Concours : agrégation externe de grammaire Session...

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Concours de recrutement du second degré Rapport de jury © www.devenirenseignant.gouv.fr Concours : agrégation externe de grammaire Session 2017 Rapport de jury présenté par : Fabrice Poli Président du jury

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  • Concours de recrutement du second degr Rapport de jury

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    Concours : agrgation externe de grammaire Session 2017 Rapport de jury prsent par : Fabrice Poli Prsident du jury

  • SOMMAIRE

    Prsentation du concours Composition du jury pour la session 2017 ................................................................... 1 Observations sur la session 2017 ................................................................................ 2 Sujets des preuves crites dadmissibilit .................................................................. 6 Premire partie : rapport sur les preuves crites ................................................................. 19 Composition franaise ............................................................................................................ 20 Thme latin ............................................................................................................................. 23 Thme grec ............................................................................................................................ 27 Composition principale de linguistique .................................................................................... 34 Option A, moyen franais ............................................................................................. 34 Option A, franais moderne ......................................................................................... 36 Option B, grec .............................................................................................................. 45 Option B, latin ............................................................................................................... 50 Composition complmentaire de linguistique ......................................................................... 64 Option A, grec .............................................................................................................. 64 Option A, latin ............................................................................................................... 67 Option B, moyen franais ............................................................................................. 71 Option B, franais moderne ......................................................................................... 73 Version latine .......................................................................................................................... 78 Seconde partie : rapport sur les preuves orales ................................................................... 83 Explication dun texte franais tir du programme ................................................................. 84 Questions de grammaire franaise associes lexplication dun texte franais ................... 87 Explication dun texte grec ou latin tir des uvres du programme ...................................... 90 Explication dun texte grec tir du programme ....................................................................... 90 Explication dun texte latin tir du programme ....................................................................... 92 Leon de linguistique, option A .............................................................................................. 96 Leon de linguistique, option A, moyen franais ..................................................................... 97 Leon de linguistique, option A, franais moderne ................................................................. 99 Leon de linguistique, option B .............................................................................................. 106 Leon de linguistique, option B, grec ..................................................................................... 107 Leon de linguistique, option B, latin ...................................................................................... 108 Explication de texte grec improvis ........................................................................................ 109 Explication de texte latin improvis ........................................................................................ 112

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    Composition du jury pour la session 2017 Prsident M. Fabrice POLI Acadmie de PARIS Inspecteur gnral de lducation nationale Vice-Prsident M. Laurent GAVOILLE Acadmie de BORDEAUX Matre de confrences des universits Secrtaire Gnrale Mme Catherine BROC-SCHMEZER Acadmie de LYON Professeur des universits Membres du jury M. Emmanuel BOISSET Acadmie de CORSE Professeur agrg Mme Fabienne BOISSIERAS Acadmie de LYON Matre de confrences des universits M. Franois GADEYNE Acadmie de PARIS Professeur agrg Mme Marie-Rose GUELFUCCI Acadmie de BESANCON Professeur des universits Mme Vronique KIRCHER-WENDLING Acadmie de NICE Professeur agrg Mme Sylvie LABARRE Acadmie de NANTES Matre de confrences des universits Mme Christiane LOUETTE Acadmie de GRENOBLE Matre de confrences des universits Mme Catherine SCHNEIDER Acadmie de STRASBOURG Matre de confrences des universits M. Olivier SOUTET Acadmie de PARIS Professeur des universits M. Frdric TRAJBER Acadmie dAIX-MARSEILLE Matre de confrences des universits

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    Observations sur la session 2017

    Lagrgation externe de grammaire, laquelle nest pas adoss de concours interne, recrute des professeurs trivalents, dots de solides comptences en franais, grec et latin, avec, comme particularit, une coloration grammairienne et linguistique affirme. Outre une parfaite connaissance des programmes tournants de lettres et de littrature grecque et latine, partags avec lagrgation externe de lettres classiques, les candidats doivent aussi pouvoir dmontrer leur haute matrise de la linguistique et de lhistoire du franais, du grec et du latin, ltude diachronique de ces deux dernires langues ncessitant par ailleurs des connaissances, la fois lexicales, phontiques et morphologiques, dautres idiomes anciens relevant de la mme aire linguistique (langues italiques, sanskrit classique, etc.). Les candidats et les laurats de lagrgation externe de grammaire sont donc issus - il nest pas inutile de le redire encore une fois - dun parcours exigeant et pluridisciplinaire qui leur permet de faire bnficier leurs futurs lves de leur regard la fois de technicien et dhistorien des langues et des volutions de ces dernires. Cette ralit du recrutement ne doit cependant pas faire oublier que lpreuve de littrature franaise est celle qui, loral, est dote du plus fort coefficient (coeff. 12), lment qui vient ainsi rappeler que les laurats de lagrgation externe de grammaire, loin de se cantonner aux aspects techniques des langues quils matrisent, sont aussi des littraires aptes faire partager leur classe leur connaissance des grands textes patrimoniaux. La session 2017 tait dote de 11 postes et, au moment de la clture des inscriptions, le jury a eu le plaisir dapprendre que 59 candidats staient inscrits au concours, soit 12 de plus quen 2016. Cette bonne nouvelle na malheureusement pas t suivie dun accroissement du nombre de candidats aux preuves dadmissibilit puisque seuls 20 candidats ont compos toutes les preuves crites. Il est vrai que les candidats sont confronts des difficults relles qui sont souvent de nature dcourager les bonnes, voire les meilleures volonts. Outre le fait que la carte des formations se restreint sans cesse, que les prparations universitaires dvolues aux preuves de lagrgation de grammaire sont trop souvent rduites la portion congrue et quil nexiste quune seule prparation prive (et, partant, payante) par correspondance, les candidats sont, dans un nombre notable de cas, des professeurs certifis dj en poste, qui doivent assurer leurs fonctions en plus de la prparation au concours dont il est superftatoire de rappeler le caractre chronophage. Pour toutes ces raisons, il convient de redire combien sont mritants les candidats lagrgation de grammaire qui, confronts des obstacles de toute nature, jouent cependant, dans limmense majorit des cas, le jeu avec srieux et se confrontent, parfois plusieurs reprises, aux diffrentes preuves du concours. lissue des preuves dadmissibilit, 16 candidats (10 relevant de loption B et 6 de loption A) ont t dclars admissibles et 11 ont t admis, la session 2017 permettant ainsi de pourvoir tous les postes mis au concours. Parmi ceux-l, 8 candidats ont t admis au titre de loption B et 3 lont t au titre de loption A. Les rapports des jurys ont parfois tendance insister sur les faiblesses particulires de tel ou tel candidat dont le niveau tait trop en de des attendus du concours ou, plus gnralement, sur le constat, toujours alarmant, de la baisse gnrale du niveau. Le jury de la session 2017, loin dadopter cette posture, prend en revanche, rsolument, le parti de remercier tous les candidats qui se sont prsents aux preuves et de fliciter chaleureusement les heureux laurats. lheure o la plupart des tudiants de lettres classiques commencent

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    concomitamment ltude du latin et du grec aprs le baccalaurat, il est plus propos, non de nous tonner de ce que nos tudiants ne savent pas, mais de ce quils matrisent aprs un temps dexposition aux langues anciennes nettement plus court que celui qui fut offert leurs ans. Nonobstant cela, le jury conserve, intacte, sa dtermination prserver lagrgation son caractre dexcellence et dexigence acadmique de trs haut niveau et cest ce fil directeur qui la constamment guid dans lapprciation des copies et des prestations orales. Afin de permettre aux candidats des sessions ultrieures de parvenir ce degr dexigence, les preuves rapportes ici sont toutes dotes de corrigs exhaustifs et dlments prcis de bibliographie, destins guider les candidats dans leur prparation de la manire la plus rationnelle et la plus efficace possible. En complment du prsent rapport, il convient aussi de rappeler que les preuves orales, publiques et ouvertes aux observateurs, permettent aux futurs imptrants dassister des prestations. Le jury espre que les pages qui suivent seront utiles et instructives et quelles permettront aux candidats des futures sessions daborder les preuves avec confiance et dtermination, afin que le concours contribue au ncessaire renouvellement du vivier de professeurs de lettres classiques dont les besoins, au sein des acadmies, sont sans cesse criants.

    Bilan des preuves crites

    Le tableau ci-aprs permet de dresser le bilan statistique de la session 2017 avec, en regard, les trois sessions antrieures. Des commentaires figurent ci-aprs dans le cadre du rapport individuel de chaque preuve. Session 2014 Session 2015 Session 2016 Session 2017 Moyenne gnrale minimale et maximale (notes /20)

    03,72-15,04 03,2-14,54 05,04-14,23 02,91-11,5

    Composition franaise 02-16

    (moy. : 08,08) 01-16

    (moy. : 09) 02-18

    (moy. : 07,59) 01-13

    (moy. : 08,39) Linguistique : composition principale

    03,5-12 (moy. : 07,6)

    01-16 (moy. : 06,63)

    00,5-15 (moy. : 08)

    00,25-13 (moy. : 08,59)

    Linguistique : composition complmentaire

    01-16,5 (moy. : 07,45)

    0,25-13 (moy. : 07,18)

    00,5-12,5 (moy. : 06,36)

    01,5-11 (moy. : 06,82)

    Thme latin 01,25-12,5 (moy. : 07,25)

    00,5-18,5 (moy. : 08,5)

    00,5-16 (moy. : 08,07)

    00,5-16 (moy. : 09,5)

    Thme grec 01-14 (moy. : 07,71)

    00,25-18 (moy. : 08,6)

    00,5-17,5 (moy. : 06,52)

    00,5-17,5 (moy. : 08,16)

    Version latine 02-12,5

    (moy. : 09,62) 00,5-16,5

    (moy. : 08,23) 00,5-15

    (moy. : 08,24) 01-17

    (moy. : 10,77)

    Bilan des preuves orales Session 2017 Explication dun texte franais tir du programme 03-15,5 (moy. : 08,15) Grammaire et linguistique option A option B

    06-17 (moy. : 09,5) 01-18 (moy. : 10)

    Explication prpare dun texte grec ou latin tir du programme 02-15 (moy. : 08,72) Explication improvise dun texte grec ou latin hors programme 00,5-17 (moy. : 10,16)

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    Sans empiter sur les remarques du prsent rapport, le jury tient rappeler que les preuves orales ont pour objectif dapprcier la fois les connaissances acadmiques des candidats, mais aussi leur aptitude les prsenter loral, comme ils seront amens le faire dans leur classe sils sont dclars laurats du concours. En consquence, le jury a apprci que les candidats sefforcent de respecter leur temps de parole initial, quils se montrent lcoute et ractifs aux questions du jury, dont les interrogations ont pour seul but de relancer la rflexion du candidat et non pas de le piger dune manire sournoise.

