Compte rendu d’une expérience pédagogique...

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Compte rendu d’une expérience pédagogique transversale -> Vers une performance théâtrale francophone La Guerre comme écriture de la fraternité Lycée Lyautey, AEFE, Casablanca MAROC A l’heure où le cycle des commémorations nationales et internationales du centenaire de la Première Guerre mondiale occupe les esprits,  à l’heure où l'éducation nationale prend pleinement part à cet événement et s'applique à transmettre aux jeunes générations l'histoire et les mémoires de ce conflit, nous avons souhaité œuvrer à l’édifice. Nous avons travaillé en partenariat avec  des classes de l’Académie du Grand Casablanca. Pourquoi commémorer ? Il s’est tout d’abord agi  de s’interroger sur les enjeux de la commémoration. Sur le devoir de mémoire mais aussi sur les leçons à tirer d’un tel enseignement, qu’il soit didactique et s’opère dans le cadre de l’école, ou qu’il soit humaniste et relève d’une interrogation sur les valeurs de nos sociétés. Pour célébrer la paix. « Il y a des moments où la guerre se tait. Pire, elle se fait belle. Quelques moments de grâce et de répit où elle se met entre parenthèses, comme suspendue. Elle court la tranchée et tisse à quatre mains des barbelés de misère pour préserver des moments de répit. Elle arbitre son propre jeu, dicte des pauses, siffle la mi-temps, redistribue les cartes et les coups, réinvente les codes, décide la quiétude, distille la paix. Elle orchestre, elle partage. Un peu de vin français, allemands sont les cigares, elle échange tout cela, elle tue puis elle répare. Elle balance au hasard des journaux qui sèment les nouvelles, des poignées de mains fraternelles, un peu de jus, un peu de pain, du saucisson, du chocolat, un verre de schnaps, un verre de vin, chacun partage son trésor, chacun de l’autre goûte la merveille, petit bonheur tombé du ciel. Depuis son enfance grecque, elle joue une accalmie pour les morts. Comme un grand requiem guerrier soufflé sur la trêve. Elle soigne ses blessés, lave ses corps, leur redonne un visage pour mieux les reconnaitre et pour pouvoir les rendre du bon côté du camp. Elle lie pêle-mêle la vie à la mort et la mort à la vie. Enchaîne les cadavres aux poumons des vivants. Étreint les âmes au pied du sépulcre.

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Compte rendu

d’une expérience pédagogique transversale

-> Vers une performance théâtrale francophone

La Guerre comme écriture de la fraternité

Lycée Lyautey, AEFE, Casablanca MAROC

A l’heure où le cycle des commémorations nationales et internationales du centenaire de laPremière   Guerre   mondiale   occupe   les   esprits,     à   l’heure   où   l'éducation   nationale   prendpleinement part à cet événement et s'applique à transmettre aux jeunes générations l'histoire etles mémoires de ce conflit, nous avons souhaité œuvrer à l’édifice. Nous avons travaillé enpartenariat avec  des classes de l’Académie du Grand Casablanca.

Pourquoi commémorer ?

Il s’est tout d’abord agi   de s’interroger sur les enjeux de la commémoration. Sur ledevoir de mémoire mais aussi sur les leçons à tirer d’un tel enseignement, qu’il soit didactiqueet s’opère dans le cadre de l’école, ou qu’il soit humaniste et relève d’une interrogation sur lesvaleurs de nos sociétés. 

Pour célébrer la paix.

« Il y a des moments où la guerre se tait. Pire, elle se fait belle. Quelques moments de grâce etde répit où elle se met entre parenthèses, comme suspendue. Elle court la tranchée et tisse àquatre mains des barbelés de misère pour préserver des moments de répit. Elle arbitre sonpropre jeu, dicte des pauses, siffle la mi-temps, redistribue les cartes et les coups, réinvente lescodes, décide la quiétude, distille la paix. Elle orchestre, elle partage. Un peu de vin français,allemands sont les cigares, elle échange tout cela, elle tue puis elle répare. Elle balance auhasard des journaux qui sèment les nouvelles, des poignées de mains fraternelles, un peu dejus, un peu de pain, du saucisson, du chocolat, un verre de schnaps, un verre de vin, chacunpartage son trésor, chacun de l’autre goûte la merveille, petit bonheur tombé du ciel.

