Conditionalities FR trad incomplete

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Version Préliminaire et Incomplete Les condionnalités fragilisent le droit au développement : une analyse du point de vue des droits des femmes Coordination : Cecilia Alemany Graciela Dede 1

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Version Préliminaire et Incomplete Cecilia Alemany Graciela Dede Coordination : 1 Équipe de production : Michele Knab et Anne Schoenstein (AWID) 2 À propos de cette publication 3 *N.d.T : Les extraits tirés de textes qui ne sont pas disponibles en français ont été traduits librement.

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Version Préliminaire et Incomplete

Les condionnalités fragilisent le droit au développement : une analyse du point de vue des

droits des femmes

Coordination : Cecilia Alemany

Graciela Dede

1

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Équipe de production : Michele Knab et Anne Schoenstein (AWID)

Afrique du Sud

Octobre 2008

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À propos de cette publication L’Association pour les droits de la femme et le développement (AWID), Development

Alternatives with Women for a New Era (DAWN), l’International Gender and Trade

Network (IGTN) et Women in Development Europe (WIDE) ont collaboré à la production

de cette publication qui vise à nourrir le débat sur la coopération en développement, sur

les conditionnalités, sur les droits humains et sur l’égalité entre les sexes. Ces

organisations et réseaux ont participé aux conférences des Nations Unies tenues au

cours des années 90, au processus entourant le Consensus de Monterrey, et à d’autres

tribunes nationales, régionales et internationales (les négociations et les campagnes sur

le commerce, la dette, le développement, etc.). Ce document prend source à ces

expériences et se veut une contribution aux débats actuels sur le développement et les

droits humains, dans le cadre de l’Agenda international de l’efficacité de l’aide et du

processus de Financement du développement (FdD) des Nations Unies.

La coordination du projet était assurée par l’AWID, avec l’apport de Cecilia Alemany

(AWID), Graciela Dede et Areli Sandoval (expertes-conseil, AWID), Nerea Craviotto

(WIDE), Josefa ”Gigi” Francisco (DAWN), Marta Lago (IGTN), Fernanda Hopenhaym,

Anne Schoenstein et Michele Knab (AWID). On y présente les énoncés découlant de la

consultation organisée par le Groupe de travail des femmes sur le FdD (Chapitre 4) et le

Forum des femmes d’Accra, organisé par NETRIGHT, FEMNET, l’IGTN, DAWN, WIDE et

l’AWID. Ces consultations ont été rendues possibles grâce au soutien d’UNIFEM, de

l’AAI, de l’AWDF et d’Urgent Action Africa.

La version préliminaire de ce texte a fait l’objet de discussion au Village Voice tenu en

marge du Forum parallèle de la société civile à Accra (septembre 2008), ce qui a permis

d’y intégrer les commentaires et les préoccupations des acteurs et des militant(e)s de

l’égalité entre les sexes. Les opinions, les témoignages et les principaux commentaires et

analyses issus d’Accra (troisième Forum de haut niveau sur l’efficacité de l’aide) ont

également été intégrés à cette version définitive, qui sera présentée au Forum de l’AWID

en novembre 2008.

*N.d.T : Les extraits tirés de textes qui ne sont pas disponibles en français ont été traduits librement.

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CONTENU 1. Introduction : Les positions adoptées par les organisations des droits des femmes à l’égard des condionnalités et de l’efficacité de l’aide Cecilia Alemany (AWID)

2. Droits humains et coopération pour le développement :

Faut-il imposer des conditionnalités ou faut-il appliquer les traités sur les droits humains ? Graciela Dede and Areli Sandoval (AWID consultants)

3. Le droit au développement et le droit à l'autodétermination :

Pourquoi les conditions imposées par les donateurs portent-elles atteinte à ces droits ainsi qu'à d'autres droits humains? Graciela Dede and Areli Sandoval (AWID consultants)

4. Statement of the Women’s Consultation on Financing for Development – Anglais

5. Le temps est venu d’agir.Intervention du Groupe de travail des femmes sur le

financement pour le développement Josefa ”Gigi” Francisco (DAWN)

6. Accra : encore un manque d’engagement politique pour la réduction des

conditionnalités et le progrès de l’égalité de genre? Cecilia Alemany, Fernanda Hopenhaym, and Michele Knab (AWID)

7. Un survol des événements d’Accra Marta Lago (IGTN)

8. Declaration du Forum Des Femmes:Recommandations pour l’Action sur

L’Efficacité du Développement à Accra et ailleurs

9. Témoignages et points de vues : en direct d’Accra Compilé par Anne Schoenstein (AWID)

10. Une analyse sexospécifique du Programme d’action d’Accra Nerea Craviotto (WIDE)

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Introduction

Les positions adoptées par les organisations des

droits des femmes à l’égard des condionnalités et de

l’efficacité de l’aide

par Cecilia Alemany (AWID)

Il y a quelques années, alors que les organisations de la société civile (OSC) et les organisations des droits des femmes contestaient les conditionnalités liées aux politiques économiques, certains acteurs de la collectivité des donateurs ont réagi en soutenant que ce débat et ces arguments étaient « rétrogrades ». Suivant la crise et la débâcle entourant le Consensus de Washington, on a largement reconnu l’échec des condionnalités de politiques économiques, des programmes d’ajustements structurels et des réformes mises en œuvre par les États, pendant les années 90 et précédemment, au sein des pays en développement, sous l’égide de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. Au chapitre 2, Graciela Dede et Areli Sandoval présentent une analyse en profondeur sur les nombreux pays où l’on a mis en œuvre des programmes d’ajustements structurels, pour témoigner par la suite de la recrudescence du chômage, de la pauvreté et de l’inégalité. Ainsi, ces programmes portaient atteinte au droit à un niveau de vie suffisant et aux autres droits économiques, sociaux et culturels dont auraient dû jouir une multitude d’individus et de groupes, enfreignant tout particulièrement les droits des populations les plus vulnérables. L’élimination des subventions, les réductions budgétaires, la privatisation des services publics et des entreprises, la libéralisation du commerce et des investissements; voilà autant d’éléments touchés par les mesures établies en vertu des programmes d’ajustements structurels. Depuis la crise asiatique de la fin des années 90 et la crise argentine de 2000, les fondements mêmes des débats sur le rôle des institutions financières internationales se sont considérablement transformés. Il faut bien admettre cependant que les pratiques n’ont pas encore suivi le pas. La crise internationale actuelle démontre que le leadership des institutions financières internationales ne livre pas le développement durable. Les fragilités du système international et les soi-disant paradigmes du développement sont désormais manifestes. Il est impératif d’instaurer de nouveaux cadres aux politiques afin de veiller à une répartition des revenus plus juste et plus égale dans le monde entier. Le nouveau contexte de l’agenda de l’efficacité de l’aide et la récente mise sur pied du Forum pour la coopération en matière de développement, sous l’égide du Conseil économique et social (ECOSOC) des Nations Unies (NU), ouvre la voie à de nouvelles discussions sur les conditionnalités et la nécessaire promotion de l’appropriation nationale et des stratégies de développement. En 2007 et en 2008, les débats à l’échelle

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mondiale sur la coopération internationale, l’aide et le développement remettent de l’avant la pertinence d’échanger sur les conditionnalités politiques. Ainsi, on ne peut affirmer qu’il s’agit d’un débat rétrograde. Qui plus est, en vertu des nouvelles modalités de l’aide et en raison du rôle que jouent les institutions financières internationales dans l’agenda de l’efficacité de l’aide, de nouvelles dimensions relatives aux conditionnalités risquent de mettre en péril l’appropriation nationale et le droit au développement et à l’autodétermination. En 2005, au deuxième Forum de haut niveau, préparé par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), on adoptait la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide, à laquelle ont adhéré 25 pays donateurs, 80 pays bénéficiaires et 25 institutions multilatérales1. Cette Déclaration était issue d’un processus largement mené par la communauté des donateurs, par la voie du Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE. Elle instaura le nouveau cadre institutionnel visant à améliorer la prestation et la gestion de l’aide en vue de réaliser les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), convenus en 2000 lors du Sommet du millénaire des Nations Unies.

Encadré 1: Les principes de la Déclaration de Paris2 La Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide établit cinq principes devant façonner l’aide : APPROPRIATION : Les pays en développement exerceront une réelle maîtrise sur leurs politiques et stratégies de développement et assureront la coordination de l’action à l’appui du développement. ALIGNEMENT : Les donateurs font reposer l’ensemble de leur soutien sur les stratégies nationales de développement, les institutions et les procédures des pays bénéficiaires. HARMONISATION : Les pays donateurs seront mieux harmonisés et plus transparents, et permettront une plus grande efficacité collective. GESTION AXÉE SUR LES RÉSULTATS : Tous les pays géreront les ressources et amélioreront les processus de prise de décision en vue d’atteindre des résultats. RESPONSABILITÉ MUTUELLE : Les pays donateurs et les pays en développement s’engagent à être mutuellement responsables des résultats obtenus en matière de développement.

Moins de 20 OSC étaient présentes à Paris et leur participation fut très limitée. Par ailleurs, les organisations des droits des femmes n’ont pas pris part au deuxième Forum de haut niveau et n’avaient pas d’emblée perçu les éventuelles incidences de cette nouvelle Déclaration. Cette Déclaration très technique n’était axée que sur l’acheminement de l’aide et les mécanismes de gestion. Cependant, en pratique, l’agenda de l’efficacité de l’aide est devenu le cadre prééminent, qui guide actuellement la plupart des efforts des donateurs visant à améliorer la qualité de l’aide. Le rôle du CAD 1 Site Web, OCDE, DCD-CAD : http://www.oecd.org/document/22/0,3343,fr_2649_3236398_37192119_1_1_1_1,00.html2 Cet encadré est adapté du Document d’orientation du Comité directeur international (CDI) (2008), De Paris 2005 à Accra 2008 : L’aide au développement va-t-elle devenir plus responsable et efficace? Une Approche critique du Plan d’action pour l’efficacité de l’aide, Janvier 2008. Télécharger à partir de : http://www.betteraid.org/index.php?option=com_content&task=view&id=88&Itemid=26

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en ce qui a trait à l’établissement de normes a été renforcé. Une toute nouvelle industrie a vu le jour, pour mettre en œuvre les engagements de la Déclaration de Paris et pour surveiller et évaluer ses avancées et/ou ses reculs. Entre 2005 et 2008, on a observé l’intensification du poids des engagements de la Déclaration de Paris à l’égard du discours sur la coopération internationale, ses tendances et ses modalités. De plus en plus d’OSC, particulièrement les organisations de femmes, ont entrepris l’analyse de ses incidences techniques et politiques sur les pratiques et les cadres du développement. Du point de vue des droits des femmes, la Déclaration du Millénaire et la Déclaration de Paris, constituent un recul quant à l’orientation de l’aide au développement. Cela est manifeste, lorsqu’on les compare aux résultats des conférences des Nations Unies des années 90, du Consensus de Monterrey et de l’ensemble des objectifs pour le développement convenus à l’échelle internationale (ODCI)3. Et, surtout, ces deux déclarations représentent une régression par rapport aux instruments existants en matière de droits humains. En 2006, faisant écho aux préoccupations des femmes, l’AWID déclarait : « les OMD dominent l’agenda du développement et l’approche technique et dirigée par l’argent adoptée pour les mettre en œuvre a supplanté les approches au développement fondées sur les personnes et sur les droits. Les objectifs relatifs aux droits des femmes et à l’égalité entre les sexes sont d’ores et déjà marginalisés et accessoires à l’ensemble du secteur du développement »4. Récemment, le rapport du Secrétaire général des Nations Unies à la session de fond de l’ECOSOC tenue en 2008, intitulé Tendances et progrès en matière de coopération internationale pour le développement, mettait notamment en lumière « que les pays aidés et les pays donateurs n’intègrent pas véritablement les objectifs mondiaux du développement en tant que résultats à atteindre et n’orientent pas forcément l’aide dans le sens de la réalisation optimale de ces objectifs; le présent document montre également que, par le biais du caractère conditionnel de l’aide, certains donateurs visent en fait leurs propres objectifs prioritaires. La résolution de ces problèmes va être capitale pour que le programme d’efficacité de l’aide bénéficie d’un soutien total au niveau politique ainsi qu’au niveau des sociétés civiles du Nord et du Sud »5.

Plusieurs organisations de femmes ont déterminé que l’agenda de l’efficacité de l’aide est

en fait un agenda politique, y voyant une occasion de discuter plus largement de

l’efficacité du développement et des liens existants entre le développement, les droits

humains et l’égalité entre les sexes.

Aujourd’hui, dans le cadre de l’efficacité de l’aide, nous n’évoquons plus les ajustements structurels. Cependant, les outils visant à mesurer les progrès des engagements de la Déclaration de Paris, instruments élaborés par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI), sont mis en doute. Il s’agit notamment des éléments suivants :

3 Cecilia Alemany, Fernanda Hopenhaym et Nerea Craviotto (2008), « Aid Effectiveness and Gender Equality », 2008, Reality of Aid Report, Août. 4 SYMINGTON, Alison (2006); « Concept Paper »: Influencer les acteurs et les pratiques du développement, Une initiative stratégique de l’AWID, 2007-2010, Décembre. 5 UN/ECOSOC E/2008/69, Rapport du Secrétaire général (2008), Tendances et progrès en matière de coopération internationale pour le développement, version non éditée, paragraphe 65, p. 23.

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• Stratégies de réduction de la pauvreté (SRP) et les Stratégies nationales de

développement (indicateur 1 du système de suivi de la Déclaration). • Évaluation de la politique et des institutions nationales de la Banque mondiale

(EPIN), (indicateur 2a). • Utilisation des systèmes nationaux de gestion des finances publiques (GFP) et de

passation des marchés publics (indicateurs 5a et 5b). Admettant que l’efficacité de l’aide est un débat de nature politique, où les anciens acteurs et les anciennes pratiques sont dorénavant assujettis à de « nouvelles » modalités d’aide, certains groupes de femmes se sont intéressés au suivi de « La route vers Accra » (vers le troisième Forum de haut niveau, tenu à Accra en septembre 2008). Ainsi, on a mis sur pied un Groupe de travail des femmes sur le financement du développement (FdD) (Women’s Working Group on Financing for Development), pour coordonner les efforts des mouvements de femmes de « La route vers Doha » (en vue de la conférence internationale qui aura lieu à Doha, en décembre 2008, pour faire le point sur la mise en œuvre du Consensus de Monterrey). Le Groupe de travail des femmes sur le FdD a tenu une consultation en juin 2008, à New York. Les résultats de cette consultation sont présentés au chapitre 4. On y signale notamment « qu’il doit se produire beaucoup de changements pour traiter des défis nationaux, internationaux et systémiques au regard du financement du développement, défis engendrés par un environnement où le commerce dérèglementé s’intensifie et où les processus financiers axés sur la libéralisation donnent fréquemment lieu à des conséquences imprévisibles et négatives sur la productivité, la croissance, l’emploi, la réduction de la pauvreté et les objectifs liés à la répartition des revenus. Les crises actuelles, sur le plan financier, alimentaire et climatique, constituent de bien sombres circonstances dans le contexte d’un environnement volatile, caractérisé par des marchés où les processus de concurrence prêtent à confusion. Une analyse sexospécifique soulève d’autres questions sur les liens entre ces tendances et volatilités relativement (a) aux salaires, à l’emploi et au travail non rémunéré des femmes; (b) à l’état des capacités, des ressources et des services liés à la reproduction et à la protection sociales, et (c) au partage entre pays et au sein des ménages des risques et des chocs financiers ». En cette matière, de nombreux domaines et préoccupations clés ont émergé des analyses et des consultations menées par le mouvement des femmes en plusieurs endroits, au cours de 2007 et 2008. Les principales positions émanant de ces démarches sont résumées dans l’encadré 2, présenté ici.

Encadré 2: Les principales positions des organisations des droits des femmes à l’égard de l’efficacité de l’aide et des conditionnalités

• Il n’existe pas d’efficacité de l’aide sans efficacité du développement.

• Le système de coopération en matière de développement – ou la « nouvelle architecture de

l’aide » – devrait être fondé sur une approche holistique.

• L’agenda et les pratiques entourant l’efficacité devraient être alignés aux objectifs pour le

développement convenus à l’échelle internationale. Les droits humains, l’égalité entre les

sexes et la viabilité environnementale doivent être reconnus à titre de normes et

d’engagements en matière de développement.

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• La Déclaration de Paris doit être suivie, évaluée et revue dans le cadre plus large de

l’efficacité du développement et dans l’enceinte des Nations Unies.

• Si « l’industrie de l’aide » et la communauté internationale croient véritablement à

l’appropriation par les pays, on devrait témoigner de réels engagements à l’égard de la

réduction des conditionnalités politiques.

• Les conditionnalités « amicales et positives », en plus de fragiliser les efforts des sociétés

civiles et des mouvements sociaux sur le plan local, ne sont pas un moyen constructif et

durable de renforcer la réalisation et la promotion des droits humains et de l’égalité entre les

sexes.

Il n’existe pas d’efficacité de l’aide sans efficacité du développement.

L’efficacité de l’aide et la Déclaration de Paris font partie d’un agenda hautement technique, qui s’attarde principalement aux procédures entourant la gestion et l’acheminement de l’aide, plutôt qu’à l’impact de l’aide sur la réalisation des objectifs de développement. On est de plus en plus préoccupé par le fait que le cadre actuel et les systèmes de suivi relatifs à la Déclaration de Paris ne traitent pas des dimensions réelles de ses principes et des défis que pose leur mise en œuvre. Au cours des négociations menées par le Groupe de travail sur l’efficacité de l’aide (GT-EFF) de l’OCDE sur le Programme d’action d’Accra (PAA) en juillet 2008, les tensions et les points de vue divergents au sein même de la communauté des donateurs étaient indéniables. Ces tensions portent notamment sur :

• La discordance entre les engagements politiques et les engagements concrets. • Le fait d’éliminer ou non les conditionnalités politiques. • L’utilisation des systèmes nationaux, « par défaut ou le cas échéant » et les

questions comme le renforcement des capacités. • La responsabilité mutuelle et ce qu’elle signifie. • Les questions transversales (droits humains, égalité entre les sexes et viabilité

environnementale). Cependant, l’une des tensions les plus flagrantes résulte de deux perspectives différentes, l’une à l’égard de l’efficacité de l’aide et l’autre à l’égard de l’efficacité du développement. Lors des négociations sur le PAA de juillet 2008, un officiel a souligné que le débat gravitait autour de l’efficacité de l’aide par rapport à l’efficacité du développement. Un autre enjeu mis en cause au cours des négociations soulevait que la Déclaration de Paris est fondée sur l’hypothèse voulant que l’efficacité de l’aide réduise la pauvreté ou qu’elle génère des résultats en matière de développement. Or, il n’existe aucune preuve soutenant qu’une meilleure gestion de l’aide livrera des résultats en matière de développement. Ainsi, la véritable question consiste à savoir comment nous pouvons réduire la pauvreté et l’inégalité, tout en renforçant les capacités relatives au développement durable dans le monde entier. Cette question est liée à l’avènement de réelles incidences sur le terrain, marquées par une perspective à long terme et assurant la pérennité. Au cours des discussions sur le PAA, un représentant a rappelé l’importance de le situer dans le contexte plus large des résultats en matière de développement et de l’environnement changeant de l’aide, tenant compte de la coopération Sud-Sud et d’autres composantes.

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L’évaluation de la mise en œuvre de la Déclaration de Paris6 signale le danger d’une mise en œuvre mécanique de la Déclaration, plutôt que de permettre aux pays de l’adapter et de la mettre en application de manière plus souple. Ce nouveau cadre de l’efficacité de l’aide a généré toute une « industrie » liée à sa mise en œuvre par les institutions multilatérales et bilatérales. Ces efforts investis par les donateurs et la coopération multilatérale vers la mise en œuvre de la Déclaration de Paris exercent par surcroît une pression sur les gouvernements des pays en développement afin qu’ils adhèrent à la Déclaration, ou encore qu’ils acceptent sa mise en œuvre. Certains agents officiels et praticiens appliquent la Déclaration de façon mécanique, sans perspective de développement. Or, lorsque la Déclaration de Paris n’est pas mise en application avec souplesse, elle est susceptible de devenir un autre moyen d’imposer des conditionnalités. De plus, si le principe d’appropriation n’est pas intégré à titre de vecteur à l’ensemble des principes de la Déclaration, le risque en est alors augmenté. Par ailleurs, lorsque les donateurs adoptent une approche étroite dans l’application des engagements de la Déclaration de Paris dans leurs relations d’aide avec les pays en développement qui n’ont pas adhéré à ses principes, le risque de voir croître les conditionnalités est d’autant plus considérable.

Le système de coopération en matière de développement – ou la « nouvelle architecture de l’aide » – devrait être fondé sur une approche holistique.

L’agenda de l’efficacité de l’aide devrait être analysé en fonction des autres objectifs et processus, notamment les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), le processus du Financement du développement (FdD) et la Route vers Doha (Monterrey + 6), le Forum pour la coopération en matière de développement du Conseil économique et social (ECOSOC) des Nations Unies, la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) et l’Organisation mondiale du commerce (OMC), en plus de tenir compte du rôle des institutions financières internationales quant à l’élaboration des politiques macroéconomiques et de développement7. La communauté internationale a franchi quelques pas dans cette direction, par la voie du Consensus de Monterrey, déclarant que : « (...) Les pays étant de plus en plus dépendants les uns des autres sur le plan économique, il y a lieu d’adopter une conception globale des problèmes nationaux, internationaux et systémiques interdépendants que pose le financement du développement – un développement durable soucieux de la parité entre les sexes et à visage humain – aux quatre coins de la planète »8. Le système de coopération, ou la nouvelle architecture de l’aide, est fort complexe. Il n’existe aucune solution simple dans un monde de plus en plus enchevêtré et incertain, où les dynamiques, le calendrier et les relations entre les pays et les acteurs s’intensifient. L’importance de « l’espace relatif à la politique intérieure et la manière dont l’environnement institutionnel international soutient ou mine la capacité des gouvernements nationaux dans la réalisation des objectifs de développement » est abordée dans l’intervention présentée par Josefa “Gigi” Francisco, au cours des auditions

6 Évaluation de la mise en œuvre de la Déclaration de Paris, Première Phase, Rapport de synthèse, Note de synthèse, Bernard Wood et al (juillet 2008); section 3.3. 7 « Recommendations from the International Consultation of Women’s Organisations and Networks and Aid Effectiveness », (Recommandations de la consultation internationale des organisations et des réseaux de femmes et l’efficacité de l’aide), organisée par l’Association pour les droits de la femme et le développement (AWID) et Women in Development Europe (WIDE), à Ottawa, à la fin janvier 2008. Télécharger à partir de : http://www.awid.org/go.php?pg=ottawa_recommendations8 NU (2002), Le Consensus de Monterrey, paragraphe 8.

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des Nations Unies avec les représentants de la société civile sur le financement du développement, tenues à New York en juin 2008, et reproduite au chapitre 5. Mariama Williams9 avance que l’axe central, le véritable fondement de l’architecture de l’aide, est précisément la réduction de la pauvreté. Or, les débats se tiennent fréquemment comme si la réduction de la pauvreté pouvait survenir sans les processus complémentaires liés au développement et à la croissance économiques. À la lumière des tendances actuelles, force est de constater que la réduction de la pauvreté et de l’inégalité tardent à se produire et que les objectifs de développement visant 2015 ne seront pas atteints. Les récentes révisions apportées aux parités de pouvoir d’achat suggèrent que les estimations à l’égard de la pauvreté – comme le nombre de personnes vivant avec moins de 1 USD par jour – doivent être révisées10. D’ailleurs, les analystes de la Banque mondiale proposent aujourd’hui l’utilisation d’un nouveau seuil de pauvreté établi à 1,25 USD. Les organisations de femmes en appellent au système international de coopération en développement pour que soit adoptée une perspective plus large qui intègre les divers acteurs et agendas du développement à l’égard de principes plus vastes que la simple « efficacité de l’aide ». Depuis la Déclaration de Paris, il semble que la coopération en développement centre davantage ses visées et ses moyens sur sa propre « efficacité ». Cette situation a fait l’objet de vives critiques de la part de divers acteurs, particulièrement des groupes de la société civile et des groupes de femmes, qui préconisent d’autres assises aux efforts de la communauté internationale aspirant à réaliser le droit de ne pas être pauvre11. Ces fondements trouvent leur source aux principes des droits humains, alliés à une attention portée au droit au développement. Dans ce document, on n’entend pas par « droit au développement » un simple droit parapluie ou encore une somme de droits. Il correspond plutôt à un « vecteur » des droits humains, comme le mettent de l’avant Graciela Dede et Areli Sandoval au chapitre 3. L’appropriation est également comprise ici comme vecteur de la Déclaration de Paris, où tous les principes devraient être mis à l’épreuve en fonction de l’appropriation et du leadership sur le plan national. En ce sens, lors des négociations officielles entourant le PAA en juillet 2008, il a été convenu que l’appropriation touche tous les aspects du PAA et qu’elle est liée aux conditionnalités, comme à la prévisibilité de l’aide. Le principe d’appropriation est en outre compris ici comme un processus participatif, appelé appropriation démocratique, où les acteurs du développement devraient être engagés par la voie de réels processus multipartites, instaurant ainsi des stratégies de développement à long terme et durables.

L’agenda et les pratiques entourant l’efficacité de l’aide devraient être alignés aux objectifs pour le développement convenus à l’échelle internationale. Les droits humains, l’égalité entre les sexes et la viabilité environnementale doivent être

établis comme objectifs essentiels de développement.

9 WILLIAMS, Mariama (2007), « Civil Society and the New Aid Modalities: Addressing the challenges for Gender Equality, Democracy and Participation »; NGO Forum – Commonwealth Foundation, p.10. 10 Banque mondiale (2008), Rapport de suivi mondial, Encadré 1.1. « Recent Revision of purchasing power parities », p. 27. 11 SOCIAL WATCH (2006), « The Right to not be poor, Occasional Paper 5 », Montevideo.

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Il n’existe pas suffisamment d’éléments probants pour tirer des conclusions générales et nous en sommes encore aux premiers pas de la mise en œuvre de la Déclaration de Paris. Cependant, une certaine analyse peut être menée à l’examen des cadres et en fonction des perceptions qu’expriment les divers acteurs. Comme on le souligne dans les documents de discussion sur l’efficacité de l’aide et l’égalité entre les sexes12, l’atelier Dublin + 1 suggérait que l’expression « questions transversales » pour décrire les droits humains, l’égalité entre les sexes et la durabilité environnementale soit remplacée par « questions de politiques prioritaires » ou « objectifs fondamentaux du développement », puisque l’utilisation constante du mot « transversales » plaçait perpétuellement ces questions en marge de l’agenda de l’efficacité de l’aide13. On s’entend sur le fait que la Déclaration de Paris accorde peu d’attention aux préoccupations relatives aux droits humains, aux droits des femmes et à la gouvernance démocratique dans la panoplie d’efforts visant à rehausser l’aide et à établir l’harmonisation et l’alignement chez les donateurs14. En juillet 2008, pendant les négociations sur le Programme d’action d’Accra (PAA), une personne représentant la banque régionale s’est dite « très mal à l’aise face à l’expression ‘questions transversales’, parce que dès que nous définissons ces questions comme transversales, plus personne ne s’en préoccupe. L’égalité entre les sexes est l’enjeu qui souffre le plus de cette situation, personne ne s’y attarde ». Au chapitre 4, la Déclaration du Groupe de travail des femmes sur le FdD reconnaît que « les transformations liées au genre et aux conditions sociales surviennent sur une longue période et doivent bénéficier d’un appui soutenu pour devenir réalité. Cela s’avère non seulement dans les pays en développement, où les apports d’aide sont largement concentrés, mais également dans certains secteurs et régions des pays à revenu intermédiaire qui doivent aussi être rejoints par les donateurs, qu’ils soient nouveaux ou conventionnels ». Tout compte fait, s’il existe une réelle volonté politique de réduire les inégalités entre les sexes, on doit amorcer des actions et des initiatives de longue haleine. Pour réaliser les droits des femmes, la perspective transversale ou d’intégration ne suffit pas; on doit plutôt privilégier une approche à double voie. Marta Foresti et al. font valoir « qu’en dépit du fait que les droits humains ne soient pas expressément abordés dans la Déclaration de Paris, il est possible d’envisager une très grande congruence entre les droits humains et bon nombres de principes d’efficacité de l’aide, comme la responsabilité mutuelle, le renforcement des capacités nationales, une transparence accrue, des approches axées sur les résultats et la cohérence des politiques. Parallèlement, il importe de reconnaître qu’un certain nombre de domaines de la Déclaration de Paris pourraient être consolidés et que le point de vue des droits humains pourraient contribuer à améliorer sa mise en œuvre15 ». La mise à jour d’avril 2007 du CAD-OCDE analyse la manière dont la composante des droits humains interagit avec l’agenda de l’efficacité de l’aide, en fonction des cinq principes de la Déclaration de Paris et présente des points d'entrée intéressants qui méritent un examen plus approfondi de la part des partenaires du développement16.

12 Les documents de fond préparés par WIDE, l’AWID, DAWN et FEMNET dans le cadre des activités préparatoires au Forum de haut niveau d’Accra. 13 Irish Aid, « Joint Assistance Strategies Brief ». 14 DE RENZIO, Paolo et al. (2006), « Aid Effectiveness and human rights: Strengthening the implementation of the Paris Declaration, a Human Rights perspective on Ownership », GOVNET, Septembre. 15 FORESTI, Marta et al (2006), « Aid effectiveness and human rights: strengthening the implementation of the Paris Declaration, Overseas Development Institute (ODI) », Octobre. 16DAC-OCDE (2007a), « Human Rights and Aid Effectiveness: DAC Update », April 2007, www.oecd.org/dac/governance/humanrights

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Encadré 3: Analyse du CAD-OCDE des droits humains et des cinq principes de la Déclaration de Paris17 : Appropriation par les pays : La Déclaration de Paris appelle à ce que les pays s’approprient l’agenda du développement. En assumant les obligations liées aux droits humains, les pays ont déjà progressé vers l’identification de priorités nationales. De plus, les droits humains sont axés sur la qualité des relations entre les gouvernements et les citoyens et sur les processus et mécanismes de responsabilité intérieurs qui sont essentiels à une appropriation signifiante et inclusive, axée sur les citoyens. Alignement : En vertu du principe d’alignement, les donateurs se sont engagés à acheminer le soutien par la voie des procédures institutionnelles au sein des pays. On peut tirer parti des expériences issues des efforts fondés sur les droits humains au soutien des processus budgétaires pour faire en sorte que les mécanismes financiers et administratifs soient sensibles aux obligations d’un pays donné en matière de droits humains et aux points des vue des ayant-droit eux-mêmes. Harmonisation : Le fait que les pays donateurs et les pays partenaires aient tous deux signé les traités internationaux relatifs aux droits humains présente un point de repère particulièrement utile quant aux efforts d’harmonisation. Un cadre normatif, universellement convenu existe déjà et il est non seulement soutenu par l’engagement politique, mais aussi par la force de l’obligation juridique. En outre, sur le plan opérationnel, il se produit une convergence grandissante vers l’intégration des droits humains au développement. La gestion axée sur les résultats en matière de développement : Les principes et les normes relatifs aux droits humains peuvent et devraient être utilisés pour définir les résultats à atteindre et les stratégies pour y arriver. Il n’y a pas de conflit inhérent entre le soutien accordé à la réalisation des droits humains et la gestion axée sur les résultats. Responsabilité mutuelle : L’appareil juridique international établi par le truchement des traités et conventions sur les droits humains, représente un mécanisme de reddition de comptes mondial qui n’est ni la propriété des pays donateurs, ni celle des pays partenaires. Il importe que nous examinions les éléments de ce mécanisme mondial qui pourraient être utiles lors de la conception d’approches sur la responsabilité mutuelle dans le cadre de l’efficacité de l’aide, particulièrement en raison du fait que la Déclaration de Paris fait la promotion d’un modèle de partenariat qui rehausse la transparence et la reddition de comptes quant à l’utilisation des ressources de développement et qui exige la mise en place de mécanismes de reddition de comptes à divers échelons. Du point de vue des droits humains, le renforcement de la reddition de comptes intérieure, entre les gouvernements et leurs propres citoyens, est essentiel pour assurer que l’aide soit utilisée à bon escient et qu’elle produise des résultats de développement durables.

Du point de vue de la société civile18 et plus particulièrement des organisations des droits et d’autonomisation des femmes, les normes environnementales, l’égalité entre les sexes, l’autonomisation des femmes et les droits humains ne sont pas des débats parallèles entourant les politiques d’aide et de développement, mais plutôt des objectifs essentiels19. Dans cette veine, la consultation du Groupe de travail des femmes sur le FdD, tenue en juin 2008 à New York, énonce que « pour faire en sorte que les avantages du financement additionnel profitent à l’égalité entre les sexes, à la justice sociale et à l’inclusion, les processus relatifs à l’APD doivent respecter la responsabilité mutuelle et les obligations des gouvernements à l’égard des normes, des objectifs, des cibles et des actions internationalement convenus, tels qu’identifiés dans les ODCI, les traités sur les

17 CAD-OCDE (2007a). 18 Consulter le document d’orientation produit par le Comité directeur international en avril 2008, à titre de contribution aux activités préparatoires du Programme d’action d’Accra (PAA) et acheminé au Groupe de travail sur l’efficacité de l’aide, et les recommandations du Groupe consultatif sur la société civile et l’efficacité de l’aide. 19 « Recommendations from the International Consultation of Women’s Organisations and Networks and Aid Effectiveness », (2008).

