Conclusions du groupe de travail sur les APL
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R P U B L I Q U E F R A N A I S E
_____________________________________ LIBERT - GALIT FRATERNIT
GROUPE DE TRAVAIL SUR LES AIDES PERSONNELLES AU LOGEMENT
Paris, le 26 mai 2015
CONCLUSIONS
DU GROUPE DE TRAVAIL SUR LES AIDES PERSONNELLES AU
LOGEMENT (APL)
Prsident : M. Franois PUPPONI, dput
Le groupe de travail de lAssemble nationale sur les aides personnelles au logement
(APL), cr par la commission des affaires conomiques, o tous les groupes politiques et les
commissions concernes taient reprsents, sest runi onze reprises de fvrier mai 2015.
Au cours de ces runions, le groupe de travail a auditionn dix-huit personnes ou
organisations : conomistes, Gouvernement, inspections gnrales, grands acteurs du secteur
du logement, associations de locataires et syndicats tudiants.
Le groupe de travail a examin lensemble des propositions de rformes des APL et
formule six recommandations dont certaines pourraient tre suivies ds le projet de loi de
finances pour 2016 tandis que dautres ncessitent un travail de plus long terme.
I. Un rabotage gnral des APL est carter en raison du profil des
allocataires et du caractre fortement redistributif de cette aide
6,5 millions de mnages bnficient aujourdhui dune aide au logement, dont plus de
la moiti ont des ressources infrieures au seuil de pauvret et 80% ont des ressources
infrieures un SMIC. LAPL est cible sur les mnages les plus modestes et constitue donc
une dpense trs dpendante de la conjoncture conomique. Ainsi, si le cot annuel des APL
dpasse aujourdhui les 18 milliards deuros, contre 15,9 milliards deuros en 2010, le groupe
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de travail rappelle que cest avant tout parce que le nombre de bnficiaires a augment
(+ 3,5 % entre 2010 et 2013) et que les classes modestes se sont pauprises.
Les loyers augmentent, par ailleurs, plus vite que les revenus des mnages. En
raison dune sous-actualisation des barmes, et malgr la hausse de la dpense budgtaire, le
taux deffort net des allocataires a progress de + 0,3 % par an dans les annes 2000 (+ 0,6 %
par an dans le parc priv).
Dans ce contexte, le groupe de travail carte toute mesure gnrale non cible telle
quun gel des barmes, une diminution du forfait charges ou le relvement du seuil
minimal de taux deffort qui toucheraient majoritairement les mnages les plus modestes de
notre pays, mme si ces mesures sont techniquement et politiquement les plus faciles mettre
en uvre.
Les exemples trangers montrent quune baisse gnrale des APL est avant tout
supporte par les locataires et non par les bailleurs qui ne baissent pas les loyers pratiqus.
Ainsi, 94% de la baisse des aides au logement au Royaume-Uni en 2011 fut la charge des
locataires et seule 6% de cette baisse des aides fut rpercut en baisse des loyers.
II. La rforme des APL accession doit tre dfinitivement annule
Le groupe de travail recommande, dans le prochain projet de loi de finances,
dabroger larticle 93 de la loi n 2014-1654 du 29 dcembre 2014 de finances pour 2015
qui prvoit la transformation, au 1er
janvier 2016, de lAPL accession en simple assurance
contre une baisse importante des ressources du mnage accdant. Cette quasi-suppression de
lAPL accession nuirait grandement la capacit des mnages aux revenus modestes et
moyens daccder la proprit tout en aggravant, court terme, le dficit public.
Les tudes dimpact, menes notamment par la socit de gestion des financements et
de la garantie de laccession sociale (SGFGAS), montrent en effet que lapplication de cette
rforme ferait baisser de 14% les oprations daccession sociale la proprit qui bnficient
soit dun prt taux zro (PTZ), soit dun prt daccession sociale (PAS), soit des deux. La
moiti des oprations bnficiant de lAPL ne se seraient pas faites sans cette aide, dont
leffet dclencheur est rel mme sil est moindre que celui du PTZ.