Depuis son enfance grecque, elle joue une accalmie pour les morts. Comme un grand requiemguerrier soufflé sur la trêve. Elle soigne ses blessés, lave ses corps, leur redonne un visagepour mieux les reconnaitre et pour pouvoir les rendre du bon côté du camp.

Elle lie pêle-mêle la vie à la mort et la mort à la vie. Enchaîne les cadavres aux poumons desvivants. Étreint les âmes au pied du sépulcre.

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Elle chante Noël à ses enfants. Entonne des berceuses dans les tranchées devenues berceaux,dit les maux des uns dans la langue des autres, célèbre la haine et l’amitié soudain soudées,célèbre l’ennemi, l’ami, le père dans des postures réconciliées.

Alors, dans cette grande guerre enfin redevenue la mère de tous ces hommes, dans ces grandsbras qui les bercent, on voit soudain les hommes redevenir des frères ; et leurs langues devenirsœurs.

Ainsi, au sein de ce microcosme, où des hommes de tous horizons apprennent à vivre et àmourir ensemble, une nouvelle langue s’élabore, emprunte un peu aux mots des uns et desautres pour désigner dans une langue nouvelle une réalité commune à tous. Langue métissée,tissée de nouveaux rapports sociaux jusqu’alors improbables, où le tirailleur sénégalais et legoumier marocain échangent avec l’artilleur basque et le fantassin limousin. C’est l’un deshéritages les plus féconds de la guerre, qui rejaillit en force de vie dans une langue bigarrée,chamarrée, assouplie, qui s’affranchit de la langue officielle pour former un nouveau langageoù chaque Poilu, comme détenteur d’une langue secrète, peut communiquer avec soncamarade sans être forcément compris de ceux qui ne sont pas à la guerre. La tranchée voitses enfants inventer une langue nouvelle, couve des mots nouveaux, accepte des emprunts,accouche d’acronymes, amalgame des mots spécialisés, la tranchée babille. Un antre niché aucreux d’une guerre, devenu le ventre d’un nouveau corps, un laboratoire qui voit naitre unnouveau vocabulaire.

La langue se déshabille pour se rhabiller autrement, elle s’adapte au climat des hommes et descultures.

C’est son histoire depuis toujours. A l’instar d’une mère aux bras longs, elle accueille, elleentre en son sein les bavardages de sa fratrie.

Grand habit d’Arlequin sans cesse reprisé, la langue française connait la procédure: substratlatin avant tout, greffé sur un socle celtique constitué par le gaulois, elle a connu au gré de sonhistoire des apports germaniques anciens, puis scandinaves lors des invasions normandes. Elles’est enrichie d’apports de langues régionales, de l’arabe, du persan et du turc, plusrécemment de l’anglais et de bien d’autres langues si bien qu’elle vit de tous ses empruntsmondiaux successifs qui continuent à l’habiller et l’enrichir aujourd’hui encore.

La Grande Guerre fut un accélérateur linguistique formidable, un brassage de motslittéralement inouïs qui ont pénétré et fécondé la langue française pour faire d’elle un outilcommun totalement nouveau. Pendant des siècles, elle avait emprunté des vocables désignantdes objets et des réalités nouvelles qui entraient enfin en France, grâce aux soldats et auxcommerçants, grâce aux contacts entre des groupes linguistiques différents mais souventfrontaliers. Ce processus de formation et d’enrichissement très ancien, qui fait de la langue lelieu vivant d’une appropriation des réalités matérielles venus de l’étranger et qui deviennentles nôtres, la vie des tranchées partagée par des hommes aux horizons si différents l’aprodigieusement accéléré.

Pendant cinq longues années, de 1914 à la démobilisation de 1919, les soldats, venus detoutes les régions de France mais aussi des colonies françaises, vivent dans un monde clos,

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coupé de l’arrière, voire de leur pays. Cet autre lieu de vie, ces autres liens sociaux entrainentdes modifications linguistiques très importantes. La langue nouvelle, élaborée dans lestranchées, participe de la création d’un esprit de corps et rend compte des fonctionnements desoldats qui vivent en autonomie tant les billets bleus de permission sont peu fréquents.

