etc., sontautant d’objets d’une analyse de genre.

C’est un truisme de dire que la professiond’assistante sociale se conjugue au féminindepuis ses origines philanthropiques. Le pro-cessus de professionnalisation a ouvert lechamp du travail social aux hommes, maisceux-ci restent minoritaires. Les carrières àl’intérieur de l’espace professionnel semblent se décliner de façon différente selon le genre.L’étude des régulations professionnelles dans la perspective de genre est un enjeu pour la recherche.

Par exemple, Bernard Fusulier et al. (2008)constatent qu’avec plus de 80 % de femmes, la mixité est peu présente parmi les affiliés àl’Ordre professionnel des travailleurs sociauxdu Québec. Ces auteurs analysent dans uneperspective de genre la situation profession-nelle et la situation familiale des travailleusessociales et des travailleurs sociaux ainsi queleur vécu de l’articulation entre leur vie profes-sionnelle et leur vie familiale. Si sur le planformel (fonctions occupées, types d’emploi,temps plein et temps partiel…), il n’y a pas de différences saillantes entre les hommes et les femmes (ce qui peut être un effet de la loiquébécoise sur l’équité salariale et de la syndi-calisation du secteur), en revanche, elles s’ex-priment quant au recours aux politiques deconciliation emploi/famille et au ressenti de leurs effets, notamment sur la carrière. Lesfemmes investissent plus que les hommes dans

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la conciliation. Ce qui n’est bien entendu paspropre à cette profession et à cette société.

3.4. La formation initiale et continueLongtemps, la formation en travail social aprivilégié une approche objectivante et sexuel-lement neutre de la construction de la profes-sionnalité. Or, depuis quelques années, en toutcas dans l’espace francophone, nous voyons ledéveloppement d’une réflexion sur l’intérêt del’analyse de genre : les intervenants sociaux etles intervenantes sociales sont-ils équipés pourmener une telle analyse? Les programmes deformation pour accéder à la profession ouentretenir les compétences intègrent-ils lesquestions du genre? Etc.Si l’introduction de l’analyse de genre dans lesprogrammes de formation est une nécessitécomme l’affirme Marie-Thérèse Coenen (2008),il s’agit d’une dimension encore trop peuprésente, semble-t-il, dans les écoles socialesbelges. Ayant mené une enquête auprès desenseignants des Hautes Écoles Spécialisées deSuisse, Marianne Modak et Morgane Kuehni(2008) montrent notamment que la question dugenre dans les filières de la santé et du travailsocial dans les enseignements et la rechercheest faiblement institutionnalisée. En effet,lorsqu’elle est posée et étudiée, c’est générale-ment à l’initiative de personnes qui se trouventisolées et peu outillées pour former leurs étu-diants à une véritable analyse des rapportssociaux de sexe. Il y a ici un appel à une prisede conscience des acteurs institutionnels poursoutenir le développement, sous peine d’épui-sement, des études de genre dans le contextede la formation professionnelle initiale etcontinue ainsi que de la recherche. Ceci est lereflet de la situation européenne; qu’en est-il au Québec?

Conclusion

Nous l’avons vu, l’analyse de genre est unincontournable dans le travail social, commedans toute pratique sociale (ce qu’évoqued’ailleurs la politique européenne du « gendermainstreaming »). Pourtant, elle a été long-temps ignorée ou minorée. Le présent article a pour seule ambition de contribuer à sa priseen considération en soulignant quelques enjeuxet axes de questionnement qui sont autant depistes de développement d’un travail social

conscient de sa propre action et de ses effets.Prendre la mesure des différences de compor -tement entre les hommes et les femmes, desstéréotypes qui matricent les perceptions dumonde et guident les actions, de la distributiondes rôles sociaux selon le genre et des inégalitésqui en découlent sont un préalable à une actionplus efficace et moins reproductrice des inégali-tés instituées. Certainement, faut-il aussi s’in-terroger sur les modes d’intervention àpromouvoir, que ce soit sous la forme d’uneégalité de traitement, d’actions positives voirede discriminations positives ou de gestion de la diversité (Cornet, 2008). Le chantier est vasteet encore en friche. C’est également à traversl’établissement de lieux d’échange de savoirs,de réflexion et de débat que nous pourronscollectivement concourir à faire progresser laperspective « genre » et l’idéal de l’égalité quila sous-tend.

Descripteurs :

Rôle selon le sexe // Stéréotypes // Travailleurssociaux // Travailleuses sociales

Sex role // Stereotypes (Social psychology) //Social workers // Women social workers

Notes

1 Cet article est issu d’une réflexion entamée àl’occasion des congrès de l’AIFRIS de 2007 à Namur(Belgique) et de 2009 à Hammamet (Tunisie), etd’une conférence à l’Université d’été du TravailSocial tenue à Lausanne (Suisse) en 2009.

2 Ce travail sur les postures d’appréhension du sexeet du genre n’est pas neuf. Citons la fameusetypologie de Nicole-Claude Mathieu (1991) quidistingue trois modes de conceptualisation durapport entre sexe et genre en y soulignant pourchacun des trois types d’identité : l’identité sexuelle,l’identité sexuée et l’identité de sexe.

3 Joan Scott (1988) plaide pour une analyse dessymboles, des concepts normatifs, des institutions,des organisations sociales et des identitéssubjectives.

