Économie et Statistique · 2020-04-17 · Économie et Statistique Numéro 474 - 2014 ÉCONOMIE 5...

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Économie et Statistique Numéro 474 - 2014 ÉCONOMIE 5 Le produit intérieur brut par habitant sur longue période HQ )UDQFH HW GDQV OHV SD\V DYDQFニV OH UムOH GH OD SURGXFWLYLWニ et de l’emploi Les hiérarchies de PIB par habitant entre pays, qui placent les États-Unis au premier rang pendant la plus grande partie du XX e VLqFOH VRQW LQタXHQFpHV SDU OD SURGXFWLYLWp JOREDOH GHV facteurs et l’intensité capitalistique, mais aussi par les écarts de taux d’emploi et de durée PR\HQQH GX WUDYDLO Antonin Bergeaud, Gilbert Cette et Rémy Lecat RETRAITES - DÉPENDANCE 35 Dans quelle mesure les préférences individuelles contraignent-elles OH GニYHORSSHPHQW GX PDUFKニ GH OpDVVXUDQFH GニSHQGDQFH " L’analyse des données issues de l’enquête Pater/Pated PRQWUH TXH OHV SUpIpUHQFHV LQGLYLGXHOOHV REVHUYpHV GDQV OD SRSXODWLRQ SHXYHQW IUHLQHU OD GHPDQGH GカDVVXUDQFH GpSHQGDQFH FH TXL SRXUUDLW OLPLWHU OD SDUWLFLSDWLRQ GX PDUFKp GH OカDVVXUDQFH DX ソQDQFHPHQW GH OD SHUWH GカDXWRQRPLH Roméo Fontaine, Manuel Plisson et Nina Zerrar 'XUニH SDVVニH HQ FDUULナUH HW GXUニH GH YLH HQ UHWUDLWH TXHO SDUWDJH GHV JDLQV GpHVSニUDQFH GH YLH " /HV UpIRUPHV VXFFHVVLYHV GX V\VWqPH GH UHWUDLWH RQW DXJPHQWp OカkJH GH GpSDUW HQ UHWUDLWH HQ UpSRQVH j OカDOORQJHPHQW GH OD GXUpH GH YLH VDQV WRXWHIRLV JDUDQWLU OD VWULFWH VWDELOLWp GX UDSSRUW HQWUH GXUpH WUDYDLOOpH HW GXUpH HQ UHWUDLWH HQWUH JpQpUDWLRQV Patrick Aubert et Simon Rabaté 97 &RPPHQWDLUH GH &KULVWRSKH $OEHUW HW -HDQ%DSWLVWH 2OLYHDX 3UpGLUH OカkJH HW OD GXUpH GH OD UHWUDLWH OHV HQVHLJQHPHQWV GHV GLIIpUHQWV PRGqOHV VRQWLOV FRQYHUJHQWV " MÉTHODES 0HVXUHV GH OD FRQFHQWUDWLRQ VSDWLDOH HQ HVSDFH FRQWLQX théorie et applications 3RXU pYDOXHU OカDJJORPpUDWLRQ GHV DFWLYLWpV pFRQRPLTXHV OH UHFRXUV j GHV PHVXUHV VWDWLVWLTXHV GpソQLHV HQ HVSDFH FRQWLQX HVW GH SOXV HQ SOXV FRPPXQ &HW DUWLFOH PpWKRGRORJLTXH PRQWUH l’importance du choix de la mesure pour répondre correctement aux enjeux économiques SRVLWLIV HW QRUPDWLIV DVVRFLpV Éric Marcon et Florence Puech 133 RÉSUMÉS – SUMMARIES – ZUSAMMENFASSUNGEN – RESÚMENES

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Économie et StatistiqueNuméro 474 - 2014

ÉCONOMIE

5 Le produit intérieur brut par habitant sur longue période

et de l’emploiLes hiérarchies de PIB par habitant entre pays, qui placent les États-Unis au premier rang pendant la plus grande partie du XXe

facteurs et l’intensité capitalistique, mais aussi par les écarts de taux d’emploi et de durée

Antonin Bergeaud, Gilbert Cette et Rémy Lecat

RETRAITES - DÉPENDANCE

35 Dans quelle mesure les préférences individuelles contraignent-elles

L’analyse des données issues de l’enquête Pater/Pated

Roméo Fontaine, Manuel Plisson et Nina Zerrar

Patrick Aubert et Simon Rabaté

97

MÉTHODES

théorie et applications

l’importance du choix de la mesure pour répondre correctement aux enjeux économiques

Éric Marcon et Florence Puech

133 RÉSUMÉS – SUMMARIES – ZUSAMMENFASSUNGEN – RESÚMENES

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ÉCONOMIE

Le produit intérieur brut par habitant sur longue période en France et dans les pays avancés :le rôle de la productivité et de l’emploiAntonin Bergeaud *, Gilbert Cette ** et Rémy Lecat ***

Sur la période 1890-2012, le produit intérieur brut par habitant a connu une très forte progression dans les pays avancés, principalement grâce à l’augmentation de la pro-ductivité globale des facteurs (PGF) et de l’intensité capitalistique. Cette progression,

effets ne sont pas nécessairement identiques d’un pays à l’autre.

Les hiérarchies de PIB par habitant entre pays, qui placent les États-Unis au premier rang pendant la plus grande partie du XXe -talistique mais aussi par les écarts de taux d’emploi et de durée moyenne du travail. Un fort contraste apparait depuis le milieu des années 1970 concernant la contribution du facteur travail entre les pays anglo-saxons, dont principalement les États-Unis, et les autres, en particulier européens. Du milieu des années 1970 jusqu’au milieu des années 1990, cette contribution diminue dans les seconds vis-à-vis des États-Unis, ce qui contribue à abaisser le niveau relatif de PIB par habitant. Cette évolution s’inverse en partie dès le milieu des années 1990, en particulier du fait de l’augmentation du taux d’emploi des seniors.

Sur l’ensemble de la période, le PIB par habitant augmente en France dans les mêmes proportions que dans la zone euro reconstituée. Mais la position française se dégrade relativement à la zone euro du milieu des années 1970 au milieu des années 1990 en raison d’une baisse relative du taux d’emploi. Depuis le milieu des années 1990, la stabilité de la situation française par rapport à l’ensemble de la zone euro résulte d’une baisse relative du PIB par habitant de l’Italie qui compense une hausse relative de celui de l’Allemagne. Les écarts avec l’Allemagne résultent largement des dynamiques diffé-rentes des taux d’emploi.

Codes JEL : N10, O47, E20.

Mots-clés : PIB par habitant, productivité, convergence, changement technologique, histoire mondiale.

* Banque de France et École Polytechnique.** Banque de France et Université Aix-Marseille (Aix-Marseille School of Economics), CNRS et EHESS. *** Banque de France.

remercions chaleureusement deux référés anonymes de la revue.

Rappel :

Les jugements et opinions exprimés par les auteurs n’engagent qu’eux mêmes, et non les institutions auxquelles ils appartiennent, nia fortiori l’Insee.

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L es comparaisons internationales de niveau de vie restent très souvent conduites à

partir d’indicateurs de PIB par habitant. Cette approche est évidemment réductrice : elle ne s’intéresse qu’à une dimension du niveau de vie, elle ne concerne que la situation moyenne des habitants sans prendre en compte la dispersion de leurs situations, elle laisse de côté la question de la soutenabilité de ce niveau de vie ainsi que celle de l’arbitrage possible entre niveau du PIB par habitant et loisirs ou travail non marchand. Ces carences ont donné lieu à une abondante lit-térature explorant divers types d’alternatives au PIB : indices composites, mesures directes du bien-être subjectif ou encore PIB « corrigés »d’un certain nombre de composantes non direc-tement monétaires du bien-être1. Le rapport de la Commission Stiglitz, Sen et Fitoussi (2009) a

(pour une synthèse, voir Simon, 2009) et ces propositions font l’objet d’une prise en compte progressive. Mais la comparaison des niveaux de PIB par habitant reste néanmoins un exer-cice utile. Même si le PIB ne mesure que très imparfaitement le niveau de vie ou le niveau de bien-être, il est une de leurs composantes et mérite d’être examiné à ce titre, ou en tant que mesure de l’activité économique globale, ce qui reste sa vocation principale.

La littérature économique consacrée à la com-paraison internationale des niveaux ou des évo-lutions de ce PIB par habitant a principalement abordé deux questions non indépendantes : celle de la convergence entre pays des niveaux de PIB par habitant et celle des facteurs de sa croissance (pour une synthèse, cf. Islam, 2003). De nombreux travaux ont constaté que les niveaux de PIB par habitant ne convergent pas nécessairement entre pays (voir par exemple Baumol, 1986, ou Barro, 1991). En d’autres termes, les pays à bas niveau de PIB par habitant ne convergent pas nécessairement vers les niveaux des pays les plus développés, et ils peuvent même s’en éloigner durant de longues périodes. La littérature a caractérisé de nombreux facteurs de croissance du PIB par habitant et de convergence des pays les moins avancés sur les plus avancés. Elle accorde généralement un rôle central aux facteurs institutionnels et éducatifs (voir par exemple Barro, 1991 ; Barro et Sala-I-Martin ; 1997 ; la synthèse de Cette et al., 2008, et, pour des évaluations récentes, Aghion et al., 2008, ou Madsen, 2010a et 2010b). Les facteurs ins-titutionnels correspondent par exemple à la défense des droits de propriété, aux régulations des marchés du travail, des biens, des services

La dimension éducative correspond au niveau d’éducation de la population en âge de tra-vailler. L’innovation technologique et le pro-grès technique lui-même dépendent de ces facteurs institutionnels et éducatifs (cf. par exemple Aghion et Howitt, 1998, 2006 et 2009). Crafts et O’Rourke (2013) suggèrent d’ailleurs que le rôle des facteurs institution-nels sur la croissance des principaux pays industrialisés se serait accru sur les dernières décennies. Concernant les seuls États-Unis, Gordon (2012, 2013, 2014) souligne que la croissance du niveau de vie moyen de la plus grande partie de la population sera largement contrariée au cours des prochaines décennies par l’émergence de six « vents contraires » (headwinds) : le vieillissement de la popula-tion, qui pèsera sur le taux d’activité moyen de la population totale, le plafonnement du niveau d’éducation de la population en âge de travail-ler – notamment en raison du coût des études universitaires – , l’augmentation des inégali-

qu’à une part réduite de la population, les niveaux élevés d’endettement et la nécessité d’un désendettement des ménages et des admi-nistrations publiques, la globalisation – en rai-son de ses effets sur la distribution des revenus

-tions liées à la soutenabilité environnementale de la croissance. 1

Le but principal de cette étude est de remettre ces constats ou pronostics en perspective en revenant sur plus d’un siècle d’évolutions du PIB par habitant dans les principaux pays industrialisés. La période couverte s’étendra de 1890 à 2012 et on s’intéressera à 13 pays indus-trialisés : les pays du G7 (États-Unis, Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie et Canada) et six autres pays importants par leur taille (Espagne, Australie, Pays-Bas) ou par

Par ailleurs, une zone euro est reconstituée en agrégeant l’Allemagne, la France, l’Italie, l’Es-pagne, les Pays-Bas et la Finlande, ces six pays représentant ensemble environ 84 % du PIB de la zone euro de 20122. Les frontières de ces pays

aux frontières actuelles. À l’intérieur de la période analysée, on retient quelques dates qui paraissent particulièrement pertinentes : 1890,

Fleurbaey et Gaulier (2009).2. Dans la suite, nous utiliserons le terme de « zone euro » pour

la zone euro.

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PIB par habitant sur longue période

le début de la disponibilité de nos données ;1913, juste avant la Première Guerre mondiale ;1950, quelques années après la Seconde Guerre mondiale, ce qui permet d’intégrer les efforts de reconstruction et de reconstitution des capaci-tés de production détruites ou désorganisées par

lorsque se dessine une accélération de l’impact des TIC aux États-Unis. 2012 est retenu comme terme de l’analyse. Les données proviennent principalement de Bergeaud et al. (2014) et sont présentées dans l’encadré 1.

Tableau Sources des données historiques utilisées dans la construction des séries de PIB par habitant et de PGF

Pays PIB Investissement Emploi Heures travaillées

Allemagne Bolt et al. -tant à jour Maddison

Australie Bolt et al.

Canada Bolt et al. Historical Canadian Macroeconomic Dataset

Historical Statistics of Canada

Espagne Les données de l’Italie

États-Unis Bolt et al.

Finlande Bolt et al.

France

Italie Broadberry et al.

Japon Bolt et al.

Norvège Bolt et al. Historical National Accounts

Pays Bas Bolt et al. Smits et al.et Groote et al.

Smits et al. et Tweehonderd jaar statistiek in tijdreeksen 1800-1999.

Royaume-Uni Bolt et al. Feinstrein et al.

Suède Bolt et al. Swedish Historical National Accounts 1800-2000.

Swedish Historical National Accounts 1800-2000.

Lecture : Ce tableau détaille les sources historiques mobilisées pour la rétropolation des séries de comptabilité nationale. Dans le cas de la France, les données historiques de PIB sont, par exemple, tirées de Villa (1994).Source : Bergeaud et al. (2014).

LES SOURCES DES DONNÉES UTILISÉES

Les données utilisées dans cette étude concernent treize

et correspondent aux frontières actuelles (les sources utilisées reconstituent les pays à frontières constantes

sur la base d’informations locales disponibles ou sinon

permet de traiter le cas de pays dont les frontières ont fortement évolué comme l’Allemagne ou qui n’ont pas continument existé sur l’ensemble de la période de notre

annuel moyen sont reprises de Bergeaud et al.Nous en résumons les principales caractéristiques. Les sources utilisées sont par ailleurs précisées dans le tableau ci-dessous.

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-

sont ensuite complétées en mobilisant dans la plupart des cas les données historiques de Bolt et al.

-la méthode d’inventaire permanent en utilisant l’in-

constant dans le temps. Deux types de capital pro-ductif sont distingués : le capital bâtiment et le capital

et aux grandes catastrophes naturelles sont pris en compte à partir de travaux de plusieurs historiens.

de comptabilité nationale sont complétées par des données historiques issues de plusieurs sources :

et al.

-

de compléter les données des comptabilités natio-

-Conference Board (Total Economy Database

de compléter celles fournies par l’OCDE. Maddison

années correspondent à celles que nous étudions

le capital productif sont converties en dollars US de

L’indice utilisé pour cela est celui des Penn World Tables. Il faut souligner que les comparaisons de niveaux de PIB par habitant sont particulièrement sen-sibles à la date de référence du taux de conversion ; les dates précises de rattrapage et les niveaux relatifs peuvent varier selon la référence choisie. Plusieurs autres évaluations de taux de conversion PPA sont

L’utilisation des taux de conversion des Penn World Tables demeure néanmoins le choix recommandé pour des analyses macroéconomiques.

Au-delà des données reprises de Bergeaud et al.

concernant la population totale et la population en âge de travailler supposée correspondre à celle âgée de

-

complétées par celles de Bolt et al. -

-sont reprises de l’OCDE et issues des Labor Force SurveyNous n’avons pas utilisé de données historiques pour cette variable démographique car la fourchette

part de la population en âge de travailler lorsque l’on

des variations dans le temps de l’âge légal de travail des enfants ou des systèmes de retraite.

Le tableau ci-dessus donne les sources historiques utilisées pour chaque pays et pour chacune des quatre

en utilisant des données issues des comptabilités nationales complétées en utilisant les taux de varia-tion en volume issues d’estimations historiques. Les années à partir desquelles la transition entre compta-bilité nationale et données historiques se fait varient selon les pays et se situent généralement dans les

Au-delà de la mobilisation des données indiquées -

tion a été nécessaire pour compléter les éventuelles

consulter l’Annexe de Bergeaud et al., -

prise en compte des destructions de capital se pro-duisant lors des guerres (guerres mondiales et guerre

--

les pays concernés.

-

de son capital pendant la totalité de la Seconde Guerre

démontages d’usines qui sont principalement interve--

base de données relatives à l’intensité des bombarde-

-

France -

la première et la Seconde Guerre mondiale. Nous avons converti ses données pour les adapter à notre modèle. Ceci conduit à des destructions d’environ

Guerre mondiale (avec une légère augmentation à

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PIB par habitant sur longue période

L’analyse des évolutions et des écarts entre pays du PIB par habitant s’appuie sur une décomposition comptable faisant apparaitre les contributions de la productivité globale des facteurs (PGF), de l’intensité capitalis-tique (ces deux composantes déterminant la productivité du travail), du taux d’emploi de la population totale et de la durée moyenne du travail des employés. Sur la période récente, à partir du premier choc pétrolier, on distinguera également dans la contribution du taux d’emploi global les sous-contributions de la part relative et du taux d’emploi de la popu-lation en âge de travailler (ici la population âgée de 15 à 64 ans).

Au total, la contribution de cette étude est principalement de trois ordres : elle est menée sur un large ensemble de pays, sur longue période et en utilisant la PGF dans la décom-position comptable. Ce travail a été rendu possible par la constitution minutieuse d’une base de données de séries macroéconomiques permettant de comparer les pays entre eux sur plus de 120 ans. Les évolutions du PIB par habitant dans les différents pays et zones sont tout d’abord commentées en caractérisant leurs grandes variations, puis en décomposant les principaux facteurs de ces évolutions. Les convergences ou divergences des niveaux de PIB par habitant sont ensuite analysées, tout d’abord en comparant les niveaux de PIB par habitant des différents pays par rapport à celui des États-Unis, le plus élevé à l’exception du cas très particulier de la Norvège, puis en décomposant les facteurs d’évolutions de ces

en analysant sur la période la plus récente (depuis 1975) le rôle plus particulier du fac-teur travail.

Les évolutions du PIBpar habitant sur longue période

D e 1890 à 2012, le PIB par habitant a pro-gressé en moyenne de 1,8 % par an en

France, 2,0 % aux États-Unis, 2,6 % au Japon et 1,5 % au Royaume-Uni, à partir de niveaux de départ très différents. Néanmoins, cette pro-gression a été très irrégulière sur la période et très hétérogène entre les pays. De nombreux

être globaux, c’est-à-dire communs à tous les pays tels les guerres mondiales, les révolutions technologiques ou les fortes variations des prix des matières premières, ou bien idiosyncra-

tels que l’engagement de réformes ambitieuses (Australie, Canada, Finlande et Suède dans les années 1990, par exemple). L’impact parfois décalé dans le temps des chocs globaux et les chocs idiosyncratiques contribuent à expliquer

-térisera successivement les grandes vagues d’évolution du PIB par habitant puis les prin-cipaux facteurs ayant comptablement contribué aux évolutions du PIB par habitant3.

Plusieurs grandes vagues de croissance

-

croissance pour faire ressortir les cycles d’une

3. Une évaluation « économique » et non seulement comptable

la productivité et celui des politiques publiques sur le taux de

et al.

Japon : Nous considérons trois catastrophes natu-relles majeures de l’histoire du Japon : le séisme de

-From tragedy

to the revitalization of Japan

du Japon « Hundred Years of the Japanese Economy » -

-

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amplitude longue d’un quart de siècle ou plus (cf. graphique I).

Pour la France, deux vagues de croissance du PIB par habitant apparaissent. Tout d’abord, sur la première partie de l’entre deux guerres, après la longue période de croissance faible précédant la Première Guerre mondiale et le léger creux associé à cette guerre, la reconstruction a donné lieu dans les années 1920 à une première vague de croissance culminant à 2,5 %. Ensuite, après le creux très marqué associé à la crise de 1929 et à la Seconde Guerre mondiale, la période dite des « Trente glorieuses », combinant une nouvelle phase de reconstruction et une phase de rattra-page technologique des États-Unis, correspond à une deuxième vague de croissance, de forte amplitude (pic à plus de 5 %) et particulièrement longue. Cette vague ralentit progressivement dès le début des années 1950, puis ce ralentissement

-liers durant la décennie 1970 et à nouveau sur la décennie 1990, la croissance du PIB par habitant retrouvant son faible niveau d’avant la Première Guerre mondiale (entre 1 % et 1,5 % dans les toutes dernières années du XXe siècle) et deve-

euro, avec deux vagues de croissance du PIB par habitant après les deux guerres mondiales et un ralentissement par palier depuis le pic

y sont néanmoins légèrement plus tardives qu’en France, la reconstruction ayant été plus progressive chez les vaincus des deux guerres mondiales4. Le rebond s’observe ainsi dès 1945 en France, « année zéro » pour l’Alle-magne qui doit attendre 1947 pour repartir5.Le rythme de croissance du PIB par habitant a été légèrement plus faible en France que dans la zone euro pendant les années 1980 et 1990, ce qui peut être attribué à la poursuite du rat-trapage dans les pays moins avancés de cette zone (Italie et Espagne) et à une moindre par-ticipation de la main-d’œuvre en France, liée à la montée du chômage, mais également aux politiques de l’emploi qui réduisent l’offre de travail (cf. infra).

4. Ce décalage peut être observé à partir des séries de producti-

5. Ces dates sont obtenues à partir des séries de productivité et non de leur lissage.

Graphique I Taux de croissance annuel du PIB par habitant lissé

9,0

8,0

7,0

6,0

5,0

4,0

3,0

2,0

1,0

0,0

- 1,0

- 2,0

France Zone euro États-Unis Japon Royaume Uni

1891

1896

1901

1906

1911

1916

1921

1926

1931

1936

1941

1946

1951

1956

1961

1966

1971

1976

1981

1986

1991

1996

2001

2006

2011

Lecture : ce graphique présente, pour la France, la Zone euro, les États-Unis, le Japon et le Royaume-Uni le taux de croissance du ratio

Source : voir encadré 1 et calculs des auteurs.

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PIB par habitant sur longue période

de celui, beaucoup moins heurté, des États-Unis. Après une phase de ralentissement depuis le début du siècle, la croissance du PIB par habitant connait aux États-Unis une grande vague (« one big wave », Gordon, 1999) sur les deux décennies

Dépression, à un ensemble d’innovations ayant permis une forte accélération de la productivité et au choc de demande6 qu’a entraîné la Seconde Guerre mondiale. Le choc technologique de la vague d’innovation a donc touché les États-Unis (Gordon, 1999), leader technologique, une ou deux décennies avant la France, et la Seconde Guerre mondiale a eu un effet stimulant sur l’éco-

de production entre une capacité d’offre renforcée par les innovations et une demande affectée par la Grande Dépression (Fields, 2012). Après ces deux décennies, la croissance du PIB par habitant a été à peu près stabilisée jusqu’aux années 2000 où elle baisse fortement jusqu’à devenir presque nulle sur les années récentes, comme en France et dans la zone euro. L’avance des États-Unis

de la seconde révolution industrielle au début du XXe siècle, correspondant en particulier à la diffusion de l’usage de l’électricité, du moteur à explosion et de l’industrie chimique, et celle associée aux Technologies de l’Information et de

e siècle, est généralement expliquée par des facteurs insti-tutionnels (voir par exemple Ferguson et Washer, 2004). Ces facteurs institutionnels correspondent par exemple à une plus grande opérationnalité du

à l’entrée ou plus généralement à la concurrence -

lité du marché du travail et un plus haut niveau d’éducation de la population en âge de travail-ler (pour une synthèse, se reporter à Crafts et O’Rourke, 2013, ou à Bergeaud et al. 2014).

au Japon est plus proche de celui de la France. Après le creux lié aux destructions et à la désor-ganisation de la production pendant la Seconde Guerre mondiale, la période 1945-1974 y a donné lieu à un rattrapage de grande ampleur (pic de croissance à près de 8 %) et particuliè-rement long, à partir d’un niveau très bas au sortir de la guerre (47 % du niveau français). Le ralentissement a ensuite été très rapide dans

qu’a connue le pays. Avec les mesures pour sor-

est cependant plutôt moins prononcé qu’ailleurs dans les années 2000.

Le Royaume-Uni a connu une évolution très dif-férente de celle de la France : la Première Guerre mondiale y a été suivie d’un creux marqué et prolongé. La première vague de croissance du PIB par habitant n’apparaît que dans les années 1930 et pendant la Seconde Guerre mondiale, en fort contraste avec la France. La vague de croissance qui a suivi a été beaucoup plus tar-dive qu’en France, dans les années 1960 et de

connu une accélération de sa production par tête dans les années 1990, en partie liée aux réformes des années 1980 (Card et Freeman, 2002), avant un ralentissement très marqué avec la

être mises en perspective avec le niveau élevé de PIB par habitant britannique en début de période : en 1890, il représentait 1,5 fois celui de la France. Partant d’un niveau plus élevé, le processus de convergence avec les États-Unis après la Seconde Guerre mondiale a donc été nécessairement plus lent et de moindre ampli-tude. Par ailleurs, alors que les guerres et leurs destructions ont profondément désorganisé le processus de production en France et au Japon, elles ont constitué un choc de demande qui a stimulé l’activité au Royaume-Uni comme aux États-Unis. Les périodes de reconstruction, au contraire, ont été plus marquées en France qu’au Royaume-Uni.6

1890-2012 : une forte croissance du PIB par habitant principalement imputable à la PGF et, dans une moindre mesure, à l’intensité capitalistique

être analysés à l’aide d’une décomposition comptable des évolutions du PIB par habitant entre la progression de la productivité globale des facteurs (PGF, mesurée par rapport au facteur travail et au stock de capital en équipements et bâtiments), de l’intensité capitalistique (volume

la part de la population totale en emploi et des heures travaillées par employé (cf. encadré 2,section B, pour le détail de cette décomposition comptable). Le résultat de cette décomposition est présenté dans les graphiques II.

Un socle commun à la croissance du PIB par habitant sur la période apparaît au travers de ces différents graphiques : la contribution la plus importante à son décuplement entre 1890

6. Voir par exemple Barro et Ursua (2008).

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DÉCOMPOSITION COMPTABLE DU NIVEAU ET DE L’ÉVOLUTION DU PIB PAR HABITANT

Les décompositions comptables présentées dans l’article concernent le niveau et les évolutions du PIB

différentes composantes ne sont pas explicitement --

des études impacte simultanément le taux de partici-pation et la productivité.

A - Décomposition comptable du niveau du PIB par habitant

-posé en :

Y

N

Y

K L H

K

L HH

L

N=

−α α

α

( . ).

.. .

1

avec Y NL H le nombre moyen d’heures travaillées par an et par employé et K le

repose sur l’hypothèse d’une fonction de production

de l’élasticité de substitution capital-travail. Le coef- correspond usuellement à la

part de la rémunération du capital dans le PIB. Il est = 0,3

tous les pays et sur l’ensemble de la période. Les enseignements de l’analyse ne sont que marginale-

Y

NPGF IK H

L

N= . . .α

Avec PGF Y K L H= ( )

−/ . .

α α1 la productivité globale

des facteurs et IK K L H= ( )/ . l’intensité capitalistique. L N/ correspond à la part de l’emploi dans la popula-tion totale.

Il est encore possible de décomposer le dernier terme L N/

L

N

L

N

N

N=

15 64

15 64

.

Où L N/15 64 représente le taux d’emploi de la popu-

N N15 64/ la part de la population en âge

de travailler dans la population totale. Ces deux der-

L N/ .

B - Décomposition comptable du taux de croissance du PIB par habitant

différenciant les relations précédentes log-linéarisées :

∆ ∆ ∆ ∆ ∆

∆ ∆ ∆

y

ntfp ik h

l

n

tfp ik h

= ( ) + ( ) + ( ) +

= ( ) + ( ) + ( ) +

α

α ∆∆l

n15 64−

+

∆n

n

15 64

où x correspond au logarithme de la variable X et où ∆x est une approximation usuelle du taux de croissance de X. C’est cette décomposition comptable du taux de croissance du PIB par habitant qui est utilisée dans les graphiques II.

C - Décomposition comptable des écarts relatifs du PIB par habitant vis-à-vis des États-Unis

∆US X( ) comme l’écart relatif pour la variable X entre le pays i et les États-Unis (US

∆USi

USX

X

X( ) = −

Si la variable X

- si X est le produit de deux variables A et B (X = A.B

∆ ∆ ∆ ∆ ∆US US US US USX A B A B( ) = ( ) + ( ) + ( ) ( ) ;

- si X est le produit de trois variables A B et C (X = A.B.C

∆ ∆ ∆ ∆

∆ ∆ ∆ ∆

US US US US

US US US US

U

X A B C

A B A C

( ) = ( ) + ( ) + ( )

+ ( ) ( ) + ( ) ( )

+

. .

SS US

US US US

B C

A B C

( ) ( )

+ ( ) ( ) ( )

.

. .

∆ ∆ ∆

X est le produit d’un

pour le PIB par habitant dans les décompositions pro-posées par les relations précédentes.

de la variable X considérée se décompose en la somme des écarts relatifs de chacune des composantes de la variable Xplus (notée CORR -duits des termes relatifs. Lorsque les valeurs de la variable X sont proches pour le pays i considéré et les

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PIB par habitant sur longue période

CORR est faible et il est souvent négligé. L’écart relatif de la variable X est alors approximé par la somme des écarts relatifs des différentes composantes de X

tenu des différences entre les valeurs des différentes composantes de X avec les États-Unis.

-

∆ ∆ ∆ ∆ ∆US US US US USY

NPGF IK H

L

N

CORR

= ( ) + ( ) + ( ) +

+

α

où CORR -tant. C’est cette décomposition comptable des écarts relatifs vis-à-vis des États-Unis qui est utilisée dans les graphiques III.

D - Décomposition comptable des évolutions des écarts relatifs du PIB par habitant vis-à-vis des États-Unis

Pour décomposer en évolutions les écarts de varia-tion sur une période du PIB par habitant entre un pays

d’erreur. C’est cette méthode qui est utilisée dans les graphiques IV.