Ainsi la tranchée se peuple de mots venus d’ailleurs aux consonances exotiques qui colorentet réchauffent le quotidien. Dans ces trous de boue et d’infortune où la grandeur humaines’englue et où le pire s’accomplit, les hommes tentent de sauver une valeur qui devient à elleseule le paradoxe de la guerre. Les hommes s’entretuent, mais les hommes sont avant tout desfrères, leurs langues le disent. On espère la baraka qui rend plus riche que le flouss, partout onappelle le toubib. Des macache font soudain écho à des chouia, des bicots à des boches, desbardas se déballent, des gourbis se construisent, des bezef viennent remplir les boyaux demisère et donner l’illusion éphémère d’un monde rieur, d’un monde meilleur auquel la nuitoffre son Ramdam

Des cartes postales s’amusent de cette nouvelle langue. Elles présentent pour l’arrière lalangue des poilus comme une langue nouvelle et exotique. Ce phénomène étonne parce que cecode inventé par les soldats pour mieux communiquer, pour mieux se comprendre génère uneincompréhension à l’arrière. Les enfants risquent de ne plus comprendre leurs pères. Leslettres arrivent du front. Elles dévoilent de nouveaux mots propres à évoquer l’expérience deguerre. Ce lexique qui dit avant tout la connivence du front, entre l’avant et l’arrière, entrecivils et combattants envahit le quotidien des spectateurs de la guerre. Il nécessite d’êtretraduit, explicité, répertorié pour être compris et véhiculé. On voit alors naitre des revues quivont relater le vécu des soldats et qui consacrent des rubriques entières aux mots pour laguerre.

De la Grande Guerre, sortie des tranchées boueuses, naît ainsi la langue orale du XXèmesiècle. La langue a ce pouvoir de conserver vivante l’histoire des hommes, celle de leursrencontres, celle de leur guerre perçue d’un point de vue linguistique comme un formidablebrassage d’hommes venus de tous les horizons sociaux et géographiques, d’hommes qui sansla guerre n’auraient jamais rien su de la vie des autres. Source de vie intense et d’énergienouvelle, la gouaille semble en verve et le langage du titi parisien se mélange avec facondeaux différents parlers régionaux et même étrangers qui lui répondent. Une nouvelle languejaillit des tranchées, plus verte, plus insoumise et baptise les mots du soldat de nouveauxnoms. Des maux de la Guerre aux mots pour la dire, des maux des uns aux mots des autres, lalangue se transforme jusqu’à faire naître un langage neuf parlé par des frères. »

Nous avons donc choisi de commémorer la guerre pour célébrer la paix et d’explorer lespistes du fichier « La Guerre comme écriture de la fraternité » présenté dans la mallettepédagogique « Lire, dire, écrire et jouer la Grande Guerre» http://www.ecoledeslettres.fr/actualites/wp-content/uploads/2014/11/6-La-Guerre-comme-ecriture-de-a-fraternite.pdf

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Comment commémorer ?

La Guerre comme écriture de la Fraternité

L’objectif final était d’arriver à produire

un spectacle francophone

écrit et joué par les élèves

autour de ce thème

Une performance collective :

PHASE 1 : Atelier de contextualisation. Lecture et appropriation du fichier parles élèves.

Pistes : réflexion autour des décors et costumes pour le spectacle

PHASE 2 : Ateliers de lecture / écriture

Pour l’atteindre, il nous a paru essentiel de commencer à initier les élèves à l’écriturethéâtrale. Nous avons donc mis en œuvre des ateliers de lecture et d’écriture théâtrale. Afinde motiver les élèves et les amener à échanger autour de leurs productions, nous avonsorganisé un concours autour de la proposition d’écriture présente dans le fichier : Ecrire unescène de fraternisation (http://www.ecoledeslettres.fr/actualites/wp-content/uploads/2014/11/6-La-Guerre-comme-ecriture-de-a-fraternite.pdf)

Il s’agit de transposer au théâtre un texte extrait de Cris de Laurent Gaudé.