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de Michèle Vatz Laaroussi,collection Problèmes sociaux etinterventions sociales, Presses del’Université du Québec, 2009, 254 pages.

Résumé et commenté parMarie Senécal Émond, t.s.

Il s’agit de la trente-neuvième parution dans la collection Problèmes sociaux et inter-ventions sociales, des Presses de l’Universitédu Québec, autrefois dirigée par Robert Mayer,de l’Université de Montréal, et maintenant par Henri Dorvil et Hélène Racine. L’auteure,assistante sociale et titulaire d’un doctorat en psychologie culturelle, est professeure de travail social à l’Université de Sherbrooke,depuis 1992. Elle est responsable du Réseauinternational de recherche sur l’immigration endehors des grands centres et s’intéresse particu-lièrement aux mobilités familiales et à l’accueildes immigrants dans les petites localités.Dans l’introduction, Michèle Vatz Laaroussi sedemande si la mobilité est un problème socialou un droit. En abordant cette question sousl’angle des mobilités secondaires, son ouvragepropose de comprendre différemment lesquestions d’intégration et de migration. Le livre est divisé en quatre chapitres : mobilités etimmigration, la transgression des frontières; lesréseaux immigrants à la jonction des territoireset de l’Histoire; la mobilité des familles immi-grantes en société d’accueil; de la mobilité à larésilience, place à l’intervention, pour conclurepar de la géographie symbolique à la géogra-phie politique.Chaque chapitre comporte de multiples sec-tions et sous-sections, bien répertoriées dans

la table des matières au début, qui permet un repérage facile pour quelqu’un qui veut utiliser l’ouvrage comme référence. La biogra-phie renvoie à des parutions récentes, tant enfrançais qu’en anglais, incluant seize articles ou livres de l’auteure.Le vaste tableau de l’immigration mondialeactuelle et les orientations politiques particu-lières au Canada et au Québec, qui désirentaugmenter le nombre d’immigrants, contraire-ment aux pays européens, sont bien expliquésdans le premier chapitre. Les descriptions desdifférents visages que peut prendre le migrantpour les résidents de souche, ainsi que les typesd’ouverture possibles des territoires à l’altéritésont une bonne façon, pour le lecteur, d’ancrerle sujet dans sa réalité.Le chapitre deux explore les réseaux d’immi-gration sous toutes leurs formes et se terminepar quatre types de rapport aux réseaux selonla façon de l’utiliser et de s’y insérer en fonctiondu pays d’origine. On trouve ainsi, ici et là, àtravers ce livre, plusieurs sections présentantun intérêt immédiat pour ceux qui travaillentavec des familles immigrantes.Le chapitre trois, particulièrement clair etréussi, traite de la mobilité des familles immi-grantes en société d’accueil. Cinq histoires,décrivant les étapes et le trajet de famillesd’origines très différentes, sont présentées. Les dynamiques et les stratégies familiales sontensuite décrites. Vient ensuite une tentative dedécoder trois types différents de famille, selonleur rapport à la mobilité et à la sédentarité.Le chapitre quatre offre plusieurs exemples de politiques et de pratiques de reconnaissancequi favorisent l’intégration tant du point de vuedes familles que des régions. Utile aux interve-nants sociaux, il est par ailleurs agrémenté derécits vécus et de vignettes illustrant des his-toires de résilience se passant dans un contexteinternational. Le concept de résilience estexpliqué dans ce même contexte.L’auteur conclut en espérant un enrichissementéventuel de la géographie symbolique et

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Intervention, la revue de lʼOrdre des travailleurssociaux et des thérapeutes conjugaux

et familiaux du Québec. Numéro 132 (2010.1) : 124-125.

Mobilité, réseaux et résilience : le cas des familles immigrantes et réfugiées au Québec, Piste de lecture

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peut-être même des transformations dans lagéographie politique. Je dirais que son livrecontribue à cet enrichissement éventuel enexplorant la mobilité d’une façon originale et constructive. L’originalité de l’approcheconsiste à situer dans la mobilité même lespersonnes et les populations dont il est ques-tion, en illustrant le tout par des récits d’his-toires vécues au Québec.

L’auteure dépeint un vaste panorama quienglobe et présente un certain nombre d’expé-riences vécues dans d’autres pays, surtout en France, en Belgique et en Suisse, et dansd’autres provinces du Canada, notamment leNouveau-Brunswick et l’Alberta. La mobilitéest très bien explicitée, de l’international à lamobilité régionale, du rural à la grande métro-pole, en passant par les retours au pays d’ori-gine. On considère beaucoup la famille,analysée sous l’angle des mobilités secondaireset des stratégies de citoyenneté et d’intégration.

L’approche théorique élaborée est allégée parles exemples et la grande variété des anglesd’approche des trois thèmes proposés : lamobilité, les réseaux et la résilience. Tout enrappelant, à la page 202, « que 97 % de la population mondiale ne migre pas, » l’auteuremet en évidence le mouvement complexe desmigrants, tant par ses descriptions des mouve-ments d’ensemble, que par l’analyse minu-tieuse des cas particuliers.

Le livre réussit particulièrement bien à expli-quer et à faire comprendre la mobilité soustoutes ses formes. Les réseaux spécifiques auximmigrants sont également bien décrits danstoute leur complexité. Toutefois, j’émets cer-taines réserves concernant l’emploi du conceptde résilience et des termes vecteurs et tuteursde résilience. L’auteur en fait un usage abon-dant. Ce concept devient synonyme de lacapacité à s’adapter et à fonctionner dans unnouveau milieu. Même si l’origine et l’évolu-tion du concept sont bien expliquées, il n’ajoutepas toujours une valeur explicative réelle à cequi est décrit.