    Usages et conseils pratiques 1. Conditions d'inscription requises des candidats Les conditions gnrales et spcifiques pour sinscrire au concours externe de lagrgation sont dtailles sur le site institutionnel www.devenirenseignant.gouv.fr lemplacement suivant : http://www.devenirenseignant.gouv.fr/pid33987/enseigner-dans-les-classes-preparatoires-agregation.html (rubrique : conditions dinscription lagrgation ). 2. Programme Le programme de la session 2017 a t publi le 24 mars 2016 sur le site www.devenirenseignant.gouv.fr. Il convient en effet de rappeler que depuis la session 2013, les programmes des concours du second degr ne sont plus publis dans les pages du Bulletin officiel de lducation nationale. 3. preuves crites dadmissibilit Source : www.devenirenseignant.gouv.fr : http://www.devenirenseignant.gouv.fr/cid98696/les-epreuves-de-l-agregation-externe-section-grammaire.html

    preuves Dure Coefficient Composition franaise 7h 9 Thme latin 4h 5 Thme grec 4h 5 Grammaire et linguistique : composition principale composition complmentaire

    4h30 2h30

    8 4

    Version latine 4h 5

    Lpreuve de composition franaise et les deux preuves de grammaire et linguistique sont dotes dun programme, renouvel pour tout ou partie chaque anne. Les candidats choisissent, au moment de linscription, lune des deux options proposes : option A et option B. Dans loption A, la premire preuve de grammaire et linguistique, la plus coefficiente, porte sur le franais et la seconde, sur le latin et le grec. Dans loption B, la premire preuve de grammaire et linguistique, la plus coefficiente, porte sur le grec et le latin et la seconde, sur le franais. 4. preuves orales dadmission Source : www.devenirenseignant.gouv.fr :

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    http://www.devenirenseignant.gouv.fr/cid98696/les-epreuves-de-l-agregation-externe-section-grammaire.html

    preuves Prparation Passage et entretien Coefficient

    Explication franaise + questions de grammaire normative + entretien

    2h

    30 mn + 10 mn de questionnaire grammatical improvis + 10 mn de reprise

    12

    Explication prpare latine ou grecque + questions de grammaire normative + entretien

    2h 30 mn + 10 mn de questionnaire grammatical + 10 mn de reprise

    9

    Expos de grammaire et linguistique + entretien 2h

    30 mn + 20 mn de reprise 9

    Explication improvise latine ou grecque + questions de grammaire normative + entretien

    45 mn

    15 mn + 5 mn de questionnement grammatical + 10 mn de reprise

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    lexception de lpreuve dexplication improvise dun texte grec ou latin, les trois autres preuves sont soumises un programme renouvele pour tout ou partie chaque anne. Pour chaque preuve, les candidats tirent au sort, parmi plusieurs sujets, celui quils prsenteront au jury. En outre, un tirage au sort pralable permet dorganiser la rpartition des langues anciennes entre lexplication prpare et lexplication improvise dun texte latin ou grec. Ainsi un candidat ayant tir au sort une preuve prpare de grec passera une preuve dexplication improvise de latin et vice versa. 5. Ouvrages usuels mis la disposition des candidats pour la prparation des

    preuves orales (exception : pour l'preuve d'explication hors programme, aucun ouvrage n'est propos)

    Dictionnaire bilingue latin-franais (Le Grand Gaffiot) et grec-franais (Le Grand Bailly, Magnien-Lacroix)

    Dictionnaire Littr Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine Dictionnaire de lAntiquit grecque et romaine Dictionnaire culturel de la Bible Dictionnaire Robert des noms propres Atlas du monde grec Atlas de la Rome antique Guide grec antique Guide romain antique Histoire grecque Histoire romaine Collection "Que Sais-Je ?" : Le Sicle de Pricls, LEmpire romain, Les grandes dates

    de lAntiquit. Collection "Vies quotidiennes" : La vie quotidienne Rome, La vie quotidienne en

    Grce au sicle de Pricls.

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    Sujets des preuves crites dadmissibilit

    COMPOSITION FRANAISE

    Dure : 7 heures Lusage de tout ouvrage de rfrence, de tout dictionnaire et de tout matriel lectronique (y compris la calculatrice) est rigoureusement interdit. Lentretien qui imprime son mouvement lessai dfinit le lieu o Montaigne se constitue en sujet. Sujet polymorphe, il apparat dans lentrecroisement de diverses voix : celles de lauteur dabord, qui puisent les personnes grammaticales, ici de face dans un "je", l de profil la troisime personne, ailleurs de biais dans un "tu" ; celles de lindividu singulier et des autres, fondues dans un "nous" qui est la fois Michel de Montaigne et ltre humain dans ce quil a de plus universel, comme nous la appris le dbut du deuxime chapitre du troisime livre, "Du repentir" ; celles de tous les autres, enfin, que Montaigne convoque dans tant de citations qui mlent la sienne aux siennes les voix des grands auteurs du pass. Cest un sujet pluriel, qui ne se soucie gure dunit, qui se rjouit de sa dispersion en mille piphanies. Ou, mieux, un sujet "ondoyant et divers", il lavait dit lui-mme. Cette analyse que propose Robert Mlanon 1 de lentretien avec soi chez Montaigne vous parat-elle correspondre votre lecture du livre III des Essais ? ____________________________ 1 R. Mlanon, Lentretien avec soi , in E. Kusher (d.), La problmatique du sujet chez Montaigne,

    Paris, Champion, 1995, p. 102.

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    THME LATIN

    Dure : 4 heures

    Les dictionnaires franais-latin Decahors, Edon, Goelzer et Quicherat, ainsi que les dictionnaires latin-franais Bornecque, Gaffiot, Goelzer et Quicherat sont autoriss. Lusage de tout ouvrage de rfrence, de tout autre dictionnaire et de tout matriel lectronique y compris la calculatrice) est rigoureusement interdit. Vous me demandez, ma chre enfant, si jaime toujours bien la vie. Je vous avoue que jy trouve des chagrins cuisants. Mais je suis encore plus dgote de la mort ; je me trouve si malheureuse davoir finir tout ceci par elle, que si je pouvais retourner en arrire, je ne demanderais pas mieux. Je me trouve dans un engagement qui membarrasse ; je suis embarque dans la vie sans mon consentement. Il faut que jen sorte ; cela massomme. Et comment en sortirai-je ? Par o ? Par quelle porte ? Quand sera-ce ? En quelle disposition ? Souffrirai-je mille et mille douleurs, qui me feront mourir dsespre ? Aurai-je un transport au cerveau ? Mourrai-je dun accident ? Comment serai-je avec Dieu ? Quaurai-je lui prsenter ? La crainte, la ncessit, feront-elles mon retour vers lui ? Naurai-je aucun autre sentiment que celui de la peur ? Que puis-je esprer ? Suis-je digne du paradis ? Suis-je digne de lenfer ? Quelle alternative ! Quel embarras ! Rien nest si fou que de mettre son salut dans lincertitude, mais rien nest si naturel, et la sotte vie que je mne est la chose du monde la plus aise comprendre. Je mabme dans ces penses, et je trouve la mort si terrible que je hais plus la vie parce quelle my mne que par les pines qui sy rencontrent. Vous me direz que je veux vivre ternellement. Point du tout, mais si on mavait demand mon avis, jaurais bien aim mourir entre les bras de ma nourrice.

    Madame de Svign, Correspondance, Lettre 254

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    THME GREC

    Dure : 4 heures

    Les dictionnaires franais-grec Alexandre, Feuillet et le dictionnaire Hatier-Belin (groupe de professeurs agrgs des lyces de Paris) ainsi que les dictionnaires grec-franais Bailly, Georgin et Magnien-Lacroix sont autoriss. Lusage de tout ouvrage de rfrence, de tout autre dictionnaire et de tout matriel lectronique y compris la calculatrice) est rigoureusement interdit.

    Le mtempsychosiste 1 Un barbier de Tarente fait le rcit de ses diffrentes transmigrations son interlocuteur, appel galement Ayesda 2. Voyant que tous mes concitoyens cherchoient augmenter leur patrimoine par leurs soins, je crus devoir faire comme eux. Je devins bientt riche. Un homme, anxieux de ce petit bonheur, me le reprocha. Mon ami, lui dis-je, je ne suis point, comme toi, sorti dune famille considrable dans notre ville ; mais jai quelque bien ; je lacqurois par mon travail, pendant que tu employois ton temps te plaindre de la Fortune. Quels que soient mes trsors, je puis tassurer que je nen fais pas tant de cas que tu penses, et, si tu peux me faire voir que tu en es digne, je veux bien les partager avec toi. Mais javoue que tes reproches maffligent : se peut-il, qu la rserve de quelques misrables richesses, tu ne trouves rien en moi que tu puisses envier ? Mon Gnie, qui me vit dans un si haut degr de vertu, voulut mprouver, et il me rajeunit. Dans ce changement mon me fut tonne ; mille passions naquirent dans mon cur ; je ne fus plus en tat de me conduire. O Dieux ! mcriai-je, de quoi vais-je devenir ? Faudra-t-il que pour me rendre ma raison, vous me rendiez ma foiblesse ? Je ne vous parlerai point, Ayesda, de toutes les autres transmigrations que jai essuyes. Vous drobez aux affaires publiques le temps que vous employez mcouter, et moi je ne saurois gure dcrire exactement des vies qui ont plus dur que sept ou huit empires.

    Montesquieu, Histoire Vritable. ____________________________ 1 R. Ne pas traduire le titre. 2 Ne pas traduire cette phrase dintroduction en italiques.

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    COMPOSITION PRINCIPALE :

    OPTION A : FRANAIS ANCIEN ET MODERNE OPTION B : GREC ET LATIN

    Dure : 4 heures 30

    Lusage de tout ouvrage de rfrence, de tout dictionnaire ct de tout matriel lectronique (y compris la calculatrice) est rigoureusement interdit.

    COMPOSITION PRINCIPALE Option A : franais ancien

    Adonc par deux damoiselles 2565 Mon cousin vers elle mande. Quant venu fu, lui demande Aprs que lot salu : Y a il ame tu ? Ou quel cas si tart vous meine ? 2570 Ne vous vis de la sepmaine. Dites moi qualez querant. Adonc cil dit quenquerant Plus ne lui voit de son estre : Puis que le seigneur et maistre 2575 Na trouv, dont il lui poise, Si convient quil sen revoise. Celle dit que non fera, Et tout ce que affaire a Sans faille lui fault savoir. 2580 Dont dist il, Convient avoir Mon varlet, qui a la porte Tient mes chevaulz, quil maporte Une lettres qua garder Lui baillay, et sans tarder 2585 Viengne, si fault quon lui die . Adonc a chiere hardie Ma dame a son secretaire A comand cel affaire, Et lui, trs entremetable, 2590 Les chevaulz en une estable Met et puis en hault me meine.

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    Mon cousin, qui assez peine Prenoit, a luis de la chambre Vient et contre moy se cambre, 2595 Disant : Baille moy tost, baille Ces lettres. Et quil sen aille Tost , dist il au secretaire, Car na cy dedens que faire, Ne il napertient qua ceste heure 2600 Varlet en chambre demeure.