En outre, sur les 12 100 oprations impactes au total, 8 400 environ correspondent
des constructions neuves. Tout en affaiblissant la capacit des mnages modestes accder
la proprit, cette rforme se traduirait donc galement par une baisse de la construction et des
recettes fiscales lies. Sur la base de ces chiffres, on pourrait ainsi estimer de 150 200
millions deuros la perte de recettes fiscales (TVA principalement) lie cette rforme. Or,
lconomie budgtaire gnre par la rforme ne serait que de 19 millions deuros la premire
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anne (dont 8 millions deuros seulement pour le budget de lEtat) et 150 millions deuros au
bout de trois ans. Jusquen 2019, elle aurait donc pour consquence une perte de recettes nette
pour lEtat.
Par ailleurs, la suppression de lAPL accession gnrerait un surcot pour lAPL
locative dans la mesure o un plus grand nombre de mnages bnficiant dj de lAPL se
maintiendraient dans le parc locatif.
Plutt que dappliquer la rforme prvue par la loi de finances pour 2015, le groupe de
travail recommande dabaisser les plafonds de ressources pour le bnfice de lAPL
accession, dans certaines zones, afin de limiter au maximum les effets daubaine, cest--
dire les cas o les oprations auraient eu lieu sans lexistence de lAPL (la moiti des
oprations environ). Lconomie serait moindre mais plus juste socialement et plus efficace
budgtairement et conomiquement.
III. Les conomies budgtaires raliser court terme sur les APL doivent
tre guides par deux principes : lquit et la simplification
a) La prise en compte du patrimoine
LAPL est une aide sociale affecte au logement qui doit tre cible sur les mnages
les plus modestes et dont les difficults daccs un logement sont relles. Aujourdhui les
deux variables principalement prises en compte pour calculer le droit laide sont : les
revenus du mnage et la composition familiale. Or ce mode de calcul permet des mnages
de bnficier de lAPL pour leur rsidence principale alors quils possdent, par ailleurs, un
logement vacant, une rsidence secondaire, un logement locatif ou un patrimoine financier
important, qui ne gnrent pas ncessairement des revenus.
Permettre des mnages de bnficier dune aide au logement alors quils dtiennent
un patrimoine immobilier quils pourraient occuper ou mieux utiliser nest pas acceptable
dans le contexte budgtaire que connat notre pays aujourdhui. Le groupe de travail
recommande donc dappliquer aux APL le mme systme que celui qui est retenu pour
le RSA : pour lapprciation des ressources des bnficiaires, les biens seraient
considrs comme procurant un revenu annuel gal 3 % du montant des capitaux
(article R132-1 du code de laction sociale et des familles).
Cette mesure cible concernerait principalement les 10% dallocataires qui ont un
patrimoine suprieur 30 000 , dont 4 % qui ont un patrimoine suprieur 75 000 et
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2% qui ont un patrimoine suprieur 150 000 1. Elle gnrerait une conomie
budgtaire annuelle de 150 millions deuros environ.
Le groupe de travail rappelle que la prise en compte du patrimoine existe dj dans
certains pays europens, comme dans le systme britannique daide au logement, et que la
convergence des critres dattribution des diffrentes aides sociales (RSA et APL) doit tre
recherche.
b) La rforme des rgles dattribution aux tudiants
Le public pour lequel laide personnelle au logement est la moins redistributive et a le
plus deffet inflationniste est celui des tudiants. En 2013, les tudiants reprsentaient 12%
des allocataires, soit 730 000 tudiants. Or seuls 32,9 % des tudiants bnficiaires de
lAPL sont boursiers, cest--dire ont des parents aux revenus modestes. Les revenus utiliss
dans le calcul de laide de ltudiant qui d-cohabite sont ceux de ltudiant et non ceux de ses
parents. Pour reconstituer de manire thorique et forfaitaire les transferts familiaux dont
bnficie ltudiant, le systme actuel est fond sur un plancher de ressources qui va de 408
par mois pour les boursiers rsidant en foyer 625 par mois pour les tudiants non boursiers
en secteur locatif ordinaire. Or ces ressources forfaitaires et thoriques ne refltent
quimparfaitement la ralit dans la mesure o, en 2010, les tudiants percevaient un revenu
moyen de 850 par mois et que les ressources des tudiants du dernier dcile de revenu
pouvaient atteindre 2 334 par mois2.