Si ce volume est utile aux praticiens œuvrantdans ce domaine, à cause de sa façon d’envisa-ger la mobilité, il m’apparait surtout indispen-sable à quiconque veut alimenter une réflexionplus approfondie sur ce sujet.

Descripteurs :

Familles immigrantes – MobilitéImmigrants - Mobility

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de Claudette Guilmaine, travailleuse sociale, Éditions duCHU Sainte-Justine, Les éditions du CRAM, 2009, 424 pages.

Résumé et commenté parClaire Leduc, t.s., t.c.f.

Le maintien de l’engagement parental envivant une garde partagée concerne de plus en plus de parents et d’enfants. De plus, denombreux travailleurs sociaux, thérapeutesconjugaux et familiaux et médiateurs familiauxsont interpellés afin d’améliorer le fonctionne-ment de ces nouveaux systèmes familiaux.L’auteure Claudette Guilmaine, travailleusesociale et médiatrice, reprend le volume qu’ellea rédigé en 1989 sur ce sujet en nous présentantmaintenant une nouvelle édition revue et enrichie. Ce volume s’ouvre sur une préface de LorraineFilion, travailleuse sociale et médiatrice, chefdu Service de médiation et d’expertise auCentre jeunesse de Montréal et présidente del’Association internationale francophone desintervenants auprès des familles séparées.L’experte exprime une profonde gratitudeenvers l’auteure pour ce travail colossal; selonelle, ce document sur « un sujet brûlant d’ac-tualité (…) décrit avec lucidité les atouts et les écueils de la garde partagée » (p. 13).Le chapitre 1 est consacré à la définition de lagarde partagée dans différents pays en mettantl’accent sur « l’idée maîtresse qui est le main-tien du lien et de l’engagement des parentsdans le quotidien de l’enfant » (p. 28).Nuancée, l’auteure mentionne les travaux de lachercheure Francine Cyr qui émet des réservessur ce mode de vie pour certains enfants. Vous

y verrez également les avantages et les incon-vénients de ce type de garde ainsi que lesbonnes et mauvaises raisons de souhaiter le mettre en place.Le chapitre 2 « Le jugement de Salomon » meten lumière l’importance des motivations sous-jacentes aux choix des parents. L’auteureencourage à réviser régulièrement le plan degarde tout en soutenant l’apprentissage à lacoparentalité « afin d’éviter les gardes parallèlessans communication et en absence d’esprit decollaboration ». Avec l’appui de professionnelsexpérimentés comme Isabelle Côté, travailleusesociale, Louise Handfield-Champagne, psycho-logue, Doris Laverdière, médiatrice, et Jean-Claude Plourde, travailleur social et médiateur,elle illustre la complexité des enjeux postrup-ture et offre des pistes de solution concernantles situations plus conflictuelles. L’auteureexplique les opinions divergentes avec finesseet objectivité; elle souligne le piège de penserqu’un jugement de cour de garde partagée metnécessairement fin aux conflits parentaux.Les préalables à la garde partagée sont précisésau chapitre 3 tout en présentant des exempleset des contre-exemples. Le lecteur y trouveradifférents modèles de garde partagée. Auchapitre 4, des nuances concernant le bien-êtredes tout-petits s’avèrent fort instructives dansdes situations aussi délicates où la présence des pères doit être maintenue pour préserverles liens affectifs. Après ces moyens concrets d’application, lelecteur passe à une évaluation de cette pratiqueau chapitre 5. L’auteure y recueille, avec intelli-gence et empathie, des témoignages de parentsdont certains ont été revus après vingt ans devécu en garde partagée. Pour ce qui est destémoignages de jeunes, c’est au chapitre 15 que nous les retrouverons principalement. Au chapitre 7, Claudette Guilmaine partageavec sensibilité des notes du début de sonexpérience de garde partagée avec ses enfantsÈve-Marie et Mathieu. Ce touchant témoignageamène le lecteur à se rattacher à un modèlevécu pouvant servir de référence.

Vivre une garde partagée, une histoire d’engagement parental,

INTERVENTION No132126

Intervention, la revue de lʼOrdre des travailleurssociaux et des thérapeutes conjugaux

et familiaux du Québec. Numéro 132 (2010.1) : 126-128.

Piste de lecture

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À cette étape de la lecture, alors que de nom-breuses questions se posent dont certainesrestent sans réponse, l’auteure regroupe cellesqui sont le plus souvent posées. Par exemple,plusieurs portent sur les types de relation queles parents doivent maintenir, la proximitéentre les lieux de résidences des parents et cequ’il advient des adolescents qui ne désirentqu’un seul foyer.

Au chapitre 9, intervenants et parents aurontaccès à un coffre à outils bien garni : des listesexhaustives de précisions préalables, des sug-gestions de contenu pour le contrat, le calen-drier des séquences de garde, la confection ducahier parental et le mode de communicationau sujet de l’éducation, de l’organisation, de la santé et de l’argent.

Au chapitre 10, le lecteur découvre des moyensde se simplifier la vie au sujet d’élémentsconcrets comme les clés, les valises, le réseau, le transport, les règles parentales et les finances.