PHASE 2 : Ateliers de mise en jeu des scènes écrites

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Les différentes classes qui avaient participé à ce projet sont venues présenter la scène qu’ilsavaient écrite et mise en jeu. Les élèves ont ainsi pu assister à douze versions différentesélaborées à partir d’une seule et même proposition (le temps de scène était limité à (5 minuteset la contrainte imposait de jouer en costumes mais sans décor).

Ce travail revêt plusieurs aspects très intéressants car productifs. Il permet au public d’êtreconcerné et actif : les élèves avaient tous travaillé dans le même sens, selon les mêmescontraintes et enjeux, et ils étaient tous juges, avec leurs professeurs, des travaux présentés (àpartir d’une grille de critère qu’ils avaient établie et validé en petit groupe puis diffusée).

PHASE 3 : Sélection des meilleures scènes. Annonce des résultats. Rejeu.

Le professeurs, accompagnés de quelques élèves, ont eu à élire les meilleurs travauxd’écriture.

Les élèves ont voté pour différents critères qui les ont amenés à élire la meilleure prestationscénique.

PHASE 4 : Vers un spectacle : Proposition d’une trame pour une performancecollective.

Les scènes sélectionnées serviront de pivot à un spectacle écrit autour du thème. Chaque classe repart préparer la pierre qu’elle viendra poser à la production finale.

Les élèves répartis en différents ateliers de création artistique autour des propositions dela mallette pédagogique travaillent afin de nourrir le spectacle (mise en scène, chorégraphie, arts plastiques, création de décors, bande son, HDA etc…)

PHASE 5 : PERFORMANCE COLLECTIVE :

Mosaïque de toutes les propositions mises bout à bout

FRERES EN GUERRE  

FRERES SANG GUERRE

FRERES SANS GUERRE

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Proposition de cadrage

Trois dominantes

Approche transversale

Aboutissement

Histoire Français

Théâtre

Arts plastiques

Histoire desArts

Réalisation théâtrale

Contextualisation

A partir d’uneréflexion sur les

décors etcostumeq

Écriture desaynètes

théâtrales àpartir d’un

cadre

cf fichiermallette

pédagogique

Production decréations

artistiques pourillustrer lethème et

s’inscrire dansle spectacle lors

de laperformance

Les travaux sélectionnésviennent s’inscrire dans le

spectacle

Réalisation d’un spectacleConcours decostume

Concoursd’écriture

Concours deréalisations

Performance théâtrale collective

Représentation à partir de toutes les productions abouties

Outil : Mallette pédagogique LA GRANDE GUERRE DANS TOUS SESETATS

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ILLUSTRATION : deux des scènes écrites par les élèves :

Premier prix de la sélection 2015 : 

Texte produit par les élèves de la délégation de Ain Chok,  Lycée Othman ibn Affane 

Des bruits  de canons trouent  l’atmosphère.  Deux voix  indistinctes hurlent    « ATIFALA »d’autres répondent en écho « OLALA »,  dans une sorte de fondu enchainé vocal, les bruits seconfondent, pour devenir une longue plainte « oh, là, là… oh, là, là…oh, là, là… »

Miloud : Il faut tenir Kam ‘rad, nous ne sommes pas des soldats nous ! Nous sommes des hommes. Passe tes bras de mon cou, mon frère, il faut t’accrocher. Miloud est là qui t’emmène avec lui. 

Bardamu : Ah ! Frère d’armes ! Brave PCDF (un rire organique) je n’ai plus de force ! Je mesens partir ! Mon corps saigne de partout, mon âme aussi.

Miloud : Tu souffres Khouya je le sais, je le sens. Mais tu dois tenir encore. Ne crains rien, jene t’abandonne pas. Tu es mon frère.

Bardamu : Je sens la faucheuse … Des voix de sirènes me chuchotent à l’oreille, comme si laterre me berçait avant de m’accueillir en son ventre (même rire organique).

Miloud : Tiens, bois un peu de thé, Sens­tu son odeur sublime ! Ah ! La menthe, l’amante…  Regarde au loin ses courbes, ses seins devenus montagnes, on dirait celle de mon pays… elle a  la majesté de l’Atlas. Sens­tu les oranges qu’elle porte, les fleurs à sa bouche, le jasmin dans ses cheveux ! Bois aux  fraîches rivières où la belle Fatma remplit les cruches.