Par ailleurs, le mode de calcul forfaitaire fait que, pour les tudiants qui ne travaillent
pas, le montant de lAPL est identique dans chaque zone et donc parfaitement connu des
bailleurs. Il est, par exemple, de 211 par mois pour les tudiants non boursiers en zone
tendue (zone 1). Dans ces conditions, lAPL tudiante a un effet fortement inflationniste sur
les loyers des petites surfaces dans les grandes agglomrations. Daprs ltude de Gabrielle
Fack (2005), lors du bouclage des APL en 1991-1993, qui a notamment consist tendre les
aides aux tudiants, entre 50 % et 80 % des allocations ont ainsi t absorbes par des hausses
de loyers sans amlioration de la qualit du logement.
Le groupe de travail considre quil est invitable, pour des raisons dquit et
defficacit, de rformer les rgles dattribution de lAPL aux tudiants. Il est hors de
question quun tudiant prouvant des difficults relles de logement, tant donn le manque
de rsidences tudiantes, ne puissent plus bnficier daide. Toutefois, les effets daubaine,
aujourdhui criants, doivent tre limits. Le groupe de travail considre, par exemple, quil
nest pas acceptable dans le contexte budgtaire actuel quun tudiant puisse bnficier de
1 Enqute patrimoine 2009-2010
2 Rapport CIMAP sur lvaluation de la politique du logement, 2014
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lAPL alors que ses parents ont des revenus levs et quils rsident dans la mme
agglomration que lui.
Le groupe de travail recommande donc de mieux cibler les aides vers les
tudiants qui en ont le plus besoin et de les moduler en fonction de trois critres : le
revenu des parents, lloignement gographique et les cas de rupture familiale. Ces trois
critres sont dj pris en compte dans le systme de bourses. Il sagirait donc dune mesure de
mise en cohrence des aides aux tudiants, qui permettrait galement de transfrer la gestion
des aides au logement aux CROUS. Les aides au logement ne seraient toutefois pas rserves
aux tudiants qui sont actuellement boursiers. Seules les pratiques les plus abusives sont
vises.
Lconomie annuelle gnre par une telle rforme serait de 180 millions deuros.
c) La poursuite des efforts de simplification
Le systme actuel de gestion des APL souffre dune trs forte complexit, en grande
partie due au fait que les revenus pris en compte pour le calcul de laide sont ceux de lanne
N-2. A cela sajoute de nombreux abattements et neutralisations de ressources (en cas de
chmage par exemple) qui modifient rgulirement le montant de laide. Or la prcarisation
du march du travail et la moindre stabilit familiale font que prs de 26% des allocataires
changent de situation chaque anne et que ces changements frquents de situation sont pris en
compte tardivement. Au total, le cumul des indus verss et des rappels de prestations slvent
chaque anne prs de 1,6 milliards deuros, soit 10% des prestations verses. Ces nombreux
indus et rappels alourdissent la gestion par les CAF et participent linstabilit de la situation
financire des allocataires.
Le groupe de travail recommande donc de stabiliser laide par priode de trois
ou six mois, quels que soient les changements de situation du mnage. Ce lissage des
droits est dj mis en uvre dans le cadre de la rforme de la prime dactivit et du revenu de
solidarit active (RSA) et permettrait de rduire de 60 % les indus et les rappels. A terme,
cette rforme contribuerait baisser les cots de gestion, aujourdhui trs levs, de lAPL
(environ 600 millions deuros, soit 3,5 % du total des APL verses).
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IV. A long terme, le groupe de travail prconise une rforme densemble des
aides publiques au logement visant faire baisser le niveau des loyers
A long terme, le groupe de travail estime que seule une action visant faire baisser le
niveau des loyers peut permettre de contenir durablement et efficacement la dpense
budgtaire dAPL, tout en limitant ses effets inflationnistes.
La dpense budgtaire dAPL est actuellement dynamique parce que les loyers
augmentent plus vite que les revenus, dans un contexte conomique dgrad. Pire, lexistence
de laide elle-mme peut contribuer alimenter, ou du moins solvabiliser, la hausse des
loyers que ce soit dans le parc locatif social ou dans le parc locatif libre. Aujourdhui, 40%
des nouveaux logements trs sociaux (PLAI) ont des loyers qui se situent au-dessus des loyers
plafonds retenus pour le calcul de lAPL. Dans le parc social, cette hausse des loyers est
principalement due la hausse des cots de production dun logement neuf. En dix ans,
le cot de production dun logement social neuf est en effet pass de 90 000 140 000 .