Les parents aspirant à la garde partagée trouveront au chapitre 11 un test d’autoévalua-tion, sûrement fort apprécié, leur permettant de réfléchir sur leur capacité de vivre cette situation.

Tout au long du livre, nous accompagnonsl’auteure. Au chapitre 12, elle nous fait partagerun autre niveau de réflexion, soit son point devue de mère. Claudette Guilmaine, de concertavec sa fille et son fils, fait une première rétros-pective. Elle y cite son fils : « la garde partagée,c’est ce qui peut nous arriver de mieux dans le pire ». À ces témoignages s’ajoutent ceux d’autres jeunes qui se sont parfois sentis coin-cés dans leur relation avec leurs parents.

Chaque début de chapitre est accompagnéd’une citation. Celle qui illumine le chapitre 13portant sur la famille recomposée est éloquente.« Entre peurs et espérance vacille la flamme denotre vie au seuil d’une ère nouvelle », deColette Nys-Mazure.

L’auteure déboulonne quelques mythes commel’amour instantané, l’égalité entre les enfants de l’un et de l’autre et propose des pistes deréponses à des questions comme « Est-ce qu’onest une vraie famille? » ou des commentairescomme « Pour qui tu te prends, t’es pas monpère, ma mère! » Suit une histoire de cas approfondie.

Enfin un volume où l’homoparentalité a sajuste place. Au chapitre 14, des propositionspour apprivoiser l’homosexualité de l’autreparent complètent un récit fort approprié.La maturité d’une travailleuse sociale comptelors de l’analyse d’un sujet aussi délicat. Ainsi,au chapitre 15, Claudette Guilmaine, avec unesagesse remarquable, évoque la relation qu’ellepeut maintenant avoir, après plusieurs années,avec le père de ses enfants et avec ceux-cidevenus adultes. D’autres bilans personnelss’ajoutent aux leurs.Au chapitre 16, Claudette Guilmaine présentedes experts de notre milieu dont elle s’estentourée. Des collègues comme GillesTremblay, travailleur social et spécialiste de la condition masculine, Pierrette Brisson,travailleuse sociale, médiatrice, formatrice auprogramme national des Centres jeunesse duQuébec et formatrice en Europe et en Amériquedu Sud, Anne Daviault, docteure en psycholo-gie et professeure à l’Université du Québec en Outaouais, et Denyse Côté, sociologue à la même université, font partie de sa mosaïque.Plusieurs spécialistes d’autres pays sont cités. À ce volumineux document de travail s’ajouteune bibliographie considérable fort pertinentepour les professionnels ou les parents désirantpousser leur recherche. Une liste exhaustivedes ressources sur l’internet constitue une mined’information pour le grand public. Les docu-ments audiovisuels mentionnés de même queles livres écrits à l’intention des enfants et desadolescents sont d’actualité.Les huit annexes se composent d’un contecharmant, d’une liste des attitudes des parentsséparés qui nuisent aux enfants, de quelquesexemples de partage du temps assortis decommentaires, de conseils pour les parents quitraversent une séparation, d’un questionnairepour les parents afin qu’ils réévaluent leursbuts et d’une liste des attitudes préventivespour éduquer les enfants.L’une des annexes comprend, mis en relief, le schéma synthèse illustrant la complexité des relations entre les facteurs qui ont uneinfluence sur l’adaptation de l’enfant audivorce de ses parents de Francine Cyr etGeneviève Carobene tiré d’un collectif dirigépar Marie-Christine Saint-Jacques, travailleusesociale, professeure et chercheure à l’Université

INTERVENTION No132 127

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Laval. Ces annexes comprennent égalementdes indicateurs du partage du temps et desresponsabilités parentales, pour les interve-nants qui évaluent ces situations.

C’est un ouvrage qui offre un guide nuancéaux professionnels de la famille ainsi qu’auxparents qui souhaitent réfléchir et être mieuxoutillés pour vivre cette transition familiale.Reposant sur des recherches universitaires, desétudes de cas minutieuses accumulées depuis20 ans, des témoignages de collègues expertsreconnus, une expérience personnelle bienintégrée, ces analyses nous amènent « au cœur du projet… l’amour des parents pourleurs enfants et la qualité de la relation aveceux » (p. 21).

Dès l’introduction, l’auteure fait une mise engarde : « Le parent qui opte pour cette formulese doit d’être aussi responsable que s’il assu-mait seul le bien-être de ses enfants tout enétant capable de partager sans crainte majeurecette responsabilité avec l’autre parent enalternance » (p. 22).

Impressionnant volume où s’allient l’intelli-gence et le cœur, la connaissance et l’art théra-peutique. Écrit dans une langue accessible, celivre fort bien documenté est un outil de toutpremier ordre pour ceux qui travaillent avecdes familles qui se questionnent sur la gardepartagée. Pour ceux qui la vivent, le chemine-ment de l’auteure est un baume pour les bles-sures du cœur et un repère dans les méandresaffectifs et organisationnels qu’une telle situation suppose.

Descripteurs :

Garde conjointe des enfantsJoint custody of children

INTERVENTION No132128

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de Jean Boudreau, Lise Poupart,Katia Leroux et Arlène Gaudreault,Association québécoise Plaidoyer-Victimes, 2009, 240 pages.

Résumé et commenté parIsabelle Côté, t.s.