Graphiques IIDécomposition par sous-périodes des facteurs d’évolution du PIB par habitant

En points de pourcentage

1890-20123,5

3,0

2,5

2,0

1,5

1,0

0,5

0,0

- 0,5

- 1,0

États

-Unis

Zone

Euro

Japon

Royau

me

Uni

Allem

agne

Fran

ceIta

lie

Espag

ne

Pays B

as

Finla

nde

Canad

a

Austra

lie

Suède

Norvè

ge

Intensité Capitalistique PGF Heures Travaillées Taux d’emploi PIB par habitant

et 20127 a été apportée par la productivité glo-bale des facteurs et l’intensité capitalistique (respectivement 1,6 % et 0,6 % par an pour les États-Unis, 1,7 % et 0,8 % pour la zone euro et 1,6 % et 1,5 % pour le Japon), tandis que les heures travaillées ont eu une contribution

négative et la part de 7l’emploi dans la population une contribution tantôt positive, tantôt négative

7. Entre 1890 et 2012, le niveau de vie moyen a été multiplié par 9 en France, 11 aux États-Unis, 6 au Royaume-Uni et 23 au Japon.

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En points de pourcentage

1890-19133,5

3,0

2,5

2,0

1,5

1,0

0,5

0,0

- 0,5

- 1,0

États

-Unis

Zone

Euro

Japon

Royau

me

Uni

Allem

agne

Fran

ceIta

lie

Espag

ne

Pays B

as

Finla

nde

Canad

a

Austra

lie

Suède

Norvè

ge

Intensité Capitalistique PGF Heures Travaillées Taux d’emploi PIB par habitant

1913-19503,5

3,0

2,5

2,0

1,5

1,0

0,5

0,0

- 0,5

- 1,0

- 1,5

États

-Unis

Zone

Euro

Japon

Royau

me

Uni

Allem

agne

Fran

ceIta

lie

Espag

ne

Pays B

as

Finla

nde

Canad

a

Austra

lie

Suède

Norvè

ge

Intensité Capitalistique PGF Heures Travaillées Taux d’emploi PIB par habitant

En points de pourcentage

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PIB par habitant sur longue période

En points de pourcentage

1950-19748

7

6

5

4

3

2

1

- 1

0

- 2

États

-Unis

Zone

Euro

Japon

Royau

me

Uni

Allem

agne

Fran

ceIta

lie

Espag

ne

Pays B

as

Finla

nde

Canad

a

Austra

lie

Suède

Norvè

ge

Intensité Capitalistique PGF Heures Travaillées Taux d’emploi PIB par habitant

1974-19955

4

3

2

1

0

- 1

- 2

États

-Unis

Zone

Euro

Japon

Royau

me

Uni

Allem

agne

Fran

ceIta

lie

Espag

ne

Pays B

as

Finla

nde

Canad

a

Austra

lie

Suède

Norvè

ge

Intensité Capitalistique PGF Heures Travaillées Taux d’emploi PIB par habitant

En points de pourcentage

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En points de pourcentage

1995-20123,0

2,5

2,0

1,5

1,0

0,5

- 0,5

0,0

- 1,0

États

-Unis

Zone

Euro

Japon

Royau

me

Uni

Allem

agne

Fran

ceIta

lie

Espag

ne

Pays B

as

Finla

nde

Canad

a

Austra

lie

Suède

Norvè

ge

Intensité Capitalistique PGF Heures Travaillées Taux d’emploi PIB par habitant

Source : voir encadré 1 et calculs des auteurs.

selon les pays. Il faut néanmoins nuancer la contribution très importante de la PGF : elle inclut ici des éléments qui pourraient être rat-tachés au facteur travail, comme la progression du niveau d’éducation, ou au facteur capital, comme certains éléments immatériels, non comptabilisés dans le stock de capital équipe-ment et bâtiment. Intensité capitalistique et PGF peuvent par ailleurs être étroitement imbriquées, à la fois pour des raisons économiques (dans la mesure où certaines innovations ne peuvent être introduites que par le biais de nouveaux inves-tissements) et pour des raisons de mesure statis-

par exemple de la prise en compte des effets qualités, se reportant dans la PGF (Cette et al.,2000). La contribution négative des heures tra-vaillées sur l’ensemble de la période pèse sur l’évolution du PIB par habitant mais peut être le résultat d’un arbitrage entre travail et loisir :si la réduction du temps de travail abaisse la production par habitant toutes choses égales par

ailleurs, elle peut aussi être associée à une élé-vation du bien-être (cf. infra).

1890-1913 : la PGF assure l’essentiel de la croissance

L’ensemble de la période 1890-1913 a été caractérisée par une croissance du PIB par habitant de 1,5 % à 2 % en moyenne par an dans la plupart des pays. En tant que lea-der technologique en début de période, le Royaume-Uni a connu une croissance infé-rieure. Sur cette période, la PGF assure l’es-sentiel de la croissance avec, dans une moindre mesure, la progression de l’intensité capitalis-tique. Au Canada et au Japon, c’est l’intensité capitalistique qui contribue le plus à la crois-

d’équipement des autres pays. La contribution des heures travaillées est partout légèrement négative. La part de la population en emploi

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PIB par habitant sur longue période

apporte une contribution généralement limitée à la progression de la production par habitant, qu’elle soit positive ou négative, sauf dans les pays d’immigration comme les États-Unis ou le Canada où sa contribution est positive et assez importante.

1913-1950 : un fort ralentissementsurtout induit par la baisse des heures travaillées et par des chocs de grande ampleur

La période 1913-1950 connaît des chocs d’am-pleur considérable, avec des conséquences sur le PIB par habitant parfois opposées selon les pays : deux guerres mondiales, un choc tech-nologique aux États-Unis avec la diffusion d’innovations liées à la seconde révolution industrielle, et la Grande Dépression. La pro-duction par tête a ralenti par rapport à la période précédente dans les pays touchés sur leur sol par la guerre, soit la plupart des pays européens et le Japon. Elle a été stable aux États-Unis et au Royaume-Uni. Pour la France, l’ensemble des composantes du PIB par tête contribuent à son ralentissement entre les deux périodes, mais l’accélération de la baisse des heures travaillées apparaît comme le premier facteur de ralentisse-ment, en lien avec des avancées sociales comme l’introduction des congés payés (généralisés à l’ensemble de l’économie en juin 1936) ou de la semaine de 40 heures ainsi qu’avec le chômage partiel lié à la Grande Dépression. Cette baisse a été similaire à celle observée aux États-Unis, où la progression a néanmoins été particulière-ment forte grâce à la vague de productivité des années 1930 et 1940, comme le montre la forte contribution de la PGF – près de 2,5 points par an – durant cette période (Fields, 2012, Gordon, 1999 et Bergeaud et al., 2014). Cette progres-sion a été particulièrement faible en Espagne, touchée par la guerre civile, et en Allemagne, touchée par une forte baisse du taux d’emploi.

1950-1974 : le rattrapage des États-Unispar les pays européens repose essentiellement sur la PGF

La période 1950-1974, celle des « Trente Glorieuses », se caractérise par une progression exceptionnelle : beaucoup de pays connaissent des taux de croissance moyens du PIB par habi-tant de plus de 3 % par an et le Japon atteint 7 % par an. La progression est beaucoup plus modeste aux États-Unis, au Royaume-Uni, au Canada et en Australie, entre 2 % et 3 %.Les États-Unis ont connu leur grande vague de

productivité sur la période précédente et béné--

tant. Les trois autres pays avaient également en 1950 un niveau de production par habitant plus élevé que leurs voisins. Dans tous les pays, hors États-Unis, le principal facteur d’accéléra-tion est la PGF. Ensuite vient l’augmentation de l’intensité capitalistique. L’évolution des heures travaillées a partout un impact négatif sur la progression du PIB par habitant, qui peut résul-ter d’un arbitrage en faveur du loisir. La contri-bution de la part de la population en emploi est positive en Allemagne et au Japon, mais néga-tive en France et en Italie.

1974-1995 : baisse de la contribution de la PGF et moindre contribution de la population en âge de travailler

La période 1974-1995 s’amorce par le pre-mier choc pétrolier et traduit l’épuisement de la dynamique de convergence et de la précé-dente vague technologique. La production par habitant ralentit sensiblement et revient dans une fourchette de 1,5 % à 2 %. Certains pays ont une croissance plus élevée du PIB par tête :l’Espagne et le Japon, dont le rattrapage n’était

l’exploitation de ses ressources pétrolières. La Suède a connu une progression plus faible en

début des années 1990. Ce ralentissement géné-ralisé se traduit principalement par une forte baisse de la contribution de la PGF, puis de l’in-tensité capitalistique dans certains pays, tandis que la contribution des heures travaillées et de la population en emploi est faible dans la plupart des pays. La production par tête a progressé en France de 1,8 % sur la période, principalement soutenue par l’intensité capitalistique, tandis que la PGF a apporté une contribution posi-tive mais en forte diminution par rapport à la sous-période antérieure. Les heures travaillées et la population en emploi ont contribué négati-vement, plus encore qu’à la période précédente pour les heures. Sur cette période, on observe donc en France une substitution capital-travail qui peut être reliée aux évolutions des coûts relatifs de ces facteurs et aux politiques rédui-sant l’offre de travail (préretraite, dispense de

(cinquième semaine de congés payés, réduction à 39 heures de la semaine de travail, subven-tionnement du temps partiel, notamment par le

autres pays, on observe une contribution par-ticulièrement faible de la PGF et de l’intensité capitalistique aux États-Unis, en Australie, au

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Canada et en Suède, liée à une phase de ralen-tissement technologique, mais également dans plusieurs de ces pays à des crises structurelles

en Suède en particulier). Les heures travaillées contribuent partout négativement. La popula-tion en emploi apporte une contribution posi-tive aux États-Unis, au Canada et en Norvège et négative en Finlande, en Espagne et en France.

1995-2012 : l’intensité capitalistique ralentit dans la plupart des pays

Le ralentissement se poursuit sur la période 1995-2012, sauf dans les pays ayant lancé de vastes programmes de réformes structurelles (Australie, Suède, Finlande, Canada). Ces pro-grammes de réformes ont consisté en une réduc-

dette sur PIB et le taux de chômage, et en la mise en œuvre de réformes sur les marchés des biens et du travail8. Le ralentissement est limité dans

-tion des TIC, États-Unis et Royaume-Uni (pour une synthèse, cf. Cette, 2014), et très marqué au contraire dans les pays de la zone euro. Le taux de croissance annuel du PIB par habitant est ainsi compris en moyenne entre 1 % et 1,5 %pour la plupart des pays sur la période ; il est plus élevé en Australie, Suède, Finlande et au Royaume-Uni et plus faible en Italie et au Japon. L’intensité capitalistique explique une part du ralentissement dans la plupart des pays, tandis que la contribution de la population en emploi et des heures travaillées a été plus élevée (moins négative dans le cas des heures travaillées). Ces évolutions peuvent être reliées aux politiques de l’emploi qui se sont tournées dans de nom-breux pays vers une meilleure participation de la main-d’œuvre, en rupture avec les politiques d’incitation aux retraits du marché du travail de la sous-période précédente. Les États-Unis sont le seul pays où la contribution de l’intensité capitalistique augmente par rapport à la période précédente, ce qui s’explique en grande partie par des investissements en TIC (voir notam-ment Jorgenson, 2001). Les évolutions de la PGF sont particulièrement contrastées : alors qu’elle accélère aux États-Unis sous l’effet des TIC, en Australie, au Canada et en Suède sous l’effet des réformes structurelles, elle ralentit partout ailleurs. Ce ralentissement s’observe au

-vaise allocation des ressources (voir notamment Caballero et al., 2008, sur les prêts aux entre-prises « zombies ») et, en Europe, sous l’effet

États-Unis. La diffusion des TIC a été beaucoup plus faible en Europe qu’aux États-Unis, l’ana-lyse de Cette et Lopez (2012) attribuant cet écart aux rigidités structurelles plus importantes sur les marchés des biens et du travail et à un niveau d’éducation moyen plus faible en moyenne pour l’ensemble de la population en âge de travailler. La France connaît ainsi un fort ralentissement de son PIB par habitant, à 1 % par an, lié à un très net ralentissement de la PGF et de l’inten-sité capitalistique, tandis que la contribution de la participation à l’emploi est devenue positive et celle des heures travaillées moins négative. 8

Convergence et écarts des niveaux de PIB par habitant

L a question de la convergence des niveaux de PIB par habitant a, nous l’avons dit, fait

l’objet d’une littérature abondante, dont il ressort qu’elle n’a rien d’automatique. On commence ici par aborder la question des écarts des niveaux de PIB par habitant des différents pays qui font l’objet de la présente analyse, et des principaux facteurs qui y contribuent comptablement, en prenant les États-Unis pour pays de référence. Ces écarts sont examinés aux six dates charnières de l’analyse : 1890, 1913, 1950, 1974, 1995 et 2012. Les États-Unis sont retenus comme réfé-rence car, mis à part le cas très particulier de la

plus élevé de PIB par habitant depuis la Seconde Guerre mondiale. On poursuit ensuite par une analyse des facteurs d’évolution de ces écarts de PIB par habitant par rapport aux États-Unis, ce qui amène naturellement à porter une attention toute particulière à la question de la participation de la force de travail sur la période récente.

Les facteurs des écarts en niveauavec les États-Unis, en général en défaveur des autres pays, ont considérablement varié en 100 ans

Les graphiques III fournissent pour les dif-férents pays une décomposition comptable des écarts de PIB par habitant par rapport aux États-Unis. Le principe de cette décomposition est détaillé dans l’encadré 2 (section C).

8. Pour une analyse plus précise des réformes opérées en

et al., 2014.

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PIB par habitant sur longue période

Graphiques IIIDécomposition de l’écart de PIB par habitant par rapport aux États-Unis

En points de pourcentage – PPA

1890

100

50

0

- 50

- 100

- 150

Zone

Euro

Japon

Royau

me

Uni

Allem

agne

Fran

ceIta

lie

Espag

ne

Pays B

as

Finla

nde

Canad

a

Austra

lie

Suède

Nor

vège

Intensité Capitalistique PGF Heures Travaillées Taux d’emploi PIB par habitantCorrection

1913

80

60

40

20

0

- 20

- 40

- 60

- 80

- 100

- 120

Zone

Euro

Japon

Roy

aum

e Uni

Allem

agne

Fran

ceIta

lie

Espag

ne

Pays Bas

Finlan

de

Can

ada

Austra

lie

Suède

Nor

vège

Intensité Capitalistique PGF Heures Travaillées Taux d’emploi PIB par habitantCorrection

En points de pourcentage – PPA

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En points de pourcentage – PPA

1950

40

20

0

- 20

- 40

- 60

- 80

- 100

- 120

- 140

Zone

Euro

Japon

Royau

me

Uni

Allem

agne

Fran

ceIta

lie

Espag

ne

Pays B

as

Finla

nde

Canad

a

Austra

lie

Suède

Nor

vège

Intensité Capitalistique PGF Heures Travaillées Taux d’emploi PIB par habitantCorrection

1974

40

20

0

- 20

- 40

- 60

- 80

Zone

Euro

Japon

Roy

aum

e Uni

Allem

agne

Fran

ceIta

lie

Espag

ne

Pays Bas

Finlan

de

Can

ada

Austra

lie

Suède

Nor

vège

Intensité Capitalistique PGF Heures Travaillées Taux d’emploi PIB par habitantCorrection

En points de pourcentage – PPA

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PIB par habitant sur longue période

En points de pourcentage – PPA

1995

50

40

30

20

10

0

- 10

- 20

- 40

- 50

- 30

- 60

Zone

Euro

Japon

Royau

me

Uni

Allem

agne

Fran

ceIta

lie

Espag

ne

Pays B

as

Finla

nde

Canad

a

Austra

lie

Suède

Nor

vège

Intensité Capitalistique PGF Heures Travaillées Taux d’emploi PIB par habitantCorrection

2012

50

40

30

20

10

0

- 10

- 20

- 40

- 50

- 30

- 60

Zone

Euro

Japon

Roy

aum

e Uni

Allem

agne

Fran

ceIta

lie

Espag

ne

Pays Bas

Finlan

de

Can

ada

Austra

lie

Suède

Nor

vège

Intensité Capitalistique PGF Heures Travaillées Taux d’emploi PIB par habitantCorrection

En 1890, le PIB par habitant est en France inférieur de 12 points au niveau de PIB par habitant des États-Unis. Cet écart se décompose -

Source : voir encadré 1 et calculs des auteurs.

En points de pourcentage – PPA

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Jusqu’en 1913, trois pays ont un PIB par habitant supérieur à celui des États-Unis

de PIB par habitant supérieur à celui des États-Unis : les Pays-Bas (supérieur d’un tiers), le Royaume-Uni (+ 35 %) et l’Australie (+ 63 %). Ces écarts s’expliquent par un taux d’emploi de la population totale plus élevé et surtout, pour le Royaume-Uni et l’Australie, par un niveau nettement plus élevé de la PGF, la durée du travail apportant au contraire une contribution légèrement négative dans ces deux derniers pays. Ce niveau de PGF plus élevé est au moins en partie lié à la composition sectorielle de ces économies : selon Broadberry (1997) et Broadberry et Irwin (2006), le secteur manufac-

du XIXe siècle d’une nette avance par rapport au Royaume-Uni ; en revanche, la composition sectorielle était plus favorable au Royaume-Uni (part de l’agriculture plus faible), cet effet étant renforcé par un niveau de productivité plus faible aux États-Unis dans l’agriculture et les services ; pour l’Australie, la concentration de l’activité sur des ressources naturelles facile-ment exploitables et un taux d’emploi élevé lié à une forte immigration expliquent cette per-formance (McLean, 2007). Dans tous les autres pays, le PIB par habitant est inférieur au niveau des États-Unis, l’écart allant de 9 points pour l’Allemagne à 64 points pour le Japon. Ces écarts défavorables s’expliquent par des contri-butions relatives négatives de l’intensité capita-listique, de la PGF (à l’exception du Canada) et, plus faiblement, de la durée moyenne du travail.

Ces contributions défavorables dont l’ampleur varie d’un pays à l’autre sont faiblement contre-balancées par une contribution positive du taux d’emploi de la population totale (toujours à l’exception du Canada). La France connait une situation assez comparable à celle de l’Alle-magne ou de l’ensemble de la zone euro, l’écart de PIB par habitant vis-à-vis des États-Unis étant de - 12 points et se décomposant en des contributions de - 8 points de l’intensité capi-talistique, de - 28 points de la PGF, de 1 point des heures travaillées et de 33 points du taux d’emploi de l’ensemble de la population9 10.

Juste avant la Première Guerre mondiale, en 1913, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et l’Aus-

par habitant supérieur à celui des États-Unis, mais l’écart est beaucoup plus faible, puisqu’il s’élève à respectivement 4 %, 6 % et 19 %. Les facteurs d’écarts favorables et défavorables demeurent, pour ces trois pays, les mêmes qu’en

1890. Le Canada a rattrapé le niveau de PIB par habitant des États-Unis, la contribution positive de la PGF y étant contrebalancée par la contri-bution négative du taux d’emploi. Dans tous les autres pays, le PIB par habitant est inférieur à celui des États-Unis, l’écart allant de 12 pointspour l’Allemagne à 69 points pour le Japon. Ces écarts défavorables s’expliquent par les mêmes facteurs qu’en 1890. La France connait encore une situation assez comparable à celle de l’Alle-magne ou de l’ensemble de la zone euro, l’écart de PIB par habitant vis-à-vis des États-Unis étant de - 17 points et se décomposant en des contributions de - 13 points de l’intensité capi-talistique, de - 23 points de la PGF, de 1 point des heures travaillées et de 23 points du taux d’emploi de l’ensemble de la population.

En 1950 et en 1974, l’écart partout négatif par rapport aux États-Unis s’explique

et de la PGF non compensé par la durée de travail et le taux d’emploi

Quelques années après la Seconde Guerre mon-diale, en 1950, le PIB par habitant est devenu inférieur à celui des États-Unis dans l’ensemble des pays, l’écart allant de 21 points pour l’Aus-tralie à 80 points pour le Japon, pays fortement affecté par la guerre. L’écart s’explique partout par une contribution négative de l’intensité capitalistique et de la PGF, faiblement contre-balancée par une contribution positive du taux d’emploi (à l’exception de l’Allemagne et du Canada) et de la durée du travail (à l’exception de la Suède). En France, le PIB par habitant est inférieur de 47 points au niveau observé aux États-Unis, cet écart se décomposant en des contributions défavorables de - 16 points de l’intensité capitalistique et de - 50 points de la PGF, et favorables de 4 points des heures tra-vaillées et de 20 points du taux d’emploi de l’ensemble de la population.910

Au moment du premier choc pétrolier, en 1974, le PIB par habitant est toujours inférieur à celui des États-Unis dans tous les pays, mais l’écart est moins important qu’en 1950 et va de 7 points pour les Pays-Bas à 43 points pour l’Espagne. Les facteurs expliquant comptable-ment ces écarts sont qualitativement les mêmes

-quer par la part importante que représentent les jeunes dans la population totale, notamment en comparaison avec la France. Mitchell (1998a, 1998b) signale ainsi qu'en 1910, la part de la

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PIB par habitant sur longue période

qu’en 1950, mais avec une importance amoin-drie. En France, le PIB par habitant est inférieur de 17 points au niveau observé aux États-Unis, cet écart se décomposant en des contributions défavorables de - 5 points de l’intensité capita-listique et de - 15 points de la PGF, et favorables de 2 points du taux d’emploi de l’ensemble de la population, la contribution de la durée moyenne du travail étant négligeable.

En 1995 et en 2012, les contributions négatives de la PGF et du travail

par la contribution positive de l’intensité capitalistique conduisent partout à un écart négatif, sauf en Norvège

de la productivité, le PIB par habitant est infé-rieur dans tous les pays, à l’exception de la Norvège, à celui des États-Unis, l’écart étant assez comparable à celui observé en 1974 et s’étendant de 13 points pour les Pays-Bas à 36 points pour l’Espagne. Mais les facteurs contribuant à ces écarts défavorables sont, cette fois, très nettement différents de ceux de 1974. Si la contribution de la PGF demeure négative (à l’exception de l’Allemagne où elle est légèrement positive et de la France où elle est nulle), celle de l’intensité capita-listique est devenue favorable dans la plupart des pays. De plus, une grande différence avec les contributions de 1974 apparait concernant la participation au travail de la population, les contributions de la durée moyenne du travail et du taux d’emploi de l’ensemble de la popula-tion étant maintenant partout négatives (à l’ex-ception du Japon). Ce changement radical par rapport à la situation de 1974 sera plus longue-ment commenté par la suite. La Norvège est le seul pays où le PIB par habitant est supérieur à celui des États-Unis, l’écart de 13 points s’expliquant par une contribution positive de 15 points de l’intensité capitalistique et de 20 points de la PGF et une contribution négative de 20 points de la durée moyenne du travail. Comme cela est présenté par Bergeaud et al.(2014), cette situation particulière s’explique par l’importance relative dans ce pays de trois secteurs à forte intensité capitalistique et fort niveau de PGF : l’exploitation pétrolière, le bois et la pêche. En France, le PIB par habitant est inférieur de 21 points au niveau observé aux États-Unis, cet écart se décomposant en des contributions défavorables de - 18 points du taux d’emploi de l’ensemble de la popu-lation et de - 14 points de la durée moyenne du travail, la contribution de l’intensité

capitalistique étant favorable mais faible à 11 points et celle de la PGF étant négligeable.

En 2012, au terme de la période d’analyse, comme en 1995, le PIB par habitant est toujours inférieur à celui des États-Unis dans tous les pays, Norvège à nouveau exceptée, les écarts étant encore assez comparables à ceux observés en 1995 et allant de 12 points pour les Pays-Bas à 36 points pour l’Espagne. Les facteurs de ces écarts sont qualitativement assez semblables à ceux de 1995, avec des intensités qui ont par-fois un peu varié. En France, le PIB par habi-tant est inférieur de 27 points au niveau observé aux États-Unis, cet écart se décomposant en des contributions défavorables de - 4 points de la PGF, de - 14 points du taux d’emploi de l’ensemble de la population et de - 18 points de la durée moyenne du travail, la contribution de l’intensité capitalistique étant favorable, mais faible à 8 points.

Les dynamiques comparées :à une dégradation relative prolongée jusqu’en 1950 succède un rattrapagequi marque le pas depuis 1974

L’autre façon d’examiner les évolutions rela-tives par rapport aux États-Unis est de s’intéres-ser aux écarts de croissance relatifs du PIB par habitant par sous périodes et à leur déterminants. C’est ce qui est fait sur les graphiques IV, qui sont donc complémentaires de la présentation en niveau relatif des graphiques III. Le principe de la décomposition des écarts de croissance est détaillé dans l’encadré 2 (section D).

1890-1913 : les contributions négatives de l’intensité capitalistique et du taux d’emploi conduisent presque partout à une dégradation relative de faible ampleur

De 1890 à 1913, les évolutions du niveau relatif de PIB par habitant par rapport aux États-Unis ont en moyenne une ampleur assez faible et négative dans la plupart des pays. L’ampleur des différentes contributions à ces évolutions est partout réduite. Il est à souligner que, dans la plupart des pays, les contributions de l’in-tensité capitalistique et du taux d’emploi de la population totale sont négatives. La situation française se dégrade en moyenne chaque année de 0,3 point, avec une contribution négative de - 0,3 point de l’intensité capitalistique et de - 0,3 point du taux d’emploi en partie contre-balancées par une contribution positive de 0,3 point de la PGF.

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Graphiques IVDécomposition de l’évolution du niveau relatif de PIB par habitant par rapport aux États-Unis

En points de pourcentage par an

1890-20121,20

1,00

0,80

0,60

0,40

0,20

0,00

- 0,20

- 0,40

- 0,60

- 0,80

Zone

Euro

Japon

Royau

me

Uni

Allem

agne

Fran

ceIta

lie

Espag

ne

Pays B

as

Finla

nde

Canad

a

Austra

lie

Suède

Nor

vège

Intensité Capitalistique PGF Heures Travaillées Taux d’emploi PIB par habitant

1890-19131,50

1,00

0,50

0,00

- 0,50

- 1,00

- 1,50

- 2,00

Zone

Euro

Japon

Roy

aum

e Uni

Allem

agne

Fran

ceIta

lie

Espag

ne

Pays Bas

Finlan

de

Can

ada

Austra

lie

Suède

Nor

vège

Intensité Capitalistique PGF Heures Travaillées Taux d’emploi PIB par habitant

En points de pourcentage par an

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PIB par habitant sur longue période

En points de pourcentage par an

1913-19501,50

1,00

0,50

0,00

- 0,50

- 1,00

- 1,50

- 3,00

- 2,50

- 2,00

Zone

Euro

Japon

Royau

me

Uni

Allem

agne

Fran

ceIta

lie

Espag

ne

Pays B

as

Finla

nde

Canad

a

Austra

lie

Suède

Nor

vège

Intensité Capitalistique PGF Heures Travaillées Taux d’emploi PIB par habitant

1950-19745,50

4,50

3,50

2,50

1,50

0,50

- 0,50

- 1,50

Zone

Euro

Japon

Roy

aum

e Uni

Allem

agne

Fran

ceIta

lie

Espag

ne

Pays Bas

Finlan

de

Can

ada

Austra

lie

Suède

Nor

vège

Intensité Capitalistique PGF Heures Travaillées Taux d’emploi PIB par habitant

En points de pourcentage par an

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En points de pourcentage par an

1974-19954,00

0,00

2,00

1,00

0,00

- 1,00

- 3,00

- 2,00

Zone

Euro

Japon

Royau

me

Uni

Allem

agne

Fran

ceIta

lie

Espag

ne

Pays B

as

Finla

nde

Canad

a

Austra

lie

Suède

Nor

vège

Intensité Capitalistique PGF Heures Travaillées Taux d’emploi PIB par habitant

1995-20122,00

1,00

1,50

0,50

0,00

- 0,50

- 1,00

- 2,00

- 1,50

Zone

Euro

Japon

Roy

aum

e Uni

Allem

agne

Fran

ceIta

lie

Espag

ne

Pays Bas

Finlan

de

Can

ada

Austra

lie

Suède

Nor

vège

Intensité Capitalistique PGF Heures Travaillées Taux d’emploi PIB par habitant

De 1890 à 2012, le PIB par habitant décline en France de 0,15 point par an en moyenne par rapport aux États-Unis. Cette évolution se -

lation, une contribution de - 0,17 point de la durée moyenne du travail et une contribution de 0,24 point de la PGF. Source : voir encadré 1 et calculs des auteurs.

En points de pourcentage par an

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PIB par habitant sur longue période

1913-1950 : une dégradation relative générale et marquée liée à la contribution fortement négative de la PGF

De 1913 à 1950, le PIB par habitant se dégrade vis-à-vis des États-Unis dans la plupart des pays. Il est à souligner que dans tous les pays, les contributions de la PGF sont négatives et que celles de la durée du travail sont au contraire positives. Cette progression relative de la PGF

bien avant les autres des effets favorables sur la productivité d’innovations issues de la seconde révolution industrielle (Bergeaud et al., 2014). La situation française se dégrade en moyenne chaque année de 1,25 point, avec une contribution négative de - 0,08 point de l’intensité capitalis-tique, de - 1,20 point de la PGF et de - 0,07 point du taux d’emploi et une faible contribution posi-tive de 0,1 point de la durée moyenne du travail.

1950-1974 : un rattrapage en général imputable à l’intensité capitalistique et à la PGF

De 1950 à 1974, le PIB par habitant s’élève vis-à-vis des États-Unis dans tous les pays, à l’exception du Royaume-Uni et de l’Australie où il demeure à peu près stabilisé à un niveau relatif initialement élevé. Il est à souligner que, dans tous les pays, les contributions de l’intensité capitalistique et, à l’exception du Royaume-Uni, du Canada et de l’Australie, celle de la PGF, sont positives. Sauf pour ces trois pays, cette sous-période est celle du rattrapage du niveau de productivité des États-Unis par tous les pays qui

la productivité de la seconde révolution indus-trielle (cf. Bergeaud et al., 2014). Ce rattrapage est particulièrement important au Japon dont le décollage s’amorce en début de sous-période à partir de très bas niveaux de PGF et d’inten-sité capitalistique. La situation française s’amé-liore en moyenne chaque année de 1,72 point, avec une contribution positive de 0,48 point de l’intensité capitalistique et de 2,12 points de la PGF et une contribution négative de - 0,59 point du taux d’emploi et de - 0,17 point de la durée moyenne du travail.