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droits humains, le Plan d’action de Beijing et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de violence à l’égard des femmes ». Par ailleurs, le message du Secrétaire général des Nations Unies lors de segment de haut niveau du Conseil économique et social de New York (juin 2008), « faisait écho aux préoccupations soulevées par le cadre actuel de l’efficacité de l’aide quant à sa capacité de traiter des questions de développement qui recoupent plusieurs secteurs, comme les droits humains, l’égalité entre les sexes et la durabilité environnementale». Il poursuivait en notant que « le Forum pour la coopération en matière de développement devrait accorder une attention particulière à ces enjeux transversaux »20. Comme le souligne Nerea Craviotto au chapitre 10, on a constaté certaines améliorations en ce sens à Accra. En effet, l’égalité entre les sexes, les droits humains et la durabilité environnementale sont dorénavant considérés des « facteurs qui conditionnent l’obtention d’effets durables » et les donateurs ont reconnu « que l’ensemble de leurs politiques visent de façon plus systématique et plus cohérente à apporter des réponses à ces problématiques ».

Les processus de suivi, d’évaluation et de revue de la Déclaration de Paris doivent être fondés sur des perspectives élargis et réalisés dans l’enceinte des Nations

Unies.

En dépit des vastes efforts investis pas les groupes de la société civile, certains donateurs et gouvernements des pays en développement, les enjeux transversaux ou les priorités en matière de politiques ne sont pas entièrement intégrés au PAA. Cela confirme la nécessité de faire progresser ces domaines de la coopération au développement sous les auspices des Nations Unies. Les groupes de la société civile et particulièrement les organisations des droits des femmes, estiment que la Déclaration de Paris de Paris doit être évaluée et revue dans le cadre d’un débat élargi sur le Financement du développement et de la coopération en matière de développement et sur la base d’une plateforme plus universelle, démocratique et égalitaire que le CAD-OCDE, telle que l’Organisation des Nations Unies, qui possède déjà les mécanismes d’évaluation requis au sein du système de protection universel. Dans le document « CSOs’ Benchmark to Doha »21, on suggère que le Forum pour la coopération en matière de développement (FCD) doit avoir pour mandat de traiter des stratégies et politiques de développement et du financement de la coopération en développement, en plus de promouvoir la cohérence entre les activités des divers partenaires du développement. Ce Forum devrait recevoir le soutien politique, institutionnel et financier requis et l’autorité légitime de convier les acteurs du développement pertinents, y compris les nouveaux fournisseurs d’aide au développement, pour entreprendre des discussions sur les questions fondamentales de la coopération en matière de développement. En somme, le FCD pourrait rassembler tous les acteurs pertinents22 :

20 « United Nations Secretary General’s Message to the High Level segment of the Economic and Social Council », New York – 30 juin 2008, p.3. 21 « Civil Society Benchmarks for the Doha Preparatory Process on Financing for Development », Juin 2008. 22 ALEMANY, Cecilia (2008), « Some thoughts on the Accra Agenda for Action and the role of the Development Cooperation Forum », Talking points – Déjeuner organisé par UNIFEM, NGLS et FES; UN-NY, 1er juillet.

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• Pour créer un lieu où exercer une responsabilité mutuelle, en présence de multiples parties prenantes, offrant une occasion de participation égale à tous les pays et sous la gouverne des règles des Nations Unies.

• Pour entamer des discussions élargies sur le rôle des « nouveaux donateurs » et sur l’agenda de coopération Sud-Sud, selon ses propres logiques et points de vue (d’autres principes que les directives du CAD-OCDE ou ceux de la Déclaration de Paris).

• Pour partager les expériences relatives aux approches novatrices en matière de développement local, régional et national, misant sur ces processus pour discuter d’alternatives de développement à l’échelle mondiale.

• Comme forum visant à promouvoir des discussions et des débats substantiels à multiples parties prenantes sur le développement et la coopération internationale, sur des questions telles que les conditionnalités.

• Comme lieu où approfondir les engagements et le suivi à l’égard de l’OMD 8 (l’OMD égaré).

• Pour réunir les différents ordres du jour et espaces internationaux aux agendas de développement qui leur sont pertinents (chapitres du Consensus de Monterrey) – le commerce, la dette, les Investissements étrangers directs (IED) et les systèmes financiers, les ressources intérieures, les questions systémiques – en vue d’examiner la manière d’élaborer une approche globale et une gouvernance internationale plus démocratique.

Encadré 4 : Questions de coopération en matière de développement pouvant faire l’objet de débats et d’avancement en vertu du FCD

• Quels sont les types de partenariats en développement et en coopération internationale requis pour livrer les résultats de développement et réaliser les

engagements convenus sur le plan international, y compris les droits humains, l’égalité

entre les sexes et la viabilité environnementale?

• Est-il possible d’éliminer graduellement les conditionnalités? Quels sont les risques

que comportent les arguments faisant la promotion des bonnes pratiques en matière de

conditionnalités et des conditionnalités « positives »?

• Quelles sont les incidences de « l’aide pour le commerce »? Existe-t-il assez de

latitude pour la gérer et en assurer le suivi de la part des Nations Unies?

• Quelle est la meilleure façon de redéfinir l’aide et l’assistance au développement? Quel est le rôle de l’humanitaire et de la reconstruction, et comment le définir? Quelles

sont les liens entre ces domaines et la coopération en développement?

• Comment réviser les critères relatifs à l’allocation de l’aide et au classement des pays? Pourquoi la définition des pays à revenu intermédiaire ne comporte-t-elle pas les

diverses dimensions de la pauvreté et de l’inégalité? Comment cela est-il intégré aux

efforts de coopération internationale et de développement? Comment coopérer avec les

pays à revenu intermédiaire qui éprouvent clairement des difficultés sur le plan des

inégalités et de la pauvreté, mais qui comptent sur de solides capacités locales?

• Quels sont les différents types d’aide et de coopération internationale et leurs

incidences sur les résultats en matière de développement?

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Pour ce qui est du système de suivi à l’égard des engagements de la Déclaration de Paris, il est la cible de critiques de la part de plusieurs acteurs et on témoigne d’un consensus grandissant sur le fait que « les indicateurs de la Déclaration de Paris sont jugés soit trop étroitement définis, soit pas suffisamment définis pour prendre en compte les contextes spécifiques aux pays23 ». Cependant, le système de suivi n’a pas été passé en revue à Accra, en dépit de ses lacunes et du parti pris évident de la Banque mondiale, ce qui pourrait être interprété comme nouvelle forme de conditionnalité, où le progrès de la mise en œuvre de la Déclaration de Paris correspond au progrès estimé en fonction des indicateurs et de la vision de la Banque mondiale. Les groupes de femmes ont mis de l’avant plusieurs suggestions, d’une part sur l’importance d’un système de suivi indépendant et d’autre part, sur la nécessité de compter sur des plans de travail clairs, visant 2010, qui intègrent des indicateurs liés à l’égalité entre les sexes. Au chapitre 5, Gigi Francisco, au soutien de la responsabilité mutuelle et de la reddition de comptes en matière d’égalité entre les sexes, de la part des donateurs comme des pays en développement, suggère des « les outils de suivi et d’évaluation (…) visant à évaluer dans quelle mesure l’aide attribuée traite ou non de l’atteinte des objectifs portant sur la redistribution, les conditions sociales et les questions de genre et sur la réalisation des droits des femmes ». UNIFEM a également élaboré une série d’indicateurs alternatifs qui ont été adoptés sous forme d’annexe lors du Forum des femmes d’Accra (Chapitre 8).

Si « l’industrie de l’aide » et la communauté internationale croient véritablement à l’appropriation par les pays, on devrait témoigner de réels engagements à l’égard de la réduction des conditionnalités politiques.

La Déclaration de Paris pourrait en quelque sorte correspondre à la réponse de la communauté de l’aide au Consensus de Monterrey, une tentative d’améliorer la qualité de l’aide. Elle est fondée sur des principes qui aspirent à redéfinir la relation « donateur-bénéficiaire », et sa mise en œuvre est suivie dans le contexte de l’OCDE24. La Déclaration de Paris trouve ses assises sur le principe d’appropriation par les pays et d’appropriation nationale inscrit au Consensus de Monterrey. Cependant, la Déclaration ne met pas autant d’accent que le Consensus sur le leadership des pays en développement et sur l’importance de créer un espace politique favorisant le développement durable et la gouvernance démocratique. Dans un document commandé par le Groupe de travail des Nations Unies sur le droit au développement, on fait remarquer que « Si les pays ne s’approprient pas leur propre stratégie de développement national, les donateurs n’ont aucun repère sur lequel aligner ou harmoniser l’aide. Cependant, l’appropriation est définie selon une logique établissant qu’il s’agit de pays comptant sur des plans qui se conforment aux souhaits des donateurs, tels que formulés dans les conditionnalités assujetties aux prêts et aux subventions »25. Les OSC et les groupes des droits des femmes ont maintes fois répété que les

23 Tiré de l’évaluation pour les Philippines, Évaluation de la mise en œuvre de la Déclaration de Paris, Première Phase, Rapport de synthèse, Note de synthèse, Bernard Wood et al (juillet 2008). 24 Cecilia Alemany, Fernanda Hopenhaym et Nerea Craviotto (2008). 25 Bissio (2007), p.9.

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conditionnalités minent l’appropriation. Il existe différents types de conditionnalités26. Ces différents types de conditionnalités sont habituellement enchevêtrés et équivoques. Nous devons à tout le moins faire la distinction entre les aspects suivants : les conditions liées au processus, les conditions fiduciaires, les conditions liées aux résultats ou à la performance et les conditionnalités liées aux politiques.

• Les conditionnalités liées au processus, font référence à ces conditions qu’impose le processus de développement. Les conditionnalités de processus peuvent varier. Par exemple, lorsque la Banque mondiale a utilisé les gouvernements de l’Amérique latine pour mettre en œuvre les consultations auprès des OSC au cours des années 90 et au début des années 2000, dans le contexte de la protection des programmes sociaux. Les gouvernements ont mené des consultations auprès de la société civile pour assurer le décaissement de ces prêts, non pas à titre de processus nationaux durables. Ces dialogues sociaux établis sous conditions n’ont pas favorisé la gouvernance démocratique et représentaient bien davantage une formalité requise pour recevoir des fonds. Qui plus est, lorsqu’on a défini la consultation ou la participation de la société civile comme condition aux décaissements, plusieurs critiques ont avancé qu’en réalité, cette conditionnalité plaçait les OSC en marge du processus de développement, les réduisant à « cocher les cases », minant ainsi les efforts investis par les OSC nationales pour faire en sorte de participer au développement et aux processus de politiques publiques.

• Pour ce qui est des conditionnalités fiduciaires, Eurodad propose de faire la

distinction « entre les obligations fiduciaires – les obligations des financiers à l’égard des ressources détenues en fiducie au nom des actionnaires ou des payeurs de taxes – et les conditions fiduciaires – des conditions conçues pour satisfaire de telles obligations fiduciaires dans le cadre de contrats de financement27». Il faut aussi « faire la distinction entre deux types de conditions liées aux programmes : a) les conditionnalités ayant une composante fiduciaire, mais qui ont des visées plus larges (et d’aucuns diraient) une raison d’être idéologique et b) les conditions fiduciaires qui sont de nature plus technique et qui portent sur des aspects de la gouvernance intérieure dans la mesure où elles visent à satisfaire aux responsabilités fiduciaires des financiers à l’égard des bienfaiteurs et des bénéficiaires des ressources financières, pour qui ils les détiennent en fiducie. Il s’agit d’une distinction essentielle puisque la responsabilité fiduciaire ne devrait pas servir de prétexte à introduire des conditionnalités substantielles aux ententes de financement entre le Banque et le Fonds » et d’autre donateurs et gouvernements des pays en développement. Lorsque les conditionnalités fiduciaires font partie d’un processus de responsabilité et de transparence mutuelles, et ne servent pas des conditionnalités plus larges liées aux politiques, elles sont bien accueillies par les groupes de la société civile, et plus particulièrement par les groupes de femmes.

• Les conditions liées aux résultats ou à la performance mettent davantage

l’accent sur les résultats. Les pays en développent proposent d’emprunter la voie des conditions axées sur les résultats mutuellement convenues. Cela découle du fait que l’approche conventionnelle liée à la performance démontre plusieurs limites, principalement quant à la difficulté d’intégrer les tendances imprévues et

26 ZIMMERMANN, Felix (2008), Centre de développement de l’OCDE, REPORT, « Ownership in practice, Informal Experts Workshop », (Atelier informel d’experts sur l’appropriation en pratique) 27 et 28 septembre, soutenu par le ministère des Affaires étrangères français. 27 TAN, Celine (2006), « Fiduciary obligations in loan and aid contracts between donors, client states and citizens; Briefing Paper », EURODAD, Mars.

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les facteurs incontrôlables qui ont des incidences sur les résultats. En juillet 2008, au cours des négociations entourant le PAA, le représentant officiel d’un pays en développement a proposé de prodiguer aux pays en développement des mesures incitatives les encourageant à établir leurs propres tests de performance, comme fondement au dialogue et aux conditions des relations avec les donateurs. Comme le signale Zimmermann dans le rapport de l’atelier d’experts du Forum mondial sur le développement « les conditions axées sur les résultats peuvent également bloquer l’innovation en décourageant les décideurs de tenter des solutions plus risquées et non éprouvées28 ». Par surcroît, « ces approches axées sur les résultats ne vont pas sans risque. Des chocs externes peuvent entraîner une perte de contrôle sur les résultats des responsables des pays en développement, et des conditions strictes de performance peuvent se révéler trop rigoureuses et rigides. (…) Pour ne pas tomber dans ces pièges, la conditionnalité liée aux résultats doit être utilisée avec souplesse29 ». Faute de résultats que s’approprient les pays en développement et sans souplesse, les conditions liées aux résultats ne seront pas jugées comme alternatives positives aux conditionnalités de politiques économiques.

• Les conditionnalités liées aux politiques font l’objet de critiques de la part des

pays en développement, de certains donateurs, d’analystes et d’OSC de partout au monde. Ces reproches reposent sur le fait que les conditionnalités liées aux politiques imposent des visions extérieures et idéologiques du développement économique et qu’elles restreignent l’espace national relatif aux politiques. Les conditionnalités de politiques économiques imposent habituellement des réformes ou des concessions aux pays en développement, qui n’ont pas été entendus à l’échelon international, dépassant ainsi la portée des agendas convenus sur le plan international. On peut citer à titre d’exemple la mise en place de politiques publiques liées aux processus d’acquisition ou de privatisation comme conditionnalités au décaissement de l’aide ou encore des entendes d’aide convenues avec les institutions financières internationales ou dans le contexte de relations bilatérales. Si l’on en croit l’agenda de l’efficacité de l’aide, les conditionnalités liées aux politiques limitent « le choix librement exercé des nations en développement de leurs propre politiques de développement »30.

Les conditionnalités liées aux politiques économiques et leurs incidences connexes sur les droits économiques, sociaux et culturels sont examinées par Graciela Dede et Areli Sandoval, aux chapitres 2 et 3, les débats visant le cadre de la Déclaration de Paris sont abordés au chapitre 6, alors que les principales discussions entourant le processus de Financement du développement sont approfondies par Josefa “Gigi” Francisco au chapitre 5. Il existe également des conditionnalités croisées, comportant divers éléments de chacun des types de conditionnalités. On peut notamment citer les Documents stratégiques de réduction de la pauvreté (DSRP) privilégiés par le Fonds monétaire international – qui sont à la fois des conditionnalités liées aux politiques économiques et au processus – même si elles sont censées être indigènes (prises en charge par les pays donnés). Ces conditionnalités liées aux politiques, pour la plupart mises en application dans les pays d’Afrique et de l’Asie et dans certains pays de l’Amérique latine qui se sont classés comme Pays pauvres et très endettés (PPTE), ont évolué pour devenir aujourd’hui le principal instrument de mesure du soi-disant principe d’appropriation nationale en vertu

28 Zimmerman (2008), p. 4. 29 OCDE/ Centre de développement (2008), Financer le développement 2008: Appropriation?; Chapitre 1, Felix Zimmermann et Ida McDonnel, « Étendre l’appropriation pour le développement », p. 26. 30 Ibid p. 3.

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de la Déclaration de Paris. Il s’agit de l’une des contradictions les plus évidentes émanant des débats sur les conditionnalités et l’efficacité du développement. D’une part, la communauté internationale en appelle au soutien des stratégies de développement élaborées par les pays eux-mêmes alors que d’autre part, le moyen à l’aide duquel on mesure les réalisations en ce sens est fondé sur un instrument de politique imposé par les institutions financières internationales et évalué par la Banque mondiale. On témoigne des nombreux débats sur la manière de réduire les conditionnalités. Du point de vue de la société civile, l’agenda de l’efficacité de l’aide devrait reconnaître que les donateurs imposent des conditionnalités qui ne sont pas conformes au principe d’appropriation nationale, au droit au développement31, et au droit à l’autodétermination. En ce sens, les OSC engagées dans les débats sur l’agenda de l’efficacité de l’aide, s’attendent à ce que les donateurs reconnaissent que « les conditionnalités de politiques qui lient les déboursements aux réformes des politiques des partenaires nuit à la prise en charge démocratique et qu’elles seront éliminées »32. Cependant, à l’examen du PAA, Centre Sud33 met en lumière l’accent que l’on persiste à placer sur les approches d’acheminement de l’aide axées sur les conditionnalités, et l’apparente absence de réelles intentions de réduire ces conditionnalités. Dans le cadre des travaux préparatoires au troisième Forum de haut niveau de l’OCDE, tenu à Accra en septembre 2008, plusieurs conversations ont porté sur la manière de réduire les conditionnalités politiques. Quoique les résultats aient été peu convaincants, il s’agit peut-être d’un premier pas vers des conditions mutuellement convenues, axées sur les résultats, dont fait état Nerea Craviotto au chapitre 10.

Les conditionnalités « amicales et positives », en plus de fragiliser les efforts des sociétés civiles et des mouvements sociaux sur le plan local, ne sont pas un moyen constructif et durable de renforcer la réalisation et la promotion des droits humains et de l’égalité entre les sexes.

Certains donateurs et activistes des droits humains et de l’égalité hommes-femmes perçoivent les droits humains et l’égalité entre les sexes comme des conditionnalités « amicales et positives ». Les groupes des droits des femmes ne soutiennent pas cette approche et mettent de l’avant l’importance d’un débat de fond visant à clarifier les diverses positions sur les conditionnalités amicales ou positives, dans le contexte de la nouvelle architecture et de l’efficacité de l’aide. Le présent document souhaite précisément favoriser ce type de discussion avec les autres acteurs du développement et au sein des militant(e)s pour l’égalité des sexes. Les groupes de droits humains n’ont pas été très engagés dans ces débats et partant, n’y sont pas très actifs. Cependant, certains efforts sont destinés à relier l’agenda d’efficacité de l’aide aux droits humains et au droit au développement. Certes, l’étude confiée à Roberto Bissio34 portant sur la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide, commandée par le Groupe de travail des Nations Unies sur le droit au développement est un premier pas en ce sens, comme c’est le cas de l’étude menée par le Overseas Development

31 CDI (2008). 32 Document d’orientation du CDI portant sur l’avant-projet du premier Programme d’Action d’Accra. 33 Sud Centre (2008), « Analytical Note August 2008 », SC/GGDP/AN/GEG/6/rev.3, Genève. 34 Bissio (2007).

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Institute (ODI)35 et les directives établies par l’OCDE36. L’une des revendications principales du Groupe de travail des femmes sur le FdD (présentées au chapitre 4) consiste à éliminer toutes les conditionnalités politiques, y compris les conditionnalités relatives à l’égalité entre les sexes et les autres conditionnalités dites « positives ». On demande plutôt de renforcer la responsabilité mutuelle, la reddition de comptes et la transparence des donateurs et des pays bénéficiaires. Les organisations des droits des femmes font valoir que « les gouvernements des pays donateurs et des pays en développement doivent respecter et promouvoir les traités régionaux et internationaux relatifs aux droits humains, à l’égalité entre les sexes et les ententes sur le développement durable. Le meilleur moyen de renforcer les droits humains et l’égalité entre les sexes consiste d’abord et avant tout à ne pas les intégrer au titre de nouvelles conditionnalités, mais plutôt à soutenir les groupes, mouvements et organisations des droits des femmes du Sud, à l’échelon local, qui pourront à leur tour tenir leurs propres gouvernements responsables de ces engagements, agissant ainsi comme défenseurs et consolidant la gouvernance démocratique sur le terrain »37. Les chapitres rédigés par toutes les auteures de ce document tentent de favoriser une meilleure compréhension des fondements de cette position, en plus d’introduire de nouveaux éléments d’analyse sur les liens existants entre le développement, les droits humains les droits des femmes en particulier. Au chapitre 7, Marta Lago fait remarquer que les défenseurs des droits des femmes et de l’égalité entre les sexes se tournent dorénavant vers la Conférence internationale de suivi sur le financement du développement, chargée d’examiner la mise en œuvre du Consensus de Monterrey, prévue en novembre 2008 à Doha, tout en maintenant la surveillance de la mise en œuvre de la Déclaration de Paris, vers 2010. La lutte pour une solide représentation des activistes des droits des femmes et de l’égalité entre les sexes se poursuit et doit être rehaussée. Le temps est venu de s’exprimer et d’agir.

35 Marta Foresti et al (2006). 36 CAD-OCDE (2007b), Document d’orientation sur l’action à mener dans le domaine des droits de l’homme et du développement, www.oecd.org/dataoecd/43/34/41238293.pdf 37 « Recommendations from the International Consultation of Women’s Organisations and Networks and Aid Effectiveness » (2008).

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Droits humains et coopération pour le

développement :

Faut-il imposer des conditionnalités ou faut-il

appliquer les traités sur les droits humains ?

Par Areli Sandoval et Graciela Dede (consultantes AWID)

En dépit des accords sur les nouvelles modalités de l’aide, les conditionnalités ont continué à porter atteinte à la souveraineté des pays en développement, en termes de politiques publiques et de priorités. Du point de vue des droits humains, les conditionnalités sont une atteinte au droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, en limitant non seulement leurs possibilités de décider librement de leur statut politique, mais aussi leur droit à assurer librement leur développement économique, social et culturel. Les conditionnalités jouent sur le droit au développement ; et la façon non-transparente dont elles sont négociées, décidées, et mises en œuvre portent atteinte aux droits à l’information, à la consultation et à la participation. Les traités internationaux sur les droits humains, piliers du système de la protection universelle, ont gravé ces droits dans le marbre au même titre que les droits humains. Les obligations vis-à-vis des droits humains aux niveaux national et international et le respect dû aux différents groupes

Lorsqu’un État a ratifié un traité sur les droits humains, il a le devoir de prendre toutes dispositions pour que ces droits soient appliqués. Selon la loi internationale sur les droits humains, les États parties aux traités sur les droits humains ont trois obligations juridiques : l’obligation de respect, l’obligation de protection et l’obligation de réalisation. L'État a une obligation de respect dans le sens que ses agents ne doivent ni violer le droit en question ni en tolérer quelconque violation. En vertu de son obligation de protection, l’État est tenu de prévenir la violation du droit en question par d’autres individus ou par des acteurs non étatiques. En vertu de son obligation de réalisation, l’État se doit d’assurer les ressources et les services nécessaires pour que les individus puissent exercer leurs droits. Cette obligation de réalisation est, en fait, triple : faciliter, procurer et promouvoir.38 38 Asbjørn Eide, “Economic, social and cultural rights as human rights” in A. Eide, C. Krause, A. Rosas eds. Economic, Social and Cultural Rights: A Textbook, Martinus Nijhoff, pp. 1-40,

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En conséquence, la réalisation des droits humains implique de reconnaître que comme le stipule l'article 1 de la Déclaration universelle des droits humains (1948), tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Mais la réalité des différentes formes de discrimination sexospécifique ou autres, fait qu’il est impératif et urgent que les États prennent des mesures spécifiques de promotion de l’égalité vis-à-vis des différents groupes et des différents secteurs de la population, par exemple vis-à-vis des hommes ou vis-à-vis des femmes.39 Dans la mesure où la dimension genre est culturelle, pour respecter, protéger et réaliser les droits humains, les mesures prises doivent avoir une approche sexospécifique. Nous concevons aussi qu’il est crucial d’identifier les groupes sujets à discrimination ou particulièrement vulnérables dans les différentes catégories ; certains groupes ou secteurs vivent dans des situations particulières pour des raisons structurelles et/ou circonstancielles, ou pour des raisons historiques, politiques ou autres. L'approche axée sur les droits humains doit tenir compte de ces différences dans son analyse et dans les mesures à prendre, et celles-ci doivent être modulées car elles n'auront pas les mêmes impacts sur les différents groupes.

L'article 2 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (ICESCR) stipule que « Chacun des États parties au présent Pacte s'engage à agir, tant par son effort propre que par l'assistance et la coopération internationales, notamment sur les plans économique et technique, au maximum de ses ressources disponibles, en vue d'assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le présent Pacte par tous les moyens appropriés, y compris en particulier l'adoption de mesures législatives ».40 Cet article est particulièrement important pour déterminer ce que les États doivent faire et ce qu'ils doivent éviter dans le processus qui aboutira à ce que la société toute entière jouisse de ses droits humains, dans la mesure où il fixe des obligations de comportement et des obligations de résultat. 41

1995, cité dans le quatrième rapport de l’Expert indépendant sur le droit au développement, M. Arjun Sengupta, présenté conformément à la résolution 2001/9 de la Commission des droits humains (E/CN.4/2002/WG.18/2), paragraphe 34. 39 Comme on le lit dans l’Observation générale no 16 (2005) du Comité des droits économiques, sociaux et culturels : « Les femmes se voient souvent refuser l’égalité de jouissance de leurs droits fondamentaux, en particulier en raison du statut inférieur qui leur est réservé par la tradition et la coutume ou suite à une discrimination ouverte ou déguisée. Bien des femmes subissent plusieurs formes de discrimination car à la discrimination fondée sur le sexe s’ajoute celle fondée sur d’autres facteurs liés à leur situation particulière tels que la race, la couleur, la langue, la religion, l’opinion politique ou autre, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance, ou encore l’âge, l’origine ethnique, le handicap, le statut matrimonial, ou le statut de réfugié ou de migrant, ce qui les pénalise plus encore ». Voir le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, recommandation générale XXV concernant la dimension sexiste de la discrimination raciale (2000). 40 Article 2, paragraphe 1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (ICESCR) 41 Comité des droits économiques, sociaux et culturels. Observation générale n° 3 : La nature des obligations des États parties (art. 2, par. 1, du Pacte) contenue dans le document E/1991/23, paragraphe 1. Les Observation générales (appelées aussi recommandations générales par le CEDAW) sont formulées par les organes de traités sur les droits humains et elles renferment les interprétations autorisées des disposition des traités sur les droits humains.

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Encadré 1: Bref historique de l'ICESCR

Vivre dans la dignité suppose la réalisation intégrale et universelle de tous les droits humains. Les instruments qui régissent les droits humains sont le fruit de processus sociaux, de combats, de concertations et de la demande sociale.

Par exemple, la Déclaration universelle des droits humains constitue un consensus sur les valeurs humaines adopté par les nations en 1948 après les atrocités de la 2e guerre mondiale. La Déclaration affirme la nature des droits humains : ils sont universels et indivisibles.

Par la suite, le paysage des droits humains a changé : durant la guerre froide la carte géopolitique du monde comportait deux blocs, d'un côté le bloc de l'Ouest qui faisait pression pour que soit adopté un pacte pour protéger les libertés civiles, de l'autre le bloc socialiste de l'Est qui plaidait pour la création d'un instrument de protection des droits sociaux. En 1966 deux pactes ont été adoptés : le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (ICESCR) a été adopté par l'Assemblée Générale des Nations Unies le 16 décembre 1966 et est entré en vigueur le 3 janvier 1976. Il engage les États parties à œuvrer à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, qui comprennent les droits du travail et le droit à la santé, le droits à l'éducation et le droit à un niveau de vie suffisant. Au 2 juin 2008, le Pacte avait 158 Parties (États ayant signé et ratifié le Pacte). L'application du Pacte est contrôlée par le Comité des droits économiques sociaux et culturels (organe différent du Conseil des Droits humains) qui siège en permanence et qui examine les rapports périodiques qui lui sont soumis par les États membres.

Le 19 juin 2008, le Conseil des droits humains des Nations Unies a approuvé par consensus un Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels qui est un pas en avant vers la création d'un système international de recours en cas de violation. Ce Protocole facultatif est le fruit de plusieurs décennies de travail des gouvernements, de la société civile, des experts et des organes des droits humains des Nations Unies, pour remédier à la longue défaillance du système international à protéger les droits humains. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels est l’un des seuls grands organes des droits humains à n’avoir pas compétence à recevoir des pétitions.

Pour plus d'informations sur le Protocole facultatif, voir :

http://www2.ohchr.org/english/issues/escr/intro.htm http://www.opicescr-coalition.org/francaishome.htm Les États parties de l'ICESCR ont des obligations envers les populations qui sont sous leur juridiction, qui sont des obligations au niveau national et interne, mais ils ont aussi des obligations externes ou extra-territoriales et des obligations internationales : 42

• les obligations internes : celles qu'a l'État vis-à-vis des victimes sur son territoire et qui relèvent des autorités nationales. • les obligations externes ou extraterritoriales : celles qu'a l'État envers les victimes à l'extérieur de son territoire et qui relèvent de ses propres autorités nationales. • les obligations internationales : celles qu'a chaque Etat séparément, au nom d'un accord international, ou au nom de son appartenance à l'organe

42 Rolf Künnemann. Secrétaire général de FIAN International. The Extraterritorial Scope of the International Covenant on Economic, Social and Cultural Rights.

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directeur d'une autorité internationale, ou au nom d'une autorité internationale dont la gouvernance est assurée conjointement par les États parties, à la majorité. Chacun des trois types d'obligations vis-à-vis des droits humains (obligations de respect, de protection et de réalisation) existent à ces trois niveaux. Selon l'ICESCR, les États doivent « agir . . . par tous les moyens appropriés » de façon immédiate et sur la durée (progressivement), et ces mesures doivent avoir un caractère délibéré, concret et viser aussi clairement que possible à la réalisation des obligations reconnues dans le Pacte.43 Parmi les moyens appropriés, les États peuvent prendre des mesures législatives, administratives, judiciaires, économiques, sociales et éducationnelles. Les États sont aussi tenus d'allouer « le maximum de ses ressources disponibles », tant leurs ressources propres existantes que celles fournies par d'autres États ou par la communauté internationale (via la coopération et l'assistance internationales)44, pour la réalisation de chacun des droits mentionnés dans le Pacte. En outre, cette obligation requiert d'utiliser de façon équitable et effective les ressources disponibles et de permettre d'y accéder de façon équitable et effective. Il est important de souligner que l'argument du manque de ressources ne peut en aucun cas être utilisé par un État pour justifier de son manquement à ses obligations de « s'efforcer d'assurer la jouissance la plus large possible des droits pertinents dans les circonstances qui lui sont propres », de contrôler l'ampleur de la réalisation, et plus encore de la non-réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, et d'élaborer des stratégies et des programmes visant à promouvoir ces droits.45 Les États doivent aussi assurer « progressivement » le plein exercice des droits économiques, sociaux et culturels, ce qui signifie que les États ne peuvent indéfiniment remettre à plus tard leurs efforts dans ce but ; au contraire, les États doivent « œuvrer aussi rapidement et aussi efficacement que possible pour atteindre cet objectif ». 46 La réalisation progressive interdit aussi aux États de prendre des mesures délibérément régressives dans ce domaine sauf à les justifier « par référence à la totalité des droits sur lesquels porte le Pacte, et ce en faisant usage de toutes les ressources disponibles. » 47

Les États doivent accomplir toutes ces obligations dans le respect des principes des droits humains de non-discrimination et d'égalité. Utiliser une approche non discriminatoire signifie, par exemple, que les mesures prises, les politiques mises en œuvre et le budget alloué doivent respecter le

43 Comité des droits économiques, sociaux et culturels. Observation générale n° 3 : La nature des obligations des États parties (art. 2, par. 1, du Pacte) contenue dans le document E/1991/23, paragraphe 2. 44 Voir plus loin l'explication du rôle d'une telle coopération pour faciliter la pleine réalisation des droits économiques, sociaux et culturels. 45 Comité des droits économiques, sociaux et culturels. Observation générale n° 3 : La nature des obligations des États parties (art. 2, par. 1, du Pacte) contenue dans le document E/1991/23, paragraphe 11. 46 Comité des droits économiques, sociaux et culturels. Observation générale n° 3 : La nature des obligations des États parties (art. 2, par. 1, du Pacte) contenue dans le document E/1991/23, paragraphe 9. 47 Comité des droits économiques, sociaux et culturels. Observation générale n° 3 : La nature des obligations des États parties (art. 2, par. 1, du Pacte) contenue dans le document E/1991/23, paragraphe 9.

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principe d'égalité. Ceci implique qu'il ne doit être fait aucune discrimination fondée sur « la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l'opinion politique ou toute autre opinion, l'origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation », et que, à fins d'équité, toute personne vivant dans une situation particulière doit bénéficier de mesures pour que soit assurée l'égalité de la jouissance des droits humains.

il est important de noter que les obligations internationales de chaque État relativement aux droits humains découlent de leur engagement de promouvoir le respect de tous les droits humains selon la Charte des Nations Unies, qui a été réaffirmé par la suite dans la Déclaration universelle des droits humains. Il est en effet réaffirmé dans le préambule de la Déclaration universelle des droits humains que : « Les États membres se sont engagés à assurer, en coopération avec l'Organisation des Nations Unies, le respect universel et effectif des droits humains et des libertés fondamentales », au nom de « leur foi dans les droits humains fondamentaux, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l'égalité des droits des hommes et des femmes et des nations grandes et petites », proclamée dans la Charte des Nations Unies.