Introduction à l’intervention auprès des victimesd’actes criminels est la nouvelle édition revue et augmentée d’un volume paru en 1986 sous le titre Guide d’intervention auprès des victimesd’actes criminels. L’Association québécoisePlaidoyer-Victimes, éditeur de ce nouvelouvrage, a bénéficié de la collaboration finan-cière du ministère de la Justice du Québec poursa réalisation. Nous nous empressons de sou -ligner le travail colossal qu’a nécessité, sansaucun doute, la mise à jour des 20 dernièresannées d’évolution de la victimologie et deslois et des services destinés aux victimes québé-coises. Les principaux auteurs, dont l’expertiseest bien reconnue dans le domaine de la victi-mologie, et leurs collaborateurs peuvent sevanter d’avoir relevé le défi avec brio.Ce livre se veut un outil de sensibilisation sur les besoins encore trop souvent méconnusdes victimes et sur les modes d’intervention àprivilégier pour leur venir en aide. Le contenude ce volume est rigoureux, très pédagogique,clairement énoncé et bien soutenu par unefacture hautement visuelle et attrayante. Dèsl’introduction, les auteurs interpellent directe-ment les connaissances des lecteurs par larubrique Le saviez-vous? Celle-ci contient des informations précises sur les besoins des victimes d’actes criminels. Ce procédé est récurrent pour tous les thèmes examinésdans les 15 chapitres du volume.

Globalement, l’ouvrage se divise en deuxgrandes parties qui présentent le contexte puisles modes d’intervention et les interventionsspécifiques. La première section est une sorted’initiation du travail à réaliser auprès desvictimes et rend compte des concepts de base et des préalables à l’intervention. Leschapitres 1 à 8 traitent, en effet, de la victimo -logie et de l’aide aux victimes, des réactions et des conséquences de la victimisation, desbesoins des victimes, des compétences pourintervenir auprès des victimes, des paramètresde l’intervention et de l’importance du premiercontact, de la relation d’aide, des victimes et du système judiciaire, et se terminent par desinformations liées à l’accès aux services les plus appropriés pour les victimes.

La deuxième section, soit les chapitres 9 à 15,nous introduit d’emblée dans l’univers desdivers problèmes sociaux auxquels sontconfrontées les victimes et qui commandentdes interventions spécifiques. Les auteursprésentent des problématiques telles que : laviolence conjugale, les agressions sexuelles, lamaltraitance des enfants, l’homicide, les aînésvictimes, la violence au travail et de nouvellesformes de crime comme le vol d’identité ou la cyberintimidation.

Les chapitres sont relativement courts, cinq àquinze pages, et l’on y retrouve pour chacunun plan spécifiant les éléments abordés, desphotos couleur symbolisant le propos et desencadrés faisant ressortir des textes, des sché-mas ou des organigrammes mettant en reliefdes points majeurs du texte. On retrouve égale-ment à la fin des chapitres un questionnaire(questions réponses) sur le contenu présenté,une brève conclusion et quelques référencesbibliographiques. Pour les chapitres de ladeuxième section, problèmes sociaux et inter-ventions spécifiques, les auteurs ont aussiintroduit une liste de ressources qui ne com-prend malheureusement pas les CSSS. Lamention de cette organisation n’apparaîtqu’une seule fois dans l’annexe 4. Est-ce un

Introduction à l’interventionauprès des victimes d’actes criminels,

INTERVENTION No132 129

Intervention, la revue de lʼOrdre des travailleurssociaux et des thérapeutes conjugaux

et familiaux du Québec. Numéro 132 (2010.1) : 129-130.

Piste de lecture

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oubli? Une méconnaissance des différentsservices disponibles aux victimes par le biaisdes CSSS?Soulignons que cet ouvrage comprend aussiune conclusion générale, une bibliographiedétaillée contenant des références récentes etquatre annexes très intéressantes. La premièreannexe, dans un format original et pratiqueporte sur l’évolution des lois et des servicesdestinés aux victimes au Québec et au Canada;la seconde contient la déclaration canadiennede 2003 sur les principes fondamentaux dejustice relatifs aux victimes de la criminalité; latroisième annexe est un glossaire qui contient la définition des nombreux termes employéstout au long du livre; la quatrième et dernièreannexe est une médiagraphie exhaustive dessites Web utiles pour les victimes d’actes criminels et, nous nous permettons d’ajouter,pour les intervenants et les proches qui les accompagnent.Ce guide peut se targuer d’être un ouvrage debase et de référence. Son propos est empreintde rigueur, bien vulgarisé et jamais aride. Ils’avère de consultation facile et les repèresgraphiques contribuent à stimuler l’intérêt dulecteur. Outre les étudiants du collégial dans le cadre des différentes techniques sociales ouencore ceux qui entreprennent leur formationuniversitaire (ex. : service social, criminologie,psychoéducation, etc.), les intervenants sociauxet le grand public conviendront rapidement deson utilité et de sa pertinence. À sa façon, cetoutil de sensibilisation prête une voix auxvictimes… Souhaitons maintenant qu’il nefaille pas attendre encore 20 ans pour sa mise à jour.