1974-1995 : les contributions positives de l’intensité capitalistique et de la PGF et celles, négatives, du taux d’emploi et de la durée du travail engendrent une quasi-stabilité

De 1974 à 1995, les évolutions du PIB par habi-tant relativement aux États-Unis sont au total

d’une ampleur très faible dans tous les pays. Cette stabilité résulte des contributions partout positives de l’intensité capitalistique et souvent de la PGF, et des contributions partout néga-tives du taux d’emploi et de la durée du travail. Ces contributions de sens opposé ne sont pas indépendantes : Bourlès et Cette (2005, 2007) ont montré que, compte tenu de rendements décroissants du taux d’emploi et de la durée du travail, une moindre participation au travail de la population peut avoir des effets favo-rables sur la productivité horaire. L’orientation de ces pays vers un modèle davantage tourné qu’aux États-Unis vers les loisirs ou le travail domestique fait ci-dessous l’objet d’une ana-

-butions de sens contradictoire et sa situation relative demeure en moyenne stabilisée, ce qui résulte d’une contribution annuelle positive de 0,71 point de l’intensité capitalistique et de 0,96 point de la PGF et une contribution négative de - 0,99 point du taux d’emploi et de - 0,68 point de la durée moyenne du travail.

1995-2012 : des évolutions globalement de faible ampleur car la contribution positive des taux d’emploi compense celles, négatives, de l’intensité capitalistique, de la PGF et de la durée du travail

De 1995 à 2012, les évolutions du PIB par habi-tant relativement aux États-Unis sont à nouveau d’une faible ampleur globale dans la plupart des pays. Cette relative stabilité résulte d’évolutions souvent opposées à celles de la sous-période antérieure : les contributions de l’intensité capi-talistique, celles de la PGF, mais aussi celles de la durée du travail sont souvent négatives, tandis que les contributions du taux d’emploi deviennent partout positives, à l’exception du Japon. Cette augmentation du taux d’emploi rela-tif de la population apparait importante dans de nombreux pays. La situation relative de la France se dégrade légèrement de 0,35 point par an, avec des contributions négatives de - 0,16 point de l’intensité capitalistique, de - 0,21 point de la PGF et de - 0,34 point de la durée du travail et une contribution positive de 0,34 point du taux d’emploi de l’ensemble de la population.

Le rôle de la participation au travail depuis 1974 : l’impact des politiques visant à réduire l’offre de travail

l’analyse de la contribution du taux d’emploi

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en distinguant deux composantes de ce taux d’emploi : une composante démographique, correspondant à la part de la population en âge de travailler, ici la population âgée de 15 à 64 ans, dans la population totale, et une composante caractérisant l’équilibre du marché du travail, plus précisément le taux d’emploi de la population en âge de travailler. Avec la durée du travail, cette décomposition permet de mieux caractériser, dans chacun des pays, la participation au travail de la popula-tion totale10.

Les graphiques V représentent pour les diffé-rents pays les contributions aux évolutions rela-tives du PIB par habitant des trois composantes de la participation au travail de la population totale : la part de la population en âge de tra-vailler dans la population totale, le taux d’em-ploi de cette population en âge de travailler et la durée moyenne du travail. Le principe de cette décomposition est détaillé dans l’encadré 2(section D).

1974-1995 : la contribution négative de la participation au travail résulte des taux d’emploi de la population en âge de travailler et de la durée du travail11

Sur la période 1974-1995, la contribution de la participation au travail de l’ensemble de la population à l’évolution du PIB par habitant relativement aux États-Unis est généralement négative. C’est le cas au Japon et dans tous les pays européens. Certaines caractéristiques d’ensemble apparaissent. Tout d’abord, la

11. Thubin (2014) présente un travail similaire sur cette période 1975-2012, en prenant la France pour référence. Il aboutit à des résultats cohérents avec les nôtres et montre en particulier que :

annuel moyen de croissance du PIB par habitant de 0,4 point par

à hauteur de 0,2 point ; (ii) depuis le milieu des années 1990, les -

penser le recul des heures travaillées et la moindre productivité

Graphiques VDécomposition de l’évolution de la participation au travail de la population par rapport aux États-Unis

En points de pourcentage par an

1974-1995

2,00

1,50

1,00

0,50

0,00

- 1,00

- 0,50

- 1,50

- 2,00

- 2,50

Zone

Euro

Japon

Royau

me

Uni

Allem

agne

Fran

ceIta

lie

Espag

ne

Pays B

as

Finla

nde

Canad

a

Austra

lie

Suède

Nor

vège

Population en âge de travailler Heures Travaillées

Taux d’emploi dans la population en âge de travailler Taux d’emploi

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PIB par habitant sur longue période

composante purement démographique apporte dans tous les pays une contribution favorable à l’évolution du PIB par habitant relativement aux États-Unis. Cet avantage apparent corres-pond en fait à une évolution moins favorable des taux de fécondité, qui baissent généralement par rapport aux États-Unis où ils demeurent assez élevés, ce qui diminue partout la part des jeunes qui n’ont pas encore l’âge de travailler. Par ailleurs, la contribution de la participation au travail de la population en âge de travailler est négative dans tous les pays à l’exception de l’Australie pour laquelle elle est négligeable. Sauf pour cette exception ainsi que pour le Royaume-Uni, la contribution des taux d’em-ploi est le plus souvent négative. Mais, surtout, la contribution de la durée moyenne du travail est partout négative, à l’exception de la Suède. En France, la contribution du facteur travail à l’évolution relative du PIB par habitant est de - 1,64 point par an, et elle se décompose en des

contributions négatives de - 1,02 point du taux d’emploi et de - 0,68 point de la durée du tra-vail, très légèrement atténuées par une contri-bution positive de 0,04 point de la part de la population en âge de travailler dans la popula-tion totale.

Ces observations concernant les contributions du taux d’emploi et de la durée du travail sug-gèrent que dans de très nombreux pays, et en particulier dans les pays européens à l’excep-tion de la Suède, un arbitrage s’est fait sur cette sous-période en faveur d’une plus forte orienta-tion qu’aux États-Unis vers une « société de loi-sirs », privilégiant le temps libre sur les gains de PIB par habitant ou bien le travail domestique sur le travail marchand. Ce constat a donné lieu à une abondante littérature au cours de la dernière décennie, la question étant de savoir si cette plus forte orientation vers une société de loisirs résulte de préférences collectives

En points de pourcentage par an

1995-2012

2,00

1,50

1,00

0,50

0,00

- 1,00

- 0,50

- 1,50

- 2,00

- 2,50

Zone

Euro

Japon

Royau

me

Uni

Allem

agne

Fran

ceIta

lie

Espag

ne

Pays B

as

Finla

nde

Canad

a

Austra

lie

Suède

Nor

vège

Population en âge de travailler Heures Travaillées

Taux d’emploi dans la population en âge de travailler Taux d’emploi

population totale. Source : voir encadré 1 et calculs des auteurs.

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ou de réglementations bridant l’offre et la

par exemple, de l’offre de travail. Les ensei-gnements de cette littérature demeurent non consensuels. Prescott (2004) montre à partir d’une modélisation calibrée que ces évolutions semblent effectivement résulter, en Europe, de

de travail. L’effet de la taxation est également mis en avant par Ohanian et al., mais Blanchard (2004) privilégie plutôt l’explication par les préférences collectives. Une des interrogations soulevées par l’analyse de Prescott (2004) est qu’il retient des élasticités macroéconomiques de l’offre de travail au revenu net beaucoup plus importantes que celles qui résultent des estimations micro-économiques. Ce contraste a lui-même fait l’objet de nombreuses analyses. Pour Alesina et al. (2005), il résulte de l’effet de multiplicateurs sociaux11 mais aussi d’inter-ventions syndicales qui forcent l’expression des préférences collectives et brident l’offre et la demande de travail, en particulier des seniors. Rogerson et Wallenius (2009) montrent que la forte hétérogénéité des préférences individuelles correspond, au niveau micro-économique, à une faible élasticité à la marge intensive (décision de travailler plus ou moins) pour les gens en emploi mais simultanément à une forte élasti-cité à la marge extensive (décision de travailler ou de ne pas travailler) pour les jeunes et les seniors. Ainsi, la faible élasticité habituellement estimée à la marge intensive sur des données micro-économiques peut correspondre à une forte élasticité globale (à la marge intensive et extensive) au niveau macroéconomique. Pour Freeman et Schettkat (2005), les écarts entre les États-Unis et l’Europe en termes de compor-tements d’offre de travail concernent pour une grande part les femmes et traduisent essentiel-lement une plus grande facilité aux États-Unis à substituer des produits et services marchands au travail domestique.

Même si elle n’est pas totalement consensuelle, cette littérature suggère que les politiques suivies dans le dernier quart du XXe siècle n’ont pas été neutres pour les taux d’emploi globaux et, par-tant, pour le niveau du PIB par tête. Tel aurait été le cas, en France, des politiques de l’emploi suivies sur cette période qui ont explicitement visé à réduire l’offre de travail, dans le contexte de l’arrivée sur le marché du travail des généra-tions du baby boom et d’augmentation de l’acti-vité féminine. Ces politiques, mises en œuvre dès le début des années 1970, ont notamment eu recours aux préretraites apparues en 1972 (700 000 personnes en 1984), à la dispense de

recherche d’emploi pour les chômeurs de plus de 57,5 ans (1984) et à une politique migratoire restrictive. La durée du travail a également été réduite, d’une part par des mesures de réduc-tion du temps de travail (5e semaine de congés payés, réduction à 39 heures de la durée légale hebdomadaire du travail), d’autre part par le subventionnement du temps partiel, notamment par le biais des allègements de charges.12

1995-2012 : la contribution positive du facteur travail est liée au taux d’emploi et, dans une mesure moindre, à la démographie

Sur la période 1995-2012, la contribution du facteur travail à l’évolution relative du PIB par habitant redevient positive dans tous les pays, à l’exception notable du Royaume Uni et de la Suède. Cette contribution positive est associée essentiellement à celle, importante, du taux d’emploi, la contribution de la durée du travail restant partout négative, à l’exception

-posante purement démographique, est générale-ment positive : elle n’est négative que dans trois pays, l’Allemagne, les Pays-Bas et la Suède. En France, la contribution totale du facteur travail à l’évolution de l’écart avec les États-Unis est nulle et se décompose en une contribution posi-tive de 0,47 point du taux d’emploi et des contri-butions négatives de - 0,34 point de la durée du travail et de - 0,13 point de la part de la popula-tion en âge de travailler dans la population totale. Selon Thubin (2014), ce facteur démographique devrait jouer positivement à l’avenir.

La contribution devenue très positive du taux d’emploi durant cette sous période, dans tous les pays à l’exception du Royaume-Uni, s’ex-plique par deux mouvements de sens opposé :une baisse du taux d’emploi aux États-Unis et, à l’inverse, une hausse du taux d’emploi dans les autres pays. La baisse du taux d’emploi aux États-Unis s’observe sur les jeunes mais aussi sur la population adulte, le taux d’emploi des seniors augmentant au contraire. Ainsi, sur les seules années 1995 à 201213, le taux d’emploi des jeunes de 15 à 24 ans passe de 58,3 % à 46 %, celui des adultes de 25 à 54 ans passe de 79,7 % à 75,7 % tandis que celui des seniors de 55 à 64 ans passe de 55,1 % à 60,7 %. La hausse du taux d’emploi dans les autres pays

à partir lui-même à la retraite. 13. Les chiffres ici présentés sont issus de la base Labour Force Statistics

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PIB par habitant sur longue période

s’observe essentiellement sur la population des seniors. Concernant les cinq plus grands pays de la zone euro, le taux d’emploi des seniors passe, de 1995 à 2012, de 37,4 % à 61,5 % en Allemagne, de 29,4% à 44,5 % en France, de 28,4 % à 40,4 % en Italie, de 32,4 % à 43,9 % en Espagne et de 29,4 % à 58,6 % aux Pays-Bas. Ces augmentations du taux d’emploi des seniors compensent largement, en Allemagne, en Italie, en Espagne et aux Pays-Bas, la baisse du taux d’emploi des jeunes : ce dernier passe de 49,1 % à 46,6 % en Allemagne et de 27,3 % à 20,5 % en Italie et de 28,6% à 20,3% en Espagne. Il passe de 56,3% à 63,3 % dans le cas des Pays-Bas mais avec un pic en 2000 à 66,5%. Le taux d’emploi des jeunes augmente en revanche légèrement en France, passant de 26,1% à 28,8%.

Les fortes augmentations du taux d’emploi des seniors traduisent entre autres les effets de diverses politiques structurelles mises en œuvre de façons généralement très différenciées dans ces différents pays européens mais visant toutes à inverser le mouvement de la période précédente : réforme des retraites, réduction ou disparition de dispositifs de préretraites et de politiques d’indemnisation chômage spéci-

-penses de recherche d’emploi. En 2012, selon Thubin (2014), le niveau du taux de partici-pation en France se situe dans la moyenne de l’OCDE, avec un taux de participation plus élevé pour les 25-54 ans et plus faible pour les 15-24 ans et les hommes de 55 à 64 ans.

* **

Les principaux enseignements à tirer de cette analyse sont les suivants :

- Sur l’ensemble de la période étudiée, le PIB par habitant a connu une très forte progression, correspondant par exemple en France à une multiplication par un facteur neuf. Cette pro-gression n’a pas été régulière : elle connait de fortes irrégularités liées à des chocs globaux, comme les guerres, les innovations techno-logiques et les chocs pétroliers, ou propres à chaque pays ou zone comme la mise en œuvre de programmes de réformes ambitieux. Les deux facteurs qui ont principalement contribué à cette forte progression du PIB par habitant sont la productivité globale des facteurs (PGF) et l’intensité capitalistique. Les vagues techno-logiques ont des effets décalés entre pays, les États-Unis anticipant le plus souvent leur impact

par rapport aux autres pays industrialisés. Ces décalages tiennent fortement à des aspects ins-titutionnels (fonctionnement des marchés des biens et du travail, qualité des services fournis

- Le Royaume-Uni et l’Australie étaient les

habitant en début de période, les États-Unis pre-nant leur place entre les deux guerres mondiales et maintenant cette avance par la suite (si on

hiérarchies de PIB par habitant entre pays sont

capitalistique mais aussi par les écarts de taux d’emploi et de durée moyenne du travail.

- Un fort contraste apparait depuis le milieu des années 1970 concernant la contribution du facteur travail entre les pays anglo-saxons, dont principalement les États-Unis, et les autres pays, en particulier européens. Du milieu des années 1970 jusqu’au milieu des années 1990, cette participation diminue dans les seconds vis-à-vis des États-Unis, tant en ce qui concerne le taux d’emploi que la durée moyenne du travail, ce qui contribue à abaisser le niveau relatif de PIB par habitant. Cette évolution s’inverse en par-tie dès le milieu des années 1990, en particu-lier du fait de l’augmentation du taux d’emploi des seniors.

- Sur l’ensemble de la période, l’évolution du PIB par habitant est en France assez semblable à celle de l’ensemble de la zone euro. Mais depuis le milieu des années 1990, la stabilité de la situation française par rapport à l’ensemble de la zone euro résulte d’une évolution défavo-rable de l’Italie qui compense l’évolution restée plus favorable de l’Allemagne. Les écarts avec l’Allemagne résultent largement de dynamiques différentes des taux d’emploi.

Différentes politiques économiques peuvent avoir un effet sur le positionnement relatif des pays en termes de PIB par habitant. Outre les politiques d’innovation, les politiques écono-miques les plus déterminantes sont, tout d’abord,

-dement possible des chocs technologiques, autrement dit les politiques visant à réduire les barrières anticompétitives sur le marché

marché du travail, et bien entendu les politiques éducatives élevant le niveau moyen d’éducation de la population en âge de travailler (voir sur ces aspects : Aghion et Howitt, 1998, 2006, 2009 ;Aghion et al., 2008, pour une illustration et

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Cette et al., 2008, pour une synthèse). Viennent -

cipation au travail de la population en âge de travailler, et en particulier les taux d’emploi. En ce domaine, le PIB par habitant de la France et plus largement de la zone euro relativement

à celui des États-Unis pâtissent de taux d’emploi plus faibles à la fois des juniors et des seniors. Mais la forte augmentation des taux d’emploi des seniors en France et en Europe depuis le début des années 2000 montre que ce genre de situation n’a rien d’irréversible.

BIBLIOGRAPHIE

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35

DÉPENDANCE

Dans quelle mesure les préférences individuelles contraignent-elles le développement du marché de l’assurance dépendance ?Roméo Fontaine *, Manuel Plisson ** et Nina Zerrar ***

Dans un contexte de vieillissement de la population, différents scenarii sont envisagés

-

potentiellement conséquents, peu d’individus disposent d’une couverture assurantielle.

-rences observées dans la population limitent cette couverture. Nous mobilisons pour cela l’enquête Patrimoine et préférences vis-à-vis du temps et du risque (Pater) de 2011. À la

Pater a intégré un questionnaire complémentaire relatif à la perception du risque dépendance et aux compor-tements d’assurance (Pated). L’enquête Pater

-babilité de souscrire une assurance parmi les individus percevant le risque : la préférence pour le présent, l’aversion au risque, l’altruisme familial et le goût présumé pour l’aide informelle.

dans la demande d’assurance. Néanmoins, même au sein d’une population présentant les préférences les plus favorables à la souscription d’une assurance, les simulations montrent que le taux d’équipement ne dépasserait pas 20 %. Le recours accru à la prévoyance indi-viduelle par le biais d’une généralisation des couvertures assurantielles privées apparaît

d’une régulation publique incitant ou contraignant la souscription d’une assurance.

Codes JEL : C25, D91, G22, I12, I18, J14.

Mots-clés : dépendance, perte d’autonomie, assurance dépendance, demande d’assurance, préférence pour le présent, aversion du risque.

* Laboratoire d’économie de Dijon (LEDi – UMR 6307 – Université de Bourgogne – CNRS – U1200 Inserm), Fondation Médéric Alzheimer.** Fondation Médéric Alzheimer, LEDa-LEGOS (PSL, Université Paris-Dauphine).*** LEDa-LEGOS (PSL, Université Paris-Dauphine), Fondation Médéric Alzheimer.

Pated Pater

-Pater Pated

Pated

Pated

Rappel :

Les jugements et opinions exprimés par les auteurs n’engagent qu’eux mêmes, et non les institutions auxquelles ils appartiennent, nia fortiori l’Insee.

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36

S elon la dernière évaluation de la Drees, les

28,3 milliards d’euros soit 1,41 points de PIB (Renoux et Roussel, 2014). Ces dépenses appa-

Évalué à 21,1 milliards d’euros en 2011, soit 1,05 point de PIB, l’effort public en faveur des

d’une aide dans l’accomplissement des actes de la vie quotidienne. Au niveau national, le coût à

d’euros1

couvrent 99 % des dépenses de santé, ils ne couvrent que 83 % des dépenses médico-sociales

-cation personnalisée d’autonomie2 (Apa), cela

individuel moyen de 396 euros par mois. Pour les personnes les plus dépendantes (GIR 1 et GIR 2),

d’euros au niveau national, soit au niveau indi-viduel 692 euros par mois en moyenne3. Cette

monétaire sous-estime néanmoins à double titre les véritables coûts privés induits par la prise en

cet exercice complexe de comptabilité, que ce soit par exemple les dépenses occasionnées par

du cadre de l’Apa ou les dépenses associées aux aménagements du logement. Faute de données statistiques au niveau individuel, les restes à

au sein de la population sont en fait relativement mal connus à ce jour. On sait malgré tout qu’ils peuvent atteindre des montants importants. Selon

-suel moyen en institution est estimé à 1 468 euros

-

Par ailleurs, les coûts monétaires ne constituent qu’une partie des coûts privés. L’aide informelle représente en effet une ressource majeure dans

-dantes. Or celle-ci implique des coûts pour les

aidants, que ce soit en termes de réduction de l’offre de travail ou de détérioration de l’état de santé (Fontaine, 2011). Selon l’enquête Handicap Santé Aidant réalisée en 2008 (Drees et Insee), l’aide informelle serait au niveau natio-nal évaluée à 8,3 milliards d’euros (Davin et al.,2014). Ajoutés aux coûts monétaires évalués par la Drees, on arrive à un coût global approximatif de 36,6 milliards d’euros (1,65 points de PIB),

La loi d’orientation et de programmation « pourl’adaptation de la société au vieillissement »devant entrer en vigueur en 2015 a pour ambi-

une nouvelle taxe a d’ores et déjà été instaurée -

Sécurité sociale pour 2013. Entrée en vigueur le 1er avril 2013, la Contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (Casa) permet-tra en 2014 de dégager environ 600 millionsd’euros. Si en 2013 et 2014, les produits de la Casa ont à titre dérogatoire été reversés au Fond de solidarité vieillesse, ils seront, dès la réforme

Les ressources publiques que la Casa permet de mobiliser sont cependant loin de couvrir les

devront compter sur leurs propres ressources

domicile ou en institution.123

Le vieillissement de la population ne fait

-tien de l’effort public actuel étant lui-même

réforme, les dépenses publiques en faveur des

les dernières projections de la Drees s’établir à

publique nécessite donc de dégager des res-

PIB (Roussel et Zaidman, 2014). Si les besoins

-

(Drees, 2013).

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Préférences individuelles et développement de l’assurance dépendance

années, nettement plus importants en matière de

dépendance seront, selon toute vraisemblance, supérieurs à ceux du risque retraite après 2050.

-

qui est à redouter, tant un accroissement de la

Dans ce contexte, la prévoyance individuelle, via le recours à une assurance dépendance, peut

-

coûts associés à l’aide informelle. Si la nécessité d’une réforme du système de protection sociale est globalement partagée, la place à accorder au

4.

disposent en France d’une véritable couver-ture assurantielle sur le risque dépendance. Bien que près de 5,5 millions d’individus dis-posent en France d’une assurance dépendance souscrite auprès d’un organisme privé (socié-tés d’assurance, mutuelles ou institutions de prévoyance), seuls 2 millions disposent d’une couverture viagère (cf. encadré 1). 4Celareprésente moins de 10 % de la population des 50 ans et plus. Ce constat n’est pas propre à la France. Même aux États-Unis, qui présentent

Fragonard (2011) pour une discussion sur un scénario d’assu-rance privée universelle.

LE MARCHÉ DE L’ASSURANCE DÉPENDANCE EN FRANCE

-

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via-

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un contexte institutionnel tout à fait différent,

Finkelstein, 2009).

Ce faible taux d’équipement questionne

-darités publiques et familiales, une partie

-

celui-ci se développe progressivement sans

-dance, les individus sont majoritairement peu enclins à adopter spontanément des comporte-ments de couverture, la question d’une régu-

d’acuité. Celle-ci peut potentiellement prendre la forme d’une solvabilisation de la demande, d’une régulation accrue de l’offre, ou encore de l’instauration d’une assurance obligatoire. Comprendre les mécanismes à l’origine du faible recours aux assurances privées est donc important pour discuter de la nécessité d’une régulation publique.

Cet article propose une étude empirique de la demande d’assurance visant à mieux com-prendre le faible taux d’équipement dans la population. Notre analyse empirique propose

des préférences individuelles dans la souscrip-tion d’une assurance. Quatre dimensions des préférences individuelles susceptibles d’expli-quer les comportements de couverture sont considérées dans l’analyse : la préférence pour le présent, l’aversion au risque, l’altruisme familial et le goût pour l’aide informelle. L’enjeu est en particulier d’évaluer dans quelle

-rance dépendance bute sur la faible prédisposi-tion des individus à recourir à des instruments permettant de couvrir et d’anticiper les coûts éventuels d’une entrée en dépendance. Les

effet présager que la souscription à une assu-rance implique des préférences particulières, peut-être peu fréquentes dans la population, associant à la fois un certain degré de pré-voyance, de prudence, d’altruisme familial et un goût limité pour l’aide informelle.

Pour évaluer dans quelle mesure les pré-férences observées dans la population contraignent la demande d’assurance, nous évaluons dans un premier temps le pouvoir

le recours à une assurance. Dans un second temps, nous utilisons les résultats d’estima-tion obtenus pour simuler le taux de couver-

par des préférences très favorables à la sous-cription d’une assurance, mais réalistes. S’il

peu, alors seules des préférences inobser-vables dans la population pourraient conduire dans le contexte actuel à un taux de couverture important. Un tel résultat démontrerait que le

-rance dépendance est plus qu’incertain et que seule une régulation publique adaptée ou un renouvellement important des produits offerts

couverture assurantielle privée.

autorisées par l’exploitation jointe des données de l’enquête Patrimoine et préférences vis-à-vis du temps et du risque (Pater) et de son module complémentaire dépendance Pated développé

-dré 2). Nous nous appuyons en particulier sur le croisement des informations recueillies d’un côté via l’enquête Pater sur les caracté-

-férences et le contexte dans lequel s’exprime

-rations familiales, etc.), et d’un autre côté via l’enquête complémentaire Pated sur la per-ception du risque dépendance et les comporte-ments de couverture.

Le reste de l’article s’organise de la manière

temps les différents arguments présentés dans la littérature pour rendre compte de la faible demande d’assurance dépendance. Nous pro-posons dans une seconde section un panorama descriptif de la perception du risque dépen-dance et des comportements de couverture au

-scoring Pater » utilisée

pour mesurer les 4 dimensions des préférences considérées ici, ainsi que la modélisation éco-nométrique utilisée pour évaluer le pouvoir

résultats d’estimations relatifs aux détermi-

d’assurance sont présentés dans une quatrième

les résultats d’estimation et les simulations per--

rences dans la demande d’assurance.

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Préférences individuelles et développement de l’assurance dépendance

Les freins possibles au développement du marché de l’assurance dépendance

L es premiers travaux visant à expliquer le -

rance dépendance ont pointé les défaillances

de l’offre5

(2009), différentes imperfections du côté de l’offre réduisent l’attractivité des couvertures

dépendance.

Pater Pated

-

PaterPated.

Pater

Patrimoine

-

Pater-

-

-

Pater

-

et al.Pater et

Économie

Module complémentaire Pated de la Fondation Médéric Alzheimer

Pater -

Pated Pated -

-

Pated

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-

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Pater -

Pated

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-

Échantillon

Pater/Pated

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proposées en tirant les prix des assurances vers

anti-sélection dynamique, importance des coûts de transaction, manque de concurrence ou encore incertitude à long terme sur la préva-lence de la dépendance. Néanmoins, selon les auteurs, les imperfections imputables à l’offre ne sont pas en mesure à elles seules d’expliquer le faible taux de couverture et il est nécessaire de trouver des explications du côté de la demande :

“Even if, contrary to fact, the supply side of the market were « perfect », in that fully comprehensive policies were offered at actuarially faire rates, the majority of indi-viduals would not purchase them. This sug-gests important limitations on the demand side of the market, and it is to a discussion of demand-side limitations that we now turn”

Du côté de la demande individuelle, différentes pistes sont évoquées pour expliquer la faible pro-pension des individus à souscrire des assurances dépendance. Les premières pointent la rationalité limitée des agents face au risque dépendance : ils prendraient leur décision de couverture dans un contexte de méconnaissance des produits disponibles et du risque dépendance. D’autres, sans remettre en cause la rationalité des agents,

la manière dont celles-ci, au regard des préfé-rences des agents, freinent l’adoption de com-portements spontanés de couverture.

La myopie comme frein à la souscription

La myopie des agents est fréquemment évo-quée dans la littérature pour rendre compte de la faible disposition des individus à sous-crire des assurances dépendance (Assous et

Dans la littérature économique, le concept de

employé pour caractériser différentes situations. Dans le contexte de l’assurance dépendance, la myopie s’exprime potentiellement à trois niveaux,

La première est liée à la dimension intertem-porelle associée à la décision de souscription d’une assurance dépendance. Dans un cadre d’analyse intertemporelle sans incertitude,

de « myopie intertemporelle » pour caractériser la propension des individus à dévaloriser leur

bien-être futur. Cette myopie intertemporelle sera évoquée dans la section suivante à travers la préférence pour le présent, frein présumé à la souscription d’une assurance.

La seconde renvoie à la dimension d’incer-titude caractérisant le niveau de dépendance

optique de « myopie probabiliste » pour carac-tériser le fait que certains agents ne considèrent pas dans leur décision des états du monde peu

-ment, ces comportements qui tendent à défor-mer certaines probabilités ont été modélisés par

(2013). Ce type de myopie peut expliquer en partie la faible souscription à une assurance dès lors que les individus tendent à sous-estimerla probabilité d’entrée en dépendance. Dans la suite de l’article, sans précision supplémen-taire, le terme de myopie sera utilisé dans cette optique, pour caractériser une mauvaise appré-ciation du risque dépendance et en particulier une sous-estimation du risque.

déterminants d’un comportement. Les travaux visant à modéliser les comportements addic-tifs (consommations de cigarettes par exemple) font référence à la myopie pour exprimer une rationalité limitée des agents qui ne prendraient pas en compte l’impact sur leur bien-êtrefutur de leur consommation actuelle de ciga-rettes (cf. par exemple Becker et al., 1994). Conceptuellement, cette myopie information-nelle se distingue de la myopie intertemporelle (même si elles se cumulent dans de nombreuses situations) car elle peut s’exprimer même sans préférence pour le présent. La frontière avec la myopie probabiliste est néanmoins plus tenue car une mauvaise appréciation des probabilités d’occurrence d’un risque peut trouver son ori-gine dans un manque d’information.

Cette myopie informationnelle renvoie aux tra-

relativement faible de nombreux individus. Ils constatent qu’une grande partie de la popu-lation étudiée, issue de pays industrialisés ne dispose que d’une faible connaissance des pro-

qui suggérait que le niveau de connaissance en

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Préférences individuelles et développement de l’assurance dépendance

faible pour prendre les bonnes décisions en matière d’épargne.

Il n’existe pas à notre connaissance de travaux semblables sur les comportements de couver-ture face au risque dépendance. On peut néan-moins s’attendre à ce que la rationalité des agents soit soumise à rude épreuve étant donné le nombre de paramètres à prendre compte pour évaluer les tenants et les aboutissants des diffé-

de départ à la retraite, évaluation des ressources disponibles futures en aide informelle, actua-lisation des cotisations et des rentes versées, etc. Certains individus tendent en particulier à

sont naturellement couverts via leur complé-mentaire santé ou leur assurance prévoyance.