Bardamu : Cet homme qui me porte, j’ai oublié son nom…  Je n’ai plus de force pour lui répondre. Mais je rêve ! Je rêve avec lui et mon rêve est délicieux ! Et Je voudrais dormir ! Et cette femme qui m’accueille est si douce.

Miloud (sentant Bardamu lui échapper, avec l’accent du bled, un accent exgéré) : Tiens bon ! Le tabor est robuste, jamais il coupe cabèche !

Dans ma bouche, dans mes narines ce goût de caoua que préparait si bien ma moulière. Nous allons le siroter ensemble avec une bonne bouffarde. Hein ! 

N’est­ce­pas ! Tu seras bercé comme un caïd dans mon bled, juste ne t’en va pas !

Te sauver la vie, Khouya, c’est un peu me sauver moi­même

Bardamu : (sombrant  dans le délire) 

                       Où est ma Rosalie ? Ma Fatma rose ? Ma Rose arti ? Mon Artiflose ? Artifala ? ATIFALA ? 

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Miloud : (Répond)    Oh ! Là ! Las ! (le oh là là devient une chanson douce, reprise en chœurpar les soldats du champ, qui accompagne les soldats à la tranchée)

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Coup de cœur  de la sélection 2015 : 

Texte produit par les élèves de première L du Lycée Lyautey 

LAURENT : Un grand chaos dans ma tête, obscurité, violence...RACHID: Tu te demandes où tu vas et qui te parle. Je suis Rachid, camarade. Je t’ai vu camarade, dans les champs rouges des hommes qui dorment sans se réveiller.LAURENT: Tu parles du sommeil de la mort ?RACHID : J’ai tiré une balle, puis tu as tiré l’autre et j’ai encore tiré, nous sommes frères, nous ne nous connaissons pas mais nous sommes frères.LAURENT: Dis, la guerre, elle est finie hein…RACHID : Tu n’es plus sur le champ des morts khouya, tu es ailleurs ... Loin des charniers, des flaques de peinture rouge, des boutons argentés qui s’étiolent en corps fatigués et meurtris.Reste avec moi. Nta ghadi m’aya… Je ne t’abandonnerai pas. Je te porterai jusqu’au bout. Laisse ton corps partir à la dérive. Ce corps que la guerre a fait flotter, celui qu'elle a porté jusqu’au rivage. Voici qu’une grande vague l’a déposé à l’embouchure de l’ouedLAURENT: Il y a comme un vent chaud, un vent qui nous étouffe RachidRACHID: Il ne nous étouffe pas, camarade ... Voilà qu'un vent de chergui souffle sur cet espace haut en couleur, un vent oriental, velouté ... Tu le sens camarade ? Ferme les yeux, je t'emmène loin d'ici. Un endroit où le chergui aspire plus qu’il ne souffle, se donnant l’air de sortir du sol. Arbres, buissons, baies grésillent, se réduisent et rendent ainsi leur ultime rançon, trésors ignorés...LAURENT : Je vois des soldats qui courent...RACHID: ...Ce sont les enfants qui jouent au footLAURENT: J'entends un bruit d'artillerie...RACHID: ...C’est la fantasia qui se prépare camaradeLAURENT: Une longue plainte agonisante...RACHID: ...Ce sont les bruits de la moquéeLAURENT: Je sens une odeur de sang...RACHID: ... c’est le boucher du quartier.LAURENT (repart dans sa douleur) : Un grand chaos dans ma tête, obscurité, violence. Mon corps n’est plus qu’une crampe immense.RACHID: Tiens bon, tiens bon, la guerre est si loin de toi mon frère.LAURENT: Peut-être, mais l'air pue encore.

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RACHID: Pourtant, la nuit est belle, pense aux étoiles.LAURENT: Voilà que cette putain de guerre nous sauve…(Il meurt)LAURENT: Voilà qu’elle nous fait renaitre... De frères d’armes nous voici frèresde sang. Elle me laisse seul, ici, avec ton âme, moi qui ai déjà perdu la mienne. NOIR

Quelques créations artistiques qui serviront de décor (projetés en fond de scène, ouredimensionnés) :

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