Descripteurs :

Victimes d’actes criminelsVictimes of crimes

INTERVENTION No132130

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INTERVENTION No132 131

Politique éditorialeLa revue Intervention est publiée deux fois parannée par l’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux duQuébec (OTSTCFQ). Elle est destinée tant auxintervenants, aux chercheurs, aux enseignantsqu’aux étudiants en travail social et en thérapieconjugale et familiale. La revue est distribuéegratuitement aux membres de l’OTSTCFQ et il est possible de s’abonner ou d’en acquérir desexemplaires en faisant la demande par courrielà : <[email protected]> ou partéléphone aux numéros 514 731-3925 ou sans frais 1 888 731-9420.Son objectif est de contribuer à l’amélioration dela pratique et à l’avancement des connaissancesdans les différents champs d’exercice profession-nel des travailleurs sociaux et des thérapeutesconjugaux et familiaux. Les articles publiéstouchent des questions de fond sur les plans professionnel et scientifique, traitent de manièredocumentée de questions d’actualité importantes,mettent en évidence et font l’analyse de nouveauxmodes de pratique et d’expériences novatricesintéressantes pour le développement des pratiquesprofessionnelles.Le comité de la revue Intervention a retenu uncertain nombre de critères à partir desquels se faitl’évaluation des articles qui lui sont soumis.

Contenu :

Originalité, rigueur logique et méthodologique,actualité, respect de l’éthique, documentationadéquate, contribution au domaine du servicesocial québécois.

Forme :

Clarté, cohérence, qualité de la langue écrite, styleapproprié au contenu de la revue et au sujet traité.La revue Intervention accepte des articles inédits,lesquels sont publiés dans la langue originale. Lesauteurs qui soumettent un texte s’engagent à nepas le présenter ailleurs avant d’avoir reçu ladécision du comité de la revue Intervention.Les textes doivent être tapés à double interligne12 points et compter au maximum 35 000 carac -

tères (20 pages) pour un article de fond ou aumaximum 26 000 caractères (15 pages) pour unautre type d’article, en incluant les notes et lesréférences. L’auteur fera parvenir son texte parcourriel à <[email protected]>.

Ce courriel devra contenir deux fichiers distincts.

• Le texte comme tel;et

• une fiche personnelle de l’auteur comprenantles renseignements suivants : le nom del’auteur, son adresse, ses numéros detéléphone et de télécopieur, son courriel,ainsi que son statut professionnel, c’est-à-direson titre d’emploi ainsi que le nom etl’adresse de son employeur.

Les textes qui ne sont pas conformes à l’une deces exigences seront retournés aux auteurs.

Tous les articles sont soumis de façon anonyme àtrois lecteurs du comité de la revue qui en fontune évaluation. Par la suite, la décision de publierou de refuser un article est prise par le comité dela revue qui peut au besoin consulter des expertsexternes.

L’Ordre des travailleurs sociaux et desthérapeutes conjugaux et familiaux du Québecoffre aux auteurs un exemplaire gratuit dunuméro d’Intervention auquel ils ont contribué.

Pour obtenir d’autres informations oupour soumettre un article, veuillez vousadresser au :

Coordonnateur de la revue InterventionOrdre des travailleurs sociaux et desthérapeutes conjugaux et familiaux du Québec255, boulevard Crémazie Est, bureau 520Montréal (Québec) H2M 1M2Téléphone : 514 731-3925, poste 228Ligne sans frais : 1 888 731-9420Télécopieur : 514 731-6785Courriel : [email protected] Web : www.optsq.org

NB Un Guide de rédaction est disponible sur demande.

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Intervention Journal is published twice a year bythe Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutesconjugaux et familiaux du Québec (OTSTCFQ). Itscontents are of interest to professionals active inthe various areas of social work, including fieldworkers, researchers, and teachers as well asstudents in social work and couples and familytherapy. It is distributed free of charge to mem-bers of the OTSTCFQ and is also available bysubscription. Copies can be requested by email at <[email protected]> or by calling514 731-3925 or toll-free 1 888 731-9420.This publication seeks to contribute to theongoing improvement of professional practicesand the advancement of knowledge in the variousareas of practice involving social workers, andcouples and family therapists. Its articles dealwith fundamental professional and scientificmatters, address major current issues withcorroborating documentation, present andanalyze new practice methods and innovativeexperiments of interest for the development ofprofessional practices.The evaluation of the articles submitted to theEditorial Committee is based on the followingcriteria:Contents:

Originality, rigorous logical development andmethodological approach, topicality, respect forethics, adequate documentation, contribution tothe field of social work in Québec.Style:

Clarity, consistency, quality of the writing, style’ssuitability to the subject matter and the publi -cation’s overall contents.Intervention accepts original articles in French andEnglish. English articles are published in English.Authors submitting a manuscript agree to refrainfrom submitting it elsewhere before receiving thedecision of Intervention’s Editorial Committee.All manuscripts submitted to Intervention must betyped double-spaced in 12-point font with amaximum of 35,000 characters (20 pages) for alead article or a maximum of 26,000 characters

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N.B. A guide to assist writers in preparing articlesfor Intervention is available upon request.

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INTERVENTION No132 133

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La revue est distribuée gratuitement aux membres de l’OTSTCFQ et aux étudiants associés.The magazine is distributed free of charge to the Members of the OTSTCFQ and also to associated students.

Vous pouvez vous procurer une édition déjà publiée en écrivant à <[email protected]>.Previous issues are available upon request at <[email protected]>.