Si, conceptuellement, ces trois formes de myopie peuvent se cumuler dans le cas de la demande d’assurance dépendance, il convient

à dissocier d’un point de vue empirique.

ailleurs jouer un rôle important dans la manière dont les individus perçoivent le risque dépen-dance. Le « déni » est évoqué par la littérature

de certains individus faisant face à des situations menaçant ou dépassant leurs ressources6. Le déni ne renvoie donc pas à un défaut d’information mais à des situations où l’individu, connais-

ou moins volontairement de ne pas le prendre

ayant connaissance du risque dépendance auquel

si celui-ci n’existait pas. Ce mécanisme de néga-tion irrationnel du risque peut s’expliquer de

-

Les préférences face aux caractéristiques du risque dépendance

d’expression, n’est néanmoins pas la seule à

rendre compte de la faible disposition des indi-vidus à se couvrir face au risque dépendance. À l’instar de Pauly (1990) ou Bien et al. (2012), on peut rendre compte de la faible disposition des individus à souscrire une assurance à travers une modélisation microéconomique bivariée relativement simple, où les individus seraient supposés à la fois rationnels, parfaitement

présente en effet au moins trois caractéristiques importantes pouvant conduire un agent ration-nel à ne pas se couvrir.6

La première caractéristique renvoie à l’éloi-gnement temporel entre la décision de sous-cription et la survenance du risque. Elle conduit à donner un rôle important à la préférence pour

au risque.

Si un agent décide de contracter une assurance dépendance à 50 ans, ce n’est que vers 80 ansque sa probabilité de devenir dépendant sera substantielle. La préférence pour le présent (ou

ne produisent leurs effets que dans un futur lointain. Même si la préférence pour le présent est relativement faible, le décalage temporel peut entraîner une dépréciation conséquente du

l’individu est confronté au risque dépendance. La préférence pour le présent se distingue dans

produit néanmoins les mêmes effets: si un indi-

à s’assurer contre un risque susceptible de se

En situation d’incertitude, les individus se dis-tinguent par leur degré d’aversion au risque.

niveau de revenu entre les différents états de la nature (ici entre l’état « dépendant » et l’état « non dépendant »). L’aversion au risque incite donc à la souscription. Néanmoins, la désutilité potentielle liée à l’incertitude, et donc l’intérêt à se couvrir, sont vraisemblablement amoin-dris par l’éloignement temporel du risque. En

-rait a priori ne percevoir qu’un intérêt limité à s’assurer si sa préférence pour le présent est

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-sion au risque pourrait freiner la souscription à une assurance dès lors qu’un individu doute

de nombreuses années le paiement des cotisa-tions. En cas de résiliation du contrat, le risque est en effet de cotiser à « fonds perdus », i.e.sans possibilité de sortie en capital.

Comme d’autres risques liés à l’état de santé, la réalisation du risque dépendance n’est vrai-semblablement pas sans conséquence sur la

-

,réduisant l’intérêt d’une assurance permettant

dépendant » vers l’état « dépendant » (Assous et al., 2012). Autrement

dit, les individus seraient peu enclins à trans--

dante qu’ils pourraient devenir dans le futur, et

Finalement, une troisième caractéristique propre au risque dépendance repose sur le rôle majeur joué par l’aide informelle. L’aide informelle étant partiellement substituable à l’aide profes-sionnelle, la décision de souscrire une assurance

professionnelle interagit probablement avec la manière dont les individus valorisent l’aide et

aléa moral intergénérationnel, c’est-à-dire d’une diminution anticipée de l’aide informelle en cas de recours à une assurance dépendance, pourrait

ce mécanisme n’implique pas nécessairement qu’aide informelle et aide professionnelle soient réellement substituables. Seul compte le fait que l’individu anticipe ce lien négatif au moment de s’assurer.

Deux dimensions concurrentes des préférences peuvent alors réduire ou accroître ce méca-nisme. La première renvoie au goût pour l’aide

-tivement valorisée en comparaison de l’aide d’un professionnel, plus l’existence d’un « aléamoral intergénérationnel » sera coûteux pour l’individu. Dit autrement, si les enfants s’occu-pent moins de leurs parents lorsque ceux-cisont couverts contre le risque dépendance (ou simplement si les parents l’anticipent), alors un goût prononcé pour l’aide de leur enfant désin-citera les parents à s’assurer.

À l’inverse, si les individus peuvent compter

être incités à souscrire une assurance pour jus-

informelle en cas de souscription ne serait pas un effet indésirable mais bel et bien l’effet

Ce mécanisme renvoie plus généralement à l’existence d’un altruisme familial. D’un point

-pond au fait qu’un individu valorise le bien-être

comportements individuels à l’égard du risque dépendance, cet altruisme familial peut inter-

dépendance sur les membres de sa famille (son conjoint et/ou ses enfants). Si l’aide informelle constitue une alternative à l’aide profession-

s’accompagne néanmoins de coûts indirects, généralement non monétaires, pour les aidants informels8. Les individus les plus altruistes seraient dès lors incités à s’assurer pour couvrir

Deuxièmement, l’altruisme familial peut s’exprimer à travers la volonté de préserver le niveau de vie et le patrimoine familial, et en

-vrir contre le risque dépendance peut dès lors constituer un moyen de se prémunir face à une diminution importante du patrimoine à trans-

placement en institution.

À ce jour, faute de données d’enquête, très peu d’études empiriques permettent de tester l’existence et le poids relatifs de ces diffé-rents mécanismes limitant la demande d’assu-rance. Les travaux empiriques existants sont généralement menés sur données américaines, dans un contexte institutionnel présentant des

-vée seconde croisée de l’utilité entre revenu et santé (ou dépen-dance) positive.

, 2008).

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Préférences individuelles et développement de l’assurance dépendance

différences notables par rapport au contexte français (Fontaine et Zerrar, 2013). À notre connaissance, seuls Courbage et Roudaut (2008) et Plisson et Legal (2011) étudient la demande d’assurance sur données françaises. Les premiers exploitent pour cela les données de la vague 2 de l’enquête Share -

mobilisent quant à eux des données d’une bancassurance. Les deux études permettent

-économiques de la propension à souscrire une assurance dépendance mais ne mesurent pas

-viduelles sur la demande d’assurance. Face à

-ture existante en évaluant empiriquement, dans le cas français, le rôle des préférences dans la perception du risque et les stratégies de couver-tures adoptées.

Perception du risque dépendance et comportements de couverture au sein de l’échantillon :analyse descriptive

Outre les informations sur la couverture assurantielle des individus enquêtés,

l’enquête Pater/Pated permet d’étudier la per-ception du risque dépendance. L’une des prin-

comme déterminants de la demande de couver-

et Legal, 2011) sont en fait en grande partie associés, en amont, au fait d’envisager ou non le risque d’être un jour dépendant.

La perception du risque dépendance et de la demande d’assurance dépendance sont analy-

Pated.

ayant envisagé la possibilité d’être un jour dans une situation de dépendance : (question E29)« Vous-même, avez-vous envisagé qu’un jour vous pourriez être dépendant(e) ? ». La seconde question mobilisée ici permet d’iden-

envisagé le risque et pris des dispositions ceux qui déclarent disposer d’une assurance dépen-dance, qu’elle soit individuelle ou collective :(question E31) « Concrètement, quelles disposi-

ce risque ? ».

Entre myopie et déni : 4 individus sur 10 n’envisagent pas le risque dépendance

Le tableau 1 présente la distribution des indi-vidus selon les 5 modalités de réponses pro-posées à la question E29. Si on laisse de côté l’information recueillie à travers cette question sur la prise de disposition pour se focaliser uni-quement sur le fait d’envisager ou non le risque dépendance, il apparaît que 58 % des individus

42 % déclarent ne pas l’envisager ou ne pas

4 individus sur 10 ne se sentent pas concernés au moment de l’enquête par le risque dépen-dance et ne développent en conséquence aucune stratégie de couverture.

Parmi eux, il est possible de distinguer ceux qui déclarent ne pas envisager le risque (moda-

parler (modalité 5), qui rassemble 15 % de notre

Pater/Pated 2011.

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modalités de réponse n’est a priori pas neutre et renvoie plutôt à la myopie dans le premier cas et au déni dans le second (encadré 3).

La première réponse, i.e. « Non, je n’ai pas envisagé que je pourrais être dépendant », peut être interprétée comme le signe d’une myopie extrême traduisant non pas une sous-estimationdu risque mais plus radicalement l’absence de

ce risque ne peut être écarté, ni même négligé, pour quiconque9. La seconde réponse, i.e. « Jene souhaite pas en entendre parler », évoque un certain déni de la part des agents au sens où elle révèle non pas une information imparfaite ou une méconnaissance du risque mais plutôt la non-considération volontaire d’un risque vrai-

La souscription à une assurance dépendance, instrument de couverture le plus fréquent

Parmi les individus déclarant envisager le -

qui représente 10 % de l’ensemble des indi-vidus. Parmi les dispositions prises, la plus fréquente est la souscription à une assurance dépendance, qui concerne près de 3 individussur 4 parmi ceux ayant pris des dispositions (tableau 2). Au total, ce sont près de 8 % des

posséder une assurance dépendance, ce qui

3 % déclarent disposer d’épargne ou de com-pléments de revenu qui pourront être utilisés

n’est quant à lui quasiment jamais effectué de manière préventive.9

Le tableau 3 présente les raisons évoquées par les enquêtés pour expliquer le fait de ne

retrouve ici aussi l’expression d’un certain déni et d’une certaine myopie. En effet, parmi les individus envisageant le risque mais n’ayant pas pris de disposition, près d’un individu sur

-

Encadré 3

probit-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

A contrario

-

-

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Préférences individuelles et développement de l’assurance dépendance

quatre déclare préférer ne pas penser à ce sujet.

individus qui déclarent ne pas savoir comment s’y prendre. Par ailleurs, de nombreux enquêtés

au risque dépendance en évoquant un manque

(25 %)10. Près d’un individu sur dix considère

sans avoir besoin de recourir à des couvertures

possibilité de recourir à l’aide de l’entourage (9 %) ou aux aides publiques (11 %). Pour eux, l’aide familiale et l’aide publique consti-tueraient donc une alternative à la souscription d’une assurance privée.

Avoir connu ou connaître une personne âgée dépendante favorise la prise en compte du risque dépendance 10

Le questionnaire Pated intègre différentes questions visant à collecter de l’information sur la présence dans l’entourage de l’enquêté

-

risque dépendance dépend de l’expérience que l’enquêté a vis-à-vis de la perte d’autonomie

et Roudaut, 2008).

-sons simultanément.

Pater/Pated 2011.

pas avoir pris de disposition.Pater/Pated 2011.

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De manière attendue, les individus ayant actuel-lement ou ayant eu par le passé une personne dépendante dans leur entourage envisagent plus fréquemment que les autres le risque dépen-dance. Ils sont 64 % à déclarer envisager le risque dépendance parmi ceux ayant eu ou

-dante dans leur entourage contre 48 % parmi

dépendantes dans leur entourage (la différence

multivariée, dont l’ensemble des résultats est

ce résultat, après contrôle des caractéristiques et des préférences individuelles. Ce résultat

la perception du risque dépendance ne serait pas uniquement une caractéristique intrinsèque des individus mais serait aussi modelée par le contexte dans lequel ils évoluent. Il suggère par ailleurs la possibilité d’accroître, par exemple par des campagnes d’information, la propen-sion des individus à envisager le risque, condi-tion nécessaire à l’adoption de comportements de couverture individuelle.

La proportion d’individus envisageant le risque

avec le nombre de personnes dépendantes connues dans son entourage. Elle dépend aussi

du type d’incapacité. La propension à envisa-ger le risque dépendance apparaît par exemple

confrontés à la dépendance d’un conjoint (et

ceux ayant dans leur entourage une personne

cognitives. Le fait d’apporter une aide infor-melle serait aussi plus fréquemment associé au fait d’envisager le risque dépendance. L’effet apparaît cependant relativement modeste et sug-gère que c’est avant tout le fait de connaître une

qui détermine la perception du risque.

-dante pourrait n’avoir qu’un effet transitoire sur la perception du risque. Or, la comparaison entre des individus ayant connu dans le passé

dépendante montre que ce n’est pas le cas et que cet effet sur la perception du risque semble

dépendante soit connue actuellement ou par le

la probabilité d’envisager le risque dépendance.

un effet opposé de la période à laquelle a été

myopie (« Je n’ai pas envisagé que je pourrai être dépendant ») et le déni (« Je ne souhaite pas en parler »). Avoir actuellement dans son

que par le passé est tout d’abord associé signi-

-dante, comme révélateur ou rappel de l’exis-tence du risque, semble donc s’estomper au

-dante. Si le déni trouve en partie son origine

-duirait une distance émotionnelle vis-à-vis de cet évènement qui estomperait le déni.

Mesure des préférences

sur la demande d’assurance :approche méthodologique

Une mesure des préférences par la méthode de « scoring Pater »

L’enquête Pater a été élaborée dès son origine pour évaluer les préférences des individus face au risque et au temps11. Plutôt que d’estimer les paramètres structurels d’une forme fonc-tionnelle présupposée de la fonction d’utilité, le parti pris des concepteurs de l’enquête a été de se limiter à la construction d’indicateurs qualitatifs ordinaux, permettant de classer les individus enquêtés selon leur appétence pour le risque, leur préférence pour le présent ou encore leur degré d’altruisme. Pour cela, l’enquête Paterdes protocoles expérimentaux en interrogeant

du type : « Supposons qu’on vous assure à l’âge de 20 ans d’avoir une vie sans aucun problème de santé. En contrepartie, vous aurez une durée de vie plus courte. Acceptez-vous ce pacte ? ».Ces questions abstraites sont complétées par des questions concrètes de toute nature, ciblant un grand nombre de situations et de domaines, ren-voyant aussi bien à des projets de vie qu’à des

pour une présentation et une discussion de la méthodologie

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Préférences individuelles et développement de l’assurance dépendance

décisions anecdotiques et aussi bien à des ques-tions factuelles qu’à des questions d’opinion. À titre d’exemple, il est demandé aux indivi-dus : « Lorsque vous souhaitez vous offrir un article dont vous avez très envie, que faites-vous le plus souvent ? Vous l’achetez tout de suite /Vous attendez les soldes /Cela dépend du prix »ou « La prévoyance fait-elle partie des trois principales valeurs que vous cherchez ou cher-cheriez à transmettre en priorité à vos enfants ?Oui / non ».

Considérées séparément, toutes ces questions renseignent, en partie, sur les préférences face au risque ou au temps mais offrent une informa-tion brouillée par des facteurs confondants non contrôlés (contrainte de liquidité, impatience

question peut en effet être interprétée de diffé-

intervenir, outre la préférence pour le présent ou l’aversion au risque, d’autres dimensions liées aux préférences des individus ou au contexte dans lequel elles s’expriment.

Pater est de multiplier le type de questions en s’inté-ressant à un large éventail d’opinions ou de

-seignent a priori sur les préférences face au risque et au temps ont une composante com-mune correspondant à la dimension que nous

-

est alors amené à supposer que les facteurs

corrélés entre eux au regard de la diversité des questions posées, se compensent pour donner

face au risque ou au temps.

-dologie développée par Arrondel et Masson. Elle consiste à utiliser ces différentes questions de l’enquête Pater pour construire des scores

dimensions majeures des préférences interve-

couverture face à un risque long : l’aversion au risque et la préférence pour le présent (cf. enca-dré 4). De manière plus originale, mais aussi plus exploratoire, il nous a semblé nécessaire de distinguer deux autres dimensions des préfé-

l’altruisme familial et le goût présumé pour l’aide informelle.

Au regard des comportements de couverture face au risque dépendance, l’altruisme fami-lial peut s’exprimer de deux manières, à travers la volonté de préserver les aidants familiaux

Les données dont nous disposons ne nous per-mettent cependant pas d’isoler rigoureusement la première dimension de l’altruisme familial

-tir des réponses que les enquêtés apportent à la question suivante : « Indiquez à l’aide d’une note allant de 0 (pas du tout important) à 10 (très important) le degré d’importance qu’a à vos yeux chacune des raisons d’épargner suivantes : (modalité n°7) Transmettre à vos descendants ». Contrairement au score de pré-férence pour le présent et d’aversion au risque, l’altruisme familial est donc ici mesuré par un score autoévalué12 (par l’enquêté). À noter que le terme d’altruisme familial employé ici pour évoquer l’importance accordée à la transmis-sion d’un patrimoine à ses descendants est en partie excessif et mérite d’être nuancé. Le goût pour la transmission d’un patrimoine à ses des-cendants peut en effet reposer sur la satisfaction du legs lui-même, sans considération directe de

-tiers. Arrondel et Masson (2004) parlent dans ce cas « d’altruisme paternaliste ».

La seconde dimension que nous tentons de cap-turer correspond au goût présumé pour l’aide informelle. Comme évoqué précédemment, ce

-sion des individus à s’assurer. Cette dimension est ici évaluée sur le même modèle que celui employé pour construire les scores de préfé-rences pour le présent et d’aversion au risque, bien que seulement 4 items entrent dans la construction du score (cf. encadré 4).

Comme évoqué précédemment, le fait que l’utilité marginale du revenu soit affectée par l’entrée en dépendance constitue une autre

et Masson pour étudier le comportement des épargnants. Nous

-

-

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caractéristique des préférences pouvant interve-nir dans la décision de couverture. Cette dimen-sion ne peut néanmoins pas être évaluée à partir des données mobilisées ici et ne sera donc pas prise en compte dans l’analyse empirique.

L’annexe A présente la distribution des 4 scores

Au niveau individuel, les 4 dimensions des pré--

ment corrélées. La préférence pour le présent et l’aversion au risque sont les deux dimensions les plus corrélées ( = - 0,26***). De manière attendue, les individus les plus prévoyants

aussi plus fréquemment altruistes. Les individus tendent donc à cumuler les différentes dimen-

à la souscription d’une assurance dépendance. Le goût présumé pour l’aide informelle, qui lui

Des analyses économétriques non présentées -

dentes menées par Arrondel et Masson dans leurs précédents travaux et montrent que les préférences individuelles mesurées ici ne sont que partiellement corrélées aux caractéris-

-

-

Pater -

-

-

-

i.e.

item-rest correlation

-

item-rest corrélation -

-

(dépasser la vitesse autorisée, ne pas mettre sa cein-

-

ST

-

SR

-

-

-

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Préférences individuelles et développement de l’assurance dépendance

des préférences au sein de la population ne recouvre que très imparfaitement la distribution des différentes caractéristiques sociodémogra-

couverture face au risque dépendance, les préfé-rences apportent donc une information supplé-mentaire par rapport aux seules caractéristiques

Modélisation séquentielle

L’évaluation de l’effet des préférences et des

demande d’assurance dépendance est effec-tuée à partir d’une modélisation séquentielle (cf. encadré 5). D’un point de vue empirique, la modélisation adoptée exploite la structure de

Encadré 5

dépendant(e) ?-

?

ENVi=

1 si l'individu i envisage le risque d'être

un jour dépendant (modalités (1),

(2) ou (3) de la question E29)

0 sinon

ASSi=

1 si l'individu i déclare disposer

d'uune assurance dépendance

(modalités (1) ou (2) dee la question E31)

0 sinon

ENV et ASS PATER -

-

-

-

-

-

ENV

ENVENV *

i

i=>

1 0

0

si

sinon

ENV x S S S Si i T Ti R Ri A Ai I Ii i* . . . . .= + + + + +β α α α α ε

1 1 1 1 1 1

AS

ASSA * ENV ENV

i

i i i

SS

=

= > =

1 1 0 1

0

si et

sinon

/( )

ASS ENV x S S S

S

i i i T Ti R Ri A Ai

I Ii i

* /( ) . . . .

.

= = + + +

+ +

1 2 2 2 2

2 2

β α α α

α ε

xi

-

STi

SRi

SAi

SIi

j jT jR jA et jI

ji

ε1 0 1i

N→ ( , ) et ε2 1 0 1i i

ENV N/ ( ) ( ,= → )

-

-

-

-

ENV

model et al.

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la question de l’enquête Pated relative à la cou-verture du risque dépendance: « Vous-même, avez-vous envisagé qu’un jour vous pourriez être dépendant ? ». Ainsi, les personnes interro-gées doivent répondre si elles envisagent d’être un jour dépendantes, et, si tel est le cas, si elles ont pris ou non des dispositions pour se couvrir

-ture de la question invite à comprendre le com-portement de couverture comme une décision conditionnelle : (i) le risque est-il envisagé ?(ii) si oui, est-il couvert ?

Cette modélisation a l’avantage de permettre

du risque dans le comportement de couverture. Comprise au sens littéral, la question « envisa-gez-vous d’être un jour dépendant ? » invite en effet à répondre sur l’éventualité de survenue d’un tel événement. Ne pas envisager ce risque révèlerait ainsi une déformation des probabili-tés objectives au sens entendu dans la première

ni même négligé, pour quiconque. En d’autres termes, répondre ne pas envisager être dépen-dant manifesterait soit une forte myopie13 soit un certain déni au sens précisé précédemment.

Pour autant, on ne peut écarter le fait que les personnes déclarant ne pas envisager être dépendant ne répondent pas au sens littéral de la question mais à un sens détourné que nous pour-rions ainsi transcrire : « Vous préoccupez-vous du jour où vous pourriez être dépendant ? ».

Dans ce cas, il faut s’attendre à ce que les per-sonnes jeunes ou manifestant une forte pré-férence pour le présent répondent qu’elles n’envisagent pas la situation de dépendance, indépendamment de la myopie ou du déni qui pourrait caractériser leur perception du risque1314.

On ne peut également exclure que la myopie et le déni d’une part et la préférence pour le pré-sent d’autre part soient très fortement intriquées, la myopie ou le déni rendant moins « coûteux »la préférence pour le présent : ne pas envisager

-tement court-termiste de la cigale plus facile à vivre. On esquisse ici une forme de rationa-lité limitée qui verrait la myopie ou le déni se

on notera que l’une ou l’autre des deux inter-prétations proposées de la question « Envisa-gez-vous d’être dépendant ?

leur réponse. Ce sera un moyen pour nous de -

).

par les proches si les ressources de la personne dépendante ne

-

-

e

et al.

-

-

-

-

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Préférences individuelles et développement de l’assurance dépendance

l’aversion au risque, ainsi que l’altruisme fami-lial et le goût présumé pour l’aide informelle,

« Avez-vous pris des dispositions ? » et donc la souscription à une assurance.

Impact des caractéristiques sociodémographiques :un pouvoir explicatif fort au regard de la perception du risque mais faible au regard de la souscription à une assurance

Nous avons dans un premier temps estimé le modèle séquentiel sans intégrer les scores

de préférences mais uniquement les caractéris-15. La comparaison

des résultats suivant que l’on intègre ou non les préférences individuelles comme variables explicatives montre que la prise en compte

la marge l’effet des caractéristiques sociodé-

Cette forte stabilité s’explique par la faible corrélation existant entre les caractéristiques

de préférences.

Les effets marginaux associés aux différentes -

siment identiques à ceux obtenus par l’intermé-diaire d’un probit simple modélisant directement le fait de disposer ou non d’une assurance dépen-dance (cf. annexe B). Le modèle séquentiel per-

différences imputables à la perception du risque dépendance. D’une manière générale, les carac-

explicatif très modeste quand il s’agit d’expli--

rance que ce soit sur l’ensemble de la population ou sur la population restreinte des individus qui envisagent le risque dépendance. Elles appa-

-sager ou non le risque dépendance.

-ment de couverture. Il augmente à la fois la pro-pension à envisager le risque et la propension à s’assurer conditionnellement au fait d’envi-

non linéaire dans les deux cas et fait varier la

semblable à celui observé par Plisson (2009).

s’explique vraisemblablement par l’existence

de nombreux produits d’assurance et par un effet prix non contrôlé ici. Le prix des contrats

individus. Il s’explique sans doute aussi par le caractère relativement récent des produits

-saient face à une offre plus réduite avant 60 ans(Plisson et Legal, 2011).15

Le sexe est un second déterminant potentiel de la couverture. Plisson et Legal (2011) ainsi que Courbage et Roudaut (2008) montrent en par-ticulier que les femmes ont une plus forte pro-

s’interprète aisément par le fait que les cotisa-tions sont identiques pour les deux sexes alors que les femmes sont en moyenne plus exposées au risque dépendance. Les résultats d’estimation

-sion des femmes à s’assurer mais permettent d’apporter deux précisions. Tout d’abord, les

la propension à envisager le risque mais pas sur la propension à s’assurer parmi ceux et celles qui envisagent le risque. Par ailleurs, l’effet devient

des préférences. La plus grande propension à s’assurer des femmes s’expliquerait donc en par-tie par le fait que ces dernières ont en moyenne des préférences plus favorables à l’adoption

-vidus sans conjoint et sans enfant ont, toutes

-sion à envisager le risque, vraisemblablement

-ser de l’aide informelle en cas de dépendance. L’effet sur la probabilité de s’assurer n’est en

-nées de l’enquête Share un effet positif de la vie en couple et du nombre d’enfants.

Le niveau d’éducation est mobilisé car il permet

-

-

demande auprès des auteurs.

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et au capital social de l’individu, déterminants

situation risquée. Il peut également être lié au risque auquel sont exposés les individus, dès

lors que des inégalités sociales face au risque dépendance existent. Le revenu ainsi que le patrimoine peuvent également déterminer la capacité à se projeter vers l’avenir et à se couvrir.

18

16

14

12

10

8

6

4

2

045 50 55 60

Âge

avec contrôle des préférences

Probabilité de disposer d’une assurance dépendance En %

sans contrôle des préférences

65 70 75 80

avec contrôle des préférencessans contrôle des préférences

Probabilité de disposer d’une assurance dépendance En %

12

10

8

6

4

2

0

Homme Femme

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53

Préférences individuelles et développement de l’assurance dépendance

14

12

10

8

6

4

2

0

[0 ; 8000[ [8000 ; 20 000[

Revenu individuel mensuel (en euros)

[20 000 ; 30 000[ [30 000 ; +[

Probabilité de disposer

d’une assurance dépendance

En %

avec contrôle des préférencessans contrôle des préférences

-

Pater/Pated 2011.

Ils constituent de plus une source d’auto-assurance alternative à la souscription d’une assurance.

par ailleurs, un effet sans ambiguïté sur la per-

d’un niveau d’éducation élevé, plus il a une forte probabilité d’envisager le risque dépen-

la probabilité de s’assurer.

Le revenu exerce un effet non linéaire en forme -

sager le risque que sur le fait de s’assurer (gra-

revenu individuel annuel compris entre 8 000 et 30 000 euros (65 % des individus de notre

risque dépendance et s’assurent plus souvent

les résultats obtenus par Plisson (2009) ainsi que Courbage et Roudault (2008). Le niveau de vie n’est en effet pas sans incidence sur

-quée à long terme, et l’on peut supposer que

tout en étant en mesure d’absorber d’éventuels

d’une variable indiquant si l’individu enquêté est propriétaire de sa résidence principale, et si oui, sa valeur estimée (inférieure ou non à 300 000 euros). Des informations complémen-taires sur le patrimoine des individus enquêtés sont disponibles dans l’enquête Pater mais ne sont pas mobilisées ici pour ne pas exposer le modèle à un biais d’endogénéité. L’épargne peut en effet constituer une source d’auto-assurance

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alternative à la souscription d’une assurance, si bien que le fait d’être ou de ne pas être assuré

et donc la valeur du patrimoine. Le fait d’être propriétaire de sa résidence principale peut en

au regard du comportement de couverture face au risque dépendance. Les résultats d’estimation montrent que les propriétaires d’une résidence d’une valeur inférieure à 300 000 euros envi-sagent plus souvent le risque dépendance que les non-propriétaires et les propriétaires d’une résidence valorisée à plus de 300 0000 euros.

les autres.

La manière subjective de percevoir le risque -

ment et de manière attendue du risque objec-tif d’être un jour dans une situation de perte

viala santé perçue. Plus les individus déclarent un mauvais état de santé, plus ils envisagent

inverse sur la probabilité de souscrire une assu-rance. Les individus déclarant un bon état de santé s’assurent plus que les autres. Ici aussi, cet effet peut s’expliquer par un effet prix non contrôlé dans le modèle. Les individus en mau-vais état de santé s’exposent à des surprimes ou à l’impossibilité de souscrire une assurance.

-sonne en perte d’autonomie apparaît comme un déterminant important de la perception du risque. C’est en particulier lorsque la perte

moindre mesure un parent que l’effet est le plus notable. Ce résultat illustre l’importance de la myopie et/ou du déni comme facteur expliquant la faible disposition des individus à s’assurer. Il montre par ailleurs que la myopie et/ou le déni ne sont pas des caractéristiques intrinsèques des individus mais au contraire des caractéristiques variables selon le contexte dans lequel ils évo-luent, suggérant ainsi par exemple la possibilité pour le décideur public ou les assureurs privés de les atténuer par des campagnes d’infor-mation. Ce résultat est conforme aux ceux de

-nées américaines qui suggèrent que les indivi-

conscients du risque dépendance. Sur don-nées françaises, les résultats d’estimation de Courbage et Roudaut (2008) vont dans le même sens et montrent que les individus apportant une

assurés. Les auteurs suggèrent que cet effet transite par la perception du risque, ce que nos

perception du risque contrôlée, la présence dans l’entourage d’une personne en perte d’autono-mie n’a aucun effet direct sur la souscription à une assurance.

Le rôle des préférences dans la perception du risque et dans la souscriptionà une assurance : résultats d’estimation et simulations

Au-delà des caractéristiques sociodémo--

mettent de mettre en évidence et d’évaluer le rôle des préférences dans les comportements de couverture. Pour cela, les scores de préférences

-mique16

tableau 4) intègre uniquement le score de pré-férence pour le présent et d’aversion au risque.

intègre en plus le score d’altruisme familial et de goût présumé pour l’aide informelle.

(P-value < 0,01 %) et négatif sur la probabilité (non conditionnelle) de souscrire une assurance tandis que l’aversion au risque a un effet posi-

du tableau 4). En outre, et de manière attendue, la propension à s’assurer dépend négativement du goût présumé pour l’aide informelle et posi-tivement de l’altruisme familial (colonne (6) du tableau 4). Le rôle de l’altruisme fami-

Courbage et Roudaut (2008) qui montrent que la propension à s’assurer dépend positivement des ressources en aide informelle.