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels déclare dans son Observation générale 3 sur la nature des obligations des États parties que : « En vertu des Articles 55 et 56 de la Charte des Nations Unies, des principes confirmés du droit international et des dispositions du Pacte [sur les droits économiques, culturels et sociaux] lui-même, la coopération internationale pour le développement et, partant, pour l'exercice des droits économiques, sociaux et culturels est une obligation qui incombe à tous les États. »48 Encadré 2 : Charte des Nations Unies (Chapitre IX, Coopération internationale économique et sociale)

Article 55

En vue de créer les conditions de stabilité et de bien-être nécessaires pour assurer entre les nations des relations pacifiques et amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité des droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes, les Nations Unies favoriseront : • Le relèvement des niveaux de vie, le plein emploi et des conditions de progrès et de

développement dans l'ordre économique et social ; • La solution des problèmes internationaux dans les domaines économique, social, de la santé

publique et autres problèmes connexes, et la coopération internationale dans les domaines de la culture intellectuelle et de l'éducation ;

• Le respect universel et effectif des droits humains et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion.

Article 56

Les Membres s'engagent, en vue d'atteindre les buts énoncés à l'article 55, à agir, tant conjointement que séparément, en coopération avec l'Organisation.

48 Comité des droits économiques, sociaux et culturels. Observation générale n° 3 : La nature des obligations des États parties (art. 2, par. 1, du Pacte) contenue dans le document E/1991/23, paragraphe 14.

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Les obligations internationales découlent aussi des dispositions particulières contenues dans plusieurs traités des droits humains, et dans le cas du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, les articles à considérer sont les articles 2, 22 et 23. L'article 2 donne à chacun des États parties l'obligation d'agir, tant par son effort propre que par l'assistance et la coopération internationales, notamment sur les plans économique et technique, en vue d'assurer le plein exercice des droits reconnus dans le Pacte ; plus précisément, le rôle essentiel d'une telle coopération est de faciliter ce plein exercice. Le Comité considère aussi que cette obligation « incombe tout particulièrement aux États qui sont en mesure d'aider les autres États à cet égard »49 et il demande aux États, pour mieux satisfaire à cette obligation, de tenir scrupuleusement compte des principes reconnus dans la Déclaration sur le droit au développement.50

A ce sujet, il faut tenir compte de l'Observation générale 2 du Comité des droits économiques, sociaux et culturels sur les mesures internationales d'assistance technique dans laquelle l'organe de traité commente l'article 22 de l'ICESCR et attire l'attention sur certaines des opportunités et responsabilités en matière de coopération internationale. L'article 22 crée un dispositif permettant d'aider les organes des Nations Unies et les institutions impliquées d'une façon ou d'une autre dans la coopération internationale pour le développement – y compris la Banque mondiale et le Fonds Monétaire International - « à se prononcer, chacun dans sa propre sphère de compétence, sur l'opportunité de mesures internationales propres à contribuer à la mise en œuvre effective et progressive du présent Pacte ».51

De plus, les organismes et institutions des Nations Unies concernés par le principe contenu dans l'article 22 du Pacte doivent : a) reconnaître expressément les rapports étroits qui doivent être établis entre les activités de développement et les efforts visant à promouvoir le respect des droits humains en général et des droits économiques, sociaux et culturels en particulier ; b) faire une « étude d'impact sur les droits humains » dans le cadre de toutes les grandes activités de coopération pour le développement ; c) former les agents engagés au titre de projets et d'autres catégories de personnel employé par les institutions des Nations Unies sur les normes et les principes applicables dans le domaine des droits humains ; d) tout mettre en œuvre, à chaque étape de l'exécution des projets de développement, pour que les droits énoncés dans les Pactes soient dûment pris en compte, notamment lors de l'évaluation initiale des besoins

49 Comité des droits économiques, sociaux et culturels. Observation générale n° 3 : La nature des obligations des États parties (art. 2, par. 1, du Pacte) contenue dans le document E/1991/23, paragraphe 14. 50 Adoptée par l'Assemblée générale dans sa résolution 41/128 du 4 décembre 1986. 51 Comité des droits économiques, sociaux et culturels. Observation générale n° 2 : Les mesures internationales d'assistance technique (Art. 22 du Pacte) contenue dans le document E/1990/23, paragraphe 1.

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prioritaires du pays concerné, de l'identification des projets, de leur conception, de leur exécution et de leur évaluation finale.52

En sus de l'article 22, l'article 23 du Pacte désigne spécifiquement « la fourniture d'assistance technique » ainsi que d'autres activités, comme étant des mesures « d'ordre international destinées à assurer la réalisation des droits reconnus dans le Pacte. »53 Au vu des dispositions de ces deux articles et de celles de l'article 2, il est très important d'admettre que transformer l'obligation de satisfaire aux instruments relatifs aux droits humains en une conditionnalité à laquelle les créanciers et les donateurs soumettent leur aide, est d'une part très éloigné de l'esprit du Pacte et d'autre part ne contribue pas, loin s'en faut, à renforcer le système international des droits humains, comme nous l'expliquerons plus loin.

Encadré 3 : ICESCR (dispositions relatives à la coopération et l'assistance internationales)

Article 2

Chacun des États parties au présent Pacte s'engage à agir, tant par son effort propre que par l'assistance et la coopération internationales, notamment sur les plans économique et technique, au maximum de ses ressources disponibles, en vue d'assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le présent Pacte par tous les moyens appropriés, y compris en particulier l'adoption de mesures législatives.

Article 22 Le Conseil économique et social peut porter à l'attention des autres organes de l'Organisation des Nations Unies, de leurs organes subsidiaires et des institutions spécialisées intéressées qui s'occupent de fournir une assistance technique toute question que soulèvent les rapports mentionnés dans la présente partie du présent Pacte et qui peut aider ces organismes à se prononcer, chacun dans sa propre sphère de compétence, sur l'opportunité de mesures internationales propres à contribuer à la mise en oeuvre effective et progressive du présent Pacte .

Article 23 Les États parties au présent Pacte conviennent que les mesures d'ordre international destinées à assurer la réalisation des droits reconnus dans ledit Pacte comprennent notamment la conclusion de conventions, l'adoption de recommandations, la fourniture d'une assistance technique et l'organisation, en liaison avec les gouvernements intéressés, de réunions régionales et de réunions techniques aux fins de consultations et d'études. En ce qui concerne les obligations extraterritoriales des États parties envers les individus ou les groupes à l'extérieur de leurs territoires, il est important de dire que le Pacte « crée de telles obligations ».54 Dans le cadre de leurs obligations de respecter et protéger les droits économiques et sociaux à l'extérieur, les États doivent éviter de se laisser impliquer dans des violations extraterritoriales qui peuvent se produire, par exemple, du fait des institutions financières internationales. Dans ce contexte, les États créanciers ont un devoir de responsabilité vis-à-vis des pays emprunteurs : ils doivent prendre des mesures raisonnables pour déterminer ce à quoi servent leurs prêts pour pouvoir rendre compte du rôle que jouent ces prêts. Mais, les bailleurs ne peuvent imposer des conditionnalités qui font obstacle 52 Comité des droits économiques, sociaux et culturels. Observation générale n° 2 : Les mesures internationales d'assistance technique (Art. 22 du Pacte) contenue dans le document E/1990/23, paragraphe 8. 53 Comité des droits économiques, sociaux et culturels. Observation générale n° 3 : La nature des obligations des États parties (art. 2, par. 1, du Pacte) contenue dans le document E/1991/23, paragraphe 13. 54 Rolf Künnemann. Secrétaire général de FIAN International. The Extraterritorial Scope of the International Covenant on Economic, Social and Cultural Rights.

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ou empêchent l'exercice des droits humains dans le pays bénéficiaire. Les pays donateurs doivent s'assurer que leurs prêts n'ont pas d'effets négatifs et ne compromettent pas la capacité de l’État débiteur de s'acquitter de ses obligations minimales en matière de droits humains.

Comme l’a observé la précédente Commission des Droits humains : « ... l’exercice des droits fondamentaux de la population des pays débiteurs à l’alimentation, au logement, à l’habillement, à l’emploi, à l’éducation, aux services de santé et à un environnement salubre ne peut pas être subordonné à l’application de politiques d’ajustement structurel et de réformes économiques liées à la dette. »55

... En 2000, le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) a fait remarquer que l'application de programmes d'ajustement structurel, le fardeau croissant de la dette et l'instabilité politique ont freiné la pleine réalisation des droits des femmes en Guyane.56

Ceci n'est pas un cas isolé, car dans beaucoup des pays où ont été mis en œuvre des programmes d'ajustement structurel (PAS), le chômage, la pauvreté et les inégalités ont augmenté, ce qui a entraîné la violation des droits à un niveau de vie suffisant et à d'autres droits économiques, sociaux et culturels, de très nombreux individus ou groupes, en particulier les plus vulnérables. La suppression des subventions, les compressions budgétaires, la privatisation des services publics et des entreprises, la libéralisation du commerce et des investissements, faisaient partie des mesures décidées par les PAS. Parallèlement aux organes de traités, de nombreux spécialistes ont travaillé sur les liens entre les impacts du fardeau de la dette et la réalisation des droits humains. Après sa mission au Ghana, en 2007, la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, Yakin Ertürk, a écrit que des niveaux de pauvreté élevés, voire extrêmes, et le fardeau de la dette extérieure limitent la capacité du gouvernement, qui ne peut pas consacrer des ressources suffisantes à l’enseignement élémentaire pour tous, à la parité des sexes dans l’éducation et au développement socioéconomique des régions et districts marginalisés. Pour elle, il est du devoir de la communauté internationale de soutenir ce gouvernement par une aide ciblée, un allégement de la dette et des termes de l’échange plus justes.57

Nuria Molina affirme qu'à l'évidence il devrait exister des dispositifs pour que les ressources de la coopération internationale ne soient pas détournées, « qu'elles soient effectivement utilisées pour réduire la pauvreté – le but final de l'aide au développement ». Elle ajoute que les donateurs ne sont pas les seuls à se soucier de l'efficacité de l'aide. Les gouvernements, la société civile et surtout les citoyens qui vivent la pauvreté, ceux dont les vies sont les plus affectées par les succès et les échecs de l'aide au développement, partagent ce souci. Mais, par delà leurs inquiétudes sur l'efficacité de l'aide, les donateurs ont parfois posé des conditions afin de protéger leur intérêt national commercial ou politique.58

55 Commission des Droits humains - résolution 2001/27, paragraphe7. 56 A/56/38(SUPP) (CEDAW, 2000) 57 A/HRC/7/6/Add.3 58 “The Ownership-Conditionality Paradox the drivers of conditionality: constraints on the donor side” par Núria Molina, Institute for Policy Studies, Zambia. Élaboré pour l'atelier d'experts Ownership in Practice. 27-28 septembre 2007.

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Les traités internationaux sur les droits humains sont décrits comme étant, par esprit, des exercices de solidarité entre les États et les peuples visant à améliorer la qualité de la vie. Mais, ils sont devenus de grosses machineries qui ne concernent pas seulement l'assistance internationale et qui imposent aux pays une réforme de leur système commercial, des privatisations et une série d'ajustements s'ils veulent pouvoir bénéficier de financements. En ce qui concerne les réformes des systèmes commerciaux, même si les décisions finales sont en général prises au niveau national, celles-ci sont souvent imposées en préalable à l'octroi de ressources par les pays donateurs et les institutions financières internationales. Ceci porte atteinte à la souveraineté des pays en développement ;de plus cette conditionnalité n'est pas dans l'esprit de l'article 2 de l'ICESCR. En outre, selon Third World Network (TWN), la réglementation du commerce viole les principes des droits humains. Si l'on se place du point de vue des droits humains, qui dit non-discrimination, dit dispositions favorisant les plus vulnérables. Dans les accords commerciaux, la non-discrimination se traduit par le traitement national et par la clause de la nation la plus favorisée. Le traitement national impose aux pays de traiter de manière égale les produits importés et les produits locaux, et s'il est autorisé de traiter un produit importé plus favorablement qu'un produit local, l'inverse est interdit. Lorsque le traitement national est étendu aux services, à la propriété intellectuelle, aux investissements, aux passations de marchés et à la concurrence, les plus vulnérables (les entreprises locales, les petits producteurs) ne peuvent bénéficier de la discrimination positive, même de la part de leurs propres gouvernements.59

Encadré 4 : La clause de la nation la plus favorisée (NPF) La NPF est une clause contenue dans divers accords commerciaux plurilatéraux (accords de l'Organisation Mondiale du Commerce et accords de libre échange). C'est un statut accordé par une nation à une autre dans le commerce international. La nation qui reçoit ce statut bénéficiera des mêmes avantages commerciaux – tels que des réductions de prix – que toutes les autres nations. Dans les faits, si votre nation a le statut NPF, ceci signifie qu'elle ne sera pas moins bien traitée que la nation de n'importe qui d'autre.

Pour plus d'informations : http://www.unctad.org/Templates/webflyer.asp?docid=186&intItemID=2322&lang=1http://www.wto.org/french/thewto_f/whatis_f/tif_f/fact2_f.htmhttp://www.globalpolicy.org/socecon/bwi-wto/wallach.htmhttp://www.twnside.org.sg/title/undp2.htmL'ajustement structurel est l'une des conditions imposées par les pays bailleurs et les institutions financières aux pays bénéficiaires. Durant les années 90, il a été imposé aux gouvernements des cibles d'inflation et un encadrement de la fiscalité, et les donateurs ont conseillé de diminuer les enveloppes budgétaires des services publics et des dépenses sociales ; ceci a eu un impact considérable sur les populations les plus vulnérables, spécialement sur les femmes et les filles. Durant ces années, de nombreux pays ont fait l'expérience des effets pervers des PAS préconisés par la Banque mondiale ; ce prétendu « mal nécessaire », selon

59 Martin Khor, Directeur, Third World Network, Malaysia at the International Conference Reconciling Trade and Human Rights: The New Development Agenda. 28- 29 mai, 2007. Ottawa Canada.

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les termes de la Banque elle-même, a abouti en fait à une détérioration des conditions de vie des populations. Les privatisations, qui font partie du train de mesures imposé par certaines institutions financières internationales (IFI), ont été faites sans autre considération que celle du profit économique. Les instruments relatifs aux droits humains n'interdisent pas que les services – en particulier, l'eau, l'éducation, l'électricité, l'assainissement – soient fournis par des sociétés privées, mais les États ont le devoir de veiller à ce que les privatisations ne portent pas atteinte aux droits humains de la population (au nom de l'obligation de protection). La plupart des privatisations ont été effectuées sans que la question de la préservation de l'accès des groupes spécialement vulnérables aux biens et services essentiels – qui relèvent des droits humains – ait été prise en compte, soumise à consultation ou débattue publiquement, Un récent rapport d’évaluation de la Banque mondiale portant sur les progrès réalisés pour réformer ses propres conditionnalités relève qu’en 2006, une condition politique sur quatre demandée par l’organisation concerne des réformes économiques. En 2006, le gouvernement norvégien a mené une étude sur les conditionnalités du FMI qui révèle que pour 26 pays pauvres sur 40, les prêts sont toujours attachés à des conditions de privatisation et de libéralisation. L’avènement des stratégies nationales de lutte contre la pauvreté a certes permis un tant soit peu d’améliorer la prise en main des réformes par les pays eux-mêmes, mais quand, en 2005, la Banque mondiale a interrogé à ce sujet des représentants gouvernementaux des pays pauvres, 50 % d'entre eux affirmaient que « la Banque avait introduit des éléments qui ne faisaient pas partie du programme élaboré par le pays ».60

Il est clair que les institutions financières internationales ont des devoirs vis-à-vis des droits humains ; et pourtant la question des incidences que peuvent avoir les réformes macroéconomiques sur les obligations relatives aux droits humains du pays emprunteur, au titre de l'ICESCR et des autres traités internationaux, est pratiquement absente dans les considérations politiques des IFI et elle est totalement ignorée dans ses évaluations. En présentant les principales conclusions de son étude, Miloon Kothari, le précédent Rapporteur spécial sur le logement convenable a montré qu'il existe nombre d'obstacles à la réalisation effective du droit des femmes à un logement convenable ; la privatisation a joué un rôle non négligeable à l'encontre de ce droit, dans la mesure où lors d'une privatisation, il est rarement envisagé d'accorder des tarifs spéciaux aux groupes en situation de vulnérabilité.61 Si l'on étudie les incidences sur l'exercice des droits humains dans une perspective de genre, lorsque les services de santé et d'éducation ne sont plus accessibles à tous, pour raison de privatisation et/ou de tarifs nouvellement imposés - spécialement lourds pour les pauvres-, les femmes et les jeunes filles sont les premières à en être directement affectées. Elles abandonnent leurs études pour s'occuper des malades ou des personnes âgées, ou elles sont souvent les premières à

60 Perdre les mauvaises habitudes, la Banque mondiale et le FMI attachent encore des conditions de politique économique à leur aide. Oxfam, novembre 2006. http://www.oxfam.org/fr/policy/briefingpapers/bp96_kicking_the_habit_061127 61 E/CN.4/2006/118

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perdre leur emploi lorsque des entreprises publiques sont privatisées ou « modernisées », et elles se trouvent réduites aux emplois précaires de l'économie informelle. Dans son rapport à l'Assemblée générale de 2007 sur les effets des politiques de réforme économique et de la dette extérieure sur la jouissance effective de tous les droits humains, l'expert indépendant, Bernard Mudho, écrit que l’incidence des mesures politiques concrètes (en particulier sur l'exercice effectif des droits humains) dépend en grande partie de la situation de chaque pays et donc qu'il n'est pas proposé de définir des règles universelles à propos de ces processus. Toutefois, il précise que toute réforme économique devrait être élaborée en concertation et dans la transparence, en communiquant les renseignements utiles en temps voulu et en informant le public. Il conclut que s’il incombe au premier chef aux États débiteurs de se charger de faire respecter les droits humains de leur population, les États créanciers et les institutions financières internationales jouent également un rôle critique dans l’exercice effectif de ces droits.62

Cependant, ni les pays donateurs, ni les institutions financières internationales, n'ont jusqu'ici établi de critères d’évaluation, systématiques et rigoureux, de l'incidence des opérations de remboursement de la dette et des politiques de réforme économique sur l’exercice des droits droits économiques, sociaux et culturels, comme prévu par les instruments internationaux des droits humains. Et pourtant, les pays donateurs demandent aux pays débiteurs de s'acquitter de leurs obligations en matière de droits humains, faute de quoi ils ne pourront prétendre au renouvellement ou à l'accès au crédit.63 Depuis 2006, les pays donateurs se montrent de plus en plus soucieux du respect par les États bénéficiaires de leurs obligations en matière de droits humains. De fait, ce souci s'est traduit par de nouvelles conditionnalités relatives à l'assistance au développement. D'abord, les donateurs exigent que les pays bénéficiaires respectent toute une série d'accords internationaux (que ce soit des déclarations de volonté politique ou des instruments internationaux des droits humains exécutoires). Ensuite, les donateurs requièrent des évaluations des réalisations des pays bénéficiaires en matière de droits humains pour évaluer les impacts et l'efficacité de l'aide. En dépit de cette tendance, la Déclaration de Paris, dernier accord en date sur la coopération internationale, ne dit rien de l'obligation des États de respecter, réaliser et protéger les droits humains, ni, par-dessus tout, de l'obligation de respecter le droit à l'autodétermination et le droit au développement. De plus, il n'existe pas de déclaration, ni de document, demandant aux pays donateurs de s'acquitter de leurs propres obligations relatives aux droits humains. Par exemple, alors que le Canada exige des pays bénéficiaires de respecter leurs obligations vis-à-vis des droits humains, et de promouvoir l'égalité entre les sexes, le budget alloué à Condition 62 A/62/212 63 L’expert indépendant sur les effets des politiques de réforme économique et de la dette extérieure sur la jouissance effective de tous les droits humains, Bernards A. N. Mudho, a mené une consultation d'experts en juillet 2007 dans le but d’établir des paramètres visant à définir clairement et sans ambiguïté les normes minimales exigées pour les droits économiques, sociaux et culturels et à quantifier de façon objectivement mesurable les ressources nécessaires pour atteindre ce niveau minimal.

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féminine Canada (l'organisme fédéral qui favorise la pleine participation des femmes à la vie économique, sociale et démocratique au Canada et œuvre à faire progresser l'égalité pour les femmes) a été sévèrement réduit en 2006. Ceci a été lourd de conséquences pour les groupes de femmes et s'est fait ressentir sur des activités, des études théoriques ou des événements qui avaient comme premier objectif de promouvoir les droits et la pleine participation des femmes au Canada. Du point de vue des droits humains, cette réduction budgétaire peut être interprétée comme une mesure régressive, car il était de notoriété publique que le Canada avait, les années précédentes, un budget largement excédentaire. La raison invoquée de cette décision était que la situation des femmes au Canada avait progressé de façon significative. Mais, avant de faire une telle déclaration et une telle coupe dans le budget, il importait de prendre en considération les niveaux de vie de tous les groupes de femmes du Canada, notamment ceux des femmes autochtones, vivant dans les réserves ou ailleurs, des femmes Inuit, des femmes sans-abri, etc., qui ne pouvaient compter que sur la discrimination positive pour pouvoir triompher de toutes les discriminations qu'elles subissaient au quotidien.64 Ceci dit, il n'est ni cohérent, ni juste, que les créanciers et/ou les donateurs demandent aux pays bénéficiaires de faire des évaluations des impacts sur les droits humains, alors qu'il leur a été demandé précédemment d'appliquer massivement des politiques d'ajustements structurels, notamment la libéralisation du commerce et des investissements, la réduction des subventions, etc. Toutes ces mesures ont été conçues et appliquées, sans considération aucune pour les impacts négatifs qu'elles pourraient avoir sur les droits humains, et sans cadrage sur les droits humains, aussi il serait surprenant qu'au bout du compte elles concordent avec les obligations de l'État en la matière. Au contraire, ces types de mesures se sont souvent avérées être des obstacles à la réalisation des droits humains. L'utilisation de l'évaluation des réalisations en matière de droits humains, de façon bilatérale, comme condition à la fourniture de l'aide, outre d'être très éloignée de l'esprit du Pacte ne contribue en rien à renforcer le système international des droits humains et ses dispositifs existants comme : l'Examen périodique universel65 du Conseil des droits humains des Nations Unies, l'étude des rapports périodiques des États par les organes de traités, et les mandats des procédures spéciales du Conseil des droits humains. Il va sans dire que le système des droits humains des Nations Unies et d'autres institutions multilatérales comptent sur les mécanismes de suivi et d'évaluation des accords en cours de négociation qui leur permettront de suivre et d'évaluer leur mise en œuvre, notamment du point de vue des droits humains, de l'égalité des sexes et des questions environnementales.

64 A/58/38(SUPP)-CEDAW, 2003; CCPR/C/CAN/CO/5-HRC, 2006; E/C.12/CAN/CO/4&E/C.12/CAN/CO/5-CESCR, 2006. 65 Un examen périodique universel, sur la foi d’informations objectives et fiables, de la manière dont chaque État s’acquitte de ses obligations et engagements en matière de droits humaind de façon à garantir l’universalité de son action et l’égalité de traitement de tous les États ; se voulant une entreprise de coopération fondée sur un dialogue auquel le pays concerné est pleinement associé et qui tient compte des besoins du pays en matière de renforcement de ses capacités, cet examen viendra compléter l'œuvre des organes conventionnels sans faire double emploi » Résolution 60/251 de l'Assemblée générale des Nations Unies

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3 Le droit au développement et le droit à

l'autodétermination :

Pourquoi les conditions imposées par les donateurs

portent-elles atteinte à ces droits ainsi qu'à d'autres

droits humains ?

Par Areli Sandoval et Graciela Dede (consultantes AWID) Le droit humain au développement

La Déclaration sur le droit au développement (1986) définit le développement comme « un processus global, économique, social, culturel et politique, qui vise à améliorer sans cesse le bien-être de l'ensemble de la population et de tous les individus, sur la base de leur participation active, libre et significative au développement et au partage équitable des bienfaits qui en découlent. »66 Dans la mesure où le bien-être est assimilé à la réalisation des droits humains et des libertés fondamentales qui améliorent la capacité des gens à réaliser tout leur potentiel, le processus de développement qui débouche sur une amélioration de ce bien-être peut être revendiqué en tant que droit humain.67

Le droit au développement est « un droit humain inaliénable en vertu duquel toute personne humaine et tous les peuples ont le droit de participer et de contribuer à un développement économique, social, culturel et politique dans lequel tous les droits humains et toutes les libertés fondamentales puissent être pleinement réalisés, et de bénéficier de ce développement. »68 Comme l'explique dans divers rapports, M. Argon Sengupta, ancien Expert indépendant sur le droit au développement69, le droit au développement est le « droit à un processus qui accroît les capacités ou la liberté des individus

66 Préambule de la Déclaration sur le droit au développement adoptée par l'Assemblée générale, dans la résolution 41/128 du 4 décembre 1986. Il est important de remarquer que la reconnaissance du droit au développement s'inscrit dans les buts et les principes de la Charte des Nations Unies de 1945 ; ce droit a pris forme dans la Déclaration sur le droit au développement en 1986 et a été l'objet d'un consensus, ou de l'acceptation universelle, dans la Déclaration de Vienne et le Programme d'action adopté par la Conférence mondiale sur les droits humains le 25 juin 1993 (A/CONF.157/24 (Part I, chap. III)) 67 Sixième rapport de l'expert indépendant sur le droit au développement, M. Sengupta, présenté conformément à la résolution de la Commission 2003/83 (E/CN.4/2004/WG.18/2), paragraphe 3. 68 Article 1, paragraphe1 de la Déclaration sur le droit au développement. 69 M. Sengupta a été titulaire du mandat d'Expert indépendant de la Commission des droits humains sur le droit au développement de 1998 à 2004.

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d'améliorer leur bien-être et d'accéder à ce qu'ils recherchent »70, et en ce sens, il est le droit à « un processus de développement particulier. » Le droit au développement doit s'exercer de façon à ce que : a) les intéressés participent effectivement, pleinement et utilement à toutes

les étapes de la prise de décision (articles 1, 2 (3) et 8 de la Déclaration sur le Droit au développement) ;

b) les individus aient des chances égales dans l'accès aux ressources (art. 8) ;

c) les individus aient droit à une répartition équitable du revenu et des avantages du développement (articles 2 et 8) ;

d) les États s'acquittent de leurs responsabilités de façon à ce que le processus de développement se matérialise par des politiques nationales et internationales appropriées (articles 3 et 4) ;

e) la coopération entre les États (et les institutions internationales) facilite la réalisation du droit au développement ; et enfin et surtout,

f) à ce que toutes les activités entreprises soient accompagnées du plein respect des droits civils et politiques et des droits économiques, sociaux et culturels (Préambule, articles 6 et 9).71

Le droit humain au développement comporte :72

1. la pleine souveraineté sur les ressources naturelles ; 2. l'autodétermination ; 3. la participation de la population au développement ; 4. l'égalité des chances ; 5. la création de conditions favorables à l'exercice des autres droits

civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. Même s'il ne faut pas voir le droit au développement comme étant simplement un droit "parapluie" ou la somme d'un ensemble de droits, on peut le considérer comme « l'amélioration d'un "vecteur" de droits humains ». Comme le décrit l'Expert indépendant sur le droit au développement, « chaque élément de ce vecteur et le vecteur lui-même sont un droit humain ». Tous les droits étant interdépendants, « pour aller de l'avant dans la réalisation du droit au développement, il est nécessaire d'accomplir des progrès dans la réalisation d'au moins certains droits humains, qu'ils soient civils, politiques, économiques, sociaux ou culturels, en veillant à ce qu'aucun autre droit ne soit affaibli. »73

Donc, « Ce n'est pas seulement la mise en œuvre des droits en question pris individuellement mais aussi leur mise en œuvre globale d'une manière qui tienne compte des effets qu'ils exercent les uns sur les autres, à la fois à un moment donné et au cours d'une période déterminée. »74 En 70 Troisième rapport de l'expert indépendant sur le droit au développement, M. Sengupta, présenté conformément à la résolution de la Commission 2000/5 (E/CN.4/2001/WG.18/2), paragraphe 9. 71 Étude sur l'état d'avancement de l'application du droit au développement présentée par M. Sengupta, expert indépendant, conformément à la résolution de la Commission 1998/72 et à la résolution de l'Assemblée générale 53/155 (E/CN.4/1999/WG.18/2), paragraphe 45. 72 http://www2.ohchr.org/english/issues/development/right/index.htm 73 Troisième rapport de l'expert indépendant sur le droit au développement, M. Sengupta, présenté conformément à la résolution de la Commission 2000/5 (E/CN.4/2001/WG.18/2), paragraphe 10 74 Quatrième rapport de l'expert indépendant sur le droit au développement, M. Sengupta, présenté conformément à la résolution de la Commission 2001/9 (E/CN.4/2002/WG.18/2), paragraphe 9.

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conséquence, « l’intégrité de ces droits implique que si l’un d’entre eux est violé, le droit composite au développement l’est également. »75

Par exemple, si le droit à participer librement et à décider de l'utilisation des ressources n'est pas protégé et favorisé, ceci affectera directement le droit à l'autodétermination et le droit au développement. En conséquence, les autres droits seront indirectement affectés. L'indivisibilité et l'interdépendance de tous les droits humains est manifeste dans le droit au développement. De plus, vivre dans la dignité suppose la plein et universel exercice de tous les droits humains. Au-delà des contenus des différents traités qui consacrent chacun des groupes de droits particuliers ou les droits de groupes particuliers (par exemple, les enfants, les femmes, les immigrés), il est essentiel de garder à l'esprit qu'un niveau de vie convenable - une vie décente - suppose obligatoirement le respect aussi bien des droits civils et politiques que des droits économiques, sociaux et culturels. Selon le Comité, en ce qui concerne la promotion du respect des droits humains dans le contexte des activités de développement, il importe de tenir compte de deux principes généraux : tout d'abord, les deux groupes de droits sont indivisibles et interdépendants, ce qui signifie que les efforts pour promouvoir les droits économiques, sociaux et culturels doivent pleinement prendre en compte, et être pleinement compatibles avec, les droits civils et politiques. « Dans un sens négatif, ce principe signifie que les organismes internationaux doivent éviter soigneusement d'appuyer des projets qui supposent, par exemple, le recours au travail forcé, en violation des normes internationales, encouragent ou renforcent la discrimination à l'encontre d'individus ou de groupes, en violation des dispositions du Pacte, ou entraînent des expulsions ou déplacements massifs, sans mesures appropriées de protection et d'indemnisation. Dans un sens positif, il signifie que les organismes doivent, dans toute la mesure du possible, appuyer les projets et les méthodes qui contribuent non seulement à la croissance économique ou à la réalisation d'objectifs plus larges, mais également au plein exercice de la totalité des droits humains. »76

« Le deuxième principe général est que les activités de coopération pour le développement ne contribuent pas automatiquement à promouvoir le respect des droits économiques, sociaux et culturels. Un grand nombre d'activités entreprises au nom du « développement » se sont révélées par la suite mal conçues ou même néfastes du point de vue des droits humains. Pour que ces problèmes se posent moins souvent, il faudrait, dans la mesure du possible et selon les besoins, examiner en détail et soigneusement toute la série des questions faisant l'objet du Pacte. »77 Un autre point important pour comprendre le droit au développement est que dans ce processus, il n'y a pas que les « fins » qui comptent, il y a aussi les « moyens » utilisés pour parvenir aux résultats. Plus précisément, une partie de la valeur ajoutée de l'approche du développement fondée sur 75 Sixième rapport de l'expert indépendant sur le droit au développement, M. Sengupta, présenté conformément à la résolution de la Commission 2003/83 (E/CN.4/2004/WG.18/2), paragraphe 3 76 Comité des droits économiques, sociaux et culturels. Observation générale n° 2 : Les mesures internationales d'assistance technique (Art. 22 du Pacte) contenue dans le document E/1990/23, paragraphe 6. 77 Ibid paragraphe 7.

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les droits humains concerne « la question de savoir « comment » ces résultats sont obtenus, si les États parties ou d'autres agents responsables se sont acquittés de leurs obligations et si les procédures suivies sont conformes à la conception du développement axée sur les droits. »78 Cette approche suppose « une méthode respectueuse de la transparence, de l'obligation de rendre compte et des principes de participation et de non-discrimination - en veillant à ce que les décisions soient prises et les fruits ou les résultats du processus soient répartis d'une manière équitable. »79 La validité des «moyens » est une différence importante entre l'approche du développement fondée sur les droits humains et la réflexion sur le développement qui privilégie les résultats « sans tenir compte de la façon dont ils ont été obtenus. »80 Il est important aussi de noter que l'approche qui part du principe que le développement est un droit humain, « élargit la conception du développement axée sur les droits humains en faisant de tous les objectifs du développement humain consistant à assurer la fourniture des biens et des services requis, des droits appartenant aux individus. »81

En ce qui concerne les obligations ayant trait au droit au développement, il faut insister sur le fait que le droit au développement impose des obligations aux États – qui doivent garantir un accès égal et approprié aux ressources essentielles – et aussi à la communauté internationale – qui doit promouvoir des politiques de développement équitables et une coopération internationale effective. 82 Le devoir de faciliter et de garantir ce droit incombe à ceux auxquels s’adressent les revendications et qui doivent adopter et mettre en œuvre des politiques et des interventions conformes aux normes, règles et principes des droits humains.83

Enfin, il est important de préciser que s'appuyant sur l'article 8 de la Déclaration sur le droit au développement qui demande aux États de prendre « toutes les mesures nécessaires … pour assurer une participation active des femmes au processus de développement », l'expert indépendant sur le droit au développement, M. Argon Sengupta, traite des droits sexospécifiques et des droits des femmes. A de nombreuses reprises, il attire l’attention sur des questions comme celles de l’égalité entre les sexes, de la participation des associations féminines et de la santé des femmes. Il fait ressortir la nécessité d’indicateurs sexodifférenciés et sexospécifiques et de données ventilées par sexe, dont l’absence fait encore obstacle à

78 Quatrième rapport de l'expert indépendant sur le droit au développement, M. Sengupta, présenté conformément à la résolution de la Commission 2001/9 (E/CN.4/2002/WG.18/2), paragraphe 7. 79 Ibid paragraphe 4 80 PNUD, Rapport sur le développement humain 2000, New York, Oxford University Press, 2000, p. 22, cité dans le quatrième rapport de l'expert indépendant sur le droit au développement, M. Sengupta, présenté conformément à la résolution de la Commission 2001/9 (E/CN.4/2002/WG.18/2), paragraphe 7. 81 Quatrième rapport de l'expert indépendant sur le droit au développement, M. Sengupta, présenté conformément à la résolution de la Commission 2001/9 (E/CN.4/2002/WG.18/2), paragraphe 9. 82 http://www2.ohchr.org/english/issues/development/right/index.htm 83 Sixième rapport de l'expert indépendant sur le droit au développement, M. Sengupta, présenté conformément à la résolution de la Commission 2003/83 (E/CN.4/2004/WG.18/2), paragraphe 3.