THÈMES À VENIR

Le comité de la revue souhaite vous faire part des thèmes qui feront l'objet des prochains numéros :

• Recherche, créativité et solidarité en travail social de groupe (décembre 2010)

• À travers les âges… les soins en fin de vie (juin 2011)

Nous invitons tous les travailleurs sociaux et tous les thérapeutes conjugaux et familiaux à nous soumettre des articles.

Pour tout projet d’article relié à ces thèmes ou sur d’autres sujets, communiquez à <[email protected]>afin d’obtenir un exemplaire du Guide de rédaction d’articles.

Consultez le site Web de l’OTSTCFQ pour les appels de contributions ou pour connaître les dates de publication desprochains numéros à <www.otstcfq.org/fr/docs/public_communication_publication>.

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INTERVENTION No132134

« À travers les âges… les soins en fin de vie »En avril 2010, la députée Francine Lalonde du Bloc Québécois, déposait le projet de loi C-384 – Loi modifiant le Codecriminel (droit de mourir dignement), qui fut rejeté par une forte majorité le 29 avril 2010. Cette démarche s’inscrit enparallèle aux travaux parlementaires de la Commission spéciale de la santé et des services sociaux de l’Assemblée nationale du Québec sur le droit de mourir dans la dignité, commencés en février 2010. Dès la fin de l’été 2010, laCommission mènera une large consultation générale auprès de la population québécoise pour rédiger ensuite un document de réflexion. La couverture médiatique de ces événements a mis en évidence les positions polarisées de citoyens et citoyennes, d’organismes publics et parapublics et de groupes d’intérêt, liées aux réalités complexes et contro-versées qui entourent les soins en fin de vie. Ce débat a lieu également dans certains pays européens et chez nos voisins du Sud. Déjà, les Pays-Bas (2001), la Belgique (2002) et le Luxembourg (2009) ont adopté une loi permettant aux personnesen fin de vie et répondant à des critères spécifiques de mourir dignement avec l’aide d’un médecin1. L’un de ces critères, etcertainement le plus important, est la demande explicite du patient. Ces nouvelles réalités supposent une démarche éthiqueintense afin de guider les décisions juridiques, politiques et médicales les plus appropriées et les plus respectueuses desbesoins des personnes en fin de vie.Nous saisissons donc l’occasion d’explorer le sujet sous ces multiples facettes et invitons les travailleurs sociaux et lesthérapeutes conjugaux et familiaux à soumettre d’ici le 31 janvier 2011 des articles pour le numéro 134. Ce numéro aurapour thème l’accompagnement des mourants et les soins en fin de vie.La réflexion entourant les soins en fin de vie ou les soins nécessaires aux personnes mourantes touche directement la réalité du vieillissement des populations, mais également d’autres personnes. La maladie, la souffrance physique et morale et finalement la mort peuvent survenir à tous les âges de la vie, sans discrimination. Bien qu’inhérente à la vie, lamort, particulièrement dans nos sociétés occidentales, demeure encore aujourd’hui un sujet tabou, une source de malaise à laquelle les divers professionnels sont confrontés et souvent ambivalents. Dans le mémoire présenté à la Commissionspéciale en février 2010, le Collège des médecins du Québec pose trois questions importantes, celles de l’intensité de soins,de l’euthanasie et du suicide assisté. Ces trois grands axes nous permettent d’élargir notre perspective (ou débat) autourdes personnes présentant des « conditions chroniques complexes », qu’elles aient été acquises à la naissance ou au cours de la vie. Chaque jour, des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux soutiennent enfants, adolescents, adultes et aînés lors de cette dernière étape de leur vie. Ils les accompagnent ainsi que leurs familles à travers les différentes options qui leur sont offertes : mourir à l’hôpital ou chez soi, dans un centre de soins palliatifs ou dans unemaison consacrée aux soins de fin de vie? Comment accompagne-t-on les individus et les familles? Comment s’effectuentles soins et le travail dans les services de soins palliatifs? Quelles sont les approches et les thérapies utilisées? Existe-t-il des expériences novatrices? Comment le travail interdisciplinaire se réalise-t-il? Comment s’inscrivent les dimensionsculturelles et spirituelles dans l’intervention offerte? Dans un contexte de pluralité ethnique, est-ce que la mort ou les soins en fin de vie sont vécus différemment?En regard du débat sur l’euthanasie ou le suicide assisté, la société et les lois changent. Le contexte social et politique nous conduit à revoir les enjeux philosophiques et éthiques qui entourent l’euthanasie, tout en tenant compte des droitsindividuels et collectifs. La notion de choix est au cœur de ce périlleux débat, la notion d’aptitude, d’inaptitude et deconsentement aussi. Qui décide et surtout qui décidera lorsque je ne serai plus en mesure de le faire…? Que fait-on de ceux et celles qui ne sont pas en mesure de décider, qui ont des maladies chroniques sans possibilité de guérison ou de cespersonnes polyhandicapées ou multihandicapées ayant des incapacités cognitives et physiques sévères et permanentes?Comment s’effectue le processus de décision avec les néonatologues et les équipes soignantes? Est-ce que le système desanté et ses ressources sont en mesure de répondre adéquatement aux besoins des personnes malades et d’offrir l’aideadéquate? Comment s’articule le soutien aux proches aidants? Ce ne sont que quelques questions parmi toutes celles quis’inscrivent au cœur de nos pratiques et remettent en question nos valeurs personnelles et professionnelles.Les questionnements que nous vous proposons sont loin de couvrir le thème entourant les soins en fin de vie. En tant quepraticiens, praticiennes et chercheurs, chercheuses, vous avez certainement votre angle et vos perspectives uniques. Nousvous invitons, à travers ce numéro thématique, à les partager avec nous.Au plaisir de vous lire bientôt.