Les résultats du modèle en deux étapes ainsi -

cisent ces résultats. L’effet de la préférence pour le présent sur la souscription est uniquement dû à l’incidence de la préférence pour le présent sur la perception du risque, l’effet étant non

16. Les scores pouvant prendre des valeurs nulles, le modèle -

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55

Préférences individuelles et développement de l’assurance dépendance

- - -

- - -

- - -

(0,02) 0,08**(0,03)

0,06*(0,03)

0,04**(0,02)

Non propriétaire

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56

-bilité conditionnelle de recourir à une assurance dépendance. Le pouvoir explicatif de la préfé-rence pour le présent sur la probabilité d’envisa-ger le risque apparaît par ailleurs considérable, puisqu’elle passe en moyenne de 30 % pour les individus les moins prévoyants à près de 90 %pour les plus prévoyants.

A contrario, l’aversion au risque, l’altruisme familial et le goût pour l’aide informelle

-babilité d’envisager le risque. Cette dernière avoisinerait 60 % en moyenne, et ce quels que soient le degré d’aversion au risque, le degré d’altruisme familial et le goût présumé pour

Ces trois dimensions des préférences inter-viennent néanmoins lorsque l’on s’intéresse à la souscription d’une assurance condition-nellement au fait d’envisager le risque (gra-

la probabilité conditionnelle de s’assurer de

l’altruisme familial ferait varier la probabi-lité conditionnelle de s’assurer de 10 % à près de 15 %. Le goût pour l’aide informelle ferait quant à lui varier la probabilité de s’assurer de 21 % à 10 %. En cumulant les effets des deux

étapes, ce sont la préférence pour le présent et

pouvoir explicatif sur le comportement d’assu-

Pour évaluer le rôle des préférences dans les comportements à l’égard du risque dépendance

-nées) nous distinguons à titre d’illustration deux individus types. Le premier présente les pré-férences les plus favorables à la souscription d’une assurance dépendance : il est à la fois très prévoyant (caractérisé par une faible préférence pour le présent), très prudent (caractérisé par une forte aversion au risque), très altruiste (au sens où il accorde une grande importance à la transmission d’un patrimoine à ses descendants) et ne présente pas de goût présumé pour l’aide informelle. Le deuxième individu type présente à l’inverse les préférences les plus défavorables à la souscription d’une assurance dépendance : il est très peu prévoyant (caractérisé par une forte préférence pour le présent), très peu prudent (caractérisé par une faible aversion au risque), peu altruiste (au sens où il ne se soucie pas de

-sente un goût prononcé pour l’aide informelle.

Plus précisément, les préférences les plus favo-rables à la souscription d’une assurance dépen-dance correspondent à des scores égaux au

Pater/Pated 2011.

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Préférences individuelles et développement de l’assurance dépendance

1er décile pour la préférence pour le présent et le goût présumé pour l’aide informelle et au 9e décile pour l’aversion au risque et l’altruisme familial. À l’inverse, les préférences les plus défavorables à la souscription d’une assurance dépendance correspondent à des scores égaux au 9e décile pour la préférence pour le pré-sent et le goût présumé pour l’aide informelle et au 1er décile pour l’aversion au risque et l’altruisme familial.

Ces deux individus types sont relativement voisins des « bons pères de familles » et des

dans l’analyse des comportements patrimo-niaux menés à partir d’une vague précédente de l’enquête Pater (par exemple, Arrondel et al., 2005) .

--

P ENV

0

0

Score de préférence pour le présent

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

10

20

30

40

50

60

70

80

90

100

En %

0

0

Score d’aversion au risque

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

10

20

30

40

50

60

70

80

90

100

En %

0

0

Score d’altruisme familial

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

10

20

30

40

50

60

70

80

90

100

En %

0

0

Score de goût pour l’aide informelle

1 2 3 4 5 6

10

20

30

40

50

60

70

80

90

100

En %

dépendance.

Pater/Pated 2011.

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58

Ces deux individus types sont ici utilisés pour évaluer quantitativement l’effet global des préfé-rences sur la souscription d’une assurance. Plus précisément, nous avons simulé les probabilités moyennes d’envisager le risque et de souscrire

-tillon avaient des préférences particulièrement défavorables, ou au contraire, particulièrement favorables à l’adoption d’une couverture.

Les résultats de ces simulations sont présentés

les préférences les plus favorables, ont toutes

-visager le risque supérieure de 23 points de pourcentage à ceux ayant les préférences les plus défavorables. Au regard de la probabilité de s’assurer, les préférences expliquent globa-lement un écart de 16 points de pourcentage, le

des individus seraient caractérisés par des pré-férences particulièrement défavorables à 18 %dans le cas où ces mêmes individus seraient caractérisés par des préférences particulière-ment favorables.

P ASS ENV

0

0

Score de préférence pour le présent

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

5

10

15

20

25

30

35

40

En %

0

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

5

10

15

20

25

30

35

40

En %

0

5

10

15

20

25

30

35

40

En %

0

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

5

10

15

20

25

30

35

40

En %

Score d’aversion au risque

Score d’altruisme familial Score de goût pour l’aide informelle

0 1 2 3 4 5 6

-

-

Pater/Pated 2011.

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Préférences individuelles et développement de l’assurance dépendance

P ASS

0

0

Score de préférence pour le présent

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

5

10

15

20

25

30

En %

0

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

5

10

15

20

25

30

En % En %

0

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

5

10

15

20

25

30

En %

Score d’aversion au risque

Score d’altruisme familial Score de goût pour l’aide informelle

0

0

5

10

15

20

25

30

1 2 3 4 5 6

assurance.

Pater/Pated 2011.

* **

Les résultats obtenus à partir de cette enquête mériteraient d’être confrontés avec ceux obte-

plus structurelle. Dans le cadre de l’assurance -

moins une modélisation relativement complexe.

du risque perçu par les agents, ces derniers semblant nombreux à souffrir de myopie (voire

du risque dépendance qui impliquent de tenir

compte, outre la préférence pour le présent et l’aversion au risque, de l’altruisme des indivi-

-rence pour l’aide informelle.

Les résultats d’estimation montrent le rôle non négligeable des préférences individuelles. Néanmoins, ils montrent aussi que le taux d’équipement18 ne dépasserait pas 20 % dans le contexte d’offre actuel, même si les préférences dans la population étaient particulièrement

-lation totale.

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d’une assurance dépendance

P ENV

80

70

60

50

40

30

20

10

0Préférences

défavorables

Préférences

favorables

P ASS ENV

40

35

30

25

20

15

10

5

0

Préférences

défavorables

Préférences

favorables

P ASS

30

25

20

15

10

5

0Préférences

défavorables

Préférences

favorables

er e

e er

-

Pater/Pated 2011.

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Préférences individuelles et développement de l’assurance dépendance

favorables à la souscription d’une assurance. Dit autrement, seules des préférences inob-servables dans la population permettraient d’observer un taux d’équipement important. Mobiliser davantage la prévoyance individuelle

-geable au regard des préférences des individus.

Ce constat mérite néanmoins d’être nuancé à double titre. Tout d’abord, il convient de rappeler qu’une limite de notre travail est de ne pas tenir compte dans la mesure des préférences du lien entre l’utilité marginale du revenu et le niveau de dépendance, alors que cette dimension peut en partie expliquer la souscription d’assurance.

Deuxièmement, le lien entre les préférences et la demande d’assurance est ici évalué dans un contexte particulier d’offre, celui caractérisant la période de l’enquête (2011). En toute rigueur, notre conclusion n’est donc valable qu’au regard des caractéristiques de l’offre observée cette année-là. Rien ne dit qu’une évolution majeure des caractéristiques de l’offre (type de produits proposés, prix, etc…) ne permettrait pas à l’avenir de mobiliser d’avantage la pré-voyance individuelle.

Nos résultats suggèrent qu’une généralisation des couvertures assurantielles nécessite soit un profond renouvellement de l’offre, soit de contraindre la demande par l’instauration d’une assurance obligatoire.

-duits d’assurances deviendront sans doute plus attractifs à l’avenir. Une régulation de l’offre

grande transparence des produits (au regard par exemple des critères d’évaluation du niveau

de dépendance ou des exclusions de garanties) permettrait sans doute une plus grande concur-rence entre assureurs et une réduction des prix. D’autres produits, potentiellement substituables à la prévoyance dépendance, sont par ailleurs amenés à se développer. Le viager, et plus préci-

où il est possible de souscrire ce type de produit beaucoup plus tardivement (Masson, 2009). Par rapport à la souscription d’une assurance, les produits de type viager subissent donc moins le poids de la préférence pour le présent. Ils ne peuvent néanmoins concerner que les individus propriétaires de leur logement.

L’instauration d’une assurance obligatoire, sans présager du caractère public ou privé d’une telle assurance, est une seconde option. Avec ce type de solution « paternaliste », les pouvoirs publics passent outre les préférences des individus.

de la dépendance mais, ce faisant, ils vont à

(1998) au moment de la mise en place de l’assu-rance obligatoire en Allemagne.

Un système d’assurance obligatoire aurait mal-gré tout pour avantage indirect de solvabiliser la demande de services médico-sociaux et ainsi de garantir le développement de soins de qualité. Cette solvabilisation de la demande serait égale-ment susceptible d’inciter davantage d’acteurs

ainsi en faire baisser le prix (Geoffard, 2010). L’instauration d’une assurance dépendance obligatoire exercerait également une externalité positive sur le bien-être des aidants étant donné qu’une couverture généralisée permettrait de

-

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___________________________________________________________________________________

10

9

8

7

6

5

4

3

2

1

0

0 1 2 3

Score de préférence pour le présent

4 5 6 7 8 9 10

Pater/Pated 2011.

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65

Préférences individuelles et développement de l’assurance dépendance

10

9

8

7

6

5

4

3

2

1

0

0 1 2 3

Score d’aversion au risque

4 5 6 7 8 9 10

Pater/Pated 2011.

30

25

20

15

10

5

00

Score de goût pour l’aide informelle

1 2 3 4 5 6

Pater/Pated 2011.

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66

25

20

15

10

5

00 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

Score d’altruisme familial

Pater/Pated 2011.

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Préférences individuelles et développement de l’assurance dépendance

___________________________________________________________________________________

PROBIT

-

-

-

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68

Non propriétaire

d’un

Pater/Pated 2011.

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69

RETRAITES

Durée passée en carrière et durée de vie en retraite : quel partage des gains d’espérance de vie ?Patrick Aubert * et Simon Rabaté **

Cet article étudie l’évolution du rapport entre la durée passée en carrière et la durée passée à la retraite pour les générations nées entre 1943 et 1990, à l’aide du modèle de microsimulation Destinie de l’Insee. Ces résultats sont confrontés à l’objectif de partage des gains d’espérance de vie à 60 ans entre la durée d’activité et la durée passée à la retraite, tel qu’il avait été formulé lors de la réforme des retraites de 2003, et qui visait à

Les réformes de 2003, 2010 et 2014 ont un effet important en projection sur les âges de départ à la retraite des générations 1943-1990. Sans ces réformes, un peu plus des trois quarts des gains d’espérance de vie sur toute la période se seraient traduits en gains de durée de retraite. Avec l’effet cumulé de ces réformes, la hausse de la durée de retraite représente à peu près un tiers de la hausse projetée de l’espérance de vie entre les géné-rations 1943 et 1990. Cette proportion est conforme à la cible formulée en 2003 mais

-vée, représentant plus de la moitié des gains d’espérance de vie.

Si l’allongement de la durée d’activité induit par les réformes de 2003, 2010 et 2014 ne garantit pas une égalisation stricte du rapport entre durée d’activité et durée de retraite, il en assure au moins une relative stabilité entre les générations nées entre 1943 et 1990, au sens où ce rapport de durée reste dans une fourchette de plus ou moins 5 % par rapport à la moyenne pour l’ensemble des générations. À l’intérieur de cette fourchette, certaines générations peuvent cependant paraître favorisées ou défavorisées, les conclusions pou-vant, en outre, varier selon le sens assigné à la notion de carrière.

Codes JEL : H55, J26, J11.

Mots-clés : durée de tretraite, réforme des retraites, microsimulation.

* Secrétariat général du COR. Insee et Crest au moment de la rédaction de cet article.

** Paris School of Economics (PSE). Insee et PSE au moment de la rédaction de cet article.

Les auteurs remercient Yves Guégano, Jean-Michel Hourriez, Malik Koubi, et Corinne Prost, ainsi que les deux rapporteurs anonymes,

2012) et du Forum Retraite (Bordeaux, 2012), et le jury du prix de l’Observatoire des retraites.

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L’ augmentation tendancielle de l’espérance

départ à la retraite inchangé, une hausse de la durée pendant laquelle un individu perçoit une pension. Cette évolution, conjuguée à l’arrivée en retraite des générations du baby boom, induit une augmentation du rapport entre le nombre de retraités et le nombre de cotisants. Le maintien

d’en ajuster les paramètres, en France comme dans les autres pays développés.

Les disparités de durée de retraite d’une généra-

du point de vue de l’équité entre ces générations.

on se réfère. L’évolution de la durée passée à la retraite relativement à la durée passée en acti-vité s’inscrit dans la problématique plus globale du partage du cycle de vie entre travail, loisir et formation, et, historiquement, l’allongement global de la durée de la vie n’a pas systéma-tiquement été accompagné d’une hausse équi-valente de ces trois dimensions1. Mais, à moins

l’équité entre les générations, on peut s’inter-roger sur le caractère « équitable » du fait que

droit au loisir proportionnellement plus impor-tant que les autres, via une durée de retraite qui croîtrait rapidement. 1

Le partage du cycle de vie entre la durée d’acti-vité et la durée de retraite est donc une ques-tion centrale à double titre pour le système de

l’équité intergénérationnelle. Plus précisément, une hausse de la durée d’activité d’ampleur

60 ans pourrait être perçue comme l’une des

l’allongement de la durée de vie2, tout en per-mettant de garantir une plus grande équité entre les générations (cf. encadré 1).

1. En effet, au cours du temps, la part consacrée à l’activité

productive s’est fortement réduite (Marchand et al., 1999), au

notamment de retraite.

-

tés liées au vieillissement de la population, puisqu’il ne répond

-

mide des âges liée aux fortes différences de taille entre les géné-

rations (notamment celles nées avant et après le baby boom).

DURÉE DE RETRAITE ET ÉQUITÉ INTERGÉNÉRATIONNELLE

L’existence d’un système de retraite par répartition est

-

du code de la sécurité sociale).

-

et al.

-

pas forcément aisé d’opérer les transferts intertem-

-

-

principe peut paraître naturel et a été présenté comme

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Durée de carrière et durée de retraite

C’est cette logique qui a été mise en œuvre en France, notamment, dans la réforme des retraites de 2003. Cette réforme a formulé une règle de partage des gains d’espérance de vie à 60 ans3

retraite (un tiers), de sorte à « stabiliser à hori-zon 2020 le rapport entre le temps de travail

-

4

réformes n’ont pas toutes mis en avant un lien aussi précis entre âge de la retraite et espérance de vie, mais elles en ont partagé l’idée géné-rale, quels que soient les leviers qu’elles ont

de la réforme de 2010. 34

Dans une optique de suivi des politiques publiques, il est dès lors pertinent de se deman-der si les relèvements de l’âge moyen de départ à la retraite qui pourront effectivement décou-ler de ces réformes sont en adéquation avec les

études économiques ont déjà tenté d’étudier l’évolution relative de l’espérance de vie, de la durée d’activité et de la durée de retraite. Ainsi,

concernent systématiquement l’espérance de vie à 60 ans. Par

la suite du document.

4. Exposé des motifs de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 por-

tant réforme des retraites.

nécessaire de tenter d’expliciter au mieux les normes

Ce principe de constance du rapport entre la durée

passée en carrière et la durée passée en retraite

différentes.

-

-

-

carrière et durée de retraite correspond exactement

-

-

-

-

port au système de retraite. Cette aspiration se traduit

-

-

et al

pas traitée dans la suite de cet article.

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Buffeteau et Godefroy (2006) utilisent la pre-mière version du modèle Destinie de l’Insee pour projeter l’évolution relative de la durée de

comme l’écart entre l’âge de départ en retraite

entre retraite et travail augmente au cours du temps. Une étude de la Cnav, reprise dans le rapport pour la Commission des Comptes de la Sécurité sociale (CCSS) de 2011, utilise le modèle de microsimulation Prisme pour comparer le partage des gains d’espérance de

tiers/un tiers prévu par le législateur. Selon ces simulations, le partage visé par le légis-lateur est globalement atteint pour les géné-

études présentent cependant chacune certaines limites : l’étude de Buffeteau et Godefroy ne porte ainsi que sur la situation avant la réforme de 2010, et celle de la CCSS ne porte que sur les assurés du régime général avant la réforme de 2014.

La présente étude propose une approche simi-laire, à l’aide du modèle de microsimulation Destinie 2 de l’Insee. Après avoir présenté l’évo-lution de l’âge de départ à la retraite obtenue dans nos simulations sous l’effet des réformes de 2003, 2010 et 2014, nous étudions le par-tage des gains d’espérance de vie entre durée de retraite et durée de carrière qui en découle. Dans un premier temps, nous nous concentrons sur l’évolution relative de l’espérance de vie et de la durée de retraite, puis nous étudions l’évo-lution de la durée d’activité et du ratio entre la durée travaillée et la durée de retraite.

--

lisation et une législation plus récente. En outre, dans les précédentes études, l’évolution de la durée d’activité était traitée de manière secon-daire, alors que l’évolution des trajectoires pro-

décisive dans le partage des gains d’espérance de vie entre activité et retraite. L’augmentation

sur le marché du travail (Bontout et Brun, 2009)

temps. Mettre l’accent sur la durée de carrière obligera à tenir compte du fait que cette notion

l’évolution de la durée d’activité d’une géné-

adoptée (cf. Conseil d’Orientation des Retraites (COR), 2012).

Rappelons que les résultats présentés dans cet article reposent sur un certain nombre d’hypo-

-

à l’approche par microsimulation (hypothèses de comportements individuels, de trajectoires professionnelles, etc.). La sensibilité des résul-tats à ces hypothèses constitue donc un facteur

de projection, doit être gardé en mémoire lors de l’interprétation de ces résultats.

L’impact des réformes sur les âges de départ en retraite

Comme pour toute étude basée sur les résul-tats de simulations prospectives, un cer-

modèle Destinie (cf. encadré 2).

Une hypothèse de départ au taux plein, sous quatre scénarios législatifs

Le comportement de départ en retraite est

plein : la liquidation a ainsi lieu lorsque l’in-

plein cible ou l’âge d’annulation de la décote (ou l’âge d’ouverture des droits s’il est invalide ou reconnu comme inapte).

Cette hypothèse importante mérite d’être dis-cutée plus en détail. Elle est cohérente avec le point de vue du législateur, pour qui l’âge du

peut liquider ses droits à la retraite sans décote ni surcote) constitue l’âge « normatif » du système

-

comme relevant de la discrétion des individus.

de soi, notamment depuis la réforme de 2003,

assurés en matière d’âge de départ à la retraite. Néanmoins, un statut particulier continue impli-

formules de calcul des retraites. Ce calcul est

de minoration (décote) ou de majoration (sur-

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Durée de carrière et durée de retraite

approcher une neutralité actuarielle à la marge, mais la loi n’a pas opté pour le mode de présen-

barème complet des montants de retraite à tous les âges de liquidation possibles, sans mettre un âge particulier en avant.

C’est sur ce constat qu’on s’appuiera ici pour

se focaliser le pilotage du système de retraite.

cette modélisation s’avère assez proche des

à l’avenir.

Dans le but d’étudier les effets successifs des réformes récentes, quatre scénarios sont présen-tés et comparés.

Le premier est un scénario contrefactuel (scéna-rio « CF ») qui correspond à la situation où les paramètres de retraite seraient restés stabilisés à leurs valeurs atteintes pour la génération née en

40 années, âge minimal d’ouverture des droits

de 60 ans et âge d’annulation de la décote de 65 ans5. Ce scénario contrefactuel constituera la référence à laquelle les autres scénarios seront comparés : les évolutions entre générations observées dans ce scénario traduisent en effet les seuls effets des différences de carrière, liés

dans la vie active.

-tion de 2003, mais en faisant l’hypothèse que la règle d’augmentation de la durée requise pour

-zon 2020 qui avait été prévu par cette loi, pour atteindre 44 années pour la génération 1990

« 2003+partage EV6») permet d’illustrer l’effet d’une application « pure » de la règle mathéma-tique formulée dans cette loi de 2003, qui lie

et gains d’espérance de vie après 60 ans.

5. On suppose toutefois, dans ce scénario, que la convergence

de la durée pour le régime général et la fonction publique a tou-

jours bien lieu (pour la fonction publique, la durée requise pour

1949). Le scénario intègre en outre les possibilités, ouvertes à

partir de 2004, de départ anticipé à la retraite au titre des car-

rières longues.

6. Partage du gain d’espérance de vie (entre activité et retraite),

cf. supra.

LE MODÈLE DE MICROSIMULATION DESTINIE

-

-

et al.,

et al.

-

lon représentatif de la population française.

-

duelles de salaires). Les carrières sont reconstituées

-

-

modélise les départs en retraite et calcule les montants

-

-

ment de départ en retraite.

-

Stock and Wise).

-

dernières projections du Conseil d’Orientation des

-

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-tie des mesures intervenues depuis 2003 : le décalage des bornes d’âge introduit par la loi de 2010, l’accélération de sa montée en charge décidée en 2011, le décret du 2 juillet 2012 étendant les possibilités de départ anticipé pour

par le sentier d’évolution de la durée d’assu-

« Lég. 2014 », applique la règle d’augmentation effectivement prévue par la réforme de 2014, à savoir une augmentation stabilisée à 43 ans à partir de la génération 1973, alors que le scé-nario « 2014+partage EV » conserve la règle de partage du scénario « 2003+partage EV »en ne retenant donc que les autres aspects des réformes conduites depuis 2003, dont bien sûr le décalage des bornes d’âge introduit en 2010

C’est la comparaison des scénarios « CF », « 2003+partage EV » et « 2014+partage EV » qui permet la comparaison la plus pure des

-miers mesure l’impact de la règle mathéma-tique de partage des gains d’espérance de vie.

l’effet du relèvement des bornes d’âge. Le scé-nario « Lég. 2014 » constitue pour sa part un second point de référence qui complète ces trois scénarios théoriques : il donne les évolu-tions attendues au vu de la législation actuelle mais les comparaisons se feront principalement entre les trois autres scénarios.

On précise que les scénarios « 2014+par-tage EV » et « Lég. 2014 » intègrent aussi des effets sur les trajectoires d’activité qui ne se limitent pas à l’effet mécanique des liquidations plus tardives. Dans la version que mobilise cet article, le modèle Destinie fait l’hypothèse que le décalage de l’âge minimal d’ouverture

mécanisme de l’effet « horizon ». L’idée est que

-rière, dès lors que ces derniers sont, au moins en partie, déterminés par l’horizon de la retraite (Hairault et al., 2006 ; Aubert, 2013).

Pour lisser les résultats, qui sont assez bruités avec Destinie, du fait de la taille relativement réduite de l’échantillon, nous présentons tous les résultats sous forme de moyennes mobiles sur 3 ans. La perspective étant purement

intergénérationnelle, nous ne différencions pas selon les régimes de retraite et présentons des moyennes agrégées par génération pour tous les individus présents dans l’échantillon. L’âge de référence est l’âge de la première liquidation (pour les polypensionnés).

Le graphique I - A présente l’évolution de l’âge moyen de départ à la retraite pour les générations 1940-1990. Avec des paramètres de retraite stabilisés à partir de 2003 (scénario « CF »), l’âge de départ en retraite augmente-rait régulièrement entre la génération 1950 et la génération 1990 (+1,3 ans, de 60,6 à 61,9 ans),sous l’effet de l’évolution des trajectoires de carrière : à âge donné, moins de périodes sont validées à cause d’une entrée plus tardive et

du travail (cf. graphique II). L’application de la règle d’augmentation de la durée requise

« 2003+partage EV ») aurait un effet important sur l’âge de départ à la retraite, qui augmen-terait de manière régulière (+ 2,6 ans entre les générations 1950 et 1990, de 60,6 à 63,2 ans).

-tème de retraite accentue encore cette hausse. Dans le scénario « 2014+partage EV », cette hausse est de 3,9 ans sur toute la période, pour un âge de départ à la retraite moyen autour de

à un âge de départ légèrement supérieur à ce que l’on obtient avec la législation actuelle

« Lég. 2014 »), du fait d’une durée d’assurance

à partir de la génération 1973. La hausse est particulièrement marquée parmi les générations touchées par la montée en charge de la réforme de 2010, qui connaissent une hausse rapide des

-rations 1951 à 1955)7.

Des impacts différenciés entre hommes et femmes

L’évolution est assez différenciée entre les hommes et les femmes (cf. graphique I - B) :l’augmentation de l’âge de liquidation est un peu plus forte pour les hommes que pour les

7. La stabilisation de l’âge moyen de retraite, simulée entre les

générations 1955 à 1960, et suivie d’une forte augmentation

simulée jusqu’à la génération 1970, semble liée à l’aléa d’échan-

tillonnage dans l’enquête Patrimoine, qui fournit l’échantillon

les évolutions apparaissent en réalité plus lissées dans d’autres

sources statistiques (cf. Bachelet et al., 2014, page 18).

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Durée de carrière et durée de retraite

Âges moyens de liquidation (hypothèse de départ au taux plein)

A - Ensemble

60

60.5

61

61.5

62

62.5

63

63.5

64

64.5

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1940

1945

1950

1955

1960

1965

1970

1975

1980

1985

Âge de liquidation (en années)

génération

Contrefactuel 2003+partage EV 2014+partage EV Lég. 2014

B - Par sexe : hommes (à gauche) et femmes (à droite)

60

60.5

61

61.5

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62.5

63

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64

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1980

1985

Âge de liquidation (en années)

génération

Contrefactuel 2003+partage EV

2014+partage EV Lég. 2014

60

60.5

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1940

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1950

1955

1960

1965

1970

1975

1980

1985

Âge de liquidation (en années)

génération

Contrefactuel 2003+partage EV

2014+partage EV Lég. 2014

Champ : ensemble des retraités, tous régimes.

femmes. Ainsi, avec la règle de 2003 i.e le scénario « 2003+partage EV » (resp. avec la réforme de 2010 i.e. le scénario « 2014+par-tage EV »), l’augmentation sur la période est de l’ordre de + 2,8 (resp. + 4,2) ans pour les

hommes, contre + 1,7 (resp. + 3,4) ans pour les femmes. Cette différence est sensible, au point que l’écart entre âges de départ à la retraite

-plication de la règle de 2003 et sans décalage

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des bornes d’âge, pour la génération 1943, les femmes partiraient en moyenne environ 6 mois plus tard que les hommes ; pour la génération 1985, les femmes partiraient environ 5 mois plus tôt que les hommes.

Cette différence entre les hommes et les femmes

des trajectoires de carrière et par des effets dif-férenciés des réformes.

Tout d’abord, nous observons des évolutions

Pour les hommes une hausse régulière de l’âge

sur le marché du travail vont dans le sens d’une diminution de la durée validée pour la retraite, à âge donné (Rapoport, 2009). Au contraire, pour les femmes, une meilleure intégration sur le marché du travail, à laquelle s’ajoutent l’effet de la majoration de durée d’assurance (MDA) pour enfants8 et la montée en charge de l’assu-rance vieillesse de parents au foyer (AVPF), augmentent la durée validée à âge donné (cf. graphique II). Ainsi, à partir de la génération 1961, la durée validée à 60 ans des femmes rejoindrait celle des hommes. En l’absence de réforme, l’âge moyen de départ à la retraite des hommes augmenterait donc plus vite que celui des femmes (cf. graphique I - B : + 1,5 an

contre + 1,1 an dans le scénario « contrefac-tuel » entre les générations 1940 et 1989). 8

En outre, comme le montre le graphique I - B,

retraite ont des effets différents sur les hommes et les femmes. L’application de la règle de 2003 a un effet plus prononcé pour les hommes que pour les femmes : l’écart entre le scéna-rio « 2003+partage EV» et le scénario contre-factuel est plus important pour les hommes (0,75 ans contre 0,6 ans pour les femmes en

(2011), l’effet agrégé d’une augmentation de

dépend des fonctions de répartition des durées atteintes à 60 ans. Les personnes qui ont déjà validé assez de trimestres à 60 ans, ou qui à l’inverse ne pourront de toute façon pas valider assez de trimestres pour partir avant l’âge d’an-nulation de la décote, ne sont pas concernées par l’augmentation de la durée d’assurance

parmi les générations récentes, sensiblement

-

resteraient exclusivement attribués aux femmes. En pratique,

pour les enfants nés après le 1er janvier 2010, l’une des deux

femme, au choix du couple.

Durées validées à 60 ans, moyennes par génération

32

33

34

35

36

37

38

39

40

41

42

Durée d'assurance (en années)

génération

Ensemble Hommes Femmes

Lecture : la durée validée moyenne à 60 ans (y compris, pour les femmes, les majorations de durées d’assurance pour enfants) pour la

génération 1965 est de 38,6 ans pour les hommes et de 38 ans pour les femmes.

Champ : ensemble des retraités, tous régimes.

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Durée de carrière et durée de retraite

plus nombreuses que les hommes à avoir validé -

vue par la loi de 2003, avant l’âge d’ouverture

majorations de durée d’assurance pour enfants (MDA).