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l’intégration de l’approche sexospécifique dans la promotion et la protection du droit au développement.84

La quatrième Conférence mondiale sur les femmes qui a eu lieu à Beijing, en 1995, constitue une référence à propos de la question de cibler l'aide internationale sur les femmes. Par exemple, dans le rapport final, il est suggéré des actions à entreprendre pour que l'équité de genre devienne une réalité : « Les institutions multilatérales de financement et de développement, notamment la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et les banques régionales de développement, ainsi que les donateurs bilatéraux et les fondations devraient : a) considérer l'augmentation des ressources consacrées à l’éducation et à la formation des filles et des femmes, comme une priorité dans les programmes d’assistance au développement ; b) envisager de collaborer avec les gouvernements bénéficiaires, afin de faire en sorte que les ressources allouées à l’éducation des femmes dans les programmes d’ajustement structurel et de relance économique, y compris les programmes de prêt et de stabilisation, soient maintenues ou augmentées. »85

Cependant, les ressources offertes par les donateurs en faveur de l'égalité homme-femme ont progressivement diminué depuis la Conférence mondiale sur les femmes de Beijing en 1995. En 2003, les programmes dont l'objectif principal était l'égalité homme-femme ne représentaient que 0,6% du montant net total de l'aide publique au développement (69 milliards de dollars). Sur les 8 milliards d'euros du budget externe annuel de l'Union Européenne, 8 millions seulement sont consacrés à l'amélioration de l'égalité entre les sexes.86

Comme l'a déclaré Stephen Marks, Président-Rapporteur du groupe de travail sur le droit au développement, 2008 pouvait être l'occasion d'approfondir le dialogue sur l'aide au développement, en particulier lors du troisième Forum de haut niveau sur l'efficacité de l'aide, à Accra, en septembre 2008. Dans le rapport de l'équipe spéciale de haut niveau sur la mise en œuvre du droit au développement (7-15 janvier 2008), il a présenté les principales conclusions des discussions avec de nombreux acteurs et une étude des liens entre la Déclaration de Paris sur l'efficacité de l'aide et le droit au développement.87 Au cours de la session, un consultant du groupe de travail a présenté un rapport88 soulignant les asymétries et les déséquilibres au profit des pays développés dans le processus. Pour lui, les principes de la Déclaration de Paris vont dans le sens des critères relatifs au droit au développement, mais les indicateurs correspondants ne sont pas en rapport stricto sensu avec les principes.

84 Intégration des droits fondamentaux des femmes et de l’approche sexospécifique. Prise en compte des droits fondamentaux des femmes dans tous les organismes du système des Nations Unies. Rapport du Secrétaire général (E/CN.4/2003/72), 21 janvier 2003, paragraphe 24. 85 DEVELOPMENT: 'Aid Must Budget for Women', Sabina Zaccaro. IPS. 86 http://ipsnews.net/news.asp?idnews=42820 87 A/HRC/8/WG.2/TF/2 88 Papier présenté par Roberto Bissio, consultant du groupe de travail. A/HRC/8/WG.2/TF/CRP.7

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Le représentant de l'Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE) a argué que la participation des pays en développement et des organisations de la société civile au processus de la Déclaration de Paris avait évolué et était bien institutionnalisée. De son côté, Le représentant de la Banque mondiale a dit que même si les droits humains n’étaient pas explicitement mentionnés dans la Déclaration de Paris, il y avait des synergies entre les principes de la Déclaration et les droits humains qui mettaient en relief leurs possibilités de renforcement mutuel. Il a aussi insisté sur l’importance de clarifier la valeur ajoutée sous l’angle des droits humains en termes empiriques et pratiques. Au cours du débat, il a aussi été fait référence à la nécessité d’une analyse coûts-avantages des principes de la Déclaration de Paris en matière d’harmonisation et d’alignement, aux conséquences pour les plus pauvres d’une décision de ne pas fournir une aide en matière de santé à cause de la capacité d’absorption insuffisante du pays bénéficiaire, et à l’impact de l’inégalité des rapports de force sur la réalisation du droit au développement. Quoi qu'il en soit, notre opinion est qu'il faut pousser plus loin et approfondir l'étude de cette question car il reste des zones d'ombre sur la façon dont la Déclaration de Paris va guider la mise en œuvre des principes des droits humains. Le droit humain à l'autodétermination

Le droit à l'autodétermination est une pierre angulaire du système juridique international et a été l'une des préoccupations majeures de la communauté internationale depuis la création de l'Organisation des Nations Unies en 1945, eu égard en particulier à des questions telles que l'indépendance, la non-ingérence et la démocratie. Comme nous l'avons déjà dit, le droit à l'autodétermination est une composante importante du droit au développement. L'article 1 de la Déclaration sur le droit au développement stipule que « Le droit humain au développement suppose aussi la pleine réalisation du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, qui comprend, sous réserve des dispositions pertinentes des deux Pactes internationaux relatifs aux droits humains, l'exercice de leur droit inaliénable à la pleine souveraineté sur toutes leurs richesses et leurs ressources naturelles » L'ICESCR stipule dans l'article 1 que « Tous les peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel. » Le Comité des droits économiques sociaux et culturels a expliqué que l'article 1 de l'ICESCR est libellé précisément dans les même termes que l'article 1 de l'instrument qui lui est apparenté, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques : « La disposition sur le droit des peuples de disposer d'eux-mêmes (autodétermination) qui est commune au deux articles premiers a une importance particulière car la réalisation de ce droit est une condition fondamentale de la garantie et du respect effectifs des

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droits de l'individu et est essentielle à l'adoption de mesures de protection des droits humains et au renforcement de ces mesures. »89

Il est aussi très important de considérer que le droit à l'autodétermination « a des dimensions aussi bien externes qu'internes et a donné lieu à controverse ces dernières années car il est de plus en plus revendiqué par des groupes à l'intérieur des pays, par opposition avec les anciennes colonies et les territoires occupés. »90 Sur ce point, certains auteurs considèrent que les pays ne se développeront que si leurs gouvernements définissent eux-mêmes leurs propres politiques, en engageant la responsabilité de leurs leaders politiques et en les soumettant à l'approbation de leurs citoyens.91 Comme l'a reconnu la Conférence des Nations Unies sur le Financement du développement (le Sommet de Monterrey de 2002), « Chaque pays est responsable au premier chef de son propre développement économique et social et le rôle des politiques et des stratégies de développement nationales ne saurait être sous-estimé. »92 La Commission pour l'Afrique a conclu en 2005 : « L'Histoire nous a montré que le développement ne peut être effectif, et ne l'est pas, si les politiques sont définies et mises en application par des étrangers ».93

La relation entre le droit développement et la coopération internationale

Avant tout, il est important de préciser que le devoir de coopération de la communauté internationale est fondé sur les articles 56 et 57 de la Charte des Nations Unies (qui a le statut juridique d’un instrument international).94 Selon l'article 3, paragraphe 3 de la Déclaration sur le droit au développement « Les États ont le devoir de coopérer les uns avec les autres pour assurer le développement et éliminer les obstacles au développement. Les États doivent exercer leurs droits et s'acquitter de leurs devoirs de façon à promouvoir un nouvel ordre économique international fondé sur l'égalité souveraine, l'interdépendance, l'intérêt commun et la coopération entre tous les États et à encourager le respect et la jouissance des droits humains. » Ceci avait aussi été réaffirmé par la Déclaration de Vienne de la Conférence mondiale sur les droits humains qui s'est tenue à Vienne en 1993. La Conférence de Vienne avait mis le droit au développement à son ordre du jour, et avait adopté la Déclaration de Vienne et le Programme d'action qui reconnaît que « la démocratie, le développement et le respect des droits humains et des libertés fondamentales sont interdépendants et se renforcent mutuellement. La Conférence mondiale a réaffirmé par consensus que le droit au développement est un droit universel et inaliénable qui fait partie intégrante des droits fondamentaux de la personne humaine ». Il y est déclaré aussi que « si le développement facilite la

89 Fiche d'information 16 Rev.1 sur le Comité des droits économiques, sociaux et culturels. 90 Ibid 91 Perdre les mauvaises habitudes, la Banque mondiale et le FMI attachent encore des conditions de politique économique à leur aide. Oxfam, novembre 2006. http://www.oxfam.org/fr/policy/briefingpapers/bp96_kicking_the_habit_061127 92 Nations Unies (2002) « Conférence internationale sur le financement du développement ». 93 Commission pour l'Afrique (2005) ‘Our Common Interest’, rapport (en anglais) de la Commission pour l'Afrique. 94 Tiré du rapport de l'Expert indépendant sur le droit au développement (A/55/306), paragraphe 11. Ce second rapport était initialement le document E/CN.4/2000/WG.18/CRP.1 préparé par l'Expert indépendant sur le droit au développement pour la session du groupe de travail, il a été par la suite publié à titre officiel par l'Assemblée Générale (A/55/306)

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jouissance de tous les droits humains, l'insuffisance de développement ne peut être invoquée pour justifier une limitation des droits humains internationalement reconnus ». 95

De plus, il est exigé des États, selon l'article 6 de la Déclaration sur le droit au développement de « prendre des mesures pour éliminer les obstacles au développement résultant du non-respect des droits civils et politiques, ainsi que des droits économiques, sociaux et culturels » car la réalisation, la promotion et la protection de ces droits sont essentiels à l'exercice du droit au développement dans la mesure où les droits humains et les libertés fondamentales sont indivisibles et interdépendants. Point le plus important, l'article 4 déclare de façon passablement catégorique que les États ont le devoir, séparément et collectivement, de formuler des politiques internationales de développement en vue de faciliter la pleine réalisation du droit au développement. Reconnaissant qu'il est indispensable d'agir de façon soutenue pour assurer un développement plus rapide des pays en développement, cet article déclare que « en complément des efforts que les pays en développement accomplissent, une assistance internationale efficace est essentielle pour donner à ces pays les moyens de soutenir un développement global ». La signification de cette disposition apparaît plus clairement si elle est lue conjointement avec l’article 2, selon lequel les États ont non seulement le devoir mais également le droit de formuler des politiques de développement national appropriées et les autres acteurs de la communauté internationale ont le devoir de faciliter ce processus. De toute évidence, dans un contexte de mondialisation et d’interdépendance accrue, les États à eux seuls n’ont pas toujours les moyens de formuler et d’appliquer des politiques dans ce sens sans la coopération des autres États et des institutions internationales.96

Les conditionnalités dans la coopération pour le développement du point de vue des droits humains

La question des conditionnalités dans la coopération pour le développement a été longuement débattue entre les États et au sein de la communauté des ONG et le débat reste ouvert. Comme l'écrit,97 M. Sengupta : « Bien que les grands pays industrialisés appliquent depuis les années 50 des politiques de coopération au service du développement et, en particulier, des programmes d'aide au développement, ils ont été réticents, jusqu'à une période très récente, à lier ces politiques à des normes en matière de droits humains (…) Tant les pays en développement bénéficiaires que les pays industrialisés donateurs se gardaient de toute référence aux problèmes des droits humains. Les premiers y voyaient un risque d'ingérence inutile dans leur souveraineté politique, et les seconds estimaient : a) que cela indisposerait inutilement les pays bénéficiaires ; b) que certains pays bénéficiaires, où il était dûment établi que les droits humains étaient violés, recevaient en fait l'aide au développement la plus importante parce qu'ils étaient des alliés des principaux pays donateurs et

95 http://www2.ohchr.org/english/issues/development/right/index.htm 96 Tiré du rapport de l'Expert indépendant sur le droit au développement (A/55/306), paragraphes 13 et 14. 97 Section « Droits humains et coopération pour le développement” dans le Quatrième rapport de l'Expert indépendant sur le droit au développement, M. Arjun Sengupta, présenté conformément à la résolution 2001/9 de la Commission (E/CN.4/2002/WG.18/2), paragraphes 46-55.

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que cette politique deviendrait difficile à justifier si les normes en matière de droits humains devraient être appliquées ; c) que les politiques de développement devraient être distinguées des problèmes des droits humains (qui devraient tout au plus servir à déterminer si les politiques et pratiques en question étaient compatibles avec les normes en matière de droits humains, mais sur lesquels ne devaient pas reposer les modèles de développement au risque d'accepter la légitimité des droits économiques, sociaux et culturels, ce à quoi la plupart des principaux donateurs n'étaient pas réellement prêts). »98 M. Sengupta reconnaît qu'au fil des années la situation a évolué car dans les pays industrialisés les mouvements de défense des droits humains ont fait pression pour que les problèmes des droits humains soient pris en compte dans les politiques d'aide au développement, et aussi car l'aide à certains pays a été suspendue en raison de leurs violations des droits humains. L'approche de la coopération au service du développement axée sur les droits humains, qui avait tendance à privilégier les projets ou les programmes spécifiques portant sur des problèmes précis du développement, s'était élargie aux politiques générales, mais il persistait une réticence à lier ces politiques aux droits humains, même pour celles qui visaient à satisfaire des besoins essentiels ou à éliminer la pauvreté absolue. La raison invoquée était qu'un tel lien pouvait être jugé incompatible avec la neutralité politique des organismes multilatéraux tels que la Banque mondiale ou le FMI, et donc préférence était donnée à des projets spécifiques visant à promouvoir des droits humains eux aussi spécifiques. Par la suite, les politiques de coopération au service du développement avaient commencé à intégrer l'approche axée sur les droits humains dans les programmes nationaux de développement, en combinant un ensemble de projets avec des politiques et des mécanismes sociaux, compte dûment tenu de leur interdépendance et de leurs objectifs globaux communs. L'élimination de la pauvreté avait été le principal objectif de développement pour lequel il était souligné l'importance d'une approche axée sur les droits humains et reposant sur le partenariat et l'autonomisation.99

98 Voir, comme recommandé dans le quatrième rapport de l'Expert indépendant, Katerina Tomasevski, Development Aid and Human Rights Revisited, Pinter Publisher, 1989, et les articles de Haan Thoolan, “From human rights projects to strategies: the search for coherence”, Philip Alston, “What’s in a name: does it really matter if development policies refer to goals, ideals or human rights?”, et Clarence Dias, “Mainstreaming human rights in development assistance: moving from projects to strategies” in Human Rights in Development Cooperation, ed. Henny Helmich en collaboration avec Elena Borghese, SIM Special No. 22, Netherlands Institute of Human Rights, Utrecht, 1998. 99 Sur ce sujet, Philip Alston a noté qu'en fait beaucoup de ces programmes adoptaient « une approche instrumentaliste des droits humains, au lieu de conférer à ceux-ci un caractère « d'engagement par rapport à une valeur préalable». La mise en œuvre des droits humains était jugée importante dans la mesure où elle pouvait contribuer à la réalisation d'objectifs de développement spécifiques. Mais si les politiques en matière de droits humains telles que reflétées dans le souci de la bonne gouvernance, de la transparence, de la responsabilité, de la non-discrimination et des partenariats susceptibles d'assurer l'habilitation étaient jugées importantes, sinon essentielles, pour la mise en œuvre des programmes de lutte contre la pauvreté, l'application des normes juridiques en matière de droits humains n'était pas considérée comme un objectif de politique générale » cité dans le quatrième rapport de l'Expert indépendant sur le droit au développement, M. Arjun Sengupta, présenté conformément à la résolution 2001/9 de la Commission (E/CN.4/2002/WG.18/2), paragraphe 50.

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Mais, M. Sengupta fait remarquer qu'il n'existe toujours pas de mécanismes permettant d'établir les obligations internationales et de définir les devoirs des différentes structures de la communauté internationale : « L'expérience acquise en matière de coopération internationale a montré, notamment, que la notion de conditionnalité unilatérale imposée à une partie, même si elle est en principe dans l'intérêt de celle-ci, fonctionne rarement et qu'il y est fait référence le plus souvent non parce qu'elle est respectée, mais parce qu'il y est dérogé. C'est ce qui a amené la communauté des donateurs à mettre en place des partenariats avec les pays bénéficiaires et à assurer la prise en main par ceux-ci des programmes liés à ces conditionnalités. Toutefois si, parallèlement à ces conditionnalités, les obligations incombant aux pays et organismes donateurs et à la communauté internationale en général ne sont pas spécifiées, le processus ne s'inscrira pas dans une approche axée sur les droits humains. »100 Il suggère que les programmes de mise en œuvre du droit au développement soient conçus de telle sorte que les conditionnalités représentant les obligations des pays en développement soient assorties de conditionnalités réciproques représentant les obligations de la communauté internationale. Il ajoute aussi qu'il n'existe pas de modèle unique pour réaliser le droit au développement et que quel que soit le modèle choisi, il doit faire l'objet d'un débat ouvert au niveau international et être adopté d'un commun accord. Il conclut son rapport en proposant un modèle de pacte pour le développement et ses caractéristiques opérationnelles qui a été par la suite étudié lors de réunions avec des hauts-fonctionnaires de certains des plus grands pays donateurs (le Département pour le développement international du Royaume Uni, le Département d'État des États-Unis, le gouvernement des Pays-Bas), et les organisations internationales concernées (OCDE, FMI, Banque mondiale).101

Malgré cet effort pour bâtir un modèle de programme de coopération pour le développement basé sur la « réciprocité des conditionnalités » en vertu du principe d'équité, la réalité présente est très éloignée de ce modèle. Les donateurs (autant les pays que les institutions financières) sont toujours réticents à accepter pour eux-mêmes quelconque type de conditionnalité, en revanche, ils sont toujours prêts à en imposer aux pays bénéficiaires. A notre sens, l'approche de la coopération pour le développement utilisant des conditionnalités n'est en aucune façon en adéquation avec la loi internationale sur les droits humains. Qui plus est, au risque de répéter ce qui est dit depuis le début, cette approche conduit au déni de beaucoup de droits humains et l'appellation « conditionalités sur les droits humains » est antinomique. De ce point de vue, la Déclaration sur le droit au développement est très claire : « la promotion, le respect et la jouissance de certains droits humains et libertés fondamentales ne sauraient justifier le déni d'autres droits humains et libertés fondamentales ».102

100 Quatrième rapport de l'expert indépendant sur le droit au développement, M. Sengupta, présenté conformément à la résolution de la Commission 2001/9 (E/CN.4/2002/WG.18/2), paragraphes 52-54. 101 On trouvera la liste des réunions qui ont eu lieu durant cette mission et le résumé des discussions dans : E/CN.4/2002/WG.18/2/Add.1, Quatrième rapport de l'expert indépendant sur le droit au développement, M. Sengupta, présenté conformément à la résolution de la Commission 2001/9. Mission auprès de l'OCDE, du Royaume Uni et de l'Irlande du Nord, du FMI, de la Banque mondiale, des États-Unis et des Pays-Bas. 102 Préambule de la Déclaration sur le droit au développement, paragraphe 10.

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Ni l'efficacité, ni même l'idée de « favoriser » le respect des droits humains ne peuvent justifier les conditionnalités. Il n'y a aucune justification à imposer des conditionnalités qui mettent en péril et/ ou affectent le droit à l'autodétermination ou d'autres droits (comme le droit à l'accès à l'information, le droit à la consultation ou le droit à la participation), même si le but de ces conditionnalités est de faire pression sur les gouvernements pour qu'ils s'acquittent de leurs devoirs en matière de droits humains. D'après l'article 2 de l'ICESCR, le caractère approprié des moyens que les États parties doivent utiliser pour s'acquitter de leurs obligations en matières de droits humains, est essentiel. Cet article stipule que « Chacun des États parties au présent Pacte s'engage à agir, tant par son effort propre que par l'assistance et la coopération internationales, notamment sur les plans économique et technique, au maximum de ses ressources disponibles, en vue d'assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le présent Pacte par tous les moyens appropriés, y compris en particulier l'adoption de mesures législatives »103

En aucune façon, les conditionnalités ne peuvent être considérées comme « des moyens appropriés ». Nous pouvons donc affirmer que les conditionnalités imposées par l'aide et la coopération internationales sont incompatibles avec l'approche axée sur les droits humains. A notre sens, l'accomplissement des obligations de l'Etat de respecter, protéger et réaliser les droits humains doit être étayé par les mécanismes existants du système des droits humains des Nations Unies, plutôt qu'en créant des mécanismes bilatéraux ou parallèles au travers de conditionnalités imposées par les institutions ou les pays donateurs. La conclusion du rapport de 2004 de Reality of Aid est que l'interprétation des donateurs de l'OCDE de la bonne gouvernance et des droits humains est du type « Alice aux pays des merveilles » — c'est-à-dire que le sens de ces mots est celui que les pays de l'OCDE veulent bien leur donner. Ce rapport constitue une critique sévère de la façon dont les pays donateurs ont traité la question de la gouvernabilité. Pour les pays donateurs, le respect des droits humains est l'une des dimensions obligatoires des « bons gouvernements ». Mais, nombreux sont ceux du Sud, en particulier les auteurs de « The Reality of Aid 2004 », qui se demandent si ces impératifs de «bonne gouvernance » des donateurs, que l'on désigne maintenant sous le nom de « Consensus post-Washington », ne sont ni plus ni moins que le « relookage » des programmes d'ajustement structurel, fortement contestés dans beaucoup des pays auxquels ils ont été imposés dans les années 80 et 90, agrémentés d'une prétendue face humaine pour donner la preuve de « l'appropriation par le pays ».104

D'autres idées ou recommandations sur ce sujet ont été étudiées par l'équipe de haut niveau pour l'application du droit au développement, mise en place par le Groupe de travail sur le Droit au développement.105 Dans le document « International Human Rights Law as an Assessment Instrument

103 ICESCR, article 2, paragraphe 1. 104 Reality of Aid 2004, An Independent Review of Poverty Reduction and Development Assistance 105 L'équipe de haut niveau pour l'application du droit au développement a été constituée conformément à la résolution 2004/7 de la Commission des droits humains, http://www2.ohchr.org/english/issues/development/taskforce.htm

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(La loi internationale sur les droits humains, un outil d'évaluation) »,106 il est expliqué que pour que le partenariat pour le développement de l'Objectif du Millénaire pour le développement n° 8 ait plus d'applications dans la pratique et que celles puissent être évaluées, il faut qu'il soit opérationnalisé par des contrats ou des accords de développement multilatéraux et/ou bilatéraux. Dans ce contexte, la loi internationale sur les droits humains peut et doit avoir un rôle important en étant, d'abord et avant tout, la loi qui protège la partie contractante la plus faible. La loi internationale sur les droits humains restreindrait la liberté dans les passations de contrats des pays du Nord et des organisations internationales, dans la mesure où ils ne seraient pas autorisés à imposer des conditions contraires à la loi internationale sur les droits humains. En même temps, cette loi internationale restreindrait aussi la liberté dans les passations de contrats des pays en développement, dans la mesure où ils ne pourraient pas accepter des obligations contractuelles qui lui soient contraires. Ensuite, la loi internationale sur les droits humains peut aussi être la référence en matière de normes pour les contrats de développement, ce qui garantirait que ces contrats sont des instruments favorisant le développement humain plutôt que la seule croissance économique.

106 Wouter Vandenhole. Senior Researcher, Center for Transboundary Legal Development, Tilburg University (The Netherlands); Research Fellow, Institute for Human Rights, Catholic University of Leuven (Belgium). “A Partnership for Development: International Human Rights Law as an Assessment Instrument”. http://www2.ohchr.org/english/issues/development/docs/vandenhole.doc

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Statement of the Women’s Consultation on

Financing for Development Church Center, New York, June 16-17 2008

Formal Submission to the Financing for Development Review Process

Preamble 1. In 2002, heads of State and Government gathered in Monterrey, Mexico and adopted a set of actions addressing the inter-connected challenges of financing for development around the world, particularly in developing countries. These agreements known as the Monterrey Consensus had the aim of mobilizing increased and predictable resources toward achieving the internationally agreed development goals, including the Millennium Development Goals (MDG). The review of the Monterrey Consensus takes place this year amidst evidence showing that women’s empowerment and welfare indicators are the weakest among the MDG targets. Moreover, gender equality which is now widely regarded in official circles as a cross-cutting issue suffers from a lack of conceptual clarity and clear monitorable targets which exacerbates what has been a persistent gap between official rhetoric and action. 2. Much more needs to happen to address the national, international and systemic challenges of financing development spawned by an environment of intensified and unregulated trade and financial liberalization processes that often bear unpredictable negative consequences for productivity, growth, employment, poverty eradication and income distribution goals. The current financial, food and climate change crises are stark realities in a volatile environment marked by confusing market competition processes. A gender analysis raises further questions on the connection of these trends and volatilities to (a) women’s wages, employment and unpaid labor, (b) state of social reproductive and social protection capacities, resources and services, and (c) within-country and within-household sharing of financial risks and shocks. Gender inequality is embedded in asymmetrical social structures and systemic processes that underpin the uneven spread of financial risks and widening economic disparities which are experienced most acutely by those most disadvantaged especially women. For example, empirical evidence show that women in developing countries who work for very low wages in the large informal sector also carry a disproportionate share of financial risks as household finance managers in a context where there is inadequate or non-existent publicly provided social welfare and protection for the poor. 3. This set of proposals that substantively address women’s inter-linking concerns in the Monterrey Consensus was discussed and adopted at a women’s consultation meeting convened by the Women’s Working Group on Financing for Development in New York on June 16 and 17 2008. The women’s consultation, attended by 50 women and men was supported by

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UNIFEM and the Financing for Development Office in DESA as well as benefited from intensive interaction and collaboration with the larger Doha NGO Group of Networks, a process that enabled women’s issues and gender equality concerns to be recognized by a larger constituency. Thus, our proposals align with but also enhance several key recommendations found in the draft Civil Society Key Recommendations for the Doha Draft Outcome Document. Key Recommendations for Forward Actions

Chapter 1: Domestic Resource Mobilization The Monterrey Consensus highlighted domestic resource mobilization, both public and private, as the principal source of financing for development. It called for an enabling national environment where macroeconomic policies and regulatory frameworks that support growth, employment, poverty eradication, redistribution, equality and human development coexist in interaction with participatory and accountable governance systems and processes. Central in this commitment is the issue of domestic policy space and how the international institutional environment supports or undermines the capacity of national governments to achieve development.

1. Promote Participatory and Gender Responsive Budgets The greater allocation of domestic resources toward gender equality is critical to achieving MDG3 and signals a country’s commitment to gender equality and good governance through investments of their own resources. The Monterrey Consensus had already stressed the critical need for reinforcing national efforts in building capacity for gender budget policies and practice while the 2005 High Level Dialogue emphasized that domestic resource mobilization should encourage gender-responsive budgeting to ensure that relevant commitments to gender equality, poverty eradication and social welfare and protection are resourced. To be efficient effective and accountable, Public Finance Management systems and practices need to be supportive rather than undermining of participatory and gender responsive budgeting. Toward this end, resources should be allocated for the following:

(1) training of government bureaucrats on the use of participatory and gender responsive budgets;

(2) collection and utilization of gender disaggregated data, including time-use surveys that measure women’s unpaid work and its contribution to the national economy to make visible women’s actual economic contribution and gender-responsive poverty measure in the National Accounts System (ECLAC Quito Consensus 2007); and

(3) meaningful and regular participation of women’s rights advocacy groups and representatives of civil society in participatory and gender responsive budget processes.

Gender budget practices may also be applied to the planning and implementation of ODA funded projects and programs both on the part of donor and recipient countries.

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2. Strengthen the national commitment to and enforcement of Decent Work National enforcement of policies and regulation that promote decent work is a strategy that simultaneously responds to poverty reduction, gender equality and equitable growth. It promotes good governance and the rule of law by ensuring that the rights of a large majority of citizens (workers) such as their right to a living wage and collective bargaining processes are protected by law. Related to this, we welcome a recent report that criticized the World Bank’s Annual Doing Business Report which ranks countries on whether or not they have a favorable business environment, and that gives low rankings to countries attempting to promote the decent work principles. Policies to create decent work should fully account for rapid changes in labor markets and opportunities as governments begin to put in place the necessary adjustments toward a properly sequenced and managed trade liberalization that enhances rather than weaken domestic productive capacity. Efforts are needed to immediately reach the large numbers of women in Export Processing Zones and in informal work. We recommend special attention be given to women workers in the following aspects:

(1) need for quality jobs for women workers; (2) training that improves women’s options across different sectors of

the labor market; (3) access to finance for women entrepreneurs, especially in small and

medium enterprises; (4) provision of health insurance including access to reproductive health

care services; (5) provision of maternity benefits and access to affordable child care,

and (6) protecting the rights of women workers to self-organization and self-

representation in social dialogues. 3. Utilize progressive and fair taxation schemes including tax rebates and tax relief for the poor and women Progressive tax regimes can optimize revenues, while easing the income disparities that have marked growth in many countries (UNIFEM 2007). In this light we support progressive fair and efficient taxation, including taxation of transnational corporations, addressing more forcefully the problem of tax evasion and tax havens, and strengthening world-wide tax cooperation and setting up an International Tax Organization, all of which have been proposed and endorsed widely by CSOs and citizens’ groups. In addition, we recommend the following additional tax measures:

(1) tax rebates to women in recognition of their contribution to the society, their historical discrimination in land ownership as well as their unequal sharing of family responsibilities;

(2) tax relief for the poor and for single household heads a majority of whom are women who either care for the very old or the very young.

Chapter 2: Foreign Direct Investments and Private Capital Flows

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The Monterrey Consensus for the most part valorized the increase in the volume of private and public capital flows to developing countries, the changing composition and the differentiated impacts of various kinds of capital flows, as well as, their changing geography. While largely recognizing the opportunities for financing development from these kinds of flows, governments also acknowledged in a preliminary and generalized way the need to “mitigate the impact of excessive volatility of short-term capital flows are important and must be considered. Given each country’s varying degree of national capacity, managing national external debt profiles, paying careful attention to currency and liquidity risk, strengthening prudential regulations and supervision of all financial institutions, including highly leveraged institutions, liberalizing capital flows in an orderly and well sequenced process consistent with development objectives, and implementation, on a progressive and voluntary basis, of codes and standards agreed internationally….” (Monterrey Consensus, para 25). We join in the effort by our colleagues in civil society in putting forward the call for a multilateral mechanism that would subject investors and transnational corporations to more lawfully binding norms and standards. In the meantime, investor behavior continues to pose problems to developing country governments that have difficulty dealing with the effects of wage competition and the global tax race to the bottom. In a situation of liberalized financial markets that continue to exhibit tendencies toward crisis, these governments need to deal with an increasingly riskier environment as they seek opportunities for sourcing finances for development through private capital flows while ensuring stability of growth for their economies. Given the current context of yet another financial crisis, the time to act is now. The present financial turmoil showed that existing national regulatory mechanisms even within developed countries as well as international economic surveillance and information exchange systems are inadequate and unable to respond to the increased emergent risk-taking practices of banks and other non-bank financial institutions and to the growing speculative behavior of investors and traders in an environment of increasing volatility and risks. Financial crises have employment and earnings effects, as well as indirect effects on welfare and poverty reduction that ultimately reach women and men differentially, with women who are care providers often taking on the burden of risk sharing and adjustment in the household. In the spirit of supporting the call for binding norms for transnational corporations in the United Nations, we propose the joint recommendations, as follows: 1. Convene within the United Nations and at the soonest possible time, an inter-governmental meeting addressed to how governments can efficiently and in an effective way manage their competition for FDI and other capital flows.

2. Strengthen at the national sphere the rule of law and citizen’s access to information and the legal system in order to compel investors and traders to behave as “good citizens”.

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Chapter 3: Trade

The framework of rapid and intensified trade liberalization that is espoused by the World Trade Organization and which is driving some regional and bilateral free trade agreements has been criticized for its anti-development elements. Trade is not an end in itself – it must serve pro-people and inclusive development, the realization of human rights and the right to development for all, and the achievement of a caring economy and environmental sustainability. A gender perspective of trade is a holistic one, supportive of the broader framework of international conventions and multilateral commitment for the common good. Trade affects gender equality through employment and income opportunities or losses, as well as shifts in the costs of basic goods and services. There is as yet no mechanism to monitor the extent to which current trade policies have worked to reduce gender inequalities, but trade liberalization, which is normally accompanied by lower revenue collection from tariffs, can slow investments in public services and shift tax burdens towards labor in ways that limit women’s productivity. Some industries favored by trade improve women’s employment prospects as a general principle, but others, including some high-tech sectors that offer better wages, may not benefit women because of persistent gender biases that reduce women’s chances of cultivating appropriate skills. This is seen in the widely criticized practice of export oriented industries of regarding women as low-cost inputs into production (UNIFEM 2007).