Louise Provost, t.s., et Isabelle Côté, t.s.Pour le comité de la revue Intervention

DATE LIMITE POUR SOUMETTRE LES ARTICLES : LE 31 JANVIER 2011

Claude Larivière, t.s., coordonnateurOrdre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec255, boulevard Crémazie Est, bureau 520Montréal (Québec) H2M 1M2Tél. : 514 731-3925, poste 228; sans frais 1 888 731-9420Courriel : [email protected]

NoteFrancine Lalonde – Députée bloquiste de La Pointe-de-l’Île, Projet de loi C-384 – Pour le droit de mourir dignement, Le Devoir, 15 avril 2010.

Appel de contributionsRevue Intervention NUMÉRO 134 (2011.1)

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INTERVENTION No132 135

Call for contributionsIntervention JournalISSUE NO. 134 (2011.1)

“Through the ages…end-of-life care”In April 2010, Bloc Québecois MP Francine Lalonde tabled proposed Bill C-384 — a law amending the criminal code (right to die with dignity), which was rejected by a strong majority on April 29, 2010. This measure was concurrent with the parliamentary work of the Québec National Assembly’s Special Health and Social Services Commission on the right to die with dignity, whose work began in February 2010. By the end of the summer of 2010, the Commission will conductextensive general consultations of Quebecers then draft a document for reflection. Media coverage of this issue has show-cased the polarized positions of citizens, public and parapublic organizations and special interest groups on the complexand controversial realities surrounding end-of-life care. This debate is also being conducted in some European countries as well as by our neighbours to the south. Already, the Netherlands (2001), Belgium (2002) and Luxembourg (2009) haveadopted a law allowing individuals in their final days and meeting specific criteria to die with dignity with the assistanceof a physician1. One of these criteria, and certainly the most important, involves a specific request from the patient. Thesenew realities presuppose an intensive ethical approach making it possible to guide the most appropriate legal, political and medical decisions in a manner that best respects the needs of persons in their final stages of life.We are making the most of this opportunity to explore the various facets involved in this issue, and invite social workers as well as marriage and family therapists to submit articles for publication in issue number 134. The theme of this issue will be accompaniment of the dying and end-of-life care.The reflection process surrounding end-of-life care or the care required by dying persons is not only directly related to the realities of our aging population but to other persons as well. Disease, physical suffering and emotional distress, andultimately death can occur at any age, without discrimination. While inherent to life, death, particularly in our westernsociety, remains a taboo subject to this day — a source of unease with which various professionals are confronted, oftengiving rise to ambivalent feelings. In a memorandum presented to the Special Commission in February 2010, the QuébecCollege of Physicians asked three important questions relating to the intensity of care, euthanasia, and assisted suicide.These three key axes allow us to broaden our perspective (or open up the debate) around persons with “complex chronicconditions, whether these existed at birth or developed during the course of a person’s life.Every day, social workers and marriage and family therapists support children, teenagers, adults and seniors in their finalstage of life. They accompany them and their families through various available options: dying at the hospital or at home,in a palliative care centre or a home dedicated to end-of-life care. How do you accompany individuals and their families?How is care dispensed and work carried out in palliative care units? What approaches and therapies are used? Are innova-tive experiments being carried out? How is interdisciplinary work conducted? How are cultural and spiritual dimensionsaddressed by the interventions offered? In a pluralistic ethnic context, are death or end-of-life care experienced differently?With regards to euthanasia or assisted suicide, society and laws are changing. The social and political context requires us to review the philosophical and ethical stakes surrounding euthanasia in relation to individual and collective rights. Thenotion of choice is at the heart of this perilous debate, as are the notions of capacity, incapacity and consent. Who decidesand, more importantly, who will decide when I am no longer able to do so for myself…? And what about those who are not capable of deciding, who have chronic illnesses without possibility of recovery or multi-handicapped persons withsevere permanent cognitive and physical disabilities? How does the decision-making process unfold in the case of neona-tologists and treatment teams? Can the health care system and its resources adequately meet the needs of sick persons andoffer them adequate help? What form does support to their caregivers take? These are but a few of the many questionsinvolving our practices as well as our personal and professional values.The questioning process we propose can hardly cover the complete theme surrounding end-of-life care. As practitionersand researchers, you certainly have your own perspective and your own unique take on the issue. We invite you, throughthis thematic edition, to share them with us.Looking forward to reading your contributions.

Louise Provost, S.W. and Isabelle Côté, S.W.For the Intervention Journal Committee

DEADLINE FOR SUBMITTING ARTICLES: JANUARY 31, 2011

Claude Larivière, S.W., CoordinatorOrdre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec255 Cremazie Blvd. East, Suite 520Montreal, Quebec H2M 1M2Tel.: 514 731-3925, ext. 228; toll-free 1 888 731-9420Email: [email protected]

NoteFrancine Lalonde – Bloc MP for La Pointe-de-l'Île, « Projet de loi C-384 - Pour le droit de mourir dignement », (Bill C-384 – For the right to die with dignity) Le Devoir, April 15, 2010.