À titre d’illustration, nous présentons dans le graphique III, pour les hommes et les femmes, le pourcentage d’individus susceptibles d’être touchés par la réforme de 2003. Ce graphique est construit à partir des âges de liquidation au

le scénario « contrefactuel » et dans le scénario « 2003+partage EV ». Les individus ayant une durée d’assurance inférieure à la durée requise à l’âge d’annulation de la décote dans le scénario contrefactuel (40 ans) ne peuvent, quel que soit

condition d’âge ; ils ne sont donc pas touchés

individus qui liquident à 60 ans ou avant dans le scénario « 2003+partage EV » ont atteint, dès avant cet âge, une durée d’assurance supérieure à la durée requise prévue par la règle de 20039,laquelle n’a donc pas d’impact sur leur âge de liquidation par rapport au scénario « CF ».La proportion d’individus susceptibles d’être

touchés par l’allongement de la durée requise

décote dans le scénario « CF » (65 ans) 9ainsi

droits (ou avant10) dans le scénario « 2003+par-

les hommes sont davantage susceptibles d’être affectés par la réforme de 2003, et ce pour toutes les générations étudiées.

de 2010 a un effet important pour les hommes et les femmes, un peu plus marqué pour ces dernières : l’écart entre l’âge de départ à la retraite entre le scénario « 2003+partage EV » et le scénario « 2014+partage EV » est légère-ment plus important pour les femmes (+ 1,7 an

-

9. La proportion d’assurés liquidant à l’âge de 60 ans dans le

-

à partir de l’âge d’ouverture des droits de droit commun. Par

-

pée pour carrière longue sont, conventionnellement, considérés

Pourcentage d’individus susceptibles d’être touchés par l’allongement de la durée requise pour le taux plein, par génération et par sexe (hommes à gauche, femmes à droite)

0

10

20

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40

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70

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90

100

1950

1953

1956

1959

1962

1965

1968

1971

1974

1977

1980

1983

1986

1989

"Concernés par la réforme"Dép. 65 ans en CFDép. <=60 ans en 2003+PEV

0

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40

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1962

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1968

1971

1974

1977

1980

1983

1986

1989

"Concernés par la réforme"Dép. 65 ans en CFDép. <=60 ans en 2003+PEV

Lecture : pour la génération 1965, 46 % des hommes et 28 % des femmes sont susceptibles d’être touchés par la réforme de 2003.

Champ : ensemble des retraités, tous régimes.

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proportion de femmes susceptibles d’être tou-chées par ce type de réforme. Dans le cas d’un relèvement des bornes d’âge, les individus

au-delà de 65 ans dans le scénario « 2014+par-tage EV » ou (ii) qui partent avant le nouvel âge minimal prévu par la réforme (hors dispositif carrières longues) dans le scénario « 2003+par-tage EV ». Le graphique IV présente la part d’hommes et de femmes susceptibles d’être concernés par une hausse des bornes d’âge,

de projection.

Quelle part des gains d’espérance de vie pour la durée de retraite ?

Àpartir des projections d’espérance de vie à 60 ans pour chaque génération (sous

l’hypothèse du scénario central des projec-tions démographiques 2007-2060 de l’Insee,

à la retraite présentées précédemment, nous pouvons calculer une durée passée en retraite

moyenne par génération. Nous obtenons la durée de retraite DR par la formule suivante :

DR = espérance de vie à 60 ans pour la généra-

Cela revient de fait à négliger la mortalité entre 60 ans et l’âge de départ en retraite, hypothèse qui est d’autant plus forte que cet âge augmente.

Le graphique V présente la durée passée en retraite ainsi calculée, par génération et pour les différents scénarios simulés. Par construction,

-lution conjointe de l’espérance de vie à 60 ans et

périodes, quand l’espérance de vie à 60 ans aug-mente moins que l’âge de départ en retraite, la durée de retraite diminue, et vice-versa.

En cas d’application de la règle de 2003, la durée moyenne en retraite augmente de manière régulière entre les générations 1943 et 1989 (+ 2,9 ans en moyenne). Elle augmente un peu moins vite pour les hommes (+ 2,7 contre + 3,1pour les femmes) car leur âge de départ à la retraite augmente rapidement, ce qui fait plus que compenser la hausse de leur espérance de vie, légèrement supérieure à celle des femmes.

Pourcentage d’individus susceptibles d’être touchés par le relèvement des bornes d’âge, par génération et par sexe (hommes à gauche, femmes à droite)

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1981

1984

1987

Départ avant le nouvel âge min en "2003+PEV"

Départ >65 ans en scénario "2014+PEV"

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1978

1981

1984

1987

Départ avant le nouvel âge min en "2003+PEV"

Départ >65 ans en scénario "2014+PEV"

Lecture : le nouvel âge minimum est passé de 60 à 62 ans de la génération 1950 à la génération 1955.

Pour la génération 1965, 83 % des hommes et 93 % des femmes sont susceptibles d’être touchés par la réforme de 2010.

Champ : ensemble des retraités, tous régimes.

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Durée de carrière et durée de retraite

Il apparaît de manière assez nette que la réforme de 2010 pénalise, au regard de la durée moyenne passée à la retraite, les générations concernées par la montée en charge rapide de celle-ci, par rapport à celles nées juste avant. La durée de retraite moyenne baisse en effet

entre les générations 1951 et 1955. De manière générale, la réforme de 2010 limite grandement l’augmentation de la durée passée en retraite au cours du temps (+ 1,4 an entre les générations 1943 et 1989, l’augmentation étant de même ampleur pour les femmes et pour les hommes).

Durée moyenne passée en retraite par génération

A - Ensemble

20

22

24

26

28

30

32

1940

1945

1950

1955

1960

1965

1970

1975

1980

1985

Durée en retraite (années)

génération

Contrefactuel 2003+part.EV 2014+part.EV Lég. 2014

B - Par sexe

20

22

24

26

28

30

32

1940

1945

1950

1955

1960

1965

1970

1975

1980

1985

Durée en retraite (années)

génération

H : Contrefactuel

H : 2003+part.EV

H : 2014+part.EV

H : Lég. 2014

F : Contrefactuel

F : 2003+part.EV

F : 2014+part.EV

F : Lég. 2014

Lecture : H = Hommes, F = Femmes.

La durée passée en retraite moyenne pour la génération 1943 est de 24,6 ans.

Champ : ensemble des retraités, tous régimes.

-

phiques 2007-2060 de l’Insee).

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L’évolution de la durée de retraite peut être comparée à l’évolution de l’espérance de vie à

par la loi de 2003 est respectée, avec environ 1/3 des gains d’espérance de vie devant se traduire en augmentation de la durée passée en retraite.

la génération née en 1943 et celle née en 1989 (cf. tableau). Avec la règle de 2003, il appa-raît qu’en général les gains de durée de retraite d’une génération à l’autre sont supérieurs au tiers des gains d’espérance de vie. Sur toute la période, l’augmentation de la durée de retraite correspond à environ 56 % des gains d’espé-rances de vie, soit sensiblement au-dessus des 1/3 prévu par la loi de 2003. Les femmes

les hommes (64 % des gains d’espérance de vie contre 49 %). Avec les réformes de 2010 et 2014, le constat est sensiblement différent : en scénario « 2014+Partage EV », entre les générations 1943 et 1989, l’augmentation de la durée de retraite représente 27 % (29 % pour les femmes, 25 % pour les hommes), soit un niveau légèrement en dessous de la cible de 1/3. En revanche avec la législation actuelle (scénario « Lég. 2014 ») le niveau est à peu près égal à la cible. L’écart entre hommes et femmes et réduit du fait d’un impact plus important du relèvement des bornes d’âges sur ces dernières.

Ce résultat ne vaut cependant que lorsqu’on

peut en réalité être assez différent pour d’autres générations parmi celles parties à la retraite après 2003. Pour avoir une vision plus globale, il est également possible de représenter graphi-quement l’augmentation relative de la durée de retraite et de l’espérance de vie, comme pro-posée au graphique VI. Plus précisément, on considère et suit l’évolution du rapport entre la durée passée en retraite et l’espérance de vie

donc également la mortalité entre 20 et 60 ans. Ce dénominateur correspond à la durée de la vie hors études, en faisant l’hypothèse d’un âge de

11.

Le niveau initial de ce rapport est de 38 %, pour la génération née en 1943. Il est supérieur à un tiers, car le calcul se fonde ici sur l’espérance de retraite par génération qui est plus élevée que l’espérance de retraite « instantanée » au moment à la génération atteint l’âge de 60 ans

générations les plus récentes : le rapport entre

11. On se place donc en fait ici dans la situation type implicite de

la règle de 2003, qui correspond à une carrière commençant à

pu consister à rapporter la durée espérée de retraite à l’espé-

rance de vie totale, comme cela est fait par Secrétariat général

du COR (2014).

TableauGains d’espérance de vie à 60 ans et augmentation de la durée de retraite entre la génération 1943 et la génération 1989

Scénario Population

Contrefactuel Tous

Hommes

Tous

Hommes

Tous

Hommes

Tous

Hommes

durée passée en retraite (1,4 an) représente 25 % des gains d’espérance de vie à 60 ans (5,5 ans).

Champ : ensemble des retraités, tous régimes.

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Durée de carrière et durée de retraite

la durée de retraite et l’espérance de augmente progressivement au cours du temps (surtout parmi les hommes). En législation « 2014+par-tage EV », le rapport est en revanche décroissant en début de projection (montée en charge de la réforme de 2010), puis se stabilise à partir de

la génération 1955, à un niveau inférieur d’envi-ron 1 point de pourcentage au niveau initial.

Le réformes ont ainsi fait passer d’une situa-tion où les générations futures auraient été favorisées du point de vue du partage des gains

Rapport entre durée de retraite et espérance de vie (à 20 ans), par génération et par sexe

A - Ensemble

32

34

36

38

40

42

44

1940

1945

1950

1955

1960

1965

1970

1975

1980

1985Part

de l'e

sp

éra

nce d

e v

ei p

assée à

la r

etr

aite

(en %

)

génération

Contrefactuel 2003+part.EV 2014+part.EV Lég. 2014

B - Par sexe

32

34

36

38

40

42

44

1940

1945

1950

1955

1960

1965

1970

1975

1980

1985

Part

de l'e

sp

éra

nce d

e v

ie p

assée à

la r

etr

aite

(en %

)

génération

H : Contrefactuel

H : 2003+part.EV

H : 2014+part.EV

H : Lég. 2014

F : Contrefactuel

F : 2003+part.EV

F : 2014+part.EV

F : Lég. 2014

Lecture : H = Hommes, F = Femmes.

Pour les femmes de la génération 1965, en législation 2014, la durée de retraite représente 38,4 % de l’espérance de vie (à 20 ans).

Champ : ensemble des retraités, tous régimes.

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SENSIBILITÉ DES RÉSULTATS AUX HYPOTHÈSES D’ESPÉRANCE DE VIE

-

dées. Pour apprécier les durées moyennes de retraite

-

rence celles modélisées par l’Insee dans le cadre de

-

des projections de l’Insee. Les résultats sont cepen-

-

-

-

Rapport entre durée de retraite et espérance de vie (à 20 ans),

(scénario « Lég. 2014 », calendrier de hausse de la durée requise supposé inchangé)

30

32

34

36

38

40

42

Part

de l'e

sp

éra

nce d

e v

ie à

20 a

ns

passée à

la r

etr

aite (en %

)

générationScénario central

Espérance de vie "basse"

Espérance de vie "haute"

Mortalité bloquée à la dernière année connue

Lecture : pour la génération 1965, la durée de retraite représente 36,7% de l’espérance de vie (à 20 ans) dans le scénario central, cette

d’espérance de vie à 60 ans (« scénario CF »), à une situation où ce sont les générations les plus anciennes qui apparaissent les plus favorisées, surtout du fait de la réforme de 2010 qui a for-tement affecté les générations nées à partir du milieu des années 1950. Ce constat sur le sens des inégalités ne concerne bien sûr que la durée de la retraite, sans préjuger des avantages ou désavantages éventuels sous d’autres aspects. Les résultats dépendent en outre des hypothèses

des années 1940 apparaissent les plus favorisées en termes de durée de retraite relative à l’espé-

de mortalité des projections démographiques de l’Insee (cf. encadré 3).

chaque génération, d’une part de vie passée en

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Durée de carrière et durée de retraite

retraite en moyenne plus importante que les hommes, du fait principalement d’une espé-rance de vie plus élevée. Cependant cette dimen-

également tenir compte du fait que les femmes

Cette problématique, qui relève de l’équité intra-générationnelle, dépasse le sujet de cet article. La distinction entre hommes et femmes est pré-sentée ici uniquement pour prendre en compte

-

-

calendrier ex post

-

-

tement de cette durée est réalisé ici selon la formule de

Rapport entre durée de retraite et espérance de vie (à 20 ans),

(scénario « 2014+partage EV », calendrier de hausse de la durée requise ajusté selon l’évolution effective de l’espérance de vie à 60 ans)

30

32

34

36

38

40

42

Part

de l'e

sp

éra

nce d

e v

ie à

20 a

ns

passée à

la r

etr

aite (en %

)

générationScénario central

Espérance de vie "basse"

Espérance de vie "haute"

Mortalité bloquée à la dernière année connue

L’évolution du rapport entre durée de retraite et durée de carrière

L e constat établi dans la partie précédente est basé sur les variations relatives de l’espé-

rance de vie et de la durée de retraite, qui ne sont qu’un versant de l’analyse du partage des gains d’espérance de vie entre activité et retraite. En effet, c’est le rapport entre durée d’activité et

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durée de retraite qui est supposé être maintenu constant au cours du temps.

Plusieurs mesures possibles de la durée de carrière

L’analyse de l’évolution de la durée de carrière -

tion univoque de celle-ci. Par souci de conci-

de la durée de carrière : l’écart entre l’âge

(D1) et le nombre d’années validées dans l’en-semble des régimes de retraites au moment

-tion ait lieu au titre de l’emploi ou au titre de périodes de non-emploi « assimilées » (chô-mage, invalidité, AVPF ou encore majoration

du durée d’assurance pour enfants). D’autres

résultats différents pourraient être obtenus (cf. encadré 4).

Le graphique VII présente l’évolution de la durée en carrière, séparément pour les femmes et les hommes. Nous ne donnons les résultats que pour le scénario « 2014+partage EV ».

-nition D1 dépend de l’augmentation relative

vite que l’âge de départ en retraite, la durée de carrière diminue. Dans le scénario « 2014+par-

projection sont assez proches, autour de 43,5 ans.

QUELLE DÉFINITION POUR LA « DURÉE DE CARRIÈRE » ?

-

-

d’années de formation.

etc

-

passé

plus basse si l’on considère la durée en emploi.

-

carrière et retraite fait l’impasse sur les périodes de la

-

lution des ratios entre durée de carrière et durée de

en particulier des périodes de formation initiale.

recoupent pas totalement.

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Durée de carrière et durée de retraite

Après une baisse initiale entre les générations 1943 et 1948, la durée D1 augmente avec la mise en application de la réforme de 2010 et la hausse rapide de l’âge de départ à la retraite qu’elle induit. Puis, pour les générations nées après 1958, la durée d’activité diminue progres-sivement pour se rapprocher de son niveau de

-laires pour les hommes et les femmes.

La durée validée (D2) est plus faible que la durée D1. Après une augmentation sensible entre les générations 1943 et 1960, la durée D2

Elle reste toujours inférieure à la durée requise

pour la génération 1949 ; 39,8 ans contre 43,7 ans pour la génération 1989). Cependant, cette évolution agrège des tendances très dif-férentes, pour les hommes et les femmes. Pour les hommes, la durée validée décroit régulière-

41 ans à environ 40 ans entre les générations 1943 et 1989, et ce, malgré l’augmentation

-tion de plus en plus importante d’hommes part à l’âge limite, en raison d’une durée validée

à la diminution de la proportion de très lon-gues carrières (de durée supérieure à la durée requise), dont certaines tenaient au fait que les personnes entrées très tôt sur le marché du tra-vail devaient poursuivre leur activité jusqu’à l’âge minimal d’ouverture des droits, même si elles avaient déjà par ailleurs dépassé la durée d’assurance requise.

Pour les femmes, la durée validée augmente fortement entre les générations 1943 et 1960 (+ 3,4 ans, de 36,5 ans à 39,9 ans) puis reste assez stable. L’augmentation initiale traduit une participation croissante sur le marché du travail et une montée en charge de l’AVPF qui permet de valider des périodes hors emploi. Pour les dernières générations considérées, nées après le milieu des années 1980, la durée validée des femmes rejoint celle des hommes.

Une relative stabilisation du rapport entre durée de carrière et durée de retraite…

Les différences d’évolution relevées dans l’analyse des carrières se traduisent par des

Durées passées en carrière, moyennes par génération (scénario « 2014+partage EV »)

35

36

37

38

39

40

41

42

43

44

45

Durée en carrière (année)

génération

D1 HF

D1 H

D1 F

D2 HF

D2 H

D2 F

Lecture : HF = Hommes et femmes, H = Hommes, F = Femmes.

-

Champ : ensemble des retraités, tous régimes.

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évolutions différenciées du rapport entre durée de carrière et durée de retraite. Nous calculons donc les ratios R1 et R2, à partir des durée de

de départ en retraite) et D2 (durée validée au moment du départ en retraite). Les ratios obte-nus sont présentés au graphiques VIII.

Lorsque durée de carrière et durée de retraite évoluent en sens opposé, l’évolution du rap-

durée de carrière diminue et la durée de retraite

termes, par rapport au niveau initial de 1943. Le ratio est maintenu constant quand l’augmen-

les proportions initiales (dC/dR=C/R, avec Cla durée de carrière et R la durée de retraite). La comparaison des ratios entre les générations permet d’apprécier si l’équité entre les généra-tions, du point de vue du principe de la loi de 2003, a été respectée. Le respect du principe de la loi de 2003 impliquerait le maintien constant du ratio au cours du temps. Un ratio décroissant

implique que les générations les plus récentes ont une durée de retraite qui représente une part relativement plus importante de la durée travail-lée, et sont donc favorisées. À l’inverse, un ratio croissant implique que les générations les plus anciennes sont favorisées.

durée de carrière et durée de retraite n’est pas maintenu strictement constant au cours du

des générations, le partage homothétique des gains d’espérance de vie entre temps de travail et temps de retraite n’est pas réalisé. Comme observé précédemment, les générations qui « subissent » la montée en régime de la réforme de 2010 connaissent une hausse rapide du ratio.

-tion des ratios entre durée d’activité et durée de retraite sont assez stables. En effet, pour

les plus récentes sont relativement proches des

semblent suggérer une tendance à la baisse du

Ratios « durée de carrière / durée de retraite », R1 (à gauche) et R2 (à droite), scénario « 2014+partage EV », par sexe

1.2

1.4

1.6

1.8

2

2.2

R1

génération

R1 HF R1 H R1 F

1.2

1.4

1.6

1.8

2

2.2

R2

génération

R2 HF R2 H R2 F

Lecture : HF = Hommes et femmes, H = Hommes, F = Femmes.

Champ : ensemble des retraités, tous régimes.

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Durée de carrière et durée de retraite

ratio après la génération 1955, malgré la hausse continue de la durée d’assurance requise pour

utilisée. La durée validée (D2) augmente en début de projection à un rythme élevé (relative-ment à l’augmentation de la durée de retraite et au niveau initial du rapport), ce qui fait que le

-tions nées jusqu’au début des années 1960. Par la suite, le ratio décroit légèrement du fait de la stabilisation de la durée validée. Nous consta-

(D2) en termes d’indicateur de l’équité inter-

dans les années 1940, les femmes des généra-

dispositifs permettant de valider des trimestres -

rer que leur situation s’est dégradée au cours du temps. Le ratio R1 quant à lui diminue au cours du temps, ce qui suggère que les générations les

plus anciennes.

1955 et 1990 : après la forte augmentation de la durée de carrière avec la montée en charge de la réforme de 2010, la durée de carrière se stabi-lise, ce qui conduit à une décroissance du ratio. Notons que cette décroissance est sensiblement plus marquée pour le ratio R2 : si l’on prend

validée, augmenter l’âge de départ en retraite sans une augmentation continue de la durée

-port entre durée de carrière et durée de retraite.

Soulignons que l’analyse du rapport entre la durée de carrière et la durée de retraite donne des résultats différents de l’analyse de la durée de retraite seule. Avec la législation « 2014+par-tage EV », la part des gains d’espérance de vie traduite en durée de retraite est inférieure à la cible (27 %, d’après le tableau), de sorte que l’on concluait que les générations les plus récentes étaient défavorisées. Cependant l’ana-lyse du ratio conclut que, globalement, les géné-rations futures ne sont pas trop défavorisées, le

ou inférieur au niveau initial. Ces divergences dans l’analyse, en termes d’équité intergénéra-tionnelle, proviennent du fait que les gains d’es-pérance de vie ne sont pas uniquement répartis

entre la durée de retraite et la durée de carrière, mais se reportent également sur d’autres épi-

l’augmentation de la durée de retraite qui est nécessaire pour maintenir constant le rapport entre durée travaillée et durée de retraite, est moins importante que celle qui est requise pour maintenir constante la part de la retraite dans l’ensemble du cycle de vie. Pour une même augmentation de durée de retraite, l’analyse en termes de ratio de la durée de carrière sur la durée de retraite conclut à un partage plus avan-

… sous l’effet des réformes successives

Comme précédemment, nous pouvons obser-ver les contributions des réformes successives à cette évolution du ratio entre durée d’activité et durée de retraite (cf. graphiques IX - A et B).

Comme on pouvait s’y attendre, ces réformes ont eu un effet important sur l’évolution du ratio entre la durée de carrière et la durée de retraite,

l’évolution de l’âge de départ en retraite. Cet

qui dépend directement de l’âge de départ en

augmentation de la durée d’assurance qui ne

départ en retraite.

En l’absence de réforme, le rapport entre durée d’activité et durée de retraite aurait décru for-tement, surtout pour les hommes. Les réformes limitent fortement cette décroissance. La mise en place des retraites anticipées pour carrières longues a également contribué à ce mouvement

plus longue du fait de leur entrée plus jeune sur

la retraite (cf. encadré 5).

* **

Au total, les évolutions projetées ne se confor-ment pas parfaitement à l’objectif d’équité

de 2003, au sens de la stabilité du rapport entre durée de carrière et durée en retraite. Elles s’y conforment uniquement si on en accepte une interprétation assez souple. Une fois prises en compte l’ensemble des réformes intervenues

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Ratios « durée de carrière / durée de retraite »

et « Lég. 2014 »

1.1

1.2

1.3

1.4

1.5

1.6

1.7

1.8

1.9

2

2.1R1

génération

H : CF

H : 2003+part.EV

H : 2014+part.EV

H : Leg.2014

F : CF

F : 2003+part.EV

F : 2014+part.EV

F : Leg.2014

et « Lég. 2014 »

1.1

1.2

1.3

1.4

1.5

1.6

1.7

1.8

1.9

2

2.1

R2

génération

H : CF

H : 2003+part.EV

H : 2014+part.EV

H : Leg.2014

F : CF

F : 2003+part.EV

F : 2014+part.EV

F : Leg.2014

Champ : ensemble des retraités, tous régimes.

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Durée de carrière et durée de retraite

L’IMPACT DES RETRAITES ANTICIPÉES

-

Ces dispositifs de retraite anticipée ont un impact sur

-

ainsi plus délicate l’interprétation des écarts entre les

-

Rapport R1 avec et sans neutralisation des départs anticipés à la retraite (ensemble Femmes+Hommes)

1.4

1.5

1.6

1.7

1.8

1.9

1940

1942

1944

1946

1948

1950

1952

1954

1956

1958

1960

1962

1964

1966

1968

1970

1972

1974

1976

1978

1980

1982

1984

1986

1988

Rap

po

rt (R

1)

de d

uré

e d

e c

arr

ière

/ d

uré

e d

e r

etr

aite

génération

CF

2003+part.EV

2014+part.EV

Leg.2014

Sans DRA : CF

Sans DRA :2003+part.EV

Sans DRA :2014+part.EV

Sans DRA : Leg.2014

-

carrière et durée de retraite pour analyser l’impact des

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depuis 2003, le niveau de ce rapport se stabi-lise dans une fourchette dont l’amplitude va de

et l’âge de départ à la retraite, et de 1,5 à 1,7 -

ment validée dans les régimes de retraite12. Mais -

térieur de ces fourchettes, et elles sont d’autant plus notables qu’elles concernent des généra-tions proches, notamment celles qui sont nées

juste avant et juste après la montée en charge de la réforme de 2010). La réforme de 2010

l’espérance de vie, tandis qu’il faudrait attendre plus d’une trentaine de générations avant de retrouver un niveau similaire à celui des géné-rations nées dans les années 1940. 1314

-tial ? On peut tout d’abord invoquer une ambi-guïté inhérente à la loi de 2003, dont la règle d’application assimile implicitement maintien constant du rapport entre travail et retraite et maintien constant du rapport entre retraite et espérance de vie. Or cela ne correspond pas à la réalité, où les gains d’espérance de vie ne sont pas uniquement partagés entre carrière et retraite. En second lieu, la loi faisait repo-ser ce principe uniquement sur l’augmentation de la durée d’assurance, qui, comme observé, n’impacte pas les individus ayant des durées de carrière soit trop courtes, soit trop longues.

-

l’ensemble des générations 1940-1990.

13. Exposé des motifs de la Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014

garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.

14. Cf. Aubert et al., 2013.

la dernière la réforme des retraites. Si la loi du 20 janvier 2014 n’a pas repris le principe d’al-

selon les évolutions de l’espérance de vie, elle en reste très proche dans l’esprit : le calendrier programmé jusqu’à la génération 1973 est qua-siment identique à celui qu’entraînerait la règle

motifs de la loi souligne le caractère de justice de la mesure « en termes d’équité entre généra-tions, puisqu’elle conduit à stabiliser la part de la vie consacrée au travail »13.

Ces remarques suggèrent que l’objectif d’équité

reformulé directement comme un objectif de durée de retraite relativement à l’espérance de vie, plutôt qu’à la durée d’activité, et sans faire reposer sa réalisation sur un levier d’ac-tion unique. L’analyse menée illustre en effet

a priori : la quasi-stabilisation ten-dancielle du rapport entre durées moyennes de carrière et de retraite ne tient pas à la règle de 2003 seule, mais plutôt à son interaction avec le décalage des bornes d’âges du système de retraite, décidé en 2010.

Ainsi, en matière d’âge de départ à la retraite, le pilotage doit plutôt reposer sur l’articulation de l’ensemble des paramètres mobilisables : durée

-ture des droits, âge d’annulation de la décote, modalités des départs anticipés. C’est a fortiorile cas lorsque l’on s’intéresse à l’équité intra-générationnelle du système de retraite14

les critères et les modalités restent encore à cla-

de retraite peuvent en effet avoir des impacts différenciés sur les différentes catégories d’as-surés au sein de chaque génération.

BIBLIOGRAPHIE

Aubert P. (2013), « L’effet horizon : de quoi parle-t-on ? »,Sociales, n° 4, pp. 41-51.

Aubert P., Duc C. et Ducoudré B. (2013), « French Retirement Reforms and Intrageneratio-nal Equity in Retirement Duration », De Econo-mist, vol. 161, n° 3, pp. 277-305

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Durée de carrière et durée de retraite

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___________________________________________________________________________________

LA RÉFORME DE 2003

La formule de calcul de la durée d’assurance cible

durée d’assurance cible pour l’obtention du taux plein.

-

port entre la durée d’assurance et la durée estimée de

la durée d’as-

-

tions nécessaire pour obtenir le pourcentage maximum

d’une pension civile ou militaire de retraite (…) évoluent

de manière à maintenir constant, jusqu’en 2020, le rap-

port constaté, à la date de publication de la présente loi,

-

de la durée d’assurance cible n’est ainsi pas du tout

R entre la durée d’assurance

Rx

y x=

− −( )40

x

y

y x

x et y -

le ratio est donc R

cible x

durée x -

-

R calculé

Le partage homothétique des gains d’espérance de vie

Si l’on réécrit la formule pour exprimer la durée d’assu-

x

y xR x y x R

xR

Ry

R

R

− −( )= ⇔ = − +( )

⇔ =+

++

4040

1 140

-

-

dx

dy

R

R=

+= =

1

179

2 790 64

,

,,

-

d y x

dy

dy

dy

dx

dy

− +( )= − = − =

401 0 64 0 36, ,

-

passé en carrière et pour le temps passé en retraite.

-

-

-

mettre de maintenir constant le rapport entre temps de

est donc possible entre l’objectif de la loi et sa mise en

application opérationnelle.

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Durée de carrière et durée de retraite

-

-

de la durée d’assurance cible pour le taux plein.

-

-

-

-

___________________________________________________________________________________

L’ÉVOLUTION DE LA DURÉE D’ASSURANCE-CIBLE POUR L’OBTENTION DU TAUX PLEIN : QUE CHANGE LA RÉFORME DE 2014 ?

Évolution de la durée d’assurance cible pour le taux plein selon la législation considérée

39

40

41

42

43

44

45

1943

1945

1947

1949

1951

1953

1955

1957

1959

1961

1963

1965

1967

1969

1971

1973

1975

1977

1979

1981

1983

1985

1987

1989

Durée d'assurance cible

Loi 2003 Scénarios partage EV Législation 2014

Lecture : pour la génération 1985, la durée d’assurance cible pour l’obtention du taux plein est de 40 ans en législation 2003, 43 en

Source : législation et calculs des auteurs.

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-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

sante au cours du temps pour le cas de l’espérance de

-

___________________________________________________________________________________

LA PROJECTION DES ESPÉRANCES DE VIE À 60 ANS

Espérances de vie à 60 ans (instantanée et par génération)

A - Espérance de vie instantanée

0,00

0,05

0,10

0,15

0,20

0,25

0,30

0,35

0,40

0

4

8

12

16

20

24

28

32

Variatio

n

Niv

eau

Espérance de vie instantanée

Hommes et Femmes Hommes Femmes

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Durée de carrière et durée de retraite

B - Espérance de vie par génération

0,00

0,05

0,10

0,15

0,20

0,25

0,30

0,35

0,40

0

4

8

12

16

20

24

28

32

Variatio

n

Niv

eau

Espérance de vie par génération

Hommes et Femmes Hommes Femmes

par la loi de 2003 est de 28,8 ans, et l’espérance de vie par génération est de 31,1 ans. Les évolutions de l’espérance de vie sont moins

lisses en instantané que dans les générations, ce qui explique l’à-coup observé sur le graphique A en début de période, correspondant

au rebond de l’espérance de vie qui a suivi l’épisode de la canicule de 2003.

Source : Insee, projection de population 2007-2060 (scénario central) et extrapolation linéaire des quotients de mortalité.

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ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 474, 2014 97

COMMENTAIRE

PRÉDIRE L’ÂGE ET LA DURÉE DE LA RETRAITE : LES ENSEIGNEMENTS DES DIFFÉRENTS MODÈLES SONT-ILS CONVERGENTS ?