Les causes de cette inflation des cots sont connues : la raret du foncier et le poids
des normes. Toutefois, ces hausses de loyers sont rendues soutenables par lexistence de
lAPL qui peut, par ailleurs, tre un frein la mixit sociale dans la mesure o les bailleurs
sociaux ont intrt avoir des locataires aux revenus stables et garantis par lEtat.
Dans ce contexte, le groupe de travail considre quil est urgent, au-del des
conomies de court-terme, de rflchir une rforme densemble des aides au logement dont
lobjectif premier serait de faire baisser le niveau des loyers. Depuis 1977, les aides publiques
se sont massivement portes vers un soutien la demande plutt qu loffre et la
construction. Avec la baisse progressive des aides la pierre dans le budget de lEtat, la
rpartition entre le soutien la demande et le soutien loffre est aujourdhui dsquilibre :
plus de 18 milliards deuros pour les APL contre seulement 400 millions deuros pour les
aides la pierre.
Le groupe de travail estime quune hausse des aides la pierre par opration
pour les PLAI, tout en stimulant la construction, pourrait permettre de faire baisser les
loyers des logements neufs de telle sorte que lAPL ne soit plus ncessaire. Leffet pour le
locataire serait neutre voire bnfique. Linvestissement initial pour lEtat serait plus
important mais rentable long terme. Il serait surtout moins inflationniste et moins soumis
la conjoncture conomique. Selon des premires estimations fournies par lUnion sociale pour
lhabitat (USH), une hausse de 1,5 milliards deuros des aides la pierre en faveur des PLAI
permettrait, par exemple, une conomie immdiate de 42 millions deuros dAPL, amortie au
bout de 25 ans. La mise en uvre du nouveau programme national de renouvellement urbain
(NPNRU), pilote par lANRU, est galement une opportunit formidable pour exprimenter
une baisse des loyers dans le stock de logements sociaux. Etant donn le niveau
dinvestissements programms (plus de 25 milliards deuros), la question de larticulation
entre le niveau des loyers des logements reconstruits et lAPL devrait tre tudie.
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De la mme manire, le plan de construction de 40 000 logements tudiants en cinq
ans, qui pourrait tre amplifi, doit tre loccasion de faire baisser les loyers des petites
surfaces des villes tudiantes de telle sorte que la dpense dAPL consacre aux tudiants
diminue. Or, depuis 2014, les aides la pierre de lEtat par opration consacres ce plan ne
cessent de baisser, comme pour le reste des logements locatifs sociaux.
Enfin, dans le parc libre, le groupe de travail rappelle que la matrise du niveau des
loyers dans les zones trs tendues passe par la mise en uvre de lencadrement des loyers et
estime que la fixation de maxima de loyers, au-del desquels lAPL serait dgressive, pourrait
tre envisage terme.
Le groupe de travail appelle donc le Gouvernement et lAssemble nationale, au-
del des conomies marginales de court-terme, continuer dtudier une rforme
densemble fonde sur ces principes.
Il appelle galement le Gouvernement poursuivre ses efforts de simplification des
normes rglementaires applicables aux btiments afin de faire baisser les cots de
construction. Il rappelle enfin que, loccasion du futur projet de loi relatif lgalit des
territoires et la citoyennet, la question des aides personnelles au logement devra tre prise
en compte dans la rforme du mode de calcul des loyers des logements sociaux.
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SYNTHESE DES RECOMMANDATIONS
Recommandation n1 : Ne pas appliquer de mesures dconomie gnrale non cibles, telles
quun gel des barmes, une diminution du forfait charges ou un
relvement du seuil minimal de taux deffort.
Recommandation n2 : Annuler la rforme de lAPL accession prvue par la loi de finances
pour 2015 et prfrer un abaissement cibl des plafonds de
ressources.
Recommandation n3 : Prendre en compte le patrimoine des mnages dans le calcul de
lAPL, sur le modle du RSA.
Recommandation n4 : Mieux cibler les APL destination des tudiants en prenant en
compte le revenu des parents, lloignement gographique et les cas
de rupture familiale.
Recommandation n5 : Stabiliser lAPL par priode de trois ou six mois, quels que soient les
changements de situation du mnage.
Recommandation n6 : Etudier une hausse des aides la pierre destine faire baisser le
niveau des loyers.