1. Actively apply special and differential treatment and less-than-full reciprocity as principles for trade negotiations. In the current trade liberalization climate, countries are unable to protect their industries some of which had traditionally produced incomes and supplied affordable basic services for women. Particularly in the area of food and agriculture, women are the majority producers of the world’s staple crops. As small producers, they lack access to land, markets, credit, and other inputs. This could be remedied through targeted domestic support for small producers. As countries grow in their ability to integrate into the global economy, the international environment must support their newly emerging capacities. All international trade agreements should make allowances for countries to address varying national development circumstances. Policy options might include the identification of specific industries for support; the encouragement of foreign direct investment that supports development targets; some amount of trade protection through reasonable tariffs and related measures that help domestic producers develop their capacities; and the upgrading of skills and technology so that a country’s competitive advantage is not based solely on low-cost labor and other inputs, but also on technological and human development (UNIFEM 2007).

2. Support and strengthen women’s meaningful involvement in multi-stakeholder oversight processes and mechanisms related to trade agreements and reforms at all levels.

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Women are consistently not involved in a meaningful way in trade negotiations processes nor is a gender perspective included in the analysis and understanding of the potential impacts of trade agreements and trade-related adjustments. Civil society and parliamentary oversight must be incorporated into regular trade impact reviews at all levels o that there could be monitoring of the social and gender impacts of trade. The effort to draw up a list of indicators that are sensitive to uncovering contradictions in relation to social targets and commitments in trade must also be funded and supported.

Chapter 4: International Financial and Technical Cooperation Although the overall share of ODA in the financing landscape is smaller than private financial flows and trade, in poorer countries, ODA is essential for achieving the internationally agreed development goals, the MDGs included. There is recognition that aid flows are highly volatile and threatens the continuity of development programs, for instance, on gender equality. It is in this light that we welcome the emergence of South-South Cooperation and other innovative sources of financing for development. Recognizing that donors allocate ODA when they fund specific projects, and recipient governments determine the allocation of donor financing given as direct budgetary support or sector support, we recommend to: 1. Ensure additionality and predictability of aid flows Women worldwide are the most affected by poverty and structural adjustment programs, with the privatization of education and health services and of other resources & services essential to social reproduction having a more severe impact on women. Projects that support women’s empowerment suffer a shortage of funds and must be strengthened if progress is to be made. Moreover, gender and social transformation takes place over a long period of time and must receive sustained support to become possible. This is true not only of developing countries where aid flows are highly concentrated in but also of certain sectors and regions within middle income countries which must also be reached by traditional and new donors. With this in sight, donor governments must immediately meet its pledge of 0.7% of their GNP as official development assistance to developing countries. In addition, donors and recipients should scale up the share of ODA for gender equality and women’s empowerment to reach 10% by 2010 and 20% by 2015, ensuring that there are year-to-year increases by some agreed upon level. They should avoid ODA distorting practices such as inflating their ODA statistics by arbitrarily including various types of costs or shuffling funds from an old to a new item without any real topping up of finances or counting debt relief as part of ODA. As well, the increase in ODA should not lead to a cycle of debt for the recipient country. Rather the major increase in ODA should be felt in the grants component of aid rather than in the loan component.

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2. Remove conditionalities and strengthen mutual responsibility, accountability and transparency of donors and recipient countries ODA must not be used to exercise power over recipient countries through the use among others of conditionalities. Neither should ODA be linked to trade negotiations. Instead, ODA must be used to develop the capacity of the recipient country’s economy to generate and mobilize its own resources, to promote development while reducing structural inequalities including gender inequality. In short, ODA should be a contribution that truly supports national economic and social development within a framework of a vibrant and robust democratic society and transparent and accountable governments propelled by their own empowered political actors. To ensure that the benefits of additional financing benefit gender equality, social justice, and inclusion, ODA processes must uphold the mutual responsibility and obligations of governments to fulfill the internationally agreed development norms, goals, targets and actions which have been identified in the Beijing Platform for Action, Convention on the Elimination of All Forms of Discrimination Against Women, International Convention on Population and Development, Education For All, among others, without resorting to impositions and conditionalities within the narrow framework of aid giving. Mutual accountability should ensure equal partnership between donors and recipients and facilitate governments of both donor and recipient countries to be accountable to various publics, women included. Negotiations on ODA must country-driven rather than donor-driven, and should be democratic and inclusive in its processes and practices, as well as, subject to a multilateral and multi-stakeholder review forum such as the ECOSOC’s Development Cooperation Forum. 3. Develop gender-sensitive indicators, tools and methodologies for the evaluation of the quality and development effectiveness of aid In support of mutual responsibility and accountability for gender equality on the part of both donors and recipients, monitoring and evaluative tools and methodologies need to be developed to assess the extent to which aid allocations address or do not address the achievement of redistributive, social and gender goals. The categorization of gender, along with human rights and environmental sustainability, as cross cutting issues have led to difficulty in tracking outcomes within basket funds and sector-wide programming. The development of gender-informed tools and methodologies must be carried out in a participatory process and should involve both traditional and emerging donors and across several aid modalities. Moreover such exercise should take place across all levels, with resources being allocated to enable women’s rights advocates meaningfully participate in national, regional and international processes. The United Nations system in particular its various agencies and entities charged with the promotion of women’s rights and gender equality must be the location of this process at the multilateral sphere.

Chapter 5: Debt The inclusion of debt into the Monterrey Consensus provided an opportunity for the international community to commit to new principles related to the

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long-time problem of debt burden among developing countries. Nevertheless, the concrete agreements centered on a limited debt write-off mechanisms through the HIPC whose underlying weakness may be found in the unbalanced emphasis on financing and on required policy conditionalities rather than on the development dimension of external debt. 1. Undertake a more critical round of review and redefinition of the Debt Sustainability Framework that should involve not only national governments but also civil society including women’s rights organizations Current strategies for debt relief are only oriented to resolve fiscal and financial and not development problems. Most countries are still suffering from the huge burden of debts and the impact of losing much needed resources to debt service. There is an urgent need to expand and deepen debt cancellation to cover not only low income countries and middle income countries burdened with debt. The revised Debt Sustainability Framework must be a framework that gives centrality to human development goals and human rights, which includes gender equality and women’s empowerment. 2. Loans and debt cancellation must be de-linked from conditionalities Policy conditionalities that have accompanied loans as well as debt cancellation programs (ex HIPC) have had negative effects on women, the poor and marginalized, livelihoods and economies, and on the environment. The impacts of these conditionalities negate the positive outcomes of debt cancellation. Donors must not unilaterally determine where to use funds freed from debt cancellation, such as, for instance, to support gender equality programs. A transparent, accountable and democratic process of deciding on where to utilize the funds must include in-country CSOs throughout the whole process, women’s rights organizations included. Such a process, at the same time, obligates financial transactions to recognize and uphold the mutual responsibility and obligations of governments to protect human rights, ensure gender equality and women’s empowerment, and promote environmental sustainability. 3. In the UN, a political dialogue must be initiated to deal with the question of odious / illegitimate debts. There is growing recognition of the problem of odious and illegitimate debt, the shared responsibility of lenders and borrowers in the emergence and perpetuation of this problem, and the justness of the call to cancel odious and illegitimate debts. Norway has led the way when it cancelled debt that it recognized as illegitimate. This had been followed by other initiatives such as the World Bank Roundtable and UNDP discussions on illegitimate debt as well as UNCTAD’s paper on illegitimate debt. Comprehensive country debt audits are encouraged to address among others the question of illegitimacy of debt. There is also need to develop a common platform for Principled and Responsible Financing to be upheld by both lenders and borrowers.

Chapter 6: Systemic Issues

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Gender disparities reflect and are related to the structural imbalances in the global economic system, which are expressed as the development gaps between North and South, the marginalization of groups of peoples from core growth processes and their low levels of participation and decision-making in global economic governance. Addressing these inequities is an important step towards responding to the needs of people, women and men, on the ground. The framework for enhancing the coherence and consistency of the international monetary, financial and trading systems in support of development requires a commitment to bringing into the rubric of the United Nations entities such as the Basel Committee where developing countries are not represented but whose actions and decisions have an impact on financial markets, as well as, to prioritizing the promotion of social objectives and policies over narrow financial objectives. Toward this end, we recommend: 1. Continue to ensure that FFD follow-up mechanisms, consultative processes, and opportunities for technical inputs in all of its multi-stakeholder arenas are effective spaces for consistent and regular inputs on gender equality by women’s rights organizations and networks and gender equality experts. Global instability and financial crises have a disproportionately negative impact on women, hence, the need to prevent and manage the occurrence of crises informed by gender analysis. The FFD’s multi-stakeholder approach is uniquely situated to bring in women’s organizations and networks and gender experts for the identification of innovative policy approaches and solutions that explicitly address the gender dimensions of macroeconomic and exchange rate coordination (especially of large economies), the development of financial codes and standards, and the regulation of private sector activities. Discussions can also include exploration and development of mechanisms to collectively provide resources for programs and institutions (including national women’s machineries) that meet social objectives and gender equality. Strengthening the institutional links and arrangements within the UN system to support women and women’s organizations in all levels of planning, monitoring and evaluation of development processes at the national and international settings is needed to bolster the implementation of commitments under the Monterrey Consensus (para. 4 and para. 64). Coherence and consistency is also needed between the Monterrey Consensus and the Beijing Platform for Action. The FFD’s multi-stakeholder approach and strong participation from civil society including women’s rights organizations and networks may be replicated elsewhere in the UN system. For instance, the Development Cooperation Forum which is a multi-stakeholder platform with a more flexible agenda may be used for more frequent information exchange on best practices and dialogue for peer learning and that can provide the boost for the exploration of new approaches on participatory and gender-sensitive international, regional, and national economic governance mechanisms.

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As such, all UN entities on gender equality and women’s empowerment should strengthen their capacity to link with issues and areas not traditionally identified with gender equality. Efforts should not remain small and sporadic. This will open up new thinking and strategies on promoting gender equality and women’s empowerment in the context of building new consensuses around development and global governance within the United Nations system.

Chapter 7: Emerging Issues

1. Financing to address the food and climate crises should not be in the form of loans. The food energy and climate crises render peoples of the South, and women who dominate the food sector, more vulnerable to the accumulation of new loans. Governments should not offer or enter into loan-financing for seed purchases and similar food and agriculture programs, or loan-financing of climate mitigation and adaptation mechanisms. Staying Engaged for Gender Equality The Women’s Working Group on the FfD commits itself to keep fully engaged in all follow-up processes and to build bridges between commitments and actions on development, trade, finance, debt and systemic issues and women’s rights and gender equality commitment and goals which are consistent with the holistic agenda of the Monterrey Consensus. Engendering the financing for development process cannot be realized without a holistic approach that looks at the inter-connections among trade and finance in all its different form – aid, investment, debt and domestic savings.

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Le temps est venu d’agir.

Intervention du Groupe de travail des femmes

sur le financement pour le développement Par Josefa ”Gigi” Francisco (DAWN)

Ce chapitre est une adaptation de la présentation de Josefa « Gigi » Francisco (DAWN) à l’Audience des organisations de la société civile sur le financement pour le développement (FpD), organisée par les Nations Unies le 18 juin 2008 à New York. Ces recommandations englobent les préoccupations communes des femmes dans le Consensus de Monterrey ont été élaborées et adoptées lors d’une réunion consultative des femmes convenue par le Groupe de travail des femmes sur le financement pour le développement à New York le 16 et le 17 juin 2008. Nos propositions recoupent et complètent les recommandations clés de la société civile pour la Déclaration de Doha.

La Consultation des Femmes sur le financement pour le développement (Women’s Consultation on Financing for Development) a exprimé que l’on doit faire beaucoup plus que simplement aborder les problèmes de financement du développement aux niveaux national, international et systémique; problèmes qui sont engendrés par une libéralisation intensifiée et une absence de réglementation du commerce. Ces phénomènes ont souvent des impacts négatifs et imprévisibles sur la productivité, la croissance économique, l’emploi, l’éradication de la pauvreté et les objectifs en matière de redistribution de revenus. Les crises actuelles financière, alimentaire et climatique sont les réalités bien dures d’un environnement économique instable.

Une analyse sexospécifique pose encore plus de questions quant à l’impact de ces facteurs sur : (a) le salaire, les conditions d’emploi et le travail non rémunéré des femmes. Des données empiriques montrent que les femmes des pays en voie de développement, dont le revenu est très faible, et qui font partie de l’économie parallèle, sont disproportionnellement vulnérables financièrement. On attribue cela au fait qu’elles sont les gestionnaires des finances du foyer dans un contexte où l’aide sociale publique et la protection des démunis sont inadéquates ou inexistantes. (b) les capacités, les ressources et les services de reproduction sociale et de protection sociale. Les femmes partout dans le monde sont les plus affectées par la pauvreté et par les ajustements structuraux avec par la privatisation de l’éducation et des services de santé, ainsi que la privatisation d’autres ressources et de services essentiels à la reproduction sociale. Ces phénomènes touchent plus particulièrement les femmes, et les projets favorisant l’autonomisation des femmes souffrent d’un manque de

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financement. Il faut renforcer ces programmes pour parvenir au progrès. D’autant plus que les transformations de genre et les transformations sociales sont lentes et requièrent un travail soutenu. (c) le partage des risques et des coups financiers au sein d’un même pays et d’une même famille. Les crises financières ont des conséquences directes sur les conditions de travail et les salaires, ainsi que des conséquences indirectes sur l’aide sociale et la réduction de la pauvreté. En fin de compte, les femmes et les hommes s’en trouvent différemment affectés puisque les femmes sont les principales pourvoyeuses de soins et elles assument le gros du risque financier dans la famille. L’inégalité de genre est un véritable pilier sur lequel repose une structure sociale asymétrique et les processus systémiques sous-jacents à la répartition inégale des risques financiers et à l’élargissement du gouffre entre les riches et les pauvres. Les plus vulnérables, dans le contexte de ces phénomènes, demeurent toujours les femmes. Par exemple, des données empiriques montrent que les femmes des pays en voie de développement, dont le revenu est très faible, et qui font partie de l’économie parallèle, sont disproportionnellement vulnérables financièrement. On attribue cela au fait qu’elles sont les gestionnaires des finances du foyer dans un contexte où l’aide sociale publique et la protection des démunis sont inadéquates ou inexistantes. En guise de conclusion, la consultation des femmes s’est engagée envers le processus de FpD, en particulier avec l’espoir qu’une approche à intervenants multiples et qu’une participation active de la société civile (comme les organisations et les réseaux travaillant pour les droits des femmes) soient adoptées quelque part dans à l’ONU. En outre, nous recommandons avec insistance à toutes les agences de l’ONU responsables de l’égalité de genre et de l’autonomisation des femmes qu’il serait fort utile de prendre en charge les problèmes et les domaines n’appartenant pas traditionnellement à leur mandat. Cela ne pourra que générer de nouvelles idées et de nouvelles stratégies pour la parité des sexes et l’autonomisation des femmes. Étant donné les contraintes de temps, permettez-moi de me concentrer sur certains faits saillants de trois domaines.

Dans le Chapitre 1 : Domestic Resource Mobilization (« La mobilisation des ressources domestiques »), nous reconnaissons le fait que le Consensus de Monterrey donne la priorité à la mobilisation des ressources nationales, autant au public qu’au privé, comme principale source de financement pour le développement. Au cœur de ce phénomène se trouve la question d’autonomie des pays par rapport à leur politique domestique : l’environnement institutionnel international soutient-il ou entrave-t-il la capacité des gouvernements nationaux à atteindre leurs objectifs en matière de développement? Nos recommandations dans cette section incluent : 1. Favoriser un budget participatif et sexospécifique. 2. Renforcer l’engagement national envers le rapport Un travail décent 3. Employer un système de taxe progressif et juste, avec, entre autres, des

remboursements et des allègements de taxe pour les pauvres et les femmes.

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Dans le Chapitre 2 : Foreign Direct Investments and Private Capital Flows (« Investissement étranger direct et flux de capitaux privés »), nos recommandations conjointes principales sont les suivantes :

6. Appeler, au sein de l’ONU, le plus rapidement possible, une rencontre intergouvernementale au sujet des moyens que pourraient prendre les gouvernements pour gérer plus efficacement la compétition pour l’investissement étranger direct (IED) et pour les autres sources de capital.

7. Renforcer, au niveau national, l’application de la loi et de l’accès à l’information et le système légal afin de contraindre les investisseurs et les négociateurs à se comporter en « bon citoyen ».

Nous nous joignons à l’effort de nos collègues de la société civile en demandant la création d’un système multilatéral qui contraindrait les investisseurs et les multinationales à respecter les droits humains. Entretemps, le comportement des investisseurs continue de poser problème aux pays en voie de développement qui ont peine à gérer les effets de la compétition des salaires et de la chute libre des taxes du monde entier. Dans un contexte de marchés financiers libéralisés menaçant d’éclater en crise, les gouvernements doivent gérer des risques grandissants alors qu’ils recherchent du financement pour le développement auprès des sources de capital privé. Il est d’autant plus difficile, pour ces gouvernements, dans ce contexte, d’assurer la stabilité de croissance de leur économie. La présente crise financière montre que les mécanismes actuels nationaux de régulation, des pays en voie de développement comme de la surveillance économique internationale et des systèmes d’échange d’information, sont inadéquats et incapables de contrôler l’augmentation émergente des pratiques risquées des banques et des autres institutions financières. Elles ne sont pas non plus capables de contrôler le comportement de plus en plus spéculatif des investisseurs et des négocieurs, ni l’environnement, de plus en plus instable et risqué. Le temps est maintenant venu de discuter. Finalement, dans le Chapter 4: International Financial and Technical Cooperation (« la coopération internationale, financière et technique»), nous sommes d’accord avec le consensus mondiale que les flux d’aide au développement sont hautement instables et qu’ils menacent la longévité des programmes de développement – dans le domaine de l’égalité de genre, entre autres. C’est dans ce contexte que nous accueillons chaleureusement l’émergence de la coopération sud-sud et d'autres sources de financement novatrices en développement. Il s’agit d’heureux dénouements pour notre préoccupation sur l’additionnalité et ils pourraient augmenter la prédictibilité des flux d’aide envers les objectifs de développement fixés par la communauté internationale. Les gouvernements se sont mis d’accord pour allouer 0.7% de leur revenu national à l’aide au développement dans le Consensus de Monterrey. Cependant, quelques pays seulement ont atteint leur but. Nous n’avons pas seulement besoin de mécanismes plus efficaces pour assurer l’aide; nous avons aussi besoin de plus de ressources.

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Une demande clé est d’éliminer les conditionnalités en ce qui concerne l’égalité de genre et les autres soi-disant « conditionnalités positives ». Il faut plutôt renforcer la responsabilité mutuelle, la reddition de compte et la transparence des pays donateurs et récipiendaires. L’APD devrait pouvoir soutenir le développement économique national et social dans le cadre d’une société dont la démocratie est vibrante et robuste et dont les gouvernements sont transparents et tenus responsables. Les acteurs politiques de ces gouvernements devraient être autonomisés et devraient être les agents propulseurs de leur pays. Pour assurer que le financement additionnel soit investi dans l’égalité des sexes, dans la justice sociale et dans l’inclusion sociale, les processus de l’APD doivent maintenir la responsabilité mutuelle et les obligations des gouvernements de respecter les normes, objectifs, buts et actions établis par la communauté internationale lors du programme d’action de Beijing et lors d’autres accords internationaux tels que les instruments internationaux de droit humain. Les négociations de l’APD devraient : être motivées par les pays plutôt que par les donateurs; respecter le droit à l’autodétermination et au développement de chaque pays; employer des pratiques et des processus démocratiques et inclusifs; et faire l’objet de forums évaluatifs multilatéraux à intervenants multiples tels que le Forum pour la coopération en matière de développement de l’ECOSOC. Pour renforcer les obligations mutuelles et les obligations de reddition de compte en faveur de l’égalité en matière de genre, autant chez les donateurs chez les récipiendaires, il faut développer des outils de suivi et d’évaluation. Il faut également développer des méthodologies pour évaluer jusqu’à quel point l’aide allouée rencontre, ou ne rencontre pas, la réalisation des objectifs de redistribution, des objectifs sociaux et des objectifs en matière d’égalité hommes-femmes et de droits des femmes. Le fait d’étiqueter le genre, les droits humains et la protection de l’environnement comme des « axes transversaux » a entravé le suivi des résultats issus du financement commun et du financement à l’échelle du secteur. La création d’instruments et de méthodologies sexospécifiques devrait être un processus participatif, devrait impliquer autant les donateurs traditionnels que les donateurs émergents et ayant recours à plusieurs modalités d’acheminement de l’aide. De surcroît, un tel exercice devrait avoir lieu à tous les niveaux, avec des ressources allouées pour permettre aux activistes des droits des femmes de participer de manière significative aux processus nationaux, régionaux et internationaux. Le système des Nations Unies, plus particulièrement, ses différentes agences et instances chargées de la promotion des droits des femmes et de l’égalité en matière de genre, doit être au cœur de cet effort dans la sphère multilatérale.

Le texte intégral des recommandations de la Consultation des Femmes (voir le Chapitre 4 de ce document) a été présenté au coprésident de l’audience. Cela ne fait que réitérer que le genre dans le financement pour le développement doit être une composante holistique et doit prendre en compte les relations entre le commerce, les finances, l’aide internationale, l’investissement, l’épargne intérieure et les dettes.

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6 Accra : encore un manque d’engagement

politique pour la réduction des conditionnalités

et le progrès de l’égalité de genre?

Par Cecilia Alemany, Fernanda Hopenhaym et Michele Knab (AWID)

Est-il possible de faire avancer l’égalité en matière de genre à même la

structure de l’Efficacité de l’aide?

Le 3e Forum de Haut Niveau d’Accra de septembre 2008 a été l’occasion, entre autres, de tester la volonté politique d’avancer l’égalité en matière de genre et de réduire les conditionnalités de l’aide. Cette rencontre avait été précédée par le 2e Forum de Haut Niveau à Paris en 2005, où avait été produite la Déclaration de Paris sur l’Efficacité de l’aide au développement. En ce qui a trait aux conditionnalités, le Forum de Haut Niveau n’a pas été très encourageant. Mais les discussions et les Organisations de la Société Civile (OSC) ont réussi à poser un regard critique sur la situation et c’est peut-être cela qui a contribué à faire pression sur les décideurs pour dépasser la Déclaration de Paris. Malgré les changements positifs dans la manière de faire parvenir l’aide dans les pays en voie de développement, les OSC affirment que la Déclaration de Paris demeure un schème injuste et inéquitable pour comprendre la situation et pour apporter des changements à l’architecture de l’aide au développement. Du point de vue de la société civile, une aide plus efficace comporte un risque. Les plus grands pays donateurs ont développé une panoplie d’outils et de théories d’aide au développement d’après la Déclaration de Paris. Ces nouveaux outils ont la caractéristique déplorable de ne pas satisfaire les véritables besoins en matière de développement des pays récipiendaires et des groupes vulnérables. En particulier, les organisations des droits des femmes ont affirmé que la Déclaration de Paris ne reconnaît pas l’inégalité hommes-femmes et n’inclue pas dans son programme d’aide la composante du genre, pour ne nommer que ces problèmes. Une analyse développée par AWID et WIDE démontre que « La Déclaration de Paris mentionne l’égalité entre hommes et femmes dans un seul de ses 50 paragraphes (voir le paragraphe 42 de l’encadré 1), et y utilise un langage que l’on peut à tout le moins qualifier de déficient. Cela démontre clairement un manque d’engagement politique de la part des donateurs et des gouvernements à faire de l’égalité hommes-femmes une priorité en tant

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que l’un des objectifs centraux du développement. » 107

Encadré 1 – Paragraphes 40 à 42 de la Déclaration de Paris – Encourager une approche harmonisée des évaluations environnementales : 40. Les donneurs ont déjà accompli d’immenses progrès en matière

d’harmonisation autour des études d’impact sur l’environnement (EIE), par exemple

en ce qui concerne les questions de santé et les questions sociales que peuvent

soulever les projets. Ces progrès doivent aller plus loin et porter notamment sur les

conséquences possibles de problèmes environnementaux de dimension planétaire

comme le changement climatique, la désertification et l’appauvrissement de la

biodiversité.

41. Les donneurs et les pays partenaires s’engagent conjointement à :

• Renforcer l’application des EIE, utiliser plus systématiquement des procédures

communes dans le cadre des projets, notamment par le biais de consultations

avec les parties prenantes, élaborer et appliquer des approches communes de

« l’évaluation environnementale stratégique » aux niveaux sectoriel et national.

• Continuer de développer les capacités techniques et stratégiques spécialisées

nécessaires pour effectuer des analyses environnementales et assurer le

respect de la législation.

42. Des efforts d’harmonisation doivent également être accomplis dans d’autres

domaines transversaux comme l’égalité entre hommes et femmes et sur d’autres

sujets thématiques, y compris ceux qui bénéficient du financement de fonds

spécialisés.

Source : Cecelia Alemany, Nerea Craviotto, Fernanda Hopenhaym et coll., « Mise en oeuvre de la Déclaration de Paris : répercussions sur la promotion des droits des femmes et l’égalité hommes-femmes », AWID et WIDE, janvier 2008, disponible à http://www.ccic.ca/f/docs/002_aid _2008-02_awid_wide_aid_effect_gender_equality.pdf

Un des plus grands problèmes dans le contexte de la Déclaration de Paris est qu’elle considère l’égalité hommes-femmes, les droits humains et la protection durable de l’environnement comme des domaines transversaux. L’Atelier de Dublin + 1108 a proposé de substituer le terme « domaine

107 Cecelia Alemany, Nerea Craviotto, Fernanda Hopenhaym et coll., « Mise en oeuvre de la Déclaration de Paris : répercussions sur la promotion des droits des femmes et l’égalité hommes-femmes », AWID et WIDE, janvier 2008, disponible à http://www.ccic.ca/f/docs/002_aid _2008-02_awid_wide_aid_effect_gender_equality.pdf108 GENDERNET a organisé un premier colloque pour discuter des soi-disant problèmes à Dublin en 2007. La grande conclusion du colloque de Dublin était la suivante : l’égalité de genre, les droits humains et la protection de l’environnement sont des piliers fondamentaux pour atteindre les objectifs en matière de développement. Ces trois éléments clés peuvent être améliorés en implémentant les engagements de principes et de partenariat de la Déclaration de Paris. À son tour, la Déclaration de Paris bénéficierait de l’exploitation de ces éléments puisque ses objectifs seront atteints plus rapidement. En 2008, DFID et

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transversal » par « priorité de développement ». Continuer à utiliser le terme « domaine transversal » continue de marginaliser ces questions109. La protection durable de l’environnement, l’égalité de genre et les droits humains ne sont pas des questions périphériques à l’aide au développement et aux politiques de développement : ce sont des questions on ne peut plus centrales aux objectifs de développement.110 Un résultat positif d’Accra est sûrement que, après avoir passé trois ans à répéter nos demandes, ces dernières ont finalement été intégrées au Programme d’action d’Accra (AAA). Nerea Craviotto fait l’exposition détaillée de ces événements au Chapitre 10. Une analyse des cinq principes de la Déclaration de Paris (voir encadré 1, Chapitre 1) relève les problèmes suivants concernant l’égalité en matière de genre et les droits des femmes : Appropriation : L’évaluation de la mise en œuvre de la Déclaration de Paris reconnaît que, « En principe aussi, l’appropriation nationale est reconnue comme l’engagement le plus important, même si les bases subjectives et politiques de l’appréciation de cet engagement peuvent compliquer son application dans la pratique. » 111

L’appropriation au plan local des programmes de développement ne devrait pas être confondue avec l’appropriation au plan « gouvernemental » ou « exécutif ». On ne devrait pas empiéter sur le congrès, le parlement ou les autorités infranationales et locales dans leur capacité de définir les plans et les budgets de développement national. De surcroît, pour construire un développement durable et des stratégies durables d’aide au développement, les citoyens, les OSC – incluant les organisations de femmes – devraient être impliqués dans la formulation, l’acheminement et l’évaluation des politiques et des programmes de développement. Du point de vue de la société civile, le principe de l’appropriation démocratique ou participative devrait être un axe directeur. Il faudrait s’assurer que tous les autres principes de la Déclaration de Paris ne vont pas à l’encontre, dans leur mise en pratique, de l’appropriation au plan local. Le consensus est de plus en plus généralisé par rapport à la dimension participative de l’appropriation et quant à la nécessité de favoriser une participation plus importante, efficace et légitime de tous acteurs dans le développement. Mais il est également vrai que certains fonctionnaires des pays en voie de développement voient la dimension consultative ou participative de l’appropriation comme une conditionnalité externe, imposée par la communauté de donneurs – non pas comme le choix des pays récipiendaires, ni comme réagissant aux dynamiques et processus nationaux. Les conversations sociales prennent différentes formes selon le pays, et la tradition de participation et de politique varie également. C’est pour cette raison que les pays en voie de développement

GENDERNET ont donné suite à cette initiative dans la conférence de Dublin +1, les 12 et 13 mars à Londres. 109 Irish Aid, « Joint Assistance Strategies Brief » 110 Voir Recommendations from the International Consultation of Women’s Organisations and Networks and Aid Effectiveness par l’AWID (Association for Women’s Rights in Development), par WIDE (Women in Development Europe) à Ottawa à la fin janvier 2008. Téléchargez depuis l’adresse suivante : http://www.awid.org/go.php?pg=ottawa_recommendations. 111 Évalutation de la mise en oeuvre de la déclaration de Paris (2008), section 4.7.

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n’ont pas voulu accepter un modèle ou une définition normative de la part du 3ème Forum de Haut Niveau d’Accra. Du point de vue des droits humains, le droit de participation est inextricablement lié à la démocratie, si l’objectif est de construire des processus participatifs durables. Le droit de participation ne devrait donc pas être vu comme une conditionnalité qui augmente « l’appropriation démocratique », mais plutôt comme le point de départ obligatoire de n'importe quel processus démocratique étant donné que les états doivent respecter, protéger et exécuter le droit du peuple de participer.112

Le droit de participer « est un droit humain universel, intégral et indivisible des autres droits. La participation peut être exercée individuellement ou collectivement et inclut les sphères de la vie politique autant que les sphères de la vie économique, sociale et culturelle. » 113 Ce droit de participation est interdépendant des autres droits tels que le droit à l'autodétermination, le droit d’accès à l'information, le droit à la liberté de réunion pacifique, le droit à la liberté d'opinion et d'expression et le droit au développement (pour lequel le droit de participation est crucial). Au fil des décennies, les OSC et les mouvements sociaux du monde ont ouvert des espaces de participation et de dialogue social en obtenant des résultats qui ont varié en fonction du contexte national. Ainsi, des mécanismes participatifs pour le développement ont déjà été mis sur pied dans des pays en voie de développement. L’existence ou l’absence de participation a un lien direct avec la maturité démocratique, la gouvernance institutionnelle et l’engagement politique du pays. Le renforcement de l’appropriation sera possible dans la mesure où des efforts sont faits pour renforcer la gouvernance démocratique et ses institutions, tout en soutenant également les OSC en général. Plus spécifiquement, pour ce qui est des femmes, il faut renforcer leurs droits et leur pouvoir, en favorisant leur rôle de surveillance, mais en fournissant aussi un appui institutionnel aux plateformes, aux alliances et au OSC individuelles. Dans un document commissionné par le groupe de travail de l'ONU sur le développement, Roberto Bissio analyse l’importance du fait que l'indicateur 1 de la déclaration de Paris, est le seul indicateur de l’appropriation, définie ainsi : « Les partenaires ont des stratégies de développement (y compris les DSRP) » et que l’objectif pour 2010 est qu’« au moins 75% des pays partenaires » devraient les adopter. (…) Si les pays ne s’approprient pas les propres stratégies de développement, les donneurs n’ont rien avec quoi

112 La Déclaration universelle des droits de l’homme exprime le droit à la participation politique dans l’article 21 : « Toute personne a le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays, soit directement, soit par l'intermédiaire de représentants librement choisis. » (article 21, paragraphe 1). De même, le droit de participer aux affaires publiques est reconnu dans le International Covenant of Civil and Political Rights (article 25 a). Le droit de participation, ainsi que le droit de consultation sont également reconnu dans la Convention 129 du International Labour Organization concerning Indigenous and Tribal Peoples. Le droit de participation est également implicite dans d’autres droits humains, comme le droit à l’autodétermination, reconnu dans l’article 1 du ICCPR comme du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (Déclaration sur le droit au développement). 113 BAZAN CHACON (1998); ”Women’s right to participate in the Peruvian Legal System”, in Los derechos de la mujer: comentarios juridicos. Tomo II, edited by Maria Isabel Rosas Ballinas and Mery Vargas Cuno. Lima, Peru, DEMUS, Estudio para la Defensa de los Derechos de la Mujer, Nov. Pp. 267-276.