Christophe Albert et Jean-Baptiste Oliveau, Direction Statistiques, Prospective et Recherche, Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse

Depuis 1993, les réformes portant sur le sys-tème de retraite ont notamment eu pour effet directement – loi du 9 novembre 2010 portant

-culière, selon sa composition (entre emploi,

la retraite, comme le rappellent Patrick Aubert

de départ en retraite des futurs pensionnés cepen-

Dès lors, comment prévoir ex ante, autrement -

Patrick Aubert et Simon Rabaté utilisent ici le -

tions actuelles et futures de retraités devraient connaître un rapport similaire entre la durée en

-

et la diversité des assurés concernés.

-

Seul ce type de modélisation permet de dres-ser un bilan des effets complexes de mesures leur coût de mise au point et de fonctionnement

-samment nombreuses pour embrasser la com-

des probabilités de transition entre états et de formation de revenus observées dans les années

--

-

comme ceux menés par Patrick Aubert et

microsimulation, aux architectures complexes --

lisé pour la mise au point de tels modèles.

structures des deux modèles ici utilisés, avant

partie les conclusions des auteurs cités, mais

Rappel :

Les jugements et opinions exprimés par les auteurs n’engagent qu’eux mêmes, et non les institutions auxquelles ils appartiennent, nia fortiori l’Insee.

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98 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 474, 2014

Une base et des hypothèses de modélisation différentes entre Destinie 2 et Prisme

-

du secteur privé ou du secteur public, indépen--

domaine des retraites. Plusieurs options y sont

Prisme, pour sa part, est construit sur un échan-tillon au 1/20e

des identités connues de la sphère sociale recen-

(Système National de Gestion des Carrières)

au Travail) et les CGSS (Caisses Générales de Sécurité Sociale) représentant la Cnav au niveau

-(salaires du secteur privé, périodes assimilées) mais aussi ceux, connus ou inférés, des autres

-

partie des assurés connus dans le modèle, pour le

SchémaModèle PRISME de la Cnav

COMPLÉTION DES DONNÉES

TRIMESTRIALISATION

TABLE INITIALE5 millions d’individus

DÉMOGRAPHIE

RÉVERSION

TABLE FINALE2060

ACTIVITÉ

DÉPARTS EN RETRAITE

Décès

Naissances

Immigrations

Module « carrière »

Module « salaire »

Décision de liquidation

Calcul des pensions

Boucle mensuelle

Boucle trimestrielle

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ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 474, 2014 99

Durée de carrière et durée de retraite

-

des Retraites ou pour les simulations lors des réformes de retraite).

-ciser comment le module de départs en retraite de droit direct.

retraite anticipée, inaptitude, ex-invalides et

entre autres, la distance (en trimestres) entre

de saisonnalité1.Le départ en retraite ne dépend donc pas uni-

-tante dans la comparaison menée ici avec Aubert et Rabaté parmi les options disponibles de Destinie 2. La mesure des effets des réformes

Les auteurs ont répondu sur ce point par un test

Les départs en retraite plus tardifs puis plus précoces dans Prisme

-

-1

-rés nés entre 1945 et 1952, principalement), le

2. Les assu-rés monopensionnés ex-fonctionnaires partent en raison notamment de la reconnaissance du

-

nous pouvons comparer la durée validée au cours de la carrière, puis la durée de perception de la retraite, avant de montrer comment évolue

La différence de champ explique les durées de carrière plus courtes issues de Prisme

-ron une année, relativement constants tout au

1. La liste des variables explicatives est susceptible d’être modi-

aux tables d’apprentissage.

de gestion.

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100 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 474, 2014

celles des salariés du secteur privé (cf. Conseil-

sement des durées constatées par Prisme pour -

Les durées de retraite restent très proches quelle que soit

compris entre six mois et un an.

Durée de carrière rapportée à durée de retraite : jusque 10 % d’écart

Comment ces similitudes et différences se com-

ratio calculé sur Prisme est très proche de celui présenté par Aubert et Rabaté sur toute la pre-

-

Graphique I

60

1940 1945 1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990

61

62

63

64

65

génération

Age de liquidation (en années)

Contrefactuel 2003+partage EV

2014+partage EV Lég. 2014

Lég. 2014 Prisme

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ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 474, 2014 101

Durée de carrière et durée de retraite

Graphique II Durées validées moyennes projetées, dans les deux modèles

35

36

37

38

39

40

41

génération

D2 2014+part.EV Destinie 2

Durée équivalente à D2, législation 2014 - Prisme

1940 1945 1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990

Duré en carrière (année)

--

les concernant leur permettrait de partir plus tôt

* **

Le recours aux modèles de microsimulation est

confronter les résultats de deux des principaux modèles disponibles.

entre les deux modèles

Cette comparaison fait ressortir des éléments de -

des hypothèses de comportement comparables (respectivement au taux plein et autour du taux plein), mais les résultats dépendent aussi de

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102 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 474, 2014

Graphique III

1940 1945

Contrefactuel

2014+part.EV

2003+part.EV

Lég. 2014

Prisme législation 2014Prisme avant réforme 2010

1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990

génération

30

29

28

27

26

25

24

23

22

Durée en retraite (années)

Graphique IVRatio « R2 », durées validées moyennes rapportées aux durées de retraite moyennes projetées,

1,4

1,45

1,5

1,55

1,6

1,65

1,7

génération

R2 Législation 2014 - Destinie 2 R2 législation 2014 - Prisme

Point haut Destinie 2 Poin bas Destinie 2

1940 1945 1950 1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990

R2 ratio durée vadlidée/durée en retraite

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ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 474, 2014 103

Durée de carrière et durée de retraite

totalement indépendants se recoupent aussi

Pour autant, prédire des niveaux et des ten-

au numérateur et au dénominateur viennent se

sur la base de ce ratio serait différent au vu de -

-port entre durée en activité et durée de retraite.

-

modèles différents.

en dehors des différences de modélisation et

cours, de la mise au point de modèles de micro--

des acteurs clés du système de retraite fran-conservent une certaine utilité pour valider certes plus complexes.

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MÉTHODES

Mesures de la concentration spatiale en espace continu : théorie et applicationsÉric Marcon * et Florence Puech **

L’agglomération des activités économiques est indéniable (Krugman, 1991) et cha-cun peut aisément citer des exemples de quartiers spécialisés au sein des villes ou des clusters d’activités par exemple. L’explication des phénomènes d’agglomération semble être à présent bien appréhendée théoriquement (Fujita et al., 1999 ; Fujita et Thisse, 2002) mais les recherches empiriques ne semblent pas avoir atteint un tel stade de maturité (Rosenthal et Strange, 2004, Ellison et al., 2010 ; Gibbons et al., 2014). Durant la dernière décennie, de nombreuses recherches en économie spatiale ont porté sur les mesures de concentration géographique. Les économistes retenaient tradition-nellement des mesures reposant sur un zonage du territoire (comme l’indice de Gini) mais des travaux récents ont montré que discrétiser l’espace pouvait engendrer des biais (Briant et al., 2010). L’utilisation de mesures fondées sur les distances (séparant les entités analysées) et non sur un zonage est aujourd’hui recommandée (Combes et al., 2006). Notre contribution méthodologique montre qu’une attention particulière

-mération des activités économiques. À partir de la localisation des commerces de détail sur l’aire urbaine de Lyon notam-ment, nous montrons, en utilisant trois mesures de concentration récemment introduites en économie spatiale (K

d, D et M), que les résultats obtenus ne convergent pas sys-

concentration spatiale retenue qui peut être absolue (présence importante d’activités), topographique (densité élevée d’activités) ou relative (surreprésentation de certaines activités). Nous recommandons alors que le choix de la mesure de concentration soit

-nomène analysé et ainsi apporter une évaluation satisfaisante de la distribution étudiée.

Codes JEL : C10, C60, R12.Mots-clés : économie géographique, indices de concentration spatiale, mesures fondées sur les distances.

Rappel :

Les jugements et opinions exprimés par les auteurs n’engagent qu’eux mêmes, et non les institutions auxquelles ils appartiennent, nia fortiori l’Insee.

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« Mesurer adéquatement le mesurable. C’est une nécessité évidente puisque l’information géogra-

rigoureuse et plus fructueuse lorsqu’elle est mesu-rée correctement. Mais la mesure n’est pas seule-ment une question de méthode. Au contraire, c’est avant tout une question d’interprétation et de juge-ment géographiques. En effet, il appartient à l’uti-lisateur de juger, dans le champ de sa discipline, ce qui est mesurable et ce qui ne l’est pas ; d’appré-cier à quel degré les diverses mesures qu’il effec-tue représentent véritablement le phénomène qu’il désire étudier. Cette appréciation est fondamentale car elle conditionne la validité des conclusions tirées d’une analyse quantitative ultérieure, si sophistiquée

soit-elle ».

Béguin (1979), p. 3.

C ette mise en garde d’Hubert Béguin concernant le traitement des données géo-

graphiques est loin d’être anodine mais elle n’a économistes. L’objectif de cet article est de mon-trer que cet avertissement s’applique notamment à la mesure de la concentration géographique des activités économiques. L’agglomération des activités aux niveaux supranational, infra-national et urbain est aujourd’hui un constat unanimement partagé dans notre discipline (Krugman, 1991 ; Fujita et Thisse, 2002). Or, si l’on souhaite comprendre les motivations des agents à se regrouper dans l’espace, une bonne appréhension du phénomène est néces-saire (Rosenthal et Strange, 2004). Les écono-mistes ont pris conscience récemment qu’une être entreprise (Combes et Overman, 2004 ; Combes et al., 2006). De nombreuses mesures sont à leur disposition pour évaluer si les acti-vités sont géographiquement concentrées ou dispersées mais malheureusement le choix de l’indice de concentration n’est encore que très toute l’importance qu’il serait souhaitable d’ac-corder à l’outil, nous avons choisi d’illustrer les divergences de résultats obtenus à partir de trois mesures récemment mobilisées dans les études économiques : les fonctions K

d de Duranton

et Overman (2005), D de Diggle et Chetwynd (1991) et M de Marcon et Puech (2010). Ces mesures ont la particularité de ne pas repo-ser sur un zonage géographique (comme les des distances entre les établissements localisés sur le territoire analysé. A partir de la distribu-tion des commerces de détail sur l’aggloméra-tion lyonnaise, nous montrons que les niveaux

de concentration obtenus peuvent être sensi-blement différents en retenant des indices rela-tivement proches sur le plan statistique. Nous expliquons ces écarts de résultats en soulignant les erreurs d’interprétation possibles et leurs conséquences économiques si le choix de la mesure de la concentration n’a pas reçu une

1.La première section de l’article rappelle les niveaux d’agglomération des activités. Dans une deuxième section, nous analysons les trois mesures privilégiées dans les études écono-miques récentes : K

d, D et M. Puis, après avoir

présenté nos données, nous expliquons les écarts de résultats obtenus en appliquant ces trois mesures à deux secteurs d’activité : le com-merce de détail de carburants et celui de l’habil-lement sur Lyon. Nous concluons l’article sur des mises en garde.

Mesurer la concentration spatiale des activités :quels enjeux ?

L a démarche méthodologique proposée dans cet article répond à des enjeux économiques

importants, à la fois positifs et normatifs.L’enjeu positif est la nécessité de disposer d’une évaluation rigoureuse des niveaux de concen-tration spatiale des activités. Il est indispen-sable de travailler avec une mesure statistique existantes mais aussi d’effectuer des compa-raisons robustes des niveaux de concentration obtenus entre secteurs d’activité, entre les ter-ritoires et à différents points dans le temps2. Or disposer d’une mesure de concentration spa-tiale épurée de tous les biais statistiques est loin 1990 que les économistes se sont réellement intéressés à cette question (voir notamment Houdebine, 1999). L’évaluation de la concen-tration était jusque-là trop souvent réduite à l’utilisation d’indices largement employés dans la littérature comme les indices de Gini (Combes et al., 2006) mais qui peuvent se révé-ler limités pour l’appréhension du phénomène

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Concentration spatiale en espace continu

de concentration spatiale des activités. Un des problèmes inhérents aux deux indices précités est de ne pas prendre en compte les effets de la structure des industries. Ellison et Glaeser (1997) ont ainsi été les premiers à mettre en évidence que pour un secteur à rendements croissants, une évaluation de la concentration spatiale reposant sur la détection d’écarts entre

la distribution de l’emploi dans ce secteur et une distribution théorique fondée sur une équirépar-tition de son emploi entre les différentes zones était problématique. Un autre problème est le fait que les propriétés de ces indices dépendent du type de découpage retenu pour le territoire. Nous développons ces points plus loin dans le texte et dans l’encadré 1.

LITTÉRATURE EXISTANTE SUR LES INDICES DE CONCENTRATION

La mesure de la concentration spatiale certainement

la plus utilisée en économie spatiale jusque dans les

mesurer la concentration des activités sur une discré-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

zones distinctes mais le positionnement des zones

-

ces indices sont donc invariants par permutation des

-

-

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L’enjeu est également normatif puisque ces mesures constituent de véritables outils d’aide à la décision. Donnons deux exemples. Tout d’abord, connaître avec précision les niveaux de concentration spatiale d’activités est primor-dial en matière de politique d’aménagement du territoire. En effet, l’intensité des facteurs expli-quant l’agglomération spatiale peut être mise en évidence en régressant les niveaux de concen-tration obtenus sur les principaux déterminants les liens inputs-outputs, la présence d’un large marché du travail ou encore l’existence d’exter-nalités de connaissances (Marshall, 1890)3. Le niveau de concentration estimé par les indices de concentration doit donc être évalué avec la plus grande précision car l’intensité des fac-teurs expliquant cette agglomération en dépend. Ainsi, s’il est détecté que les externalités non pécuniaires constituent un facteur explicatif décisif dans l’explication de l’agglomération, favoriser l’échange informationnel, source d’innovation et d’augmentation de la producti-vité comme dans le cas de la politique de pôles de compétitivité menée actuellement en France. Un deuxième exemple illustrant l’importance des mesures de concentration en tant qu’outil d’aide à la décision est donné par l’étude de Barlet et al. (2011). Grâce à des résultats obte-nus à partir d’indices de concentration, ces des services « échangeables » c’est-à-dire des services qui ne sont pas encore échangés inter-nationalement mais qui pourraient le devenir puisqu’aucune entrave technique à l’échange international n’est dans ce cas détectée4.L’analyse territoriale proposée dans cette étude permet alors d’estimer les conséquences d’un tel changement pour les différentes zones d’emploi en France métropolitaine. On comprend que les résultats des indices de concentration doivent être irréprochables pour qu’un tel l’exercice de prospective ait un sens. On notera d’ailleurs que les auteurs de cette étude ont procédé à des tests de robustesse de leurs résultats des niveaux de concentration obtenus.Ces enjeux positifs et normatifs invitent à bien

les critères devant guider le choix de l’indice de concentration à préconiser. Des listes des bonnes propriétés que tout indice de concentration idéal devrait respecter ont été proposées par plusieurs auteurs comme Duranton et Overman (2005), Combes et Overman (2004) ou encore, récemment, par Thomas-Agnan et Bonneu (2014). Cette démarche assez récente de la part des économistes démontre bien que

l’évaluation de la concentration spatiale des activités économiques doit répondre à certaines exigences méthodologiques. Le respect de ces critères est maintenant très souvent mentionné dans les études (Duboz et al., 2009). Nous mon-trons dans notre article à partir d’un cas d’étude sur les activités commerciales sur Lyon que ces critères doivent être encore précisés. En effet, les mesures de la concentration possèdent des de référentiel retenu pour évaluer les structures spatiales par exemple) et mettent en évidence un type de concentration spatiale bien déter-miné. En s’appuyant uniquement sur les critères proposés aujourd’hui dans la littérature écono-mique nous démontrons qu’il est aisé de faire des raccourcis erronés en mobilisant un outil inadapté au regard de la question traitée.34

Du maillage territorial à un espace continuPourquoi recourir à un espace en continu ?Les localisations d’établissements sont par nature des données individualisées. La mesure de la concentration géographique de ces éta-blissements devrait par conséquent reposer sur des outils traitant l’espace de manière conti-nue. Or, jusque dans les années 2000, les éco-nomistes n’ont pas eu un intérêt marqué pour cette approche (cf. encadré 1) : les territoires considérés étaient découpés en plusieurs zones distinctes et l’information à analyser était agré-gée à un certain niveau géographique (départe-ments, zones d’emploi…). Retenir un maillage territorial peut être motivé pour la simplicité des calculs à mettre en œuvre et la disponibi-lité des données. Cependant, discrétiser l’infor-mation est problématique car l’agrégation peut l’on cherche justement à mettre en évidence !Pour illustrer ce point, considérons l’exemple donné dans le graphique I illustrant une dis-tribution théorique d’établissements (les petits cercles) sur un territoire. Une évaluation de la

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Concentration spatiale en espace continu

localisation de ces établissements devrait per-mettre de mettre évidence à la fois :- Des regroupements d’établissements de type clusters puisque l’on peut observer des petits agrégats distincts composés d’une dizaine d’établissements ;

- L’attraction de la région sud-ouest puisqu’un grand nombre d’établissements s’y est localisé.Appliquons à présent un découpage géogra-phique de type carroyage au territoire ana-lysé (cf. graphique II). Quatre zones distinctes

14 1

54 26

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nord-ouest regroupe ainsi 14 établissements,le cadran nord-est localise 1 établissement,le cadran sud-est en totalise 26 et le cadran sud-ouest en dénombre 54.Nous constatons tout d’abord qu’un tel zonage discrétise l’espace de manière totalement arbi-traire : les clusters peuvent ainsi se retrouver divisés géographiquement avec ce découpage. Un exemple est donné pour les établissements du cluster localisé au centre du territoire qui sont répartis entre les quatre zones. Puis, nous remarquons qu’une mesure de concentration spatiale appliquée à cette échelle géographique détecterait un fort regroupement d’activités (ce qui est effectivement le cas puisque le cadran sud-ouest localise plus de la moitié des éta-blissements) mais ne mettrait pas en évidence l’attraction manifeste à plus petite échelle (pré-sence de clusters).Toutefois, retenir une échelle géographique sud-ouest. Un unique niveau géographique semble donc problématique. Le positionnement des frontières tout comme le nombre de zones retenues peut être une source de biais dans les estimations. Ces deux problèmes sont les deux facettes de ce que l’on appelle le Problème des Unit Problem – MAUP) lié à la discrétisation de données qui ne sont pas initialement agrégées (Arbia, 1989)5.

de concentration en espace continu ?Jusqu’à la seconde moitié des années 90, les évaluations de la concentration spatiale des acti-vités reposaient sur des mesures bien connues des économistes comme l’indice de Gini, ou l’indice d’Ellison et Glaeser qui se heurtent aux critiques relatives au zonage (cf. à nouveau l’en-cadré 1 pour une présentation succincte). C’est pour préserver la richesse de la distribution des localisations exactes des entités analysées (commerces, établissements industriels) mais

-nouveaux outils permettant d’analyser la distri-bution des activités à toutes les échelles géogra-phiques simultanément ont été progressivement proposés. Ces nouvelles mesures permettent de s’affranchir de tout découpage administratif (comme les départements) ou d’étude (comme les zones d’emploi) et d’analyser les entités de manière individuelle (et non agrégée) à partir

de leur localisation exacte. L’évaluation des disparités spatiales repose alors directement sur une analyse effectuée à partir les distances séparant les entités. Aujourd’hui, ces outils dits « fondés sur les distances » ou en « espacecontinu » sont privilégiés pour évaluer les niveaux de concentration spatiale des activités économiques car ces outils présentent des qua-lités importantes. Notons que cette approche n’a pas été proposée par des économistes mais par des statisticiens (Ripley, 1981) et elle est depuis largement exploitée dans d’autres sciences comme en foresterie (Moeur 1993 ; Haase, 1995), en épidémiologie (Diggle et Chetwynd, 1991 ; Kingham et al., 1995) ou en écologie par exemple (Harkness et Isham, 1983 ; Gaines et al., 2000).5

La mesure la plus connue aujourd’hui est cer-tainement la fonction K proposée par B. Ripley(Ripley, 1976, 1977). L’idée de cette mesure est simple. Considérons la distribution des maga-sins au sein d’une ville. La fonction K permet de détecter si autour de chaque magasin il y a en moyenne plus ou moins de magasins qu’il n’y en aurait sous l’hypothèse nulle d’une dis-tribution complètement aléatoire des magasins en ville. Si l’on détecte plus de magasins en moyenne que sous l’hypothèse nulle, on assi-milera la structure spatiale observée à de la « concentration géographique » puisque les « magasins s’attirent ». En revanche si l’on détecte moins de magasins en moyenne que sous l’hypothèse nulle, on assimilera ce phé-nomène à de la « dispersion » puisqu’alors les « magasins se repoussent ». Nous voyons que la fonction K a pour but de détecter les « rela-tions de voisinage » existantes entre les points analysés (attraction ou répulsion). Plus formel-lement, la fonction Kthéorie des processus ponctuels qui fournit un cadre statistique rigoureux à l’analyse des struc-tures spatiales de points. Un processus ponctuelest l’équivalent d’une variable aléatoire dont les réalisations sont des semis de points dans un espace connu et délimité (le territoire analysé). Une façon intéressante de décrire un processus ponctuel dont on ne connaît pas la loi consiste à estimer ses propriétés de premier ordre (la densité) et de second ordre (les relations de voi-sinage). La distribution de référence à laquelle la distribution observée va être comparée pour la fonction K est une distribution complètement aléatoire, c’est-à-dire homogène (une densité constante en tout point du territoire, propriété de

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Concentration spatiale en espace continu

premier ordre) et indépendante (la position d’un point ne dépend pas de la position des autres, propriété de second ordre)6. Plusieurs exemples de résultats de la fonction K sur des cas théo-riques simples sont proposés dans l’encadré 2.De nombreuses études ont suivi pour proposer des extensions de cette première mesure fon-dée sur les distances. Citons notamment les

fonctions D et M respectivement proposées par Diggle et Chetwynd (1991) et Marcon et Puech (2010). 6Ces auteurs ont préféré ne pas retenir l’hypothèse de référence d’une distri-bution complètement aléatoire (espace homo-gène) mais plutôt tenir compte d’une possible

TROIS STRUCTURES SPATIALES SIMPLES EN ESPACE CONTINU

Les mesures développées en espace continu per-

-

-

-

K

0

0

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

0

050

100

Vale

ur

de K

150

2 4 6 8

K IC

Distance

IC centre

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K

0

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1

2

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5

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10

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05

0100

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1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

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05

0100

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de K

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2 4 6 8

K IC

Distance

IC centre

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Concentration spatiale en espace continu

variation de densité au sein des territoires (espace hétérogène). L’espace homogène est en effet un cadre d’analyse peu perti-nent pour évaluer la distribution des activi-tés économiques : l’existence de zones non constructibles (montagnes, lacs) ou la ten-dance naturelle des activités économiques à se regrouper nécessite la prise en compte de l’hé-térogénéité de l’espace. Duranton et Overman (2005) ont également proposé une nouvelle mesure spécialement développée pour mesu-rer la concentration spatiale industrielle. Bien qu’elle se nomme K

d, la mesure introduite par

ces auteurs n’a aucun lien avec la fonction ori-ginelle K de Ripley7.

Deux choix structurants :et de concentrationNous venons de voir que les caractéristiques l’espace considéré doit encore être précisée. L’évaluation les disparités existantes entre les territoires nécessite d’avoir préalablement déterminé d’une part la notion de voisinage et d’autre part le type de concentration (relative, topographique ou absolue) retenus. Évaluer la concentration spatiale en « espace continu » consiste à étudier le voisinage moyen des

points d’intérêt (par exemple les établisse-ments appartenant à un secteur donné). Le terme de « voisinage » peut recouvrir deux réalités : selon l’objet de son étude, le prati-cien peut vouloir analyser le voisinage des établissements à une distance donnée ou dans un rayon donné. Dans le premier cas, le voi-sinage sera évalué dans une couronne, dans le second cas sur un disque. Le graphique III montre sur un exemple la différence entre ces deux approches. Sur le graphique de gauche, le « voisinage » du point centre dans un rayon rest composé de trois voisins (tous les points localisés sur un disque de rayon r). Sur le gra-phique de droite, un seul voisin appartient au « voisinage » du point centre à une distance r.Il est localisé dans la couronne à une distance rdu point centre (si d’autres points avaient été localisés sur cette couronne, ils auraient aussi été considérés comme appartenant au voisi-nage du point centre).7

Concrètement, cette distinction nous permet continu : les fonctions de densité ou les fonc-tions cumulatives. Des exemples théoriques sur

r en

r

r² puisque le

r

r -

-

-

esti-

des valeurs de

-

-

-

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les conséquences de cette distinction sont don-nés dans Marcon et Puech (2010).Ces deux notions de voisinage peuvent être combinées à trois appréhensions distinctes de la notion de concentration : « absolue », « topo-graphique » et « relative » (l’apport de l’arti-cle de Brülhart et Traeger, 2005, sur ce point est fondamental).Commençons tout d’abord par les mesures dites absolues. Ces dernières reposent sur un simple comptage du nombre de voisins d’intérêt locali-sés sur la surface d’un disque (pour les fonctions cumulatives) ou d’une couronne (pour les fonc-tions de densité). Ces mesures absolues sont à préconiser par exemple si la question d’étude porte sur la fréquence d’apparition des voisins d’intérêt (généralement les magasins d’un sec-teur d’activité donné). Ce calcul n’intègre donc pas de valeur de référence. Si tel était le cas, on parlerait alors de mesures topographiques ou de mesures relatives (même si ces deux notions ne sont pas équivalentes).Les mesures topographiques retiennent comme valeur de référence l’espace physique : le nombre de voisins d’intérêt est divisé par une surface pour obtenir une densité. Pour les fonctions en continu, l’unité d’aire est donc la surface d’un disque ou d’une couronne selon

-tée. La concentration topographique sera à préconiser si l’on s’interroge par exemple sur la densité des magasins d’habillement sur un territoire ; si les magasins d’habillement sont regroupés spatialement, une concentra-tion topographique sera détectée. Ce type de mesure fait implicitement l’hypothèse que le territoire analysé est homogène c’est-à-dire

avec la même probabilité de localisation en tout lieu. Cette hypothèse peut être jugée trop forte : il conviendrait alors de prendre en compte l’hétérogénéité de l’espace. Des mesures topographiques en espace hétéro-gène existent. L’idée est de comparer une densité à une autre densité par différence. Concrètement, on retient des mesures qui per-mettent d’effectuer la différence entre les den-sités de voisins du secteur d’intérêt et de la distribution de référence (l’ensemble des sec-teurs d’activité). Une autre possibilité serait de comparer les densités non par différence mais en faisant leur rapport. Si tel est le cas, la surface de référence disparaît et on obtient une mesure dite relative. Concrètement, une sur-représentation ou sous-représentation d’une activité par rapport à une tendance qui est en général l’ensemble des activités peut dès lors être clairement établie.Notons qu’avant l’article de Brühart et Traeger (2005), généralement les mesures absolues étaient dans la littérature uniquement oppo-sées aux mesures relatives (Haaland et al.,des mesures visant à comparer la distribu-tion des voisins d’intérêt à une autre variable. Le regain d’intérêt des économistes dans la notion de la concentration spatiale d’une part et l’utilisation de mesures topographiques en économie spatiale d’autre part ont permis de

-mie spatiale pour évaluer la concentration utilisant les notions de concentration topogra-phique (homogène et hétérogène) absolue et relative (cf. la typologie proposée par Marcon et Puech, 2014).

rr

r r

r

dr r

r r

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Concentration spatiale en espace continu

Présentation des trois mesures retenues

Nde retenir les trois mesures en espace continu suivantes : les fonctions D de Diggle et Chetwynd (1991), K

d de Duranton et Overman

(2005) et M de Marcon et Puech (2010). Tout d’abord, nous allons voir que ces trois fonctions mettent chacune en évidence un type de concen-tration différent : topographique (hétérogène) pour D, relative pour M et absolue pour K

d. Des

comparaisons de résultats paraissent dès lors indispensables pour montrer les avantages et

-tration spatiale retenue. Ces trois fonctions ont été choisies récemment dans la littérature pour évaluer les disparités entre les territoires ; parmi les applications, on notera l’application de K

dpar Duranton et Overman (2008), le choix de la fonction D par Arbia et al. (2008) ou encore la fonction M retenue par Jensen et Michel (2011). La mesure K

d de Duranton et Overman

semble toutefois plus souvent plébiscitée dans le domaine de l’économie spatiale (voir par exemple les études de Fratesi, 2008 ; Klier et Mc Millen, 2008 ; Nakajima et al., 2012 ; Barlet et al., 2013 ; Koh et Riedel, 2014 ou Behrens et Bugna, 2013).Ces trois mesures partagent des propriétés mais se différencient également par certaines carac-téristiques. Nous allons les présenter et montrer

en mesure de détecter. Rares sont les études qui pour évaluer la distribution spatiale des activi-tés. Pourtant nous verrons que ce choix devrait être au contraire soigneusement motivé étant donné que ces mesures ne sont pas équivalentes.

Présentation et comparaison des mesures D, K

d et M

Au sein d’une ville, considérons la distribution des magasins dont les positions géographiques exactes et les secteurs d’activité sont connus. Supposons que nous souhaitons analyser plus précisément les éventuelles interactions (attrac-tion ou répulsion) entre les magasins d’un sec-teur donné au sein de cette ville, par exemple les magasins du secteur de l’habillement.