    Christine de Pizan, Le livre du duc des vrais amants, 2565-2601

    QUESTIONS 1. Traduire le passage. 2. Retracer jusqu lpoque contemporaine lhistoire phontique des mots ame (2569)

    [< animam] el uis (2594) [< *ustium] sans ngliger les faits de graphie, 3. Morphologie: a) analyser les faits significatifs relatifs aux marques du genre et du nombre dans les

    plans nominal et pronominal en prenant en compte, chaque fois que cela est ncessaire, les volutions de lancien franais au moyen franais

    b) faire les remarques ncessaires sur les formes du subjonctif prsent du verbe aller figurant dans lextrait

    4. Syntaxe : emplois et valeurs du mot que dans lextrait. 5. Vocabulaire : tudier les mots chiere (2587) et tost (2596).

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    COMPOSITION PRINCIPALE Option A : franais moderne

    AUX ARBRES

    Arbres de la fort, vous connaissez mon me ! Au gr des envieux la foule loue et blme ; Vous me connaissez, vous ! vous mavez vu souvent, Seul dans vos profondeurs, regardant et rvant. 5 Vous le savez, la pierre o court un scarabe, Une humble goutte deau de fleur en fleur tombe, Un nuage, un oiseau, moccupent tout un jour. La contemplation memplit le cur damour. Vous mavez vu cent fois, dans la valle obscure, 10 Avec ces mots que dit lesprit la nature, Questionner tout bas vos rameaux palpitants, Et du mme regard poursuivre en mme temps, Pensif, le front baiss, lil dans lherbe profonde, Ltude dun atome et ltude du monde. 15 Attentif vos bruits qui parlent tous un peu, Arbres, vous mavez vu fuir lhomme et chercher Dieu ! Feuilles qui tressaillez la pointe des branches, Nids dont le vent au loin sme les plumes blanches, Clairires, vallons verts, dserts sombres et doux, 20 Vous savez que je suis calme et pur comme vous. Comme au ciel vos parfums, mon culte Dieu slance, Et je suis plein doubli comme vous de silence ! La haine sur mon nom rpand en vain son fiel ; Toujours, je vous atteste, bois aims du ciel! - 25 Jai chass loin de moi toute pense amre, Et mon cur est encor tel que le fit ma mre ! Arbres de ces grands bois qui frissonnez toujours, Je vous aime, et vous, lierre au seuil des antres sourds, Ravins o lon entend filtrer les sources vives, 30 Buissons que les oiseaux pillent, joyeux convives ! Quand je suis parmi vous, arbres de ces grands bois, Dans tout ce qui mentoure et me cache la fois, Dans votre solitude o je rentre en moi-mme, Je sens quelquun de grand qui mcoute et qui maime !

    Victor Hugo. Les Contemplations, Livre Troisime, AUX ARBRES, v. 1-34

    QUESTIONS 1. Lexicologie (4 points) tude des mots : contemplation v. 8 ; palpitants v. 11 2. Grammaire (8 points) A. Les dterminants du dbut du texte au v. 25. (6 points) B. Faites toutes les remarques ncessaires sur : Je sens quelquun de grand qui mcoute et

    qui maime ! v. 34. (2 points) 3. tude de style (8 points) Lexaltation.

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    COMPOSITION PRINCIPALE

    Option B : grec

    75 , , , , . , 80 , , . , 85 , . , , 90 , .

    Callimaque, Hymne Apollon, v.74-92

    QUESTIONS 1. Phontique. Les sifflantes du grec ancien : tude synchronique et diachronique,

    partir des exemples des vers 80 92. 2. Morphologie. La formation des aoristes du texte : tude synchronique et

    diachronique.

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    COMPOSITION PRINCIPALE

    Option B : latin

    Satis multum temporis sparsimus : incipiamus uasa in senectute colligere. Numquid inuidiosum est ? in freto uiximus, moriamur in portu. Neque ego suaserim tibi nomen ex otio petere, quod nec iactare debes nec abscondere. Numquam enim usque eo te abigam generis humani furore damnato ut latebram tibi aliquam parari et obliuionem uelim. Id age, ut otium tuum non 5 emineat sed appareat. Deinde uidebunt de isto, quibus integra sunt et prima consilia, an uelint uitam per obscurum transmittere : tibi liberum non est. In medium te protulit ingenii uigor, scriptorum elegantia, clarae et nobiles amicitiae ; iam notitia te inuasit : ut in extrema mergaris ac penitus recondaris, tamen priora monstrabunt. Tenebras habere non potes : sequetur, 10 quocumque fugeris, multum pristinae lucis. Quietem potes uindicare sine ullius odio, sine desiderio aut morsu animi tui. Quid enim relinques, quod inuitus relictum a te possis cogitare ? Clientes ? quorum nemo te ipsum sequitur, sed aliquid ex te : amicitia olim petebatur, nunc praeda. Mutabunt testamenta destituti senes, migrabit ad aliud limen salutator. Non potest 15 paruo res magna constare : aestima, utrum te relinquere an aliquid ex tuis malis. Vtinam quidem tibi senescere contigisset intra natalium tuorum modum, nec te in altum fortuna misisset ! Tulit te longe a conspectu uitae salubris rapida felicitas, prouincia et procuratio et quidquid ab istis promittitur ; maiora deinde officia te excipient et ex aliis alia. Quis exitus 20 erit ? Quid exspectas ? Donec desinas habere quod cupias ? Numquam erit tempus.

    Snque, Lettres Lucilius, livre II, lettre 19, 1-6

    QUESTIONS 1. Phontique. Lvolution en latin des sonores aspires indo-europennes partir des

    exemples du texte. 2. Syntaxe. La syntaxe du subjonctif partir des exemples du texte.

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    COMPOSITION COMPLMENTAIRE :

    OPTION A : GREC ET LATIN OPTION B : FRANAIS ANCIEN ET MODERNE

    Dure : 2 heures 30

    Lusage de tout ouvrage de rfrence, de tout dictionnaire ct de tout matriel lectronique (y compris la calculatrice) est rigoureusement interdit.

    COMPOSITION COMPLEMENTAIRE Option A : grec

    . , , , , 5 , , , , 10 . ; .

    Platon, Gorgias, 457c-e

    QUESTIONS 1. Morphologie : tude synchronique et diachronique des formes pronominales du grec

    ancien, daprs les exemples du texte. 2. Syntaxe : tude des emplois de ces formes.

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    COMPOSITION COMPLEMENTAIRE

    Option A : latin Se ne mens ipsa necessum 290 intestinum habeat cunctis in rebus agendis et deuicta quasi cogatur ferre patique, id facit exiguum clinamen principiorum nec regione loci certa nec tempore certo. Nec stipata magis fuit umquam materiai 295 copia, nec porro maioribus intervallis. Nam neque adaugescit quicquam neque deperit inde. Quapropter quo nunc in motu principiorum corpora sunt, in eodem ante acta aetate fuere et post haec semper simili ratione ferentur, 300 et quae consuerint gigni gignentur eadem condicione, et erunt et crescent uique ualebunt, quantum cuique datum est per foedera naturai.

    Lucrce, De la nature, livre II, v. 289-302

    QUESTIONS 1. Phontique. tude des du passage (synchronie et diachronie). 2. Morphologie. tude de la formation des futurs, daprs les exemples du texte

    (synchronie ct diachronie).

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    COMPOSITION COMPLEMENTAIRE

    Option B : ancien franais

    [] Ma dame, ne soit nul ne nulle si asseuree de soy quelle se rende certaine, quelque bon propos quelle ait, de garder tousjours mesure en si faitte amour, et quil ne soit sceu, comme jy ay cy devant dit ; certes, cest chose impossible, car feu nest point sans fumee mais fumee est souvent sans feu. Et a dire : Je feray un homme vaillant , certes je dis que cest trop grant folie de soy destruire pour 5 acroistre un autre, poson que vaillant en deust devenir ! Et celle bien se destruit qui pour reffaire un aultre se deshonnoure. Et quant a dire : Jaray acquis un vray ami et serviteur , Dieux ! Et de quoy pourroit servir si fait ami ou serviteur a la dame ? Car se elle avoit aucun affaire, il ne soseroit porter en nul cas pour elle pour paour de sa deshonneur. Doncques de quoy lui pourra servir 10 si fait serviteur qui ne sosera emploier pour le bien delle ? Et mes ilz sont aucuns qui dient quilz servent leurs dames quant ilz font beaucoup de choses, soit en armes ou autres fais, mais je di que ilz servent eulx mesmes quant lonneur et le preu leur en demeure et non mie a la dame []

    Christine de Pizan, Le livre du duc des vrais amants, l. 139-l55

    QUESTIONS 1. Traduire le texte du dbut de lextrait jusqu paour de sa deshonneur (l. 10). 2. Retracer jusqu lpoque contemporaine lhistoire phontique du mot sceu (l. 3)

    [< saputum]. Des remarques sur la graphie sont attendues. 3. Morphologie: a) tudier les pronoms et dterminants indfinis du passage. b) soit la forme aray (l. 7) : lidentifier et rendre compte de son origine. 4. Syntaxe : tudier les constructions rflchies dans le passage. 5. Vocabulaire : tudier le mot preu (l. 14).

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    COMPOSITION COMPLEMENTAIRE

    Option B : franais moderne

    MOI. [] Je ne mprise pas les plaisirs des sens. Jai un palais aussi, et il est flatt dun mets dlicat, ou dun vin dlicieux. Jai un cur et des yeux ; et jaime voir une jolie femme. Jaime sentir sous ma main la fermet et la rondeur de sa gorge ; presser ses lvres des miennes ; puiser la volupt dans ses regards, et en expirer entre ses bras. Quelquefois avec mes amis, une partie 5 de dbauche, mme un peu tumultueuse, ne me dplat pas. Mais je ne vous le dissimulerai pas, il mest infiniment plus doux encore davoir secouru le malheureux, davoir termin une affaire pineuse, donn un conseil salutaire, fait une lecture agrable ; une promenade avec un homme ou une femme chre mon cur ; pass quelques heures instructives avec mes enfants, crit une bonne 10 page, rempli les devoirs de mon tat ; dit celle que jaime quelques choses tendres et douces qui amnent ses bras autour de mon cou. Je connais telle action que je voudrais avoir faite pour tout ce que je possde. Cest un sublime ouvrage que Mahomet ; jaimerais mieux avoir rhabilit la mmoire des Calas. Un homme de ma connaissance stait rfugi Carthagne. Ctait un cadet de 15 famille, dans un pays o la coutume transfre tout le bien aux ans. L il apprend que son an, enfant gt, aprs avoir dpouill son pre et sa mre, trop faciles, de tout ce quils possdaient, les avait expulss de leur chteau, et que les bons vieillards languissaient indigents, dans une petite ville de la province. Que fait alors ce cadet qui, trait durement par ses parents, tait all 20 tenter la fortune au loin ; il leur envoie des secours ; il se hte darranger ses affaires. Il revient opulent. Il ramne son pre et sa mre dans leur domicile. Il marie ses surs. Ah, mon cher Rameau : cet homme regardait cet intervalle, comme le plus heureux de sa vie. Cest les larmes aux yeux quil men parlait ; et moi, je sens, en vous faisant ce rcit. mon cur se troubler de joie, et le 25 plaisir me couper la parole.

    Diderot, Le Neveu de Rameau, p. 89-90

    QUESTIONS 1. Lexicologie (4 points) tudier les mots suivants : sentir l. 3 ; indigents l. 19 2. Grammaire (8 points) Linfinitif dans le texte. 3. tude de style (8 points) Le mlange des genres.

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    VERSION LATINE

    Dure : 4 heures

    Les dictionnaires latin-franais Bornecque, Gaffiot, Goelzer et Quicherat sont autoriss. Lusage de tout ouvrage de rfrence, de tout autre dictionnaire et de tout matriel lectronique y compris la calculatrice) est rigoureusement interdit.

    Les murs ont des oreilles Iunio Silano et Silio Nerua consulibus, foedum anni principium incessit, tracto in carcerem inlustri equite Romano Titio Sabino ob amicitiam Germanici : neque enim omiserat coniugem liberosque eius percolere, sectator domi, comes in publico, post tot clientes unus eoque apud bonos laudatus et grauis iniquis. Hunc Latinius Latiaris, Porcius Cato, Petilius Rufus, M. Opsius praetura functi, adgrediuntur, cupidine consulatus ad quem non nisi per Seianum aditus ; neque Seiani uoluntas nisi scelere quaerebatur. Compositum inter ipsos ut Latiaris, qui modico usu Sabinum contingebat, strueret dolum, ceteri testes adessent, deinde accusationem inciperent. Igitur Latiaris iacere fortuitos primum sermones, mox laudare constantiam quod non, ut ceteri, florentis domus amicus adflictam deseruisset ; simul honora de Germanico, Agrippinam miserans, disserebat. Et postquam Sabinus, ut sunt molles in calamitate mortalium animi, effudit lacrimas, iunxit questus, audentius iam onerat Seianum, saeuitiam, superbiam, spes eius ; ne in Tiberium quidem conuicio abstinet. Iique sermones tamquam uetita miscuissent, speciem artae amicitiae fecere. Ac iam ultro Sabinus quaerere Latiarem, uentitare domum, dolores suos quasi ad fidissimum deferre. Consultant quos memoraui quonam modo ea plurium auditu acciperentur. Nam loco in quem coibatur seruanda solitudinis facies ; et si pone fores adsisterent, metus uisus, sonitus aut forte ortae suspicionis erat. Tectum inter et laquearia tres senatores haud minus turpi latebra quam detestanda fraude sese abstrudunt, foraminibus et rimis aurem admouent. Interea Latiaris repertum in publico Sabinum, uelut recens cognita narraturus, domum et in cubiculum trahit praeteritaque et instantia, quorum adfatim copia, ac nouos terrores cumulat. Eadem ille et diutius, quanto maesta, ubi semel prorupere, difficilius reticentur. Properata inde accusatio missisque ad Caesarem litteris ordinem fraudis suumque ipsi dedecus narrauere. Non alias magis anxia et pauens ciuitas, tegens aduersum proximos ; congressus, conloquia, notae ignotaeque aures uitari ; etiam muta atque inanima, tectum et parietes circumspectabantur.

    Tacite, Annales, IV, 68-69

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    Premire partie :

    rapport sur les preuves crites

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    Composition franaise

    Rapport tabli par

    Christiane Louette Matre de confrences luniversit Grenoble-Alpes

    Sujet : Lentretien qui imprime son mouvement lessai dfinit le lieu o Montaigne se constitue en sujet. Sujet polymorphe, il apparat dans lentrecroisement de diverses voix : celles de lauteur dabord, qui puisent les personnes grammaticales, ici de face dans un je, l de profil la troisime personne, ailleurs de biais dans un tu ; celles de lindividu singulier et des autres, fondues dans un nous qui est la fois Michel de Montaigne et ltre humain dans ce quil a de plus universel, comme nous la appris le dbut du deuxime chapitre du troisime livre, Du repentir ; celles de tous les autres, enfin, que Montaigne convoque dans tant de citations qui mlent la sienne aux siennes les voix des grands auteurs du pass. Cest un sujet pluriel, qui ne se soucie gure dunit, qui se rjouit de sa dispersion en mille piphanies. Ou, mieux, un sujet ondoyant et divers, il lavait dit lui-mme. Cette analyse que propose Robert Mlanon de lentretien avec soi chez Montaigne1 vous parat-elle correspondre votre lecture du livre III des Essais ? Sur les vingt copies corriges pour cette session, les notes schelonnent de 1 13 avec onze copies entre 9 et 13 et neuf copies entre 1 et 8, pour une moyenne gnrale 8. Un sujet sur Montaigne na sans doute pas surpris outre mesure les candidats, dont le travail tmoigne cependant, dans lensemble, dune lecture un peu date des Essais, voire dune mconnaissance complte des travaux critiques de ces quinze dernires annes dont beaucoup sont pourtant disponibles en ligne. Lon retrouve ainsi trop souvent la confusion entre essai et autobiographie (quand ce nest pas Montaigne lui-mme qui est confondu avec Rousseau !), lemploi fautif de lexpression sauts et gambades qui mimerait le got de Montaigne pour lchappe belle alors que, emprunte au vocabulaire de lquitation, elle renvoie lexercice de haute voltige quest pour Montaigne la posie (voir la thse rcente de Deborah Knop, La Cryptique chez Montaigne, sous la direction de Francis Goyet, Universit Grenoble-Alpes, 2012), ou encore lassimilation de l Avis au lecteur lincipit du livre I. De manire gnrale, il est essentiel de ne jamais perdre de vue la situation de luvre dans lhistoire de la littrature et dans lhistoire littraire sous peine dinventer un Montaigne plagiaire de Rimbaud par anticipation et de lui attribuer des citations chimriques : Je est la matire de mon livre (sic). Et il est fondamental dtayer sa connaissance de luvre par une rflexion stylistique prcise et nuance, qui tait ici doublement requise puisque le propos soumis aux candidats invitait lui-mme sinterroger sur la reprsentation personnelle quon ne pouvait rduire un usage ne varietur ou limiter lexamen des pronoms. Ces insuffisances sont mettre en relation avec la difficult quont beaucoup de candidats voir en Montaigne un crivain et non seulement un philosophe, et expliquent sans doute le gauchissement frquent du sujet propos qui invitait rflchir sur la voix auctoriale dans les Essais, au profit du

    1 Robert Mlanon, Lentretien avec soi , La Problmatique du sujet chez Montaigne, d. Eva

    Kushner, Paris, Champion, 1995, p. 102.

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    dialogue avec lautre, ami ou lecteur. Voir en Montaigne un porte-parole de ltre humain en gnral , sans projet dcriture, a trop souvent laiss le champ libre une rflexion superficielle sur le statut des citations et des mentions, voire une sorte de contresens : faire de la pratique de la citation une forme deffacement de soi, faire des Essais un simple florilge de citations . Le propos de Robert Mlanon mettait troitement en relation le sujet Montaigne dans son processus de constitution et la notion dynamique dentretien luvre dans le travail de lessai. Lentretien, au sens premier de conversation, convoque en effet des voix diverses, celles de lauteur , dmultipli en trois personnes grammaticales, je, tu, il ; celles de lindividu singulier et des autres , le nous des hommes dont le je fait partie ; et celles des grands auteurs du pass. Le sujet polymorphe et pluriel , la fois auteur et matire des Essais rejoindrait alors le sujet merveilleusement vain, divers, et ondoyant quest lhomme (Essais, I, 1). On le voit, la formulation du critique demandait aux candidats une triple clarification : du terme sujet dabord, compris la fois comme sujet du discours, sujet pensant et matire mme de lcriture. De la notion dentretien ensuite, considr en tant que mouvement propre de la pense et de lcriture montaigniennes les structures dessai que dfinit Andr Tournon mais aussi ouverture lautre dans lcriture de soi, sans ngliger une possible analogie avec la dynamique du voyage si important pour Montaigne. De la notion de citation enfin, entre appropriation et hommage aux auteurs antiques, auxquels il fallait sans doute adjoindre la grande figure de Socrate, omniprsente dans le livre III. Le problme que soulevait lanalyse de Robert Mlanon tenait ladquation suppose de la forme et de la matire. Entre Montaigne crivain et auteur des Essais dune part et Montaigne matire de son livre dautre part, il ny aurait quune relation mimtique. Or le chapitre (plutt que lessai) nest-il pas, outre la chambre denregistrement dun sujet qui se cherche dans la pluralit, une tentative pour reconstruire par lcriture une voix dominante qui compose et autorise lentretien avec soi ? Plus que la diversit des voix, cest alors la dmarche rflexive de Montaigne quil fallait mettre en avant, en tant quelle englobe et justifie cette diversit, tout particulirement dans le livre III des Essais, plus introspectif que les prcdents, ce que corroborent les annotations de lExemplaire de Bordeaux nettement distingues dans ldition au programme. Le jury attendait donc une lecture prcise et pertinente du sujet propos : la mise en valeur des diverses voix de lauteur, le je qui tablit avec son lecteur une relation immdiate, celui qui recourt la troisime personne, on dans lequel le je sinclut (III, 9, p. 268 : On jouit bien plus librement, et plus gaiement, des biens emprunts, quand ce nest pas une jouissance oblige et contrainte par le besoin ) ou mieux, il qui semble un je rv, par exemple dans le chapitre 13 o Montaigne dcrit le conseiller idal du roi (p. 422-423) ; et le tu plus recherch de la prosopope dont le livre III offrait deux exemples (III, 9, p. 314 et III, 13, p. 441-445) ; mais aussi le nous qui montre du doigt linsuffisance et la vanit de lhomme ; et les auteurs du pass, convoqus de manire remarquable lincipit (Trence) et lexplicit (Horace) du livre III. Si cette polyphonie brouille le rfrent et donc lautorit du discours, elle illustre coup sr la posture dynamique dun sujet qui se dit pour mieux se ddire et ne sobserve que pour reprer en lui-mme les marques du change. La rflexion des candidats ne devait cependant se borner une illustration plus ou moins approfondie du sujet. La constance avec laquelle Montaigne a poursuivi pendant des annes lentreprise des Essais, laffirmation dun projet assum dans

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    l Avis au lecteur de 1580, jamais corrig ni dmenti dans les ditions suivantes, obligeaient considrer lentretien avec soi dans le cadre dune stratgie auctoriale. Parler de [soi] est un projet extrmement original au XVIe sicle, que Montaigne redfinit sans cesse par opposition aux autres auteurs. Ainsi en III, 9 : Nous empchons nos penses du gnral et des causes et conduites universelles qui se conduisent trs bien sans nous, et laissons en arrire notre fait, et Michel qui nous touche encore de plus prs que lhomme (p. 244). Se constituer en sujet est bien se constituer en auteur, un auteur qui nassume la diversit des points de vue que pour rappeler que son exprience en reste la pierre de touche. Aussi est-ce la dmarche rflexive quil fallait en dernier lieu mettre en valeur : une dmarche enquteuse, non rsolutive , dorigine sceptique, qui refuse toute position dogmatique au profit dun libre examen qui valorise lexprience. Ainsi, dans le premier chapitre du livre III o les divers usages de lutile et de lhonnte se jugent en regard du choix personnel que lauteur fait de lhonnte. Ou dans le chapitre 4, De la diversion qui, aprs une brillante accumulation danecdotes, nonce le propos (moral) du chapitre comme un fruit de lexprience et du jugement du je : Je maperois que cest aussi [la diversion] la plus ordinaire recette aux maladies de lme . Dans ce cadre o prdomine le subjectif, la posture quasi systmatique de dvalorisation de lautorit du je peut paratre troublante. Mais, cohrente avec le refus de toute position dogmatique, elle participe de lessai de soi : lthos sceptique, qui saisit la pense dans sa fluctuation (F. Brahami) permet alors de valoriser la dynamique de lentretien, en laissant sa place au lecteur, invit en dernier lieu pratiquer de la mme faon la connaissance de soi, lessai de soi. Si la syntaxe des candidats est globalement correcte on dplorera cependant quelques maladresses comme autorit auctoriale , destiner son uvre vers , dcouper des bouts convoquer la rflexion le jury a t frapp par le nombre important de fautes dorthographe dans certaines copies (jusqu 27 fautes repres). Il ne saurait trop attirer lattention sur la ncessit de matriser parfaitement la langue franaise, surtout chez de futurs professeurs qui auront lenseigner dans les classes et rpondre aux interrogations de leurs lves. De trop nombreuses copies ont sembl sautoriser dune sprezzatura montaignienne mal comprise pour se laisser aller des formes de ngligence rdactionnelle, assimilant les Essais un objet littraire non identifi o Montaigne se raconte sans trop en avoir lair . La langue crite des candidats doit tre de ce point de vue, comme la femme de Csar, irrprochable. On insistera aussi sur le soin donner lintroduction, trop souvent diffuse, voire confuse, et donc peu efficace. Rappelons quelques vidences : une citation longue ne se recopie pas intgralement mais se reprend par fragments accompagns de leur commentaire ; il vaut mieux viter de parasiter lintroduction par trop de citations trangres ; et privilgier la formulation de la problmatique dont la tension donnera son mouvement la pense, donc lensemble de la composition. Lpreuve de composition franaise, on le sait, permet de tester les deux exigences fondamentales qui doivent tre celles dun professeur de lettres : bien connatre, dans la lettre comme dans lesprit, les textes quil analyse et enseigne ; mais aussi savoir transmettre cette connaissance avec efficacit, prcision et clart. Cest ce prix quest la russite, non seulement dun concours, mais dune carrire.

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    Thme latin

    Rapport tabli par

    Sylvie Labarre Matre de confrences HDR luniversit du Mans

    Le texte soumis pour lpreuve de thme latin tait un extrait dune lettre clbre de Madame de Svign, crite Paris, sa fille Madame de Grignan, le 16 mars 1672. Nanmoins nous navions donn ni le lieu, ni la date traduire. Il ne comportait aucune difficult de comprhension, mais offrait aux candidats loccasion de faire la dmonstration dune bonne matrise du latin. Il comptait 264 mots. Madame de Svign, retenue Paris par la maladie de sa tante, doit remettre plus tard les retrouvailles tant dsires avec sa fille. Lchange pistolaire et les marques de laffection se muent alors en une mditation sur la vie et la mort. Le texte repose sur un certain nombre dantithses (vie/mort, plaisir/dgot) quil faut rendre par le tour syntaxique latin appropri. Alors que lpistolire affectionne la parataxe, le latiniste adoptera volontiers la subordination, soit pour marquer lopposition, soit pour traduire la comparaison, selon les cas. Toutefois le jury sest content de comptabiliser les vritables fautes sans pnaliser les candidats pour leur style indigent. 21 copies ont t corriges par lun et lautre des deux examinateurs. Elles ont t notes de 0,5 15. La moyenne stablit 8,6. Elle serait de 9,5, si on ne comptait pas les deux copies inacheves notes 0,5. On peut les rpartir en trois groupes. Les deux copies notes 15/20 se distinguent par la correction de la langue, mais elles natteignent pas lexcellence, car elles ont souvent escamot des nuances, parfois simplifi le texte, et comportent des faux-sens, voire quelques contresens ou solcismes. Onze copies ont t notes de 8 12,5. Parmi le groupe le plus faible, cinq ont obtenu 5 ou 6, trois ont t notes 0,5 ou 1. Au total, ce sont bien huit copies qui prsentent un texte latin dans lequel un latiniste, mme tolrant, ne reconnat pas la langue laquelle il est habitu et ne retrouve que trs peu dlments qui pourraient lui rappeler le texte de Mme de Svign, tant les fautes daccord, de construction, les barbarismes et les solcismes rendent toute perception dun sens impossible. Dans la plupart des copies, lexception des deux meilleures, on trouve des barbarismes. Or seule la lecture assidue de textes latins pourrait permettre de dvelopper les bons rflexes et dviter des formes errones. Le futur de lindicatif a sembl constituer une relle difficult pour une grande partie des candidats, de mme les formes des verbes dponents ou la conjugaison des verbes irrguliers comme uolo ou fero Nous avons relev des confusions entre les formes du verbe redeo et celles du verbe reddo, entre condicio qui signifie condition et conditio qui signifie assaisonnement , des ignorances concernant lemploi de lablatif absolu qui ne doit avoir aucun lien grammatical avec le reste de la phrase, lutilisation errone des diffrentes particules interrogatives, des confusions encore entre la proposition conditionnelle introduite par si et linterrogative indirecte, enfin toutes sortes derreurs sur les accords. Quelques copies prsentent nombre de ratures rendant certaines formes quasi illisibles. Or les candidats doivent songer que les correcteurs liront leur copie sur cran, sous une forme numrise. Il est donc vivement recommand de ncrire quune ligne sur deux, sans aller jusqu lextrme bord de la feuille. Nous prsentons, comme il est habituel de le faire dans un rapport dpreuve, une proposition de corrig, assortie de quelques commentaires. Nous renvoyons aux

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    paragraphes de la Grammaire latine complte de Lucien Sausy, dite en 1946, puis rgulirement rdite jusquen 2010, maintenant disponible sous une nouvelle prsentation en couleur. Cet ouvrage offre une prsentation complte de la grammaire latine, claire et pdagogique, particulirement utile pour la prparation de lpreuve du thme. 1) Vous me demandez, ma chre enfant, si jaime toujours bien la vie. Je vous avoue que jy trouve des chagrins cuisants. Mais je suis encore plus dgote de la mort ; Tibi, mea filia, me roganti uitane etiam nunc mihi sit magnae uoluptati, acerbos quidem dolores me in ea experiri, sed mortem mihi esse etiam maiori taedio fateor. Nous avons trouv parfois dans les copies puer ou puella pour traduire enfant . Or seul le dcalque du franais pouvait conduire un tel choix. Ladjectif possessif antpos prend le sens affectueux de chre , mais nous avons admis nanmoins cara. Le vous de politesse est rendre par la deuxime personne du singulier. Le double datif traduit lexpression des sentiments : plaisir de la vie ou dgot de la mort. Voir Sausy 292. Cuisant pourrait aussi tre rendu par les adjectifs asper ou acer. On se souviendra que rogare se construit avec laccusatif de la personne laquelle on demande, tandis que quaero est suivi de ab, ex ou de aliquo. 2) Je me trouve si malheureuse davoir finir tout ceci par elle, que si je pouvais retourner en arrire, je ne demanderais pas mieux. Mihi enim uideor tam infelix quod haec omnia morte sint mihi finienda ut si iter uitae quasi conuertere mihi liceret nihil mihi esset acceptius. Je me trouve nest pas lquivalent dun simple je suis . Morte est le complment de moyen de finir , et non le complment de ladjectif verbal indiquant qui lobligation sadresse, do lemploi de lablatif et non du datif. Pouvoir signifie ici avoir le droit et non pas tre capable de . Si liceret, nihil esset est un irrel du prsent au subjonctif imparfait (Sausy 428). 3) Je me trouve dans un engagement qui membarrasse ; je suis embarque dans la vie sans mon consentement. Il faut que jen sorte ; cela massomme. Difficili quadam condicione me implicari sentio cum inuita quasi in naue imposita sim in uita ex qua mihi exeundum sit, quod est permolestum. On vitera de dcalquer la tournure du franais : une relative ayant engagement pour antcdent ne conviendrait gure, car le latin classique vite quun terme abstrait ne soit sujet dun verbe comme embarrasser . Les quatre propositions juxtaposes franaises correspondent une principale dont le verbe est sentio complte par une proposition infinitive me implicari, suivie dune causale au subjonctif introduite par cum, dont dpend la relative ex qua. Une sententia de conclusion rattache par le relatif de liaison quod achve le raisonnement. Sans mon consentement ne peut tre traduit par un ablatif absolu, puisque je est sujet de la proposition (Sausy 368). Rappelons aussi que ladjectif verbal des verbes intransitifs (par exemple ici exire) ne peut tre employ que dans la tournure impersonnelle, au neutre (Sausy 381).

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    4) Et comment en sortirai-je ? Par o ? Par quelle porte ? Quand sera-ce ? En quelle disposition ? Iam uero quomodo exibo ? Qua ? Quibus foribus ? Quando ? Quo animo ? Cette srie dinterrogations directes noffre pas de difficults. Pour rendre porte , il faut carter ianua, porte dune maison , et porta, porte dune muraille . Seul le pluriel fores a un sens figur courant. Nanmoins tous ces termes ont t accepts. partir de cette phrase, les barbarismes et les solcismes se sont multiplis, spcialement pour la traduction des verbes au futur. 5) Souffrirai-je mille et mille douleurs, qui me feront mourir dsespre ? Aurai-je un transport au cerveau ? Mourrai-je dun accident ? Comment serai-je avec Dieu ? Sexcentosne dolores patiar qui me omni spe relicta conficient ? Delirione adficiar ? Fortuitone uulnerata moriar ? Quo animo erga Deum ? Ladverbe fortuito traduit ici la notion daccident. Lablatif absolu omni spe relicta rend le sens de dsespre . Laccident ne signifie pas seulement le hasard, mais implique aussi la blessure. Quelques candidats ont voulu transposer le Dieu unique (Deus) de Mme de Svign en un polythisme romain (dei). Ce nest gure pertinent, nanmoins ils nont pas t pnaliss. 6) Quaurai-je lui prsenter ? La crainte, la ncessit, feront-elles mon retour vers lui ? Naurai-je aucun autre sentiment que celui de la peur ? Quid mihi illi erit offerendum ? Metune uel necessitate coacta ad illum me conuertam ? Nihilne aliud percipiam nisi timorem ? Ille est le seul pronom dmonstratif qui convient Dieu. Il y a eu des confusions entre le pronom interrogatif quid et le relatif quod. Le retour vers Dieu impliquait une forme de conversion (conuertere). Mais nous navons pas sanctionn la traduction par redire. 7) Que puis-je esprer ? Suis-je digne du paradis ? Suis-je digne de lenfer ? Quelle alternative ! Quel embarras ! Quid mihi licet sperare ? Vtrum paradiso an inferis digna sum ? Quam ancipites curae ! Quanta difficultas ! 8) Rien nest si fou que de mettre son salut dans lincertitude ; mais rien nest si naturel, et la sotte vie que je mne est la chose du monde la plus aise comprendre. Vt uero nihil tam stultum quam in incertis rebus salutem suam collocare, ita nihil est tam innatum hominibus ita ut nihil sit facilius intellegi possit quam stulta uita mea.

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    Le balancement rien nest si fou et rien nest si naturel est rendu ici par la comparative : ut + indicatif dans la subordonne, ita dans la principale (voir Sausy 454). 9) Je mabme dans ces penses, et je trouve la mort si terrible que je hais plus la vie parce quelle my mne que par les pines qui sy rencontrent. Quibus in cogitationibus demersa mortem adeo horribilem existimo ut uita mihi sit maiori odio quod ad illam haec me ducat quam quod in ea exsistant aculei. Le dmonstratif ces est rendre par le relatif de liaison Quibus. Sabmer signifie se plonger dans des rflexions. Aculeus peut prendre un sens figur, la diffrence de spina qui a plutt un sens concret, mais nous avons nanmoins accept ce terme. 10) Vous me direz que je veux vivre ternellement. Point du tout, mais si on mavait demand mon avis, jaurais bien aim mourir entre les bras de ma nourrice. At optas, inquies, in perpetuum uiuere. Minime uero. At tamen si quis me rogauisset quid sentirem, in nutricis gremio libentissime mortua essem. At rend la vivacit de lchange et lobjection par un contradicteur. ternellement signifie pour toujours et ne peut tre rendu par ex omni aeternitate qui voudrait dire de toute ternit , depuis toujours , qui a donc t sanctionn comme un contresens dans une copie. Si rogauisset, mortua essem est un irrel du pass au subjonctif plus-que-parfait (Sausy 428). Linterrogative indirecte quid sentirem (Sausy 217) traduit mon avis . Lensemble de ces remarques ne vise qu encourager les candidats se prparer srieusement lpreuve de thme latin et les persuader quils obtiendront une note trs satisfaisante, la condition de matriser les rgles courantes du latin et de sentraner lire des textes tout au long de lanne. Leur persvrance sera rcompense, la liste des notions possder tant somme toute limite. La bibliographie figurant dans le rapport de la session 2016 (cf. p. 15) est toujours dactualit et le jury invite nouveau les futurs candidats sy reporter.

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    Thme grec

    Rapport tabli par

    Marie-Rose Guelfucci Professeur luniversit de Franche-Comt

    Le texte propos cette anne au concours, Le mtempsychosiste , tait extrait de lHistoire Vritable de Montesquieu. Inspire de lHistoire vraie de Lucien et destine faire comprendre et amliorer le rel par le moyen de la fiction, elle venait contester linterdiction des romans dcrte en 1737 sous linfluence des autorits religieuses, mais elle resta indite ltat de manuscrit jusqu la fin du XIXe sicle. Comme lindiquaient les deux notes, ni le titre ni lintitul qui prcisait la situation ntaient traduire, et la traduction du nom Ayesda na t daucune difficult pour les candidats, qui ont gnralement eu recours . De faon gnrale, le thme a t termin dans le temps imparti, ou bien seule la toute fin manquait. Les 21 copies du concours ont t notes de 17 2, hormis 7 copies : pour trois dentre elles, un manque de pratique et de bases suffisamment solides semblent en cause ; pour trois autres, le grec tait manifestement trs mal connu, voire trop rcemment dcouvert. La moyenne tant de 6,05 avec ces sept copies et de 8,68 sans elles, 7 copies sur les 21, entre 17 et 10,5, comportaient de grandes ou trs grandes qualits, dont lune, laquelle manquait une partie de la fin du texte ; 2 autres copies ntaient pas loin de la moyenne. Afin que le rapport soit profitable aux futurs candidats, nous reprenons ici le texte par points dissocis : ceux-ci renvoient, pour les aider dans leur prparation, un exemple de traduction commente. Quand plusieurs formulations sont possibles, les autres sont ajoutes entre parenthses ou prcises part. Il est noter que plusieurs phrases ou expressions viennent de diffrentes copies, y compris de celles qui nont pas ncessairement obtenu un bon rsultat, preuve que beaucoup des candidats ont russi traduire en bon grec, mme si ce nest que partiellement, et quun entranement rgulier est la clef de tout progrs. 1. Voyant que tous mes concitoyens cherchoient augmenter leur patrimoine par leurs soins, je crus devoir faire comme eux. () () , () . La premire phrase demandait tout dabord que lon rappelle des connaissances simples en syntaxe des compltives : Voyant , comme tous les verbes de perception, appelait une participiale ; je crus , verbe dopinion, une infinitive sans sujet ncessairement exprim la diffrence du latin. Pour le participe appos au sujet, le prsent (), qui marquait la concomitance, a t accept comme laoriste (), qui marquait lantriorit ; on attirera ici lattention sur laccent en syllabe finale du participe aoriste thmatique. On pouvait prciser ce participe par ( ou ) pour traduire la nuance : En homme qui avait vu . La prsence du rflchi ntait ici pas ncessaire, mais si lon voulait prciser, il tait obligatoire demployer le rflchi pour renvoyer au sujet et de lenclaver, comme un peu plus loin pour leur patrimoine .

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    la diffrence de ou pour rendre patrimoine , (littralement les acquisitions ) ne convenait pas (voir plus bas, au parfait, pour traduire jai quelque bien ). Pour cherchoient (augmenter leur patrimoine par leurs soins) , on pouvait mieux marquer leffort avec et lindicatif futur (), et penser ici au participe appos au sujet () plutt qu un complment au datif, comme pour traduire par mon travail ensuite (voir , 3e point). Pour devoir , on rappellera une simple nuance entre et , celui-ci marquant une ncessit plus concrte, voire vitale. Dans la comparaison enfin, ici comme un peu plus bas (point 3), renforc par est une tournure habituelle. 2. Je devins bientt riche. Un homme, anxieux de ce petit bonheur, me le reprocha. . , ( ), ( ). Ces deux phrases, gnralement bien traduites, introduisaient avec brivet un dialogue. Il fallait nanmoins penser la liaison ncessaire en grec entre TOUTES les phrases, et la consquence, ici, appelait en tte ou bien . Si lon voulait marquer le paralllisme , il fallait laisser , consquence qui introduit la suite des faits, en facteur commun. Le terme anxieux , dans la phrase suivante, signifiait perplexe , embarrass , parfois plutt bien traduit par (trop souvent diminu dune syllabe il faut veiller ne pas recopier trop vite ), ou , mais nous nen avons pas moins accept ou dautres nuances. Pour , on rappellera le sens du dmonstratif, souvent pjoratif, mais valeur galement minorative comme dans ce cas. Il fallait prendre garde un point bien connatre : laoriste particulier de , rappel du reste par le dictionnaire. 3. Mon ami, lui dis-je, je ne suis point, comme toi, sorti dune famille considrable dans notre ville ; mais jai quelque bien ; je lacqurois par mon travail, pendant que tu employois ton temps te plaindre de la Fortune. , , , . , ( .) Pour introduire un dialogue ici avec ( dans ces conditions , alors ) comme particule connective , on se rappellera que lon peut recourir un participe aoriste appos au sujet et repris ensuite par lincise (), quil fallait penser mettre en grec la premire personne. Dans lapostrophe, lemploi ou non de () avec le vocatif est important : il marque un dialogue galit ou bien familier entre les interlocuteurs, son absence indiquant, au contraire, soit une certaine condescendance, soit la solennit ainsi la fin du texte o Dieux ! se traduira par ; dans les Troyennes, au contraire, Hcube, qui a tout perdu, sadresse aux dieux sans plus y mettre aucune forme : (vers 450), ou se reprend quand elle le fait (vers 1280 et 1281) : ;

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    Pour je lacqurois , limparfait tait attendu, mais on a accept laoriste , plus frquent et mieux connu des candidats. Lopposition entre les deux personnages pouvait tre mieux marque en recourant aux pronoms personnels, (ou ) et ; en revanche, lemploi de et tait exclu, le parallle ne pouvant se faire quentre deux propositions de mme nature ; or introduisait ici une subordonne temporelle. Pour celle-ci prcisment, tu employais ton temps a t souvent bien traduit par tu ne cessais de ou tu passais ton temps , tous deux suivis dun participe ; on aurait pu galement penser un optatif de rptition : quand toi, tu te plaignais constamment de la Fortune , mais la forme est rare dans les textes. 4. Quels que soient mes trsors, je puis tassurer que je nen fais pas tant de cas que tu penses, et, si tu peux me faire voir que tu en es digne, je veux bien les partager avec toi. () , ( ) ( ). marquant la concession pour rendre compte de lenchanement logique, Quels que soient mes trsors appelait ensuite lventuel dans la relative, () , tant plac tout de suite aprs le relatif comme pour ou le de la phrase suivante ( si tu peux me faire voir que ), posant une condition qui engage laction future. Le je puis (je puis tassurer) a le plus gnralement t traduit littralement ( (je suis capable, homme ), meilleur pour le sens que , en loccurrence) ; ici cependant, il signifie plutt affirmer avec force . La compltive appelait lattention sur un hellnisme (souvent bien traduit) pour traduire faire cas de ( ) ; celui-ci soulevait cependant, plus que le verbe juste lui aussi , la difficult de la corrlation tant que . Devant un verbe comme , il fallait , au gnitif de prix ( ), mais devant ( , tant, en grec, plus habituellement dtach avant lexpression). Dans les deux cas, le corrlatif demand par un verbe tait (littralement : je ne leur accorde pas tant de prix que, selon toi, je leur accorde ) ; nous avons accept portant sur , mais cela affaiblit le sens. On remarquera aussi les variations de , qui permettent dviter le hiatus et qui ne sont pas toujours assez connues, (devant esprit rude) et . et, si tu peux me faire voir que tu en es digne, je veux bien les partager avec toi. (ou sans couper les deux phrases) , (ou : ). Lventuel a dj t comment prcdemment (point 3), de mme que la construction avec le participe des verbes de perception ; on remarquera plus prcisment ici la tournure personnelle ( ) et une nuance de vocabulaire, (qui aurait pu, hors le prsent choix de traduction, ne pas tre soulign par ) tant plus appropri que , qui traduit une forte volont. 5. Mais javoue que tes reproches maffligent : se peut-il, qu la rserve de quelques misrables richesses, tu ne trouves rien en moi que tu puisses envier ?

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    () ; o , , ; o ; La liaison par Mais qui ouvre la phrase ne pouvait se traduire par , la phrase prcdente tant positive. convenait parfaitement, mais ne peut en aucun cas quivaloir une particule connective, et il demande ladjonction de ( ). Pour traduire javoue que tes reproches maffligent , la tournure est plus directe en grec et demande, pour complter un verbe de sentiment, un participe celui-ci tant laoriste pour marquer lantriorit. Linterrogative ne peut ici tre seulement marque par la ponctuation, et doit tre introduite par un interrogatif ; elle a en outre t souligne pour en marquer le ton ( ; ). La seconde pouvait tre introduite par un interrogatif qui appelle une rponse ngative ( ), employ ici contraction de ; ( ;) ayant lavantage dappartenir au langage oral ou familier. Il fallait aussi veiller au choix de la ngation employe avec tout infinitif qui ne dpend pas dun verbe dopinion ou dexpression, et de en loccurrence. Il faut enfin prendre garde au cas du relatif complment de : au gnitif. 6. Mon Gnie, qui me vit dans un si haut degr de vertu, voulut mprouver, et il me rajeunit. , , . La relative se traduira ici par un participe appos laoriste, et le choix dans plusieurs copies du verbe , marquant une attention la situation, tait bon ; il fallait penser dans ce cas, en lidant (oxyton ou baryton dans la phrase en loccurrence), au report de laccent sur la voyelle prcdente : . Pour le participe appos (parvenu un si haut degr), le parfait , traduisant le rsultat encore prsent, est meilleur. Pour mieux rendre la conscience qua le locuteur de lpreuve venir, on peut, dans la traduction, jouer sur la construction en chiasme. 7. Dans ce changement mon me fut tonne ; mille passions naquirent dans mon cur ; je ne fus plus en tat de me conduire. O Dieux ! mcriai-je, de quoi vais-je devenir ? , , , ; Pour traduire Dans ce changement , les candidats ont souvent recouru et le gnitif ( sous leffet de ) ; au dmonstratif, on prfrera ici (), qui traduit et le rappel et la nature du changement ( un changement de cette espce ). Pour mille , de nombreux candidats ont pens (une infinit de), que son accent paroxyton distingue au nominatif du nombre 10 000 (, proparoxyton) ; notons quau gnitif fminin, laccent des adjectifs de premire classe reste paroxyton comme au masculin. Dans cette phrase, on attirera aussi lattention sur

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    les lisions devant esprit rude ( et ). On rappellera enfin le sens particulier de lenclitique aprs interrogatif ( ) pour vivifier une interrogation en marquant un sentiment (impatience, crainte, etc.) ; le tandem latin, trs connu par la premire Catilinaire (Quo usque tandem abutere, Catilina, patientia nostra ?), lui est analogue, mais dans un registre logique et plus soutenu, comme le par lequel est introduite la question suivante (point 8). 8. Faudra-t-il que pour me rendre ma raison, vous me rendiez ma faiblesse ? (), , ; Ou : , , ; Car si elle est de mme tonalit dans le texte, cette interrogation-ci montre un personnage qui retrouve une certaine matrise logique de son destin en cherchant comprendre par son exprience passe ce qui lui arrive ( Faudra-t-il donc que ) ; on peut, pour la mme raison, souligner par un adverbial (aussi), ce qui a t fait dans quelques copies. En revanche, le verbe ( laoriste, que sa valeur aspectuelle rend impropre ici) a t plutt maltrait, ce qui surprend quelque peu chez des agrgatifs de grammaire, et explique sans doute la frquente tournure traduisant pour me rendre ma raison ; nous lavons du reste accepte, mais en valorisant les copies qui sefforaient de rendre la rptition (signifiante) du texte. 9. Je ne vous parlerai point, Ayesda, de toutes les autres transmigrations que jai essuyes. , , . La fin du texte rompt avec le dtail de lchange et introduit un retour la situation prsente, ce quintroduit trs frquemment (littralement Mais (je marrte) car , Bref ) aprs une digression ou une explication un peu longues. Pour traduire la ngation renforce (ne point), on peut penser accumuler deux ngations, la ngation compose renforant toujours la simple quand elle la suit ( ). Il fallait surtout se rappeler ici la ncessit de lattraction de tout pronom relatif (complment dobjet direct laccusatif dans la relative) par son antcdent, quand celui-ci est un cas oblique : pour le () avant attraction. 10. Vous drobez aux affaires publiques le temps que vous employez mcouter, et moi je ne saurois gure dcrire exactement des vies qui ont plus dur que sept ou huit empires. (). Ou : (). xplicative et introduite par , la phrase finale a souvent t bien traduite. Pour mieux marquer le paralllisme entre les deux personnages, on peut souligner les pronoms par

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    et (connectif). Le verbe marque mieux que (plus souvent employ et juste galement) la nuance du franais. Dans la traduction , avec lindicatif futur marque le but ( tu prends ce temps pour mcouter ), sauf en prsence dun verbe de mouvement avec lequel le participe futur est employ seul, sans . On attirera lattention sur lindfini qui annonce ici le pronom relatif (des vies qui ont plus dur) et que lon traduit frquemment en grec par un dmonstratif. Il fallait aussi prendre garde au comparatif irrgulier de . Enfin, pour empires , nous avons aussi bien accept que , empires sans autre prcision tant fort difficile rendre en grec o lon se rfre plutt des puissances qui se sont succd (Perses, Macdoniens, etc.). Au terme de ce rapport et pour les agrgatifs qui se prparent aux concours en tant parfois loin des centres universitaires, nous rappellerons quune prparation solide au thme grec ne ncessite pas de nombreux outils : lessentiel est dabord de connatre la morphologie et la syntaxe, de les apprendre, de les rviser et de les pratiquer en sentranant de faon complmentaire, par la version tout dabord, en faisant rgulirement du petit grec sur quelques lignes, mais aussi par la pratique du thme : exercices et thmes brefs, avant daller vers la longueur du concours. Dans les deux cas, version ou thme, il faut apprendre le vocabulaire le plus frquent (rappelons quune base de 500 mots permet de se reprer dans une langue), et progressivement connatre les hellnismes les plus courants. Nous donnons ici quelques outils essentiels : une grammaire en premier lieu, le mieux tant de garder celle que lon a toujours pratique ; pour exemples, nous renverrons la Grammaire grecque . RagonA. Dain, constamment rdite depuis 1951 (J. de Gigord, 5e d., 1957 par exemple, ou Nathan, 2005) ; ou bien celle de Ch. Georgin (Grammaire grecque, Hatier, 1962 pour la 12e dition), outil trs prcieux (mais galement difficile trouver) parce quil contient lessentiel en morphologie et en syntaxe sous une forme claire et trs brve ; ou encore celle de J. Allard et E. Feuilltre (Grammaire grecque, Hachette, 1972), souvent utilise. Pour la syntaxe, celle de M. Bizos (Syntaxe grecque, Vuibert, 6e d., 1971), assortie dune liste des hellnismes, est indispensable. Pour laccentuation, on pourra complter et approfondir les indications prcises des grammaires par le Prcis daccentuation grecque de Michel Lejeune (Hachette, 1945) qui donne de manire trs claire toutes les informations ncessaires et plus complexes. Pour aller plus loin, on se rfrera la Stylistique grecque. Lusage de la prose attique de J. Carrire (Klincksieck, 3e d., 1983), et sa deuxime partie en particulier ( Les formes de phrase, Le style ) avec des exemples de textes grecs comments et de traductions en grec de textes classiques, assorties de commentaires. Pour revoir ses bases et sentraner, le livre dAnne Lebeau, qui a form des gnrations dhellnistes, est trs prcieux avec ses mises au point et ses thmes la traduction trs prcisment explique et commente (Le thme grec du DEUG lAgrgation, Ellipses 2000). Le recueil de Romain Garnier et Lucien Perne, avec le concours de Jean-Victor Vernhes (Thmes grecs, Ophrys, 2004), rassemble, pour sa part, les thmes donns aux agrgations entre 1985 et 2002 (p. 8 86 pour lagrgation de grammaire) en les accompagnant dune traduction et dun commentaire parfois en partie repris aux rapports des jurys, et donne des exemples des textes des concours. Enfin, il ne faut pas attendre le jour du concours pour manier en quatre heures les dictionnaires essentiels. Nous rappellerons que les dictionnaires de thme autoriss sont le Dictionnaire franais-grec dAlexandre, Planche et Defauconpret ou celui de Feuillet ou le dictionnaire Hatier-Belin, et quil faut garder le jour du concours celui dont on a

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    lhabitude. Paradoxalement, au moins de prime abord, lautre dictionnaire essentiel en thme reste le dictionnaire grec-franais Bailly (ou les dictionnaires Georgin ou Magnien-Lacroix si on a lhabitude de les utiliser), qui prcise les formes attiques, attendues en thme, donne les rfrences classiques (mieux vaut ne pas aller chercher un terme potique ou de lpoque tardive ou dune grande raret comme traduction) et parfois des exemples utiles. Nous redisons, pour conclure, la satisfaction qua eue le jury voir sexercer des intelligences sur la traduction dun extrait duvre, parfois complexe, de notre littrature. Hors les copies de candidats qui ne connaissaient manifestement rien de la langue grecque, nous avons pu apprcier, mme dans des copies o manquaient lentranement et la pratique ncessaires au concours, des efforts russis. Deux copies se distinguaient vraiment, dont lune, qui ntait pas finie (mais nen a pas t disqualifie pour autant), doit rappeler aux candidats qui prparent de sexercer galement traduire en quatre heures, dans les conditions exactes du concours.

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    Composition principale de linguistique

    Option A Rapports tablis par

    Fabienne Boissieras

    Matre de confrences HDR luniversit Jean Moulin Lyon III

    et

    Olivier Soutet Professeur luniversit de Paris-Sorbonne

    Premire partie : moyen franais (rapporteur : Olivier Soutet). Texte support : Christine de Pizan, Le livre du duc des vrais amants, 2565-2601. 1. Traduction Elle envoie donc deux demoiselles chercher mon cousin. Une fois quil est auprs delle, elle le salue et lui demande : Y a-t-il mort dhomme ? Quelle affaire vous amne une heure si tardive ? Je ne vous ai pas vu de la semaine. Dites-moi ce que vous cherchez. Mon cousin lui demanda alors de ne pas le questionner davantage : du moment quil na pas rencontr le seigneur et matre des lieux, ce qui le contrarie, il na plus qu sen retourner. Elle lui rpliqua de nen rien faire et quelle devait connatre absolument par le dtail lobjet de sa visite. Il dit alors : Jai besoin que mon valet, qui garde les chevaux la porte, mapporte une lettre que je lui ai confie et me rejoigne sans retard ; il faut quon le lui dise. Ma dame, dun ton ferme, en donna lordre son secrtaire, lequel, en homme trs serviable, place les chevaux ltable puis me mne ltage. Mon cousin, trs occup, sapproche de la porte de la pice et, se penchant vers moi, me dit : Donne-moi vite cette lettre Et quil sen aille vite , ajoute-t-il, se tournant vers le secrtaire. Aussi bien, un secrtaire na rien faire ici et na pas rester cette heure dans les appartements. 2. Phontique (transcription selon alphabet Bourciez) 2.1. Histoire du mot ame Sur la base dun tymon de forme [nma(m)], pass *[nma] au moment du bouleversement vocalique, on retiendra : 1/ la chute de la voyelle posttonique, usuellement date du IIIe-IVe sicle, do

    *[nma] ; 2/ lassimilation de [n/m] en [mm], avec rduction sans doute assez tardive de la

    gmine, peut-tre peu prs contemporaine de laffaiblissement de la finale vocalique en [e], do *[mme] ;

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    3/ la nasalisation au XIe sicle, entranant une prononciation [me] ; 4/ la dnasalisation au XVIe [me] avec prononciation vlaire de la voyelle sous

    laccent. Pour information, il faut savoir que ce mot, pour des raisons videntes (domaine smantique philosophico-thologique), a connu des volutions parallles partiellement savantes, do procdent deux formes attestes en ancien franais : 1/ aneme, forme supposant un maintien de la posttonique ; 2/ anme/alme, forme supposant la non-assimilation de [n/m] en [mm], avec possible

    modification de la consonne implosive, notamment en [l]. 2.2. Histoire du mot uis Les candidats nauront pas manqu dobserver que ltymon fourni ntait pas le lat.cl. ostium, mais la forme suppose *ustium (sur cette forme, voir Fouch, Phontique II, p. 417). Sur la base de ltymon *[stum] (avec u tonique long), on retiendra notamment : 1/ la consonnification trs prcoce du [] en hiatus, qui passe [y], do *[styo(m)], si

    on tient compte de la chute de la consonne finale et du bouleversement vocalique ; 2/ la palatalisation opre par [y] sur le groupe [st] (do [st] au IIIe sicle) et suivie de

    lmergence gauche du groupe [st] dun son [i] appel faire second lment de diphtongue avec [] initial, do *[isto] ;

    3/ la dpalatalisation avec mergence dune sifflante droite du [t], soit [ts], do *[uistso] tat du mot atteint sans doute vers le VIe sicle ;

    4/ les volutions probables du VIIIe sicle : chute de la voyelle finale, antriorisation du [u] en [] et perte de la mouillure, do *[ists], ou mme [is], le [t] ayant sans doute t prcocement assimil et laccent continuant de porter sur [] ;

    5/ la bascule accentuelle de la diphtongue [i] au XIIIe sicle, qui entrane la consonnification de [] en [], do [s].

    Le mot perdra en moyen franais la prononciation de sa finale consonantique. Graphiquement, le h sexplique par des raisons diacritiques. La graphie huis permet dviter lambigut dune forme comme u i s selon que lon interprte u comme voyelle (uis) ou comme consonne, cest--dire comme v (vis, visage ). 3. Morphologie 3.1. Analyser les faits significatifs relatifs aux marques du genre et du nombre dans les plans nominal et pronominal en prenant en compte, chaque fois que cela est ncessaire, les volutions de lancien franais au moyen franais. Quatre faits mritaient attention : 1/ le destin de afr li, qui, en afr, est atone et picne ou tonique et fminin : li atone

    remplac par lui (2567, 2574, 2576) ; li tonique remplac par elle (2566) ; 2/ ame tu (2569) : sans survaloriser la forme tu (par prudence philologique), on doit

    noter sa forme de masculin malgr le fminin ame, il est vrai fortement dsmantis, ce qui peut entraner une forme de neutralisation dans lordre du genre ;

    3/ une lettres (2584) et ces lettres (2597) : lettres est un pluriel morphologique, mais qui rfre smantiquement une pluralit interne (ide de collectif). Le substantif rfre

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    une lettre. On doit noter lincertitude qui entoure le dterminant : si ces est en accord avec lexpression morphologique de la pluralit interne, une, en revanche, reste au singulier alors que la forme unes tait possible et mme attendue. On aurait ici un exemple de la difficult de la langue noter la pluralit interne, pluriel lintrieur dun singulier ;

    4/ cel affaire (2589) : il tait intressant de prendre en considration affaire en 2579, o la gense a (prposition) + faire est encore sensible. Le substantif affaire tant donc un syntagme prpositionnel, on comprend quil soit de genre potentiellement indcis. La solution du masculin formel est celle de 2589 ; ultrieurement, on passera au fminin (une affaire).

    3.2. Faire les remarques ncessaires sur les formes du subjonctif prsent du verbe aller figurant dans lextrait. identification des formes : voit (2575) ; revoise (2577) ; aille (2597) commentaire : historiquement, le subjonctif prsent daller prsente la proprit de sappuyer sur deux radicaux : v- et all-. Si le radical v-, qui subsiste aux seules personnes 1,2,3 et 6 de lIPR, se rattache sans peine la base du latin vado, la question de ltymologie dall- est plus controverse (lat., ambulo, marcher , smantiquement satisfaisant mais phontiquement problmatique). Rappelons que le verbe mobilise un troisime radical au titre des futur et conditionnel. En termes de systmatique linguistique, ct de la question tymologique se pose la question du principe de rpartition des radicaux. Pour le subjonctif prsent, il est intressant de noter que le paradigme voise (dductible de lindicatif prsent 1) cohabite avec le paradigme aille pendant plusieurs sicles. 4. Syntaxe : emplois et valeurs du mot que dans lextrait. 4.1. Relev et classement des emplois Conjonction : 2573, 2577, 2578, 2586, 2600 Locutions conjonctives : aprs que (2568) ; puis que 2575 Relatif : que, ce que (2572 ?) ; 2579 ; 2584 ; que faire (2599) Possible bquille : 2583 (?) et 2597 4.2. Deux points commenter principalement : les emplois du relatif et la question de la bquille du subjonctif. 5. Vocabulaire : tudier les mots chiere (2587) et tost (2596). On renvoie aux manuels de lexicologie historique, qui traitent de ces deux mots trs classiques. Voir bibliographie. Seconde partie : franais moderne (rapporteur : Fabienne Boissieras). Texte support : Victor Hugo, Les Contemplations, III, Aux Arbres , v. 1-34. Fonde sur une vritable culture de la langue, lpreuve suppose une frquentation assidue des grammaires fournies en bibliographie. Cela apparat dautant plus naturel pour les candidats qui enseignent dj dans le secondaire et quon imagine difficilement

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    ne pas matriser les bases grammaticales et stylistiques. On invite les tudiants prendre connaissance des rapports rcents. 1. Lexicologie Rigoureuse dans la dmarche, ltude dun mot doit proposer trois approches distinctes et logiquement amenes (tude morphologique, sens en langue, sens contextuel) auquel il convient daccorder une importance adapte selon les cas. Une connaissance a minima des principes de formation du lexique est requise, sans laquelle des analyses fautives voire fantaisistes sont proposes. 1.1. tude du mot : contemplation (v. 8) : La contemplation memplit le cur damour 1.1.1. Identification et morphologie lexicale : substantif fminin en fonction sujet. Mot construit par drivation progressive (en diachronie cum prfixe intensif / base templ- / suffixe transcatgoriel -atio) mais le mot est disponible en latin. Par dcomposition morphmique, il est donn accs au sens. 1.1.2. Sens en langue : le substantif connat quatre sens principaux, tous porteurs dun sme intensif. 1. Action de regarder avec attention une chose ou un spectacle mis sous les yeux (sme actif). 2. Par passage du concret labstrait (mtonymie), intrt profond de lesprit pour un objet purement intellectuel. 3. Par restriction, tat de mditation religieuse ou spirituelle. 4. tat de rceptivit favorable la rverie. 1.1.3. Sens en contexte : mot titre du recueil (au pluriel), contemplation apparat 35 fois dans lensemble du texte hugolien, preuve sil en est quil concentre une pluralit de sens et quil rentre en rsonance avec de nombreux drivs ou para-synonymes saturant lisotopie du voir si dterminante chez Hugo. La contemplation dnote un agir complexe qui implique le sujet engag dans un acte qui lui permet de communiquer avec la nature et donc Dieu mais aussi dexorciser le malheur. La contemplation suppose un point focal, lil du pote, centre partir duquel slabore une vision. Le pote est donc essentiellement un contemplateur capable de rassembler linfiniment grand et linfiniment petit. 1.2. tude du mot : palpitants (vers 11) 1.2.1. Identification et morphologie lexicale : par conversion adjectif verbal, pithte de rameaux. Mot construit, frquentatif de palper au sens de toucher . Sajoute droite de la base verbale le morphogramme grammatical -ant. 1.2.2. Sens en langue : pour lanim, deux sens conformes au verbe daspect frquentatif se rpartissent les emplois. 1. Ladjectif a un sens technique pour dcrire les contractions du cur et par largissement signifie ce qui est agit pour toute partie du corps trouble par des frmissements. 2. Ladjectif caractrise une personne la respiration saccade sous leffet de lmotion. Pour un inanim, ladjectif traduit ce qui meut et attache profondment ou encore ce qui suscite un vif intrt. 1.2.3. Sens en contexte : Le mot caractrise un nom inanim et la personnification topique qui est faite de la nature mobilise les sens 1 et 2 en mme temps quelle donne

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    voir littralement lagitation des rameaux, dont loscillation est souple et rgulire. Par mtonymie du concret labstrait, le mot convoque les sens 3 et 4 : lmotion (v. 26) envahit le pote qui lui-mme par hypallage sagite dextase. 2. Grammaire 2.1. Les dterminants, du dbut du texte au vers 25. Remarques pralables : Toute tude grammaticale implique la mise en perspective des diverses dfinitions et des classements proposs dans les ouvrages de rfrence. Il sagit dabord de convoquer des savoirs linguistiques pluriels autour de la catgorie grammaticale des dterminants afin de proposer une description des formes prsentes en fonction de la thorie retenue. Dterminer, cest dire lequel cest , pour reprendre la dfinition de Robert Martin. Premier constituant obligatoire du GN ( gauche du nom), le dterminant participe lactualisation du nom, cest--dire permet le passage du virtuel lactuel de la langue au discours. Aptitude du dterminant oprer un transfert de classe. Le dterminant porte les marques de genre et de nombre, exceptions faites de certaines formes loral qui ne discriminent pas genre et nombre : cet l. 2 / cette. La forme minimale du GN est le couple [Det + Nom], certains lments modificateurs peuvent servir la dtermination (expansion par ladjectif, le complment du nom, la relative). La relation dinterdpendance entre le Det et le Nom se manifeste par la flexion en genre et en nombre du dterminant. Smantiquement, le nom est porteur de la substance notionnelle, le dte