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aligner ou harmoniser leur aide au développement. Cependant, l’appropriation est définie d’une façon aussi tautologique que les pays ont des plans qui se conforment à ce que les donneurs souhaitent voir dans prêts et dons conditionnels. » 114

Alignement : alors que les donneurs alignent leur aide au développement avec les priorités et les budgets nationaux, l’aide au développement circule progressivement de gouvernement à gouvernement via le l’appui budgétaire général (ABG) et d’autres modalités d’acheminement de l’aide. Une question fondamentale se pose : comment peut-il y avoir des progrès dans les obligations de droits humains ou en matière de parité des sexes, quand ces thèmes ne sont pas définis comme des priorités claires au niveau national, et quand les acteurs de l’égalité des sexes n’ont pas un rôle significatif dans l’élaboration des politiques de développement? Tel est le cas dans plusieurs pays où la participation des acteurs de l’égalité des sexes n’est pas possible ou n’est pas systématique. Les droits humains de ces pays, ainsi que les objectifs en matière de genre, risquent d’être relégués au deuxième plan de la coopération internationale si les pays en voie de développement n’en font pas des priorités. Par ailleurs, quand les donneurs utilisent les obligations en matière de droits humains et d’égalité de genre comme des conditionnalités « positives » pour avancer leurs propres intérêts dans les pays en voie de développement, les progrès ne risquent pas d’être durables. Il risque également de ne pas se développer d’appropriation au niveau local, et la légitimité de ces droits humains et politiques de genre s’en trouverait amenuisée. De plus, ces types de conditionnalités et la création d’instruments ad hoc pour surveiller les réalisations en matière de genre et de droits humains pourraient affaiblir le système international de droits humains ainsi que les mécanismes pour mesurer ces derniers. L’Évaluation de la mise en œuvre de la Déclaration de Paris remarque que : « L’affectation de l’aide par les donneurs à des interventions thématiques et des initiatives transversales spéciales reste monnaie courante, même parmi les donneurs profondément impliqués dans la réalisation des objectifs de la Déclaration de Paris. Ces interventions et ces initiatives sont parfois considérées comme des « actions chères aux donneurs », défavorables au principe d’alignement. Ces actions s’expliquent par le rôle de « défenseur » joué par les donneurs dans certains pays pour attirer l’attention sur des problèmes tels que l’égalité des sexes, l’environnement et la gouvernance démocratique. L’une des études nationales mentionne spécifiquement les défis liés à la conciliation de certaines priorités, définies séparément par le biais de ces processus stratégiques, avec d’autres, découlant des objectifs du Millénaire pour le développement. »115

Pour ce qui est de la relation entre l’alignement et l’appropriation, les organisations de femmes et les défenseurs des droits des femmes ont maintes fois déclaré que : 114 BISSIO, Roberto (2007); “PARIS DECLARATION ON AID EFFECTIVENESS: Application of the criteria for periodic evaluation of global development partnerships – as defined in Millennium Development Goal 8 – from the right to development perspective: the Paris Declaration on Aid Effectiveness”, A/HRC/8/WG.2/TF/CRP.7, December. 115 Évaluation de la mise en œuvre de la Déclaration de Paris, Première Phase, Rapport de synthèse, chef d’équipe Bernard Wood et all (2008); juillet, section 3.6.

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• Plusieurs pays ont utilisé des accords mondiaux avec succès – tels que

la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW), le programme d’action de Beijing et les objectifs du Millénaire pour le développement – pour influencer les processus politiques déterminant les priorités nationales. Le succès de ces accords dépend en grande partie de la force de l’alliance des défenseurs des droits des femmes avec les parlements, le monde universitaire, la société civile, et les autres secteurs, pour favoriser la participation politique des femmes (UNIFEM, 2007). 116

• Il est délicat d’utiliser les Documents de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP) comme instrument pour mesurer l’appropriation et comme façon de diriger l’alignement. Non seulement parce que ces stratégies sont des instruments de la Banque Mondiale et du FMI, mais aussi parce que dans la plupart des cas, les DSRP ont une vision très étroite de la parité des sexes, les réduisant aux « secteurs sociaux des micro-entreprises, en accordant peut d’attention aux politiques du plan macro. »117

Un autre risque associé à la mise en œuvre trop restreinte de ce principe est de penser qu’un alignement avec les priorités d’un gouvernement correspond avec l’alignement avec les priorités d’un pays. En les employant progressivement les modalités d’acheminement de l’aide telles que les ABG pourraient signifier qu’un nombre inférieur de ressources d’aide au développement seraient disponibles pour le soutien d’autres programmes, pour le travail des OCS et particulièrement, pour le soutien des organisations de femmes. Le Deuxième rapport Finance-la de l’AWID signale que les organisations de femmes perçoivent que les ressources de l’aide au développement bilatérale et multilatérale pour ces organisations sont à la baisse, particulièrement pour les régions de l’Afrique subsaharienne. 118 De surcroît, les organisations des droits des femmes reçoivent une très petite part du financement disponible pour les activités de la société civile. Par exemple, « En 2005, World Vision International, la plus grande organisation chrétienne de coopération au développement, organisation qui ne travaille pas sur la contraception et l’avortement d’urgence, disposait d’un revenu de près de 2 milliards de dollars. Pour la même année, 729 des plus importantes organisations de défense des droits de la femme dans le monde disposaient d’un revenu cumulé de 76 millions de dollars, un chiffre bien maigre qui représente à peine 4 pour cent du budget de World Vision. » 119

Harmonisation : Sur une note plus positive, « plusieurs pays en voie de développement ont déjà bénéficié de l’aide analytique conjointe sur le genre, »120 bien que dans certaines situations, l’harmonisation des politiques des donneurs peut causer un renforcement des conditionnalités, telles que l’imposition de certaines politiques économiques et 116 UNIFEM (2007), Promoting Gender Equality in the Aid Effectiveness Agenda in Asia Pacific, Engaging the Principles of the Paris Declaration, Discussion Paper, November; p. 3. 117 Ibid, p.4. 118 AWID (2007), Deuxième rapport Finance-la : Viabilité financière des mouvements de femmes dans le monde entier, par Joanna Kerr, 2007, p. 13. 119 Ibid, p.13. 120 UNIFEM (2007), p. 5.

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commerciales. Cela entraîne une réduction considérable du pouvoir de négociation de certains pays en voie de développement. Il y a également un risque que l’harmonisation fera en sorte que le schème théorique devienne trop étroit et donc que le programme de l’aide au développement soit réduit (si l’harmonisation se fait en fonction du donneur le moins progressiste).121 Même si la Déclaration de Paris est très claire par rapport à la nécessité d’harmoniser les efforts pour inclure les soi-disant domaines transversaux tels que l’égalité hommes-femmes (paragraphe 42); tout dépendra de la force de l’engagement des donneurs et des partenaires envers la parité hommes-femmes.122 Par ailleurs, un autre facteur serait le degré de consensus par rapport à un engagement sur ces questions. Et comment cela se traduit-il dans les indicateurs explicites et mesurables des schèmes théoriques d’évaluation de la performance et des autres mécanismes de suivi et d’évaluation.123 Cela est particulièrement important quand les droits des femmes et l’égalité de genre ne figurent pas dans les priorités nationales des DSRP – ce qui est le cas la plupart du temps.124 La gestion axée sur les résultats : L’article 43 de la Déclaration de Paris stipule clairement que : « Axer la gestion sur les résultats signifie gérer et mettre en œuvre l’aide en se concentrant sur les résultats souhaités et en utilisant les données disponibles en vue d’améliorer le processus de décision. » 125 Si les résultats souhaités de l’efficacité de l’aide au développement sont de réduire la pauvreté, alors il est nécessaire de pousser notre analyse au-delà de l’efficacité de l’aide, pour nous concentrer sur l’efficacité du développement. Les standards, les principes et les obligations légales des donneurs et des gouvernements des traités de droits humains devraient être utilisés pour déterminer l’efficacité des politiques d’aide et des approches – particulièrement leurs impacts sur les groupes marginalisés. GENDERNET propose que les indicateurs et les processus existant pour chaque pays doivent servir de base pour surveiller les résultats et les progrès vers l’égalité de genre. Les mécanismes existants incluent les buts et les indicateurs fixés par les objectifs du Millénaire pour le développement, les exigences en matière de suivi de la CEDAW, et les exigences du programme d’action de Beijing. En plus des outils internationaux tels que l’Examen Périodique Universel, il existe des instruments locaux tels que les conventions de Maputo et de Belém do Pará. Les objectifs de développement clé tels que l’égalité des genres et le renforcement du pouvoir des femmes devraient être mis en œuvre en adoptant une politique à deux volets – c'est-à-dire en intégrant, d’une part, les objectifs d’égalité des genres dans tous les secteurs et en y allouant, d’autre part, des programmes et des ressources spécifiques. 126

121 ALEMANY, Cecilia et al (2008b), Brief Issue Paper on Harmonisation and Gender Equality, AWID, WIDE, DAWN and FEMNET, May, p. 3. 122 Ibid. 123 GENDERNET (2007), Gaynor, C., Understanding the Connections Between the Paris Declaration and Work on Gender Equality and Women’s Empowerment, Draft version, August, 2007. 124 Alemany et al (2008b). 125 La Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au développement, Article 43, p. 9. 126 Alemany et al (2008c), p. 3.

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Le système de suivi et d’évaluation mis en place pour évaluer les capacités au niveau national pose de nombreux problèmes. Selon les pays partenaires : « L’aide au développement devrait être accordée en fonction de résultats souhaités spécifiques à chaque pays, et du taux de réussite dans l’atteinte de ces résultats, plutôt que d’accorder l’aide en fonction de l’élaboration des politiques, la mise en œuvre de systèmes ou les facteurs à court terme, ce qui implique la réorientation des conditionnalités. Il va de même pour les méthodes d’évaluation des performances. »127 De plus, la façon dont les résultats sont suivis et évalués est pertinente dans l’implémentation de la Gestion axée sur les résultats. Les données sexospécifiques sont cruciales à la surveillance et à l’évaluation des stratégies. Sans cette composante de l’égalité de genre dans la collecte de données, on ne peut pas s’attendre à ce que les prises de décision puissent améliorer la vie des femmes et des filles – celles qui sont les plus touchées par la pauvreté. 128

Responsabilité mutuelle : le principe de responsabilité mutuelle, où les pays donneurs, les pays récipiendaires et les citoyens se tiennent mutuellement responsables dans leurs engagements en matière de développement, ne peut être possible que là où existent des sociétés civiles fortes, indépendantes et bien financées, et où les organisations des droits des femmes existent. La Déclaration de Paris repose sur une panoplie de « nouvelles » modalités d’acheminement de l’aide. Entre autres : l’aide budgétaire, les approches sectorielles, les Documents de stratégies de réduction de la pauvreté, le financement commun et les stratégies d’aide conjointe. D’emblée, ces modalités d’acheminement soulèvent des inquiétudes quant aux possibilités de la vraie société civile d’influencer les projets et le financement en matière de développement. Leur rôle dans la décision et la surveillance des budgets est limité. Comme le souligne Nerea Craviotto : « les OSC et les organisations des droits des femmes croient que les impacts et les résultats de l’aide au développement doivent ultimement être évalués en termes de progrès vers les engagements de droits humains établis par la communauté internationale. Ces engagements incluent les droits des femmes, le droit au développement et les droits connexes de nature économique et sociale. Les obligations liées au droit devraient fournir un cadre normatif et organisationnel pour la responsabilité dans le système d’aide au développement. (…) les mécanismes de reddition de compte doivent inclure des indicateurs sexospécifiques et doivent être fait dans un cadre de gestion axé sur les résultats, afin d’assurer une progression vers le 3e OMD. Les OSC demandent l’inclusion d’instruments spécifiques à l’intérieur des “nouveaux” outils d’aide au développement. En particulier : un budget spécifique à la parité des sexes, une vérification des programmes de genre et un suivi de l’implémentation des instruments internationaux pour la suppression des disparités hommes-femmes. »129 Les OSC ont critiqué les pratiques des institutions financières internationales, car leur responsabilité au niveau national n’est pas claire. Les organisations des droits des femmes, en travaillant avec les campagnes des OSC sur le système

127 Accra High-Level Forum Partner Country Preparation Process, Issues Note 7 Managing for Development Results, April 20, 2008. 128 Alemany et al (2008c), p.3. 129 CRAVIOTTO, Nerea et al (2008), Brief Issue Paper on Mutual Accountability and Gender Equality, WIDE, AWID, DAWN and FEMNET, May, p.2.

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international financier, peuvent avoir un rôle dans la surveillance directe et indirecte des effets des politiques de ces institutions sur les moyens d’existence des femmes. En somme, il est possible de renforcer la responsabilité et la transparence du développement dans le cadre de l’Efficacité de l’aide au développement. Cependant, les schèmes théoriques et les systèmes de surveillance actuels sont clairement inefficaces et parfois même en contradiction avec les principes de la Déclaration de Paris. Un principe positif, initialement, est devenu contradictoire lorsqu’il fut mis en pratique sans flexibilité et sans perspective élargie sur l’efficacité de l’aide. De plus, des principes possiblement positifs tels que l’appropriation et l’alignement deviennent unidimensionnels dans la pratique quand les indicateurs sont définis à l’externe et mesurés selon une interprétation trop étroite du principe. Encadré 2 : Système de mise en œuvre et d’évaluation de la Déclaration de Paris

INDICATEUR PRINCIPE 1. Pays bénéficiaires de l’aide disposant de stratégies de développement opérationnelles (Nombre de pays ayant adopté des stratégies nationales de développement et qui ont des priorités se rattachant à un cadre de dépenses à moyen terme et comptabilisées dans les budgets annuels.)

Appropriation

2. Systèmes nationaux fiables (Nombre de pays dotés de systèmes de passation des marchés et de gestion des finances et qui aspirent à de bonnes pratiques.)

Alignement

3. Apports d’aide alignés sur les priorités nationales (Pourcentage des apports d’aide destinés au secteur public qui est comptabilisé dans le budget national des bénéficiaires.)

Alignement

4. Renforcement du développement des capacités par un soutien coordonné (Pourcentage de l’aide fournie par les donateurs à des fins de renforcement des capacités.)

Alignement

5 a) Utilisation des systèmes nationaux de gestion des finances publiques (Pourcentage des donateurs et des apports d’aide utilisant les systèmes des pays partenaires qui soit adhèrent d’ores et déjà aux bonnes pratiques, soit ont mis en place des réformes dans le but d’atteindre cet objectif.)

Alignement

5 b) Utilisation des systèmes nationaux de passation des marchés (Pourcentage des donateurs et des apports d’aide utilisant les systèmes des pays bénéficiaires qui soit adhèrent d’ores et déjà aux bonnes pratiques, soit ont mis en place un programme de réformes dans le but d’atteindre cet objectif.)

Alignement

6. Renforcement des capacités en évitant les structures de mise en oeuvre parallèles (Nombre d’unités parallèles de mise en oeuvre de projets par pays.)

Alignement

7. Aide davantage prévisible (Pourcentage de versements opérés selon des calendriers convenus.)

Alignement

8. Aide non liée (Pourcentage de l’aide bilatérale non liée.)

Alignement

9. Utilisation de procédures ou dispositifs communs (Pourcentage de l’aide fournie au moyen d’approches fondées sur des programmes.)

Harmonisation

10. Encouragement des analyses conjointes (Pourcentage de missions sur le terrain ou de travaux analytiques par pays.)

Harmonisation

11. Cadres orientés vers les résultats (Nombre de pays dotés de cadres transparents et se prêtant à un suivi, qui permettent d’évaluer les progrès réalisés en ce qui concerne les stratégies nationales de développement et les programmes sectoriels.)

Gestion axée sur les résultats

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12. Responsabilité mutuelle (évaluations mutuelles) (Nombre de pays partenaires où sont entreprises des évaluations mutuelles des progrès accomplis dans l’exécution des engagements souscrits, notamment ceux qui figurent dans la Déclaration de Paris.)

Responsabilité mutuelle

Il est possible de donner davantage de priorité aux droits des femmes dans les discussions du développement, dans l’élaboration de politiques de développement et dans les nouvelles approches et outils d’aide au développement. Cependant, le projet d’Efficacité de l’aide a été conceptualisé d’une manière trop étroite jusqu’à présent et les défenseurs des droits des femmes y sont marginalisés. Si la Déclaration est repensée dans un cadre d’efficacité de l’aide au développement élargi, et que les mécanismes de mise en œuvre sont révisés pour laisser place aux autres acteurs, nos chances de faire des progrès dans l’égalité hommes-femmes seront plus grandes. Accra était l’occasion d’élargir ce cadre théorique : l’occasion a été manquée et le système de mise en œuvre demeure le même. Nous ignorons toujours les résultats de l’interaction entre les engagements d’Accra et les mécanismes formels établis dans le passé avec la Déclaration de Paris. Est-il possible de réduire les conditionnalités du cadre de l’Efficacité

de l’aide au développement? Le rapport Financing Development 2008: Whose ownership? du Development Center Studies, reconnait que « les donneurs demeurent réticents à sortir des politiques de conditionnalité, une barrière directe à la prise de décision nationale. La Déclaration de Paris ne va pas assez loin dans en les abordant (…). » 130 La Déclaration de Paris ne mentionne pas le terme « conditionnalité ». De surcroît, elle ne fixe pas d’objectifs, et ne s’engage pas à réduire les conditionnalités des politiques. Le principe directeur de l’appropriation nationale pourrait être un moyen de réduire les conditionnalités des politiques, selon la façon dont il est mis en œuvre. Mais la Déclaration de Paris n’y fait pas spécifiquement référence. Le rapport Financing Development 2008 reconnaît que « l’absence d’une prise de position de la Déclaration de Paris sur les politiques économiques de conditionnalité dans sa section “appropriation” est plus surprenante que son manque de référence aux connaissances du développement »131. La Déclaration de Paris fait uniquement références à des « conditions » dans le principe d’alignement.

Encadré 3 : La Déclaration de Paris – Paragraphe 16 : Les donneurs s'alignent sur les stratégies des pays partenaires

Les donneurs s'engagent à :

• Faire reposer l’ensemble de leur soutien — stratégies-pays, dialogue sur les

politiques à suivre et programmes de coopération pour le développement — 130 OECD/ Development Centre Studies (2008), Financing Development 2008: Whose ownership?; Chapter 1, Felix Zimmermann and Ida McDonnel, ”Broader Ownership for Development”, p. 23. 131 Felix Zimmermann and Ida McDonnel (2008), p. 25.

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sur les stratégies nationales de développement des pays partenaires et les

rapports périodiques sur l’avancement de l’exécution de ces stratégies

(Indicateur 3).

• Tirer autant que possible leurs conditionnalités des stratégies nationales de

développement des pays partenaires ou des examens annuels de

l’avancement de la mise en oeuvre de ces stratégies. L'inclusion de conditions

supplémentaires doit être dûment justifiée et leur application doit se faire de

manière transparente et en consultation étroite avec les autres donneurs et

parties prenantes.

• Lier leur financement à une série unique de conditions et/ou à un ensemble

raisonnable d’indicateurs dérivés des stratégies nationales de développement.

Tous les donneurs ne sont pas pour autant tenus d’imposer des conditions

identiques, mais les conditions appliquées par chaque donneur doivent être

dérivées d’un cadre commun rationnel ayant pour objectif l’obtention de

résultats durables.

L’appropriation et l’alignement peuvent autant réduire que renforcer les conditionnalités : tout dépend de la façon dont on comprend et on met en pratique ces principes. L’Évaluation de la mise en œuvre de la Déclaration de Paris132 explique que le concept d’appropriation est difficile à définir et que nous avons besoin d’adopter une vision plus dynamique. Une des suggestions principales de l’Évaluation par rapport aux pratiques et à la conceptualisation de l’appropriation est que : « Si elle est acceptée comme le facteur clé pour l’efficacité de l’aide, l’appropriation nationale reste remarquablement difficile à définir et à mesurer. Dans certains cas, elle devient hautement subjective et controversée. Adopter une approche analytique de l’appropriation (en tant que processus) pourrait réduire les débats politiques stériles ou la tendance à ne manifester qu’un intérêt de pure forme à son égard. » 133 Du point de vue de la société civile, l’appropriation devrait, en théorie, inclure tous les acteurs du développement. Ce concept d’appropriation démocratique a été proposé dans le cadre d’un processus participatif. Les organisations des droits des femmes ont clairement le droit de participer de manière significative à toutes les phases du développement (définition, implémentation, évaluation et surveillance). L’évaluation affirme que l’on : « constate que les systèmes politiques et administratifs de la plupart des donneurs limitent de façon variable leur contribution au principe d’appropriation nationale. Parmi les obstacles clés identifiés, on trouve les pressions exercées pour qu’ils maintiennent la visibilité et l’affectation de leurs aides nationales, qu’ils répondent à différentes exigences en matière de responsabilité et de confiance et qu’ils poursuivent divers intérêts de politique étrangère, commerciaux et/ou institutionnels via leurs programmes d’aide. » De plus, « parmi les

132 Évaluation de la mise en œuvre de la Déclaration de Paris, Première Phase, Rapport de synthèse, chef d’équipe Bernard Wood et all (2008); juillet, section 3.2. 133 Évaluation de la mise en œuvre de la Déclaration de Paris, Première Phase, Rapport de synthèse, chef d’équipe Bernard Wood et all (2008); juillet, section 3.4.

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partenaires au développement bilatéraux, peu d’éléments indiquent une amélioration en matière de prévisibilité de l’aide et, moins encore, en matière de déliement. » 134

L’Évaluation exprime la conclusion suivante : « Dans les pays où la Déclaration et son engagement central d’appropriation et d’impulsion nationales sont perçus comme des questions principalement d’ordre technique et bureaucratique, les conditions requises pour modifier les comportements et surmonter les obstacles s’avèrent plus faibles. Dans certaines évaluations, les personnes interrogées reconnaissent franchement que l’efficacité de l’aide, telle que la conçoit la Déclaration, ne prime pas nécessairement les autres préoccupations et objectifs nationaux dans leurs programmes d’aide. » 135 En d’autres mots, les intérêts stratégiques nationaux de certains donneurs se traduisent en politiques de conditionnalités d’une forme ou d’une autre, réduisant ainsi la possibilité d’un véritable leadership et d’une véritable appropriation. Cela signifie que même si la communauté donatrice est fortement dévouée à sérieusement implémenter la Déclaration de Paris, des intérêts plus larges demeurent des obstacles à l’implémentation totale du principe d’appropriation locale, obstacles tels que les politiques étrangères, le commerce ou les stratégies institutionnelles. Ces mêmes facteurs sont également des obstacles à l’amélioration des problèmes clé liés aux conditionnalités, tels que, le degré de prévision de l’aide au développement et l’aide liée. Tous ces facteurs négatifs font en sorte que les pays en voie de développement ont moins d’espace pour mener et s’approprier leurs propres politiques de développement. Sans pouvoir prédire l’aide au développement, il est impossible de développer des stratégies de développement à long terme aux niveaux national et local. L’aide liée est clairement un instrument qui permet d’imposer des conditionnalités, en particulier lorsqu’il est question de passation des marchés publics. Mariama Williams (2007) 136 soutient que « l’intégration des conditionnalités, spécialement quand ces dernières sont à conteneur politique, est une arme puissante contre les pays partenaires. Dans un contexte où la conditionnalité est liée à l’appui budgétaire général, les conséquences seront très néfastes pour l’orientation et les processus du développement national. On pourrait dire que la plus grande victoire du nouveau régime d’aide au développement est que la communauté de donneurs a été capable d’obtenir, sans grande résistance, une empreinte significative sur le budget national des gouvernements partenaires. » Selon Williams, il s’agit d’un accomplissement remarquable pour les intérêts des donneurs. D’un autre côté, « Les évaluations par les pays ont conduit à des constats peu concluants, voire contradictoires s’agissant du comportement des agences multilatérales en général par rapport au principe d’appropriation. Les deux évaluations au niveau des services centraux multilatéraux (appuyées par des études de cas pour ce qui concerne le GNUD) montrent 134 Évaluation de la mise en œuvre de la Déclaration de Paris, Première Phase, Rapport de synthèse, chef d’équipe Bernard Wood et all (2008); juillet, sections 3.2 et 3.5. 135 Évaluation de la mise en œuvre de la Déclaration de Paris, Première Phase, Rapport de synthèse, chef d’équipe Bernard Wood et all (2008); juillet, section 3.3. 136 WILLIAMS, Mariama (2007), Civil Society and the New Aid Modalities: Addressing the challenges for Gender Equality, Democracy and Participation. NGO Forum – Commonwealth Foundation, p.9.

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toutes deux des changements culturels et organisationnels vastes et continus en vue de privilégier l’appropriation. En outre, elles dépeignent les entraves particulières à surmonter pour garantir les changements organisationnels et comportementaux requis. » 137

Selon les engagements du principe de l’alignement, l’imposition des conditions aux pays partenaires par les donneurs demeure possible. Le processus reste nébuleux et le besoin pressant de transparence et de consulter d’autres intervenants est un pas dans la bonne direction depuis la Déclaration de Paris. Malheureusement, il n’est que rarement mis en pratique. Pour ce qui est de l’indicateur 2138 du principe d’alignement, il requière des « systèmes nationaux fiables » et est mesuré par le « nombre de pays partenaires dotés de systèmes de passation des marchés et de gestion des finances publiques qui soit (a) adhèrent d’ores et déjà aux bonnes pratiques généralement acceptées soit (b) ont mis en place un programme de réformes dans le but d’atteindre cet objectif. » Roberto Bissio avertit que « Cet objectif ne consiste pas à aligner l’APD avec les stratégies des pays récipiendaires, mais plutôt à aligner le gouvernement du pays avec les demandes des donneurs/créditeurs. Les indicateurs de la Déclaration de Paris surveillent et enregistrent également le système de passation des marchés de chaque pays récipiendaire. (…) Sauf pour le but explicite d’éliminer la corruption, qui va de pair avec la promotion des droits humains, aucune autre valeur des droits humains n’est rattachée à l’utilisation des systèmes nationaux et aucun des critères pour les évaluer ne supporte directement la pratique d’obliger les fournisseurs à adhérer aux normes fondamentales du travail. L’utilisation de l’approvisionnement du gouvernement comme outil de discrimination positive en faveur des producteurs locaux ou des secteurs vulnérables de la population (petites entreprises, coopératives, femmes ou entreprises gérées par des groupes marginalisés) est une pratique courante pour contribuer à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels. Mais de tells politiques sont considérées comme “discriminatoires” envers les compagnies étrangères et sont formellement interdites. » 139

L’évaluation du principe d’alignement suggère que « les donneurs font preuve d’une bonne volonté et d’un engagement actif pour entamer les processus d’alignement au niveau des engagements formels. Toutefois, les choses sont différentes dans les domaines opérationnels. » 140

Le 3e Forum de Haut Niveau à Accra : est-il possible de mettre fin aux conditionnalités des politiques pour faire avancer l’égalité des genres? En évaluant le processus qui a mené à Accra, on peut dire que, comparé à la Déclaration de Paris de 2005 (qui ne prenait pas du tout compte du genre), il a eu des progrès – on reconnaît davantage l’importance de l’égalité du genre et des droits des femmes. Cependant, l’évaluation générale de la version actuelle de la déclaration d’Accra n’est pas très encourageante. Les groupes de femmes ont fait partie du International 137 Évaluation de la mise en œuvre de la Déclaration de Paris, Première Phase, Rapport de synthèse, chef d’équipe Bernard Wood et all (2008); juillet, section 3.4 138 Bissio (2007). 139 Bissio (2007), p. 11. 140 Évaluation de la mise en œuvre de la Déclaration de Paris, Première Phase, Rapport de synthèse, chef d’équipe Bernard Wood et all (2008); juillet, section 3.11.

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Steering Group (ISG) et supportent toutes les propositions et les déclarations faites par ce groupe plus large de la société civile. Le AAA met l’accent sur le fait que la réduction de la pauvreté et l’amélioration des droits humains dans les politiques de développement sont cruciales. Il souligne également l’importance des domaines transversaux tels que l’égalité des genres et la protection durable de l’environnement. La proposition d’intégrer ce programme suggéré par le International Steering Group (ISG) n’a pas été considérée par le AAA, mais le AAA reconnaît pourtant l’importance d’améliorer l’accès aux données sexospécifiques. Il n’y a cependant pas d’engagement de la part des pays en voie de développement pour financer la production de ces systèmes d’information sexospécifiques, ni de financer ces capacités de développement en matière de genre. Pour affirmer qu’il y avait une volonté politique d’aller de l’avant à Accra, les organisations de femmes ont demandé aux donneurs et aux pays en voie de développement de :

• Reconnaître (et non pas « accueillir à bras ouverts ») l’importance du Forum pour la coopération en matière de développement de l’ECOSOC des Nations Unies (FCD - ECOSOC) et l’importance de cet espace multilatéral pour alimenter la discussion et l’établissement de normes.

• Reconnaître (et non pas « accueillir à bras ouverts ») le Dialogue de

Haut Niveau sur le Financement du Développement qui aura lieu à Doha en décembre 2008, pour donner suite au Consensus de Monterrey.

• Accepter que l’aide ne puisse pas être efficace si le développement

n’est pas efficace. De plus, l’égalité de genre et les droits humains, ainsi que le travail décent et la durabilité environnementale doivent être reconnus comme des domaines cruciaux pour l’efficacité du développement. Le AAA devrait arrêter de faire référence à des domaines transversaux, et commencer à parler de priorités de développement.

• Assurer que la mise en œuvre de la Déclaration de Paris et pour

assurer que l’amélioration de la qualité de l’aide au développement ne minimise pas les réalisations des objectifs établis pas la communauté internationale, les standards en matière de droits humains, la réalisation des engagements sur l’égalité des genres, des conditions de travail acceptables pour toutes et tous, et la protection de la durabilité environnementale.

• Élargir la définition d’appropriation sans le poser comme une

conditionnalité de processus (tel qu’il semble l’être dans la version actuelle du AAA). Intégrer la dimension participative de l’appropriation ne sera un progrès que si :

o Il est renforcé avec la reconnaissance des chefs d’État (Consensus de Monterrey) et le droit au développement, le droit à l’autodétermination et le droit à la participation.

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o L’appropriation devient un axe central dans la mise en œuvre de la Déclaration de Paris.

• Réviser et peaufiner le système de surveillance de la Déclaration de

Paris, pour le mettre en œuvre avec des indicateurs mieux adaptés et plus exacts, et à travers un processus beaucoup plus inclusif.

• Reconnaître qu’il existe déjà des mécanismes de suivi – tels que le

CEDAW, le programme d’action de Beijing et les OMD – qui peut être utile pour mesurer la mise en œuvre du programme de l’Efficacité de l’aide au développement.

• Accepter que les conditionnalités des politiques économiques soient

des instruments développés par des donneurs et des institutions financières internationales. Ces premières affaiblissent l’appropriation et entravent les droits au développement à l’autodétermination.

• Éliminer toutes les conditionnalités de politique, incluant les

conditionnalités liées à l’égalité de genre et d’autres soi-disant « conditionnalités positives ». Au lieu, renforcer la responsabilité mutuelle, la reddition de compte et la transparence des donneurs et des pays du sud envers les engagements en matière d’égalité des genres et de droits humains aux niveaux régional et international. L’aide au développement devrait uniquement venir appuyer les plans nationaux existants pour ces questions, et non pas imposer leurs propres plans.

Une des recommandations principales sur la transparence et la responsabilité mutuelle de la Consultation des femmes à Ottawa (janvier 2008) 141 est que tous les acteurs concernés doivent s’engager, dans Accra, à la plus grande ouverture et la plus grande transparence possible :

• Les donneurs et les institutions financières internationales devraient publier les informations pertinentes au moment opportun, adopter une politique de divulgation d’information totale et respecter les directives des Nations Unies (ONU).

• Les gouvernements des pays en voie de développement doivent

travailler de concert avec les représentants élus du parlement, avec les OSC (aux niveaux local et national) et avec le public pour établir des politiques ouvertes et transparentes de la provenance de l’aide au développement, des façons dont elle sera dépensée et mise en œuvre, et des méthodes de reddition de compte.

• Les différentes OSC, incluant les organisations des droits des

femmes, doivent également être tenues responsables auprès des membres de leur groupe.

Les défenseurs des droits des femmes et les OSC ont exigé auprès des pays en voie de développement et des donneurs des actions claires et exécutables pour organiser le plan de travail de 2010, tel que mentionné 141Recommendations from the International Consultation of Women’s Organisations and Networks and Aid Effectiveness (2008).

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dans la phase finale de la mise en œuvre de la Déclaration de Paris. De plus, le Centre Sud souligne que le traité du AAA « reste très près du schème conceptuel et de l’approche pour l’aide au développement – incluant l’usage des réformes de politiques et des conditions de politiques pour les bases de l’approvisionnement de l’aide – qui est utilisée par la Banque mondiale et les pays en voie de développement; (…) avec la présupposition, peu critique, que la Déclaration de Paris a fourni et continue de fournir le meilleur schème théorique pour améliorer l’efficacité de l’aide; (…) et a continué de se concentrer sur un acheminement de l’aide qui est basé sur la conditionnalité. » 142

En somme, nous avons devant nous beaucoup de travail avant d’arriver à progressivement éliminer les conditionnalités des politiques. Même si plus de 200 femmes ont participé au Forum des femmes d’Accra et plus de 900 représentants de la société civile ont demandé qu’on adopte un cadre prenant en considération l’efficacité de l’aide au développement à Accra, le résultat n’a pas été très encourageant en matière de conditionnalité. Malgré tout, il y a eu une amélioration depuis Paris dans les domaines de l’égalité hommes-femmes, des droits humains et de la participation de la société civile.

142 South Center (2008), Analytical Note August 2008, SC/GGDP/AN/GEG/6/rev.3, Geneva, p.4.

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7.

Un survol des événements d’Accra Par Marta Lago (IGTN)

Le 3eme Forum de Haut Niveau sur l’Efficacité de l’Aide au Développement (HLF3) qui a eu lieu à Accra, au Ghana, du 2 au 4 septembre 2008, s’est terminé sans grande surprise. Convoqué par la OCDE-CAD (Comité d’aide au développement), le gouvernement d’Accra et la Banque mondiale, le HLF3 avait comme objectif d’évaluer le progrès fait dans l’implémentation de la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au développement. Le HLF3 avait également comme objectif d’établir par voie de consensus un plan d’action : le Programme d’action d’Accra (ou AAA, de son nom anglais Accra Action Plan). Ont participé au HLF3, des ministres de plus de 100 pays, des chefs d’agences de développement bilatérales et multilatérales, des donneurs d’organisation et des organisations de la société civile (OSC).143

Malgré leur petit nombre, les OSC ont organisé une rencontre de deux jours (du 31 août au 1er septembre) en parallèle à cet événement officiel de grande ampleur dont le programme était considéré par beaucoup comme trop technique et trop peu inclusif. Plus de 600 représentants de 325 organisations de la société civile de 88 pays ont participé à cette rencontre parallèle. De même, le Forum des femmes d’Accra (le 30 août) s’attendait à accueillir environ 70 participantes et en a reçu plus de 200 en provenance de partout dans le monde. Le Forum international des femmes d’Accra (Accra International Women’s Forum) – Depuis 2007, les organisations des droits des femmes, les défenseurs des droits des femmes et les spécialistes en égalité hommes-femmes se sont mobilisé afin d’influencer le programme, qui n’était encore pas très connu auprès des groupes de femmes, en dépit du fait de son incidence sur ces dernières. Les questions reliées au genre devraient être au cœur du développement, mais la Déclaration de Paris a omis d’inclure le genre dans ses objectifs et ses mesures et n’a pas pris en compte le rôle des femmes comme agent de développement. Donc, durant cet événement organisé à Accra144, les participantes ont formulé des stratégies à propos du HLF3 et du AAA, en plus de s’être entendu sur une déclaration qui a circulé les jours suivants. On a reconnu que la dernière version du AAA, distribué par le Groupe de travail sur l’efficacité de l’aide (le 11 août) avait connu une amélioration puisque son langage reflétait davantage l’importance des droits humains, de l’égalité en matière de genre et de la protection de l’environnement. Malgré ceci, le document était toutefois encore trop vague puisqu’il ne

143 Civil Society participation was limited to 80 representatives. It is important to mention here that such restrictive participation was only applied to CSO representatives. 144 Hosted by the Network for Women’s Rights in Ghana (NETRIGHT) and co-convened by the African Women's Development and Communication Network (FEMNET), Women in Development Europe (WIDE), the Association for Women’s Rights in Development (AWID), Development Alternatives with Women for a New Era (DAWN) and the International Gender and Trade Network (IGTN).

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contenait pas d’échéancier ni d’objectifs concrets. La déclaration des femmes a réaffirmé qu’il ne peut pas y avoir d’aide internationale efficace sans développement efficace. Et qu’une aide internationale efficace qui ne tient pas compte de l’égalité de genre et les droits des femmes ne peut conduire ni à un développement efficace, ni à la réduction de la pauvreté, ni aux inégalités sociales et encore moins à la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement145. Le Forum International des femmes a réussi à augmenter l’importance de l’égalité hommes-femmes et des questions liées à l’autonomisation des femmes à Accra. Sa déclaration a été appuyée par le Forum des OSC, qui a, à son tour, adopté certains de ses termes. Le Forum des OSC – Pendant les deux jours suivants le Forum des femmes, les OSC ont également exprimé leurs préoccupations au sujet de la dernière version du AAA, dans lequel les donneurs s’engagent encore moins concrètement que dans les versions antérieures. Si bien que le HLF3 venu, presque toutes les dates avaient été supprimées de la version d’août, supprimant du même coup les engagements en matière de temps. En outre, très peu de commentaires faits pas les OSC ont été inclus.146 La version a également manqué d’aborder les problèmes de conditionnalité, d’aide liée et de dettes étrangères; que des facteurs ayant un impact important sur le développement des pays du sud. Dans la Déclaration finale des OSC147, l’accent a été mis sur l’importance de connecter l’efficacité de l’aide à l’efficacité du développement. On a aussi mis l’accent sur l’importance d’élargir les définitions d’appropriation démocratique pour que les citoyens, pour que les organisations de la société civile et pour que les dirigeants élus soient au cœur de ce processus d’aide à tous les niveaux. Autant le Forum des femmes que les déclarations des OSC ont renforcé l’idée que l’aide internationale ne représente qu’une partie de l’équation et qu’elle doit être analysée dans un contexte élargi : en prenant compte de ses interactions avec le commerce, les dettes, la mobilisation des ressources aux niveaux national et international et le système de gouvernance international. Ainsi, l’efficacité de l’aide devrait être évaluée sur une plateforme universelle, plus démocratique et plus représentative que l’OCDE-CAD, comme qu’à l’intérieur des plateformes multilatérales (comme le Forum pour la coopération en matière de développement des Nations Unies) et dans des cadres théoriques (comme le Consensus de Monterrey). Les résultats – En essayant de plaire à tout le monde, le AAA approuvé par les ministres du HLF3 a fini par ne rien mentionner de concret. Les progrès concernant les priorités identifiées par les OSC et les acteurs de l’égalité des sexes et des droits des femmes ont été minimes. Encore une fois, trop d’importance a été accordée à l’acheminement et à la gestion de l’aide au développement, et le contenu politique des politiques et des relations d’aide a été ignoré. Durant les derniers jours de ce long processus de discussion – où eurent lieu des négociations à portes closes similaires à celles de l’OMC –, nous avons appris que les États-Unis et le Japon

145 www.betteraid.org146 Voir ‘Response from the CSO ISG to the second draft” dans www.betteraid.org 147 Voir la déclaration finale à ww.betteraid.org.

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s’opposaient au changement et refusent d’aller au-delà de la Déclaration de Paris dans certains domaines controversés tels que les systèmes nationaux et l’aide lié. Nombre de pays européens étaient, pour leur part, ouverts à la discussion de certains thèmes comme la division du travail. Du côté des pays en voie de développement, il est intéressant de noter le rôle du Brésil. Le Brésil a été très actif dans les discussions et les négociations, en défendant vivement le rôle et la reconnaissance des nouveaux pays donneurs et de la coopération sud-sud. Le Brésil a fait une déclaration très forte et a critiqué le AAA148 et les chefs actuels de l’aide, ainsi que certains points spécifiques de la coopération sud-sud. Au final, c’est l’insistance du Brésil, des nouveaux donneurs, et des pays en voie de développement qui a mené à l’amendement du AAA, sauvant les négociations de l’échec total. Les efforts de lobbying des OSC et des organisations des droits des femmes ont eu un rôle à jouer dans ce processus, même si les demandes des femmes sont encore marginalisées. Tout compte fait, certaines idées de la version finale du AAA peuvent mener vers des possibilités de changement dans le débat post-Accra. Certains échéanciers ont été ajoutés pour qu’on ne puisse pas dire que la déclaration ne soit, en grande partie, qu’une proclamation de bonnes intentions. L’importance et les particularités de la coopération sud-sud sont reconnues, et il va de même pour le rôle du Parlement. On y trouve également un langage plus fort en ce qui concerne les OSC : « Les pays en développement et les donneurs veilleront à ce que leurs politiques et programmes de développement respectifs soient conçus et mis en œuvre selon des modalités concordant avec les engagements pris par eux au niveau international concernant l’égalité homme�femme, les droits de l’homme, les handicapés et la viabilité écologique (et la reconnaissance) des OSC, considérées comme de véritables acteurs indépendants du développement (…). »149 Il est aussi mentionné (au paragraphe 31) que la contribution du Forum pour la coopération en matière de développement de l’ECOSOC est bienvenue. Prochaine étape – Les acteurs de l’égalité hommes-femmes et des droits des femmes se penchent maintenant sur le Dialogue de Haut Niveau sur le Financement du Développement à Qatar, en novembre 2008, et continueront de surveiller la mise en œuvre de la Déclaration de Paris jusqu’en 2010. La lutte pour l’égalité en matière de genre et pour la représentation équitable des défenseurs des droits des femmes persiste et doit se faire plus forte encore. Plus les enjeux acquièrent de visibilité, plus les résultats de la lutte s’avèreront efficaces, et plus les gouvernements pourront être tenus responsables des engagements qu’ils prennent auprès de leurs citoyens. En outre, il est urgent d’élargir le contexte de la discussion de l’aide, pour que le contexte soit plus démocratique. Il est aussi urgent de commencer à discuter des alternatives du modèle néolibéral et de ses promesses manquées de développement durable et d’égalité des genres. Le modèle a engendré de la discrimination, de l’exclusion sociale, de l’injustice et davantage d’inégalités. Il a réduit la possibilité d’un processus de développement juste et axé sur les personnes. La croissance économique n’est pas nécessairement synonyme de développement durable ni

148 Disponible en anglais à http://www.choike.org/nuevo_eng/informes/7022.html 149 Paragraphes 13c et 20 du AAA.

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d’égalité. Prenons l’exemple de l’Amérique Latine, où la plupart des pays sont considérés comme des pays à revenu intermédiaire, mais où se trouve la plus grande concentration de richesse au monde. Comme il été déclaré dans le discours final150 du International Gender and Trade Network (IGTN) au Forum des CSO, pour discuter de l’aide au développement, il faut être cohérent dans tous les forums et les secteurs de la coopération internationale. Le commerce, et les enjeux reliés au commerce sont d’une grande importance pour les droits sociaux et économiques et l’autonomisation du citoyen moyen. Cela devient encore plus important lorsqu’il s’agit des femmes, puisque ces dernières sont les principales responsables du travail de reproduction sociale dans le monde. Les déséquilibres et les incohérences de ce « nouveau » programme d’aide se détectent facilement quand on observe et on compare le volume de projet d’aide mis sur pieds par les pays de l’OCDE, et le grand volume de subventions que ces pays fournissent pour soutenir leur agriculture. Les subventions d’agriculture dans le nord causent des distorsions qui empêchent les producteurs locaux des pays du sud d’atteindre un développement durable, comme, par exemple, quand les biens de consommation du nord sont écoulés à bas prix dans les marchés locaux. Le modèle de développement actuel doit changer. Nous avons été témoins des conséquences négatives de la privatisation des services de base, du changement climatique et de l’incertitude alimentaire; sans mentionner le phénomène plus récent de crise économique des États-Unis. Tous ces facteurs amoindrissent les possibilités de développement durable. Le temps est venu pour les mouvements sociaux de contester ce modèle contradictoire. « Des actions, pas des mots » -- un autocollant des OSC durant le HLF3 résume bien la culmination de ces efforts.

150 Disponible en anglais à www.igtn.org/page/839 et en espagnol à http://www.choike.org/nuevo/informes/6682.html

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DECLARATION DU FORUM DES FEMMES: Recommandations pour l’Action sur L’Efficacité du Développement à Accra et ailleurs Le 30 août 2008, plus de 200 organisations de défense des droits de la femme et de renforcement des capacités des femmes, actrices et experts sur l’égalité des genres de toutes les régions du monde, ont assisté au Forum International des Femmes à Accra afin de discuter de la mise en oeuvre de la Déclaration de Paris sur l’Efficacité de l’aide. Ce communiqué qui émane du forum appelle à des mesures et à des recommandations pour le 3ème Forum de Haut Niveau. Les officiels présents au Forum de Haut Niveau d’Accra ne peuvent ignorer l’échec de leurs politiques et pratiques de développement, en particulier de celles concernant l’égalité des genres et le renforcement des capacités des femmes. Selon des chiffres récents, 1,4 milliards de personnes vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté de 1,25 dollars, et plus de la moitié sont des femmes et des filles. Il est essentiel d’analyser les implications de l’Agenda de l’Efficacité de l’Aide afin de progresser dans l’égalité des genres, les droits de la femme et le renforcement des capacités des femmes, et de considérer comment la gestion future de l’aide prendra ces questions fondamentales en considération. Il est crucial de comprendre le contexte politique des principes de développement et les défis imposés par la mise en oeuvre de la Déclaration de Paris. Nous sommes concernés par le modèle néolibéral persistant qui a clairement échoué dans ses promesses d’une croissance pour tous, et, au lieu des résultats promis, apportant la discrimination, l’exclusion sociale, l’injustice et plus d’inégalités, en plus d’avoir diminué les possibilités d’un développement juste et centré sur les populations. Les promesses de l’aide faites par les bailleurs de fonds n’ont pas été respectées Aujourd’hui, l’industrie de l’aide – définie, conçue et principalement mise en œuvre par les donneurs- échoue dans le droit au développement tel que stipulé dans la déclaration de l’ONU de 1986, ainsi que dans le droit à l’égalité de genre et le droit à sortir de la pauvreté. La Déclaration de Paris constitue un autre cadre de l’architecture inégale de l’aide, manquant d’une approche holistique à établir un développement durable et une justice sociale. L’assistance de l’aide devrait, de façon sincère, soutenir les plans nationaux adoptés démocratiquement afin de mettre en œuvre ces engagements, plus que de les imposer par l’aide. Afin d’assurer la durabilité, il est urgent que la relation entre l’agenda du commerce multilatéral et l’agenda de l’aide soit rendue explicite. L’aide ne peut être détachée du contexte plus large du commerce mondial et du système de financement. Tandis que la Déclaration de Paris ne constitue pas une obligation juridique, le Pacte International relatifs aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels, ainsi que la Plate-forme d’Action de Beijing, et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) parmi d’autres, posent des obligations légales aux gouvernements concernant les problèmes de développement, de droits de l’homme et d’égalité des genres et de durabilité environnementale. Les traités internationaux et conventions approuvés par les états ces dernières décennies devraient constituer un cadre pour les politiques et

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les pratiques de développement. Les états devraient être tenus responsables de leurs engagements. Tout effort de mise en œuvre de la Déclaration de Paris devrait s’aligner sur ces standards et objectifs internationaux. L’impact du 3ème Forum de Haut Niveau sur les relations de l’aide doit être considéré dans le contexte de débats plus larges sur le financement du développement. Il a également été reconnu que les pays à revenu moyen sont extrêmement inégalitaires, avec la majorité de la population vivant dans la pauvreté. La dernière version de l’Agenda d’Action d’Accra (AAA) a ignoré les propositions de la société civile. Les Organisations de la société civile (OSCs), dont les organisations de défense des droits des femmes, sont extrêmement concernées par cette version du 25 juillet. Tel que déclaré dans les commentaires du Comité de Pilotage International (International Steering Group) sur cette version ‘’pas assez de progrès ont été effectués dans le fonctionnement de l’aide pour les populations défavorisées’’, en particulier du coté des bailleurs de fonds. Les conséquences d’un AAA faible pourraient nuire à l’amélioration de la qualité et de l’impact de l’aide. Comparé à 2005, lorsque la Déclaration de Paris a été approuvée sans aucune considération à l’égalité de genre, il y a eu peu d’améliorations dans le texte de l’AAA. Le 11 août, l’AAA souligne la centralité de la réduction de la pauvreté et l’inégalité, les droits humains, l’égalité de genre, et de la durabilité environnementale en tant que pierre angulaire du succès d’un impact durable. L’AAA stipule également que ‘’les pays en voix de développement et les bailleurs de fonds s’assureront que leurs programmes et politiques de développement respectifs, soient conçus et exécutés en cohérence avec leurs engagements internationaux sur l’égalité des genre, les droits humains, et la durabilité environnementale’’. L’AAA reconnaît également le besoin d’améliorer l’accès aux données désagrégées selon le genre. Cependant l’AAA échoue dans la reconnaissance explicite de la nécessité d’allouer des ressources et de donner une cohésion au soutien venant de la communauté des bailleurs de fonds. L’utilisation de l’expression ‘quand approprié’ – constitue manifestement une raison de ne rien faire. Egalement, les promesses de langages sont sapées par un manque de nouveaux objectifs et mesurables, ce qui renforce les indicateurs de la Déclaration de Paris définis et mesurés par la Banque Mondiale et contestés largement par les OSC et les organisations de femmes. Un autre monde est possible Notre vision est un monde dans lequel l’aide n’est plus nécessaire, dans lequel les relations de pouvoir sont transformées et où la redistribution démocratique des richesses défient les normes et les structures de l’injustice et de la guerre et crée de nouvelles formes de relations basées sur le respect, la solidarité et la justice pour tous. Lorsque le système existant de l’aide n’est ni un instrument d’oppression et de prise politique ni de soutien à des conflits armés, mais un instrument de promotion de la démocratie, du développement durable, et d’une distribution équitable des ressources productives, l’emploi décent et d’une sécurité sociale pour tous, en particulier pour les femmes. Enfin et surtout, l’aide doit être dirigée dans le but de catalyser les dynamiques durables des organisations sociales et de renforcer les structures productives locales face à la globalisation. Les organisations de femmes estiment que le cadre légitime de l’application des normes concernant l’aide et les problèmes de coopération internationale ne peut être séparé des contextes plus larges des systèmes commerciaux et financiers mondiaux. Les questions systémiques sont mieux examinées sous la rubrique des Nations Unies, et le Forum de Coopération sur le Développement (DCF) devrait constituer le cadre d’avancement et de supervision des progrès sur l’efficacité de l’aide et du développement. Les participants du Forum des Femmes d’Accra estiment que l’efficacité de l’aide est inutile sans une efficacité du développement. L’efficacité de l’aide sans une perspective d’égalité de genre et de droits des femmes, ne mènera pas à un développement efficace, ne contribuera pas à réduire la pauvreté, ni les inégalités et échouera dans la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD).

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Recommandations des femmes au Forum de Haut Niveau d’Accra sur l’Efficacité de l’Aide Le processus de l’aide continue jusqu’en 2010, mais il n’est pas encore clair comments les états vont établir des plans de travail pour la phase à venir après Accra. Les organisations de femmes appellent les bailleurs de fonds et les gouvernements des pays développés et en développement à démontrer leur volonté politique á travers les actions suivantes: • Etre en cohérence avec la reconnaissance de l’égalité des sexes, la durabilité

environnementale, et le respect des droits de l’homme, tels que représentant le fondement du développement ; en traitant ces questions de priorité politique en tant que secteurs présentant des indicateurs de progrès et des ressources spécifiques allouées dans les budgets nationaux.

• Aligner la mise en oeuvre de la déclaration de Paris avec les objectifs de développement convenus au niveau international (IADG), tel que suggéré par le Rapport Général du Secrétaire des Nations Unies151, particulièrement avec les standards internationaux des droits de l’homme, de l’égalité des sexes, du travail décent et de la durabilité environnementale.

• Tenir la promesse d’engagement des bailleurs de fonds à augmenter l’Aide Publique au Développement (APD) à 0,7% de leur PNB. Egalement, l’aide devrait s’additionner à l’allègement de la dette est devrait se présenter sous la forme de subventions et non de prêts.

• Fournir une information transparente sur la manière dont les allocations de l’APD répondent aux engagements politiques et aux besoins des personnes. Les gouvernements des pays en développement et des pays développés doivent fournir une information budgétaire disponible, publique et transparente.

• Considérer les critères d’allocation des ressources. Les bailleurs de fonds et les gouvernements doivent assurer que des fonds spéciaux soient dirigés vers des organisations de défense des droits de la femme et que des mécanismes efficaces soient en place afin d’assurer que les fonds parviennent à ces organisations. Le financement nécessite d’être diversifié afin d’assurer que la concentration actuelle sur les OSC en tant qu’instrument de soutien n’exclue pas d’autres activités cruciales aux droits des femmes, à l’égalité des sexes, et à la réduction de la pauvreté. Nous recommandons qu’il soit donné aux femmes l’opportunité de concevoir et de mettre en œuvre leurs propres projets en fonction des priorités locales. Des ressources doivent être distribuées et servir de provision à l’utilisation d’une expertise locale.

• Reconnaître l’importance de la RCSNU 1820 et allouer des ressources à la mobilisation des communautés et à la protection des droits des femmes et leurs organisations.

• Intégrer un plan stratégique de financement de l’égalité des sexes152 et du renforcement des capacités des femmes qui soit reflété dans les lignes directrices du budget dans un système de supervision de la mise en œuvre de la Déclaration de Paris. De plus, les bailleurs de fonds (bilatéraux et

151 UN/ECOSOC E/2008/XX, Rapport Général du Secrétaire des Nation Unis (2008), Tendances et progrès dans la coopération internationale pour le développement, version non publiée 152 Les participants de la consultation appellent les bailleurs de fonds et les pays en développement à suivre la recommandation de la réunion du Groupe d’experts sur le financement de l’égalité de genre demandant aux gouvernements de s’engager à atteindre 10% de l’APD à l’égalité des sexes et au renforcement des capacités des femmes en 2010 et 20% en 2015, en établissant un plan d’action des bailleurs de fonds, des pays bénéficiaires et des stratégies DAC afin d’atteindre l’objectif, suivre les performances et évaluer l’impact (Groupe d’experts sur le financement de l’égalité de genre – Commission des Nations Unies sur le statut de la femme, Oslo, septembre 2007)

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multilatéraux) et les gouvernements des pays en développement doivent assurer et établir des mécanismes clairs à la participation des organisations de défense des droits de la femme comme partie intégrante de la société civile, en particulier les femmes des groupes exclus, dans tous les processus de planification national de développement et de planification, de programmation, de gestion, de supervision et d’évaluation de l’aide. Les organisations de femmes devraient recevoir un financement substantiel, prévisible et sur plusieurs années.

• Définir l’appropriation démocratique et participative comme le vecteur principal de la mise en œuvre de la Déclaration de Paris, sans établir de formes nouvelles de conditionnalité du processus. Une telle approche doit être en ligne avec la reconnaissance d’un leadership national (Consensus de Monterrey), le droit au développement, le droit à l’autodétermination, le droit à la participation et le droit à la non-violence.

• Renforcer les capacités, les ressources, et l’autorité des mécanismes féminins nationaux afin de soutenir et de superviser les ministères concernés, d’autres organismes gouvernementaux et les parlements dans leur influence de planification du développement national et d’allocation du budget à l’égalité des sexes et aux droits de la femme.

• Accepter que les conditionnalités de politiques économiques ont un impact négatif sur les populations, en particulier sur les femmes. Et, ainsi retirer toutes les conditionnalité de politiques économiques qui sapent le principe d’appropriation et qui sont en contradiction avec les droits au développement et à l’autodétermination. Cela doit inclure les conditionnalités liées à l’égalité des genres et d’autres conditionnalités dites ‘’positives’’. La responsabilité mutuelle, le soutien et la transparence mutuels des bailleurs de fonds et des pays en développement doivent être appliqués et renforcés pour une réponse aux standards et aux objectifs de l’égalité des sexes et des droits de l’homme.

• Mesurer les résultats du développement de la Déclaration Paris en adoptant des systèmes existants de rapport et de supervision concernant la conformité des droits de l’homme, tels que l’indice de Gini sur l’inégalité de revenu ainsi que d’autres processus tels que la CEDAW, les OMD, la Résolution du Conseil de Sécurité des Nations Unies 1325 (RCSNU 1325), etc. Si de nouveaux indicateurs sont créés, ils devraient être construits dans un processus plus inclusif qui prend également en compte les bénéficiaires fondamentaux et les acteurs locaux. Il doit être stipulé explicitement comment les données des indicateurs sont générées, permettant à la société civile et aux organisations de femmes de participer à la production des données et au suivi des indicateurs. L’allocation des ressources du budget national à la formation en supervision et évaluation des organisations de femmes doit être considérée.

• Mesurer les résultats de la tendance de genre et des actions spécifiques au genre par des indicateurs tels que l’accès à la santé et à l’éducation, le changement dans l’emploi et les revenus des femmes, l’incidence de la violence sur les femmes, le droit à la réparation, le droit d’héritage, de propriété, d’utilisation des terres, la participation et la prise de décision des femmes.

• Porter une attention particulière aux besoins et à la restitution des droits des femmes de pays fragilisés (pays en conflit, sortant d’un conflit ou en situation post-conflit) et de communautés victimes de conflits localisés et d’attaques xénophobes, en impliquant les femmes dans un processus de renforcement de la paix et en acheminant une assistance de développement spécifique aux organisations de femmes afin de répondre aux inquiétudes et aux besoins des femmes rescapées, en incluant le renforcement des capacités, l’accès à

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l’information et aux services de santé sexuelle et reproductive, et l’arrêt de violences contre les femmes153.

• Promouvoir l’utilisation d’une combinaison de mécanismes de financement afin d’assurer les droits et le renforcement des capacités des femmes, dont un soutien budgétaire général et sectoriel, des financements communs par les SWAps et des partenariats avec les organisations de la société civile et les agences des Nations Unies. Le soutien du budget général seul ne peut mener au progrès des objectifs de développement, en particulier pour la plupart des groupes marginalisés.

153 Le cas de la Mauritanie : les partenaires et les bailleurs de fonds du développement ne devraient pas utiliser l’aide comme un instrument politique au dessus des moyens d’existence des populations, ils devraient promouvoir une approche constructive et soutenir la population afin de renforcer et d’établir des institutions démocratiques

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ANNEXE

Indicateurs alternatifs suggérés pour l’évaluation des progrès vers les Objectifs de Développement nationaux, incluant l’Egalité de Genre et le

renforcement des Capacités des Femmes Principes de la Déclaration de Paris

Indicateurs suggérés

Appropriation 1.1 Les pays évalués en 2010 présentent des structures institutionnelles en place permettant la participation systématique de la société civile et des organisations de femmes dans la planification (dont la formulation des DSRP), la mise en œuvre et la supervision nationales du développement 1.2 Les stratégies nationales de développement et les DSRP développés en 2010 intègrent une analyse de la pauvreté selon le genre, soutenue par des données désagrégées selon le genre et une référence aux engagements nationaux aux conventions internationales telle que la CEDAW et la plateforme d’action de Pékin 1.3 Le coût des priorités/plans nationaux pour l’égalité des genres est évalué, soutenu par un plan d’action et intégré dans les stratégies nationales de développement et les DSRP

Alignement & Harmonisation

2.1 Les bailleurs de fonds et les pays partenaires évalués en 2010 ont des systèmes de budgétisation en place sensibles au genre aux niveaux national et local 2.2 Le pourcentage des fonds dédiés au renforcement de la capacité selon des perspectives de genre dans les finances publiques pour les officiels du ministère des finances, les autres ministères concernés, la société civile (et en particulier les organisations de femmes) et les parlementaires 2.3 Le pourcentage du financement public/des bailleurs de fonds en réponse aux besoins spécifiques des femmes par exemple, la violence contre les femmes et le VIH/SIDA

Gestion axée sur les résultats & responsabilité mutuelle

3.1 L’évaluation de 2010 des principes de la déclaration de Paris présente un engagement systématique de la société civile et des organisations de femmes 3.2 Au moins trois indicateurs relatifs au genre sont évalués lors du suivi de l’efficacité de l’aide et du processus d’évaluation 3.3 Les cadres d’évaluation des performances incluent l’égalité des sexes comme un résultat clé et comprennent un engagement systématique de la société civile et des organisations de femmes 3.4 Le pourcentage de l’aide dédié à des systèmes harmonieux pour un renforcement des capacités commun des gouvernement/bailleurs de fonds sur la tendance à l’égalité de genre dans les approches des programmes en place au niveau du pays

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Témoignages et points de vue :

en direct d’Accra Compilé par Anne Schoenstein154 (AWID)

Le Forum international des femmes d’Accra, le Forum parallèle de la société civile et le 3e Forum de haut niveau sur l’efficacité de l’aide, tenus au Ghana en 2008, ont rassemblé une multitude d’organisations de la société civile (OSC), y compris les organisations des droits des femmes. Plus particulièrement, le Forum des femmes d’Accra, a donné l’occasion aux militantes des droits des femmes et de l’égalité entre les sexes d’échanger sur leurs expériences, d’exprimer leurs points de vue, de se faire entendre et de forger des alliances mutuelles. Ce chapitre, par les témoignages et les réflexions de la part de femmes présentes à Accra, vise à fournir un aperçu de l’atmosphère qui prévalait au Forum des femmes d’Accra. On offre certaines suggestions quant aux actions que les gouvernements et donateurs devraient entreprendre pour réaliser et promouvoir l’égalité entre les sexes et les droits des femmes. On fait également état de diverses opinons quant aux conditionnalités. Ce chapitre inclut également l’opinion du European Network on Debt and Development (EURODAD) à l’égard de cette publication sur les conditionnalités.

Nurgul Djanaeva, Forum of women’s NGOs of Kyrgyzstan, Présidente :

Quelles sont vos impressions/vos réflexions à l’égard du Forum des femmes d’Accra? La rencontre était en soi importante pour recueillir les opinions et les visions des femmes, pour clarifier certaines questions au bénéfice des participantes, pour partager les points de vue et apprendre les unes des autres. Mais elle est également très importante en relation aux discussions élargies sur le FdD (Financement du développement), aux débats sur l’efficacité de l’aide et sur la manière d’intégrer les positions conjointes aux déclarations des OSC et du FHN-3, du point de vue des femmes. J’éprouve des sentiments très positifs et j’ai beaucoup appris. J’ai aussi vu que nous, les femmes de partout au monde, partageons des défis similaires liés au sous-financement, ce qui mine l’apport des OSC de femmes à titre d’acteurs du développement. Il m’a aussi semblé très clair que sans les

154 Ce chapitre prend vie dans les témoignages et les points de vue échangés avec l’AWID par la voie de contacts personnalisés. J’aimerais remercier sincèrement toutes les personnes qui y ont contribué, pour leur ouverture, ainsi que le temps et les efforts consentis au partage de leur réflexion et leurs opinions.

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efforts de lobby conjoints de la part des femmes pour inclure la réflexion sur l’égalité entre les sexes aux débats entourant l’aide, les résultats de ces débats seront impossibles à atteindre. J’estime que l’organisation de telles rencontres de femmes portant sur les questions d’ensemble relatives au développement, avant la tenue des rencontres des OSC, a des effets unificateurs et offre l’occasion de renforcer la formulation des déclarations, en plus d’insuffler une énergie certaine au mouvement des femmes. Il s’agit d’un bon exemple de réseautage thématique international sur les questions transversales. Cette rencontre a contribué aux efforts de lobby et au réseautage, tout en renforçant les capacités de revendications à l’échelle internationale. À votre avis, quelles actions les gouvernements et les donateurs devraient-ils entreprendre dans votre pays, région, pour réaliser et promouvoir l’égalité entre les sexes et les droits des femmes? 1. Il faudrait que le financement des questions relatives aux femmes et des organisations de femmes soit intégré au processus et aux mécanismes d’amélioration de l’aide. Inclure aux budgets et portefeuilles des donateurs destinés aux pays, une ligne budgétaire visant les dispositifs nationaux de femmes et la mise en œuvre des plans d’action nationaux sur l’égalité entre les sexes; considérer qu’il s’agit là de la réalisation de leurs engagements envers l’égalité entre les sexes, plutôt que d’un élément qui entre en conflit avec l’appropriation nationale, lorsque les femmes ne font pas partie des priorités nationales; il faudrait plutôt qu’ils considèrent ces démarches comme des gestes d’intégration de l’égalité entre les sexes. Considérer l’avancement des femmes et de l’égalité entre les sexes à titre d’indicateurs distincts, les mettre en relation aux OMD (objectifs du Millénaire pour le développement) à l’échelle nationale et les inclure à l’agenda de l’aide, du point de vue de la gestion axée sur les résultats. Bref, allouer les fonds requis dans les budgets des donateurs et des États. 2. Que les budgets des États et des donateurs consentent des fonds spéciaux au soutien à long terme des programmes des organisations de femmes. Sinon, la majorité des plans, y compris ceux des États, demeurent des échecs de planification. 3. Les ONG (organisations non gouvernementales) de femmes devraient faire partie des processus de mise en œuvre et de suivi de la DP (Déclaration de Paris) et du PAA (Programme d’action d’Accra). En cette matière, les donateurs devraient accorder des fonds distincts destinés au renforcement des capacités des ONG de femmes. Que pensez-vous des conditionnalités? Les conditionnalités font obstacle à l’efficacité de l’aide et imposent des pressions extérieures. Fati Alhassan, GRASSROOTS SISTERHOOD FOUNDATION, Directrice générale : Quelles sont vos impressions/vos réflexions à l’égard du Forum des femmes d’Accra?

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Au départ, j’avais des réserves à propos de cette conférence. Je craignais que cela n’aboutisse à une autre des nombreuses contributions des femmes – perçues comme des agitations féminines – qui bien qu’elles soient justes sur toute la ligne, ne sont jamais prises au sérieux. J’estime toutefois que le fait de rassembler plusieurs femmes au Forum, pour quelles s’expriment sur divers sujets, constitue une indication très claire que nous préférons lutter pour que nos préoccupations soient entendues plutôt que de voir les agents des gouvernements – la plupart étant des hommes – s’exprimer sur nos enjeux, pour au bout du compte nous fournir des réponses symboliques qui ne contribuent pas à réduire la pauvreté, la maladie, la morbidité et la mortalité prévalant chez nous. Nous aimerions que notre gouvernement comprenne qu’aussi invisibles que nous soyons, nous avons tout de même un intérêt au développement global de nos collectivités et qu’ainsi, nous avons besoin d’être entendues et prises au sérieux. J’espère que ce Forum et les recommandations en découlant ne seront pas de simples décorations sur les tables des gouvernements, comme c’est toujours le cas. À votre avis, quelles actions les gouvernements et les donateurs devraient-ils entreprendre dans votre pays, région, pour réaliser et promouvoir l’égalité entre les sexes et les droits des femmes? Je considère importantes les suggestions sur l’utilisation de l’aide pour favoriser le changement à long terme. Je souhaiterais que les gouvernements et les donateurs adoptent des politiques ayant pour effet de tirer les femmes de la pauvreté puisque plus de la moitié des pauvres du monde sont des femmes. Cela ne peut se produire que si les femmes obtiennent le soutien nécessaire à l’achat collectif de terres, à entreprendre des initiatives agricoles et à s’engager auprès des administrations locales et dans les dialogues avec les autres parties prenantes sur le plan local. Cela ferait en sorte que les femmes de GRASSROOTS siègent aux comités de surveillance des dépenses des conseils de quartier chargés du suivi et de l’évaluation et surtout, de la surveillance des fonds – comment ils sont utilisés et où ils sont distribués. Les gouvernements et les donateurs doivent tous deux veiller à intégrer ces éléments et à établir des indicateurs qui assureront qu’il ne s’agit pas que de vœux pieux, mais bien d’initiatives auxquelles on donnera suite en toute lettre, au bénéfice des femmes. Que pensez-vous des conditionnalités? Pour ce qui est des conditionnalités, elles réduisent d’autant les pouvoirs de négociation des bénéficiaires et, au nom des femmes des milieux ruraux, j’incite les donateurs à réexaminer le fait d’assujettir des conditionnalités à l’aide puisque nous en sommes plus appauvries, plusieurs personnes n’étant pas en mesure d’obtenir de l’aide, même si l’accès en était facilité en leur nom. Les conditionnalités qui font en sorte que l’argent soit mis à la disposition de ceux et celles à qui il était destiné sont plutôt opportunes155. En revanche, les conditionnalités qui mèneront les gens au chômage ou qui réduiront les personnes à devenir des citoyens de seconde zone sont inacceptables, 155 Ce commentaire fait référence aux conditionnalités fiduciaires décrites au chapitre 1.

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comme elles l’étaient au moment des ajustements structurels des années 80. Les pays en développement devraient être soutenus dans leur lutte à la pauvreté, en passant par le fait que les donateurs exigent des indicateurs qui augmenteront la richesse des gens, diminueront le chômage et feront la promotion des droits des femmes dans tous les secteurs de l’économie. « Le monde continuera de jongler avec la pauvreté et les conditionnalités, jusqu’à ce que les femmes des milieux ruraux puissent acheter et devenir propriétaires des terres et des logements et qu’elles puissent mobiliser les gouvernements en vue de favoriser le développement de leurs communautés». Nang Lao Liang Won, Shan Women's Action Network (SWAN): Quelles sont vos impressions/vos réflexions à l’égard du Forum des femmes d’Accra? Les femmes du Ghana et de la région étaient bien représentées au Forum. J’ai aperçu des femmes que je connaissais d’autres régions et réseaux. La salle de réunion était remplie à craquer et les discussions se sont bien déroulées; la journée a donc passé très vite. J’aurais souhaité que la rencontre se poursuive pour que nous puissions écouter les voix de celles que nous n’avons pas entendues, d’autres régions ayant des antécédents différents. Nous provenons de régions et de réseaux différents mais nous parlons toutes le même langage lorsqu’il s’agit d’égalité entre les sexes, des droits humains des femmes et de l’autonomisation; nous réclamons toutes une approche holistique. Nous nous entendons sur le fait que l’aide ne sera jamais efficace sans l’avènement de l’égalité entre les sexes. J’étais aussi ravie de savoir que NETRIGHT entreprenait un processus de consultation nationale, préparant la participation active des groupes de femmes de partout au monde, tout en forgeant un consensus national. Cela a confirmé ma conviction à l’égard de l’importance de tenir une consultation convenable pour que tout plan ou projet, quelle qu’en soit la taille, obtiennent des résultats durables et ce, peu importe que nous agissions à titre d’organisation, de communauté ou de pays. De tels processus sont essentiels à tous les échelons, et dans le cadre de toutes les tâches. Il faut du temps, l’espace, un milieu dénué de risques, l’encouragement et les ressources. Cependant, les résultats seront durables et les gens qui y sont engagés seront autonomisés par le processus d’apprentissage mutuel, de partage des connaissances et par le fait d’être informés. À votre avis, quelles actions les gouvernements et les donateurs devraient-ils entreprendre dans votre pays, région, pour réaliser et promouvoir l’égalité entre les sexes et les droits des femmes? À court terme, les donateurs et les gouvernements (et leur personnel) ont peut-être besoin d’une « lunette sexospécifique »!

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Il est nécessaire de mettre en place des stratégies holistiques à long terme, la cause fondamentale de l’inégalité entre les sexes étant le patriarcat. Pour un pays comme le Birmanie, des stratégies à horizon encore plus long sont requises, puisque le pays est dirigé par une junte militaire entièrement composée d’hommes qui font la promotion du patriarcat, par la militarisation et en perpétrant diverses formes de violence à l’égard des femmes et ce, partout au pays. L’autonomisation des femmes est fondamentale. Il faut des investissements massifs sur cette question. L’autonomisation ne se produit pas du jour au lendemain. Le simple fait d’accorder des fonds ne représente pas l’autonomisation. Nous devons aussi :

- Instaurer un espace, des milieux sans risques et offrir du soutien financier et psychologique aux femmes, à tous les échelons, afin qu’elles exercent leurs droits et leurs habiletés.

- Écouter les femmes et les communautés, pour comprendre ce qu’elles veulent en matière de connaissances locales, à la maison comme dans la communauté, plutôt que leur demander de faire ce que vous voulez qu’elles fassent.

- Rehausser la participation des femmes dans les processus de prises de décision à tous les échelons, de la maison au palier national.

L’OPINION D’EURODAD (www.eurodad.org)

Un apport considérable au défi des conditionnalités Le nouveau rapport de l’AWID sur les conditionnalités et les droits humains représente un apport considérable au débat soutenu entourant le rôle des gouvernements donateurs et des agences multilatérales quant à l’aide qu’ils apportent aux pays en développement. Au cours du troisième Forum de haut niveau sur l’efficacité de l’aide, tenu à Accra du 2 au 4 septembre 2008, on a témoigné de légers fléchissements du discours, vers un modèle d’aide que les pays en développement « s’approprieraient de manière plus inclusive », et qui serait en outre plus transparent et responsable, assorti d’un nouvel accent fort apprécié sur les responsabilités des donateurs. Cependant, l’imposition de conditionnalités dans le cadre des relations d’aide est demeurée incontestée, en dépit des alertes lancées par les acteurs de la société civile et les gouvernements des pays en développement du monde entier. Le seul engagement réellement nouveau stipule que «les donneurs et les pays en développement publieront régulièrement toutes les conditions intéressant les versements ». Pendant ce temps, les demandes de la société civile sur l’importance de « l’appropriation démocratique » de l’aide et sur le fait que l’égalité entre les sexes devienne un objectif essentiel de développement ont gagné du galon comme en fait foi la formulation améliorée du Programme d’action d’Accra. Cependant, ces discussions ont également suscité des questionnements chez certaines personnes à savoir si ces aspects devaient se traduire par

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une certaine augmentation des conditionnalités « positives » ou « liées au processus » de l’aide, afin d’opérationnaliser ces engagements. Cette série de documents est particulièrement intéressante et pertinente, d’autant qu’elle est produite par une organisation des droits des femmes de premier plan, dont la mission première est l’avancement des droits des femmes du monde entier. L’apport de cette publication repose principalement sur son analyse claire des différences entre les devoirs des États indépendants de la communauté internationale relativement aux droits humains et aux conditionnalités liées à l’aide – plus précisément les conditionnalités politiques. Les ONG du Nord – y compris Eurodad et ses membres – ont eu tendance à diriger leurs reproches vers les conditions relatives aux politiques économiques et vers les politiques d’ajustements structurels. Les auteures présentent une solide critique des incidences négatives de plusieurs de ces politiques économiques sur les droits économiques, sociaux et culturels. Cependant, elles vont bien au-delà en contestant toutes les conditionnalités politiques, y compris celles qui portent sur l’égalité entre les sexes. Ces conditionnalités dites « amicales » et « positives » ne sont pas constructives, non plus qu’elles soient un moyen durable de renforcer la réalisation et la promotion des droits humains et de l’égalité entre les sexes ». Par une analyse rigoureuse des dispositions établies dans les traités internationaux en matière de droits humains, les auteures démontrent la façon dont l’approche axée sur les conditionnalités contredit les obligations que comportent les conventions que ces donneurs ont signées, en plus de saper le système de suivi des droits humains. On estime que le fait d’assujettir l’aide à des conditions « positives » comme l’égalité entre les sexes n’est « ni juste, ni cohérent ». D’une part, les pays en développement ont dû mettre en œuvre des politiques d’ajustements structurels qui ont eu des incidences négatives sur les droits humains. D’autre part, les donateurs ne s’engagent à aucune conditionnalité réciproque, sur laquelle ils auraient à rendre des comptes. L’une des faiblesses principales du cadre de la Déclaration de Paris réside dans le fait qu’en dépit de ses engagements à l’égard des principes comme « l’appropriation », et la « responsabilité mutuelle », peu de choses ont changé au sein des relations de pouvoir entre les donateurs et les pays bénéficiaires de l’aide. Le document illustre que les conditionnalités continuent de prospérer, sur le plan des apports d’aide mais aussi sur celui du mécanisme de suivi à la Déclaration de Paris – notamment du fait que la Banque mondiale surveille les principaux engagements des pays en développement. Malgré les critiques généralisés à l’égard du processus de suivi, y compris de la part de l’évaluation de l’OCDE elle-même, le FHN d’Accra n’a rien fait pour le modifier. L’AWID recommande que « soient éliminées les conditionnalités politiques et qu’on mette plutôt l’accent sur le renforcement de la responsabilité mutuelle, de la reddition de comptes et de la transparence des pays donateurs et des pays du Sud, vers la réalisation de leurs engagements en matière d’égalité entre les sexes et des droits humains, à l’échelon national et international». Le défi principal avec lequel devront composer les groupes des droits des femmes et les OSC, consiste à élaborer des propositions détaillées et concrètes sur la manière de mettre en application cette recommandation.

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Somme toute, nous revenons constamment au nœud du problème, soit

l’absence de système fonctionnel qui puisse tenir les pays donateurs responsables de leurs engagements, y compris de leurs obligations en matière de droits humains. Il est urgent de mettre en place un meilleur

système international de reddition de comptes, pour que le fléchissement de la rhétorique entourant la Déclaration de Paris se traduise par un réel

fléchissement du paradigme.

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10. Une analyse sexospécifique du Programme

d’action d’Accra

Par Nerea Craviotto Le 4 septembre 2008, à Accra au Ghana, les ministres des pays en développement et des pays donateurs, de même que les directions d’agences de développement bilatérales et multilatérales ont adopté le Programme d’action d’Accra. Cet accord politique est issu de longs mois de discussions et de quelques négociations de dernière heure à Accra, qui ont servi à éviter que l’accord ne devienne une totale tromperie. Sur la route d’Accra, les organisations des droits des femmes et les défenseurs de l’égalité entre les sexes et des droits des femmes entretenaient de très grandes attentes à l’égard du troisième Forum de haut niveau (FHN-3). On peut d’ailleurs le constater dans les « Recommandations de la Consultation internationale des organisations et des réseaux de femmes et l’efficacité de l’aide (en anglais seulement) » 156 (janvier-février 2008) et dans la Déclaration du Forum des femmes d’Accra157 (voir le chapitre 8) qui comportent les revendications suivantes : • Que les administrations des pays donateurs et des pays en

développement respectent leurs engagements à l’égard des cadres internationaux des droits humains et des accords principaux sur les droits des femmes, comme la Plan d’Action de Beijing, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) et les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Ces engagements exigent que les politiques des gouvernements des donateurs et des pays en développement soient cohérentes et qu’elles soutiennent et opèrent conformément à ces ententes et aux autres accords convenus sous l’égide des Nations Unies, particulièrement en matière de droits des femmes et des obligations relatives aux conditions sociales et à l’égalité entre les sexes.

• Qu’il soit reconnu que l’efficacité du développement est la mesure de l’efficacité de l’aide, en évaluant les apports destinés à la réalisation des normes internationales sur les droits humains, l’égalité entre les sexes, le travail décent et le développement durable. Dans cette veine, il importe d’intégrer aux mesures des résultats de développement, les systèmes actuels relatifs aux rapports et au suivi du respect des droits humains, comme l’index de Gini sur l’inégalité du revenu, ainsi que d’autres processus, comme CEDAW, les OMD, la Résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies (S/RES/1325), etc.

• Que soit élargie la notion d’appropriation nationale pour en faire une appropriation démocratique, où citoyens et gouvernements participent pleinement aux débats et à l’élaboration des priorités de développement

156 www.awid.org; www.wide-network.org 157 www.awid.org; www.wide-network.org

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afin que l’aide soit alignée aux priorités nationales et aux besoins des citoyens. En outre, les OSC, y compris les organisations des droits des femmes, doivent être reconnus de plein droit, à titre d’acteurs du développement.

• Que les administrations des pays donateurs et des pays en développement fournissent des renseignements de manière transparente sur la façon dont est répartie l’Aide publique au développement (APD). De plus, les donateurs et les pays en développement doivent fournir des budgets nationaux publics.

• Que les gouvernements des pays donateurs respectent leurs engagements voulant que l’ADP corresponde à 0,7 % de leur produit national brut (PNB). De plus, la crise financière actuelle ne doit pas servir de prétexte à reporter la réalisation de ces engagements.

• Qu’il soit reconnu que les conditionnalités politiques ont une incidence négative sur les populations, particulièrement sur les femmes. Et qu’en conséquence, soient éliminées toutes les conditionnalités relatives aux politiques économiques qui minent le principe d’appropriation et contreviennent au droit au développement et à l’autodétermination. Cela doit inclure les conditionnalités liées à l’égalité entre les sexes et les conditionnalités dites « positives ». On doit plutôt mettre en application la responsabilité mutuelle, la reddition de comptes et la transparence des donateurs et des pays en développement, et les orienter plus clairement vers les normes et objectifs relatifs aux droits humains et à l’égalité entre les sexes.

• Que soit portée une attention particulière aux besoins et à la restitution des droits des femmes de pays fragilisés (pays en conflit, sortant d’un conflit ou en situation post-conflit) et de communautés victimes de conflits localisés et d’attaques xénophobes, en intégrant les femmes aux processus de renforcement de la paix et en acheminant une assistance de développement spécifique aux organisations de femmes, afin de répondre aux inquiétudes et aux besoins des femmes rescapées.

Accra a généré un certain progrès, mais rien de révolutionnaire. En comparaison à 2005, lorsque la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide a été adoptée, sans point de vue relatif à l’égalité entre les sexes ou aux droits des femmes, le texte final du PAA comporte certaines améliorations. Par exemple, il met l’accent sur la nature cruciale de la réduction de la pauvreté et des droits humains dans le contexte des politiques de développement et sur l’importance des droits humains, de l’égalité entre les sexes et de la viabilité environnementale, comme « facteurs qui conditionnent l’obtention d’effets durables » [paragr. 3]. De plus, il stipule que « Les pays en développement et les donneurs veilleront à ce que leurs politiques et programmes de développement respectifs soient conçus et mis en œuvre selon des modalités concordant avec les engagements pris par eux au niveau international concernant l’égalité homme-femme, les droits de l’homme, les handicapés et la viabilité écologique » [paragr. 13c] et que « les donneurs et les pays en développement se concerteront et se mettront d’accord sur une série d’objectifs réalistes dans le domaine de la construction de la paix et du renforcement de l’État permettant de s’attaquer aux causes profondes des conflits et de la fragilité des États et d’assurer la protection et la participation des femmes » [paragr. 21b]. De plus, le PAA reconnaît l’importance, pour les pays en développement, de s’engager à améliorer la qualité de la conception, de l’exécution et de l’évaluation de

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leurs politiques en consolidant les systèmes d’information, et notamment en ventilant, « le cas échéant » 158, les données par sexe, région et catégorie socio-économique. Cependant, il ne reconnaît pas expressément la nécessité de consentir des ressources et l’importance que la communauté des donateurs souscrive à ces visées. Sur le plan des statistiques, la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide adoptée en 2005, ne fait référence qu’une seule fois en 50 paragraphes à « l’égalité entre hommes et femmes », principalement pour traiter de la nécessité, en plus de l’environnement, « des efforts d’harmonisation [qui] doivent également être accomplis dans d’autres domaines transversaux comme l’égalité entre hommes et femmes ». Par ailleurs, le PAA, qui compte 32 paragraphes, ne fait référence que deux fois à l’égalité entre les sexes – dont une fois dans le préambule et la seconde pour énoncer l’importance d’élaborer des politiques et des programmes de développement qui soient conçus et mis en œuvre selon des modalités concordant avec les engagements pris par les pays au niveau international concernant l’égalité homme-femme. On y fait remarquer en une occasion qu’il importe d’intégrer les femmes aux processus de paix et du renforcement de l’État. On y note également que l’extrême pauvreté touche principalement les filles et les femmes et on indique qu’il faut améliorer les systèmes d’information, à l’aide de données ventilées selon le sexe. Bien que l’on puisse observer un certain progrès quant à la reconnaissance de l’importance de l’égalité entre les sexes dans le processus de Paris, cela est bien loin d’être suffisant. Les chiffres parlent et nous démontrent non seulement le manque d’ambition quant à l’intégration expresse de l’égalité entre les sexes et des droits des femmes au PAA, mais également le défaut de mettre en application une approche d’intégration de la dimension du genre d’un bout à l’autre des priorités mises de l’avant dans le document. Qui plus est, les progrès sur le plan de la formulation sont érodés par l’absence de nouvelles cibles ou d’engagements pouvant faire l’objet de suivis en matière d’égalité entre les sexes et de droits des femmes. Cela dénote une absence de volonté politique chez les administrations des pays donateurs et des pays en développement, et chez agences bilatérales, volonté qui viserait à rendre prioritaire l’égalité entre les sexes dans le processus de l’efficacité de l’aide. Le PAA est formulé de telle sorte à établir le lien entre l’efficacité du développement et l’aide, dans le contexte des droits humains. Il y est énoncé : « L’égalité homme-femme, le respect des droits de l’homme et la viabilité environnementale sont des facteurs qui conditionnent l’obtention d’effets durables sur les conditions de vie et les perspectives des pauvres, hommes, femmes et enfants. Il est indispensable que l’ensemble de nos politiques visent de façon plus systématique et plus cohérente à apporter des réponses à ces problématiques ». [paragr. 3] « Nous nous engageons à poursuivre les efforts déployés dans les domaines du suivi et de l’évaluation qui nous permettront d’apprécier si nous avons honoré les engagements pris dans la Déclaration de Paris et

158 PAA, paragraphe 23a. L’emploi de l’expression « le cas échéant » a pour effet d’affaiblir l’engagement.

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dans le Programme d’action d’Accra et de déterminer dans quelle mesure l’efficacité de l’aide s’améliore et dans quelle mesure cette amélioration rejaillit sur le développement ». [paragr. 11] « Les pays en développement et les donneurs veilleront à ce que leurs politiques et programmes de développement respectifs soient conçus et mis en œuvre selon des modalités concordant avec les engagements pris par eux au niveau international concernant l’égalité homme-femme, les droits de l’homme, les handicapés et la viabilité écologique ». [paragr. 13c]

Cependant, les OSC avaient demandé l’inclusion du travail décent, comme l’un des paramètres cruciaux à l’aune duquel l’efficacité devrait être mesurée. Malheureusement, le PAA n’englobe pas cette dimension fort importante aux paragraphes 3 et 13159. De plus, comme il a déjà été souligné, l’absence de mécanismes assurant le suivi de la mise en œuvre des ces engagements crée dans les faits une déclaration d’intentions, bien plus qu’un réel engagement à modifier les comportements. Pour ce qui est de l’appropriation, le PAA ne fait pas référence à « l’appropriation démocratique », mais il identifie l’appropriation nationale comme domaine clé et engage les administrations des pays en développement à plus de maîtrise de leurs propres politiques alors qu’ils « associeront leurs parlements et leurs citoyens respectifs à l’élaboration de celles-ci. Les donneurs apporteront leur soutien tout en respectant les priorités des pays, en investissant dans leurs ressources humaines et dans leurs institutions, en utilisant davantage leurs systèmes pour acheminer l’aide et en améliorant la prévisibilité des apports d’aide » [paragr. 8]. De plus, les agents officiels au FHN-3 se sont engagés à « la construction de partenariats davantage ouverts à tous afin que nos efforts collectifs aient davantage d’impact sur la réduction de la pauvret » [paragr. 9]. En outre, le paragraphe 13a stipule que « Les administrations des pays en développement associeront également à ce processus des organisations de la société civile (OSC) ». Dans cette même veine, les donneurs affirment au paragraphe 13b qu’ils «appuieront les efforts déployés pour accroître la capacité de l’ensemble des acteurs du développement – parlements, administrations locales et centrales, OSC, instituts de recherche, médias et secteur privé – de prendre une part active au dialogue sur la politique de développement et sur le rôle de l’aide au service des objectifs de développement visés par les pays ». Le paragraphe 15 convient de l’absence de progrès au sein des administrations des pays donateurs quant à l’utilisation des systèmes nationaux des pays partenaires, en dépit de ses avantages pour le développement et engagent les administrations des pays donneurs « à recourir aux systèmes nationaux comme la solution de première intention pour les programmes d’aide à l’appui d’activités gérées par le secteur public » [para. 15a]. Qui plus est, « Dans le cas où les donneurs choisissent plutôt de recourir à des mécanismes d’acheminement de l’aide extérieurs aux systèmes nationaux (notamment à des unités parallèles de mise en œuvre des projets), ceux-ci devront expliquer ouvertement les raisons de ce choix et réexaminer leur position à intervalles réguliers.

159 Comité directeur international des OSC (2008), De Paris 2005 à Accra 2008 : L’aide au développement va-t-elle devenir plus responsable et efficace? Une approche critique du Plan d’action pour l’efficacité de l’aide, www.betteraid.org

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Lorsque le recours aux systèmes nationaux ne sera pas envisageable, les donneurs devront instituer des mesures et des dispositifs de sauvegarde supplémentaires propres à consolider les systèmes et procédures des pays et non à les saper » [paragr. 15b]. Quant aux délais, les administrations des donateurs s’engagent à débuter les travaux immédiatement et à partager leurs plans de manière transparente visant à satisfaire aux exigences de la DP sur l’utilisation des systèmes nationaux et en conséquence, ils réaffirment l’engagement qu’ils ont pris dans la Déclaration de Paris « de fournir 66 % de l’aide selon des approches axées sur les programmes. En outre, les donneurs s’efforceront d’acheminer au moins 50 % de l’aide d’État à État en utilisant les mécanismes fiduciaires des pays […] » [paragr. 15d]. Bien que l’on puisse accueillir favorablement les jalons franchis à Accra pour consolider la notion « d’appropriation nationale », il n’en demeure pas moins que des défis se profilent à l’horizon, particulièrement sur le plan de la mise en œuvre. L’appropriation démocratique exige des mécanismes de gouvernance légitimes favorisant la participation aux prises de décision et la reddition de comptes dans les plans et processus de développement, qui s’appliquent tant aux parlements, qu’aux élus et aux groupes de la société civile, y compris les organisations des droits des femmes et les citoyens. Cependant, à ce jour les principaux indicateurs de l’appropriation nationale sont les Documents stratégiques de réduction de la pauvreté (DSRP) et les plans de développement qui y sont rattachés. Pourtant, les DSRP constituent un mécanisme d’allègement de la dette qui donne préséance aux créanciers160. Le PAA ne suggère aucun mécanisme, non plus qu’il identifie de nouveaux indicateurs pour mesurer les progrès vers la réalisation des engagements convenus à Accra. En dernier lieu, sur la question de l’appropriation nationale, quoique le PAA reconnaisse les OSC, y compris les organisations des droits des femmes, à titre d’acteurs du développement de plein droit161, on n’évoque pas la mise en place de mécanismes de financement précis au soutien de la participation des OSC, y compris les organisations des droits des femmes, dans l’ensemble des processus de planification nationale, de planification de l’aide, de programmation, de gestion de suivi ou encore d’évaluation. La transparence et la reddition de comptes sont au cœur des revendications mises de l’avant par les organisations des droits des femmes et l’ensemble des OSC. La formulation du PAA sur la transparence et la reddition de comptes est plus ferme, reconnaissant que « La transparence et la reddition de comptes sont des facteurs essentiels pour l’obtention de résultats sur le front du développement » [paragr. 24]. Ainsi, les administrations des pays en développement « faciliteront la surveillance parlementaire en garantissant une transparence accrue dans la gestion des finances publiques, notamment en rendant publics le montant des recettes, des budgets, des dépenses et des marchés passés ainsi que les conclusions des rapports d’audit » et les administrations des pays donateurs « diffuseront régulièrement des informations détaillées et 160 Alemany, C., Craviotto, N. et al. (2008). Mise en œuvre de la Déclaration de Paris : répercussions sur la promotion des droits des femmes et l’égalité hommes-femmes. CCCI : Canada. 161 Le paragraphe 20 du PAA stipule : « Nous raffermirons notre engagement auprès des OSC, considérées comme de véritables acteurs indépendants du développement produisant des efforts complémentaires de ceux des pouvoirs publics et du secteur privé ».

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actualisées sur le volume, l’affectation et, lorsqu’ils sont disponibles, les résultats des dépenses consacrées au développement de façon à permettre l’établissement de budgets plus exacts, la tenue d’une comptabilité plus fidèle et une vérification des comptes plus précise par les pays en développement » [paragr. 24a]. Le paragraphe 24, en anglais comporte également un engagement visant à utiliser « credible independent evidence » (des données crédibles) sur le plan du suivi. Il faut noter que la version en français évoque « les données fournies par les donateurs et les éléments d’appréciation issues d’études indépendantes ». Quoiqu’il en soit, il est permis de se poser la question de savoir qui établira la « crédibilité » des données. Le paragraphe 24 établit également que les pays « examineront des propositions en vue du renforcement des mécanismes [de reddition de comptes] d’ici fin 2009 ». À Accra, on a lancé l’Initiative internationale sur la transparence de l’aide (IITA). Il s’agit d’un projet mené par un donateur du Royaume-Uni qui établit un certain nombre d’engagements visant à rendre l’aide plus transparente. Cette initiative a été appuyée part 14 donateurs, parmi lesquels la Banque mondiale, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et la Commission européenne162. De manière significative, il faut noter qu’on a également convenu de passer en revue la responsabilité mutuelle à l’échelon international. Cet élément revêt beaucoup d’importance à la fois pour la société civile et pour les pays en développement, en vue d’améliorer la faiblesse de la reddition de comptes chez les donateurs. Le PAA énonce que « les pays en développement et les donneurs réexamineront ensemble et renforceront les mécanismes internationaux permettant de garantir une responsabilité mutuelle, notamment par la conduite de revues entre pairs avec la participation des pays en développement » [paragr. 24c]. Et on s’est entendu pour revoir ces propositions d’ici à la fin de 2009. Cette question exigera de la vigilance de la part des OSC, puisqu’on s’attend à une certaine résistance de la part des donneurs à respecter cet engagement163. Par ailleurs, le PAA ne suggère aucun mécanisme pour vérifier dans quelle mesure l’aide consentie correspond aux priorités nationales et aux besoins des populations et contribue aux impacts du développement. En définitive, ces enjeux doivent être mesurés en fonction des progrès réalisés vers la réalisation des droits humains convenus sur le plan international, du droit au développement et des droits connexes, économiques et sociaux. Les obligations fondées sur les droits devraient devenir la norme et le cadre organisationnel lié à la reddition de comptes dans le contexte du système d’aide. Cependant, le libellé du PAA demeure très nébuleux sur ces questions. Comme ce fut le cas en 2005, la question des conditionnalités a été écartée à Accra. Ainsi, le PAA ne révèle pratiquement aucun progrès sur ce front. Cependant, les discussions des tables rondes ont généré des propositions susceptibles de mettre de l’avant un débat post-Accra plus explicite. L’un des messages clés émanant de la table ronde sur l’appropriation nationale

162 Fondé sur le document du Comité directeur international des OSC (2008), De Paris 2005 à Accra 2008 : L’aide au développement va-t-elle devenir plus responsable et efficace? Une approche critique du Plan d’action pour l’efficacité de l’aide, www.betteraid.org 163 Idem.

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(présidée par la Suisse et la Colombie), acheminé aux ministres immédiatement après les sessions de tables rondes énonce que164 : « D’après des études fort sérieuses, la conditionnalité politique ne donne pas les résultats escomptés. Les donateurs devraient rigoureusement en tenir compte et respecter les dirigeants des pays lorsqu’ils négocient les conditions liées à l’aide. Le respect des droits de la personne, y compris les droits de la femme, est à la base de la définition de telles conditions »165. Cependant, le PAA établit que « Les donneurs collaboreront avec les pays en développement afin de se mettre d’accord sur une série limitée de critères acceptés de part et d’autre » [paragr. 25a] qui soutiennent l’appropriation et améliorent la prévisibilité des apports d’aide. On peut aussi lire au paragraphe 25 que « Désormais, les donneurs et les pays en développement publieront régulièrement toutes les conditions intéressant les versements » [paragr. 25b]. Ici encore, il n’est clairement établi comment définir concrètement « désormais ». Le PAA appelle à une revue des « bonne pratiques » en matière de conditionnalité « dans le souci de renforcer l’appropriation par les pays » et il établit expressément que lors de cette revue, les pays « seront attentifs aux contributions de la société civile » [paragr. 25c]. Le PAA reconnaît les liens existants entre l’appropriation et les conditionnalités [paragr. 25a]. Par contre, aucune entente n’a été convenue pour réduire les conditionnalités, en dépit des requêtes en ce sens de la part des pays en développement et de la société civile. À Accra, on a témoigné d’une entente visant à « désormais » rendre publiques « régulièrement toutes les conditions intéressant les versements » et à accroître « l’accent sur une conditionnalité harmonisée et axée sur les résultats » et on s’est engagé « à se mettre d’accord sur une série limitée de critères acceptés de part et d’autre »166. On a constamment soulevé la faible légitimité du CAD-OCDE comme lieu susceptible de traiter des liens entre l’aide et l’agenda plus large du développement. Le PAA reconnaît la pertinence et l’étendue de l’agenda du développement des Nations Unies, y compris le processus de revue des OMD, du Financement du développement et le Forum pour la coopération en matière de développement de l’ECOSOC. Le PAA ne va pas jusqu’à affirmer l’importance d’établir des mécanismes de coordination concrets entre l’efficacité de l’aide et l’agenda de développement des Nations Unies, de portée plus vaste. Les groupes des droits des femmes réunies à Accra ont souligné que le lieu légitime pour élaborer des normes sur les questions liées à l’aide et à la coopération internationale ne peut être détaché des contextes mondiaux plus larges du commerce et des finances. Ainsi, les questions systémiques sont mieux examinées sous la rubrique des Nations Unies, et le Forum pour la coopération en matière de développement

164 Idem. 165 Voir « RT 1: Country Ownership: Whose Ownership? Whose Leadership? », à http://siteresources.worldbank.org/ACCRAEXT/Resources/4700790-1210008992554/4968817-1221144835145/RT-1-consolidated.pdf. ou encore en français, Troisième Forum de haut niveau d’Accra sur l’efficacité de l’aide : Évaluation des résultats par le CCCI, Brian Tomlinson, Orientation politique, CCCI, Septembre 2008 166 Fondé sur le document du Comité directeur international des OSC (2008), De Paris 2005 à Accra 2008 : L’aide au développement va-t-elle devenir plus responsable et efficace? Une approche critique du Plan d’action pour l’efficacité de l’aide, www.betteraid.org

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devrait constituer le cadre d’avancement et de supervision des progrès sur l’efficacité de l’aide et du développement. Certaines propositions informelles circulent actuellement, suggérant que le prochain Forum de haut niveau sur l’efficacité de l’aide soit organisé par les instances du CAD-OCDE et des Nations Unies. Les groupes des droits des femmes et de l’ensemble de la société civile doivent examiner attentivement les occasions et les risques que comportent ces suggestions, de sorte à prendre une décision éclairée à l’égard d’un éventuel appui à une telle initiative. Du point de vue de l’égalité entre les sexes et des droits des femmes, on s’entend pour dire que sans volonté politique de le faire, le PAA n’a rien de révolutionnaire et qu’il modifiera très peu le processus menant à 2011 (alors que se tiendra le prochain Forum de haut niveau sur l’efficacité de l’aide)167. Le PAA ouvre de nouvelles conjonctures favorables à l’amélioration. Toutefois, le défi est dorénavant d’estimer dans quelle mesure les intentions se traduiront en pratique. Ce chapitre représente une amorce d’analyse qui devra être complétée en fonction de ce qui surviendra après Accra : comment le PAA se traduira-t-il en réalité? Quels chapitres seront-ils réalisés? Quand les donateurs et les administrations des pays en développement en débuteront-ils la mise en œuvre? Qu’en est-il du rôle des institutions financières internationales? Quelles incidences la crise financière et la récession économique actuelles, prévalant dans plusieurs pays donateurs, auront-elles sur la coopération en matière de développement et sur les ressources mobilisées? Est-ce qu’encore une fois, on fera fi des engagements relatifs à l’égalité entre les sexes et aux droits des femmes? Le PAA reconnaît l’importance de « mettre en place des processus institutionnalisés afin d’instaurer un partenariat solidaire et équitable avec les pays en développement et nouer un dialogue avec les autres parties prenantes » [paragr. 30]. Cependant, il n’est pas évident que cette reconnaissance permette d’aller au-delà de la simple critique du rôle du CAD-OCDE et de son manque de légitimité. Il importe de mener une réflexion plus approfondie sur les questions systémiques et la gouvernance internationale est nécessaire; de plus, les institutions et les arènes internationales doivent s’adapter aux normes de responsabilité qui favorisent et assurent l’égale participation de tous les acteurs du développement. Au cours des mois à venir, les organisations des droits des femmes continueront de revendiquer des changements et de surveiller les progrès, en route vers 2011. Ces démarches visent à ce que les conjonctures favorables entourant les approches de développement efficaces soient marquées par l’inclusion des priorités et des besoins liés à l’égalité entre les sexes et aux droits des femmes et qu’ainsi, en découlent des changements structurels tangibles quant à l’architecture de l’aide… de la politique à la pratique168.

167 Il importe ici de souligner que l’on peut affirmer qu’en bout de ligne, Accra a renforcé la mécanique de la Déclaration de Paris et que son système de suivi n’a pas subi de réformes, en dépit des critiques soulevées par divers acteurs, non seulement les OSC et les organisations des droits des femmes.168 Fondé sur le document du Comité directeur international des OSC (2008). De Paris 2005 à Accra 2008 : L’aide au développement va-t-elle devenir plus responsable et efficace? Une

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approche critique du Plan d’action pour l’efficacité de l’aide, www.betteraid.org www.betteraid.org

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