-mière possibilité est de comparer la proportion

moyenne de magasins d’habillement observée localement (c’est-à-dire dans leur voisinage à une distance inférieure à une valeur choisie r)à leur proportion à l’échelle de la ville. Si les magasins d’habillement s’attirent, leur propor-tion sera localement plus forte autour des autres magasins d’habillement qu’au niveau de la ville en général : une concentration spatiale relative sera détectée. Au contraire, si les magasins d’ha-billement se repoussent, leur proportion sera relativement plus faible dans le voisinage des magasins d’habillement : une dispersion relative

-lative M proposée par Marcon et Puech (2010) qui est une mesure relative. Techniquement, cela revient à étudier tout d’abord le « voisi-nage d’un magasin d’habillement » comme les magasins situés à une distance inférieure ou à égale à r de ce magasin. Puis, pour ce rayon r,on calcule le rapport entre la proportion relative locale de magasins d’habillement autour d’un magasin d’habillement à la proportion relative observée en ville. On répète cette opération pour tous les magasins d’habillement et on calcule la moyenne des rapports de ces proportions rela-tives. Un voisinage relatif moyen des magasins d’habillement est ainsi obtenu pour ce rayon. La valeur de référence de la fonction M est 1. Une valeur supérieure à 1 indique une concentration relative des magasins d’habillement à l’inté-rieur de ce rayon r et une valeur inférieure à 1 indique une dispersion relative. L’avantage de la mesure en continu est de pouvoir effectuer ces estimations pour tous les rayons possibles par exemple par incrémentation de 50 mètres.On peut dès lors obtenir une caractérisation complète des interactions entre les magasins à toutes les distances possibles et, ainsi, détecter à quelle(s) distance(s) les niveaux de concentra-tion ou de dispersion sont observés.

interactions potentielles des magasins de l’ha-billement consiste à comparer leur structure spatiale, mesurée par la fonction K de Ripley, à celle des autres magasins. Cette démarche est celle proposée par la fonction D de Diggle et Chetwynd (1991) qui est une mesure cumula-tive de concentration topographique (en espace hérérogène). Plus précisément, la fonction Drésulte de la comparaison de la structure spa-tiale de deux types de magasins uniquement :les magasins d’intérêt (« les cas ») et les autres magasins (« les contrôles »). Si les cas sont plus concentrés que les contrôles, on détectera de la concentration spatiale au sens topographique. Si au contraire les cas sont moins concentrés que les contrôles, une dispersion topographique

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D contrôle l’hétérogénéité de l’espace grâce à la prise en compte de la struc-ture spatiale des « contrôles ». Techniquement, la fonction Ddeux fonctions K de Ripley pour les cas et pour les contrôles. La valeur de référence est 0 quel que soit le rayon d’étude : des valeurs positives de D signaleront une concentration spatiale du secteur, des valeurs négatives de la dispersion.

-ser la structure spatiale est d’estimer la probabi-lité de trouver un magasin d’habillement à une distance r de chaque magasin d’habillement. Plus précisément, il s’agit d’estimer une densité de probabilité au sens mathématique du terme puisque la distance r est une variable continue (la probabilité de trouver un voisin exactement à distance r est nulle, mais elle peut être esti-mée autour de r, par intervalles successifs et lissage). Une telle mesure est de type absolu car sans référentiel. C’est la fonction K

d proposée

par Duranton et Overman (2005). Elle est cal-culée à chaque distance r et non à une distance inférieure ou égale à r comme pour la fonction M ou D précédemment présentées.

on peut associer à ces trois indices des intervalles Carlo sous l’hypothèse nulle d’indépendance de la localisation des magasins. Une concentration les valeurs observées des fonctions K

d, D et M

sont supérieures à la borne supérieure de leur au contraire de la dispersion géographique

-vées des fonctions sont inférieures à la borne

l’hypothèse nulle) ne sont pas les mêmes pour les trois fonctions : quel que soit le rayon, elle est de 1 pour M, 0 pour D, mais dépendante des données pour K

d (on l’estime par le centre de

de M sont interprétables : Kd et D ne sont mobili-

sables que pour la détection de la concentration spatiale (ou de la dispersion) mais ne pourront

Une présentation formelle de ces mesures est proposée dans l’encadré 3.

A sur laquelle une

N

A

localisations respectives des points 1,..., ,...i N par leur

x x xi N1,..., ,...

A

-

-r

r

-r

r seront dans ce cas

r

M

compare en

r A

M S

r

M rx x r

x x r

N

N

i jj i j j

i jj i j

i iS( )

, ,

,

,=

− ≤( )− ≤( )

≠ ∈

∑∑

1

1

1

1

S

S

-S

- x - x ri j ≤( )xi et x j r

- NS

-

teur S

-

M -

tion -

D

PRÉSENTATION FORMELLE DES TROIS MESURES EN ESPACE CONTINU

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Concentration spatiale en espace continu

D

Scas

et

D rcas

r r

avec

K rA

N Nx x r c i j rcas

S Si jj i j ji

( )( )

, ,, ,

=−

− ≤( ) ( )≠ ∈∑∑

11

S

et

K rA

N Nx x r c i j rcontrôles

S S

i jj i j j

N

i

NSS( ) , ,, ,

=−( )

− ≤( ) ( )≠ ∈∑∑

11

S

-S et N

S

appartenant au secteur S

- S

- NS

S

- x - x ri j ≤( )xi et x j r

- c i j r( ) -

D

une distance r -

1 x x r c i j ri jj i j j

N

i

NSS − ≤( ) ( )( )≠ ∈∑∑ , ,, , S

est rapporté

( ) /N AS

1

caractérisant les structures spatiales des

D

-

Kd

r

r

de r

-

r est une mesure

passante h k x x ri j−( )

xi et x j -

ment r

h r

k x x rh

x x r

hi j

i j−( ) = −

− −( )

1

2 2

2

πexp

K rN N

k x x rd i jj i ji( )

( ),

,=

−−( )≠∑∑

1

1

-

-

-

M D et le centre de

-

r

r -

tation alternative serait de travailler directement sur

-

tion

-

r

r

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D, Kd et M à l’épreuve des critères

La pertinence de ces trois mesures dans notre champ d’étude peut être jugée en confrontant ces outils aux critères de Duranton et Overman

-sant une mesure satisfaisante pour évaluer la concentration spatiale des activités économiques.Tout d’abord, le recours à des zonages doit être évité car il peut être source de biais statistiques(Briant et al., 2010 ; Crozet et Lafourcade, 2011), comme cela a été illustré plus haut par l’exemple théorique du graphique II. Retenir des mesures en espace continu, c’est-à-dire fondées uniquement sur les distances séparant les entités analysées, permet d’éviter ces biais liés à l’agré-gation des données. Les trois mesures D, K

d et M

répondent donc favorablement à cette première exigence que doivent respecter les mesures.Un deuxième critère stipule que les mesures doivent prendre en compte la tendance géné-rale des activités à se concentrer. Plusieurs méthodes peuvent dès lors être mobilisées pour y arriver. Une première solution est de recourir à des mesures topographiques contrô-lant l’hétérogénéité de l’espace c’est-à-dire les mesures qui prennent en compte une densité non constante sur le territoire. La fonction Drepose sur ce cadre d’analyse. En effet cette fonction est construite à partir de la différence une concentration spatiale pour un secteur si la distribution de ses établissements est plus agrégée que celle des autres activités en géné-ral. Une deuxième solution est d’opter pour des mesures relatives qui détectent dans le voisi-nage des établissements du secteur étudié une proportion d’établissements du même secteur supérieure à celle que l’on observe en moyenne sur le territoire. Cette approche est celle retenue par la fonction M et généralement en économie spatiale pour les mesures discrètes (indices de Gini ou d’Ellison et Glaeser par exemple). Une dernière possibilité pour respecter ce critère est celle explorée par Duranton et Overman en proposant la fonction K

d. Cette dernière

repose sur une comparaison de mesures abso-lues puisqu’elle permet de comparer la fré-quence des distances bilatérales entre les établissements d’un même secteur réellement conservant tous les emplacements existants (« sites actifs ») mais en redistribuant les éta-blissements sur ces emplacements. Le contrôle de la tendance générale des activités est par conséquent réalisé avec la comparaison de la

distribution observée de celle sous l’hypothèse nulle. Il est donc intéressant de voir que D, K

det M respectent ce deuxième critère même si ce concept renvoie à une notion assez large du référentiel optimal et peut ainsi recouvrir diffé-rentes réalités. Nous reviendrons sur ce point dans la section suivante.Un troisième critère respecté par les trois mesures est le fait d’associer un niveau de signi-

. En effet, un intervalle de systématiquement pour ces outils comme nous l’avons précisé précédemment.Un quatrième critère souligne la nécessité de contrôler la concentration industriellec’est-à-dire la structure industrielle des sec-teurs qui dépend à la fois du nombre d’établis-sements au sein des industries et des effectifs associés. C’est ce point qui avait été mis en lumière par Ellison et Glaeser et qui consti-tuait une limite forte à l’encontre de l’indice de Gini (voir encadré 1). M peut contrôler la concentration industrielle en pondérant les éta-blissements par leur nombre d’employés, et en conservant cette pondération sous l’hypo-thèse nulle. La fonction K

emp a été proposée par

Duranton et Overman (2005) pour pondérer Kdde la même façon. En revanche, la fonction D

est issue de la théorie des processus ponctuels, dans laquelle chaque établissement est repré-senté par un point, sans poids. Dans le travail présenté ici, nous nous limiterons à des éta-blissements de poids égaux à 1 pour M et à la fonction non pondérée K

d pour permettre des

comparaisons entre les trois fonctions.Un cinquième critère indique que les résultats auxquels aboutissent les mesures doivent êtrerobustes aux comparaisons interindustrielles. La fonction M est interprétable comme la pro-portion des établissements du secteur d’intérêt autour de chaque établissement de référence rapportée à la même proportion dans toute l’aire d’étude. Ce nombre, qui est un quotient de localisation, peut être comparé entre sec-teurs. La fonction K

d fournit quant à elle une

-prétable, qui reste comparable entre secteurs dans une étude sur le même espace, mais pas entre études portant sur des espaces différents (toutes choses égales par ailleurs, la densité de probabilité diminue si la taille de l’aire d’étude obtenus avec la fonction D entre plusieurs sec-teurs ne serait que peu convaincante puisque D est construite comme la différence de deux

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Concentration spatiale en espace continu

fonctions K entre celle du secteur d’intérêt et celle des « autres secteurs ». Lors des comparai-sons intersectorielles, les « autres secteurs » ne seraient pas les mêmes.

(ni aucune mesure existante à notre connais-sance) ne répond favorablement aux deux derniers critères mentionnés par Combes et Overman (2004)8 :- L’indépendance de la mesure au découpage retenue ne doit pas introduire des biais dans les estimations des niveaux de concentration. Le problème sous-jacent est de même nature que (MAUP) précédemment décrit mais renvoie ici au problème de « frontières » intersectorielles. En effet, retenir un niveau sectoriel plus ou moins agrégé par exemple est susceptible de biaiser les évaluations des niveaux de concen-tration spatiale.- L’intégration de l’outil à la théorie écono-mique : les mesures sont des statistiques des-criptives d’un semis de points, pas des statis-tiques synthétisant le résultat d’un modèle économique. Seul l’indice d’Ellison et Glaeser respecte cette propriété dans le sens où sa valeur peut être interprétée comme le résultat d’un modèle (même simple) de choix de localisation

-ment mais cet indice repose sur un zonage et non sur les distances inter-établissements. Ce critère ne doit pas être négligé car il permettrait de déterminer le choix de l’indice à retenir selon la question posée. Cette question sera probable-ment au centre des recherches futures sur les mesures de concentration spatiale.Que peut-on conclure de cette courte analyse comparative ? Tout d’abord, parmi les trois mesures de concentration géographique consi-dérées, seules deux répondent à un maximum de bonnes propriétés dictées par la littérature : la fonction K

d de Duranton et Overman et la fonc-

tion M de Marcon et Puech. Cependant, il serait incorrect de considérer K

det M comme équi-

valentes. Si elles partagent certaines propriétés elles tiennent compte de la concentration indus-trielle…) elles sont également sensiblement différentes : K

d est par exemple une fonction

de densité de probabilité et M une fonction cumulative (Marcon et Puech, 2010). Dans la partie suivante, nous allons mobiliser les trois

individuelles pour obtenir une analyse précise et complète de la concentration spatiale de plu-sieurs activités commerciales sur Lyon.

Cas 1 : exemple où les résultats des trois mesures convergent

É tudions un premier cas pour lequel les trois mesures aboutissent à la même conclu-

sion. Nous allons considérer pour cela un cas théorique où les magasins du secteur d’intérêt sont plus concentrés topographiquement que ceux des autres secteurs. Nous verrons dans un second temps que ce cas d’étude est observable sur données réelles à partir de la distribution des magasins sur Lyon.8

Exemple théoriqueConsidérons une ville où uniquement deux types de magasins sont implantés : ceux du secteur d’intérêt et ceux des autres secteurs. Les magasins du secteur d’intérêt sont dénom-més les « cas » et ceux des autres secteurs les « contrôles ». Les localisations des magasins sont issues de simulations de processus ponc-tuels connus : processus de Matérn pour la simulation d’agrégats et processus de Poisson pour des distributions aléatoires de magasins au sein de la ville9. Le package spatstat sous le logiciel R (R Development Core Team, 2012 ;Baddeley et Turner, 2005) permet de simuler de telles réalisations.Dans notre exemple simulé, on dénombre 168 magasins localisés dans la ville. La dis-tribution de ces commerces est donnée sur le graphique IV. Deux zones denses en com-merces sont observables ; chacune compte en moyenne 40 magasins composés de cas (points noirs sur la carte) et de contrôles (représentés par des triangles). Dans notre exemple, 32 cas et 44 contrôles sont au total présents dans ces deux zones. 92 contrôles sont également implantés aléatoirement en ville (les triangles hors des deux agrégats).Les trois fonctions K

d, M et D associées à cette

distribution sont données sur le graphique V.

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établis à partir de 1 000 simulations au seuil de -

lisés sous le logiciel R avec le package dbmssque nous avons développé (R Development Core Team, 2012 ; Marcon et al., 2012a).Les trois fonctions détectent une concentration spatiale des cas pour de faibles distances.La fonction M (graphique VA) indique une concentration relative des cas à partir d’un rayon approximativement égal à 0,025 et jusqu’à une distance de 0,25. Elle est maximale à courtes distances : les agrégats simulés de cas sont de petite taille. Puis, plus le rayon d’étude augmente, plus le nombre de contrôles locali-sés dans le voisinage augmente : la part relative des cas diminue, graphiquement la courbe Mdécroît. À de très faibles distances, l’intervalle présents à de très faible rayons), les résultats des niveaux de concentration spatiale sont non

La fonction D quant à elle (graphique VC) com-pare au sens topographique la distribution des agrégats de cas à la distribution complètement

aléatoire des contrôles : une concentration spa-tiale des cas est à nouveau détectée. Les cas sont en effet plus concentrés spatialement que les contrôles : les cas ne sont localisés que dans les zones commerciales denses alors que les contrôles sont présents également dans ces deux pôles commerciaux mais, par construction, sont majoritairement présents sur toute la ville. Les pics de concentration de D et M apparaissent approximativement à une distance égale à la taille des agrégats. K

d détecte également la concentration des cas et

le pic de concentration est plus marqué et obser-vable à une distance de 0,05 (graphique VB). Ce pic de concentration correspond exactement au rayon des agrégats de cas. Une fonction de den-sité comme K

drenvoie des estimations locales

plus précisément qu’une fonction cumulative. Nous voyons également que pour de larges dis-tances (au delà de 0,17) les résultats de K

d sont

Kd est

la distribution des cas est donc dispersée au sens de K

d. Cette dispersion indique qu’il n’y

a pas de cas entre les agrégats. Comment expli-quer que les fonctions M et D ne révèlent pas cette dispersion ? Nous constatons en effet

1

0,8

0,6

0,4

0,2

0

0 0,2

Cas Contrôles

0,4 0,6 0,8 1

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Concentration spatiale en espace continu

Kd

M

0.0

0.00 0.05 0.10 0.15

M IC

Distance

IC centre

0.20 0.25

0.5

1.0

1.5

2.0

2.5

Valeur de M

0.0

0.00 0.05 0.10 0.15 0.20 0.25

0.5

1.0

1.5

2.0

2.5

3.0

Valeur de Kd

Kd IC

Distance

IC centre

D

- 0.1

0.00 0.05 0.10 0.15 0.20 0.25

0.0

0.1

0.2

0.3

0.4

Valeur de D

D IC

Distance

IC centre

qu’aux mêmes distances, D et M décroissentdoucement mais restent situées au-dessus de

propriété partagée de fonctions cumulatives : le -

mations à plus longues distances (Wiegand et

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Moloney, 2004). Les courbes M et D retournent donc seulement doucement vers leur intervalle

-tions du graphique V sont effectuées en prenant une valeur maximale de la distance d’étude égale au quart du côté du domaine analysé, comme cela est recommandé pour D issue de la fonction K de Ripley (Baddeley et Turner, 2005)10. Toutefois, en considérant des distances plus importantes, dans cet exemple M retourne (aux alentours de 0,5) puis présente à nouveau un pic de concentration (comme K

d) correspon-

dant à la distance entre les deux agrégats (0,6). M ne détecte pas de dispersion entre les pics car il n’y a pas de répulsion à proprement parler entre les cas des deux pôles (assimilables aux

M). La dispersion détectée par K

d à ces distances indique unique-

ment un « manque de cas ».

Exemple empiriqueL’accès à une base de données de la Chambre de commerce et de l’industrie de Lyon nous a per-mis de travailler sur les emplacements exacts de 3 124 commerces de détail non-alimentaires activités sont ventilées en 26 secteurs et corres-pondent aux sous-secteurs de 47.30Z à 47.79Z de la Nomenclature d’activités françaises 2008 (révision 2). La carte IA donne un aperçu de la densité de commerces non alimentaires sur Lyon.10

B

Carte I

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Concentration spatiale en espace continu

Analysons plus précisément dans cet exemple la distribution des 931 commerces d’habillement en magasin spécialisé (code NAF 47.71Z). Si nous comparons sur Lyon la densité des com-merces d’habillement (carte IB) avec la den-sité des commerces non alimentaires (carte IA)nous constatons que les magasins d’habillement sont localisés dans les zones où la présence d’implantations commerciales non alimentaires est forte notamment sur la presqu’île de Lyon (au centre de la carte IB) et sur la rive gauche de caractériser la structure spatiale des maga-sins d’habillement à Lyon, les trois fonctions fondées sur les distances K

d, D et M ont été

calculées avec un pas de calcul de 100 mètresjusqu’à 3 000 mètres. Les intervalles de con-

comparer les résultats entre les trois fonctions (i) les effectifs des commerces analysés ne sont pas considérés dans notre analyse empirique et (ii) notre comparaison repose sur la détection de niveaux de concentration ou de dispersion mais nous ne cherchons en aucun cas à interpréter les niveaux obtenus (puisque seule M est à même d’apporter de type d’information). Les résultats des trois fonctions M, K

det D pour le commerce

de détail d’habillement sont donnés sur le gra-phique VI.Nous constatons que les trois mesures détectent une concentration spatiale correspondant à une concentration géographique au sens rela-tif (pour M, graphique VIA), absolu (pour K

d, graphique VIB) et topographique (pour

D, graphique VIC). M détecte que la propor-tion des magasins d’habillement relativement aux autres magasins non alimentaires est en moyenne plus élevée autour des emplacements de commerces de détail d’habillement que sur l’ensemble de la ville de Lyon. Il y a donc une concentration relative de ce secteur. K

d détecte

également une attraction particulièrement mar-quée approximativement à des distance de 250 mètres, 1 000 mètres et 1 750 mètres11, cor-respondant aux regroupements de ces activités au sein des grandes zones commerciales (pre-mier « pic ») et entre les différentes zones com-merciales sur l’aire urbaine de Lyon (deuxième et troisième « pics »). Cela est par exemple le cas entre la presqu’île (cœur de ville) et les grandes rues commerciales de la rive gauche (à l’Est de Lyon)12 D com-pare la concentration spatiale topographique de ce secteur par rapport à l’ensemble des autres

secteurs non alimentaires analysés et montre qu’elle est supérieure. Cela souligne que les commerces de l’habillement sont plus concen-trés géographiquement que sous l’hypothèse nulle dans laquelle les commerces de l’habille-ment et les autres commerces non alimentaires ont la même répartition spatiale. En d’autres termes, l’apport de ces trois fonctions nous per-commerciales de l’habillement au sens relatif, topographique et absolu soit des regroupe-ments très localisés de ces activités dans des zones à forte densité commerciale. Ce résultat est typiquement le cas de quartiers spécialisés dans le centre-ville.

Cas 2 : exemple où les résultats des mesures divergent

M ais les mesures peuvent également conduire à des résultats divergents. On

va l’illustrer en commençant à nouveau par un exemple théorique, caractéristique du cas où les magasins du secteur d’intérêt sont plus dispersés topographiquement que ceux des

-quement les prédictions de cet exemple théo-rique en étudiant la localisation du commerce de détail des carburants en magasin spécialisé sur Lyon.1112

Exemple théoriqueConsidérons comme dans le cas précédent, une ville dans laquelle uniquement deux types de magasins sont implantés : ceux du secteur d’intérêt (les « cas ») et ceux des autres sec-teurs (les « contrôles »). 112 magasins sont localisés dans cette ville. Les contrôles sont au nombre de 88 : 41 magasins sont implantés aléatoirement et 47 magasins forment un agré-gat pouvant être assimilé à un pôle commercial au sein de la ville. Les cas sont au nombre de 24 et sont aléatoirement distribués au sein de la ville. Les localisations des magasins sont

A

B

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issues ici encore de simulations de processus de Matérn pour les agrégats et de processus de Poisson pour les distributions aléatoires à l’aide du package spatstat13. La distribution des magasins de la ville est représentée sur le graphique VII ; le pôle commercial se distingue aisément. Les trois fonctions K

d, M et D sont

données par le 13graphique VIII. L’intervalle de -

Kd

M

0 500 1 000 1 500 2 000 2 500 3 000

0.8

1.0

1.2

1.4

1.6

Valeur de M

M IC

Distance

IC centre

0 500 1 000 1 500 2 000 2 500 3 000

Kd IC

Distance

IC centre

1e-04

2e-04

3e-04

4e-04

5e-04

Valeur de Kd

D

0 500 1 000 1 500 2 000 2 500 3 000

D IC

Distance

IC centre

0.0e+00

5.0e+06

1.0e+07

1.5e+07

Valeur de D

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Concentration spatiale en espace continu

entre les résultats obtenus par ces trois mesures.Commençons par le graphique VIIIC : la fonc-tion D détecte une dispersion spatiale des cas par rapport aux contrôles. Cela est logique car la distribution des contrôles est plus concen-trée que celle des cas du fait de l’existence d’un agrégat de contrôles. La mesure topographique capture parfaitement le fait que les cas pré-sentent une distribution plus régulière que celle des contrôles. La fonction K

d détecte également la dispersion

des cas (graphique VIIIB). Ce résultat est là encore compréhensible en se reportant à nos simulations de processus. Tout d’abord, rap-pelons que les cas sont localisés aléatoirement dans la ville et donc, par construction, la zone à forte densité commerciale (le pôle commer-cial) ne contient que des contrôles (la pré-sence de cas est, si elle existe, anecdotique). Donc lorsque l’on simule l’hypothèse nulle en redistribuant les cas sur les positions des cas ou des contrôles, les cas sont plus agrégés que pour la distribution observée initialement. Ainsi, la probabilité de trouver un cas à la dis-tance r K

d) est

plus faible que sous l’hypothèse nulle de sorte que K

ddétecte logiquement de la dispersion

pour les cas à toutes les distances. Néanmoins, la fonction K

d retourne plus vite que la fonc-

tion Dlarges distances : ceci s’explique par le fait que D est une fonction cumulative donc est localement moins sensible à des variations de densités. En d’autres termes, si un niveau de concentration est détecté à petites distances (comme cela s’observe pour les cas), ce résul-

-mations de D.

M (graphi-que VIIIA). Lorsque les estimations sont signi-concentration spatiale des cas, contrairement aux deux autres fonctions. Pour l’expliquer, gardons à l’esprit que les cas sont localisés aléatoirement et, comme nous l’avons dit, en dehors du pôle commercial. Donc autour d’un cas, la densité relative des cas par rapport aux contrôles est plus forte que sous l’hypothèse nulle : une concentration spatiale au sens de Mseuls les résultats des mesures topographique et absolue sont en accord.

1

0,8

0,6

0,4

0,2

0

0 0,2

Cas Contrôles

0,4 0,6 0,8 1

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Kd

M

0.00 0.05 0.10 0.15 0.20 0.25

0

1

2

3

4

5

Valeur de M

M IC

Distance

IC centre

0.00 0.05 0.10 0.15 0.20 0.25

0.5

1.0

1.5

2.0

2.5

Valeur de Kd

Kd IC

Distance

IC centre

D

0.00 0.05 0.10 0.15 0.20 0.25

- 0.2

- 0.1

0.0

0.1

0.2

Valeur de D

D IC

Distance

IC centre

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Concentration spatiale en espace continu

Exemple empiriqueCe genre de contradiction peut effectivement se rencontrer dans la pratique. Nous reprenons la distribution des magasins non alimentaires sur Lyon en avril 2012 et nous nous intéres-sons maintenant au secteur du commerce de détail des carburants en magasins spéciali-sés (23 commerces, code NAF 47.30Z). La carte II indique que ce secteur ne présente pas les mêmes stratégies d’implantation que les commerces de détail non alimentaires en géné-ral. Le faible nombre d’établissements de ce secteur nous permet de nous rendre compte de sa structure spatiale à partir de la distribution observée des commerces. Nous constatons que les stations-services (points noirs sur la carte) ne sont pas localisées au sein des zones où les activités commerciales de détail non alimen-taires sont particulièrement présentes (zones en relief).

secteur d’activité, les trois fonctions M, Kd et

D sont données sur le graphique IXA, B et C.Nous conservons les mêmes choix d’estima-tions que pour les calculs du secteur de l’habil-lement précédemment présenté : le pas de calcul est toujours de 100 mètres jusqu’à 3 000 mètres,simulés à partir de 1 000 simulations au niveau inter-établissements sont retenues.Nous remarquons que les résultats des courbes M (graphique IXA) et K

d (graphique IXB)

2 000 mètres, les courbes se situant en dehors Toutefois alors que M détecte une concentration spatiale des commerces de carburants (puisque la courbe M est au-dessus de la borne supérieure

Kd met en évidence

une répulsion de ces établissements aux mêmes distances (K

d étant située en dessous de la borne

Ce résultat apparemment contradictoire tra-duit le fait que ces deux mesures caractérisent de manière différente la structure spatiale du sous-secteur analysé. Les commerces de détail de carburants ont la particularité d’être localisés plutôt dans des zones où il y a peu d’activités des résultats, les simulations de K

d reposent

sur une redistribution des établissements sur les emplacements commerciaux existants. Sous l’hypothèse nulle, les commerces de carburants seront donc situés dans des zones à densité commerciale plus élevée qu’ils ne le sont dans la distribution réellement observée. La probabi-lité de trouver un voisin à courte distance sera par conséquent plus grande sous l’hypothèse nulle que dans la réalité (comme constaté sur la graphique IXB).La fonction M mesure quant à elle la den-sité relative des commerces de carburants c’est-à-dire la densité de cette activité commer-ciale par rapport aux autres activités commer-ciales non alimentaires. Dans les zones à faible densité de commerces, les commerces de détail de carburants sont surreprésentés : M détecte cette concentration spatiale relative.

Carte II

= Commerce de détail de carburants

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-lysée, la mesure D de Diggle et Chetwynd, qui détecte quant à elle l’écart de concentration spa-tiale des stations-services par rapport à la ten-dance générale des activités non alimentaires.

La concentration spatiale analysée est dans ce cas topographique, c’est-à-dire par rapport à l’espace physique (au sens de Brülhart et Traeger, 2005). Les commerces de détail de carburants sont localisés dans les zones peu

M

0 500 1 000 1 500 2 000 2 500 3 000

0

20

40

60

80

100

120

140

Valeur de M

M IC

Distance

IC centre

0 500 1 000 1 500 2 000 2 500 3 000

1e-04

2e-04

3e-04

4e-04

5e-04

Valeur de Kd

Kd IC

Distance

IC centre

D

0 500 1 000 1 500 2 000 2 500 3 000

D IC

Distance

IC centre

-3e+07

-2e+07

-1e+07

0e+00

1e+07

2e+07

Valeur de D

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Concentration spatiale en espace continu

denses sur l’aire de Lyon : ils sont donc plus dispersés topographiquement que l’ensemble des autres commerces non alimentaires. Pour ce secteur, une dispersion de ces établissements commerciaux sera donc détectée au sens de D(graphique IXC).Ce résultat est comparable à celui de K

d, à la

différence importante que D est une fonction cumulative. En effet, K

d compare les probabi-

lités de trouver des voisins à la distance r dans la réalité et sous l’hypothèse nulle. Comme l’espace de référence est le même, compter des magasins (mesure absolue) ou calculer leur densité (mesure topographique) est équivalent. Comparer K

d à sa valeur sous l’hypothèse nulle

ne lui donne pas le caractère d’une mesure relative mais d’une mesure topographique. La valeur empirique de K

det ses valeurs simulées

sont calculées sur le même espace : si la proba-bilité de trouver un voisin à distance r est plus élevée selon les données que sous l’hypothèse nulle, la densité de voisins (par unité de surface) l’est aussi.Les résultats de M, K

d et D obtenus sont

parfaitement en cohérence avec le type de concentration spatiale analysée : M est un indice relatif donc détecte une concentration relative, D mesure une concentration topo-graphique et K

dabsolue (sans autre référentiel que le nombre

de voisins observés) mais la comparer à sa valeur sous l’hypothèse nulle la fait se com-porter comme une mesure topographique.

* **

La conclusion de notre comparaison de mesures souligne l’importance du choix de l’outil et plus précisément du type de concentration qu’il met en évidence. La mesure de la concentration spa-tiale a fait l’objet d’une grande attention de la part des économistes depuis une dizaine d’an-nées. Duranton et Overman (2005) ont proposé une liste de critères pour mesurer la concentra-tion spatiale. Dans notre article, nous montrons que les résultats peuvent sensiblement diverger en retenant différentes mesures qui respectent les mêmes critères. Par conséquent, cette liste doit donc être complétée : notamment le critère requérant que la mesure prenne en compte la distribution globale de l’activité économique doit être précisé (Duranton et Overman, 2005, p. 1079). Les développements futurs sont indis-pensables pour améliorer l’intégration de l’outil à la théorie économique comme le soulignent Combes et Overman (2004). Le choix de l’in-dice de concentration reposera alors sur une

-ment pour utiliser l’indice approprié correspon-dant à la question